• Au Mexique, le coronavirus tue dans les usines - Coronavirus - Le Télégramme
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    Ciudad Juarez, au Mexique.
    Luis Torres/EPA

    Des milliers d’ouvriers continuent de travailler dans des usines au Mexique, malgré la pandémie de Covid-19. La liste des décès s’allonge.
    […]
    Syncreon, une usine mexicaine qui répare notamment les distributeurs automatiques de billets de banque destinés aux États-Unis, est l’une des entreprises considérées comme non essentielles pour l’économie mexicaine qui a été appelée à suspendre ses travaux le 30 mars suite à un décret présidentiel.

    « Réservoir de main-d’œuvre bon marché »
    Mais des milliers d’ouvriers du secteur manufacturier mexicain continuent de travailler dans des usines similaires, tout le long de la frontière avec les États-Unis longue de plus de 3 100 km.

    On est loin des mesures prises dans d’autres pays qui ont imposé l’arrêt des usines pour aider à freiner la propagation de l’épidémie.

    À Juárez seulement, parmi les 160 usines les plus importantes de la région, qui emploient quelque 300 000 personnes, « 33 qui se disent vitales pour l’économie, 28 non essentielles et 35 qui le sont partiellement, continuent de fonctionner », a déclaré cette semaine la secrétaire au Travail de Chihuahua, Ana Luisa Herrera. Les autres sont fermées.

    Pour l’heure, au moins 13 ouvriers des usines de Ciudad Juárez sont morts de la maladie Covid-19, selon les autorités locales. Ana Luisa Herrera a assuré avoir pourtant averti le gouvernement fédéral qu’une trentaine d’entreprises ne respectaient pas les consignes et continuaient d’opérer normalement.

    Elle a aussi fait valoir que seuls 18 inspecteurs étaient assignés au contrôle des usines de la région.

    « Les États mexicains du nord vont être les plus touchés par l’épidémie », a mis en garde Hugo López-Gatell, sous-secrétaire à la Santé du gouvernement mexicain. Selon des données officielles, 7 497 cas de coronavirus sont confirmés, pour 650 décès.

    « Nous avons appris l’hospitalisation de certains de nos collaborateurs lors de nos opérations à Ciudad Juárez et le décès regrettable de plusieurs d’entre eux », a reconnu l’usine Lear Corporation, qui produit des sièges pour l’industrie automobile, citée par plusieurs médias locaux.

    « Les détenteurs de capitaux ne se soucient pas de la vie de leurs employés. Ils savent qu’ils ont à disposition un réservoir de main-d’œuvre bon marché », s’insurge Susana Prieto, avocate et défenseure des droits du travail à Ciudad Juárez, dans un entretien avec l’AFP.

    Elle accuse les entreprises d’avoir menti à leurs employés en prétendant qu’elles faisaient partie de la liste de celles encore autorisées à opérer pendant l’épidémie.

    « Psychose générale »
    Cette semaine, des travailleurs de diverses entreprises ont manifesté en exigeant de pouvoir se protéger du coronavirus.

    « Bientôt, les usines vont toutes fermer du fait de la psychose générale et de la nervosité du personnel… Les employés ne veulent tout simplement plus travailler », affirme à l’AFP le représentant à Ciudad Juárez du Conseil National de l’Industrie, Pedro Chavira.

  • Aides-soignants, caissiers, camionneurs... Les gilets jaunes sont devenus les « premiers de tranchée », Jérôme Fourquet et Chloé Morin, 9/4/2020
    https://www.lefigaro.fr/vox/societe/aides-soignants-caissiers-camionneurs-les-gilets-jaunes-sont-devenus-les-pr


    PASCAL GUYOT/AFP

    FIGAROVOX/TRIBUNE - Chloé Morin et Jérôme Fourquet ont recroisé les données des gilets jaunes d’hier et des professions actuellement mobilisées comme « premiers de tranchée ». Ce sont les « Back Row Kids » (« ceux assis au fond de la classe ») qui font vivre aujourd’hui l’ensemble du pays.

    Jérôme Fourquet est directeur du département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’institut de sondages Ifop, et auteur de L’Archipel français (Seuil).

    Chloé Morin est l’ancienne conseillère opinion du Premier ministre de 2012 à 2017. Elle travaille actuellement comme experte associée à la Fondation Jean Jaurès.

    Bien qu’il soit trop tôt pour tirer des enseignements de la pandémie du coronavirus, on peut déjà affirmer qu’elle aura permis de mettre en lumière un contraste frappant que nous avions tous intégré, sans forcément le questionner, entre l’utilité sociale de certains métiers et leur degré de reconnaissance salariale et symbolique. Chauffeurs routiers, livreurs, caissières, magasiniers et caristes, aides-soignantes et infirmières, éboueurs… sont brusquement devenus des héros, alors qu’ils étaient hier encore des rouages invisibles et souvent méprisés de notre économie. Portant l’économie de guerre (sanitaire) à bout de bras, ils recueillent désormais sourires et applaudissements dont un grand nombre de nos concitoyens se montraient fort avares hier.

    Ce sont d’ailleurs souvent - notons-le en passant - des métiers majoritairement féminins qui sont aujourd’hui mobilisés : 97 % des aides à domicile sont des femmes, 90 % des aides-soignants, 87,7 % des infirmières et sages-femmes, 73,5% des vendeurs sont des vendeuses…

    Cette France des « premiers de tranchée » évoque, à première vue, celle des gilets jaunes, ne serait-ce qu’à travers ses figures symboliques : Maxime Nicolle, alias Fly Rider, a occupé les fonctions de chauffeur ou de mécanicien ; Ingrid Levavasseur est aide-soignante ; Éric Drouet est chauffeur routier…

    Il existe une correspondance entre la sociologie des gilets jaunes et celle des « premiers de tranchée ».

    La comparaison du profil sociologique des gilets jaunes établi à partir de données Ifop recueillies en plein cœur du mouvement, avec les données identifiant les travailleurs continuant aujourd’hui à se rendre sur leur lieu de travail, permet d’affiner cette intuition. Comme on peut le constater, il existe une correspondance étroite, bien qu’imparfaite dans certaines professions, entre la sociologie des gilets jaunes et celle des « premiers de tranchée ». Ouvriers, travailleurs indépendants, salariés peu ou pas diplômés étaient ainsi sur-représentés tant chez les gilets jaunes d’hier que chez les actifs aujourd’hui « au front ». Certains milieux professionnels, en revanche, étaient peu mobilisés hier et le sont davantage aujourd’hui : par exemple, les salariés du public (on pense évidemment à tout le secteur médical), ou encore - mais l’on ne dispose pas de statistiques précises - les travailleurs étrangers ou issus d’une immigration récente, souvent mobilisés aujourd’hui (notamment ceux qui travaillent dans la livraison, le gardiennage, la propreté, d’où, et c’en est l’une des raisons, une forte prévalence de l’épidémie en Seine Saint-Denis) mais que l’on voyait bien peu sur les ronds-points hier.


    Chloé Morin

    Bien qu’imparfaite, cette correspondance sociologique n’en est pas moins réelle. Par la force des choses, les « premiers de tranchée » dépassent aujourd’hui largement les gilets jaunes par leur nombre (le double). Mais ce qui frappe, à la lecture des propos tenus par les gilets jaunes dans leurs groupes Facebook et autres posts sur les réseaux sociaux, plus encore que l’identité sociale, c’est l’identification symbolique. Même ceux qui ne sont pas « au front » semblent s’identifier à ces catégories qui portent aujourd’hui l’économie à bout de bras, et semblent voir dans le renversement de la hiérarchie de la considération symbolique imposée temporairement par la crise, une forme de revanche sociale. Les héros d’aujourd’hui constituent ainsi, à leurs yeux, la preuve frappante du rôle central que jouent les invisibles et les soutiers du système dans le fonctionnement de la société. En enfilant leur vêtement de haute visibilité (définition administrative du « gilet jaune ») et en investissant les ronds-points, les travailleurs du back office, pour reprendre une expression de Denis Maillard, s’étaient rappelés aux souvenirs des salariés du front office, exerçant les métiers les plus considérés et valorisés financièrement et symboliquement. En tenant aujourd’hui leur poste en pleine épidémie quand beaucoup de cadres et de managers télétravaillent depuis chez eux (ou depuis leur résidence secondaire), ces travailleurs du back office ont de nouveau acquis une haute visibilité sociale.

    L’économie de confinement constitue la revanche des « Back Row Kids », des derniers de classe.

    Emmanuel Todd insiste à juste titre sur le fait que le niveau de diplôme est depuis une trentaine d’années le nouvel élément structurant les sociétés occidentales et déterminant la place qu’y occupent les individus. Dans la nouvelle stratification éducative résultant de la démocratisation de l’accès au niveau Bac, les moins ou les non diplômés occupent non seulement les emplois les moins rémunérés mais souffrent, en plus, d’une forte dévalorisation culturelle et statutaire. Alors que près de 80 % d’une classe d’âge atteint désormais le niveau Bac, un ouvrier ou un livreur titulaire d’un CAP ne dispose pas aujourd’hui de la même estime de soi qu’il y a trente ans, quand seulement un tiers d’une classe d’âge obtenait le Bac. Le revers de la valorisation et de l’incitation à la poursuite d’études a été une dégradation supplémentaire de l’image des métiers manuels et de ceux qui les occupaient. Dans notre société méritocratique basée sur la détention d’un diplôme, la lutte des classes prend de plus en plus souvent la forme d’une opposition entre ce que Christoph Arnade appelle les Front Row Kids (les bons élèves du premier rang) et les Back Row Kids (les cancres assis au fond de la classe). L’économie de confinement, en mettant le projecteur sur le rôle important joué dans notre société par les salariés peu diplômés, constitue quelque part une réhabilitation de ces Back Row Kids, ou de ceux que sur les forums de discussion du type JeuxVideo.com on appelle les « désco » (pour « déscolarisés »)

    À ce titre, la figure de Didier Raoult - très populaire chez les gilets jaunes d’hier, comme en témoigne une étude Ifop récente - est tout à fait intéressante. Look peu conventionnel, provincial, ancien « élève rebelle » (après un bac littéraire, il s’engagea deux ans dans la marine marchande avant d’entamer des études de médecine), il incarne à lui seul la revanche des « parcours atypiques » - « décrocheur » revendiqué, auquel peuvent s’identifier bon nombre de gilets jaunes ou de « premiers de tranchée » peu diplômés, voire « décrocheurs » - sur une technocratie perçue comme déconnectée et méprisante. Son combat est vu par nombre de gilets jaunes s’exprimant sur les réseaux sociaux comme le miroir du leur, une sorte de revanche du bon sens de « ceux d’en bas » sur une élite par ailleurs largement perçue par l’opinion comme inefficace, n’ayant pas su anticiper la crise, et peinant à la gérer - la polémique autour des masques est ici devenue symptomatique.

    Espérons que cette période ne soit pas un simple « quart d’heure de gloire », et que les #entreprises sachent tirer les conséquences de la période actuelle en termes de dialogue social et de rétribution symbolique et financière. Sinon, il y a fort à parier que bien que leur #sociologie ne se recoupe qu’imparfaitement, leurs causes communes amènent bientôt « premiers de tranchées » d’aujourd’hui et #gilets_jaunes d’hier à porter des revendications communes.

    À lire aussi : Emmanuel Todd et Jérôme Fourquet : « La France au XXIe siècle, #lutte_des_classes ou archipel ? »

    https://seenthis.net/messages/842069

    #lejourdaprès #premiers_de_corvée #travail #conseiller_du_prince #police

  • À quoi sert l’Éducation (Nationale) ? (Brève de formation)

    Entendu en formation de la part d’un responsable hiérarchique :

    Nos élèves ont vocation à devenir des citoyens, des citoyens avec une visée d’employabilité.

    Une phrase qui a choqué les collègues, mais qui ne devrait plus surprendre personne.
    Une phrase représentative de l’air du temps actuel, une phrase qui devrait créer un consensus de bon sens : n’est-ce pas d’ailleurs ce que veulent les parents ? Que le système éducatif permettent aux gosses de s’en sortir ? d’être embauché·es à la fin de leurs études ?

    Une phrase pourtant tellement révélatrice de l’air du temps, où la "citoyenneté" finit par se réduire au salariat.
    Et si cet air du temps fait consensus dans les "partis de gouvernement", on peut reconnaître une chose à J.-M. Blanquer c’est sa cohérence dans la multiplicité des réformes proposées, qui toutes concourent à inscrire dans le marbre ce nouveau paradigme du système scolaire.

    À mettre en lien avec :
    – Les nouveaux programmes de SES ou la programmation de l’impuissance (Jean-Yves Mas et Jean Lawruszenko, Blog Mediapart)
    https://seenthis.net/messages/787391
    – Education : le libéral Institut Montaigne, maître à penser de Macron (Libération)
    https://seenthis.net/messages/776618
    – L’Éducation Nationale et l’“esprit Start-Up” : vers une nation de (micro-)entrepreneurs !
    https://seenthis.net/messages/732666

    • #chair_à_usine

      Pour les descendants des détenteurs du Capital, plus besoin d’Éducation Nationale : les précepteurs feront le job. Et je parle sciemment au masculin car, pour les descendantEs, l’unique planche de salut sera un « beau mariage ». Ou quand le « nouveau » monde renoue avec les bonnes vieilles valeurs d’ancien régime. Mais bon, j’en suis pas plus surpris que ça ...

    • « Ne parlez pas de citoyennes ou de citoyens, ces mots sont inacceptables dans un État de droit. »
      @sombre c’est tout à fait ca et les percepteurs sont recrutés à Saint Cyr pour que filles et garçon apprennent leur place.

      La phase pilote du service national universel (SNU) a été lancée ce dimanche. Ce projet, cher au président Emmanuel Macron, regroupe durant une dizaine de jours 2.000 jeunes de 15 et 16 ans répartis sur 13 départements. Parmi eux, des lycéens, des décrocheurs scolaires, des apprentis ou des élèves en CAP qui sont hébergés dans des « centres SNU » pour participer à plusieurs activités encadrées par 450 adultes. Au programme : réveil à 6h30, levée du drapeau et Marseillaise, avant de participer à des activités sportives, des ateliers d’écriture ou encore des cours de secourisme et d’autodéfense.

      Ce programme doit être généralisé et le SNU rendu obligatoire pour les filles comme pour les garçons d’ici 2026. Une mesure qui a un coût important : 1,5 milliard d’euros, rappelle le site boursorama.com. Une somme qui pourrait varier en fonction des choix qui seront faits après cette première expérimentation, mais la facture du service national universel version Macron pourrait peser lourd dans le budget de l’État. Un coût « assumé » a souligné à plusieurs reprises le président de la République. Gabriel Attal, le secrétaire d’État chargé du projet, estime quant à lui qu’il s’agit là « d’un investissement ».
      Le service national doit permettre d’améliorer la connaissance des enjeux de défense, de sécurité civile et de secourisme pour les jeunes, a souligné le ministre de l’Éducation Jean Michel Blanquer.

      https://www.capital.fr/economie-politique/la-lourde-facture-du-nouveau-service-national-1342445
      #SNU #employabilité des #rien