Au Japon, les attaques d’ours affamés se multiplient
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Après un été exceptionnellement chaud et sec, les ursidés ne trouvent pas assez de glands et de faines pour se nourrir. Ces derniers mois, ils sont de plus en plus nombreux à s’aventurer dans les zones urbaines, parfois même dans la grande banlieue de Tokyo.
Une véritable psychose des attaques d’ours se répand au Japon. Deux cent douze personnes ont été agressées entre avril et novembre dans 193 attaques des puissants mammifères. Six sont décédées, a fait savoir vendredi 1er décembre le ministère de l’environnement. Ce bilan, le plus lourd depuis l’enregistrement de ces données en 2006, est attribué aux évolutions démographiques et climatiques de l’archipel.
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Le #Japon abrite deux espèces d’#ours. Les ours bruns vivent sur la grande île du nord, Hokkaido, et les ours noirs d’Asie sur l’île principale de Honshu et sur celle de Shikoku (Ouest). Après avoir été longtemps chassés, ces mammifères bénéficient depuis 1990 de mesures de protection. Ils commencent à hiberner en novembre ou en décembre, jusqu’en avril ou en mai. Il y aurait près de 15 000 ours dans tout le Japon, selon des données gouvernementales de 2014, les dernières disponibles. Chaque année, plusieurs milliers sont pris dans des pièges ou chassés ; 2 600 l’ont été en avril et en août. Des exercices sont régulièrement organisés pour sensibiliser à l’attitude à tenir si un ours est signalé.
Pour hiberner, les ours doivent avoir accumulé suffisamment de gras par la consommation de glands de chêne japonais (mizunara) et de faines, le fruit du hêtre. Or, l’été a été exceptionnellement chaud et sec dans tout le Japon avec des « températures considérablement supérieures » aux normales de saison, d’après l’Agence japonaise de météorologie. La moyenne de 2023 a dépassé de 1,76 °C les normales habituelles. Jamais l’écart n’avait été si important.
De ce fait, les mizunara et les hêtres n’ont pas donné beaucoup de fruits. Les observations des hêtres réalisées à l’automne par l’Office régional des #forêts du Tohoku (Nord-Est) sur 145 sites des départements du Nord-Est ont révélé une situation inquiétante, classée « récolte ratée » pour la première fois depuis 2019.
Habitués à la présence humaine
Ne trouvant pas suffisamment de nourriture, les ours descendent des montagnes à la recherche de kakis et de châtaignes dans les zones habitées. La désertification des campagnes et le vieillissement des populations font qu’ils ne sont plus chassés ou tenus à l’écart des zones habitées et sont de plus en plus nombreux à s’aventurer dans les secteurs urbains, parfois même dans la grande banlieue de Tokyo.
Les « ours des villes », comme ils sont baptisés, se sont habitués à la présence humaine et n’hésitent plus à rentrer chez les gens pour fouiller dans leurs poubelles en quête de leur pitance. Les risques d’agressions sont dès lors plus élevés. Le 19 octobre, un de ces « ours des villes » a attaqué cinq personnes, dont des lycéens, à un arrêt de bus du centre de la municipalité de Kita-Akita (Nord-Est).
La situation pourrait continuer de s’aggraver. Selon une étude de 2014 du ministère de l’environnement titrée « Impacts du #changement_climatique au Japon - évaluation globale et adaptation selon les derniers scénarios », la superficie des forêts de hêtres diminuera de 25 % d’ici à 2100.
Le #réchauffement perturbe aussi le cycle d’hibernation. « Lorsque l’hiver est plus chaud, les ours peuvent éprouver des difficultés à hiberner car leur température corporelle ne baisse pas suffisamment », explique Hiromi Taguchi, spécialiste des questions environnementales à l’université d’art et de design du Tohoku. « Les ours qui n’ont pas mangé suffisamment et qui n’ont pas pu se préparer à l’hiver peuvent continuer à errer et renoncer à hiberner », ajoute Teruki Oka, directeur de l’Institut de recherche sur les forêts, de la ville de Kochi (Shikoku). Les années passées, des ours ont été aperçus en décembre et en janvier, précise le chercheur.