• Conflit israélo-palestinien : une #chape_de_plomb s’est abattue sur l’université française

    Depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le milieu de la #recherche, en particulier les spécialistes du Proche-Orient, dénonce un climat de « #chasse_aux_sorcières » entretenu par le gouvernement pour toute parole jugée propalestinienne.

    « #Climat_de_peur », « chasse aux sorcières », « délation » : depuis les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, et le déclenchement de l’offensive israélienne sur #Gaza, le malaise est palpable dans une partie de la #communauté_scientifique française, percutée par le conflit israélo-palestinien.

    Un #débat_scientifique serein, à distance des agendas politiques et de la position du gouvernement, est-il encore possible ? Certains chercheurs et chercheuses interrogés ces derniers jours en doutent fortement.

    Dans une tribune publiée sur Mediapart (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/151123/defendre-les-libertes-dexpression-sur-la-palestine-un-enjeu-academiq), 1 400 universitaires, pour beaucoup « spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes », ont interpellé leurs tutelles et collègues « face aux faits graves de #censure et de #répression […] dans l’#espace_public français depuis les événements dramatiques du 7 octobre ».

    Ils et elles assurent subir au sein de leurs universités « des #intimidations, qui se manifestent par l’annulation d’événements scientifiques, ainsi que des entraves à l’expression d’une pensée académique libre ».

    Deux jours après l’attaque du Hamas, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, avait adressé un courrier de mise en garde aux présidents d’université et directeurs d’instituts de recherche.

    Elle y expliquait que, dans un contexte où la France avait « exprimé sa très ferme condamnation ainsi que sa pleine solidarité envers Israël et les Israéliens » après les attaques terroristes du 7 octobre, son ministère avait constaté « de la part d’associations, de collectifs, parfois d’acteurs de nos établissements, des actions et des propos d’une particulière indécence ».

    La ministre leur demandait de « prendre toutes les mesures nécessaires afin de veiller au respect de la loi et des principes républicains » et appelait également à signaler aux procureurs « l’#apologie_du_terrorisme, l’#incitation_à_la_haine, à la violence et à la discrimination ».

    Un message relayé en cascade aux différents niveaux hiérarchiques du CNRS, jusqu’aux unités de recherche, qui ont reçu un courrier le 12 octobre leur indiquant que l’« expression politique, la proclamation d’opinion » ne devaient pas « troubler les conditions normales de travail au sein d’un laboratoire ».

    Censure et #autocensure

    Le ton a été jugé menaçant par nombre de chercheurs et chercheuses puisque étaient évoquées, une fois de plus, la possibilité de « #poursuites_disciplinaires » et la demande faite aux agents de « signaler » tout écart.

    Autant de missives que des universitaires ont interprétées comme un appel à la délation et qu’ils jugent aujourd’hui responsables du « #climat_maccarthyste » qui règne depuis plusieurs semaines sur les campus et dans les laboratoires, où censure et autocensure sont de mise.

    Au point que bon nombre se retiennent de partager leurs analyses et d’exprimer publiquement leur point de vue sur la situation au Proche-Orient. Symbole de la chape de plomb qui pèse sur le monde académique, la plupart de celles et ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ont requis l’anonymat.

    « Cela fait plus de vingt ans que j’interviens dans le #débat_public sur le sujet et c’est la première fois que je me suis autocensurée par peur d’accusations éventuelles », nous confie notamment une chercheuse familière des colonnes des grands journaux nationaux. Une autre décrit « des échanges hyper violents » dans les boucles de mails entre collègues universitaires, empêchant tout débat apaisé et serein. « Même dans les laboratoires et collectifs de travail, tout le monde évite d’évoquer le sujet », ajoute-t-elle.

    « Toute prise de parole qui ne commencerait pas par une dénonciation du caractère terroriste du Hamas et la condamnation de leurs actes est suspecte », ajoute une chercheuse signataire de la tribune des 1 400.

    Au yeux de certains, la qualité des débats universitaires se serait tellement dégradée que la production de connaissance et la capacité de la recherche à éclairer la situation au Proche-Orient s’en trouvent aujourd’hui menacées.

    « La plupart des médias et des responsables politiques sont pris dans un #hyperprésentisme qui fait commencer l’histoire le 7 octobre 2023 et dans une #émotion qui ne considère légitime que la dénonciation, regrette Didier Fassin, anthropologue, professeur au Collège de France, qui n’accepte de s’exprimer sur le sujet que par écrit. Dans ces conditions, toute perspective réellement historique, d’une part, et tout effort pour faire comprendre, d’autre part, se heurtent à la #suspicion. »

    En s’autocensurant, et en refusant de s’exprimer dans les médias, les spécialistes reconnus du Proche-Orient savent pourtant qu’ils laissent le champ libre à ceux qui ne craignent pas les approximations ou les jugements à l’emporte-pièce.

    « C’est très compliqué, les chercheurs établis sont paralysés et s’interdisent de répondre à la presse par crainte d’être renvoyés à des prises de position politiques. Du coup, on laisse les autres parler, ceux qui ne sont pas spécialistes, rapporte un chercheur lui aussi spécialiste du Proche-Orient, qui compte parmi les initiateurs de la pétition. Quant aux jeunes doctorants, au statut précaire, ils s’empêchent complètement d’évoquer le sujet, même en cours. »

    Stéphanie Latte Abdallah, historienne spécialiste de la Palestine, directrice de recherche au CNRS, a été sollicitée par de nombreux médias ces dernières semaines. Au lendemain des attaques du Hamas, elle fait face sur certains plateaux télé à une ambiance électrique, peu propice à la nuance, comme sur Public Sénat, où elle se trouve sous un feu de questions indignées des journalistes, ne comprenant pas qu’elle fasse une distinction entre l’organisation de Daech et celle du Hamas…

    Mises en cause sur les #réseaux_sociaux

    À l’occasion d’un des passages télé de Stéphanie Latte Abdallah, la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, membre du CNRS comme elle, l’a désignée sur le réseau X, où elle est très active, comme membre d’une école de pensée « antisioniste sous couvert de recherche scientifique », allant jusqu’à dénoncer sa « fausse neutralité, vraie détestation d’Israël et des juifs ».

    S’est ensuivi un déluge de propos haineux à connotation souvent raciste, « des commentaires parfois centrés sur mon nom et les projections biographiques qu’ils pouvaient faire à partir de celui-ci », détaille Stéphanie Latte Abdallah, qui considère avoir été « insultée et mise en danger ».

    « Je travaille au Proche-Orient. Cette accusation qui ne se base sur aucun propos particulier, et pour cause (!), est choquante venant d’une collègue qui n’a de plus aucune expertise sur la question israélo-palestinienne et aucune idée de la situation sur le terrain, comme beaucoup de commentateurs, d’ailleurs », précise-t-elle.

    Selon nos informations, un courrier de rappel à l’ordre a été envoyé par la direction du CNRS à Florence Bergeaud-Blackler, coutumière de ce type d’accusations à l’égard de ses collègues via les réseaux sociaux. La direction du CNRS n’a pas souhaité confirmer.

    Commission disciplinaire

    À l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), après la diffusion le 8 octobre d’un communiqué de la section syndicale Solidaires étudiant·e·s qui se prononçait pour un « soutien indéfectible à la lutte du peuple palestinien dans toutes ses modalités et formes de lutte, y compris la lutte armée », la direction a effectué un signalement à la plateforme Pharos, qui traite les contenus illicites en ligne.

    Selon nos informations, une chercheuse du CNRS qui a relayé ce communiqué sur une liste de discussion interne, en y apportant dans un premier temps son soutien, est aujourd’hui sous le coup d’une procédure disciplinaire. Le fait qu’elle ait condamné les massacres de civils dans deux messages suivants et pris ses distances avec le communiqué de Solidaires étudiant·e·s n’y a rien fait. Une « commission paritaire » – disciplinaire en réalité – sur son cas est d’ores et déjà programmée.

    « Il s’agit d’une liste intitulée “opinions” où l’on débat habituellement de beaucoup de sujets politiques de façon très libre », nous précise un chercheur qui déplore le climat de suspicion généralisée qui s’est installé depuis quelques semaines.

    D’autres rappellent l’importance de la chronologie puisque, le 8 octobre, l’ampleur des crimes contre les civils perpétrés par le Hamas n’était pas connue. Elle le sera dès le lendemain, à mesure que l’armée israélienne reprend le contrôle des localités attaquées.

    Autre cas emblématique du climat inhabituellement agité qui secoue le monde universitaire ces derniers jours, celui d’un enseignant-chercheur spécialiste du Moyen-Orient dénoncé par une collègue pour une publication postée sur sa page Facebook privée. Au matin du 7 octobre, Nourdine* (prénom d’emprunt) poste sur son compte une photo de parapentes de loisir multicolores, assortie de trois drapeaux palestiniens et trois émoticônes de poing levé. Il modifie aussi sa photo de couverture avec une illustration de Handala, personnage fictif et icône de la résistance palestinienne, pilotant un parapente.

    À mesure que la presse internationale se fait l’écho des massacres de civils israéliens auxquels ont servi des ULM, que les combattants du Hamas ont utilisés pour franchir la barrière qui encercle la bande de Gaza et la sépare d’Israël, le chercheur prend conscience que son post Facebook risque de passer pour une célébration sordide des crimes du Hamas. Il le supprime moins de vingt-quatre heures après sa publication. « Au moment où je fais ce post, on n’avait pas encore la connaissance de l’étendue des horreurs commises par le Hamas, se défend-il. Si c’était à refaire, évidemment que je n’aurais pas publié ça, j’ai été pétri de culpabilité. »

    Trop tard pour les regrets. Quatre jours après la suppression de la publication, la direction du CNRS, dont il est membre, est destinataire d’un mail de dénonciation. Rédigé par l’une de ses consœurs, le courrier relate le contenu du post Facebook, joint deux captures d’écran du compte privé de Nourdine et dénonce un « soutien enthousiaste à un massacre de masse de civils ».

    Elle conclut son mail en réclamant « une réaction qui soit à la mesure de ces actes et des conséquences qu’ils emportent », évoquant des faits pouvant relever de « l’apologie du terrorisme » et susceptibles d’entacher la réputation du CNRS.

    On est habitués à passer sur le gril de l’islamo-gauchisme et aux attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues.

    Nourdine, chercheur

    Lucide sur la gravité des accusations portées à son égard, Nourdine se dit « démoli ». Son état de santé préoccupe la médecine du travail, qui le met en arrêt et lui prescrit des anxiolytiques. Finalement, la direction de l’université où il enseigne décide de ne prendre aucune sanction contre lui.

    Également directeur adjoint d’un groupe de recherche rattaché au CNRS, il est néanmoins pressé par sa hiérarchie de se mettre en retrait de ses fonctions, ce qu’il accepte. Certaines sources universitaires affirment que le CNRS avait lui-même été mis sous pression par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour sanctionner Nourdine.

    Le chercheur regrette des « pratiques vichyssoises » et inédites dans le monde universitaire, habitué aux discussions ouvertes même lorsque les débats sont vifs et les désaccords profonds. « Des collègues interloqués par mon post m’ont écrit pour me demander des explications. On en a discuté et je me suis expliqué. Mais la collègue qui a rédigé la lettre de délation n’a prévenu personne, n’a pas cherché d’explications auprès de moi. Ce qui lui importait, c’était que je sois sanctionné », tranche Nourdine. « On est habitués à passer sur le gril de l’#islamo-gauchisme et aux #attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues », finit-il par lâcher, amer.

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    Sciences Po en butte aux tensions

    Ce mardi 21 novembre, une manifestation des étudiants de Sciences Po en soutien à la cause palestinienne a été organisée rue Saint-Guillaume. Il s’agissait aussi de dénoncer la « censure » que subiraient les étudiants ayant trop bruyamment soutenu la cause palestinienne.

    Comme l’a raconté L’Obs, Sciences Po est confronté à de fortes tensions entre étudiants depuis les attaques du Hamas du 7 octobre. Le campus de Menton, spécialisé sur le Proche-Orient, est particulièrement en ébullition.

    Une boucle WhatsApp des « Students for Justice in Palestine », créée par un petit groupe d’étudiants, est notamment en cause. L’offensive du Hamas y a notamment été qualifiée de « résistance justifiée » et certains messages ont été dénoncés comme ayant des relents antisémites. Selon l’hebdomadaire, plusieurs étudiants juifs ont ainsi dit leur malaise à venir sur le campus ces derniers jours, tant le climat y était tendu. La direction a donc convoqué un certain nombre d’étudiants pour les rappeler à l’ordre.

    Lors d’un blocus sur le site de Menton, 66 étudiants ont été verbalisés pour participation à une manifestation interdite.

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    En dehors des cas particuliers précités, nombre d’universitaires interrogés estiment que le climat actuel démontre que le #monde_académique n’a pas su résister aux coups de boutoir politiques.

    « Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit », retrace Didier Fassin. « On l’avait vu, sous la présidence actuelle, avec les accusations d’islamo-gauchisme contre les chercheuses et chercheurs travaillant sur les discriminations raciales ou religieuses. On l’avait vu, sous les deux présidences précédentes, avec l’idée qu’expliquer c’est déjà vouloir excuser », rappelle-t-il en référence aux propos de Manuel Valls, premier ministre durant le quinquennat Hollande, qui déclarait au sujet de l’analyse sociale et culturelle de la violence terroriste : « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. »

    « Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre d’entre nous, nous continuons à essayer de nous exprimer, à la fois parce que nous croyons que la démocratie de la pensée doit être défendue et surtout parce que la situation est aujourd’hui trop grave dans les territoires palestiniens pour que le silence nous semble tolérable », affirme Didier Fassin.

    Contactée, la direction du #CNRS nous a répondu qu’elle ne souhaitait pas s’exprimer sur les cas particuliers. « Il n’y a pas à notre connaissance de climat de délation ou des faits graves de censure. Le CNRS reste très attaché à la liberté académique des scientifiques qu’il défend depuis toujours », nous a-t-elle assuré.

    Une répression qui touche aussi les syndicats

    À la fac, les syndicats sont aussi l’objet du soupçon, au point parfois d’écoper de sanctions. Le 20 octobre, la section CGT de l’université Savoie-Mont-Blanc (USMB) apprend sa suspension à titre conservatoire de la liste de diffusion mail des personnels, par décision du président de l’établissement, Philippe Galez. En cause : l’envoi d’un message relayant un appel à manifester devant la préfecture de Savoie afin de réclamer un cessez-le-feu au Proche-Orient et dénonçant notamment « la dérive ultra-sécuritaire de droite et d’extrême droite en Israël et la politique de nettoyage ethnique menée contre les Palestiniens ».

    La présidence de l’université, justifiant sa décision, estime que le contenu de ce message « dépasse largement le cadre de l’exercice syndical » et brandit un « risque de trouble au bon fonctionnement de l’établissement ». La manifestation concernée avait par ailleurs été interdite par la préfecture, qui invoquait notamment dans son arrêté la présence dans un rassemblement précédent « de nombreux membres issus de la communauté musulmane et d’individus liés à l’extrême gauche et ultragauche ».

    La section CGT de l’USMB n’a pas tardé à répliquer par l’envoi à la ministre Sylvie Retailleau d’un courrier, depuis resté lettre morte, dénonçant « une atteinte aux libertés syndicales ». La lettre invite par ailleurs le président de l’établissement à se plier aux consignes du ministère et à effectuer un signalement au procureur, s’il estimait que « [le] syndicat aurait “troublé le bon fonctionnement de l’établissement” ». Si ce n’est pas le cas, « la répression syndicale qui s’abat sur la CGT doit cesser immédiatement », tranche le courrier.

    « Cette suspension vient frontalement heurter la #liberté_universitaire, s’indigne Guillaume Defrance, secrétaire de la section CGT de l’USMB. C’est la fin d’un fonctionnement, si on ne peut plus discuter de manière apaisée. »

    Le syndicat dénonce également l’attitude de Philippe Galez, qui « veut désormais réguler l’information syndicale à l’USMB à l’aune de son jugement ». Peu de temps après l’annonce de la suspension de la CGT, Philippe Galez a soumis à l’ensemble des organisations syndicales un nouveau règlement relatif à l’utilisation des listes de diffusion mail. Le texte limite l’expression syndicale à la diffusion « d’informations d’origine syndicale ou à des fins de communication électorale ». Contacté par nos soins, le président de l’USMB nous a indiqué réserver dans un premier temps ses « réponses et explications aux organisations syndicales et aux personnels de [son] établissement ».

    Interrogé par Mediapart, le cabinet de Sylvie Retailleau répond que le ministère reste « attaché à la #liberté_d’expression et notamment aux libertés académiques : on ne juge pas des opinions. Il y a simplement des propos qui sont contraires à la loi ».

    Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fait état de « quelques dizaines de cas remontés au ministère ». Il reconnaît que des événements ont pu être annulés pour ne pas créer de #trouble_à_l’ordre_public dans le climat actuel. « Ils pourront avoir lieu plus tard, quand le climat sera plus serein », assure l’entourage de la ministre.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/211123/conflit-israelo-palestinien-une-chape-de-plomb-s-est-abattue-sur-l-univers
    #université #Israël #Palestine #France #7_octobre_2023 #délation #ESR

  • La professeure Lieutenant-Duval soutient qu’elle ignorait le caractère délicat du mot en n Boris Proulx et Étienne Lajoie - Le Devoir
    https://www.ledevoir.com/societe/751533/la-professeure-lieutenant-duval-plaide-qu-elle-ignorait-la-sensibilite-du-

    Faute de suivre l’actualité, la chargée de cours Verushka Lieutenant-Duval n’était pas au courant du caractère délicat du mot en n avant de le mentionner en classe en septembre 2020, dit-elle. L’Université d’Ottawa l’a ensuite prestement suspendue sans prendre la peine de visionner l’enregistrement de la discussion.

    « J’étais concentrée sur mon objet d’étude. Je n’écoute pas la télévision. J’écoute la radio, mais je ne suis pas les réseaux sociaux. Je n’ai pas d’enfant, donc je ne suis pas trop au courant de ce qui se passe chez les jeunes. […] Je suis dans un milieu fermé, dans ma petite bulle », s’est défendue Mme Lieutenant-Duval mercredi.


    Archives iStockphoto Des étudiants sur le campus de l’Université d’Ottawa

    Elle comparaissait lors d’une séance publique d’arbitrage organisée dans le sous-sol d’un hôtel de la capitale fédérale. Les six journalistes présents à la séance étaient tous francophones.

    La professeure à temps partiel — il s’agit du titre donné aux chargés de cours en Ontario — a déposé deux griefs contre l’Université d’Ottawa en raison des commentaires formulés par l’établissement et la suspension qu’on lui a imposée.

    « Je suis sincère quand je dis ça, je ne savais pas », a-t-elle répété, soulignant que son milieu, en français, « n’avait pas l’habitude de censurer certains mots ».

    La chargée de cours et étudiante au doctorat de 45 ans a notamment raconté son parcours universitaire sans faute, où elle a cumulé les succès jusqu’à ce qu’elle prononce en entier — et en anglais — le mot en n, qui, en rendant certains étudiants mal à l’aise et en provoquant un scandale, compromet maintenant son rêve de décrocher un véritable poste de professeure d’université.

    Les événements se sont rapidement bousculés entre cette première déclamation du mot honni, lors du deuxième cours de la session d’automne 2020 sur la plateforme Zoom, le 23 septembre, et sa suspension avec solde le 2 octobre. Entre-temps, la professeure avait envoyé un courriel d’excuses à une étudiante choquée par ses propos et avait suggéré d’avoir une discussion approfondie concernant l’utilisation du mot lors du cours suivant, le 30 septembre.

    Critiquée sans avoir fourni sa version des faits  
    Au moment de la suspension, une seule plainte officielle avait été déposée par une étudiante, en plus d’une dénonciation sur Twitter par une autre. La professeure a été critiquée pour avoir dit que d’autres professeurs blancs faisaient usage du mot.

    Cette défense a choqué au moins 6 étudiants sur les 47 inscrits au cours, dont les deux premières dénonciatrices. Ils ont cosigné une déclaration à la faculté selon laquelle ils se sentaient « inconfortables » et « en danger » en cas de retour en classe de Mme Lieutenant-Duval après sa suspension.

    Bien que la discussion du 30 septembre sur Zoom fût enregistrée, l’Université d’Ottawa n’a jamais cru bon faire la demande des fichiers vidéo pour les examiner avant dimanche dernier. L’enregistrement, diffusé lors de l’audience publique d’arbitrage, témoigne d’un débat d’idées bref et poli sur la question de la pertinence de l’utilisation du mot en n dans un contexte pédagogique.

    Après la publication d’un article sur l’affaire dans le journal étudiant anglophone de l’Université d’Ottawa, cette dernière a publiquement dénoncé le choix de mots de Mme Lieutenant-Duval, le qualifiant de « langage offensant et complètement inacceptable dans nos salles de classe et sur le campus », et ce, avant même d’avoir obtenu sa version des faits.

    « Je n’en crois pas mes yeux, j’ai l’impression d’être dans un cauchemar, je n’ai pas l’impression d’être au Canada. […] Encore aujourd’hui, je n’arrive pas à comprendre pourquoi on ne m’a pas, au minimum, appelée pour me demander [ce qui s’est passé] », a indiqué la professeure.

    Avant même le début de la session universitaire, Verushka Lieutenant-Duval avait écrit dans son plan de cours que des sujets délicats allaient être abordés en classe, a-t-elle raconté mercredi.
     
    Elle avait invité ses étudiants à s’exprimer en cas de malaise, et avait même annulé la première séance pour permettre à ses étudiants de participer à une manifestation de Black Lives Matters qui tombait ce jour-là.

    Elle a détaillé devant l’arbitre Michelle Flaherty et les avocats de l’Université d’Ottawa comment, dans un cours sur le sujet de la représentation du genre dans les arts visuels, elle a voulu expliquer la réappropriation de certains mots, comme « queer ». Elle dit avoir fait la comparaison avec le mot en n, comme l’avait fait un chercheur dont elle a demandé de taire le nom « parce qu’il n’a pas encore été victime de la culture de l’annulation ».

    « Rectifier les faits »
    Il s’agissait de la deuxième journée de plaidoirie dans le dossier. Lundi, l’Université a maintenu qu’elle n’avait pas porté atteinte à la liberté universitaire.

    Deux griefs ont été déposés par la professeure Lieutenant-Duval. Dans le premier, elle soutient avoir été condamnée par l’établissement postsecondaire de façon prématurée, sans qu’une enquête soit faite. Le second porte sur des commentaires faits par l’établissement et son recteur, Jacques Frémont.

    L’objectif de ses démarches est d’obtenir une compensation financière pour « les souffrances » qu’elle a subies, en plus d’une « rectification des faits » qui lui permettrait de continuer sa carrière universitaire.

    D’après Luc Angers, le vice-président de la mobilisation des membres de l’Association des professeurs et professeures à temps partiel de l’Université d’Ottawa (APTPUO), les griefs ont une « importance capitale ».

    Tant devant le comité d’arbitrage que par voie de communiqué en novembre 2020, l’Université soutient que Verushka Lieutenant-Duval, qui est actuellement chargée de cours à l’UQAM et à l’Université de Sherbrooke, « n’a jamais été suspendue à des fins disciplinaires » et qu’elle avait plutôt été suspendue de manière administrative, avec salaire, pendant une journée ouvrable.

    « L’Université d’Ottawa a été en mesure d’envoyer un communiqué de presse au journal étudiant, de répondre aux courriels des étudiants condamnant la professeure en question avant même de lui avoir parlé. Après, l’Université a laissé croire qu’elle avait contribué à la tempête médiatique », a dénoncé l’avocat de l’APTPUO, Wassim Garzouzi, qui représente Mme Lieutenant-Duval.

    Les événements entourant la suspension de la professeure — en plus des commentaires sur les réseaux sociaux de son collègue Amir Attaran — ont mené à la formation en avril 2021 d’un comité sur la liberté universitaire à l’Université d’Ottawa. Dans un rapport d’une quarantaine de pages déposé en novembre dernier, le comité avait déclaré ne pas être favorable « à la censure institutionnelle ni à l’autocensure quand elle est susceptible de compromettre la diffusion des savoirs ».

    Les parties devraient être de retour devant l’arbitre au plus tard le 1er décembre.

    #violences et #débilité dans les #universités du #canada à #ottawa #censure #autocensure #savoirs #harcèlement #chasse_aux_sorcières pseudo #antiracisme #art_négre #réseaux_sociaux

    • Pour se re faire une virginité suite aux massacres des peuples autochtones qu’elle n’a jamais vu, l’université canadienne va réhabiliter les bûchers, de préférence pour les femmes, en cas d’utilisation du mot « nègre » , le mot en N. interdit.

    • Des professeurs de l’Université Laval dénoncent des « abus » des comités d’éthique Anne-Marie Provost
      - Le Devoir

      https://www.ledevoir.com/societe/education/753498/universite-laval-des-professeurs-denoncent-des-abus-des-comites-d-ethique

      Des dizaines de professeurs de l’Université Laval (UL) affirment être victimes de restrictions abusives de la part des Comités d’éthique de la recherche de l’Université Laval (CERUL). Ils dénoncent devoir attendre très longtemps avant d’avoir le feu vert pour mener leurs projets de recherche, et estiment que l’approche « rigide et tatillonne » nuit aux possibilités de découverte, à l’avancement des connaissances, à la créativité et à la liberté universitaire.

      « Le désarroi des collègues, il est criant, laisse tomber Madeleine Pastinelli, responsable du dossier au Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL). Les comités iraient plus loin que ce que les règles demandent, et tout ce qui est original comme approche serait susceptible de coincer lors de l’évaluation éthique. »

      Le syndicat, qui représente près de 1300 professeurs, a mené une consultation récemment sur le sujet après avoir noté une hausse des plaintes dans les deux dernières années. Plus de 50 professeurs et directeurs de centres de recherche et de départements ont décrit de façon détaillée les embûches qu’ils vivent, dans un rapport qui fait état d’une situation « particulièrement alarmante et problématique ».

      Les professeurs et les étudiants des cycles supérieurs doivent déposer une demande à un CERUL quand leur recherche implique, par exemple, des sorties sur le terrain, la tenue d’entrevues ou l’utilisation d’animaux. Ces comités évaluent la méthodologie et appliquent les lois et cadres réglementaires en matière d’éthique, dans le but que soit atteint un équilibre entre les avantages de la recherche et la protection des participants.

      « Ce qui se dégage des témoignages, c’est que les comités éthiques semblent particulièrement tatillons et rigides, détaille Madeleine Pastinelli. Comme s’ils étaient dans une démarche qui visait uniquement à mettre l’université à l’abri de toute procédure. » Certains renoncent à des approches « qui sont pourtant reconnues comme scientifiquement valables, pertinentes, importantes et tout à fait acceptables sur le plan éthique ».

      Dans le rapport, une chercheuse rapporte avoir vu son projet de recherche bloqué parce qu’il comportait « des éléments qui pourraient causer des réactions politiques et pourraient nuire à l’image de l’Université Laval ». Presque tous ceux qui ont témoigné ont demandé l’anonymat, de peur que leurs confidences nuisent à leurs projets de recherche ainsi qu’à ceux de leurs étudiants.

      Denis Jeffrey, professeur titulaire et directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante, a été le seul à accepter de témoigner à visage découvert au Devoir . Il rencontre des problèmes pour la recherche sur le terrain, a-t-il expliqué dans un échange de courriels alors qu’il se trouvait à l’extérieur du pays.

      « On leur demande [aux comités] de jouer le jeu de douaniers scrupuleux. Et plusieurs jouent ce rôle sans distance critique », dénonce-t-il. Au point où il oriente ses étudiants vers des recherches sans terrain.

      Le fédéral interpellé
      Le SPUL a envoyé une lettre fin août aux présidents des trois conseils subventionnaires du gouvernement fédéral, responsables de l’Énoncé de politique qui balise le travail des comités d’éthique des universités, ainsi qu’aux directions des Fonds de recherche du Québec (FRQ).

      « Ce qu’on espère, c’est qu’ils interviennent en faisant un rappel à l’ordre », souligne Madeleine Pastinelli.

      Contactés par Le Devoir , les FRQ ont indiqué ne pas avoir de commentaires à faire, mais suivre le dossier de près. Les organismes fédéraux répondront quant à eux au syndicat dans les prochaines semaines.

      De son côté, une porte-parole a indiqué que l’UL était ouverte « au dialogue avec toutes les parties prenantes » et qu’elle accordait au rapport « toute l’attention nécessaire ». Les membres des comités « disposent des formations nécessaires au bon exercice de leurs fonctions », souligne Andrée-Anne Stewart.

      Elle rappelle que les CERUL sont dirigés par des professeurs actifs en recherche, et que plusieurs autres participent aux comités en tant que membres scientifiques.
       
      « L’application des règles éthiques est donc en grande partie entre les mains de professeurs, qui sont appuyés dans leurs tâches par un personnel administratif compétent et professionnel », dit-elle.

      #restrictions #éthique #conformisme #contrôle #Recherche #contrôle des #chercheurs et des #chercheuses #Quebec #censure

  • En #Allemagne, la lutte contre l’antisémitisme tourne à la #chasse_aux_sorcières - Ben Ratskoff
    https://orientxxi.info/magazine/en-allemagne-la-lutte-contre-l-antisemitisme-tourne-a-la-chasse-aux-sorc

    Certains journalistes et intellectuels sont la cible de vives campagnes en Allemagne contre leur #antisémitisme supposé. Mais outre l’#islamophobie débridée que ces dénonciations médiatiques révèlent, ce sont en réalité des voix critiques d’Israël, y compris juives et israéliennes, qui se retrouvent ainsi clouées au pilori.

    #censure

  • Atles de la cacera de bruixes

    L’Atles de la cacera de bruixes és el web més complet que existeix sobre els judicis per bruixeria celebrats als segles XV-XVIII a Catalunya i Andorra, on es mostren per primer cop els esdeveniments, els anys i els llocs on van succeir, així com les persones i institucions que hi van participar. Aquest atles històric conté un mapa interactiu i un cens del total de persones, dones i homes, jutjades per crim de bruixeria al nostre país. La informació ha estat extreta de la base de dades, encara inèdita, confeccionada al llarg dels darrers deu anys per l’historiador Pau Castell Granados (IRCVM-UB).

    El web (concepte, mapa, interactius i textos) ha estat realitzat per Caterina Úbeda i Sandra Lleida, amb la col·laboració i l’assessorament de Pau Castell, autor de les fitxes d’Andorra.
    El mapa

    L’atles conté un mapa interactiu sobre la cacera de bruixes: hi hem geolocalitzat els municipis d’origen o de residència de les persones jutjades per crim de bruixeria. Quan en desconeixem el lloc de procedència, geolocalitzem el lloc on es va produir el judici.

    També hi trobareu els espais d’aplec diabòlic, els endevinaires (caçadors de bruixes) i els judicis de la Inquisició de Barcelona, per diferenciar-los de la resta, que van ser realitzats, tots, per tribunals seglars.

    https://www.youtube.com/watch?v=V7JV0Q4GbnI


    https://www.sapiens.cat/cacera-bruixes.html

    #sorcières #sorcellerie #cartographie #visualisation #histoire #mémoire #inquisition #Espagne #chasse_aux_sorcières #Catalogne #Andorre #carte_interactive

  • Podcast audio Au terrible temps des sorcières RTS - Histoire Vivante

    Comment en est-on venu, en Suisse, à tuer en toute légalité des milliers de personnes pour des crimes imaginaires ? Dans le podcast "Au terrible temps des sorcières", fruit d’une enquête de plus de trois ans, Cyril Dépraz, journaliste à la RTS, revient sur cette page très sombre de notre histoire qui a débuté en Valais, au XVème siècle.

    C’est en Suisse que la chasse aux sorcières a été la plus féroce, bien plus qu’en France ou qu’en Italie. Durant 250 ans, des femmes, des hommes et parfois même des enfants ont été exécutés après avoir été jugés coupables du crime de sorcellerie. Un crime imaginaire puisque les aveux étaient extorqués sous la torture.


    . . . . . . . .
    C’est entre 1580 et 1650 que la chasse aux sorcières connaît son apogée en Suisse. A Chillon, dans la seule année 1600, le bailli Nicolas de Watteville fait exécuter 40 personnes, dont 35 femmes. A Cossonay, on brûle deux et parfois trois sorcières à la fois pour économiser les frais de bourreau et de bois. A Fribourg, un sorcier sur dix est un enfant.
    . . . . . . . .
    Série documentaire : Cyril Dépraz, Réalisation : Didier Rossat, Production : Magali Philip et Grégoire Molle, Article web : Hélène Krähenbühl

    Ils tuaient aussi des enfants (1/9)
    La Suisse a connu l’une des chasses aux sorcières les plus féroces d’Europe : proportionnellement à la population de l’époque, on y a brûlé dix fois plus de sorcières et sorciers qu’en France, et cent fois plus qu’en Italie. Parmi elles et eux, des femmes, des hommes, et parfois même des enfants.
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/ils-tuaient-aussi-des-enfants-1-9-25832223.html

    Le Valais s’enflamme (2/9)
    La chasse aux sorcières, c’est la conviction effrayée qu’une société secrète de plusieurs centaines d’individus menacerait les populations en usant de moyens maléfiques. La gravité du danger pousse les autorités civiles et religieuses à une traque sans pitié des sorcières et des sorciers. En Suisse, la chasse débute en Valais, dans la première moitié du XVe siècle.
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/le-valais-s-enflamme-2-9-25832221.html

    Rumeurs, tortures et bûchers (3/9)
    Chaque affaire de sorcellerie commence par des rumeurs et des dénonciations. Mais pour pouvoir condamner un.e prévenu.e, il est essentiel qu’il ou elle avoue son crime devant un tribunal. Tous les moyens sont bons pour y parvenir et les juges mettent en place une machine judiciaire implacable qui s’appuie principalement sur la torture.
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/rumeurs-tortures-et-buchers-3-9-25832222.html

    Au coeur du sabbat (4/9)
    Lors des procès, les juges cherchent à faire avouer aux sorcières et aux sorciers leur participation à des sabbats, rencontres secrètes et diaboliques… et totalement imaginaires. Les juges exigent de nombreux détails sur les horreurs qui s’y passeraient et dans quels endroits précis elles se dérouleraient. Ces lieux existent toujours aujourd’hui.
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/au-coeur-du-sabbat-4-9-25832226.html

    Les voleuses de pénis (5/9)
    Le début de la chasse aux sorcières cible autant les hommes que les femmes. Ce n’est que progressivement que la traque va se féminiser. Comment un livre paru en 1486 a-t-il contribué à ce que les femmes soient visées en grande majorité ?
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/les-voleuses-de-penis-5-9-25832227.html

    La marque du diable (6/9)
    Avec les progrès de la science, les autorités cherchent une preuve tangible et irréfutable du pacte des sorcières et des sorciers avec Satan. Cette preuve, les juges vont la trouver sur le corps même des accusé.e.s : c’est la « marque du diable ».
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/la-marque-du-diable-6-9-25832225.html

    Terreur à Gollion (7/9)
    Dans le Pays de Vaud, des centaines de bûchers embrasent les campagnes et les villages. Gollion (200 habitant.e.s) a connu une chasse aux sorcières particulièrement meurtrière, qui a décimé 10% de la population du village en moins de vingt ans.
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/terreur-a-gollion-7-9-25832224.html

    Et les bûchers s’éteignent (8/9)
    De rares voix ont essayé de s’opposer à la chasse aux sorcières, souvent au péril de leur vie. Et puis, petit à petit, suite à des plaintes, les procès se raréfient, les sorciers et sorcières aussi.
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/et-les-buchers-s-eteignent-8-9-25832228.html

    L’énigme du mal (9/9)
    La chasse aux sorcières a fait 100’000 morts en Europe. Toutes et tous, victimes innocentes d’une machine judiciaire qui a elle-même créé son ennemi. Comment un tel phénomène, unique dans l’histoire du monde, a-t-il pu surgir et perdurer durant 250 ans ? Comment expliquer ce surgissement de haine, dans toutes les couches sociales ?
    https://www.rts.ch/audio-podcast/2022/audio/l-enigme-du-mal-9-9-25832229.html

    #Suisse #histoire #sorcières #radio #chasse_aux_sorcières #audio #femmes #enfants #buchers #religion #tortures #protestantisme

  • Lutte contre le « #séparatisme » : ultimes manœuvres de l’exécutif et feu « d’artifices »

    #Fermetures, #dissolutions, menaces de #sanctions : la machine administrative « antiséparatiste » continue d’opérer, plus que jamais. Enquête sur la dernière offensive du quinquennat. Et ses revers judiciaires.

    À quelques semaines de l’élection présidentielle, et à quelques jours du ramadan, l’aveu est embarrassant. Dans un communiqué annonçant la mise en place d’une « #cellule_nationale de lutte contre l’#islamisme_radical et le #repli_communautaire », et se réjouissant des nouvelles possibilités offertes par la loi « séparatisme », l’exécutif a reconnu, à la mi-mars, avoir eu jusqu’ici « recours à des #artifices » pour faire fermer des établissements scolaires soupçonnés de #radicalisation. « Des artifices du type méconnaissance de la #règlementation_ERP [établissements recevant du public – ndlr] ou des #règles_sanitaires. »

    Cette #instrumentalisation en coulisses de pouvoirs de #police_administrative dévolus aux maires et aux préfets (tels le non-respect des jauges Covid ou la fermeture pour un permis de construire défaillant) était régulièrement dénoncée, par des associations et avocats, comme une « nouvelle #chasse_aux_sorcières » ciblant la société civile musulmane. Cette confession de printemps, sur des subterfuges d’État visant à contourner les garanties offertes aux citoyennes et citoyens (même les plus religieux) en matière de #droits_individuels et de #libertés_publiques, ne devrait guère les consoler.

    Cela fait des mois que le gouvernement, pour seule preuve de l’efficacité de sa politique, avance des bilans « chiffrés » mais toujours flous, dénués de détails, distillés à des médias triés sur le volet. Fin janvier, le dernier chiffrage de la place Beauvau a été délivré à M6 en « exclusivité », une véritable opération de communication mise en scène dans les salons du ministère, à l’occasion d’un documentaire très décrié de « Zone interdite » sur l’islamisme à Roubaix. Entre janvier et novembre 2021, 24 573 opérations de contrôles auraient ainsi été réalisées, avec à la clef la fermeture de 704 structures.

    Derrière l’aveu public cosigné par les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale, faut-il voir l’amorce d’un changement de cap ? Contactés, ni le ministère de l’intérieur ni le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), chargé d’appliquer cette politique, n’ont souhaité nous répondre.

    À l’orée de la présidentielle, le gouvernement semble surtout désireux de couper l’herbe sous le pied de ses détracteurs. Hasard du calendrier, le communiqué a été diffusé en pleine visite à Paris d’un député du Conseil de l’Europe venu auditionner des parlementaires et des associations en vue d’un rapport sur l’islamophobie en Europe, où la France tient une place de choix.

    Selon les informations de Mediapart, plusieurs réunions ont également eu lieu ces dernières mois entre des membres d’ONG françaises et des représentants du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, qui a déjà plusieurs fois interpellé le gouvernement à ce sujet.

    En février, l’Action droits des musulmans (ADM), l’une des dernières associations à documenter les actes islamophobes depuis la dissolution du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), envoyait aux Nations unies un rapport sur les nombreuses entraves financières ordonnées par Bercy, comme le gel des avoirs financiers ou les blocages de comptes qui se multiplient dans le silence. En novembre, la mosquée de Lyon avait fait les frais de ce genre de mesures.

    « Artifices » ou pas, en tout cas, la machinerie administrative mise en place par la place Beauvau ne semble pas près de s’arrêter. Les injonctions sont claires : il faut faire du chiffre. Le 14 janvier, le premier ministre Jean Castex envoyait une nouvelle circulaire en ce sens, appelant à « la mobilisation générale » des préfets, directeurs d’agence régionale de santé (ARS), directeurs départementaux de l’éducation nationale et recteurs d’académie, afin « d’amplifier cette politique contre les #dérives_séparatistes et les discours les encourageant ».

    « Connotation communautariste »

    Début mars, c’est une #école musulmane hors contrat de Villeurbanne qui était fermée pour des motifs liés à la #sécurité. Au mois de février, au moins trois structures dans le département de Seine-Saint-Denis subissaient le même sort. Le 16 février, c’est une association de Bobigny, chargée de cours de catéchisme musulman, l’#institut_Tarbiya, installé dans un ancien bâtiment industriel de la ville, qui a fait l’objet d’un « arrêté d’interruption en urgence » de la préfecture de Seine-Saint-Denis.

    Les motifs sont purement administratifs, mais la préfecture décide de communiquer sur la « #connotation_communautariste » de l’association, sans plus de précisions. De quoi faire sortir de ses gonds Me Sefen Guez Guez : « Ça ne veut rien dire en droit », déclare l’avocat, qui pointe l’ouverture d’une nouvelle « #brèche_administrative » pour faire fermer les établissements musulmans.

    « Ils ont utilisé le fait que l’association avait déjà organisé un tournoi de foot ou un voyage au Parc Astérix avec les enfants pour considérer que c’était un centre d’accueil de mineurs de fait, et que l’asso devait en respecter les obligations administratives comme déclarer un projet pédagogique ou que les intervenants aient le BAFA, s’agace l’avocat. Je ne pense pas que tous les intervenants qui donnent des cours de catéchisme organisés par les églises aient le BAFA… Selon ce principe, on pourrait fermer beaucoup d’églises ou de mosquées qui donnent des cours religieux. »

    Onze jours plus tôt, c’est une école privée musulmane qui a fait l’objet d’une procédure similaire, l’#école_Fort_School d’Aubervilliers. Fondée par une traductrice trilingue et un médecin, l’établissement hors contrat spécialisé dans l’#enseignement des langues avait fait l’objet de nombreux contrôles de l’#inspection_académique ces dernières années, sans que l’administration ne trouve de motif de fermeture.

    Darmanin contredit #Darmanin

    Après une visite de la commission départementale pour la sécurité contre les risques incendie, le 4 février, la municipalité a signé un arrêté de fermeture pour des motifs divers, tels des « non-conformités » dans les installations électriques ou la « présence de rideaux occultants devant les issues de secours ».

    « On n’est pas dupe, c’est une bataille technique sur fond de pressions politiques », relève Hacene Adda, médecin hospitalier à la tête de l’école. Après plus de trois semaines d’intenses mobilisations, il a réussi à faire rouvrir son école.

    À quelques kilomètres, à Aulnay-sous-Bois, les Mourides, qui tiennent une salle de prière ouverte depuis 1996, n’ont pas eu autant de réussite dans leur bras de fer avec les autorités. Loin des courants rigoristes habituellement pointés du doigt, cette branche du soufisme enracinée en Afrique de l’Ouest est elle-même persécutée par les groupes djihadistes. Quand Abdoulaye Leye apprend la fermeture par la mairie, le responsable du lieu de culte défaille.

    C’est que l’homme est non seulement en bonnes relations avec les autorités, mais il était même convié, le 5 février dernier, à participer aux travaux du Forum de l’islam de France (FORIF), nouvelle plateforme lancée par le ministère de l’intérieur et censée remplacer le Conseil français du culte musulman (CFCM, dont Beauvau a décidé de se séparer après dix-neuf ans de service). Une invitation signée par Gérald Darmanin lui-même…

    Contacté par Mediapart, le parquet de Bobigny le confirme : aucune des dernières fermetures citées n’a abouti à l’ouverture d’une enquête judiciaire.

    Recyclage de dossiers classés sans suite

    D’autres dossiers montrent que les services de l’État ont cherché ces dernières semaines à recycler des affaires qui s’étaient dégonflées. Exemple avec la mosquée de Pessac, dont la préfecture de Gironde avait prononcé la fermeture le 14 mars (pour une durée de six mois).

    En octobre 2020, Abdourahmane Ridouane, le responsable de la mosquée, avait déjà fait l’objet d’une visite domiciliaire autorisée par le juge des libertés et de la détention (JLD) Charles Prats, un soutien actif de la campagne de Valérie Pécresse, sous le coup d’une enquête administrative du ministère de la justice. Le religieux s’était vu confisquer tous ses appareils numériques. À l’arrivée, pourtant, aucun élément issu de l’aspiration de ses données n’avait donné lieu à l’ouverture d’une enquête. Pas plus que les fouilles effectuées à son domicile. Deux ans plus tard, la préfecture décidait malgré tout de relancer l’affaire, sur le terrain administratif cette fois.

    Certaines accusations d’une grande gravité présentées à l’appui de la perquisition de 2020, comme les relations que les autorités lui prêtaient avec un ancien détenu de Guantánamo, ont disparu de la notification de fermeture de la mosquée. Sans explication. Et la liste dressée le 24 février par la préfecture brasse des faits et interprétations hétéroclites.

    Elles vont de propos de fidèles rapportés sans plus de détails à des commentaires antisémites postés par des tiers sur la page Facebook de la mosquée et qui n’ont pas été supprimés, en passant par une publication du frère de Tariq Ramadan, le prédicateur Hani Ramadan, « interdit de territoire et dont les avoirs sont gelés en raison de son incitation à des actions à caractère terroriste ». Il lui est également reproché un post de soutien au président égyptien Mohamed Morsi.

    « Tout ça, c’est un assemblage d’accusations disparates et anciennes, un filet large pour attraper tout ce que l’on peut au passage. Ce qu’on me reproche, c’est ma liberté de ton », réagit le responsable associatif, soutien historique du CCIF.

    Dans ce dossier comme dans d’autres, les autorités n’hésitent plus à mettre en cause des prises de position antigouvernementales, considérées comme des appels à la rébellion.

    De manière assez surprenante, il est ainsi reproché au responsable de la mosquée de Pessac d’avoir dénoncé, à travers une tribune, la perquisition administrative dont il avait fait l’objet. « Vous indiquez clairement que vous n’avez aucune intention de “rentrer dans le rang”, confirmant ainsi votre idéologie radicale et rigoriste », déduit la préfète de la Gironde, Fabienne Buccio.

    Un grief similaire avait été avancé contre l’imam de Chambéry, actif aussi au sein de « la coordination contre la loi séparatisme », qui réunit des associations et religieux opposés au projet de loi. À ce dernier, la préfecture avait reproché l’écriture d’un post Facebook pro-Erdogan.

    Mais le 22 mars, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par l’association des musulmans de Pessac, a infligé un sévère camouflet au gouvernement, en suspendant l’arrêté de fermeture de la mosquée, considéré comme une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ».

    Les accusations d’#apologie_du_terrorisme instruites à coups de « #notes_blanches » des services de renseignement sont écartées : il n’est « pas établi » que les intéressés « se soient livrés à des propos extrémistes de nature à encourager la haine et la violence à l’encontre des non-musulmans et un engagement dans le “djihad” ». Le juge des référés a aussi considéré que, si « l’association ou son président n’ont pas caché leur sympathie pour une organisation reconnue terroriste par plusieurs États [le Hamas –ndlr] [...] ces seuls éléments ne démontrent pas une volonté de l’association, dont les prétendus liens avec des mouvements terroristes ne ressortent pas des pièces du dossier, d’inciter à la haine et à la violence contre des personnes, notamment [...] de confession israélite ». Jeudi 24 mars, le ministre de l’intérieur a annoncé faire appel devant le conseil d’État.

    Autre revers pour Gérald Darmanin : le 15 mars, la préfecture des Alpes-Maritimes a renoncé à la fermeture de la mosquée de Cannes enclenchée deux mois plus tôt. « Ils se sont rendu compte que l’imam en question n’officiait plus dans la mosquée, ce qui n’avait donc aucun sens », analyse Me Nabila Asmane, qui défend plusieurs dossiers de ce type.

    L’essentiel semble ici d’avantage de communiquer que de s’assurer de l’efficience des procédures, quitte à enjamber le pouvoir du juge en usant à tout-va de l’arme discrétionnaire de la dissolution. Les exemples sont nombreux, fait savoir l’avocate, qui cite le cas du site « La Voie droite », pour lequel officiait l’ancien imam de la mosquée de Pantin.

    Le ministère de l’intérieur avait mis en scène l’annonce de la dissolution de ce site Internet aux contenus rigoristes lors du documentaire de M6 en janvier dernier. Dans la foulée, il promettait de dissoudre « Nantes révoltée », un média alternatif d’extrême gauche. Deux mois plus tard ? Rien. Ni l’un ni l’autre n’ont été dissous. Contacté, l’un des avocats de « Nantes révoltée », Raphaël Kempf, indique n’avoir « toujours rien reçu de la part du gouvernement… »

    Le 9 mars, le ministre de l’intérieur relançait toutefois la machine en signant le décret de dissolution de deux associations pro-palestiniennes, le collectif « Palestine vaincra » et le Comité Action Palestine. Selon Rue89, le 17 mars, c’est une procédure de dissolution du GALE, Groupe antifasciste Lyon et environs, qui était enclenchée, portant à plus de 30 le nombre de dissolutions engagées sous le quinquennat, selon les calculs de l’association ADM. Un record.

    Pour Me Asmane, le procédé est clair. La dissolution sert de « procédure bâillon », utilisée pour réduire au silence la #société_civile. « Ce n’était pas perceptible du grand public au début parce que ça concernait d’abord les associations musulmanes. Avec “Nantes révoltée”, c’est devenu un peu plus flagrant », indique l’avocate, qui alerte : « Si l’extrême droite passe, le spectre sera de plus en plus large. » Tous les outils administratifs sont en place.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/260322/lutte-contre-le-separatisme-ultimes-manoeuvres-de-l-executif-et-feu-d-arti

    #anti-séparatisme

    via @cede

    –—

    ajouté au fil de discussion sur le #séparatisme et autre dérives...
    https://seenthis.net/messages/884291

  • Quand s’effondrent toutes les digues

    La chasse aux non-vaccinés est ouverte. Par l’État et ses représentants, par le gouvernement et de nombreux élus. Par des journalistes et des experts qui franchissent les limites de l’acceptable. Par des médecins aussi, qui appellent à ne pas prendre en charge les non vaccinés. Où va-t-on, quand s’effondrent toutes les digues de l’éthique ?

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/040122/quand-s-effondrent-toutes-les-digues
    #vaccins #vaccination #non_vaccinés #chasse_aux_non-vaccinés #chasse_aux_sorcières #éthique #covid-19 #coronavirus #responsabilité #irresponsabilité

  • Décembre 2021, le retour de #Klaus_Kinzler dans les médias...

    Klaus Kinzler, enseignant : « #Sciences_Po_Grenoble est devenu un camp de rééducation »

    « On entend désormais dans les amphis des profs remettre en cause tout le système dans ses bases universalistes, démocratiques, laïques. C’est fait sans aucun complexe »

    Professeur d’allemand et de civilisation allemande à l’Institut d’études politiques de Grenoble, Klaus Kinzler est au centre d’une polémique qui empoisonne l’établissement depuis un an. Accusé d’être islamophobe dans une campagne lancée par des étudiants sur les réseaux sociaux, il a vu son nom et celui d’un de ses collègues placardés sur les murs de l’établissement avec la mention : « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue ». Klaus Kinzler n’est pas retourné à l’IEP depuis les faits. En mars, il publiera le récit de cette affaire aux Editions du Rocher.
    Vous avez été, selon vous, la cible d’une « cabale » instrumentalisée par un syndicat étudiant (l’Union syndicale) de l’IEP de Grenoble, avec le silence complice de la direction et du corps enseignant. Pourquoi les choses se sont-elles envenimées à ce point  ?

    Tout a commencé par des échanges de mails avec une collègue historienne en décembre 2020. Je contestais le titre d’une journée de débats dans lequel « racisme, antisémitisme et islamophobie » étaient mis sur le même plan. Cela me paraissait un scandale alors qu’existe un vrai débat sur la pertinence du terme islamophobie. La discussion s’est vite envenimée, ma collègue affirmant la « scientificité » du mot. Les ennuis ont débuté. Dès janvier, la campagne s’était déjà déchaînée sur Facebook. On nous accusait d’être « islamophobes » et on exigeait notre démission, tout en lançant des appels à témoignages anonymes contre nous. En mars dernier, mon nom, ainsi que celui d’un collègue politologue, spécialiste de l’islam en France, ont été placardés sur la façade de l’établissement. J’ai été mis sous protection policière pendant un mois.

    (#paywall)
    https://www.lopinion.fr/politique/klaus-kinzler-enseignant-sciences-po-grenoble-est-devenu-un-camp-de-reeduca

    Toute l’affaire, dans ce fil de discussion :
    https://seenthis.net/messages/905509

    #grenoble #Sciences_po #affaire_de_Grenoble

    • L’enseignant qui accusait Sciences Po Grenoble d’être un institut de « #rééducation_politique » suspendu pour #diffamation

      Un professeur de Sciences Po Grenoble, accusé d’ « islamophobie » au début de l’année, a été suspendu de ses fonctions par la direction, qui lui reproche d’avoir tenu, depuis, des « #propos_diffamatoires » , a-t-on appris lundi 20 décembre.

      L’arrêté de la directrice de l’institut d’études politiques (IEP), Sabine Saurugger, révélé par Le Figaro (https://www.lefigaro.fr/actualite-france/klaus-kinzler-l-enseignant-qui-avait-denonce-une-chasse-ideologique-suspend), vise des interviews accordées au début de décembre par l’enseignant, Klaus Kinzler, au site de l’hebdomadaire Marianne , au quotidien L’Opinion et à la chaîne CNews. Le professeur d’allemand a, selon la directrice, « gravement méconnu plusieurs obligations » , notamment en matière de « #discrétion_professionnelle » . « Il y a lieu à saisir le #conseil_de_discipline » , ajoute-t-elle dans l’arrêté qui le suspend pour quatre mois.

      Une « #chasse_aux_sorcières », selon l’enseignant

      Dans ses interviews, l’enseignant a décrit l’#IEP comme un institut de « rééducation politique » , accusant un « #noyau-dur » de collègues, adeptes, selon lui, des théories « #woke » , d’endoctriner les étudiants, et la direction de l’IEP de laisser faire.

      Pour ses avocats, qui dénoncent une « chasse aux sorcières » , M. Kinzler « a été contraint de prendre la parole afin de se défendre », après avoir été mis en cause « sur la place publique » . « Ça empoisonne ma vie, mais il faut peut-être aller jusqu’au bout pour savoir qui a le droit de dire quoi et dans quelle situation » , a déclaré l’enseignant, évoquant un possible recours devant le tribunal administratif.

      Contactée, la direction de l’IEP de Grenoble n’a pas souhaité réagir à « une mesure interne » . Le 13 décembre, dans un entretien donné à Marianne , Mme Saurugger avait pris la défense de l’établissement. « M. Kinzler reproche un certain nombre de faits qui ne sont pas exacts. Il dit notamment que la direction ne l’a jamais protégé. Sciences Po Grenoble est un établissement où la #liberté_d'expression et la #liberté_d'enseignement se trouvent au cœur du projet académique » , avait-elle déclaré.

      Seize étudiants sur dix-sept relaxés

      A l’origine de l’affaire, à la fin de 2020, M. Kinzler et une collègue historienne avaient échangé des courriels véhéments à propos d’une journée de débats intitulée « racisme, antisémitisme et islamophobie » , termes dont il contestait le caractère scientifique, tout en critiquant l’islam.

      Le 4 mars, M. Kinzler et un autre enseignant avaient été la cible d’affichettes placardées par des étudiants, relayées sur les réseaux sociaux par des syndicats. « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue » , pouvait-on lire sur ces affiches. La directrice de l’IEP avait condamné « très clairement » ces affiches, tout en estimant que la façon dont M. Kinzler parlait de l’islam était « extrêmement problématique » .

      Le 26 novembre, seize des dix-sept étudiants de l’IEP poursuivis devant une instance disciplinaire ont été relaxés, tandis que la ministre de l’enseignement supérieur avait préconisé des sanctions à leur encontre. Un seul a fait l’objet d’une exclusion temporaire avec sursis.

      Dans un message publié sur Twitter, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, #Laurent_Wauquiez, a cependant fait savoir qu’il suspendrait les financements régionaux – environ 100 000 euros par an hors investissements sur projets – à l’IEP de Grenoble, du fait de la « longue dérive idéologique et communautariste » , qui vient de « franchir un nouveau cap » avec la suspension de l’enseignant. Selon lui, « une minorité a confisqué le débat » au sein de l’établissement, « sans que la direction prenne la mesure de cette dérive préoccupante » .

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/20/l-enseignant-qui-accusait-sciences-po-grenoble-d-etre-un-institut-de-reeduca

      #suspension #Wauquiez

    • Sciences Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une dérive idéologique et communautariste inacceptable. Ce n’est pas ma conception de la République : la Région @auvergnerhalpes suspend donc tout financement et toute coopération avec l’établissement.


      https://twitter.com/laurentwauquiez/status/1472950277028392965
      #financement #dérive_idéologique #communautarisme #dérive_communautariste #Région_Auvergne_Rhône-Alpes

      –—

      Laurent Wauquiez a parfaitement compris comment couper court à l’infiltration de nos grandes écoles par l’islamo-gauchisme : en commençant par fermer le robinet du financement public.


      https://twitter.com/ZemmourEric/status/1472969682567241736

      –—

      #Valérie_Pécresse :


      https://twitter.com/vpecresse/status/1473032185418551303
      #Pécresse

    • #Richard_Malka sur FB, 21.12.2021 :

      Je suis en vacances. Après quelques mois éreintants à défendre, autant que je le pouvais, le droit d’emmerder Dieu, j’ai décidé d’offrir à mes neurones une cure de désintoxication. Oubliée la liberté d’expression, plus rien à faire du blasphème, du Wokisme ; laissez-moi tranquille avec l’islamo-gauchisme…je veux lire ma pile de livres en retard, regarder la mer, marcher, la tête vide, sur des sentiers douaniers, me plaindre de mes courbatures en m’en délectant, avoir pour seule préoccupation la raréfaction des nouvelles séries de qualité sur Netflix.
      Mais patatras, j’ai commis l’erreur de lire la presse ce matin. J’essaie d’oublier ce que j’ai lu, d’enfouir mon cerveau sous ma couette comme si cela pouvait l’anesthésier, de laisser à d’autres le soin de réagir mais je sens bien que c’est foutu ; ça bouillonne dans mon ventre.
      Il y a donc, sur notre territoire, un petit Pakistan situé dans cette bonne ville de Grenoble. Un laboratoire de la pensée stalinienne dirigé par une certaine Sabrine Saurugger qui, en moins d’un an et demi, depuis sa nomination à la tête de Science Poe Grenoble, aura réussi l’exploit d’anéantir la réputation de cette école et de porter préjudice à des centaines d’étudiants qui auront bien du mal à réaliser leurs rêves quand ils inscriront sur leur cv le nom de cette école de la honte. Mais cela, Madame Saurugger n’en a probablement cure…quelques sacrifiés innocents n’ont jamais fait peur aux idéologues qui pensent le bien.
      Je résume : Le 4 mars dernier, un professeur d’allemand, Klaus Kinzler, est victime d’une campagne de lynchage sur les réseaux d’un syndicat étudiant, son nom étant par ailleurs placardé sur les murs de Science Po Grenoble, affublé des qualificatifs de fasciste et d’islamophobe. Son seul crime consiste à avoir contesté le concept d’islamophobie, ce qui fait débat, quoi que l’on en pense, depuis des décennies et ce dont on devrait pouvoir discuter, même à l’université. Rien qui ne justifie d’être qualifié de fasciste et voué aux gémonies, voire pire. Le professeur s’en émeut, de même que du manque de soutien évident de sa direction, dont on sent bien qu’elle a plutôt tendance à se ranger du coté de la terreur intellectuelle, parce que c’est pour la bonne cause. L’affaire aurait pu en rester là mais non, il faut réduire au silence pour que plus aucun professeur, jamais, partout en France, n’ose contester le dogme naissant. C’est alors que Madame Saurugger a une idée géniale qui a fait ses preuves pour éliminer toute velléité de contestation : innocenter les coupables et condamner leur victime au seul motif qu’elle a osé parler à des journalistes, ce qui ne se fait pas. Manquerait plus que la liberté d’expression soit un droit constitutionnel qui permette de se défendre et de dénoncer l’instauration d’une petite dictature de la pensée. L’université va s’atteler méticuleusement à cette tâche sacrée. D’abord, relaxer 16 des 17 étudiants poursuivis disciplinairement en dépit des conclusions d’un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale. Puis, et c’est le chef d’œuvre de la direction de Science Po Grenoble, prendre un arrêté le 14 décembre dernier, en espérant surement que les journalistes ne tarderont pas à être en vacances autour d’une dinde, pour suspendre le Professeur insulté qui avait eu l’audace de s’en plaindre. Le suspendre avant même que ne soit engagée à son encontre une procédure disciplinaire pour avoir osé parler.
      Passons sur le soutien apporté par le groupe écologiste de la région Rhône-Alpes qui, au prétexte de s’insurger de la décision de Laurent Wauquiez de supprimer la subvention de la Région à l’IEP, apporte son soutien à la direction de l’école. Ceci dit, on aimerait bien savoir, en passant, si dans le package du vote écolo, auquel chacun pourrait adhérer, figure obligatoirement la cancel culture dont je ne vois pas bien ce qu’elle a d’écolo.
      Cette affaire est cruciale pour l’avenir. Le message véhiculé par Madame Saurugger est simple : c’est celui de la violence symbolique adressée aux enseignants qui se résume par : taisez-vous, courbez l’échine devant la terreur intellectuelle ; osez la dénoncer et vous serez exclus. Relevez la tête et vous serez suspendus.
      Peut-être n’est-ce pas Monsieur Kinzler qui devrait être sanctionné mais Madame Saurugger, à défaut de prendre conscience elle-même, dans un sursaut, du mal qu’elle fait à son école et à ses étudiants. Au demeurant et en ce qui les concerne, ils gagneraient beaucoup à se révolter contre cette décision, pour ne pas se laisser sacrifier par une direction qui a sombré dans la faillite morale.

      https://www.facebook.com/richardmalka.avocat/posts/334513131820151

    • Samuel Hayat, 21.12.2021

      Je remets ça là à propos de Sciences Po Grenoble. Ce n’est pas un hasard si c’est cette institution qui est accusée. Car Sciences Po Grenoble n’est pas DU TOUT gauchiste. Et sa directrice encore moins. On est vraiment dans le pôle le plus positiviste et « centriste » du champ.
      Une fois de plus, les réactionnaires, en voie de fascisation rapide, ne se déchaînent pas contre les gauchistes - car nous, on ne prétend pas à l’impartialité, et on sait qui vous êtes, donc si LW nous juge, OSEF, ça ne nous fait rien. « Pratiquement, je l’emmerde », écrivait Fanon
      Ils se déchaînent sur les gens et les institutions qui jouent le plus le jeu de la scientificité, de la neutralité axiologique, qui jamais de leur vie n’iront porter la moindre parole militante dans l’espace public. Et ils espèrent ainsi les tétaniser, et nous tétaniser tou.te.s.
      Evidemment, ça ne marchera pas, dans l’immédiat. C’est trop gros. Sciences Po Grenoble va continuer à produire de la science et des diplômes. Mais ça installe une ambiance, ça fait grossir la meute, ça rend la proie plus floue, plus fantasmée. Bref, ça prépare le fascisme.

      https://twitter.com/SamuelHayat/status/1473310750194257920

      #scientificité #neutralité_axiologique #fascisme

    • Sciences Po Grenoble : « L’intrusion politique de Wauquiez est inédite »

      #Frédéric_Sawicki, professeur de science politique et président du comité d’éthique de l’AFSP, souligne la gravité de la décision de Laurent Wauquiez de couper le soutien financier de la #région_Auvergne-Rhône-Alpes à Sciences-Po Grenoble. Il dénonce un climat délétère contre l’#université et la #recherche.

      Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a affirmé que cette dernière mettait fin à sa coopération et à son soutien financier à l’#Institut_d’études_politique de Grenoble. L’ancien ministre et ex-dirigeant des Républicains (LR) met en avant, comme raison de cette soudaine décision annoncée sur Twitter, la mise à pied d’un enseignant, conséquence d’une polémique ayant éclaté au printemps dernier (lire le récit de David Perrotin).

      Quelques heures plus tard, la candidate LR à la présidentielle, Valérie Pécresse, partageait le même article du Figaro et s’indignait que « la liberté d’expression ne soit plus assurée à l’IEP de Grenoble », prenant pour argent comptant l’affirmation de l’enseignant en question, Klaus Kinzler, selon laquelle l’établissement serait devenu « un camp de rééducation ». Laurent Wauquiez se voyait félicité dans la foulée par le candidat d’extrême droite Éric Zemmour, estimant que le président de région avait « parfaitement compris comment couper court à l’infiltration de nos grandes écoles par l’islamo-gauchisme : en commençant par fermer le robinet du financement public ».

      Pour comprendre la gravité de cette annonce et son contexte, Mediapart a interrogé Frédéric Sawicki. Professeur de science politique à l’université Paris I, il préside également le comité d’éthique de l’Association française de science politique (AFSP). Il dénonce une décision qui laisse la porte ouverte à toutes sortes d’#abus, et souligne la #responsabilité de la ministre de l’enseignement supérieur, #Frédérique_Vidal, dans le climat délétère ayant encouragé une telle offensive.

      Est-ce que la coupure de fonds publics, pour des motifs politiques, est une première en France ?

      Frédéric Sawicki : Les relations entre les établissements d’enseignement et de recherche et les #collectivités_territoriales, notamment les régions, sont contractualisées. On peut imaginer qu’à l’issue d’une évaluation scientifique, et au regard d’objectifs connus et précis, certains financements soient remis en cause. Mais cela n’a rien à voir avec le fait de plaire ou déplaire au président d’une région. Où irait-on, dans ce cas ? Selon sa sensibilité, un ou une présidente déciderait de sanctionner financièrement des propos qui l’indisposeraient ?

      On a clairement affaire à une #intrusion_politique dans la procédure interne d’un établissement de recherche, et ceci, en effet, est complètement inhabituel. Laurent Wauquiez utilise sa position institutionnelle pour punir un établissement de façon collective. Cela s’appelle une #sanction_politique.

      Il s’agit d’une atteinte aux #libertés_académiques. Comment celles-ci se sont-elles construites, et quelles sont leurs limites ?

      Les libertés académiques concernent la liberté totale d’enseigner et de faire des recherches dans le cadre de l’université. Mais elles renvoient également à une réalité qui remonte au Moyen Âge, les « #franchises_universitaires » : le principe en est que les universités se gèrent elles-mêmes, en dehors de l’intrusion des pouvoirs politiques. Cela signifie qu’elles ont un pouvoir de discipline pour arbitrer et sanctionner les comportements déviants qui auraient été commis en leur sein. Ceci vaut pour les comportements liés à l’activité professionnelle, mais évidemment pas pour les crimes et délits d’ordre pénal ou civil.

      Les universités ont ainsi leurs instances de jugement, avec des possibilités d’appel et de se défendre. La jouissance de libertés académiques s’accompagne donc de procédures d’arbitrage bien définies, avec des tribunaux internes. Non seulement les universitaires sont soumis au droit général, mais ils peuvent faire l’objet de #sanctions devant leurs universités. Cela s’est par exemple produit dans le cas de Bruno Gollnisch (ex-cadre du Front national), qui fut suspendu de Lyon III pour des propos qui portaient préjudice à son établissement.

      En réalité, il y a des affaires tout le temps, dans lesquelles le pouvoir politique ne s’immisce pas – et n’a pas à le faire. De l’extérieur, en lisant certains médias ou responsables politiques, on peut avoir l’impression que l’enseignant mis à pied par la direction de l’IEP de Grenoble est victime d’un règlement de comptes politique. Mais il s’agit avant tout d’une décision émise contre une personne ayant sciemment jeté de l’huile sur le feu en diffamant son établissement.

      Ce genre de sanction politique et financière est inhabituel. Est-ce qu’il faut le rapprocher d’un contexte plus général, à l’international, d’attaque contre la liberté d’enseigner et de chercher ?

      Les pressions et les sanctions sont indéniablement plus féroces dans des démocraties subissant des involutions autoritaires, notamment au Brésil, en Turquie, en Pologne ou en Hongrie. Dans ce dernier pays, l’université privée financée par George Soros a ainsi été contrainte au départ. De manière générale, les présidents d’université font l’objet d’une tutelle directe par le pouvoir politique. On n’en est pas là en France, mais il faut prendre au sérieux la prétention de plus en plus intrusive du pouvoir politique.

      Comment ne pas penser, ici, aux attaques de la ministre Frédérique Vidal contre « l’islamo-gauchisme » qui sévirait dans les établissements d’enseignement et de recherche (lire notre article : https://www.mediapart.fr/journal/france/170221/islamo-gauchisme-vidal-provoque-la-consternation-chez-les-chercheurs) ? D’un côté, on encourage l’#autonomie, mais de l’autre, sur la liberté de ce qui s’enseigne, on exerce une forme de #pression pour qu’aucune tête ne dépasse. Les attaques se répètent contre des cibles mouvantes et toujours mal définies, puisque la même ministre a récidivé récemment devant les sénateurs, en brandissant les dangers supposés du « #wokisme ».

      Dans ce contexte, Laurent Wauquiez vient de faire un pas en direction de Viktor Orbán [le premier ministre hongrois – ndlr]. Pour la première fois en France, des attaques verbales et symboliques se transforment en #rétorsion_financière, en dehors de toute évaluation qui aurait mis en évidence des faits coupables de l’établissement. Pour le président de région, tout semble bon pour faire de l’#agitation. Sauf qu’il s’agit d’#argent_public et de la vie des étudiants et de l’établissement, avec des collègues qui essaient de faire leur travail dans un contexte difficile, lié à la pandémie et à des dotations en berne.

      À l’heure où l’on se parle, Frédérique Vidal n’a pas réagi à la décision de Laurent Wauquiez. Pour vous, elle ne remplit pas son rôle ?

      Des responsables politiques, et elle en fait partie, sont en train de discréditer la seule institution où on essaie de penser le monde comme il va, avec le moins de pression possible de l’extérieur. J’espère que cette affaire va faire prendre conscience que l’université ne devrait pas être un punching-ball, un objet d’#instrumentalisation à des fins électoralistes.

      Frédérique Vidal, au lieu de protéger l’autonomie des universités au sens traditionnel du terme, s’y est déjà attaquée de manière frontale. L’« islamo-gauchisme », le « wokisme »… sont autant de #chimères_conservatrices auxquelles elle a donné crédit. Quoi qu’il en soit, l’université doit être un lieu où l’on peut débattre de courants d’idées nouveaux, sans devoir le justifier devant des autorités politiques. Bientôt, faudra-t-il des autorisations sur les livres et les idées sur lesquelles on peut échanger ? Cela nous mènerait à un régime politique d’une autre nature.

      Après plusieurs décennies en poste dans l’enseignement et la recherche, que pouvez-vous dire de Sciences-Po Grenoble, aujourd’hui visé par Laurent Wauquiez comme un foyer de « dérive idéologique et communautariste » ?

      L’établissement est connu pour ses travaux sur les politiques publiques territoriales, ses enquêtes quantitatives sur les valeurs des Français et des Européens, ses travaux socio-historiques, ou encore ses publications sur les politiques de sécurité. La production des enseignants-chercheurs n’a rien à voir avec celle de gens obsédés par des idéologies « déconstructionnistes ».

      Quand on connaît leur production et ce milieu, les attaques dont ils font l’objet apparaissent encore plus hallucinantes. On ne peut qu’être étonné et indigné de la montée en épingle d’une affaire malheureuse mais ponctuelle et locale, sur laquelle se sont appuyés certains polémistes et responsables politiques pour transformer cet établissement en Satan idéologique.

      Cela fait penser au roman La Plaisanterie de Milan Kundera : dans un contexte d’extrême politisation et d’obligation de #conformisme, n’importe qui semble pouvoir être accusé de n’importe quoi, sans le moindre fondement. Cela est pratique pour régler des comptes, puisqu’on trouvera toujours des gens pour soutenir des #croisades_morales. Il y a un moment où il faudra dire « stop ». Ce devrait être le rôle de Frédérique Vidal.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/211221/sciences-po-grenoble-l-intrusion-politique-de-wauquiez-est-inedite

    • Tweet de Simon Persico, enseignant-chercheur à Sciences Po Grenoble, 21.12.2021 :

      Les messages de soutien à @SciencesPo38, à sa directrice @SSaurugger et aux milliers d’étudiants et enseignants, anciens comme actuels, font chaud au cœur. Autant de bouées qui nous aident à nager dans le torrent de boue qui continue de se déverser sur notre bel IEP.
      Cette fois, c’est Laurent Wauquiez qui décide de couper les bourses de mobilité et l’accompagnement des étudiants les plus éloignés. A partir d’un diagnostic aussi mensonger qu’infamant, celui d’une prétendue dérive « communautariste et idéologique ».
      Une manière pour lui, ce n’est pas nouveau, de hurler avec les loups. Comme de trop nombreux responsables politiques, il surfe sur la vague entretenue par un collègue en perdition, avec l’aide d’une presse complaisante et dépourvue de toute rigueur factuelle.
      Ce thread a donc pour principal objectif de rappeler des faits. Un petit pense-bête sur ce qu’est Sciences Po Grenoble, pour bien comprendre ce qu’il n’est pas.
      Si vous voulez une version courte et synthétique, vous pouvez lire ce communiqué de notre direction. Il dit très bien tout ce qu’il y a à dire : http://www.sciencespo-grenoble.fr/communique-mise-au-point-de-la-direction-de-sciences-po-grenoble
      Si vous voulez une idée plus précise des enseignements et de leur contenu, allez faire un tour sur le site (http://sciencespo-grenoble.fr/formations). Vous y trouverez tous les intitulés de cours et la focale de nos nombreux parcours de Master. Du communautarisme idéologique en barre.
      Si vous voulez une idée de nos recherches, vous pouvez aller sur les sites de nos labos @PACTE_grenoble @CesiceUpmf et @cerdap2. Vous pouvez aussi lire le blog de l’IEP, et notamment cette série sur notre rapport à l’objectivité et à la neutralité : http://blog.sciencespo-grenoble.fr/index.php/category/objectivite-en-sciences-sociales
      Vous y lirez la richesse des objets, la robustesse des résultats et la diversité des perspectives qui nous guident. Je dis « nous » parce que nous formons une communauté très diverse, mais soudée sur l’essentiel : le respect de la rigueur scientifique et du pluralisme.
      Si vous voulez vous faire une idée des types d’évènements qui se tiennent chez nous en dehors des cours, voici les trois principaux du mois de décembre :
      –une journée d’hommage au grand constitutionnaliste et serviteur de l’Etat, Jean-Louis Quermonne.
      –une conférence sur les violences sexistes et sexuelles en présence des plus hautes autorités judiciaires et policières grenobloises
      –une conférence sur la « gestion de crise » par le Ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation, Marc Fesneau
      Si vous voulez vous remémorez les faits qui ont mené à cette affaire, vous pouvez lire le rapport de l’Inspection générale (vous noterez que le rapport s’arrête au moment des affichages, avant que notre collègue KK ne déclenche sa guerre médiatique) : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/la-situation-l-iep-de-grenoble-en-mars-2021-47481
      Ce rapport, comme les excellents articles de @davidperrotin (https://www.mediapart.fr/journal/france/110321/accusations-d-islamophobie-la-direction-de-sciences-po-grenoble-laisse-le-) et de @FrancoisCarrel (https://www.liberation.fr/societe/sciences-po-grenoble-une-semaine-de-tempete-mediatique-sur-fond-dislamo-g) montrent bien la gravité du comportement de KK au démarrage de cette affaire.
      Ils rappellent aussi le soutien dont il a bénéficié de la part de notre direction, d’une part, mais aussi de tous nos collègues, profondément choqués par les affichages.
      Nous avions assez rapidement écrit une tribune à de très nombreuses mains pour rappeler ce soutien, inviter notre collègue à ne pas envenimer les choses, et dénoncer les pressions politiques dont cette affaire était la manifestation : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/17/professeurs-accuses-d-islamophobie-cette-affaire-est-une-illustration-des-pr
      Progressivement cette affaire commençait à passer, bon an mal an, même si elle avait laissé des traces. Jusqu’au dernier tour de piste de KK dans les médias, en décembre. Un tour de piste qui va mener Laurent Wauquiez à prendre cette décision honteuse.
      Si KK se décide à nous agoniser d’injure par voie d’interview, c’est que KK n’a pas supporté la relaxe de 17 étudiants renvoyés devant un Conseil de discipline délocalisé à l’Université de Clermont-Ferrand. Décision totalement indépendante de Sciences Po Grenoble.
      Lors de ce dernier tour de piste, KK dépasse toutes les limites. Il accuse notre institut d’être devenu un « camp de rééducation politique » et ses enseignants, surtout ceux qui sont arrivés récemment, d’endoctriner les étudiants avec les thèses woke et anticapitalistes.
      Ces propos nuisent gravement à la réputation de l’IEP sur des bases mensongères. Je suis reconnaissant à notre direction d’avoir engagé une procédure disciplinaire contre lui. Je remercie du fond du cœur @SSaurugger pour son courage et son sang-froid !
      Nous réussirons à en sortir renforcés. Car nous montrerons que le pluralisme et le souci du débat argumenté, rigoureux et respectueux sont plus forts que l’instrumentalisation et la mise au pas politique. On le doit à notre institution. On le doit au débat public.
      Et une dernière question à @laurentwauquiez : on en fait quoi du panneau bleu à l’entrée du bahut ? C’est vrai qu’il prend de la place, mais on commençait à s’y faire. Aucun problème pour le garder. Vous nous dites.

      https://twitter.com/SimPersico/status/1473298938602135555

    • Sciences-Po Grenoble : les mêmes intox pour un nouvel emballement

      Après l’annonce de la suspension d’un professeur accusé d’islamophobie à l’IEP de Grenoble, de nombreux politiques dénoncent une attaque contre la liberté d’expression. Mediapart revient sur les nombreuses #contrevérités relayées depuis.

      Il aura fallu attendre neuf mois pour qu’une nouvelle polémique éclate à propos de Sciences-Po Grenoble. L’Institut d’étude politique (IEP) fait de nouveau parler de lui depuis que Le Figaro a révélé que Klaus Kinzler, le professeur d’allemand qui dénonce une supposée « chasse idéologique » au sein de l’école, a été suspendu le 14 décembre pour quatre mois. Sabine Saurugger, directrice de l’institution, a pris cette mesure par #arrêté, avant de « saisir le conseil de discipline dans les meilleurs délais ». Cette suspension n’est toutefois pas une #sanction et l’enseignant conserve son traitement et ses indemnités le temps de la procédure.

      Selon le quotidien, la directrice lui reproche d’avoir tenu « des propos diffamatoires dans plusieurs médias contre l’établissement d’enseignement supérieur dans lequel il est en poste, ainsi que contre la personne de sa directrice », d’avoir en outre « gravement porté atteinte à l’#intégrité_professionnelle de ses collègues de travail », après une interview donnée sur CNews. Enfin, l’enseignant est aussi accusé d’avoir « gravement méconnu plusieurs obligations liées à son statut de fonctionnaire », comme « son obligation de #discrétion_professionnelle » et « son #obligation_de_réserve ».

      Il n’en fallait pas plus pour que l’emballement reprenne et que la direction de l’IEP soit accusée de « chasse aux sorcières ». De Marine Le Pen à Éric Zemmour, en passant par Valérie Pécresse ou Éric Ciotti, toutes et tous ont dénoncé cette décision qui serait une « grave atteinte à la liberté d’expression ». Plus étonnant encore, le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a décidé de couper les aides accordées à l’institution, sans même attendre des éclaircissements de Sciences-Po, lui qui n’hésitait pas à voter deux subventions à l’ONG libanaise Nawraj, partenaire d’une association d’extrême droite et dirigée par l’ancien chef de milices chrétiennes responsables de nombreux massacres pendant la guerre civile.

      Sauf que les articles relayant la décision de la direction de l’IEP et les messages de soutien reposent en majorité sur des contrevérités et des #intox largement entretenues par la droite et l’extrême droite, et par le professeur Klaus Kinzler lui-même.

      Rappel des faits. L’affaire débute en mars 2020 lorsque Klaus Kinzler est, avec un autre enseignant, la cible d’affiches placardées sur la façade de l’IEP : « Des fascistes dans nos amphis Vincent T. […] et Klaus Kinzler démission. L’islamophobie tue. » Le syndicat étudiant Unef relaie l’action sur les réseaux sociaux, avant de tout supprimer.

      Comme le racontait Mediapart, ce collage, condamné unanimement, venait après d’intenses tensions autour d’une journée de débats nommée « Racisme, antisémitisme et islamophobie » et organisée dans le cadre d’une « semaine pour l’égalité et la lutte contre les discriminations ».

      Le professeur d’allemand s’en était pris à Claire M., sa collègue et enseignante d’histoire, et exigeait que l’intitulé soit reformulé. Celui-ci ayant été décidé après un vote des étudiants, elle avait refusé et argumenté en précisant « qu’utiliser un concept ne dispense pas d’en questionner la pertinence, de se demander s’il est opérant ».

      Mediapart racontait alors comment l’affaire avait été récupérée avec omission de nombreux détails. Klaus Kinzler reconnaissait lui-même avoir pu être violent à l’endroit de sa collègue et avoir révélé son nom publiquement, la mettant ainsi en danger.

      Alors pourquoi reparle-t-on de l’IEP de Grenoble ? Comme le révèle Le Figaro, la direction, qui n’a pas souhaité répondre à Mediapart, reproche deux récentes interviews accordées par Klaus Kinzler. Dans celle publiée par Marianne, le journal revient sur la relaxe de 17 étudiants passés en conseil de discipline et entretient la confusion en laissant penser que ces élèves pourraient être les auteurs des affiches placardées sur l’IEP. « C’est un blanc-seing pour ceux qui voudraient placer une cible dans le dos des professeurs », affirme Klaus Kinzler, qui dénonce la relaxe de ces 17 étudiants en lien avec l’Union syndicale Sciences-Po Grenoble (US), un syndicat qui avait fustigé « l’islamophobie des deux enseignants ». Le syndicat avait aussi appelé la direction de l’établissement à « statuer » sur le « cas » du professeur.

      Aucun étudiant n’a révélé les noms de professeurs

      Les étudiants sont en effet passés devant une commission disciplinaire. Elle faisait justement suite à une saisine de la directrice qui avait appliqué les recommandations d’un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche diligenté en mars par la ministre Frédérique Vidal et rendu en mai.

      D’après la décision rendue par la section disciplinaire, consultée par Mediapart, les étudiants ont en effet été relaxés car « le seul appel à témoignage publié par l’US sur les réseaux sociaux (Facebook) ne peut être regardé comme constitutif d’une participation à la diffusion […] d’accusations de racisme et d’islamophobie à l’encontre des deux enseignants », Vincent T. et Klaus Kinzler.

      En effet, si les étudiants ont bien dénoncé le comportement des deux professeurs, ils n’ont jamais publié leurs noms publiquement. Par ailleurs, si la presse évoque le fait qu’un étudiant a été condamné par la section disciplinaire, cela n’a rien à voir avec cette affaire. D’après nos informations, une étudiante a fait l’objet d’une exclusion temporaire avec sursis pour dénonciation calomnieuse dans une affaire de violences sexuelles.

      Aucun nom d’enseignant n’a été révélé par le laboratoire Pacte

      Dans son interview à Marianne qui lui est aujourd’hui reprochée, Klaus Kinzler met également en cause le laboratoire de recherche affilié au CNRS et à l’IEP, #Pacte, qui l’aurait accusé publiquement de harcèlement à l’encontre de sa collègue. « Sans cette accusation publique de Pacte, les étudiants ne m’auraient jamais attaqué sur Facebook », précise-t-il.

      En réalité, le laboratoire, qui a effectivement affirmé « son plein soutien » à l’enseignante « attaquée personnellement », n’avait jamais nommé Klaus Kinzler et n’a pas non plus rendu public son communiqué. Il avait seulement été envoyé par mail aux personnes concernées et à la direction. Interrogé ce mardi, l’enseignant reconnaît que « le communiqué n’est pas public ». « Mais il était très maladroit et a quitté les murs de l’IEP », ajoute-t-il.

      Ce qu’aucun média ne précise en outre, c’est que Klaus Kinzler est le premier à avoir livré le nom de sa collègue Claire M. Après le communiqué de Pacte, il avait publié sur son site internet les échanges qu’il avait eus avec l’enseignante sans son accord. Comme lui, elle avait d’ailleurs reçu des menaces et bénéficié par la suite d’une protection policière.

      Lors d’une interview donnée sur Cnews et également dénoncée par la direction de l’IEP, Klaus Kinzler s’en était d’ailleurs pris, avec Pascal Praud, à la directrice de Pacte, Anne-Laure Amilhat. Elle avait ensuite reçu une vague de cyberharcèlement, avant de déposer différentes plaintes pour « diffamation et diffamation à caractère sexiste » contre le professeur et l’animateur, et pour « menace de mort » et « cyberharcèlement ».

      La direction de l’IEP a bien soutenu Klaus Kinzler

      Dans différents médias, Klaus Kinzler affirme aussi que la direction de l’IEP ne l’a « jamais protégé en un an » et qu’il n’a pas été soutenu.

      Là encore, les nombreux mails et documents consultés par Mediapart prouvent le contraire. Pour contester l’intitulé de la journée de débats, le professeur d’allemand a vivement attaqué Claire M., dans des mails-fleuves, en la traitant d’« extrémiste » ou en remettant en cause ses qualités scientifiques. Klaus Kinzler avait d’ailleurs reconnu lui-même sa violence, qu’il disait « regretter ». L’enseignante avait alors sollicité l’intervention de la direction, qui avait refusé de rappeler à l’ordre Klaus Kinzler, mettant en avant la liberté d’expression.

      Face à l’inaction de la direction, Claire M. avait même saisi le Défenseur des droits. Dans sa décision consultée par Mediapart, l’institution estimait que Klaus Kinzler et son collègue Vincent T. avaient « bafoué le droit au respect de Claire M. et que cette dernière n’a pas bénéficié du soutien de la direction ». Cette dernière avait seulement demandé à l’enseignant de s’excuser, alors que l’enseignante avait été placée en arrêt maladie.

      Interpellée par l’Union syndicale en janvier 2021, la direction de l’IEP avait encore rappelé l’importance de la liberté d’expression des enseignants et était par la suite accusée par l’Union syndicale de se cacher « derrière la liberté pédagogique pour défendre l’islamophobie ». Sollicité sur ce point, le professeur d’allemand le reconnaît là encore. « Vous avez raison, la direction m’avait d’abord soutenu en tentant un apaisement de la situation. Mais après, elle m’a abandonné en faisant le strict minimum. Elle aurait dû punir les étudiants immédiatement, sans attendre que les médias en parlent. »

      Les recommandations du rapport suivies à la lettre par la directrice

      En mars dernier, Klaus Kinzler envoie un mail à des étudiants qui avaient dénoncé le fait qu’il boive de l’alcool lors d’une réunion. Agacé, le professeur d’allemand avait signé : « Un enseignant “en lutte”, nazi de par ses gènes, islamophobe multirécidiviste ». Encore interpellée par l’Union syndicale, la direction de l’IEP n’avait pas réagi. Quatre jours après, les fameuses affiches le visant étaient placardées et la direction signalait les faits au procureur, avant de déposer plainte contre X.

      « C’est absurde de s’en prendre à la directrice de l’IEP, alors qu’elle a soutenu les deux enseignants depuis le début », s’agace un maître de conférences de l’IEP. Il rappelle en effet que #Sabine_Sarugger a suivi à la lettre les recommandations du rapport qui préconisait une action disciplinaire contre les étudiants de l’US. « Elle a saisi la commission de discipline. On ne peut pas aujourd’hui lui reprocher les relaxes alors que la commission a été dépaysée et est parfaitement indépendante », ajoute-t-il.

      Un rapport d’ailleurs salué par Klaus Kinzler. ​​« Je ne peux pas dire que je sois d’accord avec tout ce qui y est préconisé mais je dois reconnaître que les inspecteurs ont fait un travail d’enquête extraordinaire, interrogeant tous les protagonistes de l’affaire, soit des dizaines de personnes. Ils ont formulé de nombreuses recommandations extrêmement claires », juge-t-il dans Marianne.

      Dans ses conclusions, l’inspection estimait « que tous les acteurs de cette affaire ont commis des erreurs d’appréciation, des maladresses, des manquements et fautes, plus ou moins graves, plus ou moins nombreux ». Elle précisait aussi que Klaus Kinzler avait « porté atteinte à l’image et à la réputation du corps enseignant et, au-delà, de l’établissement, décrédibilisé une instance de l’Institut », et recommandait un rappel à l’ordre.

      Le professeur attaquait l’islam et « les musulmans »

      Dans ses différentes sorties, Klaus Kinzler vilipende une attaque contre la liberté d’expression et rappelle justement que la critique de l’islam doit être possible. « Je dois rappeler que, dans ces mails, je n’ai jamais critiqué les musulmans. J’ai même insisté assez lourdement sur ce point. Je n’ai parlé que du terrorisme et d’une vision archaïque de la femme qui ne me plaît pas dans l’islam », précise-t-il, toujours dans l’hebdomadaire.

      Si le professeur s’en prend vivement à l’islam et précise qu’il « préfère largement le Christ », les nombreux mails consultés par Mediapart montrent qu’il visait aussi les musulmans. C’est ce qui avait d’ailleurs choqué certains étudiants de cette religion. « Les musulmans ont-ils été des esclaves et vendus comme tels pendant des siècles, comme l’ont été les Noirs (qui aujourd’hui encore sont nombreux à souffrir d’un racisme réel) ? Non, historiquement, les musulmans ont été longtemps de grands esclavagistes eux-mêmes ! Et il y a parmi eux, encore aujourd’hui, au moins autant de racisme contre les Noirs que parmi les Blancs », écrivait-il. Il poursuivait sa mise en cause des musulmans en expliquant qu’ils n’ont pas jamais été « persécutés », « tués » ou « exterminés » comme l’ont été les juifs et qu’au contraire, on compterait parmi eux « un très grand nombre d’antisémites virulents ».

      « Sur les musulmans, ce sont un peu des évidences que je dis, 95 % des Français doivent être d’accord avec moi », justifie aujourd’hui Klaus Kinsler. « Vous revenez sur tous ces mails, mais je doute que cela intéresse les gens. Je ne me rappelle pas de tout. Aucun autre média ne retient des choses à me reprocher dans ces mails », finit-il par balayer.

      « Dans L’Opinion, Klaus parle de l’IEP comme d’un camp de rééducation. Ses interviews sont d’une violence inouïe et reposent sur de nombreux #mensonges complaisamment relayés par les médias qui l’interrogent », regrette l’un de ses collègues. Un autre confirme : « Non, l’IEP n’est pas un repère de “wokistes”. Quiconque vient ici s’apercevra qu’il n’y a aucune dérive communautariste. » Après la relaxe des étudiants, plusieurs professeurs de l’IEP avaient d’ailleurs vivement réagi par mail pour dénoncer cette décision. « Il y a des débats au sein de l’IEP mais ni pression idéologique ni chasse aux sorcières. »

      Dans un communiqué publié ce mardi, la direction de l’IEP réagit à la décision de Laurent Wauquiez et dénonce une décision politique. Elle rappelle également que « le soutien financier de la région […] ne consiste pas en des subventions mais essentiellement en l’attribution de bourses aux étudiants ».

      Klaus Kinzler, lui, se dit « fatigué par tout ça » et promet de « cesser les apparitions médiatiques dès demain ». Tout en regrettant que le débat « soit national plutôt que devant un tribunal », il insiste pour mettre en cause la directrice de l’IEP, qui a « voulu le faire taire » en l’empêchant de parler à la presse. Confronté aux nombreuses imprécisions ou contrevérités qu’il relaie lors de ses nombreuses interviews, il prévient : « On ne va pas refaire l’histoire du mois de mars. Un juge administratif tranchera. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/211221/sciences-po-grenoble-les-memes-intox-pour-un-nouvel-emballement

    • "Islamophobie" à l’IEP de Grenoble : « la chasse idéologique aux enseignants est ouverte »

      Au cœur d’une polémique pour s’être opposé au concept « d’islamophobie », un professeur de l’Institut d’études politiques de Grenoble, Klaus Kinzler, a vu son nom placardé sur les murs de l’établissement pendant qu’une association étudiante exigeait que la direction « statue sur son cas ». Ces mêmes étudiants ont récemment été relaxés par une commission disciplinaire. Un « blanc-seing » aux campagnes d’intimidation, estime, auprès de « Marianne », le professeur en question.

      Si Klaus Kinzler enseigne à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, il n’y a pas donné cours depuis mars, après que son année universitaire a été perturbée par une vive polémique. Sur les murs de l’IEP, des affiches mentionnant son nom et le qualifiant d’« islamophobe » ont fleuri en début d’année. En cause : une querelle entre professeurs lors d’un échange de mails qui a fait grand bruit dans la communauté enseignante et étudiante de l’établissement. Klaus Kinzler s’y opposait à l’utilisation du terme « islamophobie » dans l’organisation d’une semaine de lutte contre les discriminations.

      (#paywall)
      https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/islamophobie-a-liep-de-grenoble-la-chasse-ideologique-aux-enseignants-est-

    • La liberté académique est-elle en danger ?

      La liberté du chercheur serait aujourd’hui sérieusement menacée en France et aux Etats-Unis et, avec elle, la pratique même du métier. C’est la thèse d’#Olivier_Beaud, Professeur de droit public à l’université de Panthéon-Assas, auteur de l’ouvrage « Le savoir en danger » (PUF, 2021), et notre invité.

      https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/la-liberte-academique-est-elle-en-danger

    • Sciences-Po Grenoble : Laurent Wauquiez ou les ravages de la « #cancel_culture »

      Après qu’un professeur de l’IEP de Grenoble a été suspendu, Wauquiez a décidé de couper le financement que la région versait à l’établissement. La droite LR « cancel », l’extrême droite applaudit.

      La « cancel culture », c’est la droite qui la dénonce le plus mais c’est encore elle qui la pratique le mieux. Après qu’un professeur de Sciences-Po Grenoble, Klaus Kinzler, a été suspendu pour quatre mois de ses fonctions par la direction qui lui reproche d’avoir tenu des « propos diffamatoires », le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a annoncé vouloir suspendre les financements accordés à l’école par la collectivité.

      « Sciences-Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une #dérive_idéologique et communautariste inacceptable, a tweeté Laurent Wauquiez. Ce n’est pas ma conception de la République : la région Auvergne-Rhône-Alpes suspend donc tout financement et toute coopération avec l’établissement. » Soit un soutien financier - environ 100’000 euros par an hors investissements sur projets - qui consiste à attribuer des bourses aux étudiants, à soutenir des formations continue pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur et à l’emploi, ainsi que l’action sociale.

      L’affaire remonte à décembre 2020, quand Klaus Kinzler, professeur de civilisation allemande, s’oppose de manière virulente, dans un groupe de travail, à l’utilisation du mot « islamophobie » lors d’un futur colloque. Il obtient gain de cause. Deux mois plus tard, son nom et celui d’un de ses collègues sont placardés sur des affiches par des étudiants les accusant d’être islamophobes et « fascistes ».

      Un institut de « rééducation politique »

      Dans le contexte inflammable lié aux polémiques sur l’« islamo-gauchisme », l’événement prend une ampleur nationale. Frédérique Vidal émet le souhait de voir les colleurs d’affiches sanctionnés. Le 26 novembre, seize des dix-sept étudiants de l’IEP poursuivis devant la commission de discipline de l’université de Clermont-Auvergne sont finalement relaxés. Une décision prise à l’unanimité, relate le Monde. Un seul étudiant sera sanctionné, une exclusion temporaire avec sursis.

      C’est à la suite de cette décision que l’affaire est relancée. Dans une interview à l’Opinion, l’enseignant Klaus Kinzler décrit Sciences-Po Grenoble comme un institut de « rééducation politique » en accusant un « noyau dur » de collègues, adeptes selon lui du « wokisme » ». Ce qui pousse la directrice de l’établissement, Sabine Saurugger, a prendre un arrêté dans lequel elle reproche à Klaus Kinzler d’avoir « gravement méconnu plusieurs obligations », notamment en matière de « discrétion professionnelle ». Et de le suspendre de ses fonctions pour une durée de quatre mois tout en conservant son traitement et ses indemnités, comme le révèle le Figaro. D’où la décision de Wauquiez de priver l’école de subventions...

      La direction de l’IEP dit regretter dans un communiqué une décision qui semble motivée par « un motif politique, davantage que par la réalité au sein de l’institution, alors même que l’IEP Grenoble-UGA aurait gagné du soutien de tous ses acteurs soucieux de l’intérêt de ses étudiants et de la communauté universitaire ». D’autant plus dans un contexte de cruel manque de moyen, de précarisation des étudiants et d’un rebond pandémique du Covid-19.

      Deux subventions à l’ONG libanaise #Nawraj

      En revanche, l’annonce de Laurent Wauquiez, qui fut lui-même ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de juin 2011 à mai 2012, a été chaleureusement accueillie par l’extrême droite. Le candidat néo-pétainiste à la présidentielle Eric Zemmour a salué sa façon de « couper court à l’infiltration de nos grandes écoles par l’islamo-gauchisme ». Suivi d’un « bravo ! » de Marine Le Pen. La droite LR cancel. L’extrême droite applaudit.

      A noter qu’en septembre 2020, Mediapart révélait que la région Auvergne-Rhône-Alpes, présidée par Laurent Wauquiez, venait de voter deux subventions (36’000 euros et 70’000 euros) à l’ONG libanaise Nawraj. L’association étant dirigée par #Fouad_Abou_Nader, un ancien chef des #Phalanges, ces milices chrétiennes responsables de nombreux massacres pendant la guerre civile.

      Un discours convenu et abondamment relayé par une certaine presse (le Point, le Figaro, Valeurs actuelles...) attribue sans détour la « cancel culture » au répertoire militant d’étudiants de gauche et d’universitaires menant des travaux sur les discriminations systémiques. Laurent Wauquiez et l’extrême droite font l’implacable démonstration que cette pratique n’est pas l’apanage du progressisme, elle peut tout aussi bien être réactionnaire, conservatrice et antisociale.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/sciences-po-grenoble-laurent-wauquiez-ou-les-ravages-de-la-cancel-culture

    • Suspension de Klaus Kinzler à Sciences Po Grenoble : la lettre de 40 personnalités à Frédérique Vidal

      Dans une #lettre_ouverte, 40 personnalités, pour la plupart issues du monde universitaire, interpellent la ministre de l’Enseignement supérieur pour lui demander d’agir face à ce qu’ils perçoivent comme une censure imposée par un courant militant.

      Klaus Kinzler, enseignant à Sciences Po Grenoble, accusé d’islamophobie, s’est longtemps défendu en alertant les médias sur la dérive de son établissement et la chasse aux sorcières dont il se sentait victime. La direction vient de le suspendre au motif qu’il aurait bafoué son obligation de réserve et de discrétion.

      –-

      Lettre ouverte à Madame Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur

      Madame la ministre,

      La situation à l’IEP de Grenoble et les poursuites engagées contre notre collègue Klaus Kinzler démontrent, s’il en était besoin, que la liberté d’expression des universitaires, de même que leur liberté académique dans le cadre de leur enseignement et de leur recherche, libertés dont vous êtes la première garante, sont en péril dans notre pays.

      Depuis quelques années un courant militant -et se revendiquant comme tel- cherche à imposer, dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur, en particulier dans le domaine des sciences sociales, un discours exclusif. Or c’est une chose d’accueillir de nouveaux champs d’études et de nouveaux paradigmes ; c’en est une tout autre de leur laisser acquérir une domination voire une hégémonie institutionnelle, alors même que leur pertinence scientifique fait l’objet, comme vous le savez, d’un intense débat intellectuel.

       » LIRE AUSSI - Sciences Po Grenoble, au cœur d’une passe d’armes politique

      Vous vous étiez vous-même émue de l’extension dans l’Université de ce que vous avez nommé « l’islamo-gauchisme » - qui est l’une des manifestations de ces dérives - et aviez annoncé un rapport sur ce sujet en février de cette année. Force est de constater que, près d’un an plus tard, ce rapport, sans cesse promis et sans cesse reporté, n’a toujours pas vu le jour.

      De même, nous attirons votre attention sur le rapport de l’Inspection générale que vous avez missionnée à l’IEP de Grenoble, relevant qu’« au terme de ses travaux, il ne fait pas de doute […] que ce sont les accusations d’islamophobie qui sont la cause de la grave détérioration du climat de l’IEP » (p. 2) et « qu’un climat de peur s’était installé depuis plusieurs mois parmi les étudiants de l’IEP du fait de cette utilisation par l’U[nion] S[yndicale] d’accusations (graves, puisqu’il s’agit de délits, voire de crimes tels que le viol) diffusées sur les réseaux sociaux contre tous ceux qui ne lui semblent pas partager ses positions » (p. 3). Or, il s’avère que la personne désormais poursuivie est celle-là même qui a alerté sur ces agissements et qui, nous vous le rappelons avec gravité, est menacée de mort pour cette prétendue « islamophobie » : notre collègue Klaus Kinzler. Et ces poursuites ont lieu au rebours des traditions de l’université française comme de la jurisprudence de la CEDH.

      Dans ce contexte, où la liberté d’expression est menacée par des sanctions disciplinaires, voire pénales ; où le pluralisme de l’enseignement et de la recherche est contrecarré par des manœuvres d’intimidation, et donc par l’autocensure croissante de nos collègues, en particulier des plus jeunes, puisque leur carrière en dépend ; où, enfin, un nombre croissant d’étudiants font part de leur inquiétude devant ce qu’ils ressentent comme une entreprise de formatage et de propagande, notre question est simple : que comptez-vous faire précisément, Madame La ministre ?

      Avec nos salutations les plus respectueuses,

      À VOIR AUSSI - Science Po Grenoble : Faut-il dissoudre l’UNEF ?

      Liste des premiers signataires

      Michel Albouy, professeur émérite en sciences de gestion, Université Grenoble Alpes

      Claudine Attias-Donfut, sociologue

      Sami Biasoni, essayiste, docteur en philosophie

      Christophe Boutin, professeur de droit public, Université de Caen-Normandie

      Jean-François Braunstein, professeur de philosophie, Université Paris 1 Sorbonne

      Pascal Bruckner, essayiste et philosophe

      Joseph Ciccolini, professeur des Universités - Praticien Hospitalier

      Albert Doja, professeur d’anthropologie, Université de Lille

      Laurent Fedi, université de Strasbourg

      Monique Gosselin-Noat, professeur émérite de littérature

      Yana Grinshpun, linguiste, Paris 3

      Philippe Gumplowicz, professeur de musicologie Université Evry-Paris-Saclay

      Nathalie Heinich, sociologue

      Emmanuelle Hénin, professeur de littérature, Sorbonne Université

      Hubert Heckmann, maître de Conférence en Littérature médiévale, Université de Rouen

      Mustapha Krazem, linguiste, université de Lorraine

      Arnaud Lacheret, associate Professor

      Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes 1

      Andrée Lerousseau, maître de Conférence à l’université Lille 3 en Philosophie

      Samuel Mayol, maître de Conférence, Paris 13

      Michel Messu, professeur honoraire de philosophie

      Frank Muller, professeur émérite d’histoire moderne

      Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires

      Bernard Paqueteau, professeur en Sciences Politiques

      Rémi Pellet, professeur à la faculté de Droit Université de Paris et à Sciences Po Paris

      Gérard Rabinovitch, philosophe

      Pascal Perrineau, professeur émérite des universités à Sciences Po

      François Rastier, linguiste, Directeur de Recherche émérite au CNRS

      Philippe Raynaud, philosophe, Paris II

      François Roudaut, professeur (Université Montpellier III)

      Xavier-Laurent Salvador, linguiste, Sorbonne Paris Université

      Perrine Simon Nahum, historienne et philosophe

      Jean Paul Sermain, professeur émérite de Littérature

      Jean Szlamowicz, linguiste

      Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, Sorbonne-Université

      Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS

      Thibault Tellier, professeur des universités, Sciences Po Rennes

      Dominique Triaire, professeur émérite de littérature française, Université de Montpellier

      Pierre Vermeren, professeur d’Histoire, université Paris I

      Christophe de Voogd, historien

      Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’EPHE

      https://www.lefigaro.fr/vox/societe/suspension-de-klaus-kinzler-a-sciences-po-grenoble-la-lettre-de-40-personna

    • Sciences Po Grenoble : après l’éviction de Klaus Kinzler, Frédérique Vidal appelle à « la sérénité »

      La ministre de l’Enseignement supérieur, qui s’était émue de l’emprise de « l’islamo-gauchisme » à l’IEP de Grenoble, a été interpellée par des intellectuels.

      Alors que les réactions se succèdent, après la suspension par la directrice de l’IEP de Grenoble du professeur d’allemand Klaus Kinzler - dont le nom, en mars, avait été placardé sur les murs de l’école assortis d’accusation de « fascisme et d’islamophobie », la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, appelle « chacun à se remettre au travail dans la sérénité » . « Elle a demandé à l’inspection générale de renforcer son suivi et au recteur délégué de rester en contact avec la directrice pour accompagner l’établissement », expliquent ses services. Frédérique Vidal précise que cette suspension « n’entrait pas dans les préconisations » du rapport des inspecteurs généraux missionnés à l’IEP lors de la crise, mais que les relations entre un professeur et sa direction « sont du ressort des relations entre un employeur et un membre de son personnel » .

      Une réponse bien pâle, au vu des débats enflammés autour de l’affaire. Dans une tribune publiée mardi sur lefigaro.fr, 40 personnalités essentiellement issues du monde universitaire - dont le philosophe Pierre-André Taguieff, la sociologue Nathalie Heinich, le linguiste Xavier-Laurent Salvador, ou l’essayiste Pascal Bruckner- ont interpellé la ministre, dénonçant une censure imposée par un courant militant. « Vous vous étiez vous-même émue de l’extension dans l’Université de ce que vous avez nommé “l’islamo-gauchisme” et aviez annoncé un rapport sur ce sujet en février » , écrivent-ils, constatant que ce rapport n’est toujours pas venu. Ils rappellent aussi le rapport des inspecteurs généraux, rendu en mai, concluant que « les accusations d’islamophobie » étaient « la cause de la grave détérioration du climat » à l’institut et « qu’un climat de peur s’était installé ».

      Mercredi, c’est Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo et de Mila, qui a pris la plume dans L’Express , déplorant « une injonction à courber l’échine » de la part d’une direction de l’IEP pour laquelle « il faut réduire au silence pour que plus aucun professeur, jamais, partout en France, n’ose contester le dogme naissant », écrit-il, décrivant « sur notre territoire, un petit Pakistan situé dans cette bonne ville de Grenoble » , « un laboratoire de la pensée stalinienne ». Sur Twitter, Manuels Valls, premier ministre lors du quinquennat Hollande, a soutenu quant à lui la décision de Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de suspendre ses subventions à l’IEP.

      La ministre Frédérique Vidal s’en tient aux recommandations du rapport de l’inspection. « L’établissement a retrouvé le calme , explique-t-elle. Des rappels à l’ordre ont été faits aux enseignants qui avaient commis des maladresses. Une procédure à l’encontre des étudiants a été enclenchée devant la section disciplinaire de Clermont-Ferrand ». Celle-ci s’est soldée, en novembre, par la relaxe des étudiants poursuivis pour leur participation à la diffusion des accusations d’islamophobie. Après quoi Klaus Kinzler avait à nouveau pris la parole dans les médias, décrivant Sciences Po Grenoble comme un institut de « rééducation politique » et pointant une direction « otage » des « ultras ». Propos qui lui ont valu quatre mois de suspension et la convocation prochaine devant un conseil de discipline.

      https://www.lefigaro.fr/actualite-france/sciences-po-grenoble-apres-l-eviction-de-klaus-kinzler-frederique-vidal-app

    • Sciences Po Grenoble : « C’est Laurent Wauquiez qui porte atteinte à la liberté académique »

      Professeur à l’IEP Grenoble, le politologue #Yves_Schemeil dénonce un emballement médiatique autour de Klauz Kinzler, ce professeur d’allemand venant d’être suspendu.

      Et voilà l’IEP de Grenoble à nouveau au centre des polémiques. Le professeur d’allemand Klaus Kinzler a été suspendu par la directrice de l’institut d’études politiques, Sabine Saurugger, pour des « propos diffamatoires » contre l’établissement. L’enseignant avait été accusé d’ « islamophobie » par certains étudiants. Depuis, il dénonce dans les médias un climat de « terreur » et une « chasse idéologique » au sein de l’IEP. Laurent Wauquiez, président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé suspendre tout financement (100.000 euros par an) à l’IEP, en raison d’une « dérive idéologique inacceptable ». Dans une tribune publiée par l’Express, Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo et Mila, est allé jusqu’à qualifier Sciences Po Grenoble de « petit Pakistan » et « laboratoire de pensée stalinienne ».

      Le politologue Yves Schemeil, professeur émérite à l’IEP Grenoble et ancien directeur de l’institut, dénonce pour sa part un #emballement_médiatique entretenu par un professeur absent des lieux depuis une longue période. Selon lui, les accusations de « wokisme » ou « d’islamo-gauchisme » ne correspondraient nullement à la réalité. « En réalité, il n’y a à l’IEP ni recherches ni enseignements portant sur le post-colonialisme ou sur le genre » déclare-t-il, alors que les étudiants seraient, très majoritairement, bien plus préoccupés par leur avenir professionnel que par les batailles idéologiques. Entretien.

      L’Express : Klaus Kinzler a été suspendu en raison de propos jugés « diffamatoires » contre l’IEP de Grenoble. Qu’en pensez-vous ?

      Yves Schemeil : Klaus Kinzler est un #PRAG, autrement dit un professeur agrégé du secondaire détaché à l’IEP. N’étant pas universitaire, il a pour seule obligation d’assurer des cours de langue. Malheureusement, il a été souvent absent de l’IEP ces dernières années, ce qui ne l’empêche pas de critiquer publiquement l’institution. Quand on est responsable d’établissement public on doit faire respecter le droit. C’est justement ce que la directrice a fait. L’arrêté de suspension qu’elle a signé ne prive pas ce collègue de traitement ; il ne peut simplement plus s’exprimer dans les médias en tant que membre de l’institution sinon il s’exposerait à des sanctions disciplinaires.

      Dans Le Figaro, 40 personnalités se sont inquiétées des menaces sur la liberté académique...

      Comme l’a rappelé Olivier Beaud, professeur de droit et auteur d’un livre dénonçant les menaces sur la liberté académique, celle-ci repose sur la liberté d’expression, certes, mais aussi sur la liberté d’enseigner et aussi sur la liberté de recherche, alors que Klaus Kinzler n’en fait pas. Par ailleurs, l’IEP est un lieu où l’on est libre de dire ce que l’on veut car on n’y a jamais censuré personne. Celui qui s’est comporté en censeur c’est Klaus Kinzler lui-même en refusant que le concept d’"islamophobie" soit mis sur le même plan que l’antisémitisme et le racisme dans l’intitulé d’un débat public. Les membres du groupe de travail chargé de le préparer étaient pourtant prêts à en discuter avec lui, mais il a apparemment refusé de faire des concessions. La liberté académique n’est donc pas du tout en cause dans cette affaire.

      Klaus Kinzler dénonce une dérive idéologique et un « endoctrinement » à l’IEP Grenoble...

      J’ai dirigé l’IEP de Grenoble de 1981 à 1987. Je peux vous assurer que son idéologisation était forte à l’époque. Dans un contexte anticapitaliste, des syndicalistes pouvaient séquestrer des responsables ou interdire l’accès à des locaux. Aujourd’hui, je travaille dans des équipes de recherche de l’institut aux côtés des personnes implicitement visées par Klaus Kinzler. Je peux vous certifier que je n’ai rien constaté qui corresponde à ce qu’il décrit. Chaque année, 5000 jeunes, souvent avec une mention très bien au bac, candidatent pour intégrer l’IEP de Grenoble. Ils veulent obtenir une bonne formation et un diplôme doté d’une valeur sur le marché du travail leur permettant ensuite d’accéder à des secteurs d’activité très variés. C’est ça leur priorité.

      En tant que professeur il m’arrive parfois de regretter que les débats sur les questions d’actualité ne soient pas plus fréquents. C’est dû au fait que les jeunes arrivant à l’IEP sont souvent de bons élèves persuadés qu’ils devraient connaître suffisamment un sujet avant d’oser en parler dans une salle de cours, encore moins émettre des critiques « révolutionnaires ». Un collègue qui se dit lui-même très à gauche a déclaré le 21 décembre sur Twitter que nous serions « le pôle le plus positiviste de France », s’étonnant ainsi de l’accusation selon lui imméritée d’être une maison anticapitaliste. Il est vrai qu’à Sciences Po Grenoble il n’y a que très peu de militants qui cherchent à mobiliser leurs collègues étudiants.

      Le rapport de l’Inspection générale avait estimé que tous les acteurs avaient commis des erreurs d’appréciation et des maladresses dans cette affaire, mais il mettait aussi en avant un « climat de peur » de la part d’étudiants...

      Il y a eu des maladresses de tous les côtés, c’est vrai. Une série d’erreurs a produit des effets beaucoup plus importants que leur cause ne l’aurait objectivement justifié. En ce qui concerne les étudiants actuels, une minorité a probablement un agenda politique, sur les questions de genre ou de violences contre les femmes. Mais dans l’ensemble, les étudiants sont très peu activistes. Et puis est arrivée cette histoire : certains ont dû estimer que c’était un bon vecteur de mobilisation. Il faut distinguer cet activisme critiquable des affiches dénonçant Klaus Kinzler et un de ses collègues, sur lesquelles on pouvait lire « des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue ». On ne sait toujours pas qui en sont les auteurs, l’enquête policière ne semble pas avoir abouti, ce pourrait être n’importe qui. Au centre du campus, l’IEP a toujours attiré des groupes venant d’autres facultés, les responsables de cet affichage pourraient très bien venir d’ailleurs.

      Et que pensez-vous de la décision de Laurent Wauquiez de suspendre les financements de la région ?

      C’est une suspension, comme vous le dites. Pour l’instant, il s’agit plutôt d’un coup de menton qu’autre chose. Laurent Wauquiez ne peut pas couper du jour au lendemain les bourses régionales que perçoivent les étudiants. Il y a aussi des programmes de recherche en cours, qui ne sont pas soldés, leur financement n’étant complété qu’une fois qu’ils seront terminés. Concrètement, cette menace ne pourrait alors s’appliquer que l’an prochain, ou même ultérieurement. Pour l’instant, c’est seulement une déclaration destinée à montrer qu’on est ferme vis-à-vis d’une dérive supposée frapper l’université.

      Car la sortie de Laurent Wauquiez vise l’université dans son ensemble, où travaillent des personnes - étudiants et professeurs - dont il estime qu’elles ne lui sont pas favorables et qu’elles sont trop à gauche. Il a donc des motifs électoraux de saisir cette opportunité. Pour l’instant, cela ne m’inquiète pas, ce qui me préoccupe c’est qu’une autorité politique cherche à peser sur le contenu des enseignements et des recherches à l’université. Paradoxalement, ce sont donc Laurent Wauquiez et Klaus Kinzler qui portent atteinte à la liberté académique et non pas les membres de l’IEP de Grenoble.

      En défendant votre institution, n’êtes-vous pas dans le « pas de vague » ?

      Je n’ai aucun enjeu personnel ni conflit d’intérêts dans cette affaire, mais j’en connais bien les protagonistes et je travaille régulièrement dans les mêmes locaux qu’eux. Je constate simplement que le dossier de l’accusation est vide. Je suis de plus sidéré par l’ampleur que la polémique a pris. Je ne comprends pas que des éditorialistes considèrent, sans vérifier leurs sources, qu’il y aurait une proportion significative d’étudiants ou de professeurs adeptes de la culture dite « woke ». En réalité, il n’y a à l’IEP de Grenoble ni recherches ni enseignements portant sur le post-colonialisme ou sur le genre, ce qui pourrait être un jour un problème.

      L’islam, lui, est un sujet parmi d’autres, ni plus ni moins. Dans mes cours sur le Moyen-Orient j’ai dit des choses pour lesquelles j’aurais pu être critiqué si l’on était vraiment dans une situation où il ne faudrait pas discuter de ce qui touche à la conviction religieuse. En réalité, nous avons toujours eu sur ces sujets délicats des conversations très civiles, y compris avec des personnes de confession musulmane, françaises ou étrangères.

      Franchement, la situation décrite dans les médias ressemble tellement peu à ce que je connais ! Toute cette affaire est déconnectée de la réalité. Sur les plateaux de télévision c’est la course au buzz, on prend pour argent comptant tout ce que dit un homme qui sait parler aux médias et qui cherche peut-être à compenser ainsi ce qu’il perçoit comme une absence de reconnaissance à l’université. Mais l’histoire qu’il leur raconte est à dormir debout, c’est celle que les gens ont envie d’entendre, un récit selon lequel l’université serait noyautée d’islamistes ou de « décoloniaux ».

      Mais sur le fond, Klaus Kinzler n’a fait que protester contre l’usage d’un terme, « islamophobie », qui tend à assimiler la critique - légitime - d’une religion à l’hostilité contre un groupe de personnes, les musulmans. Cette notion est défendue par des groupes militants comme le CCIF...

      Je comprends les réticences vis-à-vis de ce terme. Dans le monde anglophone, la notion est utilisée pour décrire les discriminations contre les musulmans. En France, certains estiment qu’on ne peut pas associer ce terme à d’autres formes de racismes, d’autant que le CCIF ou d’autres activistes proches de l’islam radical cherchent à le placer au même niveau que l’antisémitisme. Le terme d’islamophobie n’est sans doute pas judicieux en français, mais en débattre était justement l’enjeu d’une discussion qui n’a finalement pu se dérouler jusqu’au bout, suite au retrait de Klaus Kinzler lui-même alors que le groupe avait choisi de mettre un point d’interrogation après le mot « islamophobie ». Le programme de recherche de la collègue à laquelle Klaus Kinzler s’est opposé porte sur l’antisémitisme musulman au Maghreb. Vous voyez qu’on est loin de l’islamophilie ! D’ailleurs, à cette époque les discussions au sein de l’IEP portaient sur toutes les discriminations et pas seulement envers des personnes de confession musulmane. Encore une fois, comme d’autres collègues, je n’ai jamais eu aucune difficulté de critiquer à l’IEP des décisions prises par des autorités arabes ou musulmanes. Et j’ai eu des étudiants de tous les pays.

      Pour résumer, l’utilisation d’un terme compris différemment dans le débat public français et dans les discussions académiques surtout anglo-saxonnes a engendré un faux problème. On ne doit pas en déduire qu’on ne peut plus discuter librement de l’islam à l’IEP. Klaus Kinzler se présente en lanceur d’alerte, mais l’institut qu’il dépeint ne ressemble pas à ce qu’il est vraiment. Il semble avoir perdu tout contact avec la réalité de Science Po.

      https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/sciences-po-grenoble-c-est-laurent-wauquiez-qui-porte-atteinte-a-la-liberte

    • Sciences-po Grenoble : 5 minutes pour comprendre l’affaire Klaus Kinzler

      L’établissement a décidé de suspendre son professeur, accusé d’avoir proféré des « propos diffamatoires » dans les médias. A quatre mois de la présidentielle, la classe politique s’en mêle.

      Voilà des mois que Sciences-po Grenoble s’invite régulièrement dans les médias. Il faut remonter à il y a plus d’un an maintenant pour comprendre comment la direction a fini par suspendre l’un de ses professeurs, accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires à son endroit.

      Klaus Kinzler, professeur d’allemand au sein de l’établissement, avait été nommément cité en mars dernier sur des affiches placardées sur les murs de l’IEP, accusé « d’islamophobie » et de fascisme.

      Comment a démarré cette affaire ?

      Tout a commencé en novembre 2020. En pleine deuxième vague Covid, se prépare à distance une « semaine pour l’égalité et la lutte contre les discriminations ». Plusieurs groupes de travail mêlant enseignants et étudiants sont constitués dans ce cadre. C’est dans l’un de ses groupes que vont se révéler des dissensions entre monsieur Kinzler et l’une de ses collègues au sujet de l’intitulé des débats dont leur groupe est en charge : « Racisme, antisémitisme et islamophobie ».

      Dans des échanges de courriels, Klaus Kinzler estime inadéquat le fait de classer au même rang la notion d’islamophobie avec le racisme et l’antisémitisme. Il confie notamment ne pas aimer « beaucoup » l’islam, qui lui fait franchement peur « comme elle fait peur à beaucoup de Français ». Sa collègue s’oppose à ses arguments.

      Leurs échanges, dont les étudiants du groupe sont également destinataires, finissent par dégénérer. La directrice de l’IEP, Sabine Saurugger demande à monsieur Kinzler de présenter ses excuses à sa collègue, ce qu’il fera par deux fois par mail. Le terme islamophobie est retiré de l’intitulé des débats.

      Mais la pression va rapidement remonter d’un cran. Le 7 décembre, entre deux courriels d’excuses de Klaus Kinzler, le directoire du laboratoire PACTE, auquel est rattachée l’enseignante, publie un communiqué (supprimé depuis). Sa directrice, Anne-Laure Amilhat Szary, tient à affirmer « son refus de tout comportement agressif et de tout argument d’autorité dans le débat scientifique ». Elle ajoute que « l’instrumentalisation politique de l’islam et la progression des opinions racistes dans notre société légitiment la mobilisation du terme islamophobie dans le débat scientifique et public. »

      Quelques semaines plus tard, des élus du syndicat étudiant de l’Union syndicale publient à leur tour un texte dans lequel ils dévoilent des extraits des courriels attribués au professeur. Le syndicat appelle la direction de l’établissement à « statuer sur son cas ». Il dépose plainte le 27 février pour discrimination syndicale. Elle sera classée sans suite.

      Pourquoi a-t-elle dégénéré ?

      Le 4 mars 2021, des collages sont placardés dans les locaux de l’IEP de Grenoble. Klaus Kinzler et l’un de ses collègues sont cités nommément. La tension monte d’un cran. « Sciences Porcs », « des fascistes dans nos amphis », « l’islamophobie tue », peut-on lire. Des étudiants publient des photos de ces écrits sur les réseaux sociaux. Le syndicat étudiant Unef relaie également l’opération sur les réseaux sociaux avant de se rétracter. Les noms des deux enseignants sont jetés en pâture. Ils sont placés sous protection policière. Une enquête est lancée.

      L’affaire prend alors une dimension médiatique. Klaus Kinzler est invité sur plusieurs plateaux de télévision pour livrer sa version des faits. Le 9 mars, il se montre notamment sur CNews dans l’émission de Pascal Praud. Le présentateur critique ouvertement Anne-Laure Amilhat Szary. Il dit voir en elle « le terrorisme intellectuel qui existe dans l’université ». Klaus Kinzler renchérit en la décrivant comme « un grand chercheur directeur de laboratoire de recherche [qui] se met en dehors de la science ». Qui « ne comprend pas la science ».

      À son tour, la directrice du laboratoire se retrouve harcelée sur les réseaux sociaux. Elle demande une protection fonctionnelle qui lui est rapidement accordée par sa tutelle, le président de l’université Grenoble-Alpes. Elle porte plainte en diffamation et diffamation à caractère sexiste contre son collègue et Pascal Praud. Mais aussi pour « menace de mort » et « cyberharcèlement ».

      Comment la direction a-t-elle réagi ?

      Après la diffusion des affiches, la directrice de l’IEP de Grenoble Sabine Saurugger avait estimé que ces dernières ont mis en danger « non seulement la vie des deux collègues, mais également l’ensemble des communautés étudiantes, enseignantes, personnel administratif ». Et de poursuivre, évoquant Klaus Kinzler : « Je pense qu’il y a un ton qui est extrêmement problématique dans ses propos, avec des idées qui sont développées parfois un peu rapidement, et donc un rappel à l’ordre et une incitation au dialogue ont été entrepris », par la direction.

      Sabine Saurugger estimait également que la demande faite par Klaus Kinzler aux étudiants de son groupe membres de l’Union syndicale de quitter ses cours était « clairement discriminatoire ».

      Frédérique Vidal, la ministre en charge de l’Enseignement supérieur, ne goûte alors que peu à ces déclarations. Plus tôt, elle avait demandé un rapport à l’inspection générale pour faire la lumière sur le déroulé des faits. Sur BFMTV, elle disait regretter l’attitude du syndicat étudiant, qui aurait dû selon elle se cantonner à son rôle, celui « d’être dans la médiation, pas de jeter les gens en pâture sur les réseaux sociaux ».

      Quelles sont les conclusions de l’inspection générale ?

      Dans ses conclusions, rendues le 8 mai dernier, l’inspection générale avançait « que tous les acteurs de cette affaire ont commis des erreurs d’appréciation, des maladresses, des manquements et fautes, plus ou moins graves, plus ou moins nombreux ». Une certaine inexpérience de la direction est relevée. Elle estime que Klaus Kinzler « a porté atteinte à l’image et à la réputation du corps enseignant et, au-delà, de l’établissement, décrédibilisé une instance de l’Institut ». L’inspection recommande de lui adresser un dernier rappel à l’ordre.

      Pour l’inspection, Anne-Laure Amilhat Szary aurait dû se voir notifiée « des fautes qu’elle a commises dans cette lamentable affaire ». Elle se trouve accusée d’avoir dramatisé la polémique dans son communiqué du 7 décembre. Mais aussi d’avoir contraint le corps enseignant à prendre position dans cette affaire et à choisir leur camp. « On se retrouve avec des agressés et des agresseurs renvoyés aux mêmes types de sanctions, c’est très problématique », commente-t-elle alors auprès de nos confrères du Monde. « La ministre a publiquement manifesté son indignation et son soutien quand le nom de mes collègues a été affiché, mais n’a pas réagi quand j’ai été à mon tour dangereusement menacée », poursuivait-elle.

      Une affaire devenue politique

      À moins de quatre mois de l’élection présidentielle, l’affaire Klaus Kinzler a pris une dimension politique. La direction de l’établissement vient de suspendre le professeur, accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires contre l’établissement lors de ses passages à la télévision. Lancé dans une véritable croisade contre les pratiques qui seraient en cours au sein de l’IEP de Grenoble depuis plusieurs moi, Klaus Kinzler avait notamment décrit l’école comme un institut de « rééducation politique », accusant un « noyau dur » de ses collègues d’endoctriner des étudiants à la culture du « wokisme », face à une direction impuissante. Dans son arrêté de suspension, la directrice Sabine Saurugger estime que l’enseignant a « gravement méconnu à plusieurs obligations », notamment en matière de « discrétion professionnelle ».

      Cette sanction a fait bondir plusieurs personnalités politiques. Dans une tribune publiée chez nos confrères de l’Opinion, le député François Jolivet demande la mise sous tutelle de l’établissement, ainsi que l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur la situation des universités françaises.

      Chez Les Républicains, Valérie Pécresse se dit inquiète « de ce que la liberté d’expression ne soit plus assurée à l’IEP de Grenoble » et demande à Frédérique Vidal de diligenter une nouvelle mission d’inspection sur la situation. Elle a été suivie par Éric Ciotti, l’eurodéputé François-Xavier Bellamy et le président de la région Rhône-Alpes Laurent Wauquiez. Dans un communiqué de presse, il a annoncé sa décision de suspendre l’ensemble des financements de la région à l’établissement. Une décision saluée par Marine Le Pen sur les réseaux sociaux.

      Cette suspension des financements a été soutenue, à demi-mots, par le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, qui voit dans la suspension de Klaus Kinzler une « erreur formelle » de la part de la direction de l’établissement. « Je pense qu’il faut bien entendu réagir », a-t-il affirmé mercredi sur LCI, au sujet de la décision de Laurent Wauquiez, estimant qu’il faut toutefois éviter « les mesures spectaculaires ».

      Dans un communiqué de presse, la direction de l’établissement voit de son côté dans la suspension des financements de la région une décision politique. Elle précise que « le soutien financier de la région (…) ne consiste pas en des subventions mais essentiellement en l’attribution de bourses aux étudiants ». Elle appelle Laurent Wauquiez à revenir sur sa décision dans l’intérêt des étudiants. « L’IEP de Grenoble-UGA fait désormais l’objet d’accusations ineptes de dérive idéologique et communautariste, de wokisme ou encore de cancel culture, qui n’ont aucun fondement », poursuit le communiqué.

      https://www.leparisien.fr/societe/sciences-po-grenoble-5-minutes-pour-comprendre-laffaire-klaus-kinzler-21-

    • Le management contre les libertés académiques

      texte (toxique) d’#Alain_Garrigou

      Un professeur a été suspendu par la directrice de Sciences Po Grenoble pour avoir dénoncé dans la presse la politisation de son établissement. Le motif est surprenant — intimer l’ordre de se taire à un universitaire — et la sanction exceptionnelle. Au départ, une controverse sur l’usage du terme « islamophobie » que deux enseignants ne voulaient pas assimiler au racisme comme le faisaient certains de leurs collègues. Une querelle sur un mot que d’aucuns pourraient juger « byzantine ». Cela se gâte quand des affichettes, collées sur les murs de l’établissement, traitent les premiers d’islamophobes. Les esprits s’échauffent à la suite d’échanges interminables de mails, où chacun s’offusque en se considérant pris à parti devant des destinataires divers et variés, le tout dans un contexte de travail distanciel. Un syndicat étudiant a relaté ces messages sur les réseaux sociaux. Les deux enseignants reçoivent alors des menaces physiques. Traduits devant le conseil de discipline, des étudiants impliqués sont relaxés malgré un rapport d’inspection sévère. Puis, un enseignant concerné, Klaus Kintzler, donne deux entretiens à des médias alors que la directrice lui a demandé de ne pas s’exprimer. Il y accuse l’établissement de ne plus offrir les conditions de liberté académique sous l’influence de ce qu’il qualifie de « wokisme ». La sanction tombe au nom d’une autorité qu’on peut dire patronale. Ce qui rompt avec des usages universitaires de collégialité et de règlement arbitré des conflits. Il faut donc comprendre ce qui a changé, notamment depuis la loi Libertés et Responsabilité des Universités (LRU) de 2008, portée par la ministre de l’époque Valérie Pécresse, qui a institué leur autonomie de gestion.

      Les directions universitaires sont issues d’élections auxquelles participent des représentants des enseignants, des personnels administratifs, des représentants syndicaux et des personnalités extérieures. Le temps du mandarinat qui concentrait tout le pouvoir entre les mains des professeurs est bien révolu. On ne s’en plaindra pas mais il faut savoir que les nouvelles règles de gouvernance amorcées par la loi d’orientation de l’enseignement supérieur de 1968 et renforcées par la LRU de 2008 ont introduit la politique dans l’université à deux titres au moins : les élections sont un processus politique de coalitions nouées dans des manœuvres plus ou moins opaques et les considérations partisanes peuvent y avoir une place plus ou moins forte. Tout cela n’est guère transparent. Le plus souvent, le compromis régnait entre des gens soucieux de ne pas mettre en danger une institution fragile et de préserver les conditions de vie commune. Les libertés académiques étaient une sorte de mantra que chacun savait ne pas devoir attaquer par intérêt réciproque. L’épisode de Grenoble est à cet égard une première.

      Il ne faut pas comprendre ce genre de conflit à l’aune des psychologies et des personnalités mais par le contexte délétère qui occupe de plus en plus l’université française (1) À plusieurs reprises, des colloques ou séminaires ont été annulés ou des invitations révoquées au motif que tel ou tel intervenant ne plaisait pas. . Les spécialistes de sciences sociales préfèrent appliquer l’objectivation à d’autres qu’eux mais s’ils prétendent au titre de scientifique, il faut bien qu’ils s’y soumettent. Autrement dit l’affaire n’est qu’un révélateur de tensions accumulées dans l’université : d’un côté une raréfaction des places ; de l’autre, une prolétarisation des conditions sociales. Il est de plus en plus difficile de faire carrière et on y est de moins en moins bien traité et payé. La solution professionnelle de la promotion passait en principe par l’excellence et l’investissement dans le métier. Si cela ne paie pas, ou mal, ou lentement, l’humeur se tourne vers la protestation politique déclarée ou masquée. Le schéma correspond à celui classique de l’inflation des titres scolaires et aux mécanismes de frustration relative. Sur une trajectoire classique d’affirmation, les nouvelles générations cherchent à se différencier. Les différents thèmes de l’intersectionnalité conjuguent cette tentative de renouvellement. En se combinant avec une politisation plus ou moins revendiquée qui, pour les plus engagés, soutient qu’il n’est pas de science qui soit politiquement neutre. Pour les plus anciens universitaires, cela a un parfum de Mai 68. Notre propos n’est pas ici d’évaluer ces ambitions et leurs résultats sauf sur le plan politique. Cette radicalisation s’accompagne d’une contre-radicalisation dont l’affaire Kintzler est un exemple.

      Ce n’est pas un hasard si elle survient dans un Institut d’études politiques (IEP), un type d’établissement particulièrement concerné par la dérive managériale des universités. Dans le sillage de Sciences Po Paris, les IEP de province se sont transformés en business schools. Plus ou moins selon les cas. Avec cette situation extraordinaire d’un droit de regard du pouvoir sur leur direction. On ne s’étonne même pas que la présidence de la République puisse inspirer le choix du directeur de Sciences Po Paris. La surveillance est moindre sur la province mais il reste l’exemple d’une gouvernance de plus en plus proche du privé avec une direction qui se comporte comme des patrons d’entreprise. Les termes mêmes de la directrice sont suffisamment éloquents lorsqu’elle évoque son « devoir d’intervenir lorsque la réputation de l’institution est prise pour cible (...) et lorsqu’on attaque personnellement le personnel de l’établissement » pour en conclure que « dans ce cadre, je joue mon rôle d’employeur face à un membre du personnel ». Ce n’était pas la tradition universitaire où le doyen, en tant que président ou directeur, discutait avec les professeurs sans véritablement exercer d’autorité hiérarchique. Une sorte de primus inter pares assurait une direction collégiale. Non point qu’il n’y ait pas de disputes, voire pire, mais nul n’osait exhiber des sanctions. Sauf à déclencher un éclat de rires ou une franche désapprobation collective (2).

      Ce sont des universitaires qui occupent ces fonctions de direction. Et, comme il se doit, ceux qui ont le moins de goût et de talent pour l’enseignement et la recherche — mes excuses aux exceptions — et bien sûr le plus d’appétit pour les fonctions politiques et bureaucratiques. Leur idéal n’est pas de publier mais de présider. On ne doit pas s’étonner de l’embarras de la ministre de l’université sur sanction grenobloise : une « erreur formelle » selon le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, la ministre Frédérique Vidal demandant que « chacun se remette au travail dans la sérénité » (3). Comment en serait-il autrement quand les ministres ont eux-mêmes mené une carrière d’apparatchiks d’université puis de ministère ? Ils se trouvent en quelque sorte en porte-à-faux, hostiles intellectuellement à certaines formes de radicalisation mais solidaires socialement de l’autorité bureaucratique. L’autre versant de cette autorité patronale ou managériale est la conversion salariale du statut d’universitaire. Les signes se sont accumulés depuis quelques années. Les professeurs subissent une relégation au statut de salarié qui les voue à une position défensive face à leur directeur ou président. Ces micros indicateurs témoignent des changements infimes qui, cumulés, font des universitaires des salariés comme les autres, tenus aux obligations de loyauté envers l’employeur et à l’obéissance. « Ne pas avoir de patron », un leitmotiv des anciens qui se consolaient ainsi dans les moments inévitables de doute. Que les prétendants d’aujourd’hui le sachent, il est peut-être trop tard.

      Depuis quand s’exprimer dans la presse est-il interdit aux universitaires ? Le coupable aurait mis en cause son établissement. S’agissant de liberté d’expression, la chose est assez importante pour la défendre dans la presse. Ayant subi pendant six ans des poursuites pour diffamation engagées par un conseiller d’un président de la République, Patrick Buisson, puis d’une entreprise de conseil financier (Fiducial), je n’imaginais pas que ce type d’action aurait pu venir de l’université. C’est une chose d’être attaqué en justice par des dirigeants politiques ou économiques qui défendent leurs intérêts contre la liberté d’expression, cela en est une autre de la part d’un corps professionnel qui perd alors sa raison d’être. La voie managériale peut amener à une autre solution. Avec ce nouvel épisode d’une crise où elle a montré qu’elle ne gérait pas « son » entreprise, la directrice de Sciences Po Grenoble aurait déjà dû démissionner. On a bien compris que son obstination était celle d’un chef d’équipe qui s’empare de principes de bon management pour s’en prendre aux autres plutôt qu’à soi-même. Au moins cela aura-t-il eu le mérite de rallier à la liberté académique des défenseurs qu’on ne soupçonnait pas comme Laurent Wauquiez, président du Conseil régional qui a supprimé une subvention à Sciences Po Grenoble. En réalité, faire de celui-ci et de ceux qui l’ont promptement applaudi, comme Marine Le Pen et Eric Zemmour, des défenseurs de la liberté académique est un tour de force comique.

      En sanctionnant, la directrice de Sciences Po Grenoble savait-elle ce qu’elle faisait ? Peut-on ignorer que chaque affaire de ce genre n’engage pas seulement des personnes mais le droit général de s’exprimer ? En ajoutant à la suspension l’annonce d’une plainte en diffamation, et indépendamment du fond de l’affaire, la directrice de Sciences Po Grenoble a engagé une poursuite bâillon contre l’un de ses enseignants (ce qui l’a aussitôt rendu célèbre dans les médias de droite et d’extrême droite). Forcément aux frais de l’institution. Il est probable que la direction agit comme n’importe quel politicien qui, accusé de malversation, répond immédiatement qu’il va porter plainte pour diffamation publique et… ne le fait pas quand son avocat lui explique qu’il n’a aucune chance. Sauf à se lancer dans une procédure qu’il sait perdue d’avance, mais qui aura valeur d’avertissement. Tout accusateur éventuel futur risque de payer cher ses divulgations. De fait il suffit d’être riche pour que l’intimidation fonctionne. Ou qu’une entreprise paie. Ce serait donc Sciences Po Grenoble qui paierait les frais de justice dans une plainte en diffamation avec constitution de partie civile ou non. Dans le premier cas, la plainte donne lieu automatiquement à une mise en examen, dans le second, à une simple incrimination. Dans les deux cas, cela occasionne des frais de justice (quelques milliers d’euros pour son avocat) et la menace d’une condamnation à payer les frais du plaignant et à lui verser des dommages et intérêts. La personne incriminée ou mise en examen a alors la base légale de la protection fonctionnelle. En l’occurrence, Klaus Kinzler devra faire une demande à la direction de son établissement pour obtenir la protection fonctionnelle (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, article 11). S’il s’agissait de repousser les limites du ridicule, c’est déjà réussi.

      https://blog.mondediplo.net/le-management-contre-les-libertes-academiques

    • cgt : Soutien aux personnels de Sciences Po Grenoble

      Nous dénonçons fermement la décision du Président de Région Laurent Wauquiez de suspendre tous les financements à Sciences Po Grenoble, et la surenchère politique qui s’en est suivie, notamment avec l’intervention du ministre de l’Éducation Nationale Jean-Michel Blanquer. Ces décisions unilatérales et cette surenchère, encourageant les préjugés de l’idéologie d’extrême droite sur une prétendue diffusion de « cancel culture » ou de « wokisme » ou encore d’« islamo-gauchisme » à l’Université, posent un grave problème remettant en cause l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, et la liberté académique, garante d’un service public d’ESR de qualité.

      Pour toutes ces raisons, ces décisions et cette instrumentalisation politico-médiatique doivent faire l’objet d’une réaction publique forte du Président de l’UGA pour permettre aux collègues de Sciences Po de travailler dans des conditions acceptables, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les collègues vivent une pression et une violence forte, c’est inacceptable. Cette prise de position de la Présidence a été demandée à plusieurs reprises, notamment lors du Conseil Académique du 14 octobre 2021.

      La CGT Université de Grenoble réaffirme toute sa solidarité envers les collègues de Sciences Po Grenoble qui travaillent aujourd’hui sous une pression particulièrement forte : outre cette pression médiatico-politique et les entraves aux libertés académiques qui les empêchent de travailler dans des conditions sereines, l’ensemble des personnels de Sciences Po, enseignant.es, enseignant.es-chercheurs.ses et personnels administratifs et techniques, subissent des conditions de travail particulièrement dures depuis des mois déjà, ayant conduit à de nombreuses alertes dont une alerte pour Danger Grave et Imminent, restées à ce jour sans réelle réponse.

      –-

      Motion du conseil académique de l’UGA du 14 octobre 2021
      Adoptée à l’unanimité

      Le conseil académique de l’UGA apporte son soutien aux collègues du laboratoire Pacte soumis cette année à des menaces particulièrement violentes dans l’exercice de leur activité de recherche.

      Dans un contexte où certaines disciplines, notamment en sciences humaines et sociales, font face à des attaques médiatiques, politiques, ministérielles, qui mettent en danger la liberté académique, le conseil académique confirme la légitimité entière de ces disciplines et des collègues qui y inscrivent leurs travaux.

      Il appelle la présidence de l’UGA à s’associer publiquement à ce soutien et à la défense de la liberté académique contre tous ceux qui tentent de la remettre en cause.

      Le conseil académique réaffirme son attachement à l’article L141-6 du code de l’éducation : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. »

      https://academia.hypotheses.org/33761

    • « Anciens étudiants de Sciences Po Grenoble, nous souhaitons défendre la liberté académique »

      Un collectif regroupant 770 anciens étudiants de Sciences Po Grenoble déplore, dans une tribune au « Monde », la médiatisation dont fait l’objet leur école et regrette l’intervention de dirigeants politiques, tel Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a décidé d’arrêter de financer cette institution.

      Tribune. Depuis plusieurs mois, l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble est le centre de nombreuses polémiques, avec en point d’orgue, le 14 décembre 2021, la suspension pour quatre mois d’un professeur pour cause de manquements aux obligations liées au statut de fonctionnaire. Nous, anciens étudiants et anciennes étudiantes de l’IEP de Grenoble, provenant de tous horizons, observons avec désarroi les différentes prises de position venant de personnalités élues, de ministres, d’universitaires et d’une partie de nos camarades à l’encontre de notre école.

      Nous condamnons toutes les violences dont ont été victimes les enseignants et enseignantes, les chercheurs et chercheuses, et les étudiants et étudiantes. Des enquêtes sont en cours, et nous laissons aux personnes compétentes le soin de prendre les décisions qui seront nécessaires.

      Inquiétude

      Si nous tenons à prendre la parole aujourd’hui, c’est avant tout pour prendre du recul sur la situation et faire part de notre inquiétude concernant l’ingérence potentiellement dangereuse des pouvoirs publics dans les affaires académiques, et l’instrumentalisation politique de cette affaire dont nous sommes témoins et qui nous est profondément intolérable.

      L’IEP de Grenoble, à l’instar d’autres universités françaises, est accusé de dérive idéologique, et ce aux dépens de la pluralité de la recherche en sciences sociales. Ce type d’accusation témoigne non seulement d’une méconnaissance de la variété et de l’étendue des champs de recherche, mais aussi de la qualité de la recherche au sein des laboratoires Pacte de recherche en sciences sociales, Cerdap2 (Centre d’études et de recherche sur la diplomatie, l’administration publique et le politique), Cesice (Centre d’études sur la sécurité internationale et les coopérations européennes), et à l’IEP, dont les sujets mis en accusation ne forment d’ailleurs qu’une part marginale.

      Nous condamnons fermement la normalisation de termes conceptuellement infondés, empruntés à l’extrême droite, dans la presse, et le discours politique, qui mettent en cause la rigueur scientifique des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de notre école ; et nous apportons notre soutien à celles et à ceux qui travaillent sur les concepts de racisme, d’antisémitisme et d’islamophobie, et sur les sujets d’égalité et de lutte contre les discriminations en général.

      Nous nous insurgeons contre la décision annoncée du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, de mettre fin aux financements régionaux à destination de l’IEP de Grenoble. Pour rappel, le soutien financier de la région comprend l’attribution de bourses aux étudiants et étudiantes en difficulté, le soutien à l’action sociale et les projets de formation continue, notamment pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur et à l’emploi : ce sont donc les élèves qui sont le plus dans le besoin qui en pâtiront le plus.

      Récupération politique

      Nous souhaitons aussi alerter sur la gravité d’une telle décision politique, d’ailleurs soutenue par les candidats et les candidates d’extrême droite à l’élection présidentielle, et défendre la liberté académique. Nous sommes en désaccord avec celles et ceux qui souhaitent garantir la liberté académique « à la carte », utile pour diffamer l’IEP dans les médias, gênante lorsqu’elle aborde le sujet des discriminations. Nous tenons profondément à la diversité des idées et nous jugeons primordial que des débats pluriels puissent continuer à exister au sein de l’IEP dans le cadre prévu par la loi.

      Parce que nous tenons à notre école, celle qui a encouragé le développement et la consolidation de notre esprit critique et de notre conscience citoyenne, nous souhaitons alerter sur la dangerosité de telles pratiques, qui mettent en péril le pluralisme de la pensée. Nous craignons le fait qu’un pouvoir politique puisse prendre la décision unilatérale de couper les financements d’une université.

      A l’avenir, les différents acteurs publics (Etat ou collectivités territoriales) pourront-ils décider de façon discrétionnaire de supprimer des financements à chaque université qui ne promouvrait pas leur ligne politique ? Nous trouvons en outre inquiétant que certains appellent à ce que l’Etat intervienne, au-delà du cadre prévu par la loi, dans ce qui est enseigné et étudié à l’université.

      Enfin, nous déplorons ce battage médiatique autour de notre école, qui nuit aux étudiants et étudiantes, que la pandémie affecte déjà profondément. Cette récupération politique les rend inaudibles. A l’instar du rappel à la réalité des équipes pédagogiques de l’IEP du 4 janvier, ce sont bel et bien les étudiants et étudiantes qui sont le plus à même de décrire leur réalité quotidienne, et c’est leur parole qui doit primer pour témoigner de ce qu’est réellement notre IEP.

      Les rédacteurs de cette tribune sont : Annaïg Antoine (promotion 2012), cadre dans une association financière internationale ; Marianne Cuoq (promotion 2012), urbaniste, et Léa Gores (promotion 2015), cadre de la fonction publique territoriale.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/14/anciens-etudiants-de-sciences-po-grenoble-nous-souhaitons-defendre-la-libert

    • Sciences Po Grenoble se cherche un nouvel avenir

      L’institut d’études politiques fait face à d’incessantes polémiques depuis un an, érigé par la droite en symbole des « #dérives_communautaristes » dans l’enseignement supérieur.

      Parmi quinze candidats, cinq (dont trois anciens élèves) ont été conviés pour un entretien d’embauche, le 10 janvier, à l’institut d’études politiques (IEP) de Grenoble. L’enjeu est de taille : recruter la directrice ou le directeur de la communication, capable de contribuer à sortir de la crise un établissement passablement affaibli depuis un an.

      La dernière secousse est intervenue le 20 décembre 2021, quand Laurent Wauquiez, président (Les Républicains) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé dans un tweet qu’il suspendait les financements, soit 100 000 euros par an consacrés aux bourses et à la mobilité étudiante, en raison de la « longue dérive idéologique et communautariste » de l’école. Une « dérive » qui viendrait, selon lui, du franchissement « d’un nouveau cap » avec la suspension, pour une durée de quatre mois, d’un professeur d’allemand en poste depuis vingt-six ans à l’IEP : Klaus Kinzler.

      Agé de 62 ans, l’homme est devenu une personnalité très appréciée des médias pour sa verve à dénoncer l’idéologie et l’intolérance qui caractériseraient de jeunes collègues et surtout des étudiants activistes. En février 2021, il n’a pas hésité à qualifier – avec une forme d’« humour », plaide-t-il – ces étudiants d’« ayatollahs en germe » dans un mail signé « “Un enseignant en lutte”, nazi de par ses gènes, islamophobe multirécidiviste ».

      Le 8 décembre 2021, dans L’Opinion, il affirme que « Sciences Po Grenoble n’est plus un institut d’études politiques, mais d’éducation, voire de rééducation politique ». Une expression travestie en « camp de rééducation » lorsqu’elle est reprise en gras dans le titre de l’article. La référence implicite au régime des Khmers rouges au Cambodge est violente, et se répand comme une traînée de poudre à l’IEP comme dans la classe politique, notamment à droite, en plein combat contre la nébuleuse « woke » qui infiltrerait les universités françaises.

      Quelques jours plus tard, le 15 décembre, Sabine Saurugger, directrice de l’IEP, suspend le professeur, dans l’attente de la saisine d’un conseil de discipline : « Parler de “camp de rééducation” porte atteinte à l’intégrité de l’établissement et à la formation offerte par les enseignants », justifie-t-elle.

      Les propos de Klaus Kinzler sont « nuisibles à l’institution et basés sur beaucoup de mensonges, appuie Simon Persico, professeur de science politique. Les enseignants-chercheurs ressentent une lassitude et de profondes blessures. On attendait une réaction, elle est venue. » Klaus Kinzler « s’est exclu tout seul, ajoute Gilles Bastin, professeur de sociologie. Il se radicalise, et ses propos sont grotesques. Il nous utilise dans un combat politique qui n’a plus rien à voir avec nous. »

      « Petit bijou académique »

      Auprès du Monde, Klaus Kinzler dénonce le titre choisi par L’Opinion « puisqu’il ne s’agit pas des mots qui figurent dans l’entretien ». Néanmoins, il n’a fait parvenir aucun droit de réponse, préférant réserver ses prochaines interventions médiatiques à une échéance proche, le 2 mars, date de la publication de son ouvrage L’islamogauchisme ne m’a pas tué (éd. du Rocher).

      Cette sortie marquera une date anniversaire, un an après la découverte sur les murs de l’institut, le 4 mars 2021, des noms des professeurs Klaus Kinzler et Vincent Tournier, accolés à cette phrase : « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue. » Une photo des collages avait été brièvement diffusée en ligne par la section UNEF de Grenoble, avant d’être retirée, le syndicat national condamnant vigoureusement « tout lynchage public ». L’enquête de police est toujours en cours pour identifier les poseurs d’affiches. « Dans ma famille, au repas de Noël, on n’a parlé que de cela. Je n’en peux plus, lâche Théo (le prénom a été modifié), étudiant en master. Sur les réseaux sociaux, je me fais traiter de tous les noms, car je suis de Sciences Po Grenoble. »

      « On tape sur un petit bijou académique et d’enseignement, c’est tout à fait injuste ! regrette Sonja Zmerli, professeure de science politique, qui souligne l’enthousiasme de collègues étrangers à collaborer aux travaux scientifiques qui y sont menés. Ce sont des collègues soucieux de leur réputation académique qui ne viendraient pas s’ils avaient un quelconque doute. »

      Comment en est-on arrivé là ? Fondé en 1948, l’IEP grenoblois, l’un des plus anciens, a bénéficié d’une évaluation plus que favorable du Haut Conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) qui saluait, en mai 2020, « la grande qualité de l’accompagnement des étudiants » et ce, après avoir surmonté d’importantes difficultés financières.

      « On est tous un peu sur les nerfs »

      Tout remonte au 30 novembre 2020, lorsque éclate par mail – en plein confinement – un conflit sémantique entre Klaus Kinzler et Mme M. (qui n’a pas souhaité répondre aux sollicitations du Monde), enseignante-chercheuse en histoire, membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF). En cause : l’usage du mot « islamophobie » auprès des mots « racisme » et « antisémitisme », ces trois thèmes devant servir à définir le contenu d’une table ronde organisée en janvier 2021, à l’occasion d’une « semaine pour l’égalité ».

      L’historienne soutient que l’islamophobie est « un concept heuristique utilisé dans les sciences sociales » pour « désigner des préjugés et des discriminations liées à l’appartenance, réelle ou fantasmée, à la religion musulmane ». Le professeur d’allemand, lui, y voit une possible « arme de propagande d’extrémistes plus intelligents que nous », allusion notamment au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui vient de s’autodissoudre quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, après avoir été accusé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de diffuser une « propagande islamiste ».

      Un an plus tard, le sujet est loin d’être tranché à l’IEP, même si chacun s’accorde à dire que si cette dispute avait eu lieu dans une réunion classique, à l’oral, jamais elle n’aurait débouché sur une telle crise. « Mes collègues se sont chacun sentis agressés, car ils ne parlaient pas forcément de la même chose », décrypte Dorian Guinard, maître de conférences en droit.

      Du point de vue juridique, juxtaposer la critique d’un dogme – l’islamophobie – à deux délits pénaux – le racisme et l’antisémitisme – pose « un problème d’équilibre des notions », poursuit-il. « Mais une majorité de sociologues, notamment anglo-saxons, définissent l’islamophobie comme la haine des musulmans. En France, il existe un délit pénal pour cela, c’est la haine religieuse. Voilà ce que dit le droit, et je pense sincèrement que cela a manqué dans cette affaire. »

      Invités par la direction à ne pas s’exprimer publiquement pour protéger l’institution, nombre d’enseignants souhaitent désormais prendre la parole, « tant les médias ont brodé autour des faits », lâche l’un deux. Le 19 novembre 2021, la communauté a été prise de court par la relaxe, par la commission disciplinaire de l’université Clermont-Auverge, où l’affaire avait été dépaysée, des dix-sept étudiants poursuivis pour leur participation à la diffusion des accusations d’islamophobie visant Klaus Kinzler et Vincent Tournier. Par un « appel à témoignages » publié sur Facebook début 2021, l’Union syndicale (US) Sciences Po Grenoble invitait les étudiants à dénoncer anonymement les propos islamophobes qui auraient pu être tenus dans le cours sur l’islam et les musulmans de France dispensé par Vincent Tournier.

      Depuis, l’US a été dissoute, remplacée par l’Organisation universitaire pour la représentation syndicale étudiante (Ourse), majoritaire dans les instances. « Le travail de remontée d’information est normal pour un syndicat, même s’il y avait peut-être d’autres moyens qui auraient engendré moins de tensions que l’appel à témoignages sur Facebook », concède l’un des nouveaux élus, Nicolas Duplan-Monceau.

      « On est tous un peu sur les nerfs, confie l’historien Aurélien Lignereux. Il n’y a pas eu de sanction alors qu’il y a eu provocation. Cela favorise les préjugés défavorables sur l’établissement au risque de dissuader des candidats de se présenter au concours. »

      Le poison #sciencesporcs

      Mi-octobre 2021, l’UNI, syndicat de droite, a relancé la polémique en dénonçant « un nouvel acte de soumission à l’idéologie woke et à l’islamisme » lorsque l’association #Cafet’en_Kit a cru que son nouveau fournisseur lui livrait exclusivement des produits halal – en réalité 30 %. La direction avait alors rappelé à cette association que la distribution d’aliments « allant à l’encontre des principes de laïcité et de neutralité » était interdite.

      A cette confusion ambiante s’ajoute un autre sujet qui empoisonne l’IEP depuis bientôt un an : la vague #sciencesporcs, qui vise à dénoncer massivement sur les réseaux sociaux tout acte de violence sexiste, sexuel ou de harcèlement subi par des étudiants au cours de leur scolarité. La déferlante de témoignages a bouleversé les relations humaines, comme le relève dans son rapport publié en mai 2021 l’Inspection générale de l’éducation du sport et de la recherche, qui évoque un règne de la « terreur » pour amener à dénoncer de possibles coupables. Simon Persico a sondé ses étudiants, qui lui ont décrit « une ambiance un peu délétère liée aux nouvelles formes de radicalité. Pour une toute petite poche, la mobilisation est très vive, voire violente sur les réseaux sociaux », rapporte-t-il. Dans quelques jours, avec les première année, Dorian Guinard débutera son cours « par quelque chose qu’[il] ne fai[t] pas d’habitude : rappeler ce que sont les délits pénaux, notamment le harcèlement et le cyberharcèlement, car clairement il y a eu des dérapages », estime-t-il.

      Pour reprendre la main sur tous les fronts, Sabine Saurugger s’apprête à déployer une « stratégie » offensive, en organisant des controverses scientifiques précisément sur les sujets qui crispent le débat national. « Nous allons nous efforcer d’être plus visibles médiatiquement en invitant des intervenants qualifiés pour discuter de manière académique sur la liberté d’expression, la liberté académique, la religion, la laïcité…, annonce la directrice, qui a pris ses fonctions le 1er février 2020, un mois avant le confinement. L’important est de montrer que l’image qui est dépeinte dans les médias ne correspond pas à la réalité. »

      « Un peu désemparé » par cette folle année, le président du conseil d’administration, Jean-Luc Nevache, veut à tout prix éviter un duel « Sciences Po contre Klaus Kinzler » à l’occasion de la sortie de son livre. « Cela ne nous intéresse pas, cadre le président de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), ancien élève de l’IEP. Seuls nous importent les étudiants et leur avenir, les enseignants et les chercheurs qui soutiennent des débats universitaires sérieux et publient dans des revues à comité de lecture pour contribuer au débat international sur les sciences sociales. » Ce que semblerait ignorer l’un des membres du conseil d’administration qui n’y a jamais participé : Laurent Wauquiez.

      https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/01/17/sciences-po-grenoble-se-cherche-un-nouvel-avenir_6109738_4401467.html

  • À la frontière franco-espagnole, le renforcement des contrôles conduit les migrants à prendre toujours plus de #risques

    Au #Pays_basque, après que trois Algériens sont morts fauchés par un train à Saint-Jean-de-Luz/Ciboure le 12 octobre, associations et militants dénoncent le « #harcèlement » subi par les migrants tentant de traverser la frontière franco-espagnole. Face à l’inaction de l’État, des réseaux citoyens se mobilisent pour « sécuriser » leur parcours et éviter de nouveaux drames.

    Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques).– Attablés en terrasse d’un café, mardi 26 octobre, sous un ciel gris prêt à déverser son crachin, Line et Peio peinent toujours à y croire. « On n’imagine pas le niveau de fatigue, l’épuisement moral, l’état de détresse dans lequel ils devaient se trouver pour décider de se reposer là un moment », constatent-ils les sourcils froncés, comme pour marquer leur peine.

    Le 12 octobre dernier, trois migrants algériens étaient fauchés par un train, au petit matin, à 500 mètres de la gare de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure. Un quatrième homme, blessé mais désormais hors de danger, a confirmé aux enquêteurs que le groupe avait privilégié la voie ferrée pour éviter les contrôles de police, puis s’était arrêté pour se reposer, avant de s’assoupir.

    Un cinquième homme, dont les documents d’identité avaient été retrouvés sur les lieux, avait pris la fuite avant d’être retrouvé deux jours plus tard à Bayonne.

    « Ceux qui partent de nuit tentent de passer la frontière vers 23 heures et arrivent ici à 3 ou 4 heures du matin. La #voie_ferrée est une voie logique quand on sait que les contrôles de police sont quasi quotidiens aux ronds-points entre #Hendaye et #Saint-Jean-de-Luz », souligne Line, qui préside l’association #Elkartasuna_Larruna (Solidarité autour de la Rhune, en basque) créée en 2018 pour accompagner et « sécuriser » l’arrivée importante de migrants subsahariens dans la région.

    Peio Etcheverry-Ainchart, qui a participé à la création de l’association, est depuis élu, dans l’opposition, à Saint-Jean-de-Luz. Pour lui, le drame reflète la réalité du quotidien des migrants au Pays basque. « Ils n’iraient pas sur la voie ferrée s’ils se sentaient en sécurité dans les transports ou sur les axes routiers », dénonce-t-il en pointant du doigt le manque d’action politique au niveau local.

    « Ils continueront à passer par là car ils n’ont pas le choix et ce genre de drame va se reproduire. La #responsabilité politique des élus de la majorité est immense, c’est une honte. » Trois cents personnes se sont réunies au lendemain du drame pour rendre hommage aux victimes, sans la présence du maire de Saint-Jean-de-Luz. « La ville refuse toutes nos demandes de subvention, peste Line. Pour la majorité, les migrants ne passent pas par ici et le centre d’accueil créé à #Bayonne, #Pausa, est suffisant. »

    Un manque de soutien, à la fois moral et financier, qui n’encourage pas, selon elle, les locaux à se mobiliser auprès de l’association, qui compte une trentaine de bénévoles. Son inquiétude ? « Que les gens s’habituent à ce que des jeunes meurent et que l’on n’en parle plus, comme à Calais ou à la frontière franco-italienne. Il faut faire de la résistance. »

    Samedi dernier, j’en ai récupéré deux tard le soir, épuisés et frigorifiés

    Guillaume, un « aidant »

    Ce mardi midi à Saint-Jean-de-Luz, un migrant marocain avance d’un pas sûr vers la halte routière, puis se met en retrait, en gardant un œil sur l’arrêt de bus. Dix minutes plus tard, le bus en direction de Bayonne s’arrête et le trentenaire court pour s’y engouffrer avant que les portes ne se referment.

    Guillaume, qui travaille dans le quartier de la gare, fait partie de ces « aidants » qui refusent de laisser porte close. « Samedi dernier, j’en ai récupéré deux tard le soir, qui étaient arrivés à Saint-Jean en fin d’après-midi. Ils étaient épuisés et frigorifiés. » Après les avoir accueillis et leur avoir offert à manger, il les achemine ensuite jusqu’à Pausa à 2 heures du matin, où il constate qu’il n’est pas le seul à avoir fait la navette.

    La semaine dernière, un chauffeur de bus a même appelé la police quand des migrants sont montés à bord

    Guillaume, un citoyen vivant à Saint-Jean-de-Luz

    « Il m’est arrivé de gérer 10 ou 40 personnes d’un coup. Des femmes avec des bébés, des enfants, des jeunes qui avaient marché des heures et me racontaient leur périple. J’allais parfois m’isoler pour pleurer avant de m’occuper d’eux », confie celui qui ne cache pas sa tristesse face à tant d’« inhumanité ». Chaque jour, rapporte-t-il, la police sillonne les alentours, procède à des #contrôles_au_faciès à l’arrêt de bus en direction de Bayonne et embarque les migrants, comme en témoigne cette vidéo publiée sur Facebook en août 2019 (https://www.facebook.com/100000553678281/posts/2871341412894286/?d=n).

    « La semaine dernière, un #chauffeur_de_bus a même appelé la #police quand des migrants sont montés à bord. Ça rappelle une époque à vomir. » Face à ce « harcèlement » et cette « pression folle », Guillaume n’est pas étonné que les Algériens aient pris le risque de longer la voie ferrée. « Les habitants et commerçants voient régulièrement des personnes passer par là. Les gens sont prêts à tout. »

    À la frontière franco-espagnole aussi, en gare de Hendaye, la police est partout. Un véhicule se gare, deux agents en rejoignent un autre, situé à l’entrée du « topo » (train régional qui relie Hendaye à la ville espagnole de Saint-Sébastien), qui leur tend des documents. Il leur remet un jeune homme, arabophone, qu’ils embarquent.

    « Ils vont le laisser de l’autre côté du pont. Ils font tout le temps ça, soupire Miren*, qui observe la scène sans pouvoir intervenir. Les policiers connaissent les horaires d’arrivée du topo et des trains venant d’#Irun (côté espagnol). Ils viennent donc dix minutes avant et se postent ici pour faire du contrôle au faciès. » Depuis près de trois ans, le réseau citoyen auquel elle appartient, Bidasoa Etorkinekin, accueille et accompagne les personnes en migration qui ont réussi à passer la frontière, en les acheminant jusqu’à Bayonne.

    La bénévole monte à bord de sa voiture en direction des entrepôts de la SNCF. Là, un pont flambant neuf, barricadé, apparaît. « Il a été fermé peu après son inauguration pour empêcher les migrants de passer. » Des #grilles ont été disposées, tel un château de cartes, d’autres ont été ajoutées sur les côtés. En contrebas, des promeneurs marchent le long de la baie.

    Miren observe le pont de Santiago et le petit chapiteau blanc marquant le #barrage_de_police à la frontière entre Hendaye et #Irun. « Par définition, un #pont est censé faire le lien, pas séparer... » Selon un militant, il y aurait à ce pont et au pont de #Behobia « quatre fois plus de forces de l’ordre » qu’avant. Chaque bus est arrêté et les passagers contrôlés. « C’est cela qui pousse les personnes à prendre toujours plus de risques », estime-t-il, à l’instar de #Yaya_Karamoko, mort noyé dans la Bidassoa en mai dernier.

    On ne peut pas en même temps organiser l’accueil des personnes à Bayonne et mettre des moyens énormes pour faire cette chasse aux sorcières

    Eñaut, responsable de la section nord du syndicat basque LAB

    Le 12 juin, à l’initiative du #LAB, syndicat socio-politique basque, une manifestation s’est tenue entre Irun et Hendaye pour dénoncer la « militarisation » de la frontière dans ce qui a « toujours été une terre d’accueil ». « Ça s’est inscrit dans une démarche de #désobéissance_civile et on a décidé de faire entrer six migrants parmi une centaine de manifestants, revendique Eñaut, responsable du Pays basque nord. On ne peut pas en même temps organiser l’accueil des personnes à Bayonne et mettre des moyens énormes pour faire cette #chasse_aux_sorcières, avec les morts que cela engendre. L’accident de Saint-Jean-de-Luz est le résultat d’une politique migratoire raciste. » L’organisation syndicale espère, en développant l’action sociale, sensibiliser toutes les branches de la société – patronat, salariés, État – à la question migratoire.

    Des citoyens mobilisés pour « sécuriser » le parcours des migrants

    À 22 heures mardi, côté espagnol, Maite, Arantza et Jaiona approchent lentement de l’arrêt de bus de la gare routière d’Irun. Toutes trois sont volontaires auprès du réseau citoyen #Gau_Txori (les « Oiseaux de nuit »). Depuis plus de trois ans, lorsque les cars se vident le soir, elles repèrent d’éventuels exilés désorientés en vue de les acheminer au centre d’accueil géré par la Cruz Roja (Croix-Rouge espagnole), situé à deux kilomètres de là. En journée, des marques de pas, dessinées sur le sol à intervalle régulier et accompagnées d’une croix rouge, doivent guider les migrants tout juste arrivés à Irun. Mais, à la nuit tombée, difficile de les distinguer sur le bitume et de s’orienter.

    « En hiver, c’est terrible, souffle Arantza. Cette gare est désolante. Il n’y a rien, pas même les horaires de bus. On leur vient en aide parce qu’on ne supporte pas l’injustice. On ne peut pas rester sans rien faire en sachant ce qu’il se passe. » Et Maite d’enchaîner : « Pour moi, tout le monde devrait pouvoir passer au nom de la liberté de la circulation. » « La semaine dernière, il y avait beaucoup de migrants dans les rues d’Irun. La Croix-Rouge était dépassée. Déjà, en temps normal, le centre ne peut accueillir que 100 personnes pour une durée maximale de trois jours. Quand on leur ramène des gens, il arrive que certains restent à la porte et qu’on doive les installer dans des tentes à l’extérieur », rapporte, blasée, Jaiona.

    À mesure qu’elles dénoncent les effets mortifères des politiques migratoires européennes, un bus s’arrête, puis un second. « Je crois que ce soir, on n’aura personne », sourit Arantza. Le trio se dirige vers le dernier bus, qui stationne en gare à 23 h 10. Un homme extirpe ses bagages et ceux d’une jeune fille des entrailles du car. Les bénévoles tournent les talons, pensant qu’ils sont ensemble. C’est Jaiona, restée en arrière-plan, qui comprend combien l’adolescente a le regard perdu, désespérée de voir les seules femmes présentes s’éloigner. « Cruz Roja ? », chuchote l’une des volontaires à l’oreille de Mariem, qui hoche la tête, apaisée de comprendre que ces inconnues sont là pour elle.

    Ni une ni deux, Maite la soulage d’un sac et lui indique le véhicule garé un peu plus loin. « No te preocupes, somos voluntarios » (« Ne t’inquiète pas, nous sommes des bénévoles »), lui dit Jaiona en espagnol. « On ne te veut aucun mal. On t’emmène à la Croix-Rouge et on attendra d’être sûres que tu aies une place avant de partir », ajoute Maite dans un français torturé.

    Visage juvénile, yeux en amande, Mariem n’a que 15 ans. Elle arrive de Madrid, un bonnet à pompon sur la tête, où elle a passé un mois après avoir été transférée par avion de Fuerteventura (îles Canaries) dans l’Espagne continentale, comme beaucoup d’autres ces dernières semaines, qui ont ensuite poursuivi leur route vers le nord. Les bénévoles toquent à la porte de la Cruz Roja, un agent prend en charge Mariem. Au-dehors, les phares de la voiture illuminent deux tentes servant d’abris à des exilés non admis.

    J’avais réussi à passer la frontière mais la police m’a arrêtée dans le #bus et m’a renvoyée en Espagne

    Fatima*, une exilée subsaharienne refoulée après avoir franchi la frontière

    Le lendemain matin, dès 9 heures, plusieurs exilés occupent les bancs de la place de la mairie à Irun. Chaque jour, entre 10 heures et midi, c’est ici que le réseau citoyen Irungo Harrera Sarea les accueille pour leur donner des conseils. « Qui veut rester en Espagne ici ? », demande Ion, l’un des membres du collectif. Aucune main ne se lève. Ion s’y attendait. Fatima*, la seule femme parmi les 10 exilés, a passé la nuit dehors, ignorant l’existence du centre d’accueil. « J’avais réussi à passer la frontière mais la police m’a arrêtée dans le bus et m’a renvoyée en Espagne », relate-t-elle, vêtue d’une tenue de sport, un sac de couchage déplié sur les genoux. Le « record », selon Ion, est détenu par un homme qui a tenté de passer à huit reprises et a été refoulé à chaque fois. « Il a fini par réussir. »

    Éviter de se déplacer en groupe, ne pas être trop repérable. « Vous êtes noirs », leur lance-t-il, pragmatique, les rappelant à une triste réalité : la frontière est une passoire pour quiconque a la peau suffisamment claire pour ne pas être contrôlé. « La migration n’est pas une honte, il n’y a pas de raison de la cacher », clame-t-il pour justifier le fait de s’être installés en plein centre-ville.

    Ion voit une majorité de Subsahariens. Peu de Marocains et d’Algériens, qui auraient « leurs propres réseaux d’entraide ». « On dit aux gens de ne pas traverser la Bidassoa ou longer la voie ferrée. On fait le sale boulot en les aidant à poursuivre leur chemin, ce qui arrange la municipalité d’Irun et le gouvernement basque car on les débarrasse des migrants, regrette-t-il. En voulant les empêcher de passer, les États ne font que garantir leur souffrance et nourrir les trafiquants. »

    L’un des exilés se lève et suit une bénévole, avant de s’infiltrer, à quelques mètres de là, dans un immeuble de la vieille ville. Il est invité par Karmele, une retraitée aux cheveux grisonnants, à entrer dans une pièce dont les murs sont fournis d’étagères à vêtements.

    Dans ce vestiaire solidaire, tout a été pensé pour faire vite et bien : Karmele scrute la morphologie du jeune homme, puis pioche dans l’une des rangées, où le linge, selon sa nature – doudounes, pulls, polaires, pantalons – est soigneusement plié. « Tu es long [grand], ça devrait t’aller, ça », dit-elle en lui tendant une veste. À sa droite, une affiche placardée sous des cartons étiquetés « bébé » vient rappeler aux Africaines qu’elles sont des « femmes de pouvoir ».

    Le groupe d’exilés retourne au centre d’accueil pour se reposer avant de tenter le passage dans la journée. Mariem, l’adolescente, a choisi de ne pas se rendre place de la mairie à 10 heures, influencée par des camarades du centre. « On m’a dit qu’un homme pouvait nous faire passer, qu’on le paierait à notre arrivée à Bayonne. Mais je suis à la frontière et il ne répond pas au téléphone. Il nous a dit plus tôt qu’il y avait trop de contrôles et qu’on ne pourrait pas passer pour l’instant », confie-t-elle, dépitée, en fin de matinée. Elle restera bloquée jusqu’en fin d’après-midi à Behobia, le deuxième pont, avant de se résoudre à retourner à la Cruz Roja pour la nuit.

    L’exil nous détruit, je me dis des fois qu’on aurait mieux fait de rester auprès des nôtres

    Mokhtar*, un migrant algérien

    Au même moment, sur le parking précédant le pont de Santiago, de jeunes Maghrébins tuent le temps, allongés dans l’herbe ou assis sur un banc. Tous ont des parcours de vie en pointillés, bousillés par « el ghorba » (« l’exil »), qui n’a pas eu pitié d’eux, passés par différents pays européens sans parvenir à s’établir. « Huit ans que je suis en Europe et je n’ai toujours pas les papiers », lâche Younes*, un jeune Marocain vivant depuis un mois dans un foyer à Irun. Mokhtar*, un harraga (migrant parti clandestinement depuis les côtes algériennes) originaire d’Oran, abonde : « L’exil nous détruit, je me dis des fois qu’on aurait mieux fait de rester auprès des nôtres. Mais aujourd’hui, c’est impossible de rentrer sans avoir construit quelque chose... » La notion « d’échec », le regard des autres seraient insoutenables.

    Chaque jour, Mokhtar et ses amis voient des dizaines de migrants tenter le passage du pont qui matérialise la frontière. « Les Algériens qui sont morts étaient passés par ici. Ils sont même restés un temps dans notre foyer. Avant qu’ils ne passent la frontière, je leur ai filé quatre cigarettes. Ils sont partis de nuit, en longeant les rails de train depuis cet endroit, pointe-t-il du doigt au loin. Paix à leur âme. Cette frontière est l’une des plus difficiles à franchir en Europe. » L’autre drame humain est celui des proches des victimes, ravagés par l’incertitude faute d’informations émanant des autorités françaises.
    Les proches des victimes plongés dans l’incertitude

    « Les familles ne sont pas prévenues, c’est de la torture. On a des certitudes sur deux personnes. La mère de l’un des garçons a appelé l’hôpital, le commissariat… Sans obtenir d’informations. Or elle n’a plus de nouvelles depuis le jour du drame et les amis qui l’ont connu sont sûrs d’eux », expliquait une militante vendredi 22 octobre. Selon le procureur de Bayonne, contacté cette semaine par Mediapart, les victimes ont depuis été identifiées, à la fois grâce à l’enquête ouverte mais aussi grâce aux proches qui se sont signalés.

    La mosquée d’Irun a également joué un rôle primordial pour remonter la trace des harragas décédés. « On a été plusieurs à participer, dont des associations. J’ai été en contact avec les familles des victimes et le consulat d’Algérie, qui a presque tout géré. Les corps ont été rapatriés en Algérie samedi 30 octobre, le rescapé tient le coup moralement », détaille Mohamed, un membre actif du lieu de culte. Dès le 18 octobre, la page Facebook Les Algériens en France dévoilait le nom de deux des trois victimes, Faisal Hamdouche, 23 ans, et Mohamed Kamal, 21 ans.

    À quelques mètres de Mokhtar, sur un banc, deux jeunes Syriens se sont vu notifier un refus d’entrée, au motif qu’ils n’avaient pas de documents d’identité : « Ça fait quatre fois qu’on essaie de passer et qu’on nous refoule », s’époumone l’aîné, 20 ans, quatre tickets de « topo » à la main. Son petit frère, âgé de 14 ans, ne cesse de l’interroger. « On ne va pas pouvoir passer ? » Leur mère et leur sœur, toutes deux réfugiées, les attendent à Paris depuis deux ans ; l’impatience les gagne.

    Jeudi midi, les Syriens, mais aussi le groupe d’exilés renseignés par Irungo Harrera Sarea, sont tous à Pausa, à Bayonne. Certains se reposent, d’autres se détendent dans la cour du lieu d’accueil, où le soleil cogne. « C’était un peu difficile mais on a réussi, confie Fofana, un jeune Ivoirien, devant le portail, quai de Lesseps. Ça me fait tellement bizarre de voir les gens circuler librement, alors que nous, on doit faire attention. Je préfère en rire plutôt qu’en pleurer. »

    Si les exilés ont le droit de sortir, ils ne doivent pas s’éloigner pour éviter d’être contrôlés par la police. « On attend le car pour aller à Paris ce soir », ajoute M., le Syrien, tandis que son petit frère se cache derrière le parcmètre pour jouer, à l’abri du soleil, sur un téléphone. Une dernière étape, qui comporte elle aussi son lot de risques : certains chauffeurs des cars « Macron » réclament un document d’identité à la montée, d’autres pas.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/311021/la-frontiere-franco-espagnole-le-renforcement-des-controles-conduit-les-mi

    #frontières #migrations #réfugiés #France #Espagne #Pyrénées #contrôles_frontaliers #frontières #délation #morts #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #décès #militarisation_de_la_frontière #refoulements #push-backs #solidarité

    –—

    voir aussi :
    #métaliste sur les personnes en migration décédées à la frontière entre l’#Espagne et la #France, #Pays_basque :
    https://seenthis.net/messages/932889

  • Je me demandais : y’aurait une estimation du budget pour que le CNRS enquête sur tous les travaux de recherche menés dans les universités ?

    https://video.twimg.com/ext_tw_video/1361770765021032449/pu/vid/1280x720/UFGzkMnxHCKYg8RT.mp4

    Sinon, j’ai l’impression qu’absolument tout le monde se demande quel est le rapport entre le drapeau confédéré au Capitole et la choucroute. Et toujours cette sidération, encore plus prégnante avec les ministre de Macron, de constater qu’on est gouvernés par des abrutis même pas foutus de rester sur une même idée jusqu’à la fin de la phrase. Ça reste tout de même le grand mystère de la Macronie : comment c’est possible que ces gens soient aussi visiblement une bande de benêts finis à la pisse ?

  • #Frédérique_Vidal annonce vouloir demander une #enquête au #CNRS sur l’#islamogauchisme à l’#université

    Sur le plateau de Jean-Pierre Elkabbach dimanche 14 février, la ministre de la recherche et de l’#enseignement_supérieur, Frédérique Vidal, a fustigé, dans un flou le plus total et pendant 4 minutes 30 secondes, des chercheurs et chercheuses soupçonné·e·s d’islamogauchisme et a annoncé la commande au CNRS d’une enquête « sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université de manière à ce qu’on puisse distinguer de ce qui relève de la #recherche_académique de ce qui relève justement du #militantisme et de l’#opinion. »

    L’entame du sujet annonçait déjà la couleur : « Moi, je pense que l’#islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et que l’université n’est pas imperméable et fait partie de la société » affirme Frédérique Vidal.

    Puis la ministre de la recherche continue tout de go, sans s’appuyer sur aucune étude scientifique ni même quoi que ce soit qui pourrait prouver ce qu’elle dit :

    « Ce qu’on observe à l’université, c’est que des gens peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont. Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des #idées_radicales ou des #idées_militantes de l’islamogauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de #diviser, de #fracturer, de #désigner_l’ennemi, etc… »

    Mélange entre #biologie et #sociologie

    Pour se prévaloir implicitement de son titre d’enseignante-chercheuse, la ministre effectue un mélange erroné entre biologie et sociologie en affirmant :

    « En biologie, on sait depuis bien longtemps qu’il n’y a qu’une espèce humaine et qu’il n’y a pas de #race et vous voyez à quel point je suis tranquille sur ce sujet là. »

    Cette phrase est censée répondre à des chercheur·euse·s en #SHS qui ont fait le constat, non de l’existence de races humaines biologiques, mais de l’existence de #discriminations liées à des races perçues par la société.

    #Confusionnisme sur les #libertés_académiques

    La ministre continue ensuite un discours confusionniste en faisant croire que les chercheur·euse·s revendiquent le droit de chercher contre leurs collègues :

    « Dans les universités, il y a une réaction de tout le milieu académique qui revendique le #droit_de_chercher, d’approfondir les connaissances librement et c’est nécessaire »

    La plupart des chercheur·euse·s qui revendiquent ce droit, le font surtout en s’opposant à la droite sénatoriale qui voulait profiter de la Loi Recherche pour restreindre les libertés académiques (https://www.soundofscience.fr/2517) et à l’alliance LR/LREM lors de la commission paritaire de cette même loi qui a voulu pénaliser les mouvements étudiants (https://www.soundofscience.fr/2529), empêchée, au dernier moment, par le Conseil constitutionnel.

    La ministre Frédérique Vidal semble faire un virage à 180° par rapport à sa position définie dans sa tribune publiée en octobre dernier par l’Opinion et titrée « L’université n’est pas un lieu d’encouragement ou d’expression du #fanatisme » (https://www.lopinion.fr/edition/politique/l-universite-n-est-pas-lieu-d-encouragement-d-expression-fanatisme-227464). Cette #contradiction entre deux positions de la ministre à trois mois et demi d’intervalle explique peut-être le confusionnisme qu’elle instaure dans son discours.

    Alliance entre #Mao_Zedong et l’#Ayatollah_Khomeini

    Mais ce n’est pas fini. #Jean-Pierre_Elkabbach, avec l’aplomb que chacun lui connaît depuis des décennies, affirme tranquillement, toujours sans aucune démarche scientifique :

    « Il y a une sorte d’alliance, si je puis dire, entre #Mao Zedong et l’Ayatollah #Khomeini »

    Loin d’être choquée par une telle comparaison, Frédérique Vidal acquiesce avec un sourire :

    « Mais vous avez raison. Mais c’est bien pour ça qu’à chaque fois qu’un incident se produit, il est sanctionné, à chaque fois que quelque chose est empêché, c’est reprogrammé mais je crois que l’immense majorité des universitaires sont conscients de cela et luttent contre cela. »

    C’est dans ce contexte là, que la ministre déclare :

    « On ne peut pas interdire toute approche critique à l’université. Moi c’est ça que je vais évidemment défendre et c’est pour ça que je vais demander notamment au CNRS de faire une enquête sur l’ensemble des #courants_de_recherche sur ces sujets dans l’université de manière à ce qu’on puisse distinguer de ce qui relève de la #recherche_académique de ce qui relève justement du militantisme et de l’opinion. »

    La suite du passage n’est qu’accusations d’utilisations de titres universitaires non adéquates, ce que la ministre ne s’est pourtant pas privée de faire quelques minutes plus tôt et accusations de tentatives de #censure.

    La ministre finit sa diatribe en appelant à défendre un « #principe_de_la_République » jamais clairement défini et proclame un curieux triptyque « #Danger, #vigilance et #action » qui ne ressemble pas vraiment au Républicain « Liberté, égalité, fraternité ».

    https://www.soundofscience.fr/2648
    #Vidal #ESR #facs #France #séparatisme

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    Fil de discussion sur ce fameux « séparatisme » :
    https://seenthis.net/messages/884291

    Et l’origine dans la bouche de #Emmanuel_Macron (juin 2020) et #Marion_Maréchal-Le_Pen (janvier 2020) :
    https://seenthis.net/messages/884291
    #Macron #Marion_Maréchal

    • Quand ta ministre te fout tellement la honte que tu dois lui dire gentiment :

      Du jamais vu : répondant à la ministre de l’enseignement supérieur, la Conférence des présidents d’université « fait part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile » et invite « à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce » !

    • Comme le faisait justement remarquer un syndicaliste (entendu à la radio) le terme « islamo-gauchisme » est construit sur le même modèle que le « judéo-bolchévisme » de l’entre deux guerre.
      Avec le résultat qu’on connait...

    • Je n’ai plus de ministre
      https://academia.hypotheses.org/31026

      Après le président de la République, après plusieurs autres ministres, c’est notre ministre de tutelle, Frédérique Vidal, qui a repris à son compte la rhétorique de l’« islamo gauchisme » en déclarant notamment « Moi, je pense que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et que l’université n’est pas imperméable et fait partie de la société » et en annonçant commissionner une enquête du CNRS sur les pratiques universitaires.

      Ces déclarations sont extrêmement graves et forment une attaque frontale non seulement contre les libertés universitaires qui garantissent l’indépendance de la recherche au pouvoir politique, mais aussi contre toutes celles et ceux qui à l’université et ailleurs mettent leur énergie à rendre la société meilleure : plus juste, plus inclusive, moins discriminante, où tous et toutes ses membres ont place égale. L’« islamo gauchisme » est un mot dont le flou est une fonction. Côté pile, face une demande de définition (dont on notera l’absence chez madame la ministre) on trouvera un contour restreint, qui se veut repoussoir, et dont on aura bien du mal à trouver des signes tangible. Mais côté face, en utilisant le mot on convoque sans avoir besoin de l’expliciter un grand nombre d’idées et d’actions qui se retrouvent stigmatisées. Là où des chercheurs et chercheuses révèlent des discriminations et leur mécanisme de racialisation, c’est-à-dire d’assignation d’autrui à une race qui n’existe que dans l’esprit de ceux qui discriminent ; là où des militantes et militants dénoncent ces discriminations, les documentent, les exposent ; on les désigne comme nouveaux racistes ou « obsédés de la race ».

      Ainsi le gouvernement espère-t-il sans doute protéger son action des critiques virulentes qu’elle appelle. Déclare-t-on ne pas voir le problème si des femmes choisissent de s’habiller d’une façon ou d’une autre pour suivre leurs cours à l’université, y compris la tête couverte d’un foulard ? Islamo gauchisme. Déclare-t-on qu’il faut se préoccuper d’une très faible représentation des femmes et des personnes racisées aux postes titulaires de recherche et d’enseignement, alors que le jury d’admission du CNRS déclasse l’une de ces personnes trois fois en désavouant le jury d’admissibilité ? Islamo gauchisme. Dénonce-t-on la destruction illégale des tentes de migrants par les forces de l’ordre ? Islamo gauchisme.

      Madame la ministre, j’avais beaucoup à critiquer dans vos actions, vos inaction, vos discours et vos non-dits. Vous avez choisi d’achever de démontrer publiquement que vous n’êtes pas là pour servir les universités, leurs étudiantes et étudiants, leur personnel, mais pour servir votre carrière, quitte à l’adosser à un projet politique mortifère. Je ne vous reconnais aujourd’hui plus comme ma ministre, Madame Vidal. Je ne me sens plus lié par vos écrits. Vous avez rompu le lien de confiance qui doit lier une ministre aux agents et usagers de son ministère. Seule votre démission pourrait encore redonner son sens à la fonction que vous occupez sur le papier.

    • « Danger, vigilance et action ». La Ministre demande à l’Alliance Athena d’actionner le tamis

      Grâce à Martin Clavey, The Sound of Science, nous disposons du verbatim de l’ « interview » de Frédérique Vidal par Jean-Pierre Elkabach le 14 février 2021 sur CNews.

      Frédérique Vidal annonce qu’elle va demander « notamment au CNRS » de faire une enquête sur « l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets à l’université, de manière à ce qu’on puisse distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion ».Elle précise aujourd’hui à AEF qu’elle en fait la demande officielle à l’Alliance Athena.Dirigée actuellement par Jean-François Balaudé, président de la commission des moyens de la CPU et président du Campus Condorcet ainsi que par Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, et vice-président de l’Alliance depuis le 1er novembre 2016, ce consortium va être chargé de distinguer parmi les « opinions ».

      Dans son interview, Frédérique Vidal annonce son intention de demander une enquête sur « l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets à l’université, de manière à ce qu’on puisse distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion ».

      « Ce qu’on peut observer, c’est qu’il y a des gens qui peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont. Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des idées radicales ou militantes. En regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer, de désigner l’ennemi ».

      « Quand on s’en sert pour exprimer des opinions ou faire valoir des opinions, en niant le travail de recherche, c’est là qu’il faut le condamner.

      « Il faut être extrêmement ferme, il faut systématiquement parler et que l’université se réveille »

      « Disons-le, quand les gens ne font pas de sciences mais du scientisme », poursuit la Ministre qui a couvert au moins une grave affaire de fraude scientifique.


      *

      Alors que certains entendent distinguer les « sciences critiques » et les « sciences militantes » et que la Ministre commande à des anciens universitaires de trier entre le bon grain et l’ivraie, Academia invite donc ses lecteurs et ses lectrices à relire Max Weber1 dans la traduction précise d’Isabelle Kalinowki :

      De nos jours, il est fréquent que l’on parle d’une « sciences sans présupposés, écrit Max Weber. Une telle science existe-t-elle ? Tout dépend ce que l’on entend par là. Tout travail scientifique présuppose la validité des règles de la logique et de la méthode, ces fondements universels de notre orientation dans le monde. Ces présupposés-là sont les moins problématiques du moins pour la question particulière qui nous occupe. Mais on présuppose aussi que le résultat du travail scientifique est important au sens où il mérite d’être connu. Et c’est de là que découlent, à l’évidence, tous nos problèmes. Car ce présupposé, à son tour, ne peut être démontré par les moyens de la science. On ne peut qu’en interpréter le sens ultime, et il faut le refuser ou l’accepter selon les positions ultimes que l’on adopte à l’égard de la vie
      — Weber, 1917 [2005], p. 36

      Academia, pour sa part, a choisi contre une nouvelle forme de police politique, la protection des libertés académiques.

      https://academia.hypotheses.org/30958

    • #Diffamation à l’encontre d’une profession toute entière ? La Ministre doit partir. Communiqué de la LDH EHESS

      Malgré leur habitude des faux-semblants et du peu d’attention portée à leur profession, les enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheures sont confronté.es aujourd’hui à une campagne de #dénigrement sans précédent, désignant en particulier par le terme aussi infâmant qu’imprécis « d’islamo-gauchisme » des établissements ou des disciplines dans leur entier.

      Il serait attendu d’une ministre qu’elle prenne quelque hauteur dans ce débat de plus en plus nauséabond, et qu’elle refuse de reprendre à son compte des notions aussi peu scientifiquement fondées. On attendrait que la responsable de l’enseignement supérieur et de la recherche, elle-même issue de ce milieu, relève avec gratitude la façon dont les enseignant.es universitaires ont en première ligne fait face à la détresse étudiante en cette période de pandémie ; ils n’ont pas démérité en tant que pédagogues, allant même au-delà dans leur rôle d’accompagnement d’étudiant.es par ailleurs largement oubliés.

      Mais, plutôt que de s’intéresser à la crise qui les touche, Mme Frédérique Vidal, sur les ondes d’une chaîne télévisuelle dont un des animateurs a été condamné pour injure et provocation à la haine, répond par l’affirmative lorsque M. Elkabbach décrit les universités françaises, dont elle a la charge, comme étant régies par une sorte d’alliance entre Mao Tsé-Toung et l’ayatollah Khomeini.

      Et elle enchaîne le lendemain en demandant à l’Alliance Athena (qui n’est pas une inspection mais une institution qui coordonne les sciences sociales) « d’enquêter » sur l’islamo-gauchisme et ses « courants » dans le milieu académique.

      Une accusation typique de l’extrême-droite est ainsi reprise une nouvelle fois par une ministre de la République, rassemblant dans une formule ignominieuse un groupe fantasmatique et fantasmé de pseudo-adversaires qui ne sont, en réalité jamais nommés, ou au prix d’approximations grossières amalgamant des concepts mal compris et de noms de collègues ne partageant parfois que peu de choses (si ce n’est les menaces parfois graves que ces accusations font tout à coup tomber sur eux).

      Bref, à ces accusations mensongères faisant courir des risques parfois graves à des fonctionnaires, leur ministre ne trouve à répondre que par de vagues admonestations décousues (selon lesquelles, par exemple, en tant que biologiste elle peut dire que « la race » n’existe pas), et par la réitération des accusations portées à leur encontre. Plus encore, elle en appelle à une sorte de police par et dans les institutions d’enseignement et de recherche, rejoignant de la sorte les interdictions de certaines thématiques (les études sur le genre) dans les universités hongroises, brésiliennes ou roumaines

      Elle se fait ainsi complice de faits de diffamation collective à l’encontre d’une profession toute entière, mais aussi d’une dévalorisation accrue des universités. Elle parvient ainsi, au-delà de ces dégâts dans l’opinion qui ne peuvent qu’accroître le désespoir des étudiantes et des étudiants dont les formations sont ainsi décrites, à confirmer sa décrédibilisation personnelle aux yeux des personnels de l’ESR.

      Un appel à la démission de Frédérique Vidal avait été porté en novembre 2020 par la CP-CNU, représentant l’ensemble des disciplines, après le vote de la loi LPR.

      Plus que jamais, au regard de ces nouvelles dérives dans un contexte de difficultés sans précédent pour l’université et la recherche, sa démission s’impose, tout comme l’abandon de cette prétendue « enquête » non seulement nauséabonde mais déshonorante au regard des difficultés sans précédent dans lesquelles se débat l’ESR. Oui, danger, vigilance et action mais à l’encontre de la Ministre.

      Qu’aucun.e collègue, quel que soit son statut, ne prête main forte à cette campagne de dénonciation.

      https://academia.hypotheses.org/31060

    • Vidal au stade critique. Communiqué de Sauvons l’université !, 17 février 2021

      Sauvons l’université ! avait été la première à monter au créneau lorsque Jean-Michel Blanquer, dans les pas d’Emmanuel Macron et de Marion Maréchal-Le Pen, avait tenu des propos diffamatoires devant les sénateurs et sénatrices. Academia reproduit le communiqué que l’association fait paraître ce jour sur leur site.

      –---

      Ainsi, depuis des mois, par petites touches, se met en place un discours officiel anti-universitaire, sans que jamais la ministre de l’Enseignement supérieur qui devrait être le premier rempart des universitaires contre ces attaques n’ait eu un mot pour les défendre » disions-nous dans notre communiqué du 24 octobre pour dénoncer les propos de Jean-Michel Blanquer devant les sénateurs dans lesquels il dénonçait « des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’enseignement supérieur qui commettent des dégâts sur les esprits ».

      Dans une tribune à L’Opinion deux jours plus tard la ministre de l’ESR semblait y répondre du bout des lèvres : « L’université n’est pas un lieu d’encouragement ou d’expression du fanatisme ». Bien.

      Mais depuis, la petite musique est devenue fanfare assourdissante : ainsi, deux députés LR, Julien Aubert et Damien Abad demandaient en novembre une mission d’information de l’Assemblée Nationale sur « les dérives idéologiques dans les établissements d’enseignement supérieur » ; ce même Julien Aubert publiait le 26 novembre 2020 les noms et les comptes Twitter de sept enseignants-chercheurs, nommément ciblés et livrés à la vindicte publique ; cette dénonciation calomnieuse s’ajoutait aux propos tenus par la rédaction du journal Valeurs Actuelles à l’encontre du Président nouvellement élu de l’université Sorbonne Paris Nord ; le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin (le 1er février 2021 sur France-Inter) parlait d’idéologie racialiste ; la députée LR Annie Genevard dans le débat sur l’interdiction du voile à l’université dans le cadre de la loi sur le séparatisme (le 3 février 2021) synthétisait tout cela en affirmant que « L’université est traversée par des mouvements puissants et destructeurs […] le décolonialisme, le racialisme, l’indigénisme et l’intersectionnalité ».

      Et le 14 février, la ministre Frédérique Vidal, muette sur l’abandon de l’université et de ses étudiants depuis le début de la pandémie, sonne l’hallali sur une chaîne ouvertement d’extrême droite :

      « Ce qu’on observe à l’université, c’est que des gens peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont. Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des idées radicales ou des idées militantes de l’islamo-gauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer, de désigner l’ennemi, etc… »

      Et de répondre dans un rire à une question toute en nuance de l’interviewer

      « Il y a une sorte d’alliance, si je puis dire, entre Mao Zedong et l’Ayatollah Khomeini ? » : « Mais vous avez raison ! »

      Tant de bêtise pourrait prêter à rire.

      Mais au milieu d’inepties qui ne témoignent que de sa confusion, Frédérique Vidal conclut, sans crainte de se contredire dans une même phrase :

      « On ne peut pas interdire toute approche critique à l’université. Moi c’est ça que je vais évidemment défendre et c’est pour ça que je vais demander notamment au CNRS de faire une enquête sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université de manière à ce qu’on puisse distinguer de ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève justement du militantisme et de l’opinion ».

      Voilà le CNRS transformé en IGPN (Inspection Générale de la Pensée Nationaliste).

      La chasse aux sorcières est donc lancée, cette fois en haut lieu. Elle ne peut qu’encourager le harcèlement, déjà intense sur internet, et assorti à l’occasion de menaces de mort, envers des collègues accusés d’être des « islamogauchistes ». Elle s’inscrit dans une course à l’extrême-droite qui n’est pas isolée dans le gouvernement : il s’agit bien d’un choix politique concerté (voire d’une intervention sur commande ?).

      Retenons, cependant, une phrase de la ministre :

      « Il faut que le monde académique se réveille ».

      Oui, il est grand temps de nous réveiller. Toutes les instances, tous les échelons que comptent l’enseignement supérieur et la recherche doivent désormais ouvertement se prononcer et clamer haut et fort : nous ne pouvons plus reconnaître Frédérique Vidal comme notre ministre, nous refuserons de mettre en place des directives contraires aux principes fondamentaux de l’université.

      https://academia.hypotheses.org/31070

    • L’ « islamogauchisme » n’est pas une réalité scientifique. Communiqué du CNRS, 17 février 2021

      « L’islamogauchisme », slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. Ce terme aux contours mal définis, fait l’objet de nombreuses prises de positions publiques, tribunes ou pétitions, souvent passionnées. Le CNRS condamne avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques. Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance.

      Concernant les questions sociales, le rôle du CNRS, et plus généralement de la recherche publique, est d’apporter un éclairage scientifique, une expertise collective, s’appuyant sur les résultats de recherches fondamentales, pour permettre à chacun et chacune de se faire une opinion ou de prendre une décision. Cet éclairage doit faire état d’éventuelles controverses scientifiques car elles sont utiles et permettent de progresser, lorsqu’elles sont conduites dans un esprit ouvert et respectueux.

      La polémique actuelle autour de l’ « islamogauchisme », et l’exploitation politique qui en est faite, est emblématique d’une regrettable instrumentalisation de la science. Elle n’est ni la première ni la dernière, elle concerne bien des secteurs au-delà des sciences humaines et des sciences sociales. Or, il y a des voies pour avancer autrement, au fil de l’approfondissement des recherches, de l’explicitation des méthodologies et de la mise à disposition des résultats de recherche. C’est là aussi la mission du CNRS.

      C’est dans cet esprit que le CNRS pourra participer à la production de l’étude souhaitée par la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés. Ce travail s’inscrirait dans la continuité de travaux d’expertise déjà menés sur le modèle du rapport « Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent » réalisé en 2016 par l’alliance Athena, qui regroupe l’ensemble des forces académiques en sciences humaines et sociales dans les universités, les écoles et les organismes de recherche, ou du rapport « Les sciences humaines et sociales face à la première vague de la pandémie de Covid-19 – Enjeux et formes de la recherche », réalisé par le CNRS en 2020.

      https://academia.hypotheses.org/31086

    • Non à la #chasse_aux_sorcières ! Communiqué de la #CP-CNU, 17 février 2021

      La CP-CNU demandait la #démission de Vidal dès le 6 novembre 2020 en ces termes

      « Madame Frédérique Vidal ne dispose plus de la #légitimité nécessaire pour parler au nom de la communauté universitaire et pour agir en faveur de l’Université.

      C’est pourquoi, Monsieur le Président de la République, nous vous posons la question de la pertinence du maintien en fonctions de Madame la Ministre dans la mesure où toute communication semble rompue entre elle et la communauté des enseignants-chercheurs. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre respectueuse considération. »

      Les choses étant dites, elles n’ont pas été répété dans le communiqué de 17 février 2021

      https://academia.hypotheses.org/31089

    • Sortir toute armée de la cuisse de Jupiter. Communiqué de l’#Alliance_Athéna, 18 février 2021

      L’alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales (#Athéna) est un lieu de concertation et de coopération stratégique entre les universités et les organismes de recherche. Elle a pour mission d’organiser le dialogue entre les acteurs majeurs de la recherche en sciences humaines et sociales, sur des questions stratégiques pour leur développement et leurs relations avec les autres grands domaines scientifiques. L’alliance porte les positions partagées qui émergent de ce dialogue auprès des instances de décision et de financement de la recherche, de niveau national et européen notamment. L’alliance Athéna consacre ainsi exclusivement ses réflexions aux questions de recherche avec pour objectif constant de servir le débat scientifique, de préserver les espaces de controverses et de favoriser la diversité des questions et des méthodes. A cet égard, il n’est pas du ressort de l’alliance Athéna de conduire des études qui ne reposeraient pas sur le respect des règles fondatrices de la pratique scientifique, qui conduiraient à remettre en question la pertinence ou la légitimité de certains champs de recherche, ou à mettre en doute l’intégrité scientifique de certains collègues.

      https://academia.hypotheses.org/31107

    • Heating Up Culture Wars, France to Scour Universities for Ideas That ‘Corrupt Society’

      The government announced an investigation into social science research, broadening attacks on what it sees as destabilizing American influences.

      Stepping up its attacks on social science theories that it says threaten France, the French government announced this week that it would launch an investigation into academic research that it says feeds “Islamo-leftist’’ tendencies that “corrupt society.’’

      News of the investigation immediately caused a fierce backlash among university presidents and scholars, deepening fears of a crackdown on academic freedom — especially on studies of race, gender, post-colonial studies and other fields that the French government says have been imported from American universities and contribute to undermining French society.

      While President Emmanuel Macron and some of his top ministers have spoken out forcefully against what they see as a destabilizing influence from American campuses in recent months, the announcement marked the first time that the government has moved to take action.

      It came as France’s lower house of Parliament passed a draft law against Islamism, an ideology it views as encouraging terrorist attacks, and as Mr. Macron tilts further to the right, anticipating nationalist challenges ahead of elections next year.

      Frédérique Vidal, the minister of higher education, said in Parliament on Tuesday that the state-run National Center for Scientific Research would oversee an investigation into the “totality of research underway in our country,’’ singling out post-colonialism.

      In an earlier television interview, Ms. Vidal said the investigation would focus on “Islamo-leftism’’ — a controversial term embraced by some of Mr. Macron’s leading ministers to accuse left-leaning intellectuals of justifying Islamism and even terrorism.

      “Islamo-leftism corrupts all of society and universities are not impervious,’’ Ms. Vidal said, adding that some scholars were advancing “radical” and “activist” ideas. Referring also to scholars of race and gender, Ms. Vidal accused them of “always looking at everything through the prism of their will to divide, to fracture, to pinpoint the enemy.’’

      France has since early last century defined itself as a secular state devoted to the ideal that all of its citizens are the same under the law, to the extent that the government keeps no statistics on ethnicity and religion.

      A newly diversifying society, and the lasting marginalization of immigrants mostly from its former colonies, has tested those precepts. Calls for greater awareness of discrimination have met opposition from a political establishment that often views them as an invitation to American multiculturalism and as a threat to France’s identity and social cohesion.

      In unusually blunt language, the academic world rejected the government’s accusations. The Conference of University Presidents on Tuesday dismissed “Islamo-leftism’’ as a “pseudo notion” popularized by the far right, chiding the government’s discourse as “talking rubbish.’’

      The National Center for Scientific Research, the state organization that the minister ordered to oversee the investigation, suggested on Wednesday that it would comply, but it said it “firmly condemned” attacks on academic freedom.

      The organization said it “especially condemned attempts to delegitimize different fields of research, like post-colonial studies, intersectional studies and research on race.’’

      Opposition by academics hardened on Thursday, when the association that would actually carry out the investigation, Athéna, put out a sharply worded statement saying that it was not its responsibility to conduct the inquiry.

      The seemingly esoteric fight over social science theories — which has made the front page of at least three of France’s major newspapers in recent days — points to a larger culture war in France that has been punctuated in the past year by mass protests over racism and police violence, competing visions of feminism, and explosive debates over Islam and Islamism.

      It also follows years of attacks, large and small, by Islamist terrorists, that have killed more than 250 French, including in recent months three people at a basilica in Nice and a teacher who was beheaded.

      While the culture war is being played out in the media and in politics, it has its roots in France’s universities. In recent years, a new, more diverse generation of social science scholars has embraced studies of race, gender and post-colonialism as tools to understand a nation that has often been averse to reflect on its history or on subjects like race and racism.

      They have clashed with an older generation of intellectuals who regard these social science theories as American imports — though many of the thinkers behind race, gender and post-colonialism are French or of other nationalities.

      Mr. Macron, who had shown little interest in the issues in the past, has won over many conservatives in recent months by coming down hard against what he has called “certain social science theories entirely imported from the United States.’’

      In a major speech on Islamism last fall, Mr. Macron talked of children or grandchildren of Arab and African immigrants “revisiting their identity through a post-colonial or anticolonial discourse’’ — falling into a trap set by people who use this discourse as a form of “self-hatred’’ nurtured against France.

      In recent months, Mr. Macron has moved further to the right as part of a strategy to draw support from his likely main challenger in next year’s presidential election, Marine Le Pen, the far-right leader. Polls show that Mr. Macron’s edge has shrunk over Ms. Le Pen, who was his main rival in the last election.

      Chloé Morin, a public opinion expert at the Fondation Jean-Jaurès, a Paris-based research group, said that Mr. Macron’s political base has completely shifted to the right and that his minister’s use of the expression Islamo-leftism “speaks to the right-wing electorate.”

      “It has perhaps become one of the most effective terms for discrediting an opponent,” Ms. Morin said.

      Last fall, Mr. Macron’s ministers adopted a favorite expression of the far right, “ensauvagement,’’ or “turning savage,’’ to decry supposedly out-of-control crime — even though the government’s own statistics showed that crime was actually flat or declining.

      Marwan Mohammed, a French sociologist and expert on Islamophobia, said that politicians have often used dog-whistle words, like “ensauvagement’’ or “Islamo-leftism,’’ to divide the electorate.

      “I think the government will be offering us these kinds of topics with a regular rhythm until next year’s presidential elections,’’ Mr. Mohammed said, adding that these heated cultural debates distracted attention from the government’s mishandling of the coronavirus epidemic, the economic crisis and even the epidemic-fueled crisis at the nation’s universities.

      The expression “Islamo-leftism” was first coined in the early 2000s by the French historian Pierre-André Taguieff to describe what he saw as a political alliance between far-left militants and Islamist radicals against the United States and Israel.

      More recently, it has been used by conservative and far-right figures — and now by some of Mr. Macron’s ministers — against those they accuse of being soft on Islamism and focusing instead on Islamophobia.

      Experts on Islamophobia examine how hostility toward Islam, rooted in France’s colonial experience, continues to shape the lives of French Muslims. Critics say their focus is a product of American-style, victim-based identity politics.

      Mr. Taguieff, a leading critic of American universities, said in a recent email that Islamophobia, along with the “totally artificial importation’’ in France of the “American-style Black question” sought to create the false narrative of “systemic racism’’ in France.

      Sarah Mazouz, a sociologist at the National Center for Scientific Research, said that the government’s attacks on these social theories “highlight the difficulty of the French state to think of itself as a state within a multicultural society.”

      She said the use of the expression “Islamo-leftism” was aimed at “delegitimizing” these new studies on race, gender and other subjects, “so that the debate does not take place.”

      https://www.nytimes.com/2021/02/18/world/europe/france-universities-culture-wars.html

    • L’ « islamogauchisme » — et le HCERES — au tapis. #Jean_Chambaz et #Pap_Ndiaye — et Thierry Coulhon — sur Radio France

      L’islamogauchisme, concept de Pierre-André Taguieff au début des années 2000 pour signaler des formes de dérives d’une extrême-gauche pro-palistinien tendant à des discours antisémites, se trouve désormais récupéré par l’extrême-droite à des fins d’anathème.Deux interventions matinales très claires de Jean Chamblaz, président de Sorbonne Université, et de Pap Ndiaye, professeur à Sciences po.

      A retrouver sur academia :

      https://academia.hypotheses.org/31126

    • #Pétition : #Vidal_démission !

      Le mardi 16 février, à l’Assemblée nationale, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal confirmait ce qu’elle avait annoncé deux jours plus tôt sur la chaîne Cnews : le lancement d’une « enquête » sur l’ « islamogauchisme » et le postcolonialisme à l’université, enquête qu’elle déclarait vouloir confier au CNRS à travers l’Alliance Athéna. Les raisons invoquées : protéger « des » universitaires se disant « empêchés par d’autres de mener leurs recherches », séparer « ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève du militantisme et de l’opinion » ainsi que … « l’apparition au Capitole d’un drapeau confédéré ».

      Si le propos manque de cohérence, l’intention est dévastatrice : il s’agit de diffamer une profession et, au-delà, toute une communauté, à laquelle, en tant qu’universitaire, Frédérique Vidal appartient pourtant et qu’il lui appartient, en tant que ministre, de protéger. L’attaque ne se limite d’ailleurs pas à disqualifier puisqu’elle fait planer la menace d’une répression intellectuelle, et, comme dans la Hongrie d’Orban, le Brésil de Bolsonaro ou la Pologne de Duda, les études postcoloniales et décoloniales, les travaux portant sur les discriminations raciales, les études de genre et l’intersectionnalité sont précisément ciblés.

      Chercheur·es au CNRS, enseignant·es chercheur·es titulaires ou précaires, personnels d’appui et de soutien à la recherche (ITA, BIATSS), docteur·es et doctorant·es des universités, nous ne pouvons que déplorer l’indigence de Frédérique Vidal, ânonnant le répertoire de l’extrêmedroite sur un « islamo-gauchisme » imaginaire, déjà invoqué en octobre 2020 par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Mais, plus encore, nous nous insurgeons contre l’indignité de ce qu’il faut bien qualifier de chasse aux sorcières. La violence du projet redouble la lâcheté d’une ministre restée silencieuse sur la détresse des étudiant·es pendant la pandémie comme elle avait été sourde à nos interpellations sur une LPR massivement rejetée par tout·es celles et ceux qui font la recherche, y contribuent à un titre ou un autre.

      La crise économique et sociale la plus grave depuis 1945 assombrit l’avenir des jeunes adultes, l’anxiété face à la pandémie fissure la solidarité entre les générations, la pauvreté étudiante éclate aux yeux de tous·tes comme une question sociale majeure, les universités – lieux de vie et de savoirs – sont fermées. Mais pour Frédérique Vidal, le problème urgent de l’enseignement supérieur et de la recherche, celui qui nécessite de diligenter une « enquête » et d’inquiéter les chercheur·es, c’est la « gangrène » de l’ « islamo-gauchisme » et du postcolonialisme.

      Amalgamant un slogan politique douteux et un champ de recherche internationalement reconnu, elle regrette l’impossibilité de « débats contradictoires ». Pourtant, et nous espérons que la ministre le sait, nos universités et nos laboratoires déploient de multiples instances collectives de production et de validation de la connaissance : c’est bien dans l’espace international du débat entre pair·es que la science s’élabore, dans les revues scientifiques, dans les colloques et les séminaires ouverts à tous·tes. Et ce sont les échos de ces débats publics qui résonnent dans nos amphithéâtres, comme dans les laboratoires.

      Contrairement à ce qu’affirme Frédérique Vidal, les universitaires, les chercheur·es et les personnels d’appui et de soutien à la recherche n’empêchent pas leurs pair.es de faire leurs recherches. Ce qui entrave notre travail, c’est l’insincérité de la LPR, c’est le sous-financement chronique de nos universités, le manque de recrutements pérennes, la pauvreté endémique de nos laboratoires, le mépris des gouvernements successifs pour nos activités
      d’enseignement, de recherche et d’appui et de soutien à la recherche, leur déconsidération pour des étudiant·es ; c’est l’irresponsabilité de notre ministre. Les conséquences de cet abandon devraient lui faire honte : signe parmi d’autres, mais particulièrement blessant, en janvier dernier, l’Institut Pasteur a dû abandonner son principal projet de vaccin.

      Notre ministre se saisit du thème complotiste « islamo-gauchisme » et nous désigne coupables de pourrir l’université. Elle veut diligenter une enquête, menace de nous diviser et de nous punir, veut faire régner le soupçon et la peur, et bafouer nos libertés académiques. Nous estimons une telle ministre indigne de nous représenter et nous demandons, avec force, sa démission.

      Vous pouvez signer la pétition ici : https://www.wesign.it/fr/justice/nous-universitaires-et-chercheurs-demandons-avec-force-la-demission-de-freder

      https://academia.hypotheses.org/31187

    • Islamo-gauchisme à l’université ? La proposition de Vidal fait bondir ces universitaires

      Sur CNews, la ministre a annoncé vouloir "demander notamment au CNRS" une enquête "sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université."

      “L’islamo-gauchisme gangrène les universités”. C’est ce titre du Figaro que le journaliste Jean-Pierre Elkabbach a présenté à Frédérique Vidal, invitée sur son plateau sur CNews dimanche 14 février, l’invitant à le commenter avec lui. La réponse de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a provoqué la colère d’une partie des enseignants-chercheurs.

      “Je pense que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble, et que l’université n’est pas imperméable, l’université fait partie de la société”, a-t-elle affirmé.

      Et d’ajouter : “Ce que l’on observe, à l’université, c’est que des gens peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont. Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des idées radicales ou des idées militantes de l’islamo-gauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer, de désigner l’ennemi, etc…”
      “Une sorte d’alliance entre Mao Zedong et l’Ayatollah Khomeini”

      Des idées que semble alors partager Jean-Pierre Elkabbach, qui décrit les universitaires en question comme “une sorte d’alliance, si je puis dire, entre Mao Zedong et l’Ayatollah Khomeini.”

      “Mais vous avez raison, renchérit la ministre. Mais c’est bien pour ça qu’à chaque fois qu’un incident se produit, il est sanctionné, à chaque fois que quelque chose est empêché, c’est reprogrammé, mais je crois que l’immense majorité des universitaires sont conscients de cela et luttent contre cela.”

      À la suite de quoi, la ministre a annoncé sur le plateau de CNews qu’elle allait confier une enquête au CNRS “sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université.”

      Pour Christelle Rabier, maîtresse de conférence à l’EHESS, ce n’est pas un hasard si la ministre tient ces propos maintenant. “La semaine dernière, elle a été mise en cause au Sénat pour répondre face à la détresse étudiante, remarque-t-elle. Il y a 20% des étudiants qui ont recours à l’aide alimentaire, sans parler des suicides et de la détresse psychologique. Elle en est directement responsable.”
      Attaques contre les universitaires

      Les propos de la ministre ont provoqué la colère d’une partie des enseignants-chercheurs, même s’ils ne surprennent pas. “Nous sommes vraiment scandalisés, s’indigne une chercheuse du CNRS, qui préfère rester anonyme. La ministre s’en prend - une fois de plus - à la liberté académique en confondant approches scientifiques critiques et militantisme.”

      Après la Loi de programmation sur la recherche, très mal reçue, c’est pour eux une nouvelle attaque contre les universitaires, dans un contexte aggravé par la crise sanitaire. Le 6 novembre, la Commission permanente du Conseil national des universités (CP-CNU) avait demandé la démission de Frédérique Vidal.

      “On observe plusieurs formes d’attaques contre les universitaires, soutient Christelle Rabier. Les non-renouvellements et les suppressions de postes, des attaques systématiques de collègues sur leurs travaux, en particulier si ce sont des femmes et qu’elles traitent de questions qui pourraient remettre en cause l’ordre dominant.”
      L’utilisation du terme “islamo-gauchisme”

      Pour les enseignants-chercheurs, l’utilisation du terme “islamo-gauchisme” n’est pas anodin. “C’est un mot un peu aimant, qui rassemble toutes les détestations et qui ne veut absolument rien dire, estime Christelle Rabier. Et que cela vienne d’une ministre, qui n’a déjà plus de légitimité depuis plusieurs mois, c’est intolérable.”

      Pour François Burgat, directeur de recherches au CNRS, cette “appellation stigmatisante” a pour objectif de “discréditer les intellectuels (non musulmans) qui se solidarisaient ou qui refusaient de criminaliser les revendications des descendants des populations colonisées.”

      Le terme avait déjà été utilisé par Jean-Michel Blanquer le 22 octobre, qui affirmait :“Ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages”, notamment ”à l’université.” Quelques jours plus tard, Frédérique Vidal avait réagi tardivement pour rappeler le principe des libertés académiques.

      “On peut constater depuis hier qu’elle a franchi un cran supplémentaire. C’est juste scandaleux”, s’indigne la chercheuse du CNRS.

      Dans un communiqué, la Conférence des présidents d’université (CPU) a fait part de “sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’“islamogauchisme” à l’université”.

      Elle appelle ”à élever le débat”. “Si le gouvernement a besoin d’analyses, de contradictions, de discours scientifiques étayés pour l’aider à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce, les universités se tiennent à sa disposition”, a-t-elle proposé.


      https://twitter.com/CPUniversite/status/1361727549739515908

      “Une réalité hautement contestable”

      L’annonce d’une enquête au CNRS “sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université”, si elle n’est pas en soit répréhensible, pose plusieurs questions.

      “Le ‘cahier des charges’ de la demande qui lui est adressée fait réellement peur, estime François Burgat. La ministre s’abstrait purement et simplement de toute exigence scientifique.” Pour le chercheur, le postulat de la ministre, selon lequel “la société est gangrénée par l’islamo-gauchisme”, dont l’université, et une “réalité hautement contestable” qui ne repose sur “aucun corpus”.

      La chercheuse du CNRS qui préfère garder l’anonymat ajoute : “Si des cas particuliers sont litigieux au regard de la loi, qu’elle les cite et ouvre le débat. Sinon, qu’elle se taise.”

      Et d’ajouter : “Nous sommes des chercheurs, nous essayons de penser et analyser le monde, mobiliser des outils, et débattre de nos méthodes ou concepts d’analyse. Nous ne sommes pas au service d’un ministère et de ses obsessions politiques et calculs électoralistes.”

      https://www.huffingtonpost.fr/entry/la-proposition-de-vidal-sur-lislamo-gauchisme-fait-bondir-ces-univers

    • Frédérique Vidal veut demander au CNRS une enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’université

      La ministre de l’Enseignement supérieur souhaite ainsi faire le distinguo entre « recherche académique » et « militantisme ».

      Mobilisée sur la précarité étudiante liée à la crise sanitaire actuelle ou sur la multiplication des dénonciations d’agressions sexuelles dans les IEP avec le hashtag #SciencesPorc, Frédéric Vidal ouvre un nouveau front. Invitée ce dimanche sur le plateau de Jean-Pierre Elkabbach sur CNews, la ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé vouloir « demander notamment au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) de faire une enquête sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université. »

      Par « ces sujets », la ministre parle de « l’islamo-gauchisme », qui selon elle « gangrène la société dans son ensemble », et donc l’université également.

      Avec ces travaux, Frédérique Vidal souhaiterait ainsi « distinguer de ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève justement du militantisme et de l’opinion », relate le site d’information scientifique Soundofscience, qui se fait l’écho de l’annonce.

      « Alliance » entre Mao et Khomeini

      « Ce qu’on observe à l’université, c’est que des gens peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont », affirme la ministre, malgré l’émoi provoqué dans le milieu universitaire par ces accusations, régulières ces derniers mois. « Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des idées radicales ou des idées militantes de l’islamo-gauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer, de désigner l’ennemi, etc… »

      En guise de conclusion, la ministre a de nouveau persisté et signé dans son idée, prenant au mot une affirmation de Jean-Pierre Elkabbach selon laquelle la situation à l’université pourrait ressembler à « une sorte d’alliance, si je puis dire, entre Mao Zedong et l’Ayatollah Khomeini. »

      « Mais vous avez raison. Mais c’est bien pour ça qu’à chaque fois qu’un incident se produit, il est sanctionné, à chaque fois que quelque chose est empêché, c’est reprogrammé, mais je crois que l’immense majorité des universitaires sont conscients de cela et luttent contre cela », termine-t-elle.

      Les universités déjà émues par des propos de Blanquer

      Ce n’est pas la première fois qu’un membre du gouvernement utilise ce terme. En octobre dernier, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer avait à son tour dénoncé « l’islamo-gauchisme » qui fait selon lui « des ravages à l’université », prenant notamment pour cibles le syndicat étudiant Unef et La France Insoumise. « Notre société a été beaucoup trop perméable à des courants de pensée », avait-il alors ajouté au micro d’Europe 1.

      Face à cette accusation, la Conférence des présidents d’université (CPU) s’était émue et avait tenu à répondre au ministre.

      « Non, les universités ne sont pas des lieux où se construirait une ’idéologie’ qui mène au pire. Non, les universités ne sont pas des lieux d’expression ou d’encouragement du fanatisme. Non, les universités ne sauraient être tenues pour complices du terrorisme », était-il affirmé dans un communiqué.

      https://www.bfmtv.com/societe/education/frederique-vidal-veut-demander-au-cnrs-une-enquete-sur-l-islamo-gauchisme-a-l

    • Frédérique Vidal tombe dans la fange de l’extrême droite

      Invitée de CNews ce 14 février, Frédérique Vidal a emboité le pas aux dérives de Blanquer et Darmanin en reprenant la petite musique nauséabonde de « l’islamo-gauchisme » qui « gangrène la société dans son ensemble » et l’université en particulier. Un discours qui stigmatise tout ensemble les universitaires et les musulmans.

      Ce dimanche j’échangeais avec un étudiant qui, comme des milliers d’autres, tente de survivre à la désocialisation et aux cours à distance. Il ne va pas bien. Je lui ai proposé une conversation téléphonique. Le confinement, le sens de la vie, les doutes face à un projet professionnel... Mais ce qui le rend le plus anxieux, parmi toutes les difficultés qu’il tente d’affronter, c’est simplement le fait d’être musulman. Il m’a dit : « l’anxiété d’être musulman aujourd’hui ». Tout est là. Et je crois que c’est vraiment le résultat d’une politique. L’exploitation idéologique et sécuritaire du #terrorisme. La loi sur le « séparatisme » qui détricote nos libertés et grave dans le marbre la #stigmatisation des #musulmans. La politique guerrière de Macron au Sahel et le mépris, affiché ce jour, des pays africains. Tout ceci fait système. Et l’étudiant avec lequel je parle l’a très bien compris. L’étudiant musulman qui a eu peur en entendant Vidal, dimanche dernier. Et qui m’en a parlé en premier.

      J’ai donc écouté Frédérique Vidal répondre à Elkabbach, sur la chaîne qui est devenue le caniveau du journalisme d’extrême droite. Zemmour and co. Et une fois de plus j’ai eu #honte en écoutant « ma » ministre. Honte pour l’intelligence critique et les savoirs qu’elle devrait représenter. Honte de voir une « chercheuse », ancienne présidente d’université, asséner des #contre-vérités, insulter les universitaires et la pensée elle-même, se complaire dans la fange de l’extrême droite et rejoindre ainsi Blanquer et Darmanin dans le jeu dangereux de celui qui sera plus radical que Marine le Pen. En novembre 2020 la CP-CNU appelait à la démission de la ministre et écrivait ceci : « Madame Frédérique Vidal ne dispose plus de la légitimité nécessaire pour parler au nom de la communauté universitaire et pour agir en faveur de l’Université. » Aujourd’hui au nom de qui parle cette ministre ? Au nom du gouvernement et de Macron, ou au nom de Marine Le Pen ? De qui ou de quoi fait-elle le jeu ?

      On peut se faire une idée de la partie que Vidal a jouée en écoutant cet extrait mis en ligne par The Sound of Science, une vidéo devenue virale en quelques heures, Vidal devenue virale par sa haine des sciences humaines, de la recherche libre et des universitaires :

      https://twitter.com/SoundofScFr/status/1361390845111451650

      Petit retour en arrière. En octobre 2020 Frédérique Vidal avait été pressée par la CPU de recadrer Blanquer qui s’en était pris violemment aux universitaires, ravagés par « l’islamo-gauchisme », et accusés de « #complicité_intellectuelle avec le terrorisme ». La ministre avait pris position dans un journal à faible visibilité en affirmant dans une tribune, contre son collègue, que « l’université n’est pas un lieu d’expression ou d’encouragement du terrorisme ». La ministre défendait alors « la liberté d’expression et les libertés académiques » qui « sont indissociables ». De deux choses l’une : ou bien Vidal défend les libertés académiques, la liberté de recherche et la liberté d’expression des universitaires qui ont une valeur constitutionnelle, ou bien elle sacrifie ces trois libertés sur l’autel d’une attaque idéologique du libéralisme autoritaire contre l’université et la recherche. Comment comprendre cette contradiction ? Comment comprendre la violente #stigmatisation des islamo-gauchistes sur le plateau de C News quatre mois après la tribune de L’Opinion ? L’art macronien du « en même temps » ? Une immense #hypocrisie dans la tribune du mois d’octobre ? Un voile de fumée jeté sur un bilan désastreux ? La réponse à une commande politique de Macron ? Continuer la petite chanson « le RN est trop mou, LREM fera mieux dans la radicalité » ?

      Rien de tout ceci n’est exclu, mais je pense que la réponse est donnée par Vidal elle-même dans la suite de l’entretien. Très spontanément Vidal, pour remettre à leur place les méchants universitaires qui font des études de genre trop libres ou des études postcoloniales trop engagées, en appelle à l’évaluation-sanction par les pairs et pourquoi pas à la #délation et à la #condamnation : « C’est là qu’il faut être condamné … Allons-y, disons quand les gens ne font pas de #science, mais font du #scientisme » - où Vidal montre, au passage, qu’elle ne maitrise pas le concept de scientisme (à 43:20 ici). Et Vidal de diligenter une enquête du CNRS sur les disciplines suspectes. Comme si le CNRS était une section disciplinaire ou avait des pouvoirs d’enquête. Ce que la CPU elle-même dénonce en remettant vertement en place la ministre dans un communiqué qui appelle à "stopper la confusion et les polémiques stériles" et à cesser de "raconter n’importe quoi" (sic).

      A quoi assiste-on ? A une #dérive_autoritaire qui montre que la LPR et la chasse idéologique aux islamo-gauchistes forment un tout. Evaluer, sanctionner, séparer, diviser les universitaires pour les affaiblir. Les monter les uns contre les autres. Faire en sorte que l’institution soit elle-même l’agent de la chasse aux sorcières. Instiller partout la #concurrence, la #peur, la #suspicion et la #servitude_volontaire. Le premier séparateur des universitaires, c’est la LPR. Dans le viseur de Vidal : la limitation et la surveillance des libertés académiques. Macron, son gouvernement et LREM font le même travail avec toute la société. Dans leur viseur : la limitation et la surveillance des libertés publiques. Monter le plus grand nombre de citoyens contre les musulmans, monter les français contre eux-mêmes. Macron et son système, c’est une guerre sans fin, une guerre contre le peuple. Le #séparatisme permanent. Il est temps de nous unir contre lui. Il est temps de déradicaliser ce gouvernement.

      Contre le séparatisme, nous avons besoin d’une politique qui remettre de la lumière dans les regards tristes de nos amis musulmans. Contre la LPR, nous avons besoin d’une politique qui remettre de la lumière dans les regards tristes des universitaires. Contre la gestion calamiteuse de la crise sanitaire, nous avons besoin d’une politique qui remettre de la lumière dans les regards tristes des étudiants. Vite de la lumière, avant que ne retombe la longue nuit brune de l’histoire !

      #Pascal_Maillard

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/160221/frederique-vidal-tombe-dans-la-fange-de-l-extreme-droite

    • "Islamo-gauchisme" à l’université : 5 questions sur l’enquête demandée par Vidal

      La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a annoncé lundi 15 février qu’elle souhaitait enquêter sur « l’islamo-gauchisme » à l’université. Des propos qui ont indigné le monde universitaire.

      « Moi je pense que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble, et que l’université n’est pas imperméable, l’université fait partie de la société. » D’une phrase prononcée dimanche 14 février, Frédérique Vidal a provoqué une levée de bouclier du monde académique et de la gauche française.

      Invitée de CNews ce jour-là, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche était interrogée par Jean-Pierre Elkabbach sur l’islamo-gauchisme, terme décrit par le journaliste comme désignant « une sorte d’alliance (...) entre Mao Zedong et l’Ayatollah Khomeini ». C’est là que Frédérique Vidal a annoncé « demander notamment au CNRS de faire une enquête sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université ». Une séquence repérée par le site The Sound of Science.

      Le lendemain, la ministre a confirmé sa position devant l’Assemblée nationale. « Je vais demander à ce que l’on fasse un bilan des recherches qui se déroulent dans notre pays que ce soit les recherches sur le postcolonialisme… » a-t-elle répondu à la question de Bénédicte Taurine, députée de la France insoumise, sans finir son énumération. Mais quel est l’objet de cette enquête ?

      1. Qu’est-ce que l’"islamo-gauchisme" ?

      Le terme « islamo-gauchisme » est né sous la plume de l’écrivain #Pierre_André-Taguieff en 2000. Il le définit alors comme une association entre les mouvements de gauche et les mouvements pro-palestiniens. Cependant, comme l’explique le linguiste Albin Wagener à RTL.fr, ce terme a très vite été repris par l’extrême-droite pour désigner « deux ennemis : l’islam et la gauche ».

      Aujourd’hui, son utilisation s’est démocratisée au point de se faire une place dans les éléments de langage du gouvernement et de la gauche elle-même, dans la bouche de #Manuel_Valls. Ainsi, le terme controversé qualifié même de « faux concept » par le chercheur Pascal Boniface, désigne aujourd’hui une supposée collusion entre les mouvements islamistes et certains mouvements de gauche.

      Pour Philippe Marlière, chercheur et auteur d’une tribune publiée dans Mediapart au mois de décembre, la trajectoire de ce terme est inquiétante. ""L’islamo-gauchisme’ est un mot grossièrement codé qui désigne un ennemi (l’islamisme) et ses porteurs de valise (les intellectuels de gauche critiques), explique-t-il. Ce vocabulaire d’#extrême_droite crée et entretient un climat de #guerre_civile. Il ne nourrit pas le débat, il prend les personnes pour #cible."

      Le CNRS, lui, affirme dans un communiqué que le terme ne revêt « aucune réalité scientifique » quand la conférence des présidents d’université (CPU) parle de « pseudo-notion ».

      2. Qu’est-ce que le CNRS ?

      L’acronyme CNRS désigne le Centre national de la recherche scientifique. Placé sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dirigé par Frédérique Vidal, il est l’organisme de référence de la recherche universitaire française. Plus particulièrement, l’enquête demandée par la ministre s’intéresse aux #sciences_sociales, c’est-à-dire des disciplines comme la sociologie, l’histoire ou la science politique.

      Dans ses propos devant l’Assemblée nationale, Frédérique Vidal cite ainsi l’alliance Athéna présidée par le CNRS en alternance avec la Conférence des Présidents d’Université (CPU). Sur son site, cette institution est décrite comme réunissant « les principaux acteurs de la recherche publique française en #sciences_humaines_et_sociales », plus communément désignées sous le sigle #SHS.

      3. Quel est le type de recherche visé ?

      Dans ses propos tenus sur CNews, Frédérique Vidal a justifié sa décision de mener une enquête sur « l’islamo-gauchisme » au sein de ces champs disciplinaires pour « distinguer de ce qui relève de la #recherche_académique de ce qui relève justement du #militantisme et de l’#opinion ».

      Le CNRS a répondu mercredi soir à la ministre de l’Enseignement supérieur dans un communiqué désapprobateur. « Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de #délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de ’race’, ou tout autre champ de la connaissance », écrit le centre de recherche.

      Une réponse claire et nette aux nombreuses attaques ciblant ces champs disciplinaires qualifiés parfois de « racialistes » par leurs détracteurs qui se multiplient ces derniers mois. En octobre, Jean-Michel Blanquer avait par exemple explicitement cité « les ravages » de l’islamo-gauchisme comme ayant joué un rôle dans l’assassinat de #Samuel_Paty.

      « Il y a un combat à mener contre une matrice intellectuelle venue des universités américaines et des thèses intersectionnelles, qui veulent essentialiser les communautés et les identités, aux antipodes de notre modèle républicain qui, lui, postule l’égalité entre les êtres humains, indépendamment de leurs caractéristiques d’origine, de sexe, de religion, expliquait-il au Journal du Dimanche dans des propos décryptés par L’Obs. C’est le terreau d’une #fragmentation de notre société et d’une vision du monde qui converge avec les intérêts des islamistes. Cette réalité a gangrené notamment une partie non négligeable des sciences sociales françaises. »

      4. #Postcolonialisme, #intersectionnalité... De quoi parle-t-on ?

      Théorisée par la juriste américaine #Kimberlé_Crenshaw à la fin des années 1980, l’intersectionnalité permet d’étudier un phénomène sociologique en appliquant une réflexion multiple, au carrefour de plusieurs parts d’identité comme le genre, la classe et la race (au sens de race sociale perçue par la société, pas de la race biologique qui n’existe pas). Son objectif n’est donc pas d’essentialiser mais de prendre en compte différentes caractéristiques sociologiques pour mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les situations de discrimination. Par exemple, une femme noire ne vivra pas seulement d’un côté le sexisme et de l’autre le racisme, mais l’intersection des deux.

      Quant aux théories décoloniales et postcoloniales, elles permettent d’étudier la société contemporaine au regard des dynamiques historiques et du racisme qui découle de périodes telles que l’#esclavage et la #colonisation. Ce sont ce type de recherches qui révèlent les #inégalités sous toutes leurs formes (sociologiques, économiques, politiques, historiques...) qui sont visées lorsque les ministres parlent d’"islamo-gauchisme" à l’université.

      5. Comment le monde universitaire réagit-il ?

      Au-delà de condamner les propos de Frédérique Vidal, dans son communiqué, le CNRS regrette une « #instrumentalisation de la science » et rappelle qu’il existe des voies de « l’approfondissement des recherches, de l’explicitation des méthodologies et de la mise à disposition des résultats de recherche ». « C’est dans cet esprit que le CNRS pourra participer à la production de l’étude souhaitée par la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés », conclut l’organisme.

      La veille, la conférence des présidents d’université (CPU) publiait elle aussi un communiqué dans lequel elle s’étonnait de « l’instrumentalisation du CNRS dont les missions ne sont en aucun cas de produire des évaluations du travail des enseignants-chercheurs, ou encore d’éclaircir ce qui relève ’du militantisme ou de l’opinion’ ». « La CPU réclame, au minimum, des clarifications urgentes, tant sur les fondements idéologiques d’une telle enquête, que sur la forme, qui oppose CNRS et universités alors que la recherche est menée conjointement sur nos campus par les chercheurs et les enseignants-chercheurs. »

      Contacté par RTL.fr, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation n’a pour l’heure par répondu aux sollicitations.

      https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/islamo-gauchisme-a-l-universite-5-questions-sur-l-enquete-demandee-par-frederiqu

    • Les leçons de Vidal

      Avec ses sorties sur « l’islamo-gauchisme » cette semaine, la ministre déléguée à l’Enseignement supérieur fait surtout les affaires de ses collègues de l’Education et de l’Intérieur. Une femme se grille. Des hommes engrangent.

      La chose se répète souvent sous ce quinquennat. Une ministre femme, issue de la société civile (donc non-politique) qui monte en première ligne pour faire les affaires politiciennes de ses collègues ministres hommes (eux devenus professionnels de ce milieu). La sortie de Frédérique Vidal sur « l’islamo-gauchisme » est un nouvel exemple de ce constat. La ministre de l’Enseignement supérieur n’a pas « dérapé » sur CNews, dimanche, face à Jean-Pierre Elkabbach. Elle savait très bien ce qu’elle faisait. Sinon elle n’aurait pas réitéré ses propos au centre de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, mardi après-midi, lors de la séance hebdomadaire des questions d’actualité au gouvernement.

      Alors qu’elle avait été muette sur le sujet, en octobre, lorsque deux de ses camarades au gouvernement, Jean-Michel Blanquer et Gérald Darmanin, avaient déjà balancé, en octobre à l’Assemblée, cette formule appartenant au champ lexical de l’extrême droite, la voilà qui les devance. Le ministre de l’Education et celui de l’Intérieur ont pourtant passé deux semaines sur les bancs lors du projet de loi « confortant les principes de la République » sans écart de langage. Ordre du Président de se tenir à carreaux sur ce texte censé réincarner « le rassemblement » de la majorité sur la laïcité. Foutaises. A peine les ministres avaient-ils récupéré leurs bons de sorties pour les médias que Vidal est partie à son tour en croisade contre les affreux « islamo-gauchistes » qui professeraient dans les amphis. Recadrée par le président de la République, éloignée un peu plus du monde universitaire et du monde étudiant… Mauvais résultat pour elle : la voici un peu plus isolée Rue Descartes. A qui profite donc cette séquence ? A Ses collègues Darmanin et Blanquer qui voient un de leurs marqueurs politiques progresser. Vidal, une femme, prend le bouillon médiatique et une humiliation présidentielle. Ses collègues, hommes, avaient été épargnés.

      Vidal n’est pas la première victime de cette stratégie du bélier. On rembobine. Mars 2019, en pleine « concertation » sur la réforme des retraites, la ministre de la Santé et des Solidarités d’alors, Agnès Buzyn, s’autorise une sortie inattendue sur un « allongement de la durée du travail ». « Je suis médecin, je vois que la durée de vie augmente d’année en année, expliquait Buzyn. Est-ce que, alors que le nombre d’actifs diminue, nous allons pouvoir maintenir sur les actifs le poids des retraites qui vont augmenter en nombre et en durée ? Nous savons que cet équilibre-là va être de plus en plus difficile à tenir. » Exactement la ligne portée en coulisses par le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, et de ses deux camarades de l’ex-UMP installés à Bercy : Bruno Le Maire et (déjà) Gérald Darmanin. Lequel se presse pour saluer le « courage » de Buzyn.

      Comme pour Vidal, les politiques hommes avaient laissé une femme issue de la société civile monter au front médiatique pour pousser leurs propres billes. Obligée de rétropédaler (repousser l’âge de départ n’était pas dans le programme d’Emmanuel Macron et le haut-commissaire d’alors, Jean-Paul Delevoye, menaçait de démissionner), Buzyn s’était abîmée dans cette aventure politicienne. Cette dernière n’est plus au gouvernement. Le Maire et Darmanin plus que jamais.

      https://www.liberation.fr/politique/les-lecons-de-vidal-20210219_BI4BCKNDCNBXBDMT2TRO3BZPB4
      #genre #hommes #femmes #hommes_politiques #femmes_politiques

    • Frédérique Vidal, une ministre bisbilles en tête

      Déjà critiquée, entre autres, pour son management à l’université Sophia-Antipolis, la Niçoise s’est lancée dimanche, sans le soutien de l’Elysée, dans une offensive contre l’« islamo-gauchisme » dans la recherche, se mettant à dos une majorité d’enseignants.

      On ne l’attendait pas vraiment sur ce dossier. Frédérique Vidal, ministre de troisième rang en macronie, a surpris beaucoup de monde en appelant à lancer, dimanche sur CNews, une enquête sur l’« islamo-gauchisme » dans la recherche universitaire.

      Décrédibilisée dans les rangs de la recherche supérieure après avoir maintenu la ligne libérale de la loi de programmation de la recherche (LPR), fragilisée dans les universités après plusieurs cafouillages sur l’organisation en ce temps de crise sanitaire, critiquée pour son manque de réactions face au malaise étudiant qui a poussé certains au suicide, Frédérique Vidal n’a pourtant pas hésité à se mettre à dos une nouvelle fois une bonne partie des professionnels qui dépendent de son ministère.

      Au sein du gouvernement, l’axe Blanquer-Darmanin-Schiappa, porteur de ce débat droitier sur l’islam, a-t-il décidé de se servir d’elle comme bélier, après deux semaines sans grandes controverses sur le projet de loi de lutte contre les « séparatismes » ? Ou bien Vidal a-t-elle choisi ce registre en guise de diversion, alors que les polémiques sur la précarité étudiante ne s’apaisent pas ? En tout cas, on ne la suit pas côté Elysée. Le Président reste attaché à « l’indépendance des enseignants-chercheurs », a bien souligné le porte-parole, Gabriel Attal, mercredi à l’issue du Conseil des ministres. Un désaveu.

      « Elle a toujours eu de l’ambition »

      Dans le casting de début de quinquennat, Vidal faisait pourtant partie de ces ministres de la société civile censés ouvrir le monde politique au monde universitaire. Une présidente d’université pour s’occuper des universités, forcément ça avait du sens dans le « en même temps » macronien. Jusque-là, la Niçoise n’était jamais sortie du couloir qu’on lui avait assigné. A peine s’était-elle aventurée, en 2019 – soit bien avant la crise sanitaire, économique et sociale –, dans une poignée de réunions de ministres souhaitant incarner « l’aile gauche » de l’ex-gouvernement Philippe. L’idée était, à l’époque, de tenter de s’organiser pour peser davantage sur la ligne de l’exécutif, jugée trop… à droite.

      Et avant son arrivée au gouvernement, Frédérique Vidal n’avait aucun engagement politique. L’universitaire est passée des bancs de la fac, où elle étudiait la génétique, à la présidence de cette même université, en 2012. Une évolution fulgurante en moins de vingt-cinq ans. Sabine, aujourd’hui chercheuse syndiquée CGT Ferc Sup, était inscrite dans la même promo, « il y a un peu plus de vingt ans », en maîtrise de biochimie et en DEA de virologie. « C’est quelqu’un qui a toujours eu de l’ambition, dit-elle. Ça a été une bonne enseignante, mais elle a fait peu de recherche sur la durée car elle a très vite rejoint la direction de la formation. Elle est devenue doyenne de la fac de sciences, puis présidente. »

      « Phrases assassines »

      Les techniques managériales de Vidal marquent les esprits à l’université de Sophia-Antipolis. « C’est quelqu’un qui ne tolère pas le débat, ce qui est paradoxal quand on est universitaire, ni la contradiction, ce qui est un problème quand on est scientifique, estime Sabine. Elle a imprimé cette façon de diriger. »

      En novembre, le directeur général de la recherche et de l’innovation, Bernard Larrouturou, qui dépendait de son ministère, a claqué violemment la porte. Dans une lettre qu’avait révélée Libération, il dénonçait la gestion peu humaine du cabinet de Vidal.

      Sandra (1) parle de « tendances managériales à l’américaine » qui l’auraient poussée au burn-out. Cette technicienne audiovisuelle, ancienne déléguée syndicale à l’université, pointe une « infantilisation », avec un renforcement de la hiérarchie, et des « expériences assez douloureuses en conseil d’administration », avec des « phrases assassines » à chaque question ou opposition de sa part. « Mme Vidal est une vraie grande pédagogue, défend le docteur en génétique Erwan Paitel, son ancien bras droit à l’université, qui l’a rejointe au ministère. Elle sait gouverner au sens d’aller au bout de ses idées. »

      Mais, selon différents membres de l’université qui témoignent à Libération, « les sciences de l’éducation ont été mises plus bas que terre », « les sciences humaines étaient méprisées », « ça rigolait » à l’évocation des profs d’histoire. « Quand elle parle d’islamo-gauchisme, c’est juste un moyen de bâillonner le débat d’idées, estime Marc, syndiqué CGT Ferc Sup et travaillant dans un labo de maths à Nice. C’est une insulte pour notre intelligence et pour les victimes. On est à Nice, on a été touché par plusieurs attentats, c’est assez dégueulasse de jouer là-dessus. »

      (1) Cette personne a souhaité rester anonyme pour ne pas nuire à sa carrière.

      https://www.liberation.fr/societe/frederique-vidal-une-ministre-bisbilles-en-tete-20210217_G4WLKNLQGNGTZPOF

    • « Frédérique Vidal risque d’alimenter une #police_de_la_pensée qui serait dramatique »

      Le président de l’université Clermont-Auvergne, Mathias Bernard, revient sur la sortie de sa ministre de tutelle sur « l’islamo-gauchisme », qu’il juge « schématique » et « caricaturale ».

      En s’inquiétant du développement d’« idées militantes de l’islamo-gauchisme » dans les universités françaises au cours d’une interview à CNews dimanche, la ministre Frédérique Vidal a suscité de nombreuses critiques dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans un communiqué, la Conférence des présidents d’universités a par exemple dénoncé une « nouvelle polémique stérile » et invité les politiques à ne pas « raconter n’importe quoi ». Président de l’université Clermont-Auvergne, l’historien Mathias Bernard revient sur cette sortie médiatique. Pour lui, les propos caricaturaux de la ministre instrumentalisent politiquement des études nécessaires au débat scientifique.

      Dans un communiqué, les présidents d’universités ont dit leur « stupeur » à la suite des propos de Frédérique Vidal. Pourquoi cette surprise ?

      Parce que cela ne correspond pas aux positions antérieures de la ministre. A l’automne, elle avait tenu des propos bien plus distanciés lorsque son collègue Jean-Michel Blanquer avait parlé d’islamo-gauchisme. A cela, il faut ajouter le contexte sanitaire : la priorité n’est pas de lancer un débat politicien, mais plutôt de répondre à la détresse des étudiants après un an de confinement. C’est un bel exemple du décalage entre les gouvernants et la réalité des opérateurs sur le terrain.

      Qu’est-ce qui invalide cette accusation d’« islamo-gauchisme » ?

      Depuis une quinzaine d’années, ce mot est instrumentalisé politiquement. Il ne sert pas à caractériser un ensemble de positions scientifiques, mais à les discréditer. Cette notion produit aussi un effet de généralisation : l’islamo-gauchisme gangrènerait l’université, comme on l’a vu écrit il y a quelques jours à la une du Figaro. Cette rhétorique de la contamination rappelle les discours antisémites des années 30 sur l’influence juive qui corromprait l’ensemble des corps sociaux. Dans mon université, il n’y a eu par exemple aucun incident, aucune étude ou manifestation scientifique susceptible de s’apparenter à une « menace islamo-gauchiste ». Cette généralisation crée une dramatisation, un climat anxiogène qui ne peut qu’alimenter le rejet.

      Quels sont les faits initiaux à partir desquels s’opère cette généralisation ?

      Il existe un militantisme intolérant qui, en empêchant par exemple la tenue de certaines conférences, pose problème à l’université, car celle-ci est par nature un lieu de dialogue. Mais il faut le distinguer des études en sciences sociales qui s’inscrivent dans l’héritage de la pensée postcoloniale et élaborent une pensée critique qui contribue au débat scientifique. Or, ce sont ces débats qui font progresser la science. Une prise de position rapide, schématique et caricaturale comme celle de Frédérique Vidal risque de jeter l’opprobre sur toute cette réflexion et d’alimenter une forme de police de la pensée qui serait dramatique. Cela donne l’impression que des chercheurs confondraient massivement militantisme et travail universitaire, ce qui n’est pas le cas. Et si des cas se présentaient, il existe des instances pour les traiter. Inutile d’instrumentaliser le CNRS, dont les chercheurs travaillent au quotidien avec les universités.

      Faut-il y voir une volonté de contrôle politique du travail universitaire ?

      Les contraintes inhérentes à une interview télévisée ont sans doute occasionné des maladresses. Mais si on regarde ces propos à l’aune du contexte plus global, marqué à la fois par une séquence très régalienne de la présidence Macron et par les débats sur la loi « séparatisme », il peut y avoir une volonté de distinguer deux types de recherche, l’une bonne et l’autre dangereuse. Un peu comme à l’époque de la guerre froide où l’on se méfiait de l’université marxiste. Cela explique une partie de la défiance actuelle du monde politique vis-à-vis de l’université, qui est constitutionnellement indépendante du point de vue scientifique.

      Le dialogue entre le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et la ministre est-il rompu ?
      En 2020, les débats sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ont contribué à une rupture assez nette entre la ministre et une partie de la communauté universitaire. Mais il ne faut pas généraliser : les présidents d’université et les établissements continuent à travailler avec le ministère dans cette période difficile. Je suis certes critique sur cette sortie médiatique, je n’en suis pas moins reconnaissant à la ministre d’avoir défendu l’ouverture des universités alors que la situation sanitaire reste tendue.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/frederique-vidal-risque-dalimenter-une-police-de-la-pensee-qui-serait-dra

    • #Thomas_Piketty : «Frédérique Vidal doit partir»

      Les déclarations sur l’« islamo-gauchisme » de la ministre de l’Enseignement supérieur montrent sa méconnaissance des sciences sociales, estime l’économiste. Elle livre à la vindicte populaire des chercheurs dont les savoirs sont pourtant essentiels.

      Une suspicion généralisée qui amènerait à un dialogue de sourds : l’économiste Thomas Piketty, connu pour ses recherches internationales sur les inégalités, estime que la demande d’enquête sur la présence de courants « islamo-gauchistes » à l’université, faite dimanche par la ministre Frédérique Vidal, est un non-sens.

      Jean-Michel Blanquer en octobre, Frédérique Vidal aujourd’hui. Pourquoi ces attaques contre le monde universitaire, et sur ce thème de l’islamo-gauchisme ?

      L’horreur des attentats de 2015-2016 et de la décapitation de Samuel Paty en 2020 fait que chacun cherche naturellement des explications, des coupables. Chez les plus désespérés, mais aussi parmi les plus cyniques, certains ont eu l’idée géniale de soupçonner de complicité jihadiste n’importe quel chercheur s’intéressant aux questions de discrimination, ou encore n’importe quel croyant musulman achetant du hallal ou portant des leggings sur la plage, un foulard dans la rue ou lors d’une sortie scolaire. Ces soupçons ignobles sont totalement à côté de la plaque, dans un contexte où le pays devrait être rassemblé derrière son système de justice, de police et de renseignement pour lutter contre l’ultraminorité terroriste. Cette logique de la suspicion généralisée ne peut conduire qu’à des raidissements et à des dialogues de sourds. Et pendant ce temps-là, personne ne parle des politiques antidiscriminatoires dont nous aurions tant besoin, et qui demandent des débats approfondis et apaisés, tant les enjeux sont nouveaux et ouverts.

      Pourquoi demandez-vous la démission de la ministre Frédérique Vidal ?

      Avec ses déclarations, Frédérique Vidal a démontré sa totale inculture et sa profonde ignorance de la recherche en sciences sociales. Elle livre à la vindicte populaire les personnes qui produisent et diffusent les savoirs dont nous avons tant besoin dans cette époque hyperviolente. Avec l’extrême droite aux portes du pouvoir dans plusieurs régions et au niveau national, c’est totalement irresponsable. Elle doit partir.

      Vous connaissez bien le monde de la recherche. Quelle est la réalité de ces « chercheurs minoritaires qui porteraient au sein de l’université des idées radicales et militantes de l’islamo-gauchisme » que dénonce la ministre ?

      Je ne connais aucun chercheur que l’on puisse soupçonner de près ou de loin de complaisance avec les jihadistes, ou dont les travaux auraient pu « armer idéologiquement le terrorisme », suivant l’expression désormais routinière au sommet de l’Etat. Et le terrorisme au Nigeria, au Sahel, en Irak, aux Philippines, c’est aussi de la faute des universitaires islamo-gauchistes français ou américains ? C’est ridicule et dangereux. Au lieu de mobiliser l’intelligence collective pour appréhender des processus sociohistoriques inédits et complexes, ce que font précisément les chercheurs en sciences sociales, on sombre dans la logique du bouc émissaire à courte vue.

      Pensez-vous qu’il y a un climat anti-intellectuels en France ?

      Les diatribes anti-intellectuels sous Sarkozy avaient marqué une première étape. Mais l’hystérie actuelle autour de l’accusation d’islamo-gauchisme nous fait franchir un nouveau seuil. Petit à petit, les responsables politiques français, du centre droit à l’extrême droite, se rapprochent sans le savoir de l’attitude des nationalistes hindous du Bharatiya Janata Party (BJP) qui, depuis dix ans, visent à asseoir leur domination politique en stigmatisant toujours davantage la minorité musulmane (14% de la population, soit 150 millions de personnes tout de même) et les intellectuels réputés islamo-gauchistes soupçonnés de les défendre. On l’ignore trop souvent en France, mais cette hargne des nationalistes hindous se nourrit elle aussi des attentats jihadistes commis sur le sol indien, comme ceux de Bombay en 2008 ou les attaques au Cachemire musulman début 2019. Là encore, je peux comprendre que le traumatisme des attentats conduit les uns et les autres à chercher des explications pour cette horreur nihiliste. Mais cela n’a aucun sens de soupçonner de complicité les 150 millions de musulmans indiens qui, comme en France, cherchent simplement à mener une vie ordinaire, à trouver un travail, un revenu, un logement, et ne se demandent pas chaque matin comment ils vont venir en aide à un terroriste. Les soupçons vis-à-vis des universitaires indiens, qui tentent de faire leur travail dans des conditions précaires, sont toutes aussi odieux. En Inde, le gouvernement BJP en est arrivé à fomenter des émeutes antimusulmans, à fermer des centres de recherche et à faire arrêter des intellectuels. On en est évidemment très loin en France, mais il est urgent de se mobiliser avant que les choses ne continuent à dégénérer pour les groupes les plus fragiles. Concrètement, les intellectuels français disposent encore de solides ressources pour se défendre, mais il n’en va pas de même pour les populations issues de l’immigration extra-européenne, qui font face dans notre pays à des discriminations sociales et professionnelles extrêmement lourdes et à une stigmatisation croissante.

      Vous qui travaillez avec des réseaux de recherches dans le monde entier, comment jugez-vous l’université française par rapport aux autres grandes universités internationales ? Y a-t-il une américanisation de la recherche ?

      L’idée d’une contamination des chercheurs français par leurs collègues américains ne correspond à aucune réalité. En pratique, le développement des études coloniales et postcoloniales, par exemple des travaux sur l’histoire des empires coloniaux et de l’esclavage, est une coproduction internationale. Cette évolution implique depuis longtemps des chercheurs basés en Europe, aux Etats-Unis, en Inde, au Brésil, etc. Elle est là pour durer, et c’est tant mieux. Le phénomène colonial s’étale de 1500, avec les débuts de l’expansion européenne, jusqu’aux années 60 avec les indépendances, voire jusqu’aux années 90 si l’on intègre le cas de l’apartheid sud-africain. A l’échelle de la longue durée, cette phase coloniale vient tout juste de se terminer. Ses conséquences sur les structures sociales ne vont pas disparaître en un claquement de doigts. Il a fallu quelques décennies pour que la recherche s’empare pleinement des thèmes coloniaux et postcoloniaux. Ce n’est pas près de changer, et c’est tant mieux.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/thomas-piketty-frederique-vidal-doit-partir-20210217_22G6RI2Q4ZA6RID5XRX5
      #Piketty

    • «Islamo-gauchisme»: Vidal provoque la #consternation chez les chercheurs

      En annonçant commander au CNRS une enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’université, la ministre a suscité l’ire du monde de la recherche. Les présidents d’université dénoncent « une pseudo-notion qu’il conviendrait de laisser […] à l’extrême droite », le CNRS émet de profondes réserves.

      Particulièrement transparente ces derniers mois malgré la crise grave que connaît l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal embrase la communauté universitaire, abasourdie par son intention de commander « une enquête » au CNRS sur « l’islamo-gauchisme » à l’université.

      Tout est parti d’un entretien pour le moins sidérant accordé par la ministre, dimanche 14 février, à CNews, la chaîne préférée de l’extrême droite. Interrogée par Jean-Pierre Elkabbach sur la récente une du Figaro titrée « Comment l’islamo-gauchisme gangrène l’université », la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a commencé par acquiescer à ce « constat ».

      « Ce qu’on observe à l’université, c’est que des gens peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont […]. Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des idées radicales ou des idées militantes de l’islamo-gauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer, de désigner l’ennemi », commence-t-elle par affirmer.

      « Vous ajoutez aussi les #indigénistes qui disent la race, le genre, la classe sociale… tout ça, ça forme un tout ? », la relance doctement Jean-Pierre Elkabbach.

      Nullement gênée par l’incroyable confusion de la question, la ministre acquiesce à nouveau. « Absolument. D’ailleurs en biologie cela fait bien longtemps qu’on sait qu’il n’y a qu’une espèce humaine et qu’il n’y a pas de race donc vous voyez à quel point je suis tranquille avec ce sujet-là », répond-elle, montrant combien les récents débats scientifiques sur la notion de « race » dans les sciences sociales lui ont totalement échappé.

      « Oui, vous, vous êtes tranquille, mais il y a des minorités et elles sont agissantes… », relance encore le journaliste en agitant les doigts – une gestuelle censée représenter une forme d’infiltration de ces « minorités » à l’université.

      « Il y a une sorte d’alliance entre Mao Zedong et l’ayatollah Khomeini ? », suggère encore un Jean-Pierre Elkabbach à qui le sujet tient manifestement à cœur.

      « Vous avez raison. Mais c’est pour cela qu’à chaque fois qu’un incident se produit, il est sanctionné, à chaque fois que quelque chose est empêché, c’est reprogrammé, mais je crois que l’immense majorité des universitaires sont conscients de cela et luttent contre cela », avance Frédérique Vidal, sans que le spectateur, à ce stade, sache très bien ce que « cela » désigne, perdu entre les différentes chimères de « l’islamo-maoïsme » et du « féminisme-racialiste »…

      « C’est pour cela que je vais demander, notamment au CNRS, de faire une enquête sur l’ensemble des courants de recherche, sur ces sujets, dans l’université, de manière à ce qu’on puisse distinguer ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève du militantisme, de l’opinion », lance alors la ministre.

      Dans la communauté scientifique, l’annonce de la ministre a manifestement pris tout le monde de court. Interrogé mardi sur les contours de cette future mission d’enquête, le CNRS semblait bien en peine de fournir le moindre élément de réponse. « À ce stade, nous en discutons avec le cabinet de Frédérique Vidal pour préciser les attentes de la ministre », nous a-t-on d’abord répondu dans un embarras manifeste.

      Au cabinet de Frédérique Vidal, on semble tout autant dans le brouillard, quant aux « attentes de la ministre ». « Les objectifs de cette étude seront définis dans les prochains jours. Il s’agira de définir ce qui existe comme courants d’études en France, sur différents thèmes », nous répond-on finalement. Difficile de faire plus vague.

      S’agit-il de faire une typologie des « courants » de pensée plus ou moins suspects ainsi que, pourquoi pas, des listes d’enseignants participant à ces courants comme aux grandes heures du maccarthysme ?

      L’enquête, selon le ministère, sera « portée » par l’alliance Athena « qui regroupe les principaux acteurs de la recherche publique française et qui est présidée par #Antoine_Petit », c’est-à-dire le directeur du CNRS. Sauf que l’alliance Athena est encore dirigée pour un mois par #Jean-François_Balaudé, qui, comme l’a révélé Le Monde, n’a même pas été informé de ce projet.

      Traversant aujourd’hui une période particulièrement difficile en raison de la pandémie, avec des étudiants en grande détresse et un corps d’enseignants-chercheurs à bout de souffle, la communauté universitaire s’est littéralement embrasée ces dernières heures.

      Mercredi en fin de journée, le CNRS a finalement publié un communiqué cinglant, expliquant que « l’islamogauchisme » était un « #slogan_politique » qui « ne correspond à aucune réalité scientifique ». « L’#exploitation_politique qui en est faite est emblématique d’une regrettable instrumentalisation de la science ». L’organisme de recherche, qui précise qu’il mènera une enquête « visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés », a pris les devants en affirmant qu’il « condamne en particulier les tentatives de #délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de "race", ou tout autre champ de la connaissance ».

      La conférence des présidents d’université, d’ordinaire très prudente, s’est fendue mardi en fin de journée d’un communiqué assassin faisant part de sa « stupeur » et réclamant des « clarifications urgentes » à leur ministre de tutelle. « L’islamo-gauchisme n’est pas un #concept. C’est une #pseudo-notion dont on chercherait en vain un commencement de définition scientifique, et qu’il conviendrait de laisser sinon aux animateurs de CNews, plus largement à l’extrême droite qui l’a popularisée », écrit ainsi l’organisation qui représente tous les présidents d’université.

      Le but de cette « enquête » confiée au CNRS est-il d’identifier des éléments potentiellement idéologiquement dangereux au sein de la communauté universitaire ? Sur ce point également, la Conférence des présidents d’université (CPU) tient à mettre les choses au point : « La CPU regrette la confusion entre ce qui relève de la liberté académique, la liberté de recherche dont l’évaluation par les pairs est garante, et ce qui relève d’éventuelles fautes et infractions, qui font l’objet si nécessaire d’enquêtes administratives », et qui sont confiées dans ce cas à l’Inspection générale de l’éducation.

      « La CPU s’étonne aussi de l’instrumentalisation du CNRS dont les missions ne sont en aucun cas de produire des évaluations du travail des enseignants-chercheurs, ou encore d’éclaircir ce qui relève “du militantisme ou de l’opinion”, cingle l’organisation. Si le gouvernement a besoin d’analyses, de contradictions, de discours scientifiques étayés pour l’aider à sortir des représentations caricaturales et des arguties de café du commerce, les universités se tiennent à sa disposition. Le débat politique n’est par principe pas un débat scientifique : il ne doit pas pour autant conduire à raconter n’importe quoi. »

      Sauf qu’en matière de « n’importe quoi », la CPU et le monde de la recherche plus généralement n’avaient, sans doute, pas encore tout entendu. Questionnée mardi par la députée Bénédicte Taurine (La France insoumise) sur sa volonté de créer une « police de la pensée », Frédérique Vidal a eu cette réponse étonnante : « Alors, oui, en sociologie on appelle ça mener une enquête. Oui, je vais demander à ce qu’on fasse un bilan de l’ensemble des recherches qui se déroulent actuellement dans notre pays… Sur le postcolonialisme… Mais moi, vous savez, j’ai été extrêmement choquée de voir apparaître au Capitole un drapeau confédéré et je pense qu’il est essentiel que les sciences sociales se penchent sur ces questions qui sont encore aujourd’hui d’actualité. »

      Un rapprochement entre études postcoloniales et drapeau confédéré, emblème aujourd’hui des suprémacistes blancs, que personne n’a compris… Et pourquoi citer désormais les #études_postcoloniales qui sont un domaine de recherche présent dans les universités du monde entier ?

      Beaucoup d’universitaires et de chercheurs indignés ont demandé, à l’instar de l’économiste Thomas Piketty ou de la philosophe #Camille_Froidevaux-Metterie, le départ de la ministre aujourd’hui désavouée par une grande partie de la communauté scientifique. « Avec Frédérique Vidal, le gouvernement Macron-Castex réalise le rêve de Darmanin : contourner Le Pen par sa droite… Cette ministre indigne doit partir », a déclaré Thomas Piketty sur Twitter, où le mot-dièse #VidalDemission a rencontré un grand succès.

      Une « chasse aux sorcières »

      Les chercheurs du CNRS que Mediapart a interrogés ont unanimement rejeté l’idée d’être « instrumentalisés » par l’improbable projet d’enquête de la ministre.

      Pour l’historienne Séverine Awenengo Dalberto, chargée de recherche au CNRS et membre de l’Institut des mondes africains, Frédérique Vidal doit effectivement démissionner. « C’est scandaleux et honteux de vouloir restreindre les libertés académiques, d’instrumentaliser la recherche en histoire et sciences sociales à des fins politiciennes, et surtout, dans le contexte pandémique actuel, de mépriser à ce point les étudiants et étudiantes en portant l’attention médiatique et parlementaire sur cette fausse question de l’islamo-gauchisme plutôt que sur la détresse et la précarité des jeunes », explique-t-elle. Cette historienne, spécialiste des questions coloniales, fustige une démarche visant, selon elle, « à banaliser un discours d’extrême droite et à alimenter les fractures qu’elle feint de dénoncer. Comment peut-elle sérieusement penser que travailler sur des discriminations raciales, sur les mécanismes et les effets des assignations identitaires chromatiques, c’est reconnaître l’existence de races biologiques ? »

      Comme elle, nombre de chercheurs insistent aussi sur l’#absurdité de faire diligenter cette enquête sur l’université par le CNRS, puisque nombre de laboratoires ont une double tutelle CNRS et université.

      Le spécialiste des mobilisations ouvrières Samuel Hayat, chargé de recherche au CNRS, décrit ainsi ses collègues « entre #sidération et #découragement ». « Cela s’inscrit dans la suite logique de la gestion autoritaire de l’enseignement supérieur et de la recherche par Frédérique Vidal », souligne-t-il, en référence à la loi de programmation sur la recherche passée au forceps. « C’est une offensive générale contre, en gros, le #discours_critique et la #pensée_critique », estime-t-il. « Pour Frédérique Vidal, l’université doit être dans “l’#excellence” et la #rentabilité mais l’idée qu’il y ait des pôles de résistances critiques aux politiques est insupportable », assure-t-il. Ce politiste souligne aussi combien cette « chasse aux sorcières » rappelle les politiques menées au Brésil, en Hongrie, aux États-Unis, en Turquie ou au Japon contre les libertés académiques.

      Si dans ces pays la bataille s’est principalement concentrée sur les études de #genre, accusées de détruire les fondements de la société, la lutte contre l’#islamisme offre, en France, l’excuse toute trouvée pour traquer les chercheurs « déviants ». « Comme ils ne vont pas trouver d’islamistes dans les universités, ils s’appuient sur un concept comme “l’islamo-gauchisme” qui ne veut rien dire mais qui permet d’amalgamer les savoirs critiques au terrorisme », affirme Samuel Hayat. « La cerise sur le gâteau est l’instrumentalisation du CNRS, qui est un établissement public de recherche qui détermine évidemment son agenda de recherche. Être traité comme une officine pour cerner un objet qui n’existe pas, c’est particulièrement insultant. Le CNRS doit réaffirmer qu’il n’est pas aux ordres des objectifs politiques du gouvernement. »

      Pour l’historienne Camille Lefebvre, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de l’Afrique aux XVIIIe et XIXe siècles, cette annonce de Frédérique Vidal s’inscrit dans « un pur enjeu électoral consistant à placer la question de l’islam au cœur de la prochaine campagne présidentielle. Le problème c’est que c’est un #discours_performatif et qu’ils n’en mesurent pas les conséquences », souligne-t-elle, décrivant des discours stigmatisants « qui blessent une partie de la société française à qui l’on veut faire comprendre qu’elle doit rester à sa place ».

      Pionnier, avec #Marwan_Mohammed, de l’étude de l’islamophobie comme nouvelle forme de racisme, le sociologue #Abdellali_Hajjat (qui a quitté la France pour enseigner en Belgique devant le climat de plus en plus hostile à ces travaux dans l’Hexagone) estime que les déclarations de Frédérique Vidal sont « la énième étape d’un processus de #panique_morale d’une partie des #élites_françaises qui a commencé au moins en 2015-2016. Et cela marque le succès d’un intense #lobbying de la part des “#universalistes_chauvins”, tenants de la fausse opposition entre “universalistes” et “décoloniaux”, estime-t-il. La ministre dit qu’il s’agit de distinguer travail de recherche et militantisme… Il semble qu’il s’agit surtout de cibler les universitaires qui seraient “déviants” d’un point de vue politique et scientifique ».

      Selon lui, malgré l’ineptie du discours d’une ministre qui semble largement dépassée par la situation, et qui pourrait prêter à sourire, la situation est très alarmante. « Cette volonté d’#hégémonie, de #contrôle total sur la recherche rappelle les pratiques des régimes politiques contemporains les plus autoritaires », assène-t-il.

      « Je suis en colère car ce qui est en train de se passer est à la fois honteux et très inquiétant », affirme de son côté Audrey Célestine, maîtresse de conférences en sociologie politique et études américaines à l’Université de Lille et membre du conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. « Nous sommes dans une forme de #maccarthysme », assure-t-elle jugeant le niveau du débat public « atterrant ». « Lorsqu’on voit quelqu’un comme #Raphaël_Enthoven évoquer “la #peste_intersectionnelle”, on se dit qu’il y a une fierté à étaler dans ces débats son #ignorance crasse. Je suis pour le débat mais avec des gens qui lisent les travaux dont ils parlent », explique-t-elle. Comme pour tous les chercheurs interrogés, Frédérique Vidal a désormais perdu toute #crédibilité et ne peut plus rester ministre de tutelle.

      Après les premières déclarations de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, sur « l’islamo-gauchisme » à l’université, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche avait semblé vouloir défendre les libertés académiques. « L’université n’est ni la matrice de l’extrémisme ni un lieu où l’on confondrait émancipation et endoctrinement », avait-elle rappelé à son collègue du gouvernement.

      Aujourd’hui, Frédérique Vidal semble appliquer avec zèle une feuille de route écrite par l’exécutif. Interrogé sur France Inter, le 1er février par Léa Salamé, sur la place des « indigénistes » et des « racialistes » à l’université – un questionnement qui en dit long sur la maîtrise du sujet –, Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, a ainsi expliqué que ces idéologies sont peut-être « majoritaires » à l’université : « C’est un drame pour la France et nous devons absolument débattre pied à pied, idée par idée cela », a détaillé ce matin-là – sans souci du mélange des genres – le « premier flic de France ».

      « C’est d’ailleurs ce qu’a souhaité le président de la République dans son discours des Mureaux », rappelait-il alors, en référence au discours du chef de l’État ciblant le « #séparatisme_islamiste ».

      Soutenu par le gouvernement, un amendement glissé au Sénat dans la loi de programmation sur la recherche avait déjà, en octobre dernier, tenté de soumettre les libertés académiques au « cadre des valeurs de la République ». Finalement rejeté, au vu de sa formulation floue, il révélait déjà combien l’exécutif se montrait soupçonneux à l’égard du monde universitaire.

      La tribune des cent universitaires publiée dans le Monde fin octobre, parmi lesquels Marcel Gauchet, Gilles Kepel, Pierre-André Taguieff ou Pierre Nora, dénonçant un « déni » face à l’islamisme et déplorant que « Les idéologies indigéniste, racialiste et « décoloniale » (transférées des campus nord-américains) » aient infiltré l’université « nourrissant une haine des « Blancs » et de la France » a sans doute fait son effet sur l’exécutif. Lequel n’a pas prêté grand crédit aux multiples contre-tribunes, sur le sujet, dont celle de deux mille chercheurs aussi publiée par le Monde, et pourtant signée par des chercheurs encore en prise, eux, avec la production en sciences sociales.

      Le président, passé de la lecture de Paul Ricœur à celle de Pierre-André Taguieff et sa dénonciation des « bonimenteurs du postcolonial », avait déjà affirmé en juin dernier devant des journalistes que « le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’#ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux ».

      Aujourd’hui, sous les coups de boutoir d’un pouvoir obsédé par la mise au pas de la communauté universitaire, ce sont surtout les enseignants, les chercheurs et plus largement les libertés académiques qui sont menacés.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/170221/islamo-gauchisme-vidal-provoque-la-consternation-chez-les-chercheurs?ongle

    • Vidal au stade critique - Communiqué de SLU, 17 février 2021

      « Ainsi, depuis des mois, par petites touches, se met en place un discours officiel anti-universitaire, sans que jamais la ministre de l’Enseignement supérieur qui devrait être le premier rempart des universitaires contre ces attaques n’ait eu un mot pour les défendre » disions-nous dans notre communiqué du 24 octobre pour dénoncer les propos de Jean-Michel Blanquer devant les sénateurs dans lesquels il dénonçait « des courants islamo-gauchistes très puissants dans les secteurs de l’enseignement supérieur qui commettent des dégâts sur les esprits ».

      Dans une tribune à L’Opinion deux jours plus tard la ministre de l’ESR semblait y répondre du bout des lèvres : « L’université n’est pas un lieu d’encouragement ou d’expression du fanatisme ». Bien.

      Mais depuis, la petite musique est devenue fanfare assourdissante : ainsi, deux députés LR, Julien Aubert et Damien Abad demandaient en novembre une mission d’information de l’Assemblée Nationale sur « les dérives idéologiques dans les établissements d’enseignement supérieur » ; ce même Julien Aubert publiait le 26 novembre 2020 les noms et les comptes Twitter de sept enseignants-chercheurs, nommément ciblés et livrés à la vindicte publique ; cette dénonciation calomnieuse s’ajoutait aux propos tenus par la rédaction du journal Valeurs Actuelles à l’encontre du Président nouvellement élu de l’université Sorbonne Paris Nord ; le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin (le 1er février 2021 sur France-Inter) parlait d’idéologie racialiste ; la députée LR Annie Genevard dans le débat sur l’interdiction du voile à l’université dans le cadre de la loi sur le séparatisme (le 3 février 2021) synthétisait tout cela en affirmant que « L’université est traversée par des mouvements puissants et destructeurs […] le décolonialisme, le racialisme, l’indigénisme et l’intersectionnalité ».

      Et le 14 février, la ministre Frédérique Vidal, muette sur l’abandon de l’université et de ses étudiants depuis le début de la pandémie, sonne l’hallali sur une chaîne ouvertement d’extrême droite :

      « Ce qu’on observe à l’université, c’est que des gens peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont. Ils sont minoritaires et certains le font pour porter des idées radicales ou des idées militantes de l’islamo-gauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer, de désigner l’ennemi, etc… »

      Et de répondre dans un rire à une question toute en nuance de l’interviewer « Il y a une sorte d’alliance, si je puis dire, entre Mao Zedong et l’Ayatollah Khomeini ? » : « Mais vous avez raison ! »

      Tant de bêtise pourrait prêter à rire.

      Mais au milieu d’inepties qui ne témoignent que de sa confusion, Frédérique Vidal conclut, sans crainte de se contredire dans une même phrase : « On ne peut pas interdire toute approche critique à l’université. Moi c’est ça que je vais évidemment défendre et c’est pour ça que je vais demander notamment au CNRS de faire une enquête sur l’ensemble des courants de recherche sur ces sujets dans l’université de manière à ce qu’on puisse distinguer de ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève justement du militantisme et de l’opinion ».

      Voilà le CNRS transformé en IGPN (Inspection Générale de la Pensée Nationaliste).

      La chasse aux sorcières est donc lancée, cette fois en haut lieu. Elle ne peut qu’encourager le harcèlement, déjà intense sur internet, et assorti à l’occasion de menaces de mort, envers des collègues accusés d’être des « islamogauchistes ». Elle s’inscrit dans une course à l’extrême-droite qui n’est pas isolée dans le gouvernement : il s’agit bien d’un choix politique concerté (voire d’une intervention sur commande ?).

      Retenons, cependant, une phrase de la ministre : « Il faut que le monde académique se réveille ».

      Oui, il est grand temps de nous réveiller. Toutes les instances, tous les échelons que comptent l’enseignement supérieur et la recherche doivent désormais ouvertement se prononcer et clamer haut et fort : nous ne pouvons plus reconnaître Frédérique Vidal comme notre ministre, nous refuserons de mettre en place des directives contraires aux principes fondamentaux de l’université.

      http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article8893

    • Lettre à Frédérique Vidal

      Depuis vos dernières déclarations sur « l’islamo-gauchisme », je suis dans un cauchemar terrible. Votre discours réveille tout ce que j’ai vécu et tout ce que mes collègues en Turquie sont en train de vivre. Je vous demande de prêter attention à ma parole qui s’est forgée à travers une expérience très dure de la défense de la liberté de la recherche et de l’autonomie de la production scientifique.

      https://blogs.mediapart.fr/pinar-selek/blog/210221/lettre-frederique-vidal

    • Merci @marielle, je mets tout le contenu de la lettre de #Pinar_Selek sur ce fil :

      Lettre à Frédérique Vidal

      Depuis vos dernières déclarations sur « l’islamo-gauchisme », je suis dans un #cauchemar terrible. Votre discours réveille tout ce que j’ai vécu et tout ce que mes collègues en #Turquie sont en train de vivre. Je vous demande de prêter attention à ma parole qui s’est forgée à travers une expérience très dure de la défense de la liberté de la recherche et de l’#autonomie de la production scientifique.

      –—

      Madame Vidal,

      Vous vous souvenez de moi, l’enseignante-chercheure exilée que vous aviez accueillie, dans le cadre du Programme PAUSE, à l’Université Côte d’Azur, quand vous étiez sa présidente. Mais nous nous sommes rencontrées la première fois, le 30 septembre 2019, dans le cadre de la conférence de presse du Programme PAUSE ( Programme national d’Aide à l’Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil). En tant que ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, vous souteniez ce programme. Je pense que vous le soutenez encore. Tant mieux : vous soutenez les enseignant.es-chercheur.es qui ont fui la répression politique dans leur pays et qui ont besoin d’un espace de liberté pour continuer à poser des questions et à conduire leurs recherches.

      Depuis vos dernières déclarations sur "l’islamo-gauchisme", je suis dans un cauchemar terrible. Votre discours réveille tout ce que j’ai vécu et tout ce que mes collègues en Turquie sont en train de vivre, sous l’islamo-fascisme. Je pense que tout.es les scientifiques exilé.es qui sont aujourd’hui accueilli.es par le Programme PAUSE sont entrés dans le même cauchemar, car elles-ils savent aussi très bien comment les libertés académiques se rétrécissent quand les pouvoirs politiques interviennent dans le champ scientifique avec la justification de la lutte contre le terrorisme. En général, c’est comme ça que ça se passe. En Turquie, en Chine, en Iran. Et aujourd’hui en France.

      J’ai envie de vous dire que si vous ne revenez pas publiquement sur vos propos ou si vous ne démissionnez pas, le cancer se diffusera et des scientifiques français.es prendront le chemin d’exil.

      Ne me dites pas qu’en France ce n’est pas possible. Si, Madame Vidal, si. Vous le savez mieux que moi : le pétainisme n’est pas si vieux que ça. Rappelez-vous dans les années 1940, il y avait beaucoup d’universitaires français exilés, refusant de se soumettre au fascisme.

      Vous vous souvenez peut-être, dans la conférence de presse de PAUSE, j’avais commencé mon intervention en disant ceci : « Pour vous épargner un récit victimisant et pour me distancier d’une vision intégrationniste imprégnée de colonialisme, j’avais pensé d’abord rappeler que chaque pays a besoin de passeurs des théories scientifiques. Surtout la France qui a de grandes difficultés de traduction. Elle a besoin de savant.es qui se sont formés dans d’autres pays. De plus, accueillir les scientifiques qui ne sont pas soumis à l’autorité ne peut être qu’une richesse pour ceux et celles qui les accueillent. » Je vous demande de prêter attention à ma parole qui s’est forgée à travers une expérience très dure de la défense de la liberté de la recherche et de l’autonomie de la production scientifique.

      Madame Vidal, essayez d’écrire des articles scientifiques, avec votre casquette universitaire, pour remettre en question les notions scientifiques et inscrivez-vous dans le débat collectif des chercheur.es, mais surtout cessez d’intervenir en mettant votre casquette politique !

      Sinon vous allez mettre la machine infernale en marche.

      Et la machine du pouvoir peut aller plus loin que vous ne l’imaginez.

      Pinar Selek

      https://blogs.mediapart.fr/pinar-selek/blog/210221/lettre-frederique-vidal

    • "Islamogauchisme" : Le piège de l’#Alt-right se referme sur la Macronie

      Mardi dernier, la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) a exprimé son souhait de missionner le CNRS pour une « étude scientifique » sur “l’islamo-gauchisme” qui, d’après ses propos de dimanche (14/02/21) sur une chaîne TV privée, « gangrène la société dans son ensemble ». « L’université n’[y étant] pas imperméable », il s’agirait de définir « ce qui relève de la recherche et du militantisme ». La Conférence des Présidents d’Université a immédiatement exprimé sa stupeur devant de tels propos, tandis que le CNRS indiquait dans un communiqué de presse que « “L’islamogauchisme” , slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique ».

      C’est la troisième fois en moins de six mois que l’expression “l’islamo-gauchisme” est employée par un ministre du gouvernement Castex, contribuant à inscrire ce terme comme dénomination légitime d’une catégorie sociale, malgré l’absence de réalité scientifique.

      Au-delà de la menace que fait peser la démarche de la Ministre sur les libertés académiques, qui a suscité de vives polémiques, nous montrons qu’elle s’inscrit dans une tendance d’autant plus inquiétante qu’elle semble relever d’un #aveuglement au niveau de la Présidence et du gouvernement.

      Afin de discerner ce qui relève du #militantisme ou de la #stratégie_politique dans la #popularisation de ce #néologisme, ainsi que l’impact que pourrait avoir sa #légitimation par de hauts responsables de la République, nous présentons ici une étude factuelle sur les contextes de son utilisation dans le paysage politique français sur les 5 dernières années.

      Nous nous appuierons sur le #Politoscope, un instrument du CNRS que nous avons développé à l’Institut des Systèmes Complexes de Paris IdF pour l’étude du #militantisme_politique en ligne. Il nous permet d’analyser à ce jour plus de 290 millions de messages à connotation politique entre plus de 11 millions de comptes #Twitter émis depuis 2016.

      Nous renvoyons le lecteur intéressé par l’origine de l’expression “islamo-gauchisme” à l’historique qui en avait été fait en octobre dernier lors des premières utilisations de ce terme, d’abord par le Ministre de l’Intérieur lors d’un échange à l’Assemblée Nationale, puis par le Ministre de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports en réaction à l’assassinat de Samuel Paty.

      Le point important pour notre propos est que nous avons affaire à un néologisme relativement ancien (une quinzaine d’années) qui a jusque-là été peu utilisé. Entre le 1er Août 2017 et le 30 décembre 2020, sur 230M de tweets analysés, le terme « islamogauchisme » ou ses variantes ont été promus dans des tweets originaux et relayés via retweets respectivement par 0,019% et 0,26% du total comptes Twitter analysés, au sein de « seulement » 73.806 messages (0,032% du total). Nous sommes donc sur une #terminologie, et a priori une catégorisation des groupes sociaux, très marginales[1].

      Comme le montrent les recherches en sociologie et psychologie sociale[2], ce type de dénomination émergente indique la volonté de créer une nouvelle catégorie dans l’#imaginaire_collectif, passage obligé pour faire accepter de nouveaux #récits_de_référence et pour façonner de manière durable de nouvelles #représentations, #croyances et #valeurs.

      S’agissant de la dénomination d’un #groupe_social, elle est l’instrument d’une démarcation entre le groupe social qui l’emploie et le groupe social réel ou fantasmé qu’elle est censée désigner. Si le CNRS s’est exprimé au plus haut niveau pour indiquer que l’« islamogauchisme » était plus un #fantasme qu’une réalité scientifique, nous posons ici la question de ce que cette expression révèle sur le ou les groupes sociaux qui l’emploient.

      Voici donc ce qui ressort de l’expression « islamogauchisme »[3] lorsque nous la passons au macroscope de nos méthodes d’analyse.

      Quels ont été les contextes d’usage de l’expression « islamo-gauchisme » ces dernières années ?

      Si l’expression« islamo-gauchisme » est très marginale dans la #twittersphère et dans le #langage_politique ordinaire, elle apparaît dans des contextes très précis en tant qu’instrument de #lutte_idéologique.

      Une première évaluation qualitative de ce fait peut être menée à partir des messages mentionnant cette expression. Nous reproduisons ci-dessous les tweets ayant touché le plus de comptes distincts ces cinq dernières années. Ils sont classés par ordre décroissant de leur impact.

      Il apparaît clairement sur cet échantillon, par ailleurs assez représentatif de l’ensemble, que « islamo-gauchisme » est employé dans un contexte d’hostilité entre communautés politiques et non de discours programmatique, prosélyte ou de débat politique. Une analyse plus complète du contenu de ces tweets hostiles montre que les notions les plus associées à « islamo-gauchisme » sont celles de #traître, d’#ennemi_de_la_république, d’#immoralité, de #honte, de #corruption ainsi que de #menace, d’#insécurité, de #danger, d’alliance avec l’ennemi et bien sûr de compromission avec l’#islamisme_radical.

      La principale communauté politique visée par ce terme (et qui s’en défend, d’où sa présence dans ce corpus de tweets) est la #France_Insoumise et la personnalité de #Jean-Luc_Mélenchon, mais occasionnellement, ce terme vise la communauté plus large des personnalités et militants de #gauche, comme le montre le tweet le plus relayé de tout notre corpus et adressé à #Benoît_Hamon.

      Nous sommes donc sur un terme utilisé pour ostraciser et dénigrer un groupe social particulier tout en en donnant pour l’opinion publique une image anxiogène et associée à un #danger_imminent. Son utilisation a pour but de polariser l’opinion publique autour de deux camps déclarés incompatibles entre lesquels il faudrait choisir : d’un côté les défenseurs du droit et des valeurs républicaines, de l’autre les traîtres aux valeurs françaises et alliés d’un ennemi sanguinaire. La construction même du terme reflète cette ambition. Dans un pays encore meurtris par les attentats du Bataclan, le préfixe « islamo- » est au mieux négatif voire désigne des personnes dangereuses pour l’ordre public, quant au suffixe « gauchisme », il est une forme péjorative pour désigner en vrac les #idéologies_de_gauche.

      Qui a fait la promotion de la notion « islamo-gauchisme » ces dernières années ?

      En y regardant de plus près, l’usage de l’expression « islamo-gauchisme » est un marqueur de types de comptes Twitter très précis. Voici les comptes qui ont le plus utilisé cette expression ces cinq dernières années, classés par nombre décroissant d’usages de cette expression :

      Table 1. Liste des comptes ayant le plus relayé le terme « islamo-gauchisme » depuis 2016 dans le Politoscope. La mention ‘suspendu’ indique des comptes suspendus par Twitter pour leur comportement violant ses règles d’utilisation. La mention ‘protégé’ indique des comptes qui ont choisi de rendre leurs messages confidentiels. La mention bot indique des comptes ouvertement pilotés par des robots informatiques.

      On remarque tout d’abord qu’il y a une forte majorité de #comptes_suspendus. D’après Twitter, la plupart des comptes suspendus sont des #spammeurs, ou tout simplement des #faux_comptes qui introduisent des risques de sécurité pour Twitter et ses utilisateurs. Un compte peut également être suspendu si son détenteur adopte un comportement abusif, comme envoyer des menaces à d’autres personnes ou se faire passer pour d’autres comptes, ou si Twitter pense qu’il a été piraté.

      Les cas de suspension de comptes sont très rares. L’une des plus importantes purges de comptes Twitter a visé récemment 70.000 comptes ayant incité à la violence dans les jours précédant le saccage du Capitole aux USA, ce qui ne représente que 0,023% de l’ensemble des comptes actifs. Avoir plus de la moitié de comptes suspendus parmi les plus prolixes sur l’« islamo-gauchisme » est donc une prouesse et un marqueur très significatif de comportements abusifs et malveillants.

      Dans le cas présent, les raisons de la suspension semblent être un comportement verbalement violent et peut-être même plus probablement un comportement de tromperie ou d’astroturfing typique des agissements d’une certaine frange de l’#extrême_droite : une démultiplication démesurée et généralement artificielle de l’activité d’un compte pour faire illusion sur le soutien réel d’une population à une idée. Cette hypothèse est confortée par la présence de deux ‘amplificateurs’ parmi cette short list, c’est à dire des comptes dont le nombre quotidien de tweets (plus de 60 par jour en moyenne) indique qu’ils sont probablement pilotés par des robots ou des salariés.

      La seconde chose que l’on peut remarquer est l’#orientation_politique des quelques comptes présents dans cette liste pour ceux qui sont encore actifs : ils sont tous idéologiquement d’extrême-droite.

      L’analyse de l’ensemble des 83.000 #tweets contenant « islamo-gauchisme » et de leur dynamique permet de préciser ce tableau.

      Les deux communautés politiques historiques qui ont été les plus actives sur ce thème sont le #Rassemblement_National et #Les_Républicains, mais avec des temporalités très différentes. Jusqu’au 1er tour de la présidentielle de 2017, Les Républicains, et principalement les sarkozystes, étaient les plus actifs sur le sujet. Ce point n’est pas une coïncidence puisque, comme nous l’avons démontré[4] la tactique consistant à dénigrer un adversaire en révélant sa soit-disant proximité avec l’islamisme radical avait déjà été utilisée au sein même de LR contre Alain Juppé, une première fois par les sarkozistes pendant la primaire de la droite de 2016 où il était grand favori, puis par les fillionnistes au moment du Peneloppe Gate, alors que la possibilité d’un retour de Juppé était évoquée.

      La tendance s’est inversée très exactement dans l’entre-deux tours et le #RN est alors devenu, et de loin, le courant politique qui a le plus fréquemment fait usage du terme « islamo-gauchisme ». Sur ces quatre dernières années, les militants d’extrême droite ont consacré plus de deux fois plus d’efforts à sa promotion que leurs homologues Républicains (rapporté à leur volume total de tweets).

      Cette inversion s’explique par la reconfiguration des forces politiques à l’issue de la présidentielle. Comme nous l’avons déjà décrit[5], pendant la majeure partie de la campagne présidentielle, Marine Le Pen étant pronostiquée au second tour, les autres candidats se sont affrontés entre-eux pour obtenir la place restante. #Mélenchon était donc l’un des principaux adversaires de Fillon. Mais dès la présidentielle terminée et l’effondrement du PS et de LR qui s’en sont suivis, LFI et le RN sont devenus les principaux partis d’opposition et se sont donc mis à s’affronter pour prendre la place de première force d’opposition. C’est dans ce cadre que le RN a tenté d’imposer sa vision de « islamo-gauchisme » afin de discréditer son principal opposant et servir par la même occasion son agenda politique anti-immigration.

      Le terme « islamo-gauchisme » est donc avant tout une #arme_idéologique utilisée dans un #discours_hostile pour discréditer une communauté politique indépendamment de la réalité qu’il est supposé désigner.

      Une #cartographie de l’ensemble des échanges Twitter avec identification des communautés politiques révèle d’ailleurs très bien cette organisation dichotomique des échanges autour de cette expression. La figure 2 montre deux blocs qui s’affrontent : d’un côté les communautés d’extrême-droite et LR qui utilisent ce terme de manière hostile pour dénigrer ou stigmatiser la communauté LFI, de l’autre LFI qui se défend. On remarquera par ailleurs que l’extrême droite est elle-même divisée en deux sous groupes : le RN et les courants patriotes/identitaires. Enfin, la figure 3 ci-dessous montre bien l’activité ancienne, persistante et massive de l’extrême-droite pointant l’intention de faire accepter une certaine représentation du monde par ce néologisme.


      Figure 2. Cartographie des communautés politiques mentionnant « islamo-gauchisme ». Chaque point est un compte Twitter, sa couleur indique son appartenance à un courant politique. A droite, les communautés d’extrême-droite et LR utilisant ce terme de manière hostile pour dénigrer ou stigmatiser la communauté LFI (à gauche) qui se défend. La taille des nœuds est fonction du nombre de leurs tweets mentionnant « islamo-gauchisme » mise à part celle des nœuds labellisés avec des comptes actifs dont la taille a été augmentée pour des questions de visualisation. Pour ces nœuds là uniquement, la couleur indique le nombre de tweets mentionnant « islamo-gauchisme », par ordre croissant du blanc au violet. On remarquera la présence marquée de comptes très impliqués dans ce type d’échanges et suspendus depuis par Twitter. Image : CNRS, #David_Chavalarias – CC BY-ND 4.0.


      Figure 3. Cartographie des communautés politiques mentionnant « islamo-gauchisme » avec indication de la longévité des comptes. La taille des nœuds est proportionnelle à l’intervalle de temps pendant lequel a été détectée une participation à la polémique « islamo-gauchisme ». Il apparaît clairement qu’il y a une activité ancienne, persistante et massive à l’extrême-droite. Image : CNRS, David Chavalarias – CC BY-ND 4.0.

      Pourquoi l’adoption du #vocabulaire de l’extrême droite est-elle un piège ?

      Si l’on résume les éléments factuels que nous venons de présenter :

      Bien que la science ne reconnaisse pas « islamo-gauchisme » comme une catégorie sociale légitime, plusieurs courants d’extrême-droite en font depuis longtemps la promotion,
      Cette promotion, qui s’inscrit dans des échanges hostiles et dépourvus d’éléments programmatiques, a des objectifs bien précis : 1) discréditer ses opposants de gauche, 2) convaincre l’#opinion_publique de l’existence d’une nouvelle catégorie d’acteurs : des ennemis intérieurs alliés aux forces obscures de l’islamisme radical. Ce faisant, elle crée une #atmosphère_anxiogène propice à l’adhésion à ses idées.

      Si, comme nous avons pu le mesurer, cet effort soutenu n’a pas eu d’effet notable sur l’écosystème politique jusqu’à récemment, les interventions successives de trois ministres de la République ont changé la donne. La dernière intervention de Frédérique Vidal lui a fourni une exposition inespérée.

      L’existence de groupes « islamo-gauchites » vient d’être défendue officiellement au plus haut niveau puisqu’il serait absurde de demander une enquête sur quelque chose à laquelle on apporte peu de crédit. Cette dénomination est donc légitimée par le gouvernement, avec en prime l’idée que de notre jeunesse serait menacée d’#endoctrinement.

      La réaction épidermique du milieu universitaire à ces interventions n’a fait qu’amplifier l’exposition à cette idée, même si c’était pour la démentir, laissant présager d’un #effet_boomerang. Nous voyons ainsi sur le détail de l’évolution de la popularité de ce terme (Figure 4) qu’il a été propulsé au centre des discussions de l’ensemble des communautés politiques à la suite de l’intervention de la ministre et qu’il a même atteint assez profondément “la mer”.

      « La mer » est le nom que nous avons donné à ce large ensemble de comptes qui ne sont pas suffisamment politisés pour être associés à un courant politique particulier mais qui échangent néanmoins des tweets politiques. Toucher “la mer” avec leurs idées est le graal pour les communautés politiques car c’est un réservoir important de nouvelles recrues. Ainsi, “la mer”, concentrant son attention sur ce concept d’« islamo-gauchisme », est amenée à problématiser les enjeux politiques à partir des idées de l’extrême-droite.

      D’après nos mesures, les ministres du gouvernement ont réussi à faire en quatre mois ce que l’extrême-droite a peiné à faire en plus de quatre années : depuis octobre, le nombre de tweets de “la mer” mentionnant « islamo-gauchisme » est supérieur au nombre total de mentions entre 2016 et octobre 2020. On peut parler de #performance.


      Figure 4. Détail de l’évolution du nombre cumulé de tweets émis par les principales communautés politiques avec la mention « islamo-gauchisme » ou ses variantes. Le volume de tweets de “la mer” apparaît en vert et peut être lu sur l’axe des ordonnées à droite. Image : CNRS, David Chavalarias – CC BY-ND 4.0.

      La porte ouverte à l’#alt-right

      Pour bien comprendre la faute politique que constitue la légitimation et l’appropriation d’un concept tel que « islamo-gauchisme » par un gouvernement, il faut se placer dans le contexte mondial de la montée de l’alt-right et des étapes qui permettent à cette idéologie de gangrener le pouvoir.

      Contrairement à “« islamo-gauchisme », l’alt-right est un mouvement idéologique bien réel, scientifiquement documenté[6], et revendiqué publiquement au sein d’espaces d’échanges en ligne tels que #4Chan et #8Chan.

      L’alt-right est l’idéologie dont l’ascension a accompagné la prise du pouvoir de Donald Trump. Ses partisans sont nationalistes et suprématistes, racistes et antisémites, complotistes, intolérants et d’une violence parfois teintée de néonazisme[7]. Ils s’organisent de manière décentralisée via les médias numériques et recrutent “parmi les identitaires blancs, éduqués ou non, qui se présentent comme victimes de la culture dominante” (Port-Levet, 2020). Ils utilisent la #désinformation comme principal moyen pour propager leur idéologie “qui se fonde sur la #confusion_idéologique et dont l’un des principaux objectifs est de troubler l’ordre politique pour accélérer le chaos”[8].

      On ne s’étonnera pas que l’alt-right conçoive l’Université comme un repère de gauchistes et que certains de ses partisans en aient fait leur principal champ de bataille[9].

      L’idéologie alt-right a déjà quelques belles victoires à son palmarès, dont les mandatures de Donald Trump aux États-Unis et de Bolsonaro au Brésil, pays dont on relèvera qu’il dispose du même mode de scrutin présidentiel que la France.

      Comme nous l’avons documenté[10], ses partisans sont convaincus que #Marine_Le_Pen est de leur côté (cf. Figure 5), ils l’ont d’ailleurs activement soutenu en 2017 en espérant lui donner le coup de pouce décisif qui la mènerait à la victoire. L’un de leurs forums post-premier tour, intitulé “#Final_Push_Edition”, commençait le 25 avril 2017 par la formule “Alright everyone, our golden queen has won the first round and must now face her final opponent Macron Antoinette.”[11]. S’en suivait une série d’échanges et de conseils sur la meilleure manière de manier la désinformation pour réorienter une partie de l’opinion française vers un vote Le Pen ou l’abstention.


      Figure 5. Meme propagé en 2017 par les partisans de l’alt-right montrant Marine Le Pen faisant le symbole « O-KKK » (en référence au Ku Klux Klan) qui signifie “White Power”, signe de ralliement des suprémacistes blancs. Ce signe peut être vu également sur de multiples photos de la prise du Capitole. La grenouille, “Pepe the frog”, est la mascotte du mouvement. Ce photo-montage est un message entre partisans de l’alt-right pour indiquer que Marine Le Pen défend leurs valeurs. Image : 4Chan – Meme Internet – auteur anonyme.

      Depuis, ce courant n’a cessé de se renforcer à travers le monde, bénéficiant de la bouffée d’oxygène apportée par la mandature #Trump. Avec la victoire de Biden, ils n’auront rien de mieux à faire ces prochains mois que de s’occuper à nouveau des élections présidentielles en Europe.

      Pour propager leur idéologie à grande échelle, les activistes de l’alt-right se doivent de conquérir l’#imaginaire_collectif avec leurs représentations du monde. Comme une araignée, ils nécrosent progressivement la #morale_collective et la confiance que les citoyens ont dans leurs institutions démocratiques jusqu’à leur faire perdre tout repère. L’espoir de ces activistes est qu’alors un coup de force coordonné, jouant sur les #émotions_négatives, leur permettra de faire basculer une élection.

      Le chemin de cette nécrose est connu et documenté par la recherche en psychologie sociale, sociologie et sciences politiques. Il a été emprunté par les partisans de #Donald_Trump et a mené à l’insurrection du Capitole. En avoir connaissance nous permet de constater que nous l’empruntons déjà et que la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation vient, probablement à son insu, d’y jouer un rôle d’agent de la circulation très efficace.

      Il y a en effet un parallèle quasi parfait entre la stratégie de l’alt-right américaine et celle qui sous-tend la promotion de la notion d’« islamo-gauchisme ». Citons pour nous en convaincre quelques passages d’une excellente recherche sur ce mouvement aux États Unis. Elle se fonde sur une analyse qualitative du discours alt-right sur le forum “r/The_Donald” au sein de Reddit (McLamore and Uluğ, 2020) :

      […] La théorie des représentations sociales met en évidence la pensée dualiste et dichotomique qui distingue les catégories, c’est-à-dire les “bonnes personnes/mauvaises personnes”, les “amis/ennemis”, les “élites/nonelites”, la “majorité/minorité” (Markova, 2006 ; Staerklé, 2009 ; Staerklé, Clemence, & Spini, 2011) – et l’appartenance à ces #catégories_antagonistes est attribuée en fonction de la concordance ou de la discordance avec des #symboles, #valeurs ou caractéristiques qui sont socialement représentés (Staerklé, Clemence, & Spini, 2011)

      Les résultats indiquent que les billets[12] qui contiennent des représentations sociales ou des éléments narratifs sur r/The_Donald se concentrent largement sur les caractéristiques des libéraux/gauchistes/démocrates, y compris leurs idéologies, leurs motivations et leurs objectifs perçus, et représentent les partisans de Donald Trump et des conservateurs plus généralement par opposition à ces groupes.

      Dans les trois catégories principales les plus courantes, les billets ont pour fonction de rejeter les positions libérales et de délégitimer les opposants politiques au populisme d’extrême droite (par exemple, les libéraux, les gauchistes, les marxistes, les militants des minorités, les militants de l’immigration, les féministes, les militants queer, etc.) […]

      Ces représentations des libéraux interprètent les positions libérales comme peu sincères et/ou invalides, représentant l’opposition au #populisme d’extrême droite comme le produit d’un lavage de cerveau, et représentant les opposants au populisme d’extrême droite comme illégitimes dans leurs croyances. Ce faisant, ces représentations des libéraux fonctionnent non seulement pour rejeter les idées libérales, mais aussi pour positionner les partisans de Donald Trump et les libéraux comme des parties opposées au sein d’un récit. L’émergence de tels récits, qui représentent des groupes en tant que forces opposées ayant des buts et des objectifs incompatibles, tout en délégitimant ou en rejetant simultanément les buts et les objectifs du parti rival, est un élément essentiel de l’infrastructure sociopsychologique des conflits entre groupes (Bar-Tal, 2007 ; Bekerman & Zembylas, 2009 ; Salomon, 2004).

      Comme les représentations sociales fonctionnent comme les éléments constitutifs des récits (Liu & Hilton, 2005 ; Moscovici, 1968/2008), ces représentations des libéraux et du libéralisme contribuent à établir les bases d’une infrastructure sociopsychologique des conflits entre groupes. […]

      La #délégitimisation des musulmans et des immigrants renforce mutuellement la délégitimisation des libéraux sur r/The_Donald. En tant que tels, les libéraux ne sont pas seulement présentés comme une #menace_interne, intragroupe, par leur élitisme et leur censure perçus de la culture américaine traditionnelle, mais aussi comme facilitant ou permettant une #menace_externe, intergroupe, par leur association avec les immigrants et les musulmans, qui sont représentés sur r/The_Donald comme intrinsèquement dangereux. Ces deux processus pourraient faciliter le soutien à l’#escalade_de_la_violence, car des travaux antérieurs en psychologie sociale établissent un lien entre la menace perçue et le soutien à l’escalade du conflit et à la #violence future dans les conflits violents (Hirschberger, Pyszczynski, & Ein-Dor, 2015). Au sein de r/The_Donald, nos résultats qualitatifs suggèrent donc que les libéraux représentent à la fois une menace culturelle par leurs attaques (perçues) contre les valeurs traditionnelles de ces Redditeurs, mais aussi une menace physique tangible par leurs liens avec des groupes extérieurs qui sont représentés comme violents et dangereux. Ces perceptions de la menace, qui se chevauchent mais sont distinctes, suggèrent que, dans ces représentations, les libéraux peuvent représenter des menaces à la fois symboliques et réelles (voir Stephan & Stephan, 2000).

      Pris dans leur ensemble, les billets des principales catégories [de r/The_Donald] représentent les libéraux comme étant à la fois oppresseurs des Blancs américains et des traditions américaines, mais impuissants, s’appuyant sur la #conspiration et le #lavage_de_cerveau pour conserver leur position d’élite. […]

      Ces représentations pourraient, en théorie, évoquer une #mentalité_de_siège typique des victimes dans un conflit où elles perçoivent tout comme étant contre elles (voir Bar-Tal & Antebi, 1992). Avec cette mentalité, les personnes partageant les représentations sociales qui prévalent sur r/The_Donald peuvent se comporter comme si elles étaient assiégés parce qu’ils se perçoivent et se représentent comme tels.

      Dans sa prise de parole sur l’« islamo-gauchisme » à l’assemblée, la Ministre a justifié sa démarche en se disant “extrêmement choquée de voir au Capitole apparaître un drapeau confédéré et [qu’elle pensait] qu’il est essentiel que les sciences humaines et sociales se penchent sur ces questions qui sont encore d’actualité”. Aussitôt dit aussitôt fait, dirions-nous. Les sciences humaines et sociales se sont déjà penchées sur les dérives qui ont mené au Capitole et elles n’ont rien à voir avec l’« islamo-gauchisme ». Au contraire, comme le démontrent les extraits précédents, les événements du Capitole sont directement liés à la légitimation de termes tels que « islamo-gauchisme ».

      En résumé, la première étape pour ancrer l’#idéologie_alt-right et arriver à saboter une démocratie est de concrétiser dans l’imaginaire collectif la représentation d’un #ennemi_de_l’intérieur qui pilote nos élites et fait alliance avec des ennemis de l’extérieur (non-blancs). La notion d’« islamo-gauchisme » est en cela une #trouvaille_géniale qui véhicule en quelques lettres cette idée maîtresse. En France, l’alt-right n’aurait pu rêver mieux que l’intervention récente de la Ministre : l’« islamo-gauchisme » pourrait être en train de corrompre les têtes pensantes de nos Universités ; propos amplifié par le Ministre de l’Éducation Nationale qui le voit “« comme un #fait_social indubitable »[13]. La polémique nationale que cela a suscité est un service rendu inestimable.

      Le billard du chaos

      Le recours du gouvernement à la rhétorique de « islamo-gauchisme » révèle une perte inquiétante de repères. Après trois reprises par trois ministres différents et importants, la dernière étant assumée deux jours plus tard par une intervention à l’Assemblée Nationale puis une autre au JDD, une #stratégie_gouvernementale affleure qui révèle une certaine nervosité. Et si LREM n’était pas au deuxième tour de la présidentielle en 2022 ?

      Les mouvements sociaux de 2018, les gilets jaunes éborgnés, la pandémie qui n’en finit pas de finir, la crise économique sans précédent qui s’annonce, tout cela fait #désordre et n’a pas permis à Emmanuel Macron de développer pleinement son programme. Il y a de quoi s’inquiéter. Comme en 2017, les partis politiques semblent se résoudre à avoir Marine Le Pen au second tour, jeu dangereux étant donné les failles de notre système de vote[14]. Pour passer les deux tours, LREM devra donc éliminer LFI au premier tour, actuellement son opposant le plus structuré hormis le RN, puis battre le RN au deuxième tour. Accréditer l’existence d’un “islamo-gauchisme”, c’est à la fois affaiblir LFI en emboîtant le pas de l’extrême droite et montrer aux électeurs qui seraient tentés par le RN que, dans le domaine de la lutte contre l’islamisme radical, LREM peut tout à fait faire aussi bien, voire mieux, qu’une Marine Le Pen qualifiée de “molle” par Gérald Darmanin[15].

      Ce billard à trois bandes qui relève du “en même temps” est cependant extrêmement dangereux et a toutes les chances de devenir incontrôlable.

      Il n’y a pas de “en même temps” dans le monde manichéen de l’alt-right qui s’attaque aux personnalités avant de s’attaquer aux idées. Une fois les représentations ad-hoc adoptées, l’électeur préférera toujours l’original à la copie et l’anti-système au système. Le vainqueur de 2022 sera celui qui arrivera à contrôler le cadre dans lequel s’effectueront les raisonnements des électeurs, et si ce cadre contient en son centre le terme “islamo-gauchisme”, il est fort à parier que Macron pourra faire ses valises. Pour ne pas perdre en terrain ennemi, la meilleure stratégie est de ne pas s’y aventurer.

      Epilogue

      Pour revenir sur la question de l’indépendance des universitaires et des chercheurs qui a donné à cette polémique une couverture nationale, on remarquera qu’il y a là un exemple assez pur du mode opératoire de l’alt-right, que la Ministre, a priori à son insu, a accompagné. Comme le montre Simon Ridley (2020), l’alt-right n’est plus un activisme marginal, exercé sous couvert de la « liberté d’expression », mais un engagement dans des actions criminelles destinées à créer du #chaos et à renverser la réalité[16]. Un mode opératoire récurrent des partisans de l’alt-right est de créer un #ennemi_imaginaire contre lequel ils se positionnent en rempart, espérant ainsi créer la réaction hostile à leur encontre qui justifiera leurs actions, souvent violentes.

      L’alt-right cible de manière privilégiée la #jeunesse et les universités. L’idée qu’il puisse y avoir au sein de l’université des groupes tels que des “islamo-gauchistes” sert précisément à légitimer leur intervention dans ce milieu. On a donc ici un parfait renversement de valeurs : un groupe qui promeut des méthodes malhonnêtes et violentes essaie de faire croire à l’existence d’un pseudo-groupe pour apparaître comme un rempart salutaire.

      https://politoscope.org/2021/02/le-piege-de-lalt-right-se-referme-sur-la-macronie

    • #Blanquer voit l’"islamo-gauchisme" comme «un fait social indubitable»


      https://twitter.com/BFMTV/status/1363103524020760578

      Blanquer, je transcris ici ses propos:

      « Ce serait absurde de ne pas vouloir étudier un #fait_social. Il faut bien étudier dans ce cas là... si c’est une #illusion... il faut étudier l’illusion, et regarder si ça n’est une. Pour ma part je le vois comme un fait social indubitable, ça se voit par exemple dans les déclarations de certains politiques politiques. Quand vous avez Monsieur Mélanchon qui participe à une manifestation du CCIF où il y avait clairement des islamistes radicaux, Monsieur Mélanchon quand il fait cela tombe dans l’islamogauchisme sans aucun doute. Je veux bien après que des spécialistes de sciences politiques examinent ça, trouvent d’autres mots pour décrire le phénomène, chacun doit voir cela avec sérénité et objectivité »

    • Au soldat du déni Frédérique Vidal, la patrie résistante

      « Une diversion et un ballon d’essai » : c’est ce que j’ai répondu quand on m’a demandé mon avis sur le commentaire de Frédérique Vidal sur CNews. Mon métier d’historienne des sciences étant d’analyser des controverses, prenons le temps d’y réfléchir à l’aune des persistances dans l’attaque des libertés académiques. Le déni doit cesser, à nous de choisir si nous, service public de la République, résisterons.

      « Une diversion et un ballon d’essai » : c’est ce que j’ai répondu à la journaliste du Monde quand elle m’a demandé, mardi 16 février 2021, mon avis sur le commentaire de Frédérique Vidal sur CNews, repéré par Martin Clavey (The Sound of Science). J’ai aussi précisé que je n’avais pas écouté son discours. Que je ne pouvais plus lire, ni écouter Frédérique Vidal, ma ministre de tutelle depuis plus de trois mois — car il en allait de ma santé mentale.

      Mais il en va désormais de la sécurité de toute une profession.

      Mon métier d’historienne des sciences étant d’analyser des controverses, prenons le temps d’y réfléchir, à l’aune d’une connaissance approfondie acquise par la chronique quotidienne d’une grève universitaire sur academia.hypotheses.org et commençons par rappeler que l’Assemblée nationale vient d’adopter, en première lecture, un des projets de loi les plus racistes portés par un gouvernement depuis Vichy ; et un autre projet de loi « Sécurité globale » qui constitue, par ses termes, une atteinte majeure aux libertés publiques.
      Faire diversion

      Une diversion d’abord, bien réussie. Quelques jours plus tôt, Frédérique Vidal avait fait l’objet d’une sévère mise en cause publique au Sénat, à l’occasion d’un débat « Le fonctionnement des universités en temps de COVID et le malaise étudiant » à l’initiative de Monique de Marco groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, vice-présidente de la Commission Culture.

      Le réquisitoire était implacable : ces derniers mois, 20% des jeunes ont eu recours à l’aide alimentaire ; la moitié des étudiant·es disent avoir des difficultés à payer leurs repas et leur loyer, qui représente 70% de leur budget. Dans une enquête portant sur 70 000 étudiant·es, 43% déclaraient des troubles de santé mentale, comme de l’anxiété ou de la dépression.

      Face à cela, les mesures prises par le MESRI sont insuffisantes ou plutôt dérisoires, inégalitaires ; les services universitaires complètement débordés. Pierre Ouzoulias, à cette occasion, a d’ailleurs clairement établi l’importance du définancement du budget « Vie étudiante » : 35 millions d’euros de crédits du programme « Vie étudiante » supprimés en novembre 2019 ; 100 millions d’euros de crédits votés en 2018 et 2019, finalement non affectés.

      Les longues files devant les distributions alimentaires trouvent dans cette politique budgétaire continue leur origine : le gouvernement ; qui a préparé la catastrophe sociale, n’a pas cherché depuis le confinement à la contrecarrer.

      Sans budget supplémentaire, Frédérique Vidal réussit également à contrecarrer toute réflexion collective sur l’aménagement des examens et des concours, jusqu’à intervenir dans une procédure judiciaire au nom de la « qualité des diplômes ».

      Ces réflexions, que nous menons tous et toutes dans des collectifs restreints, sont indispensables pourtant pour limiter les inégalités, réduire le stress qui ont conduit des étudiant∙es à se suicider et surtout mieux concentrer nos efforts sur les contenus de formation, autrement plus indispensables pour la « génération sacrifiée » ; au-delà des inégalités, nous voyons se profiler déjà de graves conséquences psychopathologiques du confinement.

      Mais les étudiant∙es ne sont pas les seul∙es à faire les frais de cette politique dont la Ministre est la première VRP, sans les responsabilités qui vont avec : siège vacant depuis le début de son mandat au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de son propre ministère ; des circulaires sans fondements, tendant uniquement à éloigner la communauté universitaire des campus.

      Pour couronner le tout, elle fait voter une loi de programmation de la recherche (LPR) —censée être une loi de finances,mais sans postes ni crédits supplémentaires — en pleine épidémie, qui s’emploie méthodiquement à attaquer l’indépendance de l’université et, en poursuivant l’expérience Parcoursup, à limiter sinon anéantir la formation universitaire supérieure publique.

      Une diversion donc, mais aussi un ballon d’essai.

      Il faut sans doute avoir suivi un an de préparation et de vote de la LPR, dans toutes ses étapes comme l’a fait le blog de veille Academia.hypotheses.org, pour comprendre que les récents propos de la Ministre sont l’exacte réplique de la demande faite par Julien Aubert et Damien Abad le 25 novembre dernier demandant la création d’une « mission d’information parlementaire sur les dérives idéologiques intellectuelles dans les milieux universitaires », où l’on repérait déjà l’anathème attrape-tout islamogauchistes.

      Pour ces compagnons de la première heure de Gérald Darmanin, il s’agissait tout à la fois de sauver le soldat Blanquer de la mission d’enquête parlementaire « Avenir lycéen » (diversion) et de préparer le terrain pour leur camarade Ministre, qui mitonnait déjà sa loi « Principes républicain » (ballon d’essai).

      Au lieu d’une agitation, il s’agissait ainsi d’une étape dans une séquence commencée avec les voeux de Marion Maréchal-Le Pen, dont les idées sont reprises par Emmanuel Macron le 10 juin, accusant des universitaires de « casser la République en deux » et continuée avec Jean-Michel Blanquer qui, le 28 octobre, met en cause les universitaires devant le Sénat, à qui la frange « Printemps républicain » des Républicains, emboîte le pas. À l’appui de leur démarche, une tribune d’universitaires est opportunément parue un mois plus tôt, invitant le pouvoir à organiser une police politique des universités.
      Le soldat du déni

      Quel ballon d’essai lance donc Frédérique Vidal qui persiste encore ce dimanche dans ce que les organismes scientifiques jugent au mieux absurde ?

      Pour le comprendre, il faut mettre en résonance deux choses : sa pratique législative, d’une part, dans son lien étroit avec l’Élysée ; les objectifs qu’elle s’était donnée avec la précédente loi, d’autre part.

      Du côté de la pratique législative, nous pouvons résumer son action comme mue par un « déni de démocratie permanent ».

      Avec Academia, à l’occasion d’une table-ronde qui s’est tenue entre les votes Assemblée et Sénat de la LPR, nous avons pu mesurer combien la ministre avait fait fi de toutes les avis et recommandations des instances consultatives, depuis la consultation des agents de l’ESR, des organismes, des organisations syndicales représentatives.

      Le plus flagrant est la mise sous le tapis de l’avis du Conseil Économique, Social et Environnemental, pourtant voté à l’unanimité, par la CGT et le Medef. La 3e Assemblée de la République avait en effet établi un constat initial assez proche du Ministère, mais en tirait des conclusions bien différentes : pour le CESE, il faut des milliards d’euros, tout de suite, des recrutements là encore massifs.

      Pour comprendre les vues diamétralement opposées, il suffit de comprendre qu’outre les avis obligatoires des instances, le gouvernement s’est dispensé d’une étude d’impact en bonne et due forme. Le projet politique n’a jamais été « analysons correctement les données du problème posé par l’ESR et tirons-en des conclusions », mais « mettons en œuvre notre plan, et établissons une stratégie et une communication pour la mener à bien ».

      Quelle était la stratégie ?

      Zéro budget, zéro création de postes, voire passe-passe budgétaire divers avant la fin du quinquennat. La stratégie de communication, digne d’un Ministère de la Vérité, a consisté à marteler « 25 milliards » sur tous les plateaux de télévision avant la fin du quinquennat Macron ; ou à parler de création de postes, quand il y multiplication de statuts précaires, mais pas de budget pour les financer non plus.

      La tactique consiste elle à opérer par coups de force à la fin du processus législatif, par le biais d’amendements votés par une « nuit noire » d’octobre : suppression de la qualification, en affaiblissant ainsi le Conseil national des universités, organe représentatif des universitaires ; création d’un délit pénal, aggravé en commission mixte paritaire en « délit d’atteinte à la tranquillité et au bon ordre des établissements », puni de 3 ans de prison et de 45 000€ d’amendes.

      Et pour parachever le dispositif, sans considération pour conflit d’intérêt, faire nommer le Conseiller présidentiel à la tête de ce qui doit devenir l’instrument de l’achèvement de la mise au pas des universités : le Haut Conseil à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur.

      En un mot, faire croire à une politique budgétaire favorable pour les universités alors qu’il s’agit de fragiliser encore leur capacité d’action, leur autonomie et leur rayonnement à l’international. Frédérique Vidal, en bon petit soldat de la macronie, fait un sans faute. Sur tout, sauf sur un point de détail, censuré par le Conseil constitutionnel comme « cavalier législatif » : le délit pénal.
      Abattre la résistance

      Pourquoi Frédérique Vidal sort-elle tout cela de son chapeau maintenant ?

      Que cherche-t-elle, à vouloir distinguer des déviances au sein de l’université ?

      Y a-t-il une volonté, sous prétexte de séparer le « savoir » des « opinions » de venir contrôler ce qui s’y dit et s’y fait ?

      Sur ce sujet, l’introduction d’un délit pénal d’un type nouveau représente un vrai danger, sous forme de première étape. Avec le projet de loi « Principes républicains », il s’agit donc d’ajouter un volet « universités » et de donner les moyens judiciaires à l’État macronien de faire plier ce qui représente un lieu historique de la formation critique des citoyens et des enseignant∙es des premiers cycles.

      Avec le délit pénal, c’est la fin des franchises académiques arrachées à l’exécutif au Moyen-Âge, et protégeant les campus universitaires des incursions non-autorisées du pouvoir exécutif.

      Déjà, on voit bien comment la fermeture des établissements d’enseignement supérieur depuis près d’un an semble moins résulter d’une gestion de l’épidémie que de buts politiques moins glorieux, comme celui de briser toute contestation. Les forces de police s’invitent désormais dans des espaces qui leur étaient interdits sans autorisation, comme jeudi dernier à Nanterre, lors d’un hommage à un étudiant qui s’était suicidé.

      Les agents publics de l’ESR, victimes d’injure, de diffamation, voire de menaces de mort, n’ont pas le soutien de leur hiérarchie dont bénéficient les agents de police, même en cas de fautes lourdes. La protection fonctionnelle, outil important des libertés académiques, ne constitue plus un bouclier pour préserver l’indépendance des agents publics.

      Il ne reste donc plus qu’une chose à faire pour compléter l’arsenal répressif, après avoir rogné les franchises universitaires et limité l’usage de la protection fonctionnelle : remettre le délit pénal « pour atteinte à la tranquillité et au bon ordre des établissements » — qualification tellement vague qu’un courriel professionnel pourrait suffire à faire entrer l’universitaire ou l’étudiante un peu critique dans le radar des délits.

      Pour cela, Frédérique Vidal peut compter sur les mêmes sénateurs qui l’ont aidée en octobre : le président de la commission culture, et le rapporteur pour avis du projet de loi « Principes républicains ». Ces parlementaires et ceux qui ont déjà voté leurs amendements l’ont déjà prouvé : ils haïssent l’université, n’envisagent pas une seconde que l’émancipation de son milieu social et la formation à l’esprit critique relèvent des missions de l’université.

      Pour ces esprits chagrins, il faut empêcher de nuire les étudiant∙es et ceux — ou plutôt celles — qui ne partagent pas leurs idées. Pour cela, tous les moyens seront bons : même un vote à 1h du matin, entre une poignée de sénateurs. Frédérique Vidal le sait. Mardi, devant l’Assemblée nationale, c’est un signal déjà envoyé aux sénateurs et aux sénatrices par Blanquer, agissant pour le compte du président de la République : les universitaires sont complices ; elles sont donc coupables. Empêchez-les de nuire, en les arrêtant et en les emprisonnant si besoin.

      De toute cette séquence commencée il y a un an, ce que je retiens, c’est que les institutions universitaires, qui ont jusqu’à présent fait confiance à leur tutelle ― de façon mesurée mais réelle ― doivent saisir que le danger est réel ; que le déni doit cesser.

      La Ministre encore en poste, pilotée de toutes les façons au plus haut sommet de l’État par l’Elysée et le HCERES n’a plus rien à perdre. Le président de feue la République entend assouvir son désir de faire taire toute opposition, surtout si elle émane des puissants mouvements civiques en branle depuis l’an passé qui exigent une société plus juste pour tous et toutes.

      Le déni doit cesser.

      Depuis la présidence Sarkozy et le vote de la loi dite « Libertés et responsabilités des universités », les gouvernements successifs s’en prennent frontalement aux universitaires et aux étudiant⋅es en sous-finançant délibérément le service public de l’enseignement supérieur et la recherche, en en limitant l’accès, en nous imposant ainsi des conditions de travail indignes, des rémunérations horaires inférieures au SMIC et désormais en affamant les étudiant∙es — conduisant l’ensemble de la communauté universitaire dans une situation de mépris et de souffrance intolérable.

      À la souffrance s’ajoute désormais une certaine folie induite par le double-discours gouvernemental, privilégiant la diversion à la saisie du problème de la pauvreté étudiante. Radicaliser le débat public en désignant un bouc émissaire pour engendrer une peur panique participe de la fabrication du déni des réalités sociales et politiques quotidiennes de nos concitoyennes et de nos concitoyens, des jeunes particulièrement et donne une réelle assise à un pouvoir autoritaire.

      Mais un autre déni doit cesser, si on entend encore appliquer les principes constitutionnels de la République : la réactivation d’un ordre colonial et patriarcal.

      À force de nier quotidiennement les droits humains élémentaires des réfugiés, d’organiser des contrôles au faciès dès l’adolescence, en stigmatisant au sein de l’institution scolaire les enfants et les mères, de ne pas sanctionner les comportements et des crimes racistes au sein des forces de police — capables, rappelons-le, de mettre à genoux des lycéens pendant de longues heures, rejouant ainsi une scène de guerre coloniale — l’État français entend reconstituer sur son sol même une classe de sous-citoyens et de sous-citoyennes, privées des droits communs.

      La dissolution d’une association de lutte contre les discriminations, au prétexte de « complicité » de faits non avérés, se comprend ainsi : il faut désormais abattre toutes les tentatives de résistance antiraciste, féministe et de défense des libertés publiques non comme des facteurs d’émancipation mais une opposition néfaste.

      Désormais, à lire la séquence qui a commencé sur CNews et qui a « persisté » dans le Journal du dimanche hier, c’est l’université dans son ensemble qui représente une telle force de résistance. À nous de choisir si nous, service public de la République, résisterons.

      Christelle Rabier, maîtresse de conférences, EHESS (Marseille)

      1- Voir par exemple : « Le Roy le veult ! » — Circulaire d’Anne-Sophie Barthez du 22 janvier 2021

      2- Expression reprise à Anthony Cortès (Marianne) https://www.marianne.net/societe/education/frederique-vidal-la-ministre-de-lenseignement-superieur-maitre-dans-lart-d

      3- Pour lire une analyse sur l’avis cf. https://academia.hypotheses.org/25936

      4- Seuls 500 millions sont mis sur la table– soit 10 fois poins que ce que le CESE jugeait urgent de budgeter. Pour information, le Crédit impôt recherche, important dispositif d’ “optimisation fiscale”ou refus d’impôt, représente plus de deux fois le budget annuel du CNRS, masse salariale incluse.

      5- Sur le traitement différentiel des agents entre fonctions publiques et l’usage de la protection fonctionnelle comme protection politique des affidés, voir les deux billets Protection fonctionnelle : cas d’école et Courrier à la ministre : Mesure de protection de la santé et de la sécurité d’une enseignante-chercheuse.

      6- Sur le déni du sexisme universitaire, à commencer par ’invisibilisation active du travail des femmes universitaires, conceptualisé en 1993 par Margaret W. Rossiter, comme “Effet Matilda” : Margaret W. Rossiter, « L’effet Matthieu Mathilda en sciences », Les cahiers du CEDREF [En ligne], 11 | 2003, mis en ligne le 16 février 2010, consulté le 22 février 2021. URL : http://journals.openedition.org/cedref/503 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cedref.503. Voire également Cardi Coline, Naudier Delphine, Pruvost Geneviève, « Les rapports sociaux de sexe à l’université : au cœur d’une triple dénégation », L’Homme & la Société, 2005/4 (n° 158), p. 49-73. DOI : 10.3917/lhs.158.0049. URL : https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2005-4-page-49.htm - à l’origine de la naissance du collectif Clashes contre les violences sexistes et sexuelles à l’université.

      7- Sur ce sujet douloureux, voir Fassin Didier, 2011, La force de l’ordre : une anthropologie de la police des quartiers, Paris, Editions du Seuil ; Brahim Rachida, 2021, La race tue deux fois : une histoire des crimes racistes en France (1970-2000), Paris, Éditions Syllepse, ainsi que le documentaire de David Dufresne, Un Pays qui se tient sage, 2020.

      https://blogs.mediapart.fr/chrabier/blog/230221/au-soldat-du-deni-frederique-vidal-la-patrie-resistante

      #Christelle_Rabier

    • Note de solidarité à l’intention des chercheuses et chercheurs en poste en France

      Nous, chercheurs et chercheuses en poste en Allemagne, suivons avec inquiétude les derniers développements de la polémique en France autour du prétendu « islamo-gauchisme » dans les universités françaises ainsi que les attaques répétées faites aux recherches intersectionnelles et postcoloniales. Nous y voyons un effort ciblé pour réduire au silence certains champs de recherche qui, par leurs résultats scientifiques, remettent en question des privilèges et inégalités structurellement ancrés.

      Ce débat a des effets dévastateurs sur nos collègues dont on essaie de délégitimer le travail. Nous rejetons résolument les insinuations destinées à semer le doute sur leur intégrité scientifique. Nous voyons dans ces reproches un empiètement inacceptable sur la liberté de recherche et de l’enseignement académique. L’évaluation de la qualité académique d’une approche scientifique n’incombe pas aux ministres ou aux parlementaires, c’est une compétence primordiale de la communauté scientifique. Or, tout comme chercheuses et chercheurs font valoir les fruits de leurs recherches sur la scène publique sous forme d’un transfert des connaissances, leur travail régulier consiste également en l’évaluation des travaux de leurs pairs.

      Nous déplorons que cette polémique ait vu certains membres du gouvernement et de la majorité présidentielle apporter leur soutien à des positions et des stratégies rhétoriques jusqu’ici réservées à l’extrême droite. Nous constatons avec inquiétude ces évolutions, qui ouvrent la voie à une profonde remise en question des principes qui sous-tendent jusqu’à présent l’enseignement supérieur et la recherche.

      Le débat dépasse le seul cadre de la sphère académique française : il a une dimension européenne et mondiale. Il touche également aux valeurs communes de la coopération scientifique franco-allemande et internationale. Afin de pouvoir continuer notre travail au-delà des frontières tant disciplinaires que nationales, il est essentiel que nos collègues en France puissent poursuivre leurs recherches sans aucune intervention politique dans le choix de leurs approches théoriques, méthodologiques et empiriques. Notre échange d’idées ne saurait se faire si nos travaux étaient soumis à une conditionnalité politique.

      C’est pourquoi nous exprimons notre solidarité et notre soutien à nos collègues de toutes les disciplines qui refusent de telles tentatives d’intimidation. Nous lançons un appel solennel à Madame la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et à toutes les personnalités de l’échiquier politique qui alimentent cette polémique : nous vous demandons instamment de cesser les attaques et de revenir immédiatement à une situation de respect absolu de la liberté académique en France.

      [Nous suivons de très près les développements actuels de ce débat en France. La collecte des signatures est ouverte jusqu’au 25 février inclus. Si nous arrivons à atteindre un nombre significatif de signatures, nous transmettrons cette note aux médias français et allemands le 26 février.]
      * Solidaritätserklärung mit Forschenden in Frankreich *
      Wir, in Deutschland beschäftigte Forschende, verfolgen mit Sorge die andauernde Debatte in Frankreich um angebliche „islamisch-linke“ Strömungen an den französischen Universitäten und die wiederholten Angriffe auf intersektionale und postkoloniale Forschungsrichtungen. Wir sehen darin einen gezielten Versuch, bestimmte Forschungsfelder zum Verstummen zu bringen, welche auf Basis ihrer wissenschaftlichen Erkenntnisse zahlreiche lange bestehende Privilegien und strukturelle Ungleichheiten offenlegen.

      Diese Debatte hat eine verheerende Wirkung auf unsere Kolleg_innen, deren Arbeit man zu delegitimieren versucht. Wir weisen entschieden die Andeutungen zurück, mit denen die wissenschaftliche Integrität unserer Kolleg_innen in Zweifel gezogen werden soll. Die Bewertung der wissenschaftlichen Qualität eines Forschungsansatzes obliegt nicht den Ministerien oder Abgeordneten ; dies ist zuallererst die ureigene Kompetenz der wissenschaftlichen Community. Wenn Forschende die Ergebnisse ihrer Arbeit als Wissenstransfer in die Öffentlichkeit tragen, so ist auch dies ein integraler Bestandteil ihrer üblichen Tätigkeit.

      Wir missbilligen die Art und Weise, wie sich einige Mitglieder der Regierung und der parlamentarischen Regierungsmehrheit in der Debatte an Konzepte und rhetorische Strategien anlehnen, die bisher vor allem der extremen Rechten vorbehalten waren. Diese Entwicklung beunruhigt uns sehr, denn sie bereitet einer Entwicklung den Weg, welche letztendlich die Grundprinzipien unseres Wissenschafts- und Bildungssystem in Frage stellt.

      Die Debatte geht über das akademische Umfeld Frankreichs hinaus, sie hat eine europäische und weltweite Tragweite. Sie berührt auch die gemeinsamen Werte der deutsch-französischen und internationalen wissenschaftlichen Zusammenarbeit. Um unsere Arbeit über nationale wie fachliche Grenzen hinaus fortsetzen zu können, ist es unabdingbar, dass unsere Kolleg_innen in Frankreich ohne jede Einmischung der Politik in die Wahl ihrer theoretischen, methodischen oder empirischen Zugänge forschen können. Unser Ideenaustausch wäre erheblich gestört, wenn ihre Arbeit künftig einem politischen Vorbehalt unterläge.

      Unsere Solidarität und Unterstützung gilt deshalb allen Kolleg_innen in den Geistes-, Sozial- und Naturwissenschaften, welche derartige Einschüchterungsversuche ablehnen. Wir richten uns daher an die französische Wissenschaftsministerin sowie an alle anderen Personen des politischen Lebens, die sich hieran beteiligen : Wir fordern Sie mit Nachdruck dazu auf, diese Angriffe zu unterlassen und fortan die akademische Freiheit in Frankreich wieder vollumfänglich zu gewährleisten und zu respektieren.

      [Eine Zusammenfassung der Hintergründe zu dieser Thematik auf Deutsch finden Sie hier : https://www.sueddeutsche.de/meinung/frankreich-islamismus-hochschulen-1.5214459

      Wir verfolgen weiterhin aufmerksam den Fortgang der Debatte in Frankreich. Die Liste zur Mitunterzeichnung ist offen bis zum 25. Februar. Kommt eine signifikante Anzahl von Unterschriften zustande, übermitteln wir die Erklärung am 26. Februar den französischen und deutschen Medien zur Veröffentlichung.]
      * Appel initié par / Initiiert von *
      Dr. Philipp Krämer, Europa-Universität Viadrina, Frankfurt (Oder)
      Dr. Naomi Truan, Universität Leipzig
      * Signataires / Unterzeichnende *
      Merci d’indiquer votre nom complet, votre institution, et, si vous souhaitez être tenu·e informé·e, votre adresse email institutionnelle. Si vous avez des changements urgents à proposer, merci de nous les communiquer par e-mail jusqu’au 25 février au plus tard (voir adresses ci-dessus).

      Bitte vollständigen Namen und Institution angeben, sowie Ihre Mailadresse, falls Sie über den Stand der Dinge informiert werden möchten. Bei dringenden Formulierungsvorschlägen bitten wir bis spätestens 25. Februar um eine persönliche Nachricht per E-Mail (s. oben).

      Dipl. Frank.-Wiss. Magdalena von Sicard, Universität zu Köln
      Dr. Vladimir Bogoeski, University of Amsterdam / Centre Marc Bloch
      Dennis Dressel, M.A., Albert-Ludwigs-Universität Freiburg
      Dr. Aleksandra Salamurovic, Friedrich-Schiller-Universität Jena
      Ignacio Satti, M.A., Albert-Ludwigs-Universität Freiburg
      Dr. Florian Busch, Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg
      Dr. Benjamin Krämer, Ludwig-Maximilians-Universität München
      Edgar Baumgärtner, M.A., Europa-Universität Viadrina, Frankfurt (Oder)
      Oliver Niels Völkel, M.A., Freie Universität Berlin
      Dr. Dorothea Horst, Europa-Universität Viadrina, Frankfurt (Oder)
      Katharina Jobst, M.A., Paris Sorbonne Université
      Dr. Marie-Therese Mäder, Universität Bremen
      Lisa Brunke, M.A., Martin-Luther Universität Halle-Wittenberg
      Prof. Dr. Theresa Heyd, Universität Greifswald
      Elena Tüting, M.A., Universität Bremen
      Christoph T. Burmeister, M.A., Humboldt-Universität zu Berlin
      Dr. Marie Leroy, Goethe Universität Frankfurt
      Dr. Silva Ladewig, Europa-Universität Viadrina, Frankfurt (Oder)
      Hagen Steinhauer, M.A., Universität Bremen
      Prof. Dr. Jürgen Erfurt, Goethe-Universität Frankfurt am Main
      Prof. Dr. Britta Schneider, Europa-Universität Viadrina, Frankfurt (Oder)
      Dr. Andreas Frings, Johannes Gutenberg-Universität Mainz
      Anka Steffen, M.A., Europa-Universität Viadrina, Frankfurt (Oder)
      Prof. Dr. Sylvie Roelly, Universität Potsdam
      Kira van Bentum, M.A., Freie Universität Berlin
      Dr. Baptiste Gault, Max-Planck Institut für Eisenforschung, Düsseldorf
      PD Dr. Benoit Merle, Friedrich-Alexander Universität Erlangen-Nürnberg
      Lucie Lamy, M.A., Centre Marc Bloch / Université de Paris
      Annette Hilscher, M.A., Goethe-Universität Frankfurt am Main
      Dr. Giulio Mattioli, Technische Universität Dortmund
      Yasmin Afshar Fernandes Abdollahyan, M.A., Humboldt-Universität zu Berlin / Centre Marc Bloch
      Martin Konvička, M.A., Freie Universität Berlin
      Laura Bonn, M.A., Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg
      Dr. habil. Béatrice von Hirschhausen, ULR Géographie-cités / Centre Marc Bloch
      Dr. Eva Schöck-Quinteros, Universität Bremen
      Mariia Mykhalonok, M.A., Europa-Universität Viadrina Frankfurt (Oder)
      Christopher Smith Ochoa, M.A., Universität Duisburg-Essen
      Dr. Zoé Kergomard, Deutsches Historisches Institut Paris
      Dr. habil. Nikola Tietze, WiKu Hamburg / Centre Marc Bloch
      PD Dr. Silke Horstkotte, Universität Leipzig
      Dr. Thomas Stockinger, G. W. Leibniz Bibliothek Hannover / Leibniz-Archiv
      Dr. Felix Hoffmann, TU Chemnitz
      Maximilian Frankowsky, M.A., Universität Leipzig
      Enora Palaric, M.A., Hertie School
      Amelie Harbisch, M.A, Freie Universität Berlin
      Dr. Johara Berriane, Centre Marc Bloch Berlin
      Prof. Dr. Andrea Geier, Universität Trier
      Dr. Andreas Bischof, TU Chemnitz
      Prof. Dr. Sabine Broeck, Universität Bremen
      Cristina Samper, M.A., Hertie School
      Patrick Bormann, M.A., Universität Bonn

      https://academia.hypotheses.org/31322
      #solidarité #solidarité_internationale

    • Frédérique Vidal. Frankreichs Ministerin für Hochschule und Forschung stürzt sich in ideologische Grabenkämpfe.

      „Islamo-Gauchisme“, Islamo-Linke - wer diesen Begriff verwendet, kann sich sicher sein, in Frankreich viel Aufmerksamkeit zu bekommen. Und so geht es nun auch der Ministerin für Hochschule und Forschung, Frédérique Vidal. Vergangene Woche sprach sie zunächst in einem Fernsehinterview davon, dass der „Islamo-Gauchisme“ die „Gesellschaft vergifte“ und damit auch die Universitäten. Vor der Nationalversammlung legte die Ministerin dann nach: Sie forderte eine Untersuchung, um zu klären, inwieweit der „Islamo-Gauchisme“ dazu führe, dass bestimmte Recherchen verhindert würden. Zudem solle untersucht werden, wo an den Universitäten „Meinungen und Aktivismus“ statt Wissenschaft gepflegt würden. Sie nannte auch direkt ein Forschungsfeld, dass ihr besonders untersuchungswürdig erschien - postkoloniale Studien.

      Mit ihrem Vorschlag hat Vidal nun große Teile derjenigen gegen sich aufgebracht, die sie als Hochschulministerin vertritt. 600 Forscher und Professoren, darunter auch der Ökonom Thomas Piketty, veröffentlichten am Freitag einen offenen Brief, in dem sie Vidals Rücktritt fordern. Vidal handele so wie „das Ungarn Orbáns, das Brasilien Bolsonaros oder das Polen Dudas“, also wie eine nationalistische Populistin. Sie greife diejenigen Institute an, in denen zu rassistischer Diskriminierung, zu Gender und zu den Folgen des Kolonialismus geforscht werde. Kritik an Vidal kam dabei nicht nur von Linken. Auch die französische Hochschulrektorenkonferenz sagte, sie sei „verblüfft“ über Vidals Idee. Das nationale Forschungsinstitut CNRS stellte klar, dass „Islamo-Gauchisme“ kein wissenschaftlicher Begriff sei und warnte davor, die Freiheit der Wissenschaft einzuschränken.

      Tatsächlich distanziert sich auch der Schöpfer des Begriffes, der Soziologe Pierre-André Taguieff, von seiner eigenen Wortfindung. Er habe 2002 mit „Islamo-Gauchisme“ eine Allianz zwischen einigen Linksextremen und muslimischen Fundamentalisten beschreiben wollen, durch die ein neuer Antisemitismus entstand. Seitdem hat sich das Wort zum Lieblingskampfbegriff der Rechten entwickelt, die Linken vorwirft, sich nur für die Diskriminierung von Muslimen zu interessieren, nicht jedoch für islamistischen Terror.

      Sonderlich präzise ist der Begriff des „Islamo-Gauchisme“ dabei nicht. Allein schon, weil er keine klare Grenze zwischen Muslimen und Islamisten zieht. In die Rhetorik der Regierung hat er dennoch Einzug gehalten. Vor Vidal verwendeten ihn bereits der Bildungs- und auch der Innenminister. Gerade Innenminister Gérald Darmanin gibt in Emmanuel Macrons Regierung die rechtskonservative Gallionsfigur. Die Angst vorm links-islamistischen Schulterschluss treibt vor allen Dingen konservative und rechte Wähler um. Laut einer aktuellen Ifop-Umfrage halten mehr als 70 Prozent der Le-Pen-Sympathisanten den „Islamo-Gauchisme“ für eine in Frankreich weit verbreitete Denkrichtung.

      Vidal reagiert auf die Kritik an ihren Äußerungen gelassen. In Interviews am Sonntag und Montag betonte sie jeweils zum einen, dass die „aktuelle Polemik“ den Blick auf die wirklichen Probleme, also auf die Not der Studenten in Corona-Zeiten, versperre. Zum anderen hielt sie daran fest, dass eine „Bestandsaufnahme“ zu linkem Aktivismus an den Universitäten nötig sei. Die 56-Jährige sieht sich dabei als Wissenschaftlerin, die „Rationalität zurückbringt“. Bevor Macron sie 2017 zur Wissenschaftsministerin machte, war die Biochemikerin Vidal Präsidentin der Universität von Nizza.

      Auch jenseits ideologischer Kämpfe stecken Frankreichs Universitäten in der Sinnkrise. Das Geburtsland des Impfpioniers Louis Pasteur hat bislang keinen Corona-Impfstoff entwickeln können. Wissenschaftler machen dafür auch die schlechte finanzielle Ausstattung der Labore verantwortlich. Diese Arbeitsbedingungen kennt Vidal gut. Vor ihrer Doktorarbeit forschte sie am Institut Pasteur.

      https://www.sueddeutsche.de/meinung/frankreich-islamismus-hochschulen-1.5214459

    • La ministre, la science et l’idéologie

      En demandant au CNRS une enquête sur l’« islamo-gauchisme » à l’université, ce sont les sciences sociales que vise Frédérique Vidal, sous prétexte qu’elles seraient gangrénées par des idéologies. Mais faut-il rappeler qu’il y a des sciences sociales parce qu’il y a des idéologies ? Et que, si les sciences sociales ne se réduisent pas à un écho des idéologies, elles n’auraient à vrai dire aucun sens si elle ne se rapportaient pas à elles. En effet, il y a des sciences sociales parce qu’il y a des problèmes sociaux, et que ceux-ci sont traversés par des positionnements idéologiques.

      https://aoc.media/analyse/2021/02/23/la-ministre-la-science-et-lideologie

      #paywall

    • « Islamo-gauchisme, le jeu dangereux de la macronie ». #André_Gunthert, sur Le Média, 23 février 2021

      Ça y est. La Macronie s’en va-t-en-guerre. Elle a décidé de lancer la bataille contre un concept à la fois fumeux et ambigu, l’islamogauchisme. Une bataille qui se mène sur un front particulier : nos universités publiques, qui seraient (et je caricature à peine) des foyers de sédition voués aux idées de Mao Tsé Toung et de l’ayatollah Khomeini. Mais au fait, c’est quoi ce mot, “islamogauchisme” ? D’où provient-il ? Pourquoi Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, prend le risque d’une confrontation avec le monde universitaire en le dégainant, et en annonçant une sorte d’audit idéologique des amphithéâtres ?

      Pour répondre à ces questions, j’ai invité André Gunthert, historien des cultures visuelles, enseignant-chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. André Gunthert a publié il y a peu sur son site imagesociale.fr, un article très instructif dont le titre est “Islamogauchisme : un épouvantail en retard d’une crise”.

      https://www.youtube.com/watch?v=kqakmGVZEFM&feature=emb_logo

      https://academia.hypotheses.org/31324

    • Macron et la bête immonde

      Le #macronisme porte en lui la #guerre. Après la guerre aux Gilets jaunes réprimés dans une violence inouïe, après celle conduite contre nos libertés fondamentales avec la loi « sécurité globale », après la loi « séparatisme » qui légalise la guerre contre les musulmans et les minorités, Macron entend conduire à son terme la guerre contre l’Université et la chimère de l’islamo-gauchisme.

      "Existe-t-il une possibilité de diriger le développement psychique de l’homme de manière à le rendre mieux armé contre les psychoses de haine et de destruction ?"

      "Pourquoi la guerre ?" Lettre d’Albert Einstein à Sigmund Freud, le 30 juillet 1932

      L’entretien donné par Frédérique Vidal ce 20 février au Journal du Dimanche aura eu au moins deux vertus. En persistant dans sa #stigmatisation des universitaires et en maintenant sa demande d’enquête sur « l’islamo-gauchisme », la ministre aura élevé au carré l’indignation des chercheurs et renforcé leur unité : en trois jours à peine, la tribune du Monde demandant sa démission a recueilli 18 000 signatures (https://www.wesign.it/fr/science/nous-universitaires-et-chercheurs-demandons-avec-force-la-demission-de-freder) de personnels de l’université et de la recherche. Voir ici (https://universiteouverte.org/2021/02/22/la-ministre-vidal-doit-demissionner-plus-de-13-000-universitaires) le communiqué d’Université Ouverte et là (https://www.snesup.fr/article/frederique-vidal-doit-etre-remplacee-lenseignement-superieur-et-la-recherche-) la demande de démission d’un syndicat, parmi bien d’autres. Il est exceptionnel qu’une pétition dans le secteur de l’enseignement supérieur atteigne autant de signatures – 18 000 signatures correspond à 20 % des enseignants du supérieur. À titre de comparaison le « #Manifeste_des_100 » réactionnaires et laïcistes de la gauche égarée qui soutenaient Blanquer à l’automne dernier, apparait, avec ses 258 signataires, tout aussi inconsistant et marginal que le phénomène incriminé par Vidal, à savoir « l’islamo-gauchisme » à l’université. Dans son entretien au JDD, Vidal, après l’avoir fait descendre très bas, souhaite qu’on « relève le débat ». Elle voulait probablement dire « élever le débat ». Ce sont les universitaires qui souhaitent aujourd’hui que l’on « relève » la ministre de ses fonctions.

      La seconde vertu de l’entretien au JDD est d’asseoir une lecture politique de la séquence qui laisse peu de place à l’hypothèse de la #maladresse d’une ministre fatiguée et très impopulaire, qui ne saurait plus quoi faire pour masquer son #incurie et son #incompétence dans la gestion de la crise sanitaire à l’université. Il apparaît en effet que nous avons affaire à la construction délibérée d’une #séquence_politique dans laquelle Vidal est une pièce maîtresse dans un dispositif étroitement associé à la construction de la loi sur « les séparatismes » et à la loi « sécurité globale » (voir ici la très bonne analyse de Christelle Rabier : https://blogs.mediapart.fr/chrabier/blog/230221/au-soldat-du-deni-frederique-vidal-la-patrie-resistante). Il convient de raisonner en terme de #cohérence systémique et idéologique, et non selon le registre de la #pulsion ou de l’#improvisation. La séquence commence le 22 octobre avec la sortie de #Blanquer contre les universitaires islamo-gauchistes accusés de « #complicité_intellectuelle avec le #terrorisme » (ici chaque mot compte), accusation à laquelle Vidal répondra très mollement dans L’Opinion le 26 octobre (https://www.lopinion.fr/edition/politique/l-universite-n-est-pas-lieu-d-encouragement-d-expression-fanatisme-227464). La séquence se poursuit le 1er novembre avec le #Manifeste_des_100, co-produit par le cercle de « #Vigilance_Universités » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/31/une-centaine-d-universitaires-alertent-sur-l-islamisme-ce-qui-nous-menace-c-) dont la majorité des publications est également accueillie dans le journal libéral et pro-business de L’Opinion. Et nous assistons aujourd’hui au troisième acte avec l’attaque de Vidal contre l’institution qu’elle est censée représenter. Le quatrième acte sera probablement l’appui des réactionnaires/laïcistes à la demande d’enquête de Vidal. Et le cinquième la réalisation de l’enquête en question, même si on ne connaît pas encore l’instance qui trouvera les quelques volontaires pour la conduire.

      Les avantages de la séquence ont été soulignés à mainte reprises : le coup de politique politicienne vise à racoler toujours plus loin sur les terres du RN, à attaquer la gauche et à la diviser davantage – il n’est pas anodin que Vidal s’en soit prise nommément à Mélenchon – et à faire oublier l’état calamiteux dans lequel Vidal a mis l’université et la recherche, les personnels et les étudiant.es. Les conséquences, calamiteuses au plan éthique et politique, sont principalement les suivantes : la création d’une #polémique qui cherche à faire oublier que des étudiant.es se suicident ou meurent de faim ; la #validation, la #banalisation et le renforcement des thèses du RN ; la #légitimation du concept d’islamo-gauchisme auprès de l’opinion publique alors qu’il est une construction de l’extrême droite ; la porte ouverte à l’alt-right, dont l’un des schèmes de la pensée est que l’université serait un ramassis de gauchistes, ainsi que le rappelle justement David Chavalarias dans son étude (https://politoscope.org/2021/02/islamogauchisme-le-piege-de-lalt-right-se-referme-sur-la-macronie). Tout ceci est entendu, mais nous ne pouvons en rester à cette seule analyse. Car les armes utilisées par les néolibéraux pour faire la guerre aux biens communs, aux services publics, aux libertés fondamentales et à toutes les minorités, ces armes sont celles-là mêmes que les régimes les plus autoritaires utilisent systématiquement. On peut au moins commencer à le montrer.

      *

      Reprenons ! Le passage de la ministre sur CNews, le choix de cette chaine ainsi que l’adéquation des propos de Vidal à sa ligne éditoriale et idéologique qui est celle de l’extrême droite raciste et nationaliste, renforcent la lecture d’une #stratégie_politique élaborée en amont, nécessairement en lien avec le sommet de l’Etat, avec l’accord de #Macron et #Castex. Dès lors, la critique de Macron rapportée par Gabriel Attal doit être comprise comme une nouvelle tartuferie d’un pouvoir qui nous a habitués à toutes les comédies du « #en_même_temps », avec son lot de #mensonges, son #hypocrisie permanente et son #cynisme consommé. On trouvera une preuve évidente de la tartuferie de Macron dans le fait que dès le 2 octobre 2020, soit 20 jours avant la sortie de Blanquer, le président, lors de son discours des Mureaux sur le « #séparatisme_islamiste », a porté la charge contre les #intellectuels qui « sont hors de la République », contre certaines « #traditions_universitaires » et des « théories en sciences sociales totalement importées des États-Unis d’Amérique ». Des théories que Vidal, dans un #confusionnisme digne des complotistes les plus dérangés, n’hésitera pas à mettre en rapport avec la prise du Capitole et le drapeau des Confédérés… En d’autres temps, la séquence aurait pu provoquer le rire, tant la farce politique semble énorme, tant la bêtise est confondante. Mais, de la bêtise à la bête, il n’y a souvent qu’un pas. Car, si une analogie pouvait avoir du sens, il me semble que nous assistons à la pièce que #Brecht écrivit en 1941, La résistible Ascension d’Arturo Ui, dont l’épilogue est bien connu : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la #bête_immonde ». Je laisse chacune et chacun imaginer ce à quoi pourrait bien correspondre, aujourd’hui, le trust des choux-fleurs. Et retrouver qui fit l’éloge de Pétain en 2018. Sans mémoire et sans éthique, un homme politique porte en lui un #monstre.

      « La bête immonde » est donc à l’œuvre. Elle use de trois moyens, parmi bien d’autres : elle fait exister une chose qui n’a aucune réalité, elle crée des #boucs_émissaires et elle programme de les éradiquer de la société. Les deux premières étapes ont été méthodiquement appliquées. Si nous n’y prenons garde, la troisième pourrait être mise