• En #Allemagne, les #centres_d'expulsion se multiplient

    Un deuxième centre d’expulsion pour les migrants "#dublinés" a ouvert ses portes en Allemagne près de la frontière polonaise le 1er mars 2025. Ces centres visent à accélérer le transfert des demandeurs d’asile #déboutés.

    Le nouveau centre d’expulsion a officiellement été inauguré le 1er mars à #Eisenhüttenstadt, dans la région du Brandebourg, au nord-est de l’Allemagne près de la frontière avec la Pologne.

    Il devrait commencer à être opérationnel le 13 mars, rapporte l’agence de presse KNA. Le centre comprend deux bâtiments, l’un pour les femmes et les familles, l’autre pour les hommes.

    Le centre a une capacité d’accueil d’environ 250 personnes et doit permettre d’accélérer le transfert des demandeurs d’asile déboutés dont les cas relèvent du #règlement_de_Dublin de l’Union européenne.

    Le premier centre, ouvert à #Hambourg, aurait déjà permis d’alléger les charges administratives. Un troisième centre doit ouvrir à #Brême, également dans le nord-de l’Allemagne. D’autres pourraient suivre dans le cadre d’un effort plus large des autorités visant à s’attaquer aux inefficacités du système d’asile.

    Aussi, les demandeurs d’asile devant être renvoyés dans le cadre du processus de Dublin ne percevront désormais plus qu’un soutien de base pendant deux semaines, au lieu des prestations sociales complètes prévues par la loi. Cette mesure doit décourager la migration irrégulière vers l’Allemagne.

    Un système qui peine à fonctionner

    Les "#centres_Dublin" font partie de la réforme du régime d’asile européen commun (RAEC) et ont été proposés par le ministère allemand de l’Intérieur fin 2024, sous le gouvernement sortant.

    L’actuelle ministre de l’intérieur, Nancy Faeser, a souligné l’importance de procédures rapides et efficaces, estimant que "si des personnes viennent en Allemagne alors qu’elles ont entamé leur procédure d’asile dans un autre pays de l’UE, elles doivent y être transférées plus rapidement".

    Selon ce règlement, un exilé ne peut faire sa demande d’asile que dans son premier pays d’entrée dans l’UE. Dans la pratique, le système fonctionne toutefois rarement.

    En 2024, l’Allemagne a présenté près de 75 000 demandes de transfert de demandeurs d’asile vers des pays de l’UE, dont environ 44 000 ont été approuvées. Pourtant, seules quelque 5 740 personnes ont été effectivement expulsées.

    Les raisons de ce #dysfonctionnement sont multiples. Certains pays de l’UE, comme l’Italie, ont cessé de reprendre des migrants expulsés. D’autres, comme la Grèce, sont confrontés à des problèmes juridiques dus aux mauvaises conditions dans les centres d’accueil de migrants, conduisant les tribunaux à bloquer les expulsions.

    En Allemagne, le dédale bureaucratique rallonge également les #délais d’expulsion.

    Kathrin Lange, ministre de l’Intérieur du Land de Brandebourg (l’Allemagne fédérale est composée de 16 Etats appelés Länder) prévient que le centre de Eisenhüttenstadt ne va offrir des résultats immédiatement. "Le système de Dublin, dans sa forme actuelle, ne fonctionne pas. Il a besoin d’une réforme fondamentale. Mais avec ce centre, nous faisons au moins un pas important vers davantage d’#ordre et d’#efficacité dans la politique migratoire", assure-t-elle.

    Les défis du règlement de Dublin

    Olaf Jansen, directeur de l’autorité centrale des étrangers du Brandebourg, se montre également sceptique. Il affirme que 60 à 70 % des demandeurs d’asile expulsés reviennent en Allemagne dans les jours qui suivent. Il critique la lenteur des délais de traitement des dossiers, en particulier à Berlin et à Dortmund, et appelle à une approche plus rationnelle, estimant que les expulsés récidivistes devraient être transférés immédiatement sans que leur dossier ne soit rouvert.

    Le centre d’Eisenhüttenstadt doit se concentrer sur les expulsions vers la #Pologne, qui a jusque-là accepté le retour de la quasi-totalité des "dublinés".

    Les transferts sont censés être effectués dans un délai de deux semaines. Le bureau central des étrangers du Brandebourg travaille en collaboration directe avec les fonctionnaires polonais. Celle-ci fonctionne plutôt bien, a expliqué Olaf Jansen à l’agence KNA.

    Le ministère allemand de l’intérieur est par ailleurs en discussion avec les différents Länder pour créer davantage de centres d’expulsion.

    Berlin assure que les centres augmenteront considérablement le nombre d’expulsions car ils évitent le problème récurrent de la disparition de migrants dans l’obligation de quitter le territoire.

    Les chiffres officiels montrent que dans 12 % des cas, les personnes “dublinées” disparaissent dès qu’elles sont informées de leur expulsion imminente.

    Des ONG de défense des droits de l’Homme sont néanmoins très critiques et dénoncent notamment la limitation de l’aide sociale. Wiebke Judith, porte-parole de Pro Asyl, note dans le Irish Times que "les centres Dublin ne résolvent pas les problèmes du gouvernement fédéral, mais aggravent considérablement la situation des gens".

    Les lois sur la sécurité adoptées en Allemagne après l’attentat meurtrier de Solingen en août 2024 stipulent que les demandeurs d’asile en attente d’être expulsés dans le cadre du règlement de Dublin seront ne toucheront plus que le minimum vital en termes de prestations sociales.

    Olaf Jansen, de l’autorité centrale des étrangers du Brandebourg, constate que de nombreux demandeurs d’asile ne viennent pas directement de zones de conflit, mais plutôt de pays tiers sûrs comme la Turquie.

    Il préconise des #contrôles_frontaliers plus stricts, une meilleure coopération au sein de l’UE et une politique migratoire axée sur les travailleurs qualifiés.

    Tout en reconnaissant que l’asile reste une obligation humanitaire essentielle, Olaf Jansen estime que “l’Allemagne - comme tous les pays d’immigration classiques - devrait réguler l’immigration en fonction de ses intérêts nationaux. Cela signifie qu’il faut faciliter l’immigration pour le marché du travail, la recherche et le monde universitaire tout en limitant l’accès aux systèmes de #protection_sociale aux cas de détresse humanitaire”.

    La pénurie de main-d’œuvre qualifiée a été largement éclipsée par la question des expulsions lors des récentes élections fédérales en Allemagne.

    Avec la victoire des conservateurs de la CDU/CSU, Friedrich Merz devrait devenir le prochain chancelier. Il prône des contrôles frontaliers plus stricts et une politique migratoire plus restrictive.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/63391/en-allemagne-les-centres-dexpulsion-se-multiplient
    #rétention #détention_administrative #asile #migrations #réfugiés #sans-papiers #machine_à_expulser #statistiques #chiffres #découragement #dissuasion #accélération_des_procédures #expulsions #renvois #renvois_Dublin

    ping @karine4 @_kg_

  • La #pollution_de_l’air continue de baisser… mais tue encore massivement

    En France comme en Europe, les concentrations de la plupart des #polluants_atmosphériques continuent de diminuer, même si elles causent toujours plusieurs centaines de milliers de #décès par an sur le continent.

    #Particules_fines, #dioxyde_de_soufre, #oxydes_d’azote, #ozone… Les polluants atmosphériques sont aussi variés que dangereux. Mais la #concentration dans l’#air_extérieur de la plupart d’entre eux continue de diminuer en France, selon les derniers #chiffres publiés par le ministère de l’Ecologie.

    La baisse la plus notable concerne le dioxyde de soufre (SO2), émis lors de la combustion du pétrole et du charbon. Entre 2000 et 2023, les stations mesurant le « fond urbain » – représentatif de l’air ambiant dans les villes – affichent une chute des concentrations moyennes annuelles de 87 %, pour atteindre 1,7 microgramme par mètre cube (µg/m3) en 2023.

    A proximité des sites industriels émetteurs, les concentrations en SO2 sont à peine plus élevées : 2 µg/m3. Bien en dessous de l’objectif de qualité national de 50 µg/m3 et de la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 40 µg/m3. Ce succès a notamment été permis par la réglementation rendant obligatoire la désulfuration des carburants, et par la chute de l’usage du charbon en France.

    Comme le montrent ces données, la situation s’améliore aussi pour le dioxyde d’azote (NO2). Nocif pour la santé respiratoire, il est soit un polluant « primaire », émis directement par de multiples sources (notamment la combustion de carburants), soit un polluant « secondaire », qui se forme indirectement dans l’atmosphère, quand le monoxyde d’azote (NO) s’oxyde au contact de l’air.
    Les recommandations de l’OMS dépassées

    Les concentrations en NO2, en moyenne annuelle, s’élèvent en 2023 à 13 µg/m3 en fond urbain et 24 µg/m3 à proximité du trafic routier. Des chiffres en nette baisse, mais la partie n’est pas gagnée pour autant, car si ces niveaux sont inférieurs à l’objectif de qualité national (40 µg/m3), ils restent supérieurs à la recommandation de l’OMS, abaissée en 2021 à 10 µg/m3.

    Ces moyennes nationales cachent par ailleurs des situations contrastées. Certes, seulement 1,4 % des stations de mesure ont enregistré un dépassement des normes réglementaires de NO2 – un chiffre aussi en baisse –, mais ces stations sont concentrées dans quelques grandes agglomérations. En particulier Paris et Lyon, qui connaissent toujours des dépassements réguliers, même si « l’ampleur de ces dépassements et le nombre de personnes exposées ont drastiquement diminué depuis 2018 », note le ministère.

    Surtout, le cas parisien permet d’illustrer un autre contraste : celui entre les seuils réglementaires nationaux et les seuils recommandés par l’OMS. En prenant en compte le seuil réglementaire pour le NO2, moins de 1 % des Franciliens ont été exposés à un dépassement en 2023, mais en considérant le seuil recommandé par l’OMS, c’est 85 % de la population francilienne (soit plus de 10 millions de personnes) qui a été exposée, selon l’organisme Airparif, chargé de la mesure des polluants en Ile-de-France.
    Le danger persistant des particules fines

    Le tableau est semblable concernant les particules : les PM10 inférieures à 10 micromètres (µm) et les particules fines PM2,5 inférieures à 2,5 µm. D’origine très variée (trafic routier, combustion, épandages…), elles voient leur concentration baisser de manière continue, avec 14 µg/m3 pour les PM10 et 9 µg/m3 pour les PM2,5 en fond urbain, deux fois moins qu’en 2009.

    Là encore, l’objectif de qualité national est respecté, mais pas la recommandation de l’OMS pour les PM2,5 (fixée à 5 µg/m3). Or, plus les particules sont fines, plus elles sont dangereuses, car elles pénètrent plus profondément dans le système respiratoire et sanguin.

    Pour ces particules fines – comme pour le NO2 –, la moyenne nationale peut là aussi occulter des problèmes locaux. En prenant en compte les recommandations de l’OMS, Airparif mesure ainsi que 100 % de la population francilienne a été exposée à un dépassement du seuil pour les PM2,5 en 2023, et que 70 % a été exposée à un dépassement pour les PM10.

    Plus généralement, « les concentrations annuelles en PM2,5 les plus fortes sont observées sur la plupart des grandes métropoles, rappelle le ministère. Elles affectent également des étendues plus importantes dans certaines régions fortement industrialisées et avec un trafic intense : Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Hauts-de-France, Ile-de-France, Normandie, Provence-Alpes-Côte d’Azur ».
    La pollution à l’ozone ne baisse pas

    Enfin, parmi les principaux polluants surveillés, un seul voit ses concentrations augmenter : l’ozone (O3). Toxique à basse altitude, il est issu de la transformation d’autres polluants sous l’effet de la chaleur et du rayonnement solaire. Le réchauffement climatique favorise donc son apparition. Ce fut particulièrement le cas lors des canicules de 2018 et 2020 et, dans une moindre mesure, en 2022 et 2023.

    Géographiquement, la pollution à l’ozone se distingue aussi car ce n’est pas la région parisienne qui est la plus touchée, mais, sur la période 2019-2023, les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Enfin, comme pour les particules fines, la pollution à l’ozone peut toucher les zones urbaines et rurales éloignées des sources d’émission.

    Les particules fines et, avec un effet plus modéré, le dioxyde d’azote et l’ozone, sont à l’origine de la plupart des décès prématurés liés à la pollution de l’air en France : près de 50 000 par an, selon Santé publique France. Sans compter les dizaines de milliers de maladies respiratoires et cardiovasculaires qui ont fait l’objet d’une étude récente de l’organisme public.

    Ce lourd bilan humain tend cependant à diminuer : en France, le nombre de décès attribuables aux PM2,5 a été divisé par deux depuis 2005, selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). La moyenne européenne a diminué d’autant.

    Du mieux dans l’UE

    Cette amélioration sur le plan sanitaire est liée à la baisse tendancielle des émissions des principaux polluants. Au global, dans les pays de l’UE, entre 2005 et 2022, les émissions de dioxyde de soufre ont par exemple diminué de plus de 80 %, et celles de particules fines d’environ un quart, selon un rapport de l’AEE.

    La situation varie cependant selon les pays et les types de polluants. D’après le rapport, seize pays de l’Union – dont la France – respectaient en 2022 leurs objectifs de réduction d’émissions pour la période 2020-2029, tandis que onze pays affichaient des dépassements pour au moins un polluant. Plusieurs de ces polluants suivis ont déjà été évoqués ci-dessus : le dioxyde de soufre (SO2), les PM2,5 ou les oxydes d’azote (NOx) – c’est-à-dire le dioxyde d’azote (NO2) et le monoxyde d’azote (NO).

    Ce rapport inclut aussi les composés organiques volatils non méthaniques (COVNM), des substances très volatiles issues par exemple des solvants, et qui comprennent le benzène, dont la concentration dans l’air extérieur est réglementée en France. Enfin, les émissions d’ammoniac, résultant notamment des épandages d’engrais azotés, sont également réglementées au niveau communautaire. Et c’est dans ce domaine que le plus d’Etats sont hors des clous (9 sur 27).

    Les efforts devront donc s’intensifier, car la réglementation européenne prévoit d’ores et déjà de nouvelles cibles d’émissions pour 2030. Or, deux pays européens seulement se conforment déjà à toutes celles-ci en 2022 (la Belgique et la Finlande). Concernant l’ammoniac, seuls neuf pays européens respectent leur cible de 2030. La France en fait partie, et affiche également des niveaux inférieurs à l’objectif pour le dioxyde de soufre et les COVNM.

    En revanche, l’Hexagone devra émettre 20 % d’oxydes d’azote en moins et 13,6 % de particules fines PM2,5 pour respecter ses engagements européens de la fin de la décennie. Des chiffres qui classent la France plutôt parmi les bons élèves de l’Union. Pour les particules fines PM2,5, par exemple, neuf pays européens doivent diminuer leurs émissions de plus de 20 % d’ici à 2030.

    Si ces objectifs chiffrés semblent abstraits, les conséquences en matière de santé publique seraient très concrètes. Alors que près de 250 000 personnes meurent prématurément chaque année en UE à cause de la pollution aux particules fines, le respect des cibles pour 2030 permettrait d’en épargner environ 50 000, selon une projection de l’AEE.

    https://www.alternatives-economiques.fr/pollution-de-lair-continue-de-baisser-tue-massivement/00114092
    #pollution #air #mortalité #statistiques

  • #Royaume-Uni : Avec 108 000 dossiers déposés, les #demandes_d’asile atteignent un record en 2024

    Plus de 108 000 personnes ont déposé une demande d’asile au Royaume-Uni en 2024, selon le rapport annuel du Home Office paru ce jeudi. Un record, depuis plus de 20 ans. Les Pakistanais, suivis des Afghans, arrivent en tête des demandeurs. Un tiers des demandeurs sont arrivés en traversant la Manche sur des « #small_boats », selon les autorités britanniques.

    C’est un #record depuis des décennies : 108 138 personnes ont déposé une demande d’asile au Royaume-Uni en 2024, selon le rapport annuel du Home Office paru jeudi 27 février. C’est le chiffre le plus élevé depuis le début de ces statistiques enregistrées à partir de 2001.

    Par rapport à 2023, il s’agit d’une hausse de 18%. Surtout, « le nombre de demandeurs d’asile a plus que doublé depuis 2022 », observe le Home Office. Le précédent record remontait à 2002, avec 103 081 demandeurs d’asile.

    Au-delà de ces primo-demandeurs, de nombreux demandeurs d’asile sont encore en attente de leur décision. À la fin de 2024, 125 000 personnes patientaient toujours, à peine moins qu’à la fin 2023. L’enjeu de la longueur des délais et de l’engorgement des procédures d’asile demeure. Pour rappel, en juin 2023, l’arriéré de demandes d’asile avait atteint des records avec 134 000 demandes en attente, avant de redescendre progressivement autour de 86 000 dossiers un an plus tard... Puis de remonter, donc.
    Pakistanais, Afghans et Iraniens sont les premiers demandeurs

    Les Pakistanais représentent la première nationalité à avoir déposé une demande d’asile en 2024. Le Home Office enregistre 10 542 personnes, soit presque un demandeur d’asile sur dix. Leur nombre a doublé en un an.

    Près de 8 500 Afghans ont également demandé l’asile, soit quasiment 8% du total. Les Afghans sont aussi la nationalité la plus représentée parmi les arrivées par « small boats » en 2024. Selon le Home Office, ils étaient 5 900, soit 17% des personnes arrivées par ce moyen de traversée. Les chiffres restent cependant inférieurs à ceux de 2022, année suivant la chute de Kaboul, lors de laquelle 9 100 Afghans avaient réussi leur traversée.

    Suivant de très près les Afghans, les Iraniens sont la troisième nationalité à demander l’asile au Royaume-Uni, avec 8 100 demandeurs (à peine plus qu’en 2023).

    La nationalité dont l’évolution est la plus notable reste les Vietnamiens : le nombre de demandes émanant de ces ressortissants a plus que doublé, passant de 2 469 personnes en 2023 à 5 259 en 2024.
    Un tiers des demandeurs d’asile arrivés par small boats

    Un tiers (32%) de ces demandeurs d’asile sont aussi arrivés en traversant la Manche sur des petits bateaux, selon les chiffres officiels.

    Au total, le Home Office affirme avoir détecté 44 000 arrivées irrégulières en 2024, soit 19 % de plus que l’année précédente. Près de 37 000 sont des arrivées par « small boats », le reste concerne généralement des arrivées irrégulières de migrants cachés dans les ferries.

    L’année 2024 a été une année record en matière de personnes décédées dans le cadre des traversées de la Manche. Au moins 78 personnes sont mortes selon les autorités françaises - 82 selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Dont 14 enfants.

    Le ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau et son homologue britannique, Yvette Cooper, se sont rencontrés au Touquet (Pas-de-Calais) jeudi 27 février pour parler - une nouvelle fois- d’un protocole commun à établir pour lutter contre l’immigration irrégulière. Les deux ministres ont annoncé un accord pour prolonger jusqu’en 2027 (au lieu de mars 2026) le traité de Sandhurst, signé en 2018, afin de renforcer les moyens de surveillance de la frontière.

    Dans un communiqué publié jeudi, la secrétaire d’État britannique à la sécurité des frontières et à l’asile, Angela Eagle, a défendu le bilan du gouvernement, assurant que « les retours ont atteint leur niveau le plus élevé depuis une demi-décennie, avec l’expulsion de 19 000 personnes ».

    Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024, le Premier ministre britannique Keir Starmer a, de son côté, enchaîné les annonces : gel des avoirs des passeurs, création d’un fonds de 90 millions d’euros consacré à la lutte contre les trafiquants opérant dans la Manche, accords avec de nombreux pays afin d’"accroître le partage de renseignements", impossibilité pour les personnes arrivées de manière irrégulière au Royaume-Uni d’obtenir la naturalisation... Des mesures qui, pour l’heure, n’ont eu que peu d’effets sur les traversées de la Manche.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/63119/royaumeuni--avec-108-000-dossiers-deposes-les-demandes-dasile-atteigne

    –-》 encore une preuve, par les #statistiques, que la militarisation de la frontière dans la région de #Calais ne sert QUE à augmenter #morts et #violence pour celleux qui tentent le passage de la #Mache de manière irrégularisée, certainement pas à réguler/diminuer les arrivées dans le pays...

    #UK #Angleterre #arrivées #migrations #statistiques #chiffres #2024 #réfugiés #militarisation_des_frontières #asile #inefficacité

  • Plus de 120 000 #refoulements de migrants aux #frontières de l’#UE en 2024, selon un rapport de plusieurs ONG

    Selon un rapport de neuf organisations de défense des droits de l’Homme, présentes dans plusieurs pays européens, plus de 120 000 refoulements de migrants ont été enregistrés aux frontières extérieures de l’UE en 2024 (https://www.cms.hr/system/publication/pdf/210/Pushed__Beaten__Left_to_Die_-_European_pushback_report_2024.pdf). Ces « pushbacks » sont devenus « une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE », dénoncent les ONG.

    C’est un nouveau document qui tend à mettre en lumière l’ampleur des refoulements opérés aux frontières extérieures de l’Union européenne (UE). Un rapport, publié lundi 17 février, qui regroupe neuf organisations de défense des droits de l’Homme actives dans plusieurs pays européens - dont We Are Monitoring en Pologne, la Fondation Mission Wings en Bulgarie et le Comité hongrois d’Helsinki en Hongrie - affirme qu’"au moins" 120 457 « pushbacks » ont été enregistrés en 2024 en Europe - des refoulements à la frontière sans laisser à la personne concernée la possibilité de demander l’asile.

    Cette pratique est pourtant illégale au regard du « principe de non-refoulement » consacré par l’article 33 de la Convention de Genève sur le droit des réfugiés : « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera […] un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée », exige le texte. Le principe de non-refoulement est également réaffirmé par l’Union européenne dans sa Charte des droits fondamentaux.

    Pour parvenir à ce chiffre record, les militants se sont appuyés sur des rapports d’ONG et de groupes de recherche ainsi que sur les données des services gouvernementaux. À noter que ce chiffre ne concerne que les refoulements survenus dans un pays européen vers des États tiers et ne prend pas en compte les expulsions aux frontières intérieures de l’UE. Par ailleurs, une personne peut avoir été refoulée plusieurs fois.
    La Bulgarie, en tête du classement

    Selon les données du rapport, la Bulgarie figure en tête du classement des États de l’UE qui refoulent le plus de migrants. En 2024, les autorités de Sofia ont mené 52 534 « pushbacks » vers la Turquie, indique le texte.

    Cette première place s’explique en partie par la nouvelle adhésion pleine et entière à l’espace Schengen, fin novembre. La Bulgarie est soumise à une forte pression de la part des autres États membres de l’UE dans sa capacité à gérer les flux migratoires. Les questions de sécurité aux frontières figuraient parmi les principales préoccupations qui ont retardé l’entrée de la Bulgarie à l’espace Schengen - l’Autriche et les Pays-Bas ayant dans un premier temps opposé leur veto à une adhésion (https://balkaninsight.com/2024/11/22/austria-signals-shift-in-veto-on-bulgaria-romania-joining-schengen).

    Ainsi ces derniers mois, les témoignages de refoulements dans le pays se multiplient. Lors d’une série de reportages en juin dernier en Bulgarie, InfoMigrants avait rencontré dans la petite ville de Svilengrad, toute proche de la frontière avec la Turquie, un groupe de quatre jeunes Marocains (https://www.infomigrants.net/fr/post/57689/la-police-a-pris-nos-telephones-nos-affaires-notre-argent--les-refoule). Amine*, 24 ans avait dit avoir été refoulé cinq fois. Les autres, âgés de 22 à 30 ans, ont vécu deux, parfois trois « pushbacks ». Lors de ces expulsions, « à chaque fois, la police a pris nos téléphones, nos affaires, notre argent », dénonçait Amine. « Ils prenaient aussi nos vêtements et nos chaussures ».

    Les récits des exilés font également état de violences perpétrées par les autorités. Demandeurs d’asile « obligés de retourner en Turquie à la nage », déshabillés de force ou sévèrement mordus par les chiens des gardes bulgares : dans cette région, une violence considérable est exercée par les gardes-frontières. Des agissements dénoncés à de nombreuses reprises par les ONG, et dont même l’agence européenne de protection des frontières Frontex a eu connaissance (https://www.infomigrants.net/fr/post/55503/ils-mont-jete-dans-le-canal--les-pushbacks-en-bulgarie-sont-bien-connu), selon une enquête du réseau Balkan Investigative Reporting Network (BIRN).

    Ces refoulements peuvent parfois mener à des drames. Selon une étude de la branche viennoise de la Fondation ARD (https://bulgaria.bordermonitoring.eu/2023/12/02/almost-100-people-died-on-their-way-through-bulgaria-withi), en coopération avec Lighthouse Reports, et plusieurs médias, au moins 93 personnes transitant par la Bulgarie sont décédées en 2022 et 2023.

    Début janvier 2025, l’organisation italienne Colletivo rotte balcaniche (collectif de la route des Balkans) et l’association No name kitchen avaient accusé Sofia d’être responsable de la mort de trois migrants égyptiens (https://www.infomigrants.net/fr/post/62203/bulgarie--trois-adolescents-egyptiens-retrouves-morts-de-froid-pres-de). Agés de 15 à 17 ans, ces exilés avaient été retrouvés morts de froid dans la forêt bulgare, à quelques kilomètres de la frontière turque. « L’absence d’aide des autorités et leurs obstructions systématiques aux opérations de sauvetage menées par les activistes ont conduit à la mort des adolescents », avait conclu les militants.

    La police des frontières bulgare avait nié les allégations de négligence délibérée et prétendait avoir « réagi immédiatement à tous les signaux reçus, mais les alertes du 27 décembre contenaient des informations erronées ou trompeuses ».

    De manière générale, le gouvernement bulgare nie pratiquer des « pushbacks », selon Le Monde (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/26/comment-l-ue-a-ferme-les-yeux-sur-le-refoulement-illegal-de-migrants-par-la-). En 2023, Ivaylo Tonchev, un des chefs de la police des frontières bulgare, s’était aussi défendu contre les accusations des ONG. « Il n’y a pas de violence contre les migrants », avait-il déclaré à Euronews (https://fr.euronews.com/2023/07/20/incidents-aux-frontieres-la-bulgarie-est-elle-prete-a-rejoindre-l-espac). « Les seuls cas où la force physique est utilisée, cela se fait conformément à la législation de notre pays. Mais il y a des groupes agressifs [de migrants] qui nous lancent des pierres. »
    La Grèce condamnée par la CEDH

    D’après le rapport des neuf ONG européennes, la Bulgarie est suivie par la Grèce, avec 14 482 refoulements enregistrés à ses frontières en 2024. Depuis des années, Athènes est accusée de « pushbacks » violents en mer Égée et près du fleuve Evros.

    InfoMigrants a récolté de nombreux témoignages d’exilés victimes de ces expulsions illégales. En mai 2020, Samuel*, un Africain avait filmé et raconté son refoulement à la rédaction (https://www.infomigrants.net/fr/post/24690/videotemoignage--les-gardecotes-grecs-ont-repousse-notre-bateau-vers-l). Le jeune homme avait expliqué avoir été repéré dans la nuit par la marine grecque alors que son embarcation approchait de l’île de Lesbos. « Les gardes-côtes nous ont demandé de leur donner notre bidon d’essence. Puis, ils nous ont lancés une corde. Nous pensions qu’ils nous dirigeaient vers Lesbos mais en fait ils nous ont emmenés en plein milieu de la mer. Ils nous ont laissés là et sont repartis. »

    Quelques mois plus tard, au mois de décembre 2020, la rédaction avait publié un témoignage similaire d’un Guinéen de 17 ans, racontant comment des gardes-côtes grecs avaient percé l’avant de son canot, en mer Égée (https://www.infomigrants.net/fr/post/29148/mer-egee--des-hommes-en-uniforme-ont-perce-notre-embarcation). En 2021, InfoMigrants avait même rencontré un ex-policier grec aujourd’hui à la retraite qui a confirmé l’existence de « pushbacks » dans la rivière de l’Evros, entre la Turquie et la Grèce. « Les ’pushbacks’ existent, j’ai moi-même renvoyé 2 000 personnes vers la Turquie », avait-il déclaré sous couvert d’anonymat.

    En mai 2023, une vidéo accablante du New York Times montrait des gardes-côtes grecs remettre des migrants à l’eau, direction la Turquie (https://www.infomigrants.net/fr/post/49036/pushback--une-video-accablante-du-new-york-times-montre-des-gardecotes).

    Cette même année, dans un rapport du mois de novembre, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) affirmait déjà que les refoulements illégaux de migrants étaient « devenus la norme », de même que « l’absence criante de protection pour les personnes qui cherchent la sécurité en Grèce » (https://www.infomigrants.net/fr/post/53007/en-grece-les-refoulements-de-migrants-en-mer-sont-devenus-la-norme-acc).

    Pire encore, selon une enquête de la BBC menée en juin 2024, en trois ans, 43 exilés sont morts en mer Égée après avoir été refoulés par les autorités grecques. Neuf d’entre eux ont été directement jetés à l’eau par les gardes-côtes, et se sont noyés.

    Le 7 janvier 2025, la Grèce a été condamnée pour la première fois par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans une affaire de refoulement de demandeurs d’asile. La requérante, une Turque, avait été expulsée le jour-même de son arrivée en Grèce vers la Turquie - puis arrêtée et emprisonnée par les autorités turques. La CEDH a condamné la Grèce a lui verser 20 000 euros.

    D’autres États de l’UE pourraient bientôt connaître une sentence similaire. Début février, la CEDH a commencé à examiner trois affaires contre la Pologne, la Lettonie et la Lituanie concernant des allégations de refoulement vers la Biélorussie.

    Malgré les preuves qui s’accumulent, Athènes n’a pourtant jamais reconnu l’existence de ces refoulements et a toujours nié les pratiquer.

    Contactée par InfoMigrants, la Commission européenne rappelle qu’il « appartient aux États membres de gérer et de protéger leurs frontières extérieures dans le cadre juridique de l’UE » et qu’il est de leur « responsabilité d’enquêter sur toute allégation d’actes répréhensibles ». « Dans le cadre de nos activités de gestion des frontières, les États membres doivent veiller à ce que leurs obligations en vertu du droit européen et international soient respectées, y compris la protection des droits fondamentaux ».
    Hausse des interceptions au large de la Libye

    Après la Bulgarie et la Grèce, championnes des « pushbacks », on retrouve dans le rapport la Pologne (13 600 refoulements), la Hongrie (5 713), la Lettonie (5 388), la Croatie (1 905) ou encore la Lituanie (1 002). Plusieurs de ces pays, qui accusent la Biélorussie de vouloir déstabiliser l’Europe en laissant passer les migrants, ont d’ailleurs légalisé ces dernières années les refoulements à leurs frontières, en dépit du droit international.

    L’étude couvre également le Liban et la Libye car, notent les auteurs, les interceptions en mer ont été effectuées avec le soutien « direct et étendu » de l’Italie, de Chypre et plus généralement des instances européennes. Ainsi l’an dernier, 21 762 interceptions ont eu lieu en mer Méditerranée, au large de la Libye, contre 17 000 en 2023.

    En 2017, l’UE a signé un accord avec la Libye dans le but d’empêcher les migrants de traverser la Méditerranée et de rejoindre l’Italie. À travers ce partenariat, sans cesse renouvelé, l’Europe donne concrètement aux autorités libyennes la charge de la coordination des sauvetages au large de leurs côtes (tâche qui incombait auparavant au centre de coordination de sauvetage maritime de Rome ou de La Valette, à Malte). L’Italie équipe et forme aussi les gardes-côtes libyens pour intercepter les exilés en Méditerranée.

    Cette collaboration controversée est régulièrement dénoncée par les ONG et les instances internationales, en raison des dérapages, menaces, intimidations des autorités libyennes en mer contre les migrants et les humanitaires.

    Par ailleurs, lorsqu’ils sont interceptés en mer et renvoyés sur le sol libyen, les migrants sont transférés dans des centres de détention, gérés par le Département de lutte contre l’immigration illégale (DCIM), où ils subissent des tortures, des violences sexuelles, de l’extorsion, et sont soumis à du travail forcé.
    Les refoulements, « une pratique systématique » au sein de l’UE

    L’ensemble de ces refoulements, « en forte augmentation », observés aux frontières extérieures de l’Europe « sont devenus une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE », estiment les ONG. « Les rapports continus sur les refoulements montrent l’échec de l’UE à faire respecter les droits de l’Homme ».

    Les humanitaires et les chercheurs regrettent le manque de réaction des institutions européennes qui donne, de fait, un blanc-seing aux pays pointés du doigt. « Il y a quelques années, la Commission européenne, garante du respect des traités de l’UE en matière d’asile, condamnait ces pratiques. Aujourd’hui, on entend beaucoup moins de réprobations de sa part, elle a perdu beaucoup de son influence sur ses membres », avait déclaré en octobre Matthieu Tardis, chercheur spécialisé sur l’immigration et co-directeur de Synergie Migrations.

    *Les prénoms ont été modifiés.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/63062/plus-de-120-000-refoulements-de-migrants-aux-frontieres-de-lue-en-2024
    #Europe #union_européenne #chiffres #statistiques #2024 #migrations #réfugiés #push-backs #rapport #Bulgarie #Grèce #Libye #DCIM #Méditerranée #mer_Egée #Evros

    • Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report 2024

      17.02.2025 Asylum and integration policies
      Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report 2024
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      Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report analyzes data on pushbacks from EU member states to third countries in 2024, highlighting ongoing violations of international and EU law.

      It draws from NGO reports, research groups, human rights organizations, UN agencies, government services and interviews with organizations active in Hungary, Latvia, Lithuania, Greece, Poland, Croatia, Finland, and Bulgaria. In total, 120.457 pushbacks were recorded, underscoring the persistence of this practice.

      Overall, the trend of normalizing pushbacks persists, requiring stronger enforcement and greater accountability from both member states and EU institutions. The report concludes with recommendations for the EU, its member states, and Frontex to address these ongoing human rights violations.

      This report is a collaboration between:
      11.11.11 (Belgium), Hungarian Helsinki Committee, We Are Monitoring Association (Poland), Centre for Peace Studies (Croatia), Lebanese Center for Human Rights (CLDH), Sienos Grupė (Lithuania), Centre for Legal Aid – Voice in Bulgaria (CLA), Foundation Mission Wings (Bulgaria), I Want to Help Refugees/Gribu palīdzēt bēgļiem (Latvia).

      https://www.cms.hr/en/azil-i-integracijske-politike/protjerani-pretuceni-ostavljeni-da-umru
      #rapport

  • #Réforme des #retraites : la #Cour_des_comptes désavoue #Bayrou

    La Cour des comptes a rendu son #rapport sur l’#état_financier du système des retraites et livre des #chiffres très différents de ceux avancés par le premier ministre. Le document donne le top départ des négociations appelées de ses vœux par #François_Bayrou pour « améliorer » la réforme de 2023. Une gageure.

    UneUne « mission flash » pour ne rien apprendre de neuf. Jeudi 20 février, la Cour des comptes a rendu son rapport sur la situation financière et les perspectives du système des retraites français. Annoncé par François Bayrou pendant sa déclaration de politique générale le 14 janvier, afin d’établir « un constat et des chiffres indiscutables » et de permettre aux syndicats et au patronat de rouvrir des discussions destinées à « améliorer » la réforme des retraites de 2023, le document aura demandé un bon mois d’élaboration.

    Son constat est loin d’être décoiffant : sans surprise, la « vérité des chiffres », telle que l’avait annoncée le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, ressemble de très près aux analyses et aux prévisions publiées année après année par le Conseil d’orientation des retraites (COR), l’institution publique dont les membres sont issus de très larges horizons et qui fait consensus dans le domaine.

    Pour résumer, le système des retraites a été en excédent au début des années 2020, avec un solde positif de 8,5 milliards d’euros en 2023, en raison des réformes votées depuis une dizaine d’années. Mais le déficit se réinstalle et devrait atteindre 6,6 milliards d’euros cette année – c’est-à-dire un peu moins de 2 % des 337 milliards versés aux retraité·es par le régime général chaque année.

    Le déficit devrait se stabiliser quelques années, avant de plonger à 15 milliards d’euros en 2035 (soit environ 0,4 % du PIB, l’ensemble de la richesse produite sur une année en France), puis « autour de 30 milliards » en 2045. Bref, comme le martèle l’économiste spécialisé Michaël Zemmour, le système « est globalement financé », avec des « dépenses stables, et tendanciellement un peu en baisse ». À titre de comparaison, en 2023 et 2024, les comptes publics ont dérapé de près de 70 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu par l’exécutif.

    Pour peu étonnant qu’il soit, le travail de la Cour des comptes recèle un camouflet pour le premier ministre : il écarte franchement la théorie d’un prétendu déficit caché, défendue depuis 2022 par François Bayrou, qui l’avait encore longuement détaillée à l’Assemblée le 14 janvier.

    Influencé par l’ancien haut fonctionnaire Jean-Pascal Beaufret, le maire de Pau soutient mordicus que le vrai besoin de financement du système serait de 55 milliards d’euros par an, dont 40 à 45 milliards seraient empruntés chaque année. Il faudrait en effet intégrer aux calculs les cotisations payées par le secteur public pour financer les retraites des fonctionnaires.

    La Cour des comptes ferme définitivement la porte à cette analyse contestée par l’ensemble des experts de la question (par exemple le très respecté Patrick Aubert, de l’Institut des politiques publiques), que la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, qualifie de « fable » et que le président du COR, l’économiste macroniste Gilbert Cette, avait pris la peine de discréditer au début de l’année.

    Jeudi 20 février au sortir de la présentation du rapport, la patronne de la CGT, Sophie Binet, s’est réjouie de ce « démenti cinglant aux chiffres farfelus retenus par le premier ministre », tandis que Marylise Léon a appelé à « passer aux choses sérieuses », enfin.
    Conflit sur le retour de l’âge légal à 62 ans

    Les syndicats et le patronat vont désormais se réunir en « conclave » pour répondre à l’invitation de François Bayrou et remettre sur le métier la réforme de 2023, qui décale progressivement l’âge légal de départ (avant lequel il est interdit de toucher sa pension de retraite) de 62 à 64 ans.

    La première réunion est programmée le 27 février, et les travaux devraient se poursuivre tous les jeudis, au moins pour trois mois. Pour l’heure, les diverses parties s’inquiètent du flou du cadre, tant sur les organisations censées participer (ni Solidaires ni la FSU ne sont conviés) que sur la liste des thèmes à aborder (les régimes des fonctionnaires, des agriculteurs, des indépendants doivent-ils être discutés ?).

    Le maître de cérémonie se nommera Jean-Jacques Marette, 73 ans, ancien directeur général de l’Agirc-Arrco, le régime de retraite complémentaire des salarié·es du privé, dont il a réussi l’unification en 2019. Respecté et considéré comme sérieux, il devait déjà piloter les discussions de la « conférence de financement des retraites », proposée par la CFDT lors des débats autour de la première réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, en 2019, interrompue par la crise sanitaire du covid.

    Quant à atteindre un compromis final… « On n’y arrivera pas », a déjà prédit à l’AFP Frédéric Souillot, le dirigeant de Force ouvrière. Parmi les négociateurs, les positions sont en effet pour le moins antagonistes. La question centrale est celle de l’âge légal. Officiellement, les syndicats demandent d’une même voix le retour à 62 ans.

    Mais le patronat refuse tout net. Le report de l’âge légal à 64 ans constitue le « socle » de la loi, a rappelé Patrick Martin, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), le 29 janvier devant les journalistes de l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). « Si on doit reprendre le sujet des retraites, c’est pour améliorer le rendement de la réforme, certainement pas pour la détricoter », a-t-il prévenu.

    Désireuse de rester à la table des discussions et d’arracher des « bougés », Marylise Léon pourrait être tentée de se contenter d’une modification de la borne symbolique des 64 ans, sans revenir jusqu’à 62 ans. Or, la réforme de 2023 prévoit que l’âge légal atteigne 63 ans pour celles et ceux qui prendront leur retraite à partir de septembre prochain.

    Un compromis acceptable pour la CFDT, le premier syndicat en termes de représentativité ? Est-ce à dire que la CFDT s’estimerait satisfaite si ce paramètre était ramené à 63 ans ? « Aujourd’hui », la ligne de la confédération reste « non à 64 ans et retour à 62 ans », a détaillé le 28 janvier sa patronne, devant les membres de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). Mais « la question est ouverte », a-t-elle ajouté, précisant : « Comme dans toute discussion, on se positionnera au regard d’un équilibre. »
    Le patronat pousse pour la capitalisation

    Ce scénario, pour peu qu’il arrive à faire consensus, engendrera davantage de dépenses que prévu – 5,8 milliards d’euros à payer en plus en 2035, a calculé la Cour des comptes. Comment les financer ? Le patronat a toujours rejeté l’idée d’une augmentation des cotisations salariales (un point de plus rapporterait entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros par an). Il semble très improbable qu’il cède sur ce point.

    À moins que le Medef et ses alliés parviennent à faire accepter l’idée d’ouvrir la porte à la retraite par capitalisation, qu’ils appellent très régulièrement de leurs vœux. Ils ne cachent pas le fait d’espérer imposer au minimum le principe, même de façon minimale, afin de mettre un pied dans la porte pour transformer plus tard le système.

    En quête de notoriété, Amir Reza-Tofighi, le tout nouveau président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a carrément proposé de faire travailler les salarié·es trois jours fériés par an et de verser le salaire correspondant sur un fonds investi sur les marché financiers…

    Autre point de friction : la question de la pénibilité. Les syndicats unis demandent que le système de retraite prenne à nouveau en compte le port de charges lourdes, les postures pénibles et l’exposition aux vibrations et aux produits chimiques. Tout juste instaurés, ces critères de pénibilité, permettant de prendre sa retraite plus tôt, avaient été supprimés en 2017, dès l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir.

    Préférant parler d’« usure professionnelle », Patrick Martin et ses pairs n’accepteront sans doute pas cette revendication, mais pourraient consentir à des aménagements. D’autant que l’U2P, qui représente principalement les artisans, s’est dite intéressée – ses membres sont les premiers concernés par les incapacités professionnelles des travailleurs et travailleuses âgé·es.

    Un accord serait peut-être aussi atteignable pour améliorer le sort des femmes, grandes perdantes de la réforme de 2023. En leur interdisant de prendre leur retraite avant 64 ans, le texte leur a très largement fait perdre l’avantage accordé au titre de la maternité et de l’éducation d’un enfant : jusqu’à 8 trimestres de carrière validés par enfant (même si un système de surcote a été mis en place). Les carrières plus souvent hachées des femmes pourraient aussi être un peu améliorées.

    Reste une grosse inconnue. Dans sa déclaration de politique générale, François Bayrou a promis de soumettre à l’Assemblée et au Sénat le compromis qui sera trouvé, afin de le faire voter. Or, même si des négociateurs tombent d’accord sur un certain nombre d’aménagements de la réforme de 2023, rien ne permet d’assurer que les nouvelles dispositions seront sagement validées par le Parlement.

    Mais comme le dit Patrick Martin, le dirigeant du Medef, le risque politique serait alors élevé pour le gouvernement et le président de la République : « Je ne crois pas me tromper en disant que si le sujet est reposé au Parlement, la réforme est abrogée. »

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/200225/reforme-des-retraites-la-cour-des-comptes-desavoue-bayrou
    #fact-checking

  • #Immigration : le grand #déni

    Par un étrange paradoxe, ceux qui s’imaginent que la France ferait face à un « #tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l’Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une #anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l’immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces #illusions, il faut en revenir aux #faits. Oui, la population immigrée a progressé en #France depuis l’an 2000, mais moins que dans le reste de l’Europe. Non, notre pays n’a pas pris sa part dans l’accueil des réfugiés. La hausse vient d’abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. En exposant les enjeux de la #loi_Darmanin de 2023, en rappelant combien la frontière est mince entre séjour régulier et séjour irrégulier, ce livre propose une approche résolument nouvelle de la question migratoire.

    https://www.seuil.com/ouvrage/immigration-le-grand-deni-francois-heran/9782021531145
    #livre #préjugés #migrations #idées_reçues #afflux #invasion #statistiques #chiffres
    ping @karine4

  • #Livre : Répondre aux #préjugés sur les #migrations

    « Les réfugié·es nous envahissent ! Les personnes migrantes profitent des aides sociales et ne sont pas intégrées ! Elles menacent notre sécurité et notre identité », etc.
    Elles sont nombreuses, en France, les personnes qui accordent du crédit à ces formules-choc qu’on entend régulièrement dans les médias, dans les discours politiques, sur nos lieux de vie. Les préjugés sur les migrations sont nombreux, encore plus en temps de crise : les migrant·es sont alors les coupables parfait·es. Mais ce sont des idées fausses qui ne reflètent en aucun cas la réalité des migrations.

    À travers le démontage de dix idées reçues courantes sur les migrations, ce petit #guide montre qu’il est possible de résister aux manipulations électoralistes et idéologiques qui voudraient faire des migrant·es et réfugié·es la source de tous nos problèmes. Il donne des arguments et des #chiffres basés sur des #statistiques officielles qui invalident ces préjugés pour faire percevoir les migrations comme une #richesse économique, sociale et culturelle, et même comme le seul avenir possible pour notre planète mondialisée.

    Ce guide offre également des pistes pour être citoyen·ne et solidaire des migrant·es au quotidien.

    https://www.pressenza.com/fr/2025/01/livre-repondre-aux-prejuges-sur-les-migrations
    #idées-reçues
    #invasions #chômage #crise #identité #sécurité #intégration #afflux

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  • "Aucun indicateur ne donne raison à #François_Bayrou sur une prétendue submersion migratoire", selon le démographe #François_Héran

    Selon François Héran, professeur au Collège de France, démographe, spécialiste de l’immigration, les déclarations du Premier ministre français sur un « sentiment de #submersion_migratoire » sont infondées. La France, au regard des indicateurs démographiques, accueille sur son sol peu d’immigrés - comparée à d’autres pays européens.

    Le Premier ministre François Bayrou a soulevé l’indignation d’une partie de la classe politique en affirmant lundi soir que la France « approch[ait] » d’un « sentiment de submersion en matière d’immigration ». L’utilisation du mot « #submersion » - peu anodin - fait partie du vocable du Rassemblement national. Loin de se défendre de ce parallèle avec l’extrême droite, François Bayrou a réitéré ses propos le lendemain à l’Assemblée nationale en les restreignant toutefois à #Mayotte et à certains autres départements.

    Pour le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), Didier Leschi, le terme est impropre et maladroit. « Il n’y a pas de submersion migratoire, mais il y a des endroits où la concentration d’immigration pose des problèmes sociaux importants qu’il faut arriver à résoudre », a-t-il affirmé.

    Alors le terme est-il exagéré ?

    Selon les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), oui. En 2023, l’#Insee considérait que la population étrangère vivant en #France s’élevait à 5,6 millions de personnes, soit 8,2 % de la population totale, contre 6,5 % en 1975. Les étrangers représentent donc une large minorité. De plus, cette hausse n’a rien d’étonnant - elle se constate dans tous les pays développés.

    « L’immigration n’est pas incontrôlée »

    « L’immigration est perçue comme incontrôlée, comme un problème à résoudre, alors que c’est un phénomène démographique normal », expliquait déjà en septembre à InfoMigrants Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
    « La population mondiale augmente et donc il y a de plus en plus d’immigrés et les immigrés ont tendance à aller de plus en plus vers les pays de l’OCDE ».

    C’est aussi l’avis de François Héran, sociologue et démographe, professeur au Collège de France. « Aucun indicateur ne donne raison à François Bayrou sur une prétendue submersion migratoire », déclare-t-il à InfoMigrants. « Il y a une montée de l’immigration, oui, mais elle est modérée. C’est une poussée continue, pas exponentielle, une augmentation linéaire » qui a cours partout dans les pays développés de la planète.

    « En réalité, poursuit-il, l’immigration progresse au même rythme depuis des années, que ce soit sous les mandats de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Emmanuel Macron. Rien ne sert de pointer du doigt le précédent président en dénonçant son bilan migratoire, cette augmentation n’a rien à voir avec les politiques françaises ».

    « Nous sommes dans le bas du tableau »

    Surtout, rappelle François Héran, la France accueille peu d’immigrés sur son sol au regard des autres pays européens. Selon une moyenne établie par l’OCDE, seul 1 % d’étrangers supplémentaires s’installent chaque année - pendant un an au moins - dans un pays riche (voir tableau ci-dessous).

    « La France est bien en dessous de cette moyenne : elle est à 0,5 %. Devant nous, il y a l’Allemagne à 0,6 %, la Suède à 0,8 %, l’Espagne à 1 %, la Belgique à 1,1 %, le Portugal à 1,2 %… Nous ne sommes pas en tête du tableau, mais plutôt dans les derniers ».

    Et de continuer en citant d’autres indicateurs. « Selon Eurostat aussi, la France n’est pas le pays le plus accueillant. Elle a une proportion de 13 % d’immigrés dans sa population totale [c’est à dire des étrangers, européens ou non, installés depuis au moins un an dans un autre pays que celui de leur naissance, ndlr] mais le Luxembourg est à un taux de 49 %, Malte de 23 %, l’Allemagne de 18 %… Là encore, nous ne sommes pas en tête du classement », ajoute François Héran.

    Même la référence à Mayotte du Premier ministre ne semble pas convaincre le démographe. « Oui, il y a une concentration forte d’immigrés dans certains territoires, comme à Mayotte, ou en Ile-de-France, ou dans certaines régions frontalières françaises. Mais si ces arrivées peuvent créer, je dirais, une émotion, elles ne correspondent pas à une submersion au regard des chiffres pris dans leur globalité ».

    À Mayotte, pour rappel, les autorités françaises exécutent de nombreuses expulsions vers les Comores voisines. En 2023, environ 24 000 reconduites à la frontière ont été effectuées, contre un peu plus de 25 000 l’année précédente, et 24 000 en 2021, selon les chiffres de la préfecture. Des chiffres plutôt stables et qui concernent aussi - dans une petite proportion - les Africains de la région des Grands lacs.

    Un sentiment « d’invasion » qui s’est installé dans les années 2000

    Reste que cette augmentation « continue » de l’immigration dans les pays riches donne du grain à moudre à certaines théories, notamment celle du « #grand_remplacement ». Cette théorie repose sur l’idée xénophobe que la population française serait peu à peu remplacée par une autre, en l’occurrence les populations africaines et les musulmans.

    Malgré la réalité des chiffres, les déclarations de François Bayrou résonnent comme une ouverture politique à l’extrême droite et elles dérangent une large partie de la classe politique à gauche. « Ce n’est pas avec un mot comme ça » que la « dynamique électorale du RN (...) sera cassée », a estimé sur LCI le politologue Jean-Yves Camus.

    La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet n’aurait, elle, « jamais tenu ces propos » qui la « gênent ». « On parle d’hommes et de femmes, de notre pays, la France qui, par son Histoire, par sa géographie, par sa culture, a toujours accueilli et s’est construite avec cette tradition ».

    https://www.infomigrants.net/fr/post/62526/aucun-indicateur-ne-donne-raison-a-francois-bayrou-sur-une-pretendue-s
    #migrations #statistiques #chiffres #fact-checking #idées_reçues #afflux #invasion #stéréotypes #mots #vocabulaire

    ping @karine4

    • La « submersion migratoire » ne correspond à aucune réalité scientifique

      Le premier ministre a évoqué, lundi 27 janvier sur LCI, le « sentiment de submersion » généré par l’immigration. Des propos qu’il a réitérés et assumés le lendemain, au sein de l’Assemblée nationale, indignant la gauche. Pourtant, les chiffres et les études sur le sujet démentent clairement cette idée. Entretien avec Tania Racho, spécialiste des questions relatives aux droits fondamentaux.

      Ce concept de submersion migratoire est-il fondé sur des données étayées par la recherche et des données institutionnelles sur les migrations ?

      Tania Racho : La réponse est non. En France, la population immigrée (les personnes nées à l’étranger et vivant en France) est de 10,7 %. Si on décompte parmi ces immigrés les personnes ayant la nationalité française, on arrive à 8,2 % des habitants sur le territoire national.

      Notons que, parmi ces 8,2 %, il y a à peu près 3,5 % d’Européens. Or souvent, derrière le mot étranger, on pense à des non-Européens qui ne représentent finalement que 6 % de la population française.
      Immigrés arrivés en France en 2022 selon leur continent de naissance

      La France est loin d’être le pays le plus accueillant en Europe pour les étrangers ou dans le monde d’ailleurs. En comparaison, c’est 15 % de la population américaine qui est immigrée, et 16 % en Suède.

      Derrière ces chiffres, il y a de nombreux statuts différents qui distinguent les étrangers. On parle souvent des primo-arrivants dans le discours politique. Or, ces arrivées sont relativement stables, avec à peu près 300 000 personnes par an. Parmi elles, un tiers sont des étudiants qui ont vocation à ne pas rester, un autre tiers correspond à l’immigration familiale. Le dernier tiers se décompose en immigration de travail et titres de séjour humanitaire délivrés pour les réfugiés.

      Il faut aussi prendre en compte le solde migratoire (ou accroissement migratoire) qui est la différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur un territoire (immigrants) et le nombre de personnes qui en sont sorties (émigrants). En 2023, le solde positif n’est que de 183 000 personnes.

      Est-ce que ces arrivées ont augmenté ?

      T.R : Les arrivées ont effectivement augmenté ces dix dernières années : en 2010 il y avait 8,5 % d’immigrés et en 2023 c’était 10,7 %. Par exemple, en 2010, on comptait 200 000 premiers titres de séjours délivrés, tandis qu’en 2023 c’est 300 000 : l’immigration a donc augmenté. Cela est lié à une dynamique globale : le phénomène de déplacement est plus important dans le monde, qu’il s’agisse d’une immigration organisée (étudiants, travailleurs, accords d’échanges entre pays) ou des déplacements forcés liés aux conflits. Lorsqu’une guerre éclate ou un conflit civil, les populations quittent leurs habitations le plus souvent pour un endroit proche, parfois dans le même pays.

      Lorsque le déplacement forcé implique de quitter son pays, il se traduit par une demande d’asile : il y en a eu 160 000 en 2023 en France. Le taux moyen de protection, c’est-à-dire la reconnaissance de statuts de réfugiés, se situe autour de 40 %. Les personnes concernées bénéficient alors d’un titre de séjour humanitaire, en tant que réfugiés. 60 000 personnes ont obtenu ce titre de séjour en 2023. En tout, il y a un peu plus de 500 000 réfugiés en France.

      Quid des personnes en situation irrégulière ?

      T.R : On ne connaît pas le chiffre exact correspondant à cette situation, mais une projection fondée sur les demandes d’aide médicale d’État (AME) nous permet d’évaluer leur nombre aux environ de 700 000 personnes. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’il n’y a eu que 30 000 régularisations de personnes en situation irrégulière en 2023 (comptées dans les premières délivrances de titres) dont un tiers par le travail et les deux tiers restants pour des situations familiales, ce qui est assez faible, en comparaison des 900 000 régularisations annoncées par l’Espagne par exemple.

      L’augmentation des arrivées justifie-t-elle le terme de « submersion » ?

      T.R : Encore une fois, non, avec 8,2 % d’étrangers en France et une augmentation des arrivées qui reste relative. D’ailleurs, le discours du premier ministre se situait selon lui au niveau du « ressenti » – il a parlé de « sentiment de submersion ».

      Mais ce sentiment ne correspond pas à la réalité, tout comme l’idée d’un « grand remplacement » ne repose sur aucune réalité. Ce concept vient de Renaud Camus, un penseur d’extrême droite qui a repris une étude des Nations unies des années 2000 indiquant que l’absence d’immigration poserait de grandes difficultés démographiques pour l’Europe et donc que l’immigration était nécessaire !

      Comment comprendre la persistance des discours politiques ou des sondages attestant de ce « sentiment » qu’il y a trop d’étrangers ?

      T.R : Ce qui est certain, c’est que les Français ont tendance à surestimer la population étrangère (23 % au lieu de 8,2 %), ce qui rejoint cette idée de sentiment de submersion mais qui n’est pas réel.

      Selon le démographe François Héran, cette mixité s’est effectivement renforcée depuis les années 1970. Il parle « d’infusion durable » avec un tiers des Français qui ont un parent ou un grand-parent immigré, ce qui laisse le temps de l’intégration. Il considère que « près d’un Français sur quatre a au moins un grand-parent immigré, ce qui permet un brassage diffus et évite un certain nombre de conflits. »

      Mais la surmédiatisation de certaines situations de migration a un impact important sur l’opinion. Par exemple, les personnes qui arrivent en situation irrégulière aux frontières de l’Union européenne, peuvent donner le « sentiment » que des flots de migrants débarquent en Europe.

      Dix mille ersonnes à Lampedusa c’est impressionnant, mais c’est une goutte d’eau à l’échelle européenne. D’ailleurs, les arrivées en bateau sont en baisse en 2024 par rapport à 2023. Dans l’ensemble, les personnes qui arrivent illégalement en Europe n’étaient que 355 000 personnes en 2023. Cela ne représente que 0,07 % de la population européenne.

      Quelle est votre conclusion sur cette polémique déclenchée par François Bayrou, mais qui s’inscrit dans une série déjà longue ?

      T.R : C’est le signe inquiétant d’une distanciation des personnalités politiques avec la réalité chiffrée et celle des études, de la recherche.

      https://theconversation.com/la-submersion-migratoire-ne-correspond-a-aucune-realite-scientifiqu

    • Immigration : les chiffres qui réfutent « la submersion migratoire »

      Toutes les données chiffrées indiquent que la France ne fait aucunement face à une immigration démesurée. Bien au contraire, de nombreux pays, en Europe et dans le monde, accueillent bien plus d’étrangers que l’Hexagone.

      En évoquant, fin janvier, à la télévision puis devant les députés, un prétendu « sentiment de submersion » migratoire, le premier ministre, François Bayrou, s’appuie sur une réalité : la surestimation de la proportion d’étrangers en France, par la population.

      La dernière étude d’Eurostat à ce sujet indique une différence de 15 points entre le pourcentage réel du nombre d’immigrés en France et celui estimé par les Français. En moyenne, au sein de l’Union européenne, la population pense « accueillir » 3,4 fois plus d’étrangers qu’il y en a en réalité et, selon cette même étude, la principale cause de cette surestimation est le fait du discours médiatique et de la crainte entretenue des immigrés sur le marché du travail.
      Le fantasme d’une immigration démesurée

      Le premier ministre connaît ces chiffres. C’est donc sciemment qu’il choisit de mener une politique migratoire davantage basée sur un « sentiment » que sur des données chiffrées.

      En réalité, la France est loin d’être confrontée à une immigration démesurée et non maîtrisée. Les personnes nées à l’étranger et vivant en France représentent 10,7 % de la population. Si on soustrait de ce pourcentage de personnes immigrées celles qui ont la nationalité française, on parvient à un taux de 8,2 % des habitants sur le territoire national.

      Parmi eux, 3,5 % sont des Européens. Les étrangers non européens ne représentent finalement que 6 % de la population française. On est bien loin du « grand remplacement » prédit par les pseudo-prophètes d’extrême droite auxquels François Bayrou a décidé de donner du crédit.

      La France est, par ailleurs, loin d’être le pays le plus accueillant. Les personnes nées à l’étranger représentent 15 % de la population aux États-Unis et 16 % en Suède, soit le double de la France.
      Spéculations sur les immigrants en situation irrégulière

      Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, 326 954 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2023 par la France. Un chiffre stable par rapport aux années précédentes. Parmi ces « primo-arrivants », un tiers sont des étudiants qui, pour la plupart, repartiront après leurs études, 60 000 sont des réfugiés, accueillis dans un cadre humanitaire, et environ 40 000 sont issus d’une immigration de travail. Le dernier tiers correspond à de l’immigration familiale.

      Les prédicateurs xénophobes répondent généralement à ces réalités chiffrées par le fantasme d’un déferlement d’immigrés en situation irrégulière. En réalité, leur nombre exact n’est connu de personne. Mais, en s’appuyant sur l’enregistrement des demandes d’aide médicale d’État, on peut l’évaluer aux environ de 700 000 personnes.

      Un chiffre bien en dessous des 900 000 régularisations annoncées par l’Espagne quand la France, elle, n’en a, par ailleurs, effectué que 30 000 en 2023. Plus largement, les personnes arrivant illégalement en Europe n’étaient, selon l’agence Frontex, que 355 000 en 2023. C’est-à-dire 0,07 % du total de la population européenne. En clair, ceux qui parlent de « submersion migratoire » sont des menteurs.

      https://www.humanite.fr/societe/gouvernement-bayrou/immigration-les-chiffres-qui-refutent-la-submersion-migratoire

  • #Multinationales et #inégalités multiples : nouveau #rapport

    Depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune tandis que, dans le même temps, la richesse cumulée de 5 milliards de personnes a baissé. C’est ce que révèle le nouveau rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales.

    Si cette tendance se poursuit, nous pourrions voir dans près de 10 ans la fortune d’un multimilliardaire franchir pour la première fois le cap de 1000 milliards de dollars alors qu’il faudra encore 230 ans pour éradiquer la pauvreté.

    Malgré les crises successives, les milliardaires prospèrent. Pourquoi ? Car ils achètent le pouvoir politique et économique.
    Inégalités mondiales : les chiffres-clés

    #Monde

    - La fortune des 5 hommes les plus #riches a grimpé de 114 % depuis 2020.
    – La #fortune des #milliardaires a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020, à une vitesse 3 fois plus rapide que celle de l’inflation.
    - Les 1 % les plus riches possèdent 48 % de tous les actifs financiers mondiaux.
    - Les pays riches du Nord détiennent 69 % des richesses mondiales et accueillent 74 % des richesses des milliardaires alors qu’ils n’abritent que 21 % de la population mondiale.
    - Au rythme actuel, il faudrait plus de deux siècles pour mettre fin à la pauvreté, mais dans à peine 10 ans nous pourrions voir pour la première fois la fortune d’un multimilliardaire franchir le cap des 1 000 milliards de dollars. Avoir 1 000 milliards, c’est comme gagner plus d’un million d’euros par jour depuis la naissance de Jésus-Christ.
    - Sept des dix plus grandes entreprises mondiales sont dirigées par un·e milliardaire.
    - 148 grandes entreprises ont réalisé 1800 milliards de dollars de bénéfices cumulés – soit 52 % de plus en moyenne sur les 3 dernières années – et distribué d’énormes dividendes à de riches actionnaires tandis que des centaines de millions de personnes ont été confrontées à des réductions de salaires réels.

    #France

    - Les quatre milliardaires français les plus riches et leurs familles – la famille Arnault, la famille Bettencourt Meyers, Gérard et Alain Wertheimer – ont vu leur fortune augmenter de 87 % depuis 2020. Dans le même temps, la richesse cumulée de 90% des Français a baissé.
    – Sur cette même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros, autant que pour faire un chèque de 3 400 euros pour chaque Français-e.
    – Les 1 % les plus riches détiennent 36 % du patrimoine financier total en France alors que plus de 80% des Français ne déclarent posséder ni assurance-vie, ni actions directement.
    - 11 des plus grandes entreprises françaises ont réalisé 101 milliards de dollars de bénéfices entre juin 2022 et juin 2023, soit une augmentation de 57% par rapport à la période 2018-2021.
    - L’héritière Françoise Bettencourt est devenue la première femme milliardaire à voir sa fortune atteindre les 100 milliards d’euros.

    Grandes entreprises, médias : comment les milliardaires achètent le pouvoir

    Depuis 2020, l’accroissement de la fortune des milliardaires et l’accumulation de profits des multinationales sont intrinsèquement liés.

    A l’heure où l’élite économique se réunit à Davos, le rapport « Multinationales et inégalités multiples » révèle notamment que sept des dix plus grandes entreprises mondiales ont un·e PDG milliardaire ou un·e milliardaire comme actionnaire principal·e.

    Les grandes entreprises ont un pouvoir démesuré et sont une machine à fabriquer des inégalités. Salaires qui augmentent moins que la rémunération des PDG, bénéfices majoritairement utilisés pour rémunérer les actionnaires, optimisation fiscale : les milliardaires veillent avant tout à ce que les multinationales contribuent à leur propre enrichissement, au détriment du reste de la population.

    Ils utilisent par ailleurs leur richesse pour asseoir et conforter leur influence politique, en particulier via leur emprise sur les médias et leurs relations avec les hautes sphères de l’Etat.
    En France aussi, les milliardaires s’enrichissent et la pauvreté s’intensifie

    Les 4 milliardaires français les plus riches (Bernard Arnault et sa famille, Françoise Bettencourt Meyers et sa famille ainsi que Gérard Wertheimer et Alain Wertheimer) ont vu leur fortune augmenter de 87% depuis 2020.

    Sur la même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un chèque de 3 400 euros pour chaque Français·e. Alors que les Français et Françaises subissent l’inflation de plein fouet et sont confronté·e·s à une véritable crise du pouvoir d’achat, l’enrichissement continu des ultra-riches fracture la société.

    Comme dans le reste du monde, l’omniprésence des milliardaires dans les mondes économique, politique et médiatique, est indéniable. En tête de proue : Bernard Arnault, à la tête de l’empire du luxe LVMH et de certains des plus grands médias français comme Les Échos ou Le Parisien, mais aussi le milliardaire Vincent Bolloré, qui fait des médias dont il est actionnaire principal une arme au service de l’extrême droite.

    Les recommandations d’Oxfam

    Oxfam appelle les États à réduire rapidement et radicalement le fossé entre les ultra-riches et le reste de la société grâce notamment aux mesures suivantes :
    Augmenter les impôts sur les ultra-riches

    Oxfam estime qu’un impôt sur la fortune pour les multimillionnaires et les milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1 800 milliards de dollars par an.

    Plus précisément, Oxfam France formule une série de recommandations fiscales qui permettraient de dégager 88 milliards d’euros par an, tout en préservant le pouvoir d’achat de 70% des Français, dont :

    - Un impôt sur la fortune climatique pour les multimillionnaires et les milliardaires : Il s’agit de taxer, d’une part, le niveau de patrimoine (la taille de la fortune), et d’autre part, la quantité de CO2 qu’il contient (son impact sur le climat).

    Réguler les multinationales

    – Encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires
    - Conditionner les aides publiques aux entreprises aux investissements dans la transition
    - Imposer un écart de rémunération de 1 à 20 entre le salaire du dirigeant et le salaire médian de l’entreprise.

    https://www.oxfamfrance.org/rapports/multinationales-et-inegalites-multiples
    #Oxfam #richesse #chiffres #statistiques

  • Pourquoi le #lien entre #immigration et #délinquance est une #illusion

    L’immigration suscite des craintes persistantes, en partie liées à la perception qu’immigration et délinquance vont de pair. Celle-ci repose principalement sur l’observation d’une #surreprésentation des étrangers (immigrés n’ayant pas acquis la nationalité française) dans les #statistiques sur la délinquance.

    L’immigration suscite des craintes persistantes, en partie liées à la perception qu’immigration et délinquance vont de pair. La Commission nationale consultative des droits de l’homme rappelait ainsi, en 2022, que 52 % des Français considéraient l’immigration comme la principale cause d’insécurité.

    Plus récemment, le projet de loi repoussé sur l’immigration proposait de « rendre possible l’éloignement d’étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public ». Pourtant, les recherches en sciences sociales montrent que l’immigration n’est pas la cause de la délinquance. C’est ce décalage entre réalités et perceptions que nous avons cherché à comprendre dans la lettre d’avril 2023 du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

    La perception d’un lien entre immigration et délinquance repose principalement sur l’observation d’une surreprésentation des étrangers (immigrés n’ayant pas acquis la nationalité française) dans les statistiques sur la délinquance. En France, la proportion d’étrangers dans la population totale était, en 2019, de 7,4 %, mais s’élevait à 14 % parmi les auteurs d’affaires traitées par la justice, à 16 % dans ceux ayant fait l’objet d’une réponse pénale et à 23 % des individus en prison.

    De nombreux facteurs, certains quasi mécaniques, peuvent expliquer cette surreprésentation sans que le statut d’immigré ne soit en lui-même lié à une probabilité plus forte de commettre une infraction.

    Une probabilité ? de contrôle plus forte

    Tout d’abord, certains délits ne peuvent, par définition, être commis que par des étrangers (soustractions à l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière, travail sans titre de séjour, etc.). De plus, ces infractions sont résolues lorsqu’elles sont constatées puisque l’auteur de l’infraction est identifié sur-le-champ. De ce fait, elles peuvent faire l’objet d’un ciblage particulier lors de pressions politiques à l’amélioration des statistiques, comme lors de la mise en place de la « politique du chiffre » entre 2002 et 2012.

    Ensuite, les immigrés présentent des caractéristiques individuelles qui les rendent plus susceptibles d’être en infraction avec la loi. Les hommes, jeunes, sont ainsi surreprésentés dans la population immigrée, deux caractéristiques systématiquement associées à des niveaux de délinquance plus élevés.

    Surtout, les immigrés sont en moyenne plus pauvres que les natifs. Or, la précarité économique reste un des principaux déterminants de la délinquance. Ce n’est donc pas le fait d’être immigré en soi qui conduit à plus de délinquance, mais des caractéristiques qui, lorsqu’elles se retrouvent chez les natifs, conduisent également à plus de délinquance.

    À caractéristiques similaires, les étrangers sont plus souvent et plus longtemps condamnés que les Français.

    Enfin, les immigrés subissent un traitement différencié ? à toutes les étapes du système pénal : de la probabilité ? d’arrestation à celle d’être incarcéré. Ainsi, les minorités visibles issues de l’immigration ont une probabilité ? plus forte d’être contrôlées, mais aussi de recevoir des peines plus lourdes. En moyenne, pour un même délit avec les mêmes antécédents judiciaires, en ayant suivi la même procédure et avec les mêmes caractéristiques individuelles (âge, sexe, lieu et date de jugement), les étrangers ont non seulement une probabilité plus forte (de 5 points de pourcentage) que les Français d’avoir une peine de prison ferme, mais sa durée est également plus longue, de 22 jours.

    Dynamiques locales

    Ce traitement différencié entre immigrés et natifs se retrouve aussi dans les médias. Des recherches ont montré que la presse pouvait renforcer les croyances initiales sur le lien entre immigration et délinquance en reportant plus systématiquement les infractions commises par les immigrés ou en divulguant de manière plus fréquente l’origine des suspects lorsqu’ils sont immigrés.

    La perception d’un lien entre immigration provient aussi de l’observation par les natifs d’un plus grand nombre d’infractions reportées dans les zones ou les immigrés sont majoritairement installés. Or, pour évaluer l’impact de l’immigration sur la délinquance, il est nécessaire de dépasser cette simple comparaison qui ignore que les immigrés ne se répartissent pas de manière uniforme sur le territoire national. Leur présence est en effet plus concentrée près des frontières, zones plus propices aux trafics, ou dans des quartiers où les logements sont plus abordables et qui concentrent le plus souvent des populations pauvres ou marginalisées.

    De plus, les vagues migratoires, plus soudaines et perceptibles que des changements démographiques de long terme, augmentent le nombre d’infractions, dans la mesure où il y a plus d’habitants, mais sans nécessairement augmenter le taux de délinquance par habitant. Et quand bien même on adopterait le bon raisonnement en taux, l’augmentation simultanée de la part de la population immigrée et des infractions ne vaut pas preuve que les immigrés en sont la cause car des dynamiques locales peuvent être à l’œuvre.

    Par exemple, le départ de natifs d’une zone dans laquelle la délinquance et la pauvreté sont en augmentation peut libérer des logements sociaux et attirer de nouveaux immigrés. Immigration et délinquance augmentent alors de concert sans que l’immigration n’en soit la cause.

    Face à ces difficultés, les recherches en sciences sociales se sont penchées sur la question du lien entre immigration et délinquance en prenant soin d’éliminer les bais précédemment évoqués. La conclusion de ces études est sans appel. L’immigration n’est pas à l’origine d’une augmentation des taux de délinquance.

    La régularisation entraîne une baisse des infractions

    Au Royaume-Uni, une étude a examiné l’effet de deux vagues migratoires récentes, la première liée aux guerres d’Irak, d’Afghanistan et de Somalie à la fin des années 1997-2002, la seconde, à l’entrée de huit anciens pays de l’Est dans l’Union européenne entre 2004 et 2008. Pour les deux vagues, les localités ayant accueilli plus d’immigrés n’ont pas vu leur taux d’infractions moyen évoluer plus rapidement que dans le reste du pays.

    En revanche, une légère augmentation des atteintes aux biens a été observée pour la première vague des années 2000. Cette différence provient d’un accès au marché du travail différent : là où les nouveaux citoyens de l’Union européenne avaient le droit d’exercer un emploi, les demandeurs d’asile ne pouvaient pas travailler légalement la première année de leur arrivée sur le sol britannique.

    Ce constat est confirmé par d’autres travaux. En Italie, un dispositif de décembre 2017 permettait aux immigrés en situation irrégulière de faire une demande de régularisation en ligne. Les permis de travail étaient accordés dans l’ordre des demandes et jusqu’à épuisement de quotas préalablement définis.

    Avec ce dispositif, des immigrés s’étant connectés au site à quelques minutes, voire à quelques secondes d’intervalle, se sont trouvés dans des situations très différentes : ceux ayant demandé un visa juste avant l’épuisement des quotas ont acquis le droit de travailler et de résider légalement en Italie, tandis que ceux ayant posté leur dossier l’instant d’après sont restés sans-papiers. En comparant ces deux groupes, il apparaît que les immigrés ayant obtenu un visa ont eu une probabilité deux fois plus faible de commettre une infraction au cours de l’année suivante. Une différence qui s’explique entièrement par une baisse significative des infractions générant des revenus, telles que les vols et les trafics.

    Immigration et délinquance ne sont donc pas liées, une fois les raisonnements simplificateurs écartés. Au contraire, si la surreprésentation quasi mécanique des immigrés dans les statistiques peut créer l’illusion d’une relation entre immigration et délinquance, les études rigoureuses montrent qu’il n’en est rien. Des résultats à garder en tête lors des discussions autour de la loi immigration à venir pour traiter le sujet sans passion et au plus près des réalités.

    https://www.cepii.fr/blog/bi/post.asp?IDcommunique=982

    #migrations #immigration #criminalité #chiffres

    ping @karine4

    • voir aussi cet article, publié en 2015 sur asile.ch :
      Comment s’explique la surreprésentation des étrangers dans la criminalité ?

      La présente réflexion tente de montrer de manière simple combien l’usage de statistiques bivariées peut être trompeur, allant jusqu’à faire croire que la couleur d’un passeport pourrait avoir une influence sur la criminalité, alors qu’il n’en est rien.

      Le lecteur de la présente contribution sait probablement que les adultes de plus de 175 centimètres commettent davantage d’infractions pénales que ceux de moins de 175 centimètres… Il s’agit là d’une évidence criminologique et la raison en est très simple : la population adulte de plus de 175 centimètres est principalement formée d’hommes, alors que les femmes sont largement surreprésentées parmi les adultes de moins de 175 centimètres. Sachant par ailleurs que les hommes sont davantage impliqués dans le phénomène criminel que les femmes, il est logique que les adultes les plus grands commettent la plus grande partie des infractions pénales. Néanmoins, chacun comprendra aisément que cette surreprésentation des grands dans la statistique criminelle n’a évidemment rien à voir avec la taille des personnes, mais bien avec leur sexe. Personne ne prônera donc une action sur l’hormone de croissance ou le coupage de jambes comme politique de prévention de la criminalité…

      Mais si ce raisonnement est tellement évident, alors pourquoi bon nombre de personnes ne sont-elles pas en mesure de le reproduire en matière d’implication des étrangers dans la criminalité ?

      Comme pour les adultes de plus de 175 centimètres, il est très simple de démontrer que les étrangers sont surreprésentés dans le phénomène criminel. Ces derniers représentent en effet un peu plus de 20% de la population de Suisse, mais quelque 50% des condamnés par les tribunaux suisses [1]. Mais, de la même manière que pour les adultes de plus de 175 centimètres, il est aussi relativement simple de démontrer que ce sont d’autres éléments que la nationalité qui influencent la criminalité.

      II. Les principales variables influençant la criminalité

      Sachant que la surreprésentation des immigrants dans la criminalité est un phénomène universel – qui s’observe donc dans tous les Etats –, il paraît évident qu’il ne peut pas s’agir d’un simple problème de couleur de passeport ! Mais quelles sont alors les variables déterminantes dans l’explication du phénomène criminel ? Comme il a été mentionné en introduction, l’une des principales variables explicative est le sexe. En effet, pour une distribution hommes/femmes d’environ moitié-moitié dans la population, il y a en Suisse quelque 85% d’hommes dans la statistique de condamnations pour seulement 15% de femmes.

      Une autre variable importante dans l’explication du phénomène criminel est l’âge. Pour une proportion de quelque 30% de personnes de moins de 30 ans en Suisse, celles-ci sont environ 50% dans la statistique de condamnations.

      C’est ainsi que le volume de la criminalité d’un Etat dépend fortement de la composition démographique de sa population. En effet, plus il y a de personnes du sexe et de la classe d’âge les plus criminogènes (soit des hommes et des jeunes), plus il y a de criminalité.

      Puis vient encore le niveau socio-économique, puisqu’il ressort des derniers sondages que quelque 37% des résidents en Suisse proviennent de milieux socio-économiques modestes ou moyens inférieurs et que ces mêmes milieux produisent environ 60% de la délinquance. Pour leur part, les milieux moyens supérieurs et aisés (soit 63% de la population sondée) produisent environ 40% de la criminalité [2].

      Et finalement, ce qui vaut pour les différences de statuts socio-économiques vaut également pour le niveau de formation. C’est ainsi que la moitié de notre population est de niveau de formation « modeste » (primaire, secondaire, école professionnelle, apprentissage), alors que ce même niveau de formation se retrouve pour quelque 68% de personnes en détention [3].
      III. Modèle multivarié

      Ce que nous avons présenté dans les deux sections précédentes permet de constater que le phénomène criminel est lié de manière bivariée à plusieurs facteurs. Mais cela ne nous avance pas beaucoup, puisque le crime proviendrait des grands, des étrangers, des jeunes, des hommes, des pauvres et/ou des plus modestement formés. A partir de là, chacun tirera ses conclusions, non pas sur la base de connaissances scientifiques, mais bien en fonction de sa tendance politique. En d’autres termes, ces corrélations bivariées ne nous disent pas grand chose – pour ne pas dire rien du tout – sur le phénomène criminel. Nous tenterons dès lors d’affiner l’analyse afin de rendre notre propos un peu plus scientifique.

      Si nous avons déjà vu que la taille en tant que telle n’influence en rien le crime mais est entièrement contenue dans la variable sexe, il nous reste encore à déterminer quel est le poids respectif de chacune des cinq variables restantes dans l’explication du phénomène criminel. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre l’ensemble des variables explicatives du crime relevées ci-dessus dans un même modèle (qui ne sera donc plus bivarié, mais multivarié), modèle qui nous permettra de déterminer laquelle de ces variables explique la plus grande partie du crime, puis la valeur explicative supplémentaire de chacune des autres variables introduites dans le modèle.

      En agissant de la sorte, on observe que la variable numéro un dans l’explication de la criminalité est le sexe. Le fait d’être un homme plutôt qu’une femme est donc l’élément le plus prédicteur de la commission d’une infraction [4]. En deuxième position on trouve l’âge ; ainsi, le fait d’être un jeune homme est plus criminogène que le fait d’appartenir à toute autre catégorie. En troisième position vient ensuite le niveau socio-économique et finalement le niveau de formation.

      En d’autres termes, le profil type du criminel est celui d’un homme, jeune, socio-économiquement défavorisé et de niveau de formation plutôt bas.

      Et alors la nationalité dans tout cela ? Eh bien la nationalité n’explique généralement aucune partie supplémentaire de la variance de la criminalité. En effet, la population migrante étant composée de manière surreprésentée de jeunes hommes défavorisés, la variable « nationalité » est comprise dans les autres et n’explique aucune part supplémentaire de la criminalité par rapport aux autres variables prises en considération ; ceci de manière identique à la taille qui est comprise dans le sexe dans l’exemple mentionné en introduction, les hommes étant – en moyenne – plus grands que les femmes.

      Ce qui vient d’être exposé permet par ailleurs de comprendre pourquoi le constat que les étrangers commettent davantage de crimes que les nationaux est un phénomène universel. En effet, la migration, de manière générale, est principalement une affaire de jeunes plutôt que de vieux et d’hommes plutôt que de femmes. Sachant que les jeunes hommes représentent justement la partie de la population la plus criminogène, il est donc logique que la population migrante soit plus criminogène que ceux qui ne bougent pas de leur lieu de naissance.

      Il est dès lors totalement erroné de comparer les étrangers aux nationaux, puisque l’on compare alors une population faite essentiellement de jeunes hommes à une population de nationaux vieillissants et composés des deux sexes à proportions à peu près égales. C’est ainsi que si l’on compare le taux de criminalité des étrangers à celui des nationaux du même sexe, de la même classe d’âge, de la même catégorie socio-économique et du même niveau de formation, la différence entre les nationaux et les étrangers disparaît.

      Il arrive néanmoins que la nationalité explique tout de même une petite partie de la criminalité ; ceci dans le cas très particulier de migrants provenant d’un pays en guerre. En effet, l’exemple violent fourni par un Etat en guerre a tendance à désinhiber les citoyens qui deviennent alors, eux aussi, plus violents et exportent ensuite cette caractéristique dans le pays d’accueil. Ce phénomène est connu en criminologie sous le nom de « ##Angbrutalisation ». Ainsi, il semblerait que, lorsque l’immigration provient d’un pays en guerre, les quatre premières variables (sexe, âge, statut socio-économique et niveau de formation) ne suffisent pas à expliquer toute la criminalité ; la nationalité entre alors aussi dans le modèle explicatif, en cinquième position. Au contraire, lorsque l’immigration provient de pays non en guerre, la nationalité n’explique rien de plus que ce qui est déjà expliqué par les quatre premières variables.

      Mentionnons encore que le phénomène de « brutalisation » que nous avons évoqué ci-dessus explique également pourquoi les Etats qui ont réintroduit la peine de mort aux Etats-Unis ont connu ensuite une augmentation de leur criminalité violente [5]… En effet, lorsque l’État procède lui-même à des exécutions capitales, il désinhibe les citoyens en les confortant dans l’idée que la violence est une manière adéquate de résoudre les conflits, augmentant ainsi le nombre de crimes violents. Le même effet de « brutalisation » permet probablement aussi de comprendre pourquoi, en Suisse, la punition ordinaire qu’infligent certains parents à leurs enfants lorsque ceux-ci font une bêtise est l’enfermement dans la chambre, alors qu’il s’agit – aux yeux de la loi pénale – d’une séquestration, passible d’une peine privative de liberté de cinq ans… Nous sommes donc tous brutalisés par nos systèmes étatiques respectifs que nous reproduisons ensuite, sans même nous en rendre compte, à plus petite échelle.
      IV. Considérations de politique criminelle

      Nous savons donc maintenant que les variables qui expliquent le phénomène criminel sont dans l’ordre :

      Le sexe ;
      L’âge ;
      Le niveau socio-économique ;
      Le niveau de formation ;
      La nationalité (parfois).

      La question qu’il reste à résoudre est de savoir comment cette connaissance peut être transposée en termes de mesures de prévention du crime. Si l’on prend les variables dans leur ordre d’importance explicative du phénomène criminel, on devrait envisager en premier lieu une politique de réduction de la masculinité… Il va néanmoins de soi que des politiques préconisant l’élimination des hommes ou l’encouragement de la natalité féminine contreviendraient non seulement à notre droit, mais seraient également fondamentalement contraires à notre sens de l’éthique. Les mêmes griefs peuvent d’ailleurs être avancés contre des politiques qui préconiseraient une élimination ou une ghettoïsation des jeunes. Quant à une politique de « dénatalisation », elle irait à l’encontre de l’intérêt de l’Etat à long terme.

      Notons néanmoins que, pour ce qui est de la variable sexe, la féminisation d’une société ne passe pas forcément par une féminisation physique, mais pourrait tout aussi bien être à caractère sociologique. Cela reviendrait donc à rejeter les valeurs généralement attribuées à la gent masculine (tel le machisme) et à favoriser des valeurs que la société attribue plus volontiers aux femmes (telles que la tendresse).

      En troisième lieu – donc après le sexe et l’âge –, il serait envisageable de songer à une prévention du crime passant par davantage d’égalité entre les habitants d’un pays et donc à éviter toute « société à deux vitesses ». Puis, en quatrième lieu, il s’agirait d’envisager une amélioration du niveau de formation des plus démunis et des moins bien formés.
      V. Conclusion

      Si l’on cherche véritablement à lutter contre le crime et que l’on désire investir dans les mesures qui ont le plus grand potentiel de succès, il est impératif de commencer par envisager une action sur les variables les plus explicatives de la criminalité. Sachant par ailleurs que l’action sur le sexe et sur l’âge est difficilement réalisable et surtout éthiquement douteuse, les actions les plus à même de combattre le phénomène criminel semblent manifestement être les actions sociale[6] et éducative.

      Comme le fait de s’attaquer à la taille des personnes, s’en prendre aux migrants consiste donc à se tromper de cible. Sans compter par ailleurs qu’il n’est pas certain qu’une politique d’élimination des étrangers soit vraiment plus éthique qu’une politique d’élimination des hommes ou des jeunes…
      [1] Pour des données plus précises, nous renvoyons le lecteur au site internet de l’Office fédéral de la statistique, rubrique 19 – Criminalité, droit pénal. Cela vaut d’ailleurs pour toutes les données chiffrées contenues dans le présent texte, à l’exception de celles pour lesquelles une autre source est indiquée.
      [2] Sources : sondages suisses de délinquance autoreportée, de victimisation et de sentencing.
      [3] Sources : sondages suisses et statistiques pénitentiaires américaines. Il n’existe pas en Suisse de données sur le niveau de formation des personnes condamnées et/ou incarcérées.
      [4] Cela n’implique évidemment pas que tous les hommes commettent des crimes et que les femmes n’en commettraient jamais, mais simplement que, parmi les criminels, il y a une forte surreprésentation masculine.
      [5] Dans ce contexte, l’hypothèse de la « brutalisation » a par exemple été vérifiée dans l’Etat d’Oklahoma par W. C. Bailey, « Deterrence, Brutalization, and the Death Penalty : Another Examination of Oklahoma’s Return to Capital Punishment », Criminology, vol. 36, 1998, pp. 711ss.
      [6] Dont font d’ailleurs partie les politiques d’intégration des étrangers.

      https://asile.ch/prejuge/criminalite/1-le-point-de-vue-dun-criminologue

      #préjugés #variables #sexe #âge #niveau_socio-économique #niveau_de_formation #nationalité #André_Kuhn

  • "Personne n’est capable de donner un #chiffre" : à Mayotte, le #bilan_humain du #cyclone #Chido fait toujours #débat

    Officiellement, la préfecture fait état d’une quarantaine de morts et d’autant de disparus. Mais les Mahorais interrogés par franceinfo sont persuadés que ces chiffres sont largement sous-estimés. Plusieurs élus se battent désormais pour faire toute la lumière sur le nombre de victimes.

    Combien de morts le cyclone Chido a-t-il laissés sur son passage ? Six semaines après la catastrophe qui a dévasté l’archipel, les autorités dénombrent seulement 40 morts à Mayotte ainsi qu’une « quarantaine de disparus », selon les dernières déclarations(Nouvelle fenêtre) du préfet François-Xavier Bieuville. Un décompte qui n’a presque pas bougé depuis fin décembre. Mais ce nombre, qui correspond uniquement aux décès enregistrés par le centre hospitalier de Mamoudzou, provoque l’étonnement des Mahorais.

    « Tout le monde sait que le bilan est plus important, c’est l’éléphant au milieu de la pièce », souffle Dominique Voynet, ancienne directrice de l’Agence régionale de santé de l’archipel. La députée écologiste a fait passer un amendement(Nouvelle fenêtre) à loi d’urgence pour Mayotte, adoptée(Nouvelle fenêtre) mercredi 22 janvier, pour réclamer au gouvernement un bilan exhaustif de la catastrophe dans un délai d’un mois. « La réparation, cela passe aussi par le fait de dire la vérité aux gens, explique-t-elle. Je n’ai rencontré personne qui croit à ce bilan de l’Etat. Pour autant, personne n’est capable de donner un chiffre. »

    « On a l’impression qu’on essaie de fermer les yeux »

    Au lendemain du passage de Chido, les autorités ont d’abord évoqué « plusieurs centaines » voire « quelques milliers » de morts. Et les images aériennes des paysages dévastés et des bidonvilles ravagés ont effectivement laissé craindre le pire.

    Mais au fil des jours, le gouvernement s’est montré beaucoup moins alarmiste. Le 23 décembre, le Premier ministre François Bayrou a finalement évoqué des « dizaines » et « pas des milliers » de victimes. « François Bayrou a d’abord comparé(Nouvelle fenêtre) la situation à Mayotte avec l’éruption de la Montagne Pelée en Martinique en 1902, qui a fait 30 000 morts. Il devait avoir des informations pour dire ça, s’étonne le sénateur mahorais Saïd Omar Oili. Donc quand j’entends aujourd’hui 40 morts, ça me paraît un peu hasardeux. » Et l’élu d’évoquer sa « colère » et son « incompréhension » face à ce silence des autorités.

    Dès le début, les chiffres officiels ont semé le trouble dans la population. D’autant que les témoignages et les expériences de terrain s’accordent mal avec le bilan des autorités. L’élu raconte avoir été marqué par sa visite du banga de La Vigie, un bidonville de Petite-Terre. « Arrivé sur place, j’ai vu le silence et surtout, en tant qu’élu depuis 25 ans, je n’ai pas vu mes électeurs », affirme-t-il.

    Haïdar Attoumani Saïd, co-président de la FCPE de Mayotte, ne trouve pas non plus « crédible » ce chiffre de 40 morts : « Rien que dans mon village, Acoua, il y a officiellement un mort. Mais tout le monde sait que le nombre réel est de quatre morts, témoigne-t-il. On a l’impression qu’on essaie de fermer les yeux sur cette réalité, alors que dans n’importe quelle réunion publique, tout le monde en parle. »
    "Beaucoup d’enterrements ont été faits très rapidement"

    « J’ai aussi ce sentiment de bilan très minoré, 40 morts ça me paraît très peu. Ensuite, difficile de poser un bilan définitif, avec notamment le nombre de bidonvilles touchés », témoigne Nathan Weimer, bénévole à la Protection Civile, qui a participé au déblayage à Mayotte pendant plusieurs jours en décembre. « Il est évident que les chiffres sont beaucoup plus importants. Beaucoup d’enterrements ont été faits très rapidement, parfois des clandestins qui ne voulaient pas se signaler. Je crains qu’on ne parvienne pas à déterminer le nombre de morts », craint de son côté Henri Nouri, secrétaire départemental du Snes-FSU. Cette question des inhumations effectuées dans les vingt-quatre heures pour respecter le rituel musulman(Nouvelle fenêtre) revient souvent dans les échanges. « Une source bien placée, dont je ne doute pas, m’affirme que des imams ont évoqué des enterrements de 30 personnes », assure ainsi le sénateur Saïd Omar Oili.

    Catherine Veyrier, membre du Snes-FSU, s’est fait la promesse de ne pas « lâcher l’affaire ». Elle interroge ses proches et les parents d’élèves, qui lui font tous part de leur scepticisme. « Plusieurs personnes me rapportent des enterrements d’enfants dès l’accalmie à Koungou et à La Vigie, mais il y a une anxiété dans la population, les gens ont peur de parler », confirme cette professeure d’histoire-géographie. « On m’a rapporté dans un premier temps le témoignage d’un imam qui aurait enterré environ 70 personnes, un autre qui parle de 40 », confie Younoussa Abaine, jeune retraité du service cadial(Nouvelle fenêtre) au conseil départemental. Recontacté à ce sujet le lendemain, il se montre plus prudent. « Aujourd’hui, après enquête auprès des imams et des cadis(Nouvelle fenêtre) [institution coutumière et religieuse à Mayotte], personne ne peut prouver qu’il y a eu plus de décès liés au cyclone, même si tout le monde pense le contraire. »
    "On ira jusqu’au bout de cette enquête"

    « Beaucoup de fausses informations ont circulé », assure de son côté une source proche des autorités sous couvert d’anonymat. « Les forces de l’ordre sont allées sur le terrain pour interroger les communautés et après enquête, ceux qui avaient parlé de ces enterrements se sont rétractés. Ils espéraient juste de l’argent en dédommagement. » Interrogé sur les doutes au sujet du bilan, le 8 janvier en conférence de presse(Nouvelle fenêtre), le préfet François-Xavier Bieuville a d’abord démenti le chiffre de 60 000 disparus qui a circulé(Nouvelle fenêtre). Il s’est ensuite accroché à ses chiffres provisoires et a rappelé qu’un travail d’investigation mené avec les forces de l’ordre était toujours en cours concernant la quarantaine de disparus, promettant toute la transparence sur le bilan final.

    Mais pour beaucoup, cela ne suffit pas à écarter les doutes. Saïd Omar Oili, qui siège au Sénat dans le groupe macroniste, a donc demandé à ses collègues du palais du Luxembourg l’ouverture d’une commission d’enquête(Nouvelle fenêtre) sur la gestion de Chido. « Il faut clarifier la situation et que cela nous serve de retour d’expérience, explique-t-il. Je n’arriverai pas à faire mon deuil tant que la lumière ne sera pas faite. » Mais il n’a pas trouvé beaucoup de soutiens dans son camp. « On m’a répondu que j’allais mettre en difficulté le gouvernement, peste-t-il. Mais je ne me pardonnerais pas de céder à la politique, on ira jusqu’au bout de cette enquête. »

    « Pourquoi ces corps n’auraient pas le droit à une mémoire et à un enterrement digne ? Quelle société ne veut pas connaître le nombre de morts d’une catastrophe ? s’indigne aussi Catherine Veyrier. Tout le monde s’en fout de ces décès et des enterrements illégaux, parce qu’ils concernent surtout les clandestins. » Ils sont plusieurs à soupçonner une omerta de la parole officielle. « Les autorités ne veulent pas se mouiller pour plusieurs raisons : d’abord, elles n’ont aucun chiffre sur le nombre d’habitants des bidonvilles. Et elles ont laissé ces personnes, à majorité en situation irrégulière, habiter dans ces zones dangereuses. Elles ne veulent pas être tenues responsables », estime un journaliste sur place, sous couvert d’anonymat.
    « Je ne suis pas sûr d’avoir une réponse définitive »

    La question du recensement se révèle cruciale à Mayotte, d’autant plus pour espérer faire la lumière sur le bilan définitif. L’Insee estimait la population de l’archipel à 321 000 personnes au 1er janvier 2024, soit un doublement de la population en vingt ans. Mais plusieurs élus jugent la donnée encore sous-estimée. « On fait un recensement dans un territoire où des gens entrent et sortent tous les jours. L’Insee n’a pas les moyens de percevoir la réalité de combien nous sommes », affirme le sénateur Saïd Omar Oili.

    L’Institut national de la statistique défend de son côté sa méthodologie(Nouvelle fenêtre). « Le recensement est une opération conjointe de l’Insee avec les mairies, qui n’ont pas intérêt à sous-estimer la population », explique Loup Wolff, directeur interrégional de l’Insee Mayotte-La Réunion. « Et quand on compare à la consommation de riz, à l’évolution de la consommation d’électricité, aux connexions au réseau de téléphonie… Tout converge vers nos chiffres. »

    L’Insee va désormais procéder à un nouveau recensement, qui pourrait permettre d’en savoir plus sur le bilan définitif de Chido. « Il va falloir du temps pour ce bilan et je ne suis pas sûr qu’on aura une réponse définitive. Mais on aura quand même des éléments, avec les données d’état civil, les certificats de décès… » explique Loup Wolff. Comme beaucoup, il compte aussi sur la rentrée scolaire pour affiner le bilan. « On pourra voir combien d’enfants manquent à l’appel et on pourra peut-être extrapoler sur la population générale », explique Dominique Voynet. Prévue initialement le 13 janvier et plusieurs fois décalée, la rentrée des élèves est dorénavant prévue le 27 janvier.

    https://www.francetvinfo.fr/meteo/cyclone-ouragan/cyclone-chido-a-mayotte/personne-n-est-capable-de-donner-un-chiffre-a-mayotte-le-bilan-humain-d
    #morts #compter_les_morts #disparus #catastrophe_naturelle #chiffres

  • 96 % des humains vivent encore dans leur pays natal : l’odyssée des migrations humaines s’expose à Paris

    Saviez-vous que les migrations humaines remontent à 300 000 ans ? Une exposition au musée de l’Homme explore nos origines et déconstruit les idées reçues.

    Saviez-vous que 96 % des êtres humains vivent encore dans leur pays de naissance ? Que ce chiffre est stable depuis plusieurs décennies ? Que 48 % des migrants sont des femmes ? Dans un contexte de polémiques internationales autour du phénomène migratoire, le #musée_de_l’Homme dresse un état des lieux des recherches scientifiques sur le sujet dans une exposition événement.

    Déconstruire les préjugés

    Appuyée par des disciplines comme l’anthropologie, la démographie, l’archéologie ou encore la génétique, cette initiative déconstruit les #idées-reçues sur le nombre, le profil et les motivations des candidats à l’exil. Pour incarner ces données statistiques, des parcours individuels sont aussi mis en lumière à travers des témoignages et des productions artistiques.

    Une migration vieille de 300 000 ans

    Ouvrant une fenêtre sur notre passé lointain, l’exposition rappelle enfin qu’Homo sapiens n’a cessé de se disperser sur le globe depuis 300 000 ans. Comme notre ADN, nos langues, et même nos traditions culinaires en témoignent, l’espèce humaine s’est construite à travers les #échanges et les #métissages suscités par ces #déplacements.

    https://www.geo.fr/histoire/96-des-humains-vivent-encore-dans-leur-pays-natal-l-odyssee-des-migrations-humai

    #exposition #migrations #préjugés #chiffres #statistiques #mobilité #histoire

    ping @karine4 @isskein @reka

  • [Nouvelle enquête] 4.000 ha de terres artificialisées en dix ans : le béton grignote le littoral breton
    https://splann.org/nouvelle-enquete-littoral-breton-tentation-beton

    « #splann ! » publie une enquête inédite sur l’artificialisation des côtes bretonnes et les failles de la #loi_littoral. À travers plusieurs cartes inédites et détaillées, l’enquête révèle qu’en dix ans, 4.000 ha ont été coulés sous le béton. Et rien n’arrête les bétonneuses. Surtout pas les réglementations. L’article [Nouvelle enquête] 4.000 ha de terres artificialisées en dix ans : le béton grignote le littoral breton est apparu en premier sur Splann ! | ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne.

    #Artificialisation_des_terres #artificialisation_des_sols

  • 2024, année la plus meurtrière pour les exilés à #Calais

    Au moins 89 personnes sont mortes cette année en voulant traverser la Manche. Des tentatives de plus en plus risquées, aggravées par la répression policière.

    À chaque plage son cadavre recraché par la Manche. Ces dernières semaines se sont multipliées sur la Côte d’Opale les alertes relatives à la découverte d’une dépouille rejetée par la mer. Le 21 décembre, un corps, entier mais en état de grande décomposition, a été trouvé par un riverain sur la plage de Wimereux, dans le Pas-de-Calais, non loin de l’école de voile. Un mois plus tôt, c’est un promeneur qui en repérait un autre, méconnaissable après un long séjour dans l’eau, sur la plage de Quend, au nord de la baie de Somme. Le même scénario s’est reproduit à de nombreuses reprises dans le Pas-de-Calais dernièrement : le 12 novembre à Wissant, le 17 novembre à Marck, deux fois à Calais les 6 et 14 novembre, ainsi qu’à Sangatte, au pied des falaises ivoires du cap Blanc-Nez, les 2 et 14 novembre. Si on ajoute les quatre corps repêchés au large de Calais les 5 et 6 novembre, celui retrouvé le 8 décembre en mer à hauteur d’Escalles et, enfin, la dépouille récupérée à proximité du port de Douvres, côté britannique, le 5 décembre, ce sont en tout quatorze cadavres qui ont été rendus par la Manche, la plupart dans un état de décomposition avancée, depuis début novembre. La majorité des corps retrouvés sont liés à des naufrages de « small boats » tentant de rejoindre l’Angleterre, en particulier un, survenu le 23 octobre et dont le bilan humain officiel, qui faisait état de trois morts, a été largement sous-estimé.

    Cette lugubre liste ne fait qu’illustrer la réalité plus générale observée à la frontière franco-britannique au cours de l’année qui vient de s’écouler. Alors que près de 37 000 personnes migrantes ont réussi à franchir le Channel depuis le 1er janvier, d’après le ministère de l’Intérieur britannique, Les Jours ont recensé au moins 89 exilés qui ont perdu la vie cette année dans la région, ainsi que le documente le « Mémorial de Calais », un outil interactif inédit à retrouver en bas de page. C’est, de loin, l’année la plus meurtrière à cette frontière depuis 1999 – la seconde, l’an 2000, compte 60 décès, dont 58 exilés chinois asphyxiés le même jour dans un camion. L’hécatombe, qui dure depuis vingt-cinq ans et a fait au moins 484 victimes, n’en finit pas. Retour sur ces douze mois mortifères.

    Dina Al Shammari, 21 ans, Sara El Hashimi, 6 ans, et Abdulaziz, 15 ans, sont morts de la même façon : écrasés dans des zodiacs surchargés

    « Il était environ 4 heures du matin quand nous avons commencé à embarquer sur le zodiac, près de 100 personnes attendaient sur la côte », se remémore Nour Al Shammari, 19 ans, originaire du Koweït, rencontrée à l’accueil de jour du Secours catholique à Calais. La jeune femme et sa sœur, Dina, 21 ans, sont parmi les premiers passagers à monter sur le pneumatique ce dimanche 28 juillet, sur une plage proche de Calais. Mais le trop grand nombre de candidats au passage crée rapidement une situation de chaos avant même le départ. « On s’est retrouvées coincées au milieu d’une vingtaine de personnes, nous n’arrivions plus à respirer, détaille Nour. On a crié à l’aide, mais personne n’a rien fait sur le moment et le bateau a quand même démarré. »

    « Certains passagers ont demandé assistance peu de temps après le départ, se souvient Éric, un marin qui a pris part à l’opération de sauvetage. En s’approchant, on a vu qu’il y avait de nombreuses personnes debout qui n’osaient pas bouger tellement l’embarcation était en surcharge. » Au cours de l’intervention, les sauveteurs remarquent vite Dina, inconsciente au milieu de la foule de passagers. « Un secouriste est monté au milieu de l’embarcation et l’a récupérée, puis on a tenté de la réanimer une fois à bord de notre bateau, souffle Éric, mais elle était en arrêt depuis de nombreuses minutes. C’est l’horreur complète, elle a été écrasée. » Dina Al Shammari appartenait à la minorité bidoune au Koweït. Elle avait fui avec sa famille les discriminations dont sont victimes les membres de cette communauté pour l’Allemagne en 2021, où ils avaient demandé l’asile. Déboutée au terme de la procédure, craignant une expulsion, la famille espérait trouver une seconde chance en Angleterre. La jeune femme, récemment diplômée dans le domaine de la santé en Allemagne, est morte asphyxiée.

    Les circonstances de son décès ne sont pas exceptionnelles. Le 19 juillet, Abdulaziz, un Soudanais de 15 ans, est retrouvé par les secours mort étouffé au milieu d’une embarcation de 86 personnes. Le 23 avril, à hauteur de la plage de Wimereux, cinq personnes exilées meurent après avoir été piétinées par les passagers d’un zodiac dans lequel avaient pris place près d’une centaine de personnes. Parmi les victimes, Sara El Hashimi, une fillette irakienne de 6 ans. Le 15 septembre, un nouvel incident grave à proximité de la plage d’Ambleteuse fait huit morts, écrasés dans un mouvement de panique, selon une source policière. Le 5 octobre, quatre personnes, dont un bébé de 2 ans, décèdent étouffés dans deux traversées distinctes. Selon le préfet du Pas-de-Calais, Jacques Billant, les trois adultes ont été retrouvés inanimés au fond du zodiac, « vraisemblablement écrasés et noyés dans des bousculades et dans les 40 centimètres d’eau au fond de l’embarcation pneumatique ».

    « Le bateau sur lequel se trouvaient Dina et sa famille s’est fait pirater, estime Éric, qui a discuté avec des rescapés. Des exilés, qui n’avaient pas les moyens de payer la traversée, étaient cachés dans les dunes et sont montés de force quand le zodiac a été mis à l’eau. » Ahmed El Ashimi fait un récit identique de l’événement ayant entraîné la mort de sa fille Sara. Selon les premiers témoignages, c’est également ce qu’il se serait produit, dimanche 29 décembre à Sangatte, pendant l’incident qui a fait quatre victimes. Un phénomène également constaté par les acteurs associatifs, qui a accentué les situations de panique au moment des embarquements et augmenté les risques. « On observe beaucoup de tensions lors des départs, avec beaucoup de personnes exilées qui tentent de partir au même moment, sur le même bateau, déplore Angèle Vettorello, coordinatrice d’Utopia 56 à Calais. Le tout dans un climat de violences policières, avec des interventions des forces de l’ordre qui font un usage massif de gaz lacrymogènes. »

    La stratégie policière sur le littoral est régulièrement dénoncée, qui vise à tout prix à stopper les bateaux, y compris en crevant les zodiacs à coup de couteau. Cette logique s’étend aussi à la Manche : en mars, des journalistes du consortium Lighthouse Report ont ainsi montré, vidéos à l’appui, de quelle manière les forces de l’ordre tentaient d’intercepter en mer les embarcations d’exilés, quitte à mettre sérieusement en danger les passagers. « Moins de bateaux mis à l’eau, ça ne fait pas moins de personnes qui veulent passer, constate de son côté Flore Judet, de l’association l’Auberge des migrants. Au contraire, ça va juste générer une surcharge sur les embarcations qui arriveront à prendre la mer, car les passeurs doivent y retrouver leur compte, et donc potentiellement plus de décès. »

    Ce climat sur les plages pousse alors les exilés à réaliser des tentatives toujours plus lointaines et risquées, en imaginant par exemple franchir la Manche à partir des cours des fleuves côtiers du Nord-Pas-de-Calais. Dans la nuit du 2 au 3 mars, 16 personnes, dont dix enfants et une femme enceinte, embarquent sur un petit bateau de pêche stationné sur le fleuve Aa, au niveau de la halte fluviale de Watten (Nord), à 30 km du littoral. Le moteur n’est pas démarré que le bateau chavire sous le poids des passagers. Coincée dans la cabine de pilotage, Rola Al Mayali, une enfant irakienne de 7 ans, meurt noyée sous les yeux de ses parents, Mohamed et Nour, et de ses trois frères Muhaimen, 14 ans, Hassan, 10 ans, et Moamel, 8 ans.

    La même nuit, Jumaa Al Hasan, Syrien originaire d’Alep âgé de 27 ans, disparaît dans les eaux sombres de l’Aa, un peu plus en aval du fleuve, à hauteur de Gravelines. Jumaa patientait sur la berge avec un groupe d’exilés, dans l’attente du passage d’un zodiac descendant le fleuve, quand une patrouille de police intervient afin d’empêcher l’embarquement. Dans la panique et au milieu des gaz lacrymogènes, Jumaa, espérant atteindre le zodiac, saute à l’eau, coule une première fois, remonte à la surface avant de couler de nouveau. Les alertes lancées immédiatement par les exilés présents ne permettront pas de le retrouver. Le corps inanimé de Jumaa réapparaîtra seize jours plus tard, très en aval, à hauteur de Grand-Fort-Philippe.

    « La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière », avait annoncé Emmanuel Macron, quelques heures après le terrible naufrage du 24 novembre 2021 au large de Dunkerque au cours duquel 27 personnes sont mortes et quatre ont disparu. Le bilan de l’année 2024 vient contredire de manière cinglante cette sortie du chef de l’État. Sur les 89 personnes exilées décédées à Calais cette année, au moins 53 sont mortes noyées dans la Manche. Le nombre de disparus reste pour le moment inconnu.

    Le 14 janvier, cinq exilés syriens, Aysar Abd Rabou (26 ans) et son frère Abadeh (14 ans), Ayham Al-Shouli (24 ans), Mohamed Jabawi (16 ans) et Ali Al Oklah (25 ans), se noient à quelques dizaines de mètres de la digue de Wimereux (Pas-de-Calais). Nous avions raconté la douloureuse épreuve liée à l’identification des victimes à laquelle ont été confrontés leurs proches (lire l’épisode 10, « À Calais, des exilés en quête de tombeau »). Le 28 février, Eren Gündogdu, Kurde de Turquie âgé de 22 ans, meurt en mer au cours d’une traversée au large de Wissant. Trois autres personnes sont toujours portées disparues. Le 12 juillet, quatre personnes de nationalité somalienne périssent après qu’un zodiac s’est renversé au large de Boulogne-sur-Mer. Cinq jours plus tard, Dakhlac, une femme érythréenne de 32 ans, décède au large de Gravelines. Le 11 août, deux exilés afghans, Fazal Rabi et Ishanullah, meurent au large de Calais. Le 3 septembre, dix femmes et deux hommes, tous originaires d’Érythrée, sombrent dans un naufrage au large du cap Gris-Nez. Le bateau pneumatique se serait affaissé sur lui-même sous le poids des passagers. Une treizième victime, Kbaat Gebrehiwet, Érythréenne de 20 ans, est retrouvée deux semaines plus tard après que son corps a été repêché en mer, au large d’Ambleteuse.

    Énumération atroce d’événements tragiques à répétition se déroulant à trois heures de Paris. Le 3 septembre, sur un quai du port de Boulogne-sur-Mer, le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Gérald Darmanin, fustige « les passeurs, ces criminels, responsables du naufrage » ayant provoqué la mort de douze personnes. Dans une tribune parue dans Le Monde mi-septembre, un collectif d’associatifs lui répond et dénonce « une politique mortifère » menée à la frontière « qui crée les conditions pour que les personnes se jettent dans les bras des trafiquants d’êtres humains et meurent en mer ». À Calais, Dunkerque, Boulogne-sur-Mer ou encore Ambleteuse se succèdent des commémorations organisées par des associatifs ou des habitants pour rendre hommage aux victimes (lire l’épisode 9, « Voir Calais et se souvenir, 376 fois »). Le 17 octobre, Meryem, un bébé de deux mois et demi, meurt noyée au cours d’un naufrage au large de Wissant. La famille de Meryem, originaire du Kurdistan irakien, espérait elle aussi rejoindre le Royaume-Uni et ainsi échapper au risque d’expulsion après le rejet de leur demande d’asile en Allemagne. La frontière n’offre aucun répit.

    À ces morts en mer s’ajoute une série de décès, parfois invisibles médiatiquement, survenus à terre au cours de cette année. Le 27 janvier, le Soudanais Adam Abderrahmane Ediya est mort dans des conditions atroces : alors qu’il avait réussi à se cacher dans la remorque d’un camion en partance pour l’Angleterre, il a été écrasé et transpercé par la cargaison du véhicule, probablement mal stabilisée. Le 8 février, Radu-Ion Meterca, 44 ans et originaire de Roumanie, meurt électrocuté par un caténaire après être monté sur le toit d’un Eurostar stationné Gare du Nord, à Paris, et à destination de Londres. Le 14 décembre, à Loon-Plage, Hadu et Hamid, deux exilés kurdes iraniens, sont victimes, avec trois autres hommes de nationalité française, d’une tuerie collective perpétrée par Paul Domis, ancien routier, inscrit à club de tir et amateur de chasse…

    Dans un tweet daté du 3 octobre, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, en marge du G7, constatait avec son homologue britannique Yvette Cooper que « l’efficacité des forces de l’ordre pour empêcher les traversées vers le Royaume-Uni avait des conséquences néfastes avec une augmentation des décès et des violences entre migrants et envers les forces de l’ordre ». Une déclaration qui constitue à la fois une reconnaissance de responsabilité et une euphémisation de ces morts, ramenés à des simples « conséquences néfastes ». En mars dernier, Ahmed a assisté, impuissant, à la noyade de Jumaa Al Hasan dans le fleuve Aa : « Les policiers présents ont vu couler Jumaa, nous les avons alertés, mais ils n’ont rien fait. Si un chien était en train de se noyer, ils l’auraient secouru. » En reprenant son souffle, le Syrien conclut : « Certes, nous sommes en situation irrégulière, nous n’avons pas de papiers, nous n’avons rien, mais nous restons des êtres humains. »

    https://lesjours.fr/obsessions/calais-migrants-morts/ep11-bilan-2024

    #bilan #2024 #migrations #réfugiés #frontières #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #chiffres #statistiques #Manche #France #UK #Angleterre

  • Les #sols sont largement pollués par les #microplastiques

    Une étude de l’Ademe publiée le 26 décembre fait état d’une présence massive de microplastiques dans les sols, en particulier agricoles. Une pollution en grande partie due à un tri des déchets défaillant, d’après ces travaux inédits en France.

    C’est une première du genre. Si jusqu’ici la #contamination des eaux et des océans par les plastiques, objet de nombreuses recherches, était connue, celle des sols l’est beaucoup moins. Jeudi 26 décembre, l’Ademe est venue combler ce manque en publiant une étude sur la présence de microplastiques sous nos pieds. Le résultat n’est pas beau à voir : les trois quarts des sols examinés par l’Agence de la transition écologique sont contaminés par des produits issus de la dégradation de matières plastiques.

    Pour arriver à ce résultat, l’Ademe a examiné 33 sols différents, parmi lesquels 29 sols agricoles (grandes cultures, prairies, vignes, vergers), et 4 sols forestiers. Elle y a détecté, pour 76 % d’entre eux, des microplastiques d’une taille comprise entre 0,3 et 5 mm. Autrement dit, certains sont invisibles à l’œil nu, mais un kilo de sol sec contient en moyenne 15 particules de microplastiques, selon l’étude. La plupart de ces résidus appartenant au polyéthylène, la matière plastique la plus commune.

    « Nous avons été surpris par la quantité de microplastiques, témoigne auprès de Mediapart Roland Marion, directeur de l’économie circulaire à l’Ademe. Nous nous doutions que ces particules étaient présentes dans les sols mais aucune étude quantifiée avec ce niveau de détail n’avait été faite auparavant et l’on ne pensait pas que le pourcentage de sol touché serait aussi élevé. »

    Pour l’Ademe, la nouvelle est à prendre au sérieux, et il va falloir poursuivre les travaux au-delà de cette première étude, qui ne porte que sur 33 échantillons. Car ce qui est en jeu, c’est une pratique qui se voulait écologique : le #tri et le #recyclage des déchets – les #biodéchets, issus de la décomposition des aliments, permettant de remplacer les engrais chimiques dans les champs agricoles. Or ce tri est mal fait, et ces fertilisants à base de matières naturelles contiennent des tas de #résidus issus de la dégradation d’#emballages plastiques. L’agence a analysé 167 échantillons de matières organiques ; 166 d’entre eux comprenaient des microplastiques.

    « Notre étude pointe les pratiques de collecte et de tri des déchets, poursuit Roland Marion. Il y a, en amont, un tri qui peut être mal réalisé dans les foyers. Il faut comprendre que ce que l’on fait chez nous a un impact sur ce qui est épandu dans les champs... Mais il y a aussi des outils industriels défectueux. Ils sont censés séparer les biodéchets du reste, mais le plastique passe malgré tout. C’est le cas notamment des #TMB [#tri_mécano-biologique, ndlr], on en compte une quarantaine sur le territoire. »

    Les défauts de cette technologie sont connus, et les produits organiques issus de ce tri ne pourront plus être épandus sur les sols agricoles à partir de 2027. Au vu des résultats de son étude, cependant, l’Ademe préconise de cesser cet usage dès à présent. « On peut recycler ces déchets autrement, par exemple en les mettant dans un méthaniseur, pour produire du gaz », précise Roland Marion.

    Le tri des déchets et le #paillage en cause

    Autre technologie à l’origine de la pollution des sols : le « paillage » à base de films plastiques. Ces grandes bâches, utilisées en agriculture pour recouvrir les sols afin d’y retenir chaleur et humidité et empêcher les « mauvaises herbes », entraînent elle aussi une infiltration de produits plastiques dans les parcelles. « Bien que les films soient retirés des sols en fin de cultures, les fragments de films au #polyéthylène ont été retrouvés sans les huit sous-parcelles d’essai, écrit l’Ademe. Des fragments de films biodégradables ont également été retrouvés au moins cinq ans après la fin des paillages. »

    Le plastique n’est pourtant pas indispensable dans cette technique de couverture des sols qui présente l’avantage de se passer de produits chimiques. Le paillage peut en effet se faire avec de la matière végétale (terreau de feuilles mortes, paille, copeaux de bois, chanvre…). « Les toiles ou bâches plastiques utilisées comme paillage sont nocives pour la vie des sols et la biodiversité, lit-on sur le site de l’Office français pour la biodiversité (OFB). Au bout d’un certain temps, le soleil et la pluie dégradent ce plastique en micro et nanoparticules, qui vont contaminer durablement les sols et l’eau. Il est absolument nécessaire d’éviter d’utiliser ce type de paillage. Même les paillages en #bioplastiques sont à écarter : certains sont biodégradables, mais pas tous. De plus, leur recyclage est très difficile voire impossible. »

    L’alternative est donc toute trouvée, et elle est en réalité déjà pratiquée par de nombreuses personnes. À quand des mesures du ministère de l’agriculture pour réduire cet usage du plastique dans les champs ?

    Ces bâches sont « une vraie catastrophe », souligne Marc-André Selosse, biologiste spécialiste des sols. « On sait qu’on ne peut pas éliminer le plastique, une fois qu’il est là, il est là pour toujours… Donc il faut tout faire pour ne pas l’introduire. »

    Le chercheur rattaché au Museum national d’histoire naturelle, « seulement à moitié étonné par l’étude de l’Ademe », reconnaît que les effets du plastique sur les sols sont encore mal connus. « Mais il a un effet sur la #biodiversité, c’est certain, puisqu’il est absorbé par toute la faune qui vit sous nos pieds. Or c’est un cancérogène et un #perturbateur_endocrinien. C’est donc une pression de plus, qui s’ajoute à tout ce que les animaux des sols subissent déjà avec les pesticides, le labour, le changement climatique… Cela commence à faire beaucoup ! »

    Et pour ne rien arranger, l’intrusion du plastique dans les sols les rend plus hydrophobes ; autrement dit cela réduit leur capacité à retenir l’eau. « Or il nous faut de l’eau dans les sols pour nos étés secs... », rappelle le scientifique.

    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/261224/les-sols-sont-largement-pollues-par-les-microplastiques
    #plastiques #pollution #France #statistiques #chiffres

  • Suivi du #droit_à_la_vie – Année #2024

    En 2024, 10 457 personnes sont mortes à la frontière occidentale euro-africaine.

    Notre rapport “Droit à la vie 2024” fait état de la période la plus meurtrière jamais enregistrée, avec des chiffres dévastateurs de 30 morts par jour en moyenne. Parmi les victimes figurent 421 femmes et 1 538 enfants et adolescents.

    La route de l’Atlantique, avec 9 757 morts, reste la plus meurtrière au monde. Les tragédies ont particulièrement augmenté sur la route mauritanienne, consolidant ce pays comme le principal point de départ vers les îles Canaries. La route algérienne, en mer Méditerranée, est la deuxième plus meurtrière selon nos registres, avec 517 victimes. Le #détroit_de_Gibraltar a coûté la vie à 110 personnes et 73 autres ont perdu la vie sur la #route_d’Alboran. En outre, 131 bateaux ont été perdus avec toutes les personnes à bord.

    L’omission du devoir de sauvetage et l’#externalisation des frontières et du sauvetage sont parmi les principales causes de l’augmentation du nombre de décès aux frontières de l’État espagnol

    Outre ces chiffres, le rapport Droit à la Vie 2024 dénonce les principales causes de cette augmentation des naufrages et des victimes. Parmi les causes principales, nous soulignons l’omission du devoir d’assistance, la priorisation du contrôle migratoire sur le droit à la vie, l’externalisation des frontières dans des pays sans ressources adéquates, l’inaction et l’arbitraire dans les sauvetages, la criminalisation des organisations sociales et des familles, ainsi que les situations d’extrême vulnérabilité qui poussent les migrants à se jeter à la mer dans des conditions très précaires.

    Les #femmes confrontées à la #violence_structurelle à la frontière

    Le rapport analyse également la situation des femmes lors des traversées migratoires, qui se font principalement dans des embarcations pneumatiques entre #Agadir et #Dakhla. En transit, ces femmes subissent des violences, des #discriminations, du #racisme, des #expulsions et des #violences_sexuelles, et sont contraintes de survivre dans des conditions extrêmes qui les poussent à la #mendicité, à la #prostitution et à des #emplois_précaires, tout en risquant d’être recrutées par des réseaux de trafiquants d’êtres humains.

    Un nombre croissant de femmes migrantes se déplacent en #pirogue depuis le #Sénégal, la #Gambie et la #Mauritanie pour échapper aux conflits et à l’impact du #changement_climatique dans les régions appauvries. On observe également une présence croissante de femmes sur la route des #Baléares en provenance d’Afrique centrale et occidentale, traversant la Libye et la Tunisie et subissant des violences, de l’#esclavage, des #féminicides raciaux et des #déplacements_forcés vers l’#Algérie.

    Le manque de protection des #enfants sur les routes migratoires

    Notre rapport fait état d’une augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents sur les principales routes migratoires vers l’Espagne, qui continuent de souffrir d’un manque de protection et de garanties de la part des autorités. Ces mineurs sont traités comme des migrants plutôt que comme des enfants, et sont donc exposés au marketing politique et sont la cible de discours de haine, ce qui les expose à des situations dans lesquelles leurs droits sont violés.

    La situation est particulièrement critique aux #îles_Canaries, où des enfants non identifiés comme tels vivent avec des adultes dans des centres d’accueil, une réalité qui les expose à de graves dangers.

    Il reste difficile pour les familles de dénoncer et de rechercher leurs #enfants_disparus le long des routes migratoires

    Un autre aspect analysé dans le rapport Droit à la vie 2024 est la réalité des familles qui recherchent leurs proches #disparus à la frontière occidentale euro-africaine. Malgré quelques progrès dans la réception des plaintes et des exemples de bonnes pratiques, les obstacles à l’exercice de leurs droits restent nombreux, et les difficultés à prélever des échantillons d’ADN ou à déposer des plaintes sont particulièrement choquantes. Ces familles sont ainsi re-victimisées par un système qui les stigmatise et considère leurs proches comme des victimes de seconde zone. En l’absence de garanties pour l’exercice de leurs droits, les familles courent le risque de tomber entre les mains de bandes d’extorqueurs.

    Face à ces situations difficiles, les familles s’organisent en réseaux communautaires et se tournent vers la famille élargie pour surmonter les obstacles qui les empêchent de retrouver leurs proches. Chaque année, les familles à la recherche de leurs proches sont confrontées à un système de mort systématique aux frontières qui fait des milliers de victimes comme celles décrites dans ce rapport.

    https://caminandofronteras.org/fr/monitoreo/suivi-du-droit-a-la-vie-annee-2024
    #caminando_fronteras #rapport #route_Atlantique #Espagne #statistiques #chiffres #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #migrations #réfugiés #identification #disparitions #missing

    ping @6donie

  • La France accueille-t-elle vraiment beaucoup de migrants ?

    L’extrême droite a fait de l’#immigration son cheval de bataille au point où la thématique a irrigué dans la société française. Pourtant, la France ne joue qu’un rôle timide dans le système migratoire contemporain.

    La migration internationale peut être définie a minima comme le changement (de lieu ou de pays) de résidence principale.

    L’information sur les phénomènes migratoires internationaux est plus complexe à saisir qu’il n’y paraît. Elle concerne, d’une part, les déplacements observés entre des pays (les migrations proprement dites) et d’autre part, le nombre de personnes qui ont changé de pays de résidence entre deux dates (les migrants). Ces deux informations sont fondamentalement différentes puisqu’un seul migrant peut avoir effectué plusieurs migrations au cours d’une période donnée.

    Les phénomènes migratoires sont observés selon trois points de vue :

    - depuis les pays de départ (l’émigration)

    – dans les pays d’arrivée ou de résidence (l’immigration)

    - en termes de flux (migratoires ou de migrants) entre les pays de départ et d’arrivée.

    Des données complexes

    Les données collectées sont archivées dans des tableaux qui ne sont pas parfaits, pour plusieurs raisons. La mesure des phénomènes migratoires est généralement lacunaire, car les tableaux ne retiennent qu’une seule migration par personne et par période. Elle est par ailleurs imparfaite, car elle est soumise à la déclaration des États, lesquels disposent de leurs propres définitions et dispositifs de collecte qui ne sont pas toujours équivalents entre eux.

    Pour autant, des données nationales portant sur le nombre d’immigrés (et d’émigrés) par pays sont régulièrement harmonisées et consolidées au niveau mondial par différents organismes faisant autorité. C’est le cas de l’organisation internationale des Nations unies dont la division Population produit régulièrement une base de données intitulée « International migrant stock » (stock ou effectif international de migrants). Cette base se présente sous la forme d’un tableau à double entrée qui croise les pays (groupes de pays et régions du monde) de départ avec ceux d’arrivée. Sur chacune des cellules issues du croisement est porté un nombre de migrants observé à une date donnée. Ce tableau est complexe : il est décomposable en sous-tableaux portant sur le nombre de migrants par pays (ou groupes de pays), selon leur genre, à différentes dates.

    Des cartes trompeuses

    Pour mieux (se) représenter les données de tableaux d’une telle complexité, certains acteurs en proposent, à juste titre, une application cartographique.

    Le problème est que nombre de cartographies qui en découlent ne décrivent pas fidèlement la répartition des migrants internationaux et/ou leurs migrations. La complexité des données impose en effet d’enchaîner plusieurs opérations de sélection ou de filtrage de l’information à cartographier, sans compter leur stylisation graphique, pour aboutir à une image fidèle de la réalité des données.

    Le fait que nombre de cartes dédiées aux migrations internationales soient tronquées (par exemple : limitées aux flux dirigés vers l’Europe, est loin d’être anodin, encore moins dans le contexte politique actuel. Cette manière de faire pose un réel problème de société, car les cartes correspondantes véhiculent une information erronée sur l’ampleur des migrations, sur leur temporalité et leur étendue géographique. De surcroit, elles ne portent jamais sur l’émigration.

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    Comme l’ont souligné le géographe Rodrigo Bueno Lacy et l’économiste Henk van Houtum, un nombre croissant d’acteurs, notamment des autorités politiques, font un usage cartographique fallacieux de cette information sensible.

    Au-delà des procédés de représentation cartographique proprement dits, les cartes de flux d’immigration diffusées auprès du grand public présentent souvent trois grands écueils :

    - elles ne représentent habituellement que certains pays d’accueil – généralement ceux de l’Europe de Schengen, comme si l’Europe était seule au monde

    - elles ne montrent que certains types d’immigrants – plutôt des hommes provenant d’Afrique sub-saharienne ou de Syrie

    - elles oublient de mentionner qu’elles décrivent la stratification des migrations passées et non les mouvements observés au cours de l’année. Par conséquent, les effectifs dits de migrants, qui sont en réalité ceux des personnes étrangères et immigrées observées dans un pays, correspondent à un cumul. Ils ne décrivent pas un instantané de leur nombre, en un lieu et à un moment donné.

    Pour illustrer cette différence entre un effectif et un mouvement migratoire, prenons l’exemple de la France. En 2019, on dénombre en France 8,4 millions de personnes immigrées, ce qui correspond à un effectif cumulé au cours du temps. Pour la seule année 2020, l’Insee mentionne un flux d’immigration (entrant) de 218 000 personnes et un flux d’émigration (sortant) de 58 000 personnes, soit un bilan migratoire net de + 160 000 personnes en France.
    Un outil pour permettre une représentation honnête des données

    Pour permettre d’examiner les migrations de manière honnête, en essayant d’objectiver la réalité, nous avons construit #MigrExplorer, une famille d’outils cartographiques permettant une exploration des données de l’ONU précitées, suivant différents paramètres : le genre, la date d’observation, l’immigration, l’émigration, le pays ou la région du monde.

    MigrExplorer est composée de plusieurs applications qui permettent de montrer des singularités du phénomène migratoire et de répondre factuellement à de multiples questions, du type :

    – Quelle est la répartition mondiale des personnes étrangères, en termes d’immigration et en termes d’émigration ?

    - Quelle est la place de la France dans l’accueil des personnes de nationalité étrangère ?

    - Dans quels pays les personnes de nationalité française sont-elles installées ?

    Des pays d’émigration qui ne sont pas ceux qu’on imagine

    D’après les données de l’ONU, à l’échelle mondiale, il convient de noter que la part de personnes étrangères dans la population totale, celles qualifiées de « migrants » n’a pas évolué de manière significative depuis une dizaine d’années : elle est en effet passée de 3,2 % en 2010 à 3,5 % en 2019, soit 0,3 % d’augmentation en neuf ans.

    La planche ci-dessous décrit l’immigration et l’émigration cumulées par pays en 1990, en 2015 (au moment de la crise des politiques migratoires européennes) et en 2019 (juste avant la pandémie de Covid-19). Les cartes formant cette petite collection sont strictement comparables d’une année à l’autre.

    Concernant l’émigration (cartes de gauche), en 1990, ce sont les ressortissants de la Fédération de Russie qui résident le plus à l’étranger, suivis de ceux de l’Afghanistan et de l’Inde. La situation diffère légèrement en 2015, avec l’Inde qui occupe la 1re place, suivie du Mexique puis de la Fédération de Russie. En 2019, l’Inde et le Mexique sont toujours les deux premiers pays d’émigration, mais ils sont suivis par la Chine, la Fédération de Russie et le Bangladesh, à la 5e position.

    Le premier pays africain, l’Égypte, occupe la 19e place mondiale en termes d’émission de migrant·e·s au niveau mondial et ces personnes s’installent de manière préférentielle dans des pays non européens.

    Les Égyptiens qui résident à l’étranger sont surtout installés dans leur voisinage : en Arabie saoudite (938 649), aux Émirats arabes unis (886 291) et au Koweït (410 831). Il faut attendre le 14e pays d’accueil pour trouver un territoire européen : la France avec 34 064 Égyptiens (27 fois moins qu’en Arabie saoudite).

    Du point de vue de l’immigration (cartes de droite), les États-Unis d’Amérique occupent de loin le premier rang de l’accueil de populations étrangères. Ils sont suivis par la Fédération de Russie en 1990 et en 2015. L’Allemagne est le premier pays européen à se distinguer, elle apparaît en 2019 en seconde position, suivie par l’Arabie saoudite, la Fédération de Russie et le Royaume-Uni qui occupe la 5e place.

    La France, en tant que 7e pays le plus riche du monde, arrive en 6e position pour l’accueil de populations étrangères en 2019.
    D’où proviennent les immigrés présents en France ?

    En France, l’immigration contemporaine provient principalement des pays du Maghreb et de l’Europe méditerranéenne : l’Algérie arrive en effet en première position avec 1 575 528 personnes (effectif cumulé). Elle est suivie du Maroc (1 020 162) et du Portugal (687 530), puis de la Tunisie (427 897) et de l’Italie (343 255).

    L’immigration française actuelle ne concerne donc pas à proprement parler les ressortissants des pays de l’Afrique subsaharienne qui sont aujourd’hui largement stigmatisés dans les médias et dans les familles politiques de l’extrême droite. Le premier pays d’Afrique subsaharienne arrive en douzième position. Il s’agit de Madagascar, avec 132 574 Malgaches résidant en France. Vient ensuite le Sénégal, en treizième position, avec 129 790 personnes résidant en France.

    Quant à l’émigration française, elle concerne en premier lieu l’Espagne (209 344), la Belgique (194 862) et les États-Unis d’Amérique (189 395).

    D’après l’Insee, le solde migratoire net de la France est stable entre 1975 et 1999 (date du dernier recensement exhaustif de la population), à + 65 000 personnes en moyenne par an, avant de connaître une hausse jusqu’en 2018.

    Rappelons en conclusion que la France contemporaine présente effectivement une figure cosmopolite : des recherches récentes de l’INED montrent que 40 % de la population actuelle a « un lien direct avec l’immigration parce qu’elle est immigrée ou a un parent ou grand-parent immigré ».

    Cet état de fait témoigne de la tradition française d’accueil de populations étrangères et cela, depuis plusieurs siècles. Le nouveau parcours permanent du Musée national de l’Histoire de l’Immigration illustre cette ancienneté de l’immigration française au travers de la série de cartes que nous avons réalisé.

    https://images.theconversation.com/files/605026/original/file-20240704-17-bnlej0.pngSi la couverture française mondiale en termes d’immigration apparaît trop large aux yeux de l’extrême droite, que celle-ci se remémore l’étendue de l’empire colonial français qui était, elle, maximale en 1931, il y a encore moins d’un siècle. Si la France est à géométrie variable, depuis plusieurs siècles, elle n’a cessé de se rétrécir ces dernières décennies, notamment au gré des décolonisations : va-t-elle faire le choix de s’enfermer (sur) elle-même ?

    https://theconversation.com/la-france-accueille-t-elle-vraiment-beaucoup-de-migrants-232954
    #invasion #rhétorique #afflux #migrations #réfugiés #visualisation #cartographie #émigration #chiffres #statistiques #monde

    ping @karine4 @fbahoken
    merci @olaf —> ton signalement me permet de le mettre ici

  • #Cartographie des #accidents

    L’outil cartographique permet de visualiser les accidents corporels de la #circulation_routière enregistrés par les forces de l’ordre, ainsi que les victimes de ces accidents, en France métropolitaine et outre-mer, ces dernières années jusqu’en 2023 (dernière année officielle). Il est aussi possible de superposer avec les emplacements des radars automatiques fixes. Par défaut la carte affiche les accidents mortels de 2023.

    https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/cartographie-des-accidents-metropole-dom-tom

    #visualisation #France #statistiques #chiffres #sécurité_routière #décès #accidents_mortels

    déjà signalé par @monolecte :
    https://seenthis.net/messages/986993

    • @grommeleur oui c’est une carto de tous les accidents de circulation recensés. Avec tous les détails sur chacun d’eux, et possibilité de filtrer précisément et afficher par région/dép/commune, période, type d’accident, gravité, type de véhicule et personnes impliquées, âge, genre, et même météo... à partir de 2014.

  • Rapport 2024 de l’Observatoire des #expulsions de lieux de vie informels : la santé évincée !

    L’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, dont le CNDH Romeurope fait partie, publie son 6ème rapport annuel. Au total, 1 484 expulsions ont été recensées sur tout le territoire français, du 1er novembre 2023 au 31 octobre 2024 : une augmentation de 34 % par rapport à l‘année précédente.

    DES EXPULSIONS RÉALISÉES AU MÉPRIS DES #DROITS DES PERSONNES

    Cette année encore, ces expulsions se sont déroulées au mépris des droits des personnes. 94 % des expulsions ont été mises en œuvre sans qu’un diagnostic préalable des #vulnérabilités des habitant·es n’ait été réalisé, allant à l’encontre de l’instruction du 25 janvier 2018 encadrant la résorption des #habitats_informels. Autre marque de non-respect de cette instruction, 88 % des expulsions ne sont pas accompagnées de propositions d’#hébergement pour les personnes, qui sont contraintes de retourner à l’#errance.

    Ces expulsions sont également marquées par des #violences envers les personnes. Ainsi, 87 % des expulsions ont été accompagnées d’une #destruction ou d’une #confiscation_des_biens des habitant·es.

    LES IMPACTS DES EXPULSIONS SUR LA SANTÉ DES PERSONNES

    Ce 6ème rapport de l’Observatoire s’est penché sur les effets des expulsions sur les #inégalités_environnementales de santé. Plusieurs professionnel·les de santé et associations témoignent de multiples conséquences directes des expulsions qui mettent en danger la santé des personnes : perte des documents médicaux, rendez-vous médicaux manqués, éloignement des lieux de soins, liens rompus avec les soignant·es, dégradation de l’état de santé, etc.

    Par ailleurs, l’Observatoire constate qu’afin de limiter les risques d’expulsions, les personnes sont contraintes de s’invisibiliser en s’installant dans des environnements souvent nocifs pour leur santé : proximité de déchetteries et de sites industriels, bordures de routes, sols pollués, zones exposées aux intempéries, etc…

    Pour mettre en avant des bonnes ou mauvaises pratiques d’(in)action publique face aux injustices environnementales, trois exemples sont analysés dans le rapport :

    - Le #saturnisme sur la #Butte_de_Montarcy – Comment la #santé_environnementale peut être un levier pour la #mise_à_l’abri
    - L’expulsions de “#Gens_du_Voyage sédentaires” à #Nemours – Un cas emblématique de violations des droits et de surexposition aux #nuisances_environnementales
    - L’#éloignement progressif des personnes exilées vers une zone industrielle loin des services de #soins à #Grande-Synthe et #Dunkerque

    https://www.romeurope.org/rapport-annuel-de-lobservatoire-des-expulsions-2024
    #rapport #France #accès_aux_soins #Roms #statistiques #chiffres #2023 #violence
    via @fil
    ping @karine4

  • On est les meilleurs !
    Entre 2020 et 2022, 13 pays de l’UE ont enregistré au moins 488 décès en garde à vue ou lors d’interventions policières. La France présente les chiffres les plus élevés, suivie de l’Irlande, de l’Espagne et de l’Allemagne. La plupart des pays européens ne respectent pas les critères des Nations unies en matière d’enquête sur les décès survenus en garde à vue.

    https://voxeurop.eu/fr/morts-police-operations-detention-europe

  • Drownings and Deterrence in the #Rio_Grande

    More women and children are drowning trying to reach the US as Texas and Mexico militarize the border. Record requests reveal the soaring death toll in the Rio Grande amid official undercounts.

    The river separating the US and Mexico, called the Rio Grande or Río Bravo, has become a graveyard for migrants, many of whose deaths are never recorded by authorities on either side of the border.

    The number of people crossing the river in order to enter the US has soared in recent years. In 2021, the state of Texas launched a multi-billion dollar initiative to stop asylum seekers from stepping foot in the US, called Operation Lone Star, erecting hundreds of miles of razor wire, floating buoys and other barriers. Meanwhile in Mexico, the number of troops on its northern border doubled by 2022. Yet the number of deaths continued to climb.

    Lighthouse Reports, in partnership with The Washington Post in the US and El Universal in Mexico, spent a year collecting and analysing data from every Texas county and Mexican state along the Rio Grande. We found at least 1,107 people drowned crossing the Rio Grande between Texas and Mexico from 2017 to 2023, a figure significantly higher than has been previously reported.

    In Texas, we documented 858 migrant drownings, while the U.S. Customs and Border Protection (CBP), which is legally mandated to record migrant deaths, recorded 587 along the entire southwest border. In Mexico, where no single agency is comprehensively documenting migration-related deaths, we found records of 249 people who drowned in the river.

    The deadliest stretch of the river during this time was the Texan city of Eagle Pass, which has been described as “ground zero” for Operation Lone Star. While most bodies were found near the city’s international bridges prior to 2021, as more border barriers were erected under Operation Lone Star, more drowning victims were found further downstream.

    While the data alone was insufficient to establish whether Operation Lone Star caused more deaths, experts said militarization on both sides of the border had pushed some people to cross in more remote and dangerous parts of the river.

    Our data on drownings reveals the changing demographic of those dying in the Rio Grande as more families with children attempted to cross. In 2023 about one in five drowning victims was a woman and one in ten a child. More people from nationalities other than Mexican were increasingly dying in the river. After peaking in 2022, drowning deaths dropped in 2023 but analysis of available data for 2024 indicates they are rising again.
    METHODS

    We requested records of drowning deaths in the Rio Grande from 165 local, state, and federal agencies in the United States and Mexico. Eventually, 52 sources provided data after hundreds of emails, phone calls, and 25 in-person visits to local offices across Texas. Many of the agencies approached responded that they do not keep these records, some charged prohibitive fees to access the information or simply refused to answer. Data availability and completeness were particularly problematic in Mexico.

    Incomplete official data in both the US and Mexico leave many deaths uncounted. We benchmarked our data against CBP’s publicly-available figures and underlying data obtained by journalists and researchers through Freedom of Information Act requests. Our data on child drownings was benchmarked against the International Organization for Migration’s missing migrants which is compiled using both official records and media monitoring.

    To investigate the impact of Texas’ border barriers on the frequency and location of drowning deaths, we mapped nearly 250 miles of state and federal security infrastructure on the border, including fences, federal border walls, containers and a floating buoy barrier, by analysing satellite imagery and official reports. We also plotted the locations of drowning victims using geographic coordinates and by reviewing location descriptions in incident reports. This enabled us to compare drowning trends with changes in security infrastructure, although we were not able to establish a causal relationship using statistical analysis due to data limitations.

    This methodology describes our data collection and analysis in more detail.
    STORYLINES

    Four-year old Angelica was found clinging to her father’s lifeless body in the Rio Grande near Eagle Pass, Texas. Her family, originally from Venezuela, had fled the brutal economic and political situation in their home country, and were seeking a better life in the United States. The entire family, Angelica’s father, mother, uncle, and 11-year-old brother, Santiago, drowned while trying to wade across the Rio Grande in November 2023. Angelica was the only survivor.

    Carolina, 27, and her children Kylian, 3, and baby Noel, just two months old, fled the dictatorship in Nicaragua to join her husband in the United States. Both of the children drowned in August 2022, in the same section of river, where police and soldiers have been deployed to stop asylum seekers from touching US soil.

    Militarizing the river is a binational effort. In 2022, as the number of drowning deaths peaked, so did Mexico’s deployment of soldiers to turn back asylum seekers: more than 11,500 soldiers from the Army and the National Guard were sent that year, double the number in 2019, when Mexico first deployed its military as immigration enforcers.

    In Texas, under Operation Lone Star, more than 10,000 National Guard soldiers and police have been deployed to the river, since it began in March 2021.

    The militarization of immigration has made migration more lethal, especially for vulnerable women and children, experts said. Jerónimo del Río García, a researcher at the Foundation for Justice and the Democratic Rule of Law, said the militarization of migration policy in Mexico has triggered an increase in human rights violations: persecution, abuse of power, and cruel treatment. They use a “military logic of fighting the enemy,” he said. “This has translated into more severe and cruel treatment against the migrant population, which has made them opt for alternative routes with a series of risks. Let’s say that it’s not that the armed forces directly causes the drownings, but it is a factor that indirectly influences them,” he said.

    https://www.lighthousereports.com/investigation/drownings-and-deterrence-in-the-rio-grande

    –—
    Rio Grande Methodology


    https://www.lighthousereports.com/methodology/rio-grande

    #chiffres #statistiques

    #rivière #USA #Etats-Unis #Mexique #frontières #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #migrations #réfugiés #dissuasion #enquête #contre-enquête

    via @fil

  • L’#essentiel sur... les #immigrés et les #étrangers

    Combien y a-t-il d’immigrés et d’étrangers en France ? Quelle est l’évolution des flux migratoires ? Quelle est leur situation face à l’emploi ? Quelle est la fécondité des femmes immigrées ?…

    L’essentiel sur… les immigrés et les étrangers fournit des éléments de cadrage pour aborder ces questions, à l’aide de chiffres clés représentés de manière visuelle et d’un court commentaire.

    https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212

    #statistiques #chiffres #fact-checking #migrations #INSEE #France #visualisation #graphiques #démographie

    cité ici :
    Le projet de loi immigration instrumentalise la #langue pour rejeter des « migrants »
    https://seenthis.net/messages/1025157

    ping @karine4 @reka

    • Quelle est la fécondité des femmes immigrées ?… quant à la fécondité des natives femmes d’immigrés pourquoi la question n’est jamais abordée ?