• #Christian_Estrosi voit sa #condamnation confirmée pour #diffamation envers un universitaire engagé dans une association d’aide aux migrants

    La cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé ce mercredi 20 mars la condamnation du maire de Nice pour diffamation envers un universitaire azuréen, engagé dans une association d’aide aux migrants.

    Christian Estrosi (Horizons) a vu sa condamnation pour diffamation confirmée ce mercredi 20 mars par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône.

    #Pierre-Alain_Mannoni, géographe niçois, avait été poursuivi pour avoir brièvement hébergé trois Erythréennes dans un centre de vacances français désaffecté, avant de les conduire en voiture à une gare pour qu’elles puissent être soignées à Marseille.

    Une décision de relaxe en 2017, qui a été définitivement confirmée en 2020, avait provoqué la colère du maire de Nice qui avait alors estimé que Pierre-Alain Mannoni « favorisait le travail des passeurs ».

    « Comment ces individus peuvent-ils nous certifier qu’ils ne font pas rentrer des terroristes sur notre sol en violant la loi comme ils le font ? », avait écrit l’élu sur X, anciennement Twitter. L’élu a depuis quitté ce réseau social.

    #Plainte pour diffamation

    Pierre-Alain Mannoni avait alors porté plainte pour diffamation. En première instance, en juin 2021, le tribunal correctionnel de Nice avait condamné le maire à 3.000 euros d’amende et 5.000 euros de dommages et intérêts.

    En janvier 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait infirmé ce jugement et relaxé M. Estrosi. Mais, en juin 2023, la Cour de cassation avait invalidé cette décision et l’avait renvoyée à la cour d’appel. Mercredi, cette dernière a confirmé le jugement de première instance.

    « Justice a été faite, le maire de la cinquième ville de France a jeté mon client en pâture et il a été sanctionné. » (Maeva Binimelis, avocate de Pierre-Alain Mannoni à l’Agence France-Presse)

    L’avocat de M. Estrosi, Me Gérard Baudoux, a annoncé un nouveau pourvoi en Cassation.

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/nice/christian-estrosi-condamne-pour-diffamation-envers-un-u

    #frontière_sud-alpine #asile #migrations #réfugiés #solidarité #criminalisation_de_la_solidarité #justice #Alpes_Maritime

  • La Terre-Mère contre Dieu le Père
    https://laviedesidees.fr/La-Terre-Mere-contre-Dieu-le-Pere

    Le monde chrétien affiche une indifférence égalitaire à la différence des sexes, mais il est en réalité très inégalitaire avec les #femmes. Dieu le père a remplacé l’imaginaire païen de la terre-mère, qui vante la commune appartenance à Gaïa. À propos de : Émilie Hache, De la génération. Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production, Les Empêcheurs de penser en rond

    #Philosophie #religion #féminisme #mythologie #christianisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/2020318_vuillerod.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/2020318_vuillerod.pdf

  • Au Maroc, le renouveau d’un christianisme aux accents subsahariens
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/18/au-maroc-le-renouveau-d-un-christianisme-aux-accents-subsahariens_6217160_32

    Au Maroc, le renouveau d’un christianisme aux accents subsahariens
    Par Frédéric Bobin (Casablanca, Rabat Envoyé spécial)
    Yeux clos, mains jointes, corps se balançant au rythme des suppliques du chœur – « Dieu, ne nous laisse pas tomber ! » –, le cénacle de fidèles est plongé dans une intense émotion. Ici et là, un doigt essuie une larme. Ce dimanche 28 janvier, l’Assemblée des missionnaires de Jésus-Christ célèbre son culte hebdomadaire dans un appartement situé en sous-sol d’un immeuble de Riad El-Oulfa, un quartier populaire de Casablanca. (...) L’Eglise du pasteur Silas, à Casablanca, n’est que l’une des manifestations d’un phénomène bien plus large au Maroc, celui des « Eglises de maison » (car nées dans des appartements privés) d’obédience néopentecôtiste ou charismatique, issue du protestantisme africain. Leur essor depuis les années 2000, nourri par les flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne, a revitalisé le christianisme au Maghreb. Alors que l’Europe s’efforce de verrouiller ses frontières, la rive méridionale de la Méditerranée abrite des communautés migrantes s’étoffant au fur et à mesure qu’est entravé leur exode vers le nord. De couloirs de transit, ces pays se transforment à leur insu en espaces de sédentarisation propices à un réveil du christianisme, puisque ces voyageurs bloqués sont souvent catholiques ou protestants.
    Qu’un tel retour de la foi chrétienne en terre d’islam s’opère, venant du Sud africain et non du Nord européen désamorce, certes, l’inquiétude, qui affleure parfois dans certains milieux musulmans, d’une nouvelle « colonisation religieuse ». Il n’en a pas moins des conséquences sociétales, parfois délicates à gérer. Le Maroc a, jusque-là, plutôt bien manœuvré, si on le compare aux autres pays maghrébins, comme la Tunisie, marquée, en 2023, par un déchaînement de violences contre les migrants subsahariens. La dimension religieuse était sous-jacente dans cet accès de xénophobie et transparaissait dans la diatribe du président Kaïs Saïed dénonçant des « hordes de migrants clandestins » au service d’un « complot » visant à éloigner la Tunisie de ses « racines arabo-islamiques ».Au Maroc, la très officielle politique d’ouverture vers le sud du continent – marquée par l’accueil de milliers d’étudiants africains boursiers à partir des années 1980 – a limité le développement de telles théories conspirationnistes. Le phénomène est en tout cas spectaculaire. « Le Maroc a connu une redynamisation inattendue par les migrations africaines d’un christianisme qui s’éteignait lentement depuis l’indépendance [de 1956] », écrivent les anthropologues Sophie Bava (Institut de recherche sur le développement), et Bernard Coyault dans l’ouvrage de référence sur le sujet, Dieu va ouvrir la mer. Christianismes africains au Maroc (Kulte Editions, 2022, Rabat) codirigé avec le photographe franco-marocain Malik Nejmi.
    Le spectacle d’églises et de temples revivifiés dans les principales villes du Maroc, emplis de fidèles et résonnant de cantiques, tranche avec l’état de décrépitude qui caractérisait la scène chrétienne locale jusqu’à la fin des années 1980. A ce sujet, le pasteur Samuel Amedro, président, entre 2010 et 2015, de l’Eglise évangélique au Maroc (EEAM, principale institution protestante dans le royaume, issue de l’Eglise réformée de France), aime à raconter une anecdote : « En 1986, l’Eglise réformée de France envoya une mission d’audit au Maroc. Elle constata qu’il n’y avait presque plus de protestants dans le pays. Née dans le sillage des garnisons du protectorat français, l’Eglise protestante au Maroc paraissait vouée à une disparition inexorable après l’indépendance du pays et le départ des Français. L’afflux des étudiants et des migrants africains aura inversé la tendance. (...)
    Cette « africanisation » des Eglises, si elle a mis fin au déclin du christianisme au Maroc, n’est pas allée sans turbulences internes. Les tensions les plus vives ont été observées au sein de la mouvance protestante. La nouvelle génération de fidèles, imprégnée d’un pentecôtisme africain à la spiritualité ostentatoire (prières à voix haute, longueur des chants, expressions extatiques, etc.), s’est vite sentie à l’étroit dans une « Eglise de Blancs » aux pratiques « classiques ». A ces divergences cultuelles se sont ajoutées des crispations hiérarchiques. « Il était parfois difficile d’appliquer des décisions de synodes auprès de paroisses locales soucieuses de leur autonomie », rapporte Karen Smith, actuelle présidente de l’EEAM. Dans les années 2000, dissidences et scissions ont placé l’Eglise protestante au bord de l’implosion. Elle a fini par trouver un équilibre qui demeure précaire. Si l’Eglise catholique a moins tangué, la cohabitation entre ses différentes composantes n’a rien d’évident. A Rabat comme à Casablanca, les Européens fréquentent peu les cathédrales du centre-ville, où se concentrent les Africains, leur préférant les églises de leurs quartiers résidentiels. Mais c’est bel et bien l’irruption multiforme des « Eglises de maison » – galaxie néopentecôtiste et charismatique informelle, la plus ancrée parmi les migrants – qui a posé le principal défi aux Eglises dites « officielles ».
    Le milieu est fluide, mouvant, mais il prospère sur un terreau fertile, celui d’attentes spirituelles de communautés en souffrance, auxquelles des « entrepreneurs religieux » charismatiques offrent une espérance. Ces nouveaux guides sont parfois connectés aux très influentes « Eglises du réveil » d’Afrique centrale, notamment celles de la République démocratique du Congo (RDC), dotées de ramifications transnationales. Le dynamisme de ces « Eglises de maison » cache mal toutefois une grande fragilité. Dépourvues de statut légal – elles ne sont pas intégrées dans l’EEAM –, elles sont potentiellement ciblées par les autorités marocaines, soucieuses de garder sous contrôle le champ religieux du pays.
    Références bibliques
    Les références bibliques dans leur exil : là est la clé de la cristallisation d’une nouvelle « théologie de la migration », selon la formule de Sophie Bava. « Dans la théologie de la migration, il y a toute cette mise en récit des événements de la Bible comme si chaque personnage allait devenir un des acteurs des premiers temps du christianisme », relève la chercheuse. La traversée du désert, la sortie d’Egypte, la mer Rouge s’ouvrant vers la Terre promise : la Bible ne manque pas d’épisodes résonnant avec l’odyssée des migrants contemporains.Selon les circonstances sera mobilisée la figure de Moïse (livre de l’Exode) guidant à travers la mer miraculeusement ouverte son peuple traqué par le « mauvais » pharaon, ou celle de Joseph (livre de la Genèse) élevé aux plus hautes fonctions royales par un « bon » pharaon. « L’habitus [le comportement, les rituels] des “Eglises de maison” ainsi que les productions religieuses qu’elles génèrent se construisent à travers un processus d’encodage de l’expérience migratoire dans l’univers biblique », décrypte Bernard Coyault, par ailleurs directeur du Centre d’études afro-européennes et des sciences des religions, rattaché à la Faculté universitaire de théologie protestante de Bruxelles.

    Face à ce foisonnement du paysage chrétien au Maroc, les Eglises « officielles » protestante et catholique s’inquiètent d’un emballement incontrôlable – en particulier le risque d’un repli identitaire et fondamentaliste. Elles ont donc décidé d’agir de concert pour poser un cadre minimal. Ainsi a été fondé, en 2012, à Rabat, l’Institut Al-Mowafaqa (« l’accord »), un centre de formation théologique chrétien. L’initiative, soutenue par les autorités, est unique en pays musulman. Elle prépare à une licence de théologie en liaison avec l’Institut catholique de Paris et la Faculté de théologie protestante de l’université de Strasbourg. Ainsi se forme sur le territoire marocain une partie du personnel religieux destiné à encadrer une demande en plein essor. « Jusqu’alors, on courait les paroisses sans disposer des prêtres et des pasteurs nécessaires, et sans pouvoir les faire venir de l’extérieur », se souvient le père Daniel Nourissat, curé de la cathédrale de Rabat. (...) D’un autre côté, les autorités marocaines projettent l’image d’une diplomatie religieuse active, notamment vis-à-vis du continent africain. En décidant de régulariser, entre 2013 et 2018, la situation de plus de cinquante mille migrants, Rabat a, en outre, arraché de facto nombre d’adeptes de la clandestinité des « Eglises de maison », où ils se terraient jusque-là pour échapper à de régulières rafles policières. L’idée d’une telle remise à plat avait germé au sein du Conseil national des droits de l’homme, un organisme officiel dont le président Driss El-Yazami (2011-2018), ancien exilé politique en France revenu au Maroc, s’était ému du spectacle de ces lieux de culte de l’ombre. « Je me rappelle qu’en France, dans les années 1970, les musulmans devaient se cacher pour prier, avait déclaré M. El-Yazami, en 2014. Je ne veux pas que des chrétiens vivent cela au Maroc. »

    Les deux vagues de régularisations des années 2010 ont permis d’apaiser les relations entre « Eglises de maison » et autorités marocaines, jusqu’alors empreintes d’une vive défiance. L’époque est révolue où les fidèles se rendaient au culte discrètement, deux par deux, ou chantaient à voix basse – consignes de prudence destinées à ne pas attirer l’attention de voisins marocains soupçonneux et parfois prompts à appeler la police. « Nous sommes désormais tolérés, mais nous ne sommes toujours pas légaux », regrette Jean-Jumel Massembila Lande, pasteur originaire de la République démocratique du Congo.
    Car les régularisations passées n’ont pas mis fin à la précarité de nombre de migrants, tenus de renouveler leurs permis de résidence annuels dans des conditions administratives souvent kafkaïennes. Elles n’ont pas non plus réglé la question du statut des « Eglises de maison », faute d’affiliation à l’EEAM, laquelle reste délicate en raison de divergences cultuelles persistantes. (...) Après des années de tâtonnements parfois conflictuels s’est ainsi forgé un compromis chrétien au Maroc – « un deal très subtil », souligne un familier du dossier. Le royaume y a conforté sa réputation d’Etat « ouvert » et respectueux de la « liberté de culte », un des atouts de son soft power à l’étranger, en Europe comme en Afrique. Quant aux Eglises officielles, elles ont gagné en tranquillité, après avoir présenté les garanties requises pour parer à tout procès en prosélytisme.Cette relative pacification dans le champ institutionnel laisse toutefois un goût d’inachevé. Elle maintient à la marge les « Eglises de maison », certes intégrées dans des formations à l’Institut Al-Mowafaqa, mais toujours dépourvues de statut. Elle relègue surtout dans l’oubli la question des Marocains convertis au christianisme, une communauté évaluée entre deux mille et six mille personnes, dont les représentants se plaignent de persécutions de la part des autorités.Sur ce point, le Maroc n’a pas évolué. Si sa Constitution reconnaît la liberté de culte, elle méconnaît toujours la liberté de conscience, la tentative d’introduire ce concept ayant échoué lors de la révision de la Loi fondamentale de 2011. La nuance nie toute légitimité aux conversions de Marocains à une autre religion que l’islam et limite du même coup la portée de la « tolérance religieuse » dont le royaume se prévaut officiellement.

    #Covid-19#migrant#migration#maroc#afrique#religion#christianisme#routemigratoire#sante

  • Non, le « #choc_des_civilisations » n’aide pas à comprendre notre époque

    Depuis le 7 octobre, les idées du professeur américain #Samuel_Huntington sont à nouveau vantées, au service d’un idéal de #repli_identitaire. Pourtant, ces thèses fragiles ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique.

    C’est un des livres de relations internationales les plus cités au monde. Publié en 1996, trois ans après un article dans Foreign Affairs, Le Choc des civilisations a fourni un concept qui a proliféré dans le débat public. À la faveur de sa republication en poche aux éditions Odile Jacob, la journaliste et essayiste Eugénie Bastié a eu une révélation : son auteur, le politiste Samuel Huntington (1927-2008), était le prophète de notre époque. Sacrément épatée, elle affirme dans Le Figaro que « chaque jour, l’actualité donne raison » à ce livre « majeur ».

    Elle n’est ni la première ni la seule à le penser. À chaque attentat ou chaque guerre mettant aux prises des belligérants de religions différentes, la théorie est ressortie du chapeau comme une grille explicative. Depuis les massacres du Hamas du 7 octobre, c’est à nouveau le cas. Dans Le Point, Franz-Olivier Giesbert n’a pas manqué de la convoquer dans un de ses éditoriaux. Dans la plus confidentielle et vénérable Revue politique et parlementaire, un juriste s’est appuyé sur Huntington pour conclure tranquillement à « une certaine incompatibilité civilisationnelle entre Arabes et Israéliens et, partant, entre Orient et Occident ».

    Huntington pensait qu’avec la fin de la Guerre froide, les #facteurs_culturels allaient devenir prédominants pour expliquer la #conflictualité dans le système international. Il ajoutait que les risques de conflictualité seraient maximisés aux points de rencontre entre « #civilisations ». À l’en croire, ces dernières seraient au nombre de neuf. La #religion serait un de leurs traits distinctifs essentiels, parmi d’autres caractéristiques socio-culturelles ayant forgé, selon lui, des différences bien plus fondamentales que celles qui existent entre idéologies ou régimes politiques.

    De nombreuses critiques ont été faites aux thèses d’Huntington. Aujourd’hui, ces dernières sont largement considérées comme infirmées et inutilisables dans sa propre discipline. Elles ne sont plus reprises que par des universitaires qui ne sont pas spécialistes de relations internationales, et des acteurs politico-médiatiques qui y trouvent un habillage scientifique aux obsessions identitaires qui les habitent déjà.

    Il faut dire que dans la réflexion d’Huntington, la reconnaissance des #identités_civilisationnelles à l’échelle globale va de pair avec un rejet du multiculturalisme à l’intérieur des États. Eugénie Bastié l’a bien compris, se délectant des conclusions du professeur américain, qu’elle reprend à son compte : « La #diversité est bonne au niveau mondial, mortifère au niveau national. L’#universalisme est un danger à l’extérieur, le #multiculturalisme une #menace à l’intérieur. »

    Des résultats qui ne collent pas

    Le problème, c’est que les thèses d’Huntington ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique. Comme l’a déjà rappelé Olivier Schmitt, professeur à l’Université du Sud au Danemark, des chercheurs ont « testé » les prédictions d’Huntington. Or ils sont tombés sur des résultats qui ne collent pas : « Les actes terroristes, comme les conflits, ont historiquement toujours eu majoritairement lieu – et continuent d’avoir majoritairement lieu – au sein d’une même civilisation. »

    Dans Philosophies du multiculturalisme (Presses de Sciences Po, 2016), le politiste Paul May relève que « les arguments avancés par Huntington pour justifier sa thèse du choc des civilisations ne reposent pas sur de larges analyses empiriques, mais plutôt sur une série d’anecdotes et d’intuitions ». Il dresse le même constat à propos des alertes angoissées d’Huntington sur le supposé moindre sentiment d’appartenance des #minorités à la nation états-unienne, notamment les Hispaniques.

    Huntington procède en fait par #essentialisation, en attribuant des #valeurs_figées à de vastes ensembles socio-culturels, sans prendre au sérieux leur #variabilité dans le temps, dans l’espace et à l’intérieur des groupes appartenant à ces ensembles. Par exemple, son insistance sur l’hostilité entre l’#Occident_chrétien et la #civilisation_islamique néglige de nombreux épisodes de coopération, d’influences mutuelles, d’alliances et de renversement d’alliances, qui ont existé et ont parfois répondu à des intérêts politico-stratégiques. Car si les #identités_culturelles ont bien un potentiel mobilisateur, elles sont justement intéressantes à enrôler et instrumentaliser dans une quête de puissance.

    Le « #déterminisme_culturaliste » d’Huntington, écrivait le professeur Dario Battistella dès 1994, « mérite une #critique approfondie, à l’image de toutes les explications unifactorielles en sciences sociales ». Au demeurant, les frontières tracées par Huntington entre les civilisations existantes reposent sur des critères peu clairs et discutables. Le chercheur Paul Poast a remarqué, dans un fil sur X, que ses choix aboutissent à une superposition troublante avec une carte des « races mondiales », « produite par Lothrop Stoddard dans les années 1920, [ce dernier étant connu pour être] explicitement un suprémaciste blanc ».

    Les mauvais exemples d’#Eugénie_Bastié

    Les exemples mobilisés par Eugénie Bastié dans Le Figaro illustrent toutes les limites d’une lecture outrancièrement culturaliste de la réalité.

    « Dans le cas du conflit israélo-palestinien, écrit-elle, l’empathie n’est plus dictée par des choix rationnels ou idéologiques mais par des appartenances religieuses et identitaires. » Il était toutefois frappant, avant le 7 octobre, de constater à quel point les États du monde arabe et musulman s’étaient désintéressés de la question palestinienne, l’un des objectifs du #Hamas ayant justement été de faire dérailler la normalisation des relations en cours. Et si la composante islamiste de l’identité du Hamas est indéniable, la situation est incompréhensible sans tenir compte du fait qu’il s’agit d’un conflit pour la terre, que d’autres acteurs palestiniens, laïques voire, socialisants, ont porté avant le Hamas.

    Concernant l’#Ukraine, Bastié explique qu’« entre un Ouest tourné vers l’Occident et un Est russophone, Huntington prévoyait trois scénarios : une Ukraine unie pro-européenne, la division en deux avec un est annexé à la Russie, une Ukraine unie tournée vers la Russie. On sait désormais que l’on s’achemine plus ou moins vers le deuxième scénario, le plus proche du paradigme du choc des civilisations. »

    Remarquons d’abord la précision toute relative d’une théorie qui « prédit » des issues aussi contradictoires. Soulignons ensuite que malgré tout, Huntington considérait bien que « si la #civilisation est ce qui compte, la probabilité de la #violence entre Ukrainiens et Russes devrait être faible » (raté). Pointons enfin la séparation caricaturale établie par l’essayiste entre les parties occidentale et orientale du pays. Comme l’a montré l’historien Serhii Plokhy, les agressions russes depuis 2014 ont plutôt contribué à homogénéiser la nation ukrainienne, « autour de l’idée d’une nation multilingue et multiculturelle, unie sur le plan administratif et politique ».

    Enfin, Bastié devait forcément glisser qu’Huntington a formulé sa théorie du choc des civilisations avant même les attentats du 11 septembre 2001, censés illustrer « la résurgence du conflit millénaire entre l’islam et l’Occident ».

    Reprenant sa critique du politiste américain à l’aune de cet événement, Dario Battistella a cependant souligné que « loin de constituer les prémices d’une bataille à venir entre deux grandes abstractions, #Occident et #Islam, les attentats du 11 septembre sont bien l’expression d’une forme pervertie de l’islam utilisée par un mouvement politique dans sa lutte contre la puissance hégémonique américaine ; quant aux bombardements américano-britanniques contre Al-Qaïda et les talibans, ce sont moins des croisades que des opérations de police, de maintien de la “pax americana”, entreprises par la puissance impériale et sa principale alliée parmi les puissances satisfaites de l’ordre existant. »

    À ces illustrations guère convaincantes du prophétisme de Samuel Huntington, il faut ajouter les exemples dont Eugénie Bastié ne parle pas, et qui ne collent pas non plus avec sa grille de lecture.

    Avec la tragédie du Proche-Orient et l’agression russe en Ukraine, l’autre grand drame historique de cette année s’est ainsi joué en #Arménie et en #Azerbaïdjan, avec le #nettoyage_ethnique du #Haut-Karabakh. Or si ce dernier a été possible, c’est parce que le régime arménien a été lâché par son protecteur russe, en dépit de populations communiant majoritairement dans le #christianisme_orthodoxe.

    Cet abandon, à laquelle la difficile révolution démocratique en Arménie n’est pas étrangère, a permis au dirigeant azéri et musulman #Ilham_Aliev de donner libre cours à ses ambitions conquérantes. L’autocrate a bénéficié pour cela d’armes turques, mais il a aussi alimenté son arsenal grâce à l’État d’Israël, censé être la pointe avancée de l’Occident judéo-chrétien dans le schéma huntingtonien interprété par Eugénie Bastié.

    Le côté « chacun chez soi » de l’essayiste, sans surprendre, témoigne en parallèle d’une indifférence aux revendications démocratiques et féministes qui transcendent les supposées différences civilisationnelles. Ces dernières années, ces revendications se sont données à voir avec force en Amérique latine aussi bien qu’en #Iran, où les corps suppliciés des protestataires iraniennes témoignent d’une certaine universalité du combat contre la #domination_patriarcale et religieuse. Cela ne légitime aucune aventure militaire contre l’Iran, mais rappelle que toutes les actions de soutien aux peuples en lutte pour leurs droits sont positives, n’en déplaise au fatalisme huntingtonien.

    On l’aura compris, la thématique du choc des civilisations n’aide aucunement à comprendre notre chaotique XXIe siècle. Il s’agit d’un gimmick réactionnaire, essentialiste et réductionniste, qui donne une fausse coloration scientifique à une hantise du caractère mouvant et pluriel des identités collectives. Sur le plan de la connaissance, sa valeur est à peu près nulle – ou plutôt, elle est la pire manière d’appeler à prendre en compte les facteurs culturels, ce qui souffre beaucoup moins la contestation.

    Sur le plan politique, la théorie du choc des civilisations est un obstacle aux solidarités à construire dans un monde menacé par la destruction de la niche écologique dont a bénéficié l’espèce humaine. Ce sont des enjeux de justice climatique et sociale, avec ce qu’ils supposent de réparations, répartition, redistribution et régulation des ressources, qu’il s’agit de mettre en avant à toutes les échelles du combat politique.

    Quant aux principes libéraux et démocratiques, ils méritent également d’être défendus, mais pas comme des valeurs identitaires opposées à d’autres, dont nous serions condamnés à vivre éloignés. L’universalisme n’est pas à congédier parce qu’il a servi d’alibi à des entreprises de domination. Quand il traduit des aspirations à la paix, à la dignité et au bien-être, il mérite d’être défendu, contre tous les replis identitaires.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/231223/non-le-choc-des-civilisations-n-aide-pas-comprendre-notre-epoque
    #Palestine #Israël

    #Huntington

  • The Late Great Planet Earth
    https://en.m.wikipedia.org/wiki/The_Late_Great_Planet_Earth
    Dans ce livre vous apprenez pourquoi il faut soutenir Israël. Sans ses jufs the holy land n’est pas prêt pour l’ultime combat entre Gog et Magog précédant l’enlèvement et la rédemption finale.

    On va tous clamser mais seulement moi et mes fidèles réssusciterons. En attendant il faudrait me donner tout votre argent, vos femmes et vos autres possessions. Qu’on s’amuse un peu ;-)
    Vive l’apocalypse !

    The Late Great Planet Earth is a treatment of literalist, premillennial, dispensational eschatology. As such, it compared end-time prophecies in the Bible with then-current events in an attempt to predict future scenarios resulting in the rapture of believers before the tribulation and Second Coming of Jesus to establish his thousand-year (i.e. millennial) kingdom on Earth. Emphasizing various passages in the books of Daniel, Ezekiel and Revelation, Lindsey originally suggested the possibility that these climactic events might occur during the 1980s, which he interpreted as one generation from the foundation of modern Israel during 1948, a major event according to some conservative evangelical schools of eschatological thought. Cover art of the Bantam edition suggested that the 1970s were the “era of the Antichrist as foretold by Moses and Jesus,” and termed the book “a penetrating look at incredible ancient prophecies involving this generation.” Descriptions of alleged “fulfilled” prophecy were offered as proof of the infallibility of God’s word, and evidence that “unfulfilled” prophecies would soon find their denouement in God’s plan for the planet.

    He cited an increase in the frequency of famines, wars and earthquakes, as major events just prior to the end of the world. He also foretold a Soviet invasion of Israel (War of Gog and Magog). Lindsey also predicted that the European Economic Community, which preceded the European Union, was destined (according to Biblical prophecy) to become a “United States of Europe”, which in turn he says is destined to become a “Revived Roman Empire” ruled by the Antichrist. Lindsey wrote that he had concluded, since there was no apparent mention of America in the books of Daniel or Revelation, that America would not be a major geopolitical power by the time the tribulations of the end times arrived. He found little in the Bible that could represent the U.S., but he suggested that Ezekiel 38:13 could be speaking of the U.S. in part.

    Although Lindsey did not claim to know the dates of future events with any certainty, he suggested that Matthew 24:32-34 indicated that Jesus’ return might be within “one generation” of the rebirth of the state of Israel, and the rebuilding of the Jewish Temple, and Lindsey asserted that “in the Bible” one generation is forty years. Some readers accepted this as an indication that the Tribulation or the Rapture would occur no later than 1988. In his 1980 work The 1980s: Countdown to Armageddon, Lindsey predicted that “the decade of the 1980s could very well be the last decade of history as we know it”.

    The Late Great Planet Earth was the first Christian prophecy book to be published by a secular publisher (Bantam, 1973) and sell many copies. 28 million copies had sold by 1990..

    Je n"ai d’abord pas voulu y croire mais il est documenté que l’imbécile de Bush junior a fait de bric-à-brac religieux sa ligne de mire quand il a lancé sa guerre contre la terreur.

    A propos de l’édition de 2016

    Author(s): Hal Lindsey; Carole C. Carlson

    Description:

    The impact of The Late Great Planet Earth cannot be overstated. The New York Times called it the “no. 1 non-fiction bestseller of the decade.” For Christians and non-Christians of the 1970s, Hal Lindsey’s blockbuster served as a wake-up call on events soon to come and events already unfolding — all leading up to the greatest event of all: the return of Jesus Christ. The years since have confirmed Lindsey’s insights into what biblical prophecy says about the times we live in. Whether you’re a church-going believer or someone who wouldn’t darken the door of a Christian institution, the Bible has much to tell you about the imminent future of this planet. In the midst of an out-of-control generation, it reveals a grand design that’s unfolding exactly according to plan. The rebirth of Israel. The threat of war in the Middle East. An increase in natural catastrophes. The revival of Satanism and witchcraft. These and other signs, foreseen by prophets from Moses to Jesus, portend the coming of an antichrist . . . of a war which will bring humanity to the brink of destruction . . . and of incredible deliverance for a desperate, dying planet.

    #guerre #religiin #prohéties #USA #Israël #Palestine #christianisme #judaïsme #wtf #parousie #sionisme_chrétien

    • #millénarisme #Israël #complotisme #religions #théories_claquées_du_cul

      Pour documenter le sujet :
      https://journals.openedition.org/kentron/1384

      Les premiers jalons du millénarisme s’inscrivent dans la tradition de la prophétie apocalyptique et, à ce titre, ils ont pu subir l’influence de l’Iran ancien et du judaïsme. Le paganisme grec a eu également un rôle à jouer. C’est pourquoi les premiers textes traitant du millénarisme présentent des motifs semblables à ceux des « utopies anciennes » qui exposent la découverte de contrées extraordinaires où la nature donne spontanément ses fruits en abondance et où règne l’entente générale ; de même, la cité de la nouvelle Jérusalem, régie par le Christ pendant son règne de mille ans, rappelle les cités antiques idéales, où peut s’épanouir un bonheur collectif. Toutefois, la perspective religieuse particulière dans laquelle s’inscrivent les textes retenus pour cette étude fait naître des différences – notamment la dimension du futur ou la dimension verticale du voyage qui mène à la cité idéale – ; celles-ci n’empêchent cependant pas les auteurs millénaristes de s’attacher aux images traditionnelles de terres eu-topiques, de les enrichir et de fournir ainsi un ferment utopique qui pourra se développer ultérieurement.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Mill%C3%A9narisme

  • La bande à Néron
    https://laviedesidees.fr/Petit-Scelerati-Antiques-sadiques-diaboliques

    Dans l’Antiquité, les criminels mythologiques ou historiques n’étaient pas nécessairement inhumains. Ils nous montrent que nos évidences n’ont rien d’universel, surtout quand elles touchent à des catégories aussi essentielles que le bien et le mal. À propos de : Caroline Petit, Scelerati. Antiques, sadiques et diaboliques, Les Belles Lettres

    #Histoire #Antiquité #christianisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231201_mechants.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231201_mechants.docx

  • La communauté grecque-orthodoxe de Gaza dommage collatérale d’un bombardement israélien | Terresainte.net
    https://www.terresainte.net/2023/10/la-communaute-grecque-orthodoxe-de-gaza-dommage-collaterale-dun-bombard

    Dans la soirée de jeudi 19 octobre, les locaux de la paroisse grecque-orthodoxe Saint Porphyrios à Gaza ont subi d’importants dommages lors d’un bombardement israélien visant un croisement de routes à proximité. Un batiment s’est partiellement écroulé. On fait état de blessés dont plusieurs enfants. Le Hamas parle de morts sans que d’autres sources l’aient encore confirmé. Des victimes seraient encore sous les décombres imposants d’après les premières images.

    Dans un communiqué publié après minuit, le patriarcta grec-orthodoxe « exprime sa plus ferme condamnation des frappes aériennes israéliennes qui ont frappé son église dans la ville de Gaza. »

  • Moore Perspective: Studying Romans and Galatians: An Introduction (Part 1 of 2)
    http://kmooreperspective.blogspot.com/2023/09/studying-romans-and-galatians.html

    Judaizers were Jewish converts to Christianity who held on to tenets of the Jewish religion and tried to bind them on non-Jewish Christians as conditions of salvation and fellowship (cf. Acts 15:1-5, 24; 2 Cor. 10–13; Gal. 1:7; 2:4-5, 11-16; 3:1; 4:17; 5:7-12; 6:12-13; Phil. 3:1-11).

    A good definition.

    #definitions #Judaizers #Christianity #Bible

  • Matthäus 10, Lutherbibel 2017
    https://www.bibleserver.com/LUT/Matth%C3%A4us10%2C34

    Il y a 2000 ans Jésus est venu apporter la paix sur terre ? Erreur. Ce n’est pas le message que nous ont relayé ses apôtres. Excusez-moi, chers amis chrétiens, mais il va falloir que vous m’expliqiez encore une fois pourquoi vos convictions et engagements seraient paisibles voire pacifistes.

    34 Ihr sollt nicht meinen, dass ich gekommen bin, Frieden zu bringen auf die Erde. Ich bin nicht gekommen, Frieden zu bringen, sondern das Schwert. 35 Denn ich bin gekommen, den Menschen zu entzweien mit seinem Vater und die Tochter mit ihrer Mutter und die Schwiegertochter mit ihrer Schwiegermutter. 36 Und des Menschen Feinde werden seine eigenen Hausgenossen sein. 37 Wer Vater oder Mutter mehr liebt als mich, der ist meiner nicht wert; und wer Sohn oder Tochter mehr liebt als mich, der ist meiner nicht wert. 38 Und wer nicht sein Kreuz auf sich nimmt und folgt mir nach, der ist meiner nicht wert. 39 Wer sein Leben findet, der wird’s verlieren; und wer sein Leben verliert um meinetwillen, der wird’s finden.

    Aufnahme um Jesu willen

    40 Wer euch aufnimmt, der nimmt mich auf; und wer mich aufnimmt, der nimmt den auf, der mich gesandt hat. 41 Wer einen Propheten aufnimmt, weil es ein Prophet ist, der wird den Lohn eines Propheten empfangen; und wer einen Gerechten aufnimmt, weil es ein Gerechter ist, der wird den Lohn eines Gerechten empfangen. 42 Und wer einem dieser Kleinen auch nur einen Becher kalten Wassers zu trinken gibt, weil es ein Jünger ist, wahrlich, ich sage euch: Er wird nicht um seinen Lohn kommen.

    Die Bibel nach Martin Luthers Übersetzung, revidiert 2017, Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart., ww.die-bibel.de

    #religion #christianisme #bible #prosélytisme

  • À propos de ‘Race et histoire dans les sociétés occidentales’. Entretien avec J.-F. Schaub et S. Sebastiani
    https://k-larevue.com/a-propos-de-race-et-histoire-dans-les-societes-occidentales-entretien-ave

    Revue K. : Votre livre retrace l’histoire du concept de « race » depuis une perspective très large. Vous montrez comment il s’est formé dans la pré-modernité, que vous commencez à dater avec l’expulsion des Juifs d’Espagne. On assiste alors à un premier basculement : un concept d’abord défini en termes d’auto-attribution de vertus positives – la « race » comme une qualité de la noblesse – devient progressivement un concept négatif, stigmatisant et produisant de l’infériorisation. Ce qu’on comprend en vous lisant, c’est que ce basculement est lié à un problème nouveau que rencontrent certaines sociétés : un problème de gestion de la mobilité sociale. C’est comme si le concept de « race » commençait à être mobilisé de manière négative pour empêcher certaines couches de la société de se fondre, pour ainsi dire, dans la société majoritaire, avec les possibilités d’ascension sociale que cette intégration à la société majoritaire permet. Ou, pour le dire autrement encore, la « race » permet de produire de nouvelles distinctions qui valent blocage de la mobilité. Elle s’impose progressivement comme le bon moyen pour certaines couches sociales, pour l’État, et pour des parties de la société, de contrôler « le temps, le délai et le rythme de la mobilité » comme vous dîtes. Cette hypothèse est très intéressante et elle suscite beaucoup de questions que nous allons aborder dans cet entretien : Qu’est-ce qui s’est passé sur ces trois siècles, qui a conduit à cet enjeu de temporiser l’intégration ? Qu’est ce qui fait qu’on a eu recours à un concept naturel et pas un concept social pour réguler la mobilité sociale ? Et surtout comment s’est construit ce concept de race, dans quelles références à quels groupes, etc. Mais d’abord, on aimerait savoir comment vous en êtes venus à formuler cette hypothèse générale ?

    Jean-Frédéric Schaub : Notre travail repose sur l’idée, si ce n’est d’un invariant anthropologique, du moins d’une structure historique dans laquelle le rapport entre le même et l’autre n’est jamais binaire mais ternaire. La vie sociale n’est pas faite de riches et de pauvres, mais de riches, de pauvres et de nouveaux riches ; elle n’est pas faite de nobles et de gens du commun, mais de nobles, de gens du commun et de récemment anoblis ; elle n’est pas faite d’hommes libres et d’esclaves, mais d’hommes libres, d’esclaves et d’anciens esclaves ; elle n’est pas faite de Juifs et de chrétiens, mais de chrétiens sans origine juive, de Juifs et de chrétiens d’origine juive ; elle n’est pas faite de colonisateurs et de colonisés, mais de colonisateurs, de colonisés, et de métisses. On retrouve cette ternarité, c’est-à-dire un temps d’attente, dont seul le pôle dominant de la société peut décider qu’il est terminé et que ceux qui stationnent dans cette zone grise peuvent être admis du côté du pôle dominant. Un des éléments les plus puissants pris en compte dans cette décision a été le sang, c’est-à-dire la « #race ».

    • Racisme et modernité politique | #Cyril_Lemieux
      https://k-larevue.com/racisme-et-modernite-politique

      Retenir cette définition conduit à distinguer deux schémas d’engendrement des attitudes racistes, dont la différence n’est pas relevée par Schaub et Sebastiani, mais que leur ouvrage conduit à observer.

      Dans le premier de ces schémas, la naturalisation de l’incapacité est le fait de groupes socialement dominants soucieux de freiner l’accès au statut supérieur dont pourraient bénéficier les groupes qui leur sont inférieurs. Formulée ainsi, l’analyse en reste cependant au seul plan de l’agir stratégique. Pour adopter un point de vue plus pleinement sociologique – celui que Max Weber appelait « compréhensif » –, il convient d’ajouter que les membres des groupes dominants se trouvent moralement choqués par l’incapacité des membres des groupes socialement inférieurs à respecter les normes de comportement qui, selon eux, vont de pair avec un statut supérieur. Ce qu’ils naturalisent, dès lors, c’est en premier lieu leur propre capacité, qu’ils vivent comme spontanée, à respecter ces normes liées au statut supérieur. C’est aussi, en second lieu, l’incapacité régulièrement démontrée par les membres des groupes socialement inférieurs à les respecter ou du moins, à les respecter d’une façon aussi naturelle et spontanée qu’eux. Ainsi existe-t-il, au fondement de cette naturalisation des capacités du « nous » et des incapacités du « eux », un certain type d’observations se fondant dans l’expérience. La distinction nobiliaire à l’égard des personnes nouvellement anoblies, dont l’examen est mené au premier chapitre de l’ouvrage, constitue la manifestation première et matricielle de ce type de #racisme suscité par une certaine égalisation des conditions. Mais on peut y associer aussi, par exemple, le racisme à l’égard des Noirs qui s’est développé à la fin du XIXe siècle dans le sud des États-Unis, à la suite de l’abolition de l’esclavage. D’une certaine façon, il faudrait y associer également ce que Pierre Bourdieu, dans La Distinction, nommait le « #racisme_de_classe ». Car de fait, ce premier schéma correspond à un racisme qui, aussi biologisant se présente-t-il, est interprétable en dernière instance à partir des rapports de domination qui prévalent entre les couches sociales ou les classes. Plus précisément, répétons-le, il se comprend comme une réaction de la part des groupes dominants face à la réduction en cours des écarts sociaux entre ces couches ou ces classes.

      Dans le second schéma, la naturalisation de l’incapacité trouve son point de départ dans l’ambition des tenants d’une religion, le #christianisme, à convertir universellement ceux qui ne s’y reconnaissent pas encore. Avec ce second schéma, contrairement au premier, il ne s’agit donc plus de freiner l’accès à un statut jugé enviable : il est au contraire question de le généraliser à tous, et de l’accélérer. Dès lors, le phénomène central à prendre en compte est « l’obstination » des non-Chrétiens à demeurer ce qu’ils sont, et à persister à vouloir former, au sein des sociétés dominées par le christianisme, des groupes religieux se situant de façon résolue « en deçà » des normes chrétiennes. C’est cette obstination qui entraîne chez les Chrétiens non seulement une déception mais encore et surtout, chez les plus impatients d’entre eux, une hostilité, dans la mesure où, par leur persistance à rejeter les révélations de la religion chrétienne, les non-Chrétiens qui persistent en tant que groupe religieux se muent en un obstacle au salut de l’humanité toute entière.

      Il y a racisme, dans ce schéma, dès lors que les Chrétiens, renonçant à leur volonté de convertir universellement, entreprennent de naturaliser l’incapacité de certains groupes non-chrétiens et de leurs futurs descendants à se convertir à la foi chrétienne. Soulignons qu’ici encore, la naturalisation raciste renvoie à une forme d’expérience et qu’à cet égard, elle n’apparait pas dénuée d’un fondement pratique. Car certains groupes religieux non-chrétiens peuvent effectivement faire la preuve de leur volonté de persister dans leur être et donner ainsi régulièrement le signe de leur indifférence à l’égard du message chrétien qui leur est adressé, voire de leur refus déclaré d’en reconnaître la supériorité logique et morale. Il n’en demeure pas moins que cette naturalisation, parce qu’elle conduit à renoncer à l’ambition d’#évangélisation universelle qui est au fondement de la religion chrétienne, est toujours susceptible d’être contestée au nom même de la doctrine chrétienne et de donner lieu, par conséquent, à un débat interne au christianisme. La racialisation des Juifs convers fournit la matrice de ce racisme né des limites que rencontre l’évangélisation chrétienne. Mais on peut y associer aussi, par exemple, certains aspects du racisme à l’égard des peuples amérindiens convertis de force et continuant à cultiver en secret leurs croyances païennes.

      Si ce second schéma mérite qu’on le distingue du premier, c’est que le racisme qui lui correspond ne repose pas essentiellement sur des rapports de domination sociale – bien qu’il puisse se combiner avec eux. Son fondement se trouve bien davantage dans une volonté religieuse d’égalisation des conditions – qui, il faut le noter, n’est visée dans les sociétés chrétiennes d’Ancien Régime que sur le plan spirituel. Plus précisément, ce second type de racisme peut s’interpréter comme une réaction à l’obstination de certains non-Chrétiens à demeurer tels, et à persister en tant que groupe religieux non-chrétien, cette obstination et cette persistance étant perçues comme faisant obstacle à l’accomplissement de la volonté religieuse d’une égalisation universelle sur le plan spirituel.

      [...]

      S’agissant en second lieu du #racisme_égalitariste des Chrétiens, il importe de prendre en compte les effets qu’a eus la naissance des nations modernes sur l’universalisme et l’individualisme chrétiens, à savoir qu’elle les a sécularisés et nationalisés, sans pour autant défaire – tout au contraire – la matrice théologico-politique qu’ils fournissaient. C’est au cours de ce processus que l’on est définitivement passé de l’#antijudaïsme traditionnel, fondé sur des motifs ouvertement religieux, à l’#antisémitisme moderne, fondé sur des motifs nationalistes.

      À partir du XIXe siècle, c’est en effet le #nationalisme lui-même, sans que soit nécessaire un lien explicite à la religion chrétienne, qui va devenir partout en Europe le support principal d’une dénonciation de « l’obstination » juive. Il en résulte une ethnicisation, voire une biologisation, des Juifs, où la religion juive se trouve reportée au second plan, comme un simple épiphénomène de la « race ». Certes, chez Maurras et pour le traditionalisme catholique, comme dans la « sainte » Russie, le #judaïsme reste ce qu’il était aux yeux de l’antijudaïsme médiéval : un obstacle religieux au triomphe du christianisme. Mais il ne l’est déjà plus centralement, le motif nationaliste prenant partout l’ascendant. Cette sécularisation est particulièrement accusée dans le fascisme et le nazisme, pour lesquels la religion juive ne représente plus, par elle-même, un problème : c’est plutôt ce dont elle est jugée être le symptôme qui est conçu comme l’obstacle à abattre, à savoir la persistance, à l’intérieur de la nation, d’une « race » juive ou encore, d’une « mentalité » juive – autrement dit, « l’obstination » des Juifs, même lorsqu’en tant qu’individus, ils sont devenus citoyens de la nation, à s’éprouver comme solidaires d’un autre groupe que la #nation. Notons-le : cette solidarité des Juifs entre eux étant à la fois présupposée et naturalisée par l’antisémitisme, elle acquiert à ses yeux un caractère infalsifiable, nulle preuve de leur appartenance à la nation, et de leur sacrifice pour elle, ne pouvant suffire à exonérer les citoyens juifs de leur appartenance « première » au groupe formé par les Juifs.

      Le racisme égalitariste se trouve ainsi remodelé en profondeur par la modernité politique. Les normes jugées supérieures, que le groupe stigmatisé est réputé être « naturellement » ou « définitivement » incapable de faire siennes, ne sont plus celles de l’universalisme et de l’individualisme chrétiens mais celles, désormais, de l’appartenance nationale. Il nous semble ici important de préciser que ces normes, jugées supérieures, de l’appartenance nationale ne se comprennent pas, en dépit des apparences, comme les reliquats des normes holistes et hiérarchiques d’Ancien Régime. Elles sont tout au contraire l’expression d’une forme d’individualisme et d’égalitarisme d’origine chrétienne qui trouve dans la nation moderne son expression à la fois sécularisée et « temporalisée » – ce dernier terme devant s’entendre au sens où l’égalisation des conditions, dans la nation, n’est plus visée sur le plan seulement spirituel mais également, et prioritairement, en tant qu’accomplissement réel et temporel. Cela reste vrai dans le cas des régimes totalitaires, où cet individualisme égalitariste se trouve réinterprété selon des modalités réactionnaires et racistes – c’est-à-dire d’une manière à proprement parler « monstrueuse », selon l’expression de Dumont. Ainsi est-on fondé à évoquer, même et surtout dans le cas de tels régimes totalitaires, un racisme égalitariste-nationaliste ayant pris dans la modernité politique le relais du racisme égalitariste-chrétien des sociétés d’Ancien Régime.

  • Tolstoi-Friedensbibliothek – Ein pazifistisches Editionsprojekt
    https://www.tolstoi-friedensbibliothek.de

    Schriften von Tolstoi zum kostenlosen Dowload
    Herzstück des Bibliotheksprojekts ist die allgemeine Zugänglichkeit von Tolstois pazifistischen, sozialethischen und theologischen Schriften.

    Buchreihe zu ausgewählten Tolstoi-Schriften
    Hier können alle Angebote der Digital-Bibliothek auch in Buchform bestellt werden.

    Publikationen zu Leben & Werk von Leo N. Tolstoi
    Auf dieser Seite sind digitale und gedruckte Veröffentlichungen über Tolstois Biographie und sein Werk aufrufbar.

    #pacifisme #christianisme #religion #Russie #auf_Deutsch

  • Polémique sur Michel-Ange en Floride : l’oeuvre d’"ignorants", dénonce-t-on à Florence
    https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20230327-pol%C3%A9mique-sur-michel-ange-en-floride-l-oeuvre-d-ignorants-d%

    La directrice d’une école sous contrat à Tallahassee, capitale de la Floride, a été contrainte de démissionner après avoir montré à ses élèves de 11 et 12 ans une photo de la célèbre sculpture nue de l’artiste florentin, une initiative qualifiée de « pornographique » par des parents.

    « Il y a une grande différence entre nudité et pornographie », a tenu à souligner Cecilie Hollberg, directrice de la Galerie de l’Académie de Florence, dans un entretien avec l’AFP. « Il faut vraiment avoir l’esprit tordu pour confondre » les deux.

    « Ceux qui dérangés (par la nudité de David) ont un sérieux problème avec les racines de la culture occidentale », tranche-t-elle, alors que « c’est la justement la nudité qui est le symbole de sa pureté ».

    L’historienne allemande, qui dénonce « un puritanisme déplacé », juge cette affaire « assez grave » parce qu’elle révèle que « nous perdons le lien avec notre culture et avec l’Histoire ».

    (...)

    Le président du conseil des parents d’élèves de l’école de Floride, Barney Bishop, a assuré à la télévision américaine CNN qu’il ne s’agissait pas d’interdire l’image, qui est montrée chaque année en cours d’arts.

    Mais selon lui, les parents n’ont pas été informés en amont comme le prévoit la procédure et même si la quasi totalité d’entre eux étaient satisfaits du cours, l’établissement a reçu une plainte jugeant l’image pornographique.

    Tout en reconnaissant la beauté esthétique de l’oeuvre, M. Bishop a expliqué que le concept des droits parentaux, suprême en Floride, prévalait.

    La directrice et enseignante, Hope Carrasquilla, a reçu l’ordre de démissionner sous peine d’être limogée. « Cela m’attriste que ma mission ici ait dû se terminer ainsi », a-t-elle confié au quotidien Tallahassee Democrat.

    Interrogé par Slate sur le fait de savoir si cette décision était due à la polémique, M. Bishop a confirmé que « c’était un problème, parmi bien d’autres ».

    La Floride accorde une grande importance aux droits parentaux dans l’éducation, une politique menée par le gouverneur Ron DeSantis, qui devrait se présenter contre Donald Trump comme candidat du Parti républicain pour l’élection présidentielle de 2024.

  • L’Église catholique répudie la « doctrine de la découverte » | Le pape François au Canada | Radio-Canada.ca
    https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1967343/eglise-catholique-repudie-doctrine-decouverte-vatican-autochtones

    Le Vatican aura bien pris son temps, mais finalement, plus de 500 ans plus tard, il rejette la « doctrine de la découverte », une demande fréquemment soumise par les Autochtones du Canada à l’Église catholique.

    Cette doctrine du 15e siècle décrétée un an après l’arrivée de Colomb dans le " Nouveau Monde " était consacrée par "les bulles papales", des documents importants du pape qui sont scellés. Les Européens s’en sont servis, notamment avec le concept de terra nullius (terres vacantes), pour justifier la saisie de territoires qui appartenaient à des peuples autochtones. Ils partaient du postulat que les terres de ce qu’on allait appeler plus tard l’Amérique n’appartenaient à personne.

    Ces prises de position du Vatican ont permis le pillage des terres autochtones et des richesses du nord au sud du continent américain, justifiant le tout par des préceptes dits religieux.

    #colonisation #christianisme

  • Les religions et les femmes

    Conférence du Cercle Léon Trotsky du 4 février 2005
    https://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky/article/les-religions-et-les-femmes-6394

    Propriété privée et assujettissement des femmes
    – L’évolution vers le monothéisme
    – Naissance du #christianisme
    – Naissance de l’#islam
    – Les religions contre les femmes

    La révolution bourgeoise recule devant l’égalité des sexes
    – L’ordre moral de la bourgeoisie contre les femmes

    #Mouvement_communiste et #mouvement_féministe
    – La révolution ouvrière en Russie : des répercussions pour les femmes en pays musulmans

    Les luttes des femmes des années 1960-1970
    – L’intégrisme islamiste et les #femmes
    – Les religieux intégristes à l’offensive
    – En Israël...
    – En Europe occidentale...
    – Aux États-Unis

    L’#intégrisme_islamiste en France
    – Une politique délibérée des dirigeants politiques
    – Les intégristes musulmans mènent une politique militante
    – Complicités et complaisances
    – La dignité des femmes ne se divise pas !

    À bas l’#oppression_des_femmes, Vive l’égalité de l’humanité entière !

    ANNEXES
    – La complicité de l’État français
    – D’autres pratiques barbares

    #féminisme #révolution_russe

  • INFO BLAST : Comment l’islamophobie est enseignée aux futurs profs
    11.01.2023 | Olivier-Jourdan Roulot - Anouk Milliot | Blast,
    https://www.blast-info.fr/articles/2023/info-blast-comment-lislamophobie-est-enseignee-aux-futurs-profs-ZtV6Ret5S

    (...) Les extraits litigieux se trouvent dans une sous-partie du cours dont l’intitulé donne la mesure : « Neutralité en matière religieuse ne signifie pas égalité de traitement entre les religions », annonce-t-on d’entrée. D’après ce texte, est-il d’abord indiqué, la « neutralité qui définit la laïcité » ne doit donc pas se traduire par un « traitement identique entre les religions » … Diable. Mais par quoi cette inégalité de traitement est-elle donc justifiée ? Par une volonté d’efficacité politique : « Une fois posés les objectifs politiques et les idéaux de vie en société, il apparaît que certaines religions entravent plus ou moins l’action politique ou menacent plus que d’autres le corps social », précise le texte. A ce titre, puisque nous voilà lancés, « si certaines religions sont plus dangereuses que d’autres, il n’y a aucune raison que l’Etat s’en tienne à une sorte d’égalité de traitement ». Mais de quel danger parle-t-on ? Le propos se précise dans le dernier paragraphe : « Si l’objectif est la préservation d’un art de vivre traditionnel et le maintien d’une certaine conception des rapports homme-femme, l’Islam, qui est une religion non traditionnelle en terre française, devra être combattu (sic) plus que le catholicisme ». (...)

    #INSPE - Institut national du professorat et de l’éducation

  • Ich hab ja nichts gegen Schwule, aber - Zum Tod von Benedikt XVI - Nollendorfblog aus Berlin
    https://www.nollendorfblog.de/?p=13024

    D’après le blogeur Johannes Kram l’ex-pâpe Benoît XVI défendait des idées fascistes.Sa mort devrait nous rappeller le sort des victimes de sa propagande homophobe.

    31.12.2022 von Johannes Kram - Sein Anti-Homo-Wahn war faschistoid

    Dass es über Papst Benedikt aus homosexueller und queerer Sicht nichts Positives, sondern ausnahmslos Verabscheuungswürdiges zu sagen gibt, ist nichts Neues. Dass es trotzdem auch am Tage seines Todes gesagt werden muss, hat zwei Gründe:

    Erstens war Benedikts Furor gegen Homosexualität nicht irgendeine Spinnerei, nicht irgendein Nebenaspekt seines Tuns, sondern ganz offensichtlich einer der wichtigsten, wenn nicht so gar die wichtigste Triebfeder seiner Agenda. Man kann also Benedikts Pontifikat nicht würdigen, ohne dabei zu würdigen, was er queeren Menschen angetan hat und mit welcher Inbrunst und Brutalität er es tat.

    Doch ohne den zweiten Grund könnte man darüber schweigen. Der Mann ist tot, der tut niemandem mehr was. Doch das stimmt eben nicht so ganz. Gerade in Deutschland gab es bereits zu Lebzeiten eine Benedikt-Verklärung, was seinen erbarmungslosen Kampf gegen Homosexualität und queere Menschen betrifft. Und wenn man nun die ersten die Nachrufe liest, könnte man meinen, dass seine problematische Rolle im Missbrauchsskandal das Problematischste an Benedikt war. Doch das war es nicht. Die Verniedlichung von Benedikts Homophobie wird weder seinen Opfern gerecht noch Benedikt selbst. Benedikt hat es verdient, als der gesehen zu werden, der er war und sein wollte. Und die Opfer seiner Anti-Homopolitik haben es verdient, dass diese Politik endlich als das benannt wird, als das, was sie war. Zuschreibungen wie „streitbar“ und „konservativ“ verharmlosen um Längen. Wer wirklich bereit ist, auf das zu schauen, was er gesagt und getan hat, muss es endlich aussprechen:

    Benedikt war faschistoid. Und seine Endgegener waren die Homos.

    In meinem Buch „Ich hab ja nichts gegen Schwule, aber“ von 2017 habe ich seine Position nachgezeichnet.

    „Kaum ein anderes Thema prägte sein Pontifikat so wie dieses; es war für ihn eine Art Entscheidungskampf. In seiner Rede am Tag vor Heiligabend 2008 an Kurienmitglieder im Vatikan beließ er es nicht dabei, vor den zersetzenden Folgen der Homosexuellenehe zu warnen. Es war eine Rede über das Überleben der Menschheit; es ging um die verheerenden Folgen der Umweltzerstörung. Er sprach von der Vernichtung der Lebensgrundlagen, von der Abholzung der Regenwälder. Doch dieses Ökologie-Inferno diente im Endeffekt nur als Vorlage für die Beschreibung der eigentlichen Katastrophe:

    „Die Regenwälder brauchen unseren Schutz, aber auch der Mensch als Schöpfung verdient nicht weniger.“ Die Kirche müsse den Menschen „vor der Zerstörung seiner selbst bewahren“, und diese Zerstörung, daran ließ Benedikt keinen Zweifel, gehe von der Zerstörung der klassischen Ehe aus. Um diese zu retten, forderte er eine „Ökologie des Menschen“: „Es ist nicht überholte Metaphysik, wenn die Kirche von der Natur des Menschen als Mann und Frau redet und das Achten dieser Schöpfungsordnung einfordert.“ Benedikt weiter: „Nicht der Mensch entscheidet, nur Gott entscheidet, wer Mann und wer Frau ist.“ Die Menschheit müsse auf „die Stimme der Schöpfung“ hören, um die vorgegebenen Rollen von Mann und Frau zu verstehen. Alles andere komme „einer Selbstzerstörung des Menschen und der Zerstörung von Gottes Werk selbst“ gleich. Dass Homosexuelle Grund für alles mögliche Übel sind, war bekannt. Dass sie aber so etwas wie der Grund allen Übels, dass mit ihnen das Schicksal der Menschheit verbunden ist, das war in dieser Zuspitzung neu. Neu war auch, dass durch die Einführung des Ökologie-Begriffes die Abwehr der Homosexualität nun keine rein moralischreligiöse Kategorie mehr war, sondern vor allem eine universal-politische.“

    Benedikt war also kein harmloser religiöser Spinner, der der einfach nur dummes Zeug über Homosexuelle in die Welt setzte, was man nicht weiter ernst nehmen musste. Er machte mit seinem Die-Homos-sind-das-Übel-der-Welt-Wahn bitterböse Politik.

    In diesem Blog habe ich im Rahmen meiner Protest-Aktion „Homophobie Kills“ zum Papst Besuch im September 2011 die damalige Situation unter Benedikt beschrieben:

    In vielen Ländern der Erde wird Homosexualität streng bestraft, oft mit dem Tod. Die katholische Kirche unterstützt diese Länder darin, indem sie deren Recht verteidigt, Homosexualität zu bekämpfen: Mit dem Argument, Staaten müssten das Recht haben, „gewisse sexuelle Handlungen“ zu regulieren und gewisse „sexuelle Verhaltensweisen“ per Gesetz zu verbieten. Der Vatikan kämpft gegen die Erklärung „Gewaltakte und Menschenrechtsverletzungen wegen der sexuellen Orientierung oder Geschlechtsidentität verhindern“ im UN-Menschenrechtsrat. Er stellt sich somit klar gegen alle EU-Länder und auf die Seite aller Homosexuellen-tötender Diktaturen.

    Wie wichtig ihm die Sache war, zeigt, dass er sie in den Fokus seines wohl wichtigsten Auftritt in seinem Heimatland Deutschland rückte. In seiner Rede 2011vor dem Bundestag sprach er das Thema Homosexualität zwar nicht direkt an. Doch er wiederholte genau die These aus seiner Heiligabendrede von drei Jahren zuvor, mit der er die Selbstzerstörung der Welt eben nicht hauptsächlich durch die Zerstörung der natürlichen Lebensgrundlagen anprangerte, sondern durch die sich auflösenden Rollen von Mann und Frau.

    „Die Bedeutung der Ökologie ist inzwischen unbestritten. Wir müssen auf die Sprache der Natur hören und entsprechend antworten. Ich möchte aber nachdrücklich einen Punkt noch ansprechen, der nach wie vor weitgehend ausgeklammert wird: Es gibt auch eine Ökologie des Menschen.“

    Im Bundestag gab es davon von fast allen Abgeordneten aus fast allen Fraktion stehenden Applaus und in den meisten Medien begeisterte Kommentare, weil er wohl irgendwas mit „öko“ gesagt hatte.

    Dass der Papst, der sich damals gerade in im UN-Menschenrechtsrat für die Akzeptanz staatlicher Homoverfolgung einsetzte, auch seine Bundestagsrede nutze, um diese mit seinem Gerede von der „Ökologie des Menschen“ zu rechtfertigen, hätte jeder wissen können, der es wollte. Wenn er den Papst einfach nur ernst genommen hätte, ihm zugehört hätte, was er schon seit Jahre vorher unmissverständlich formulierte.

    Doch Kritik an Benedikt wurde und wird immer noch viel zu oft als kleinlich abgetan. Homophobie war und ist im Wir-sind-Papst-Land immer noch so eine Art Kavaliersdelikt.

    Muss man nicht so ernst nehmen. Doch. Muss man.

    Staatliche Homophobie tötet. Nicht nur durch Hinrichtungen, sondern auch durch die direkten und indirekten Folgen von Verfolgungspolitik. Dass eine solche Politik möglich ist, dafür hat sich Benedikt mit seiner ganzen Kraft eingesetzt.

    Der Tod von Benedikt ist ein guter Zeitpunkt, seiner Opfer zu gedenken.

    #religion #catholicisme #christianisme

  • #Sébastien_Faure #religions #christianisme #cléricalisme #anticléricalisme #antireligions #rationalisme #anarchisme #émancipation

    ★ SEBASTIEN FAURE : L’IMPOSTURE RELIGIEUSE...

    " Il y a des siècles que le christianisme a senti l’impérieuse nécessité d’arracher son Dieu au mystère impénétrable qui l’entoure, de déchirer le voile qui le dérobe à nos regards, afin qu’il soit bien et dûment établi que ce Dieu n’est pas un Être de pure imagination, mais bien, comme l’affirme l’Église, réel et vivants Celle-ci a toujours eu conscience et de l’obligation où elle est d’esquiver ce problème ou de le résoudre, et de l’impossibilité pour elle tant de l’esquiver que de le résoudre.
    Que faire alors ?
    Admirez le stratagème auquel le catholicisme a eu recours. Il consiste à prendre l’attitude imposante, à manifester l’assurance et à parler le langage hautain qui conviennent aux gens sûrs d’eux-mêmes et qui ne redoutent, ni contrôle ni vérification.
    Sans sourciller et sur ce ton qui n’admet en aucune langue et dans aucun pays ni réplique, ni objection, ni démenti, l’Église dit : « Je représente sur la terre le Roi des Rois. Celui dont j’ai reçu pleins pouvoirs, au nom de qui je parle et j’agis, est le Dieu tout-puissant devant qui doivent fléchir le genou, dans la crainte et l’adoration, les plus hautes Puissances d’ici-bas. Qui que vous soyez : Grands et Petits, Riches et Pauvres, Forts et Faibles, inclinez-vous. Sinon, je vous briserai comme verre dans ce monde et vous infligerai, dans l’autre, les puis cruels tourments. »
    Allez donc discuter, avec des gaillards qui parlent sur ce ton et avec une telle impudence ! (...) "

    https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/12/l-imposture-religieuse.html

    ★ Sébastien Faure : L’imposture religieuse, in La Revue Anarchiste N°10 (octobre 1922). « Sous ce titre et sur ce sujet, qu’il connaît à fond, notre collaborateur Sébastien Faure se propose de publier prochainement un livre appelé, croyons-nous, à soulever...

  • Les moyens de la vie bonne
    https://laviedesidees.fr/Peter-Geach-Les-vertus.html

    À propos de : Peter Geach, Les vertus, Vrin. Philosophe, logicien et catholique, Peter Geach reprend la question des dispositions nécessaires pour tenter de mener une vie bonne. Entre ironie et argumentation, son traité des vertus propose un discours à la fois philosophique et religieux.

    #Philosophie #éthique #christianisme #vertu
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20221228_geach.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20221228_geach.pdf

  • Petite sélection de documentaires à voir sur Arte.fr (note partagée — j’y précise les deadlines) #curious_about

    Le monde de Marcel Proust
    https://www.arte.tv/fr/videos/096300-000-A/le-monde-de-marcel-proust jusqu’au 16/01/2023 #Marcel_Proust #littérature

    L’incroyable périple de Magellan (4 épisodes)
    https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023013/l-incroyable-periple-de-magellan https://www.arte.tv/fr/videos/093644-001-A/l-incroyable-periple-de-magellan-1-4 jusqu’au 17/01/2023 #Magellan

    Qui a tué l’Empire romain ?
    https://www.arte.tv/fr/videos/098123-000-A/qui-a-tue-l-empire-romain jusqu’au 24/01/2023 #Rome_antique #histoire

    Histoire de la #domestication. 1, Des origines au Moyen Âge ; 2, De l’âge industriel à nos jours https://www.arte.tv/fr/videos/093643-001-A/histoire-de-la-domestication-1-2 jusqu’au 29/12/2022 #élevage

    #Toutankhamon, le trésor redécouvert
    https://www.arte.tv/fr/videos/079391-000-A/toutankhamon-le-tresor-redecouvert jusqu’au 03/01/2023

    Faire l’histoire. L’épopée homérique, ou la popculture antique
    https://www.arte.tv/fr/videos/108505-009-A/faire-l-histoire jusqu’au 27/10/2026 #Homère #

    L’origine du #christianisme (10 épisodes). Jésus après Jésus
    https://www.arte.tv/fr/videos/029758-001-A/l-origine-du-christianisme-1-10 jusqu’au 3/12/2022

    Léon #Trotsky - Un homme à abattre (vu. Je conseille)
    https://www.arte.tv/fr/videos/101948-000-A/leon-trotsky-un-homme-a-abattre jusqu’au 30/12/2025 #stalinisme

    "J’irai cracher sur vos tombes" - Rage, sexe et jazz
    https://www.arte.tv/fr/videos/106281-000-A/j-irai-cracher-sur-vos-tombes-rage-sexe-et-jazz jusqu’au 14/01/2023 #Boris_Vian

    "Ulysse" de #James_Joyce. Le roman d’un siècle
    https://www.arte.tv/fr/videos/103013-000-A/ulysse-de-james-joyce jusqu’au 19/12/2022

    – (derniers jours !) Petite fille (vu. Magnifique)
    https://www.arte.tv/fr/videos/083141-000-A/petite-fille (il reste 2 jours !) #genre #identité_sexuelle

  • Carte blanche à Christian Vander. Jazzafip
    https://www.radiofrance.fr/fip/podcasts/club-jazzafip/carte-blanche-a-christian-vander-3328146

    Intègre, inclassable, sans concession, le batteur, pianiste, chanteur, compositeur #Christian_Vander dévoile une partie de son panthéon du #jazz. Il s’est nourrit de cette #musique dès l’âge de trois, quatre ans à Paris, au Club Saint-Germain en compagnie de sa mère et en a suivi l’évolution jusqu’à ce qu’il découvre le jeu de John Coltrane. Bien sûr, il y aura cette musique essentielle et spirituelle de son maître accompagnée du jeu intense et imprévisible d’Elvin Jones, issu de la nouvelle vague des batteurs jazz des années 60, avec qui il a pris quelques cours. Il y aura peut-être aussi un titre avec le batteur Tony Williams.

  • Le Professeur PERRONNE remporte l’ensemble de ses procédures devant la Chambre Disciplinaire de première instance d’Ile de France de l’ordre des médecins (décisions rendues le 21 octobre 2022).

    La Chambre Disciplinaire considère que le Pr PERRONNE, au regard de sa qualité d’infectiologue internationalement reconnu avait « l’obligation de s’exprimer dans le domaine qui relève de sa compétence », durant la crise du COVID.

    Son avocat, Me Thomas BENAGES, résume les décisions rendues par la Chambre Disciplinaire :

    Le 13 septembre dernier le Pr Christian Perronne était entendu par la Chambre Disciplinaire de Première Instance d’Ile de France de L’Ordre des Médecins suite à deux plaintes déposées en 2020, par le Conseil National de L’ordre des Médecins (CNOM), et par le Dr Nathan Peiffer-Smadja.

    Le Conseil National de l’Ordre des Médecins considérait que le Pr Perronne avait violé le code de la santé publique en s’étant exprimé dans la presse nationale, sur les réseaux sociaux, et dans un ouvrage en mettant « gravement en cause des confrères ayant pris en charge un membre de sa famille ou ayant participé à des décisions sanitaires des pouvoirs publics », et d’une manière générale, en n’ayant pas apporté son concours aux actions de santé publique mise en place par le gouvernement. Il lui était par ailleurs reproché d’avoir dénigré les « politiques de santé publique » mises en place durant la crise du Covid.

    Le Dr Nathan Peiffer-Smadja estimait, pour sa part, avoir été attaqué personnellement par le Pr Perronne sur la valeur scientifique de ses publications, au regard des propos tenus par celui-ci dans les médias ainsi que dans le documentaire « Hold-Up ».

    En retour, le Pr Perronne avait déposé une plainte ordinale à l’encontre du Dr Nathan Peiffer-Smadja, celui-ci ayant publié de mai à octobre 2020 14 tweets dans lesquels il exprimait, à l’encontre du Pr Perronne des propos désobligeants, diffamatoires et injurieux.

    Dans le cadre de ces trois procédures, la Chambre Disciplinaire de première instance a donné raison au Pr Perronne, dans des décisions rendues le 21 octobre 2022.

    Tout d’ abord, concernant la procédure intentée par le CNOM, la Chambre Disciplinaire a retenu l’ensemble des moyens de la défense, qui insistaient sur la qualité d’expert du Pr Perronne et le fait qu’il était le mieux à même de s’exprimer et d’apporter la contradiction au gouvernement durant la crise sanitaire.

    La Chambre Disciplinaire en a même conclu que, au regard de sa qualité de spécialiste, le Pr Perronne avait une obligation de s’exprimer :

    « Le Dr Perronne, spécialiste internationalement reconnu comme un expert dans le domaine de l’infectiologie, était le mieux à même de comprendre les enjeux de santé publique. S’il s’est exprimé dans la presse sur l’action du gouvernement et sur l’industrie pharmaceutique, ainsi qu’il était légitime à le faire et en avait même l’obligation dans ce domaine qui relevait de sa compétence, il s’est borné à porter publiquement mais sans invectives une voix discordante sur un sujet d’intérêt général ».

    De plus, selon la Chambre Disciplinaire il ne ressort d’aucune des pièces du dossier qu’à un quelconque moment il aurait eu un discours « antivax ».

    La Chambre Disciplinaire a également considéré que les critiques que le Pr Perronne a exprimées à l’encontre de Mme Agnès Buzyn et de M. Olivier Véran « concernaient ces personnes uniquement en tant qu’autorités sanitaires détenant un poste politique. Ainsi, alors même que ces autorités avaient également la qualité de médecins, le Dr Perronne ne saurait être regardé comme ayant méconnu, par les critiques dirigées à leur encontre, les dispositions précitées du code de la santé publique ».
     
    Concernant les procédures visant le Dr Nathan Peiffer-Smadja, la Chambre Disciplinaire a considéré que celui-ci, avait tenu à l’encontre du Pr Perronne des propos « de nature gravement anti-confraternelle » , et a prononcé à son encontre une sanction ordinale (Avertissement). 

    En toute logique, la plainte du Dr Nathan Peiffer-Smadja contre le Pr Perronne a été rejetée, la Chambre Disciplinaire considérant que « les propos du Pr Perronne concernant le Dr Nathan Peiffer-Smadja visaient uniquement, et de manière impersonnelle, sa qualité d’auteur d’une étude critiquée ».

    Ainsi, par ces décisions fondamentales la Chambre Disciplinaire est venu réaffirmer la liberté d’expression dont bénéficient les médecins universitaires, lorsque ceux-ci s’expriment de manière impersonnelle, tout en soulignant le rôle prépondérant qu’a tenu le Pr Perronne durant la crise sanitaire en apportant la contradiction au gouvernement et en ayant « une voix discordante sur un sujet d’intérêt général ».

    En soulignant que le Pr Perronne n’avait jamais eu de discours « antivax » la Chambre Disciplinaire fait taire ceux qui usent de qualificatifs péjoratifs afin de le censurer.

    Par ces décisions la Chambre Disciplinaire a donc reconnu qu’un médecin peut avoir un avis différent de celui exprimé par le gouvernement, et en faire état publiquement.

    Enfin, par ces décisions la Chambre Disciplinaire est tout simplement venue réaffirmer les valeurs de notre démocratie : il est possible de s’exprimer librement sur un sujet d’intérêt général dès lors que l’on ne tient pas de propos désobligeants, diffamatoires ou injurieux.

    Thomas BENAGES
    Avocat Associé

    #pharma #big_pharma #bénéfices #L'argent , le #fric #l'artiche , le #flouz le #jonc #la #fraiche#covid-19 #coronavirus #santé #pandémie #confinement #sante #covid #en_vedette #sars-cov-2 #vaccination #christian_perronne

  • Composer un monde en commun. Une théologie politique de l’#anthropocène

    Comment relever les extraordinaires défis que nous lancent les #crises induites par la #destruction de notre #habitat planétaire ? Faut-il réviser le concept même de #propriété_privée ? Remettre en cause la #souveraineté des #États-nations ? Comment construire ensemble les #institutions_internationales qui permettraient de prendre soin de nos #communs_globaux que sont le climat mais aussi la #biodiversité, la #santé, les #cultures et jusqu’à la #démocratie ?

    Car c’est elle qui, aujourd’hui, est menacée par notre refus d’inscrire des limites à la toute-puissance de la #personnalité_juridique, des techniques extractivistes et de la #marchandisation du monde. Où trouverons-nous les ressources politiques, culturelles et spirituelles pour inventer ces limites et en faire une chance plutôt qu’une insupportable privation de liberté ?

    Un tel projet exige de refonder l’#utopie des #Lumières. Et pour cela, de puiser à la source du #christianisme, qui constitue l’une de ses matrices historiques. Il implique donc une révision de la manière dont le christianisme se comprend lui-même : expérience stylistique du retrait d’un Dieu qui s’efface pour nous ouvrir à un horizon démocratique qu’il nous revient d’imaginer ensemble ? Ou #religion d’un Christ glorieux qui légitimerait une souveraineté politique autoritaire, carnivore, phallocratique et colonialiste ? Telles sont quelques-unes questions que pose ce livre.

    Apprendre à y répondre participe peut-être de ce que les traditions bibliques nomment la sainteté.

    https://www.seuil.com/ouvrage/composer-un-monde-en-commun-gael-giraud/9782021474404

    #livre #Gaël_Giraud #communs #commons #Etat-nation #extractivisme #colonialisme #autoritarisme

  • L’historien Paul Veyne, spécialiste de l’Antiquité grecque et romaine, est mort

    Professeur à l’université de Provence et à l’Ecole pratique des hautes études, chercheur original et libre, il a détenu la chaire Histoire de Rome au Collège de France. Il est mort, jeudi, à l’âge de 92 ans.

    Franc-tireur aussi profond que dilettante, l’historien Paul Veyne, spécialiste de l’Antiquité grecque et romaine, est mort, jeudi 29 septembre, à l’âge de 92 ans, à Bédoin, village du Vaucluse où il avait élu domicile, a appris Le Monde auprès de la maison d’édition Albin Michel.
    S’il laisse l’impression d’une telle singularité dans le monde des historiens, c’est que son rapport à la discipline a d’emblée été singulier. Quand il naît, le 13 juin 1930, à Aix-en-Provence, au sein d’une famille liée à la vigne – des grands-parents viticulteurs, un père employé de banque devenu courtier en vins –, le prestige de la famille tient à la pérennité et à la transmission immuable des valeurs et des biens.

    Pour l’enfant, le déclic est tout autre. Une promenade sur les hauteurs de Cavaillon, à 8 ans, où, arpentant un site celtique, il trébuche sur un fragment d’amphore qui lui fait l’« effet d’un aérolithe ». Un choc avant tout romanesque, proche d’une expérience de science-fiction. Rien à voir avec une conscience historique encore. Il faut dire qu’il n’y a quasiment pas de livres chez lui, où ils sont jugés « insolites » et « inutiles », rares et dispendieux, et la fréquentation des librairies inconnue. Nouvelle rencontre intrigante avec le passé lorsqu’il découvre, élève de 6e au lycée Mignet, un hymne homérique à la louange de Déméter qui le charme et lui semble d’une étrangeté absolue. Il y découvre « un autre langage, un autre temps ».

    Des rencontres décisives

    C’est ce qui est décisif pour Paul Veyne. La trace, l’indice, le fragment qui interpelle et oblige à réfléchir. Pas de goût de la certitude, mais celui du vertige devant l’inconnu. Ce qui assure d’emblée son rapport essentiel à la littérature, à l’expression artistique et à ce monde qui s’enfuit en ne laissant que des vestiges dont la compréhension pleine échappe. De fait, pendant l’Occupation, l’adolescent hante les salles du Musée archéologique de Nîmes, où il déchiffre les inscriptions par goût des énigmes plus que par souci d’érudition. Une façon d’être en marge d’une famille pétainiste dont il exorcisera plus tard le souvenir, en 1952, en adhérant – fugitivement – au Parti communiste, qu’il quitte cependant, trop indépendant pour être un bon militant, au terme d’un compagnonnage qu’il analysera comme un passage éphémère dans une « secte » quand l’URSS mettra Budapest au pas en novembre 1956.

    Comme l’enfant semble peu armé pour suivre la lignée familiale – ni le commerce, ni le négoce, ni même l’administration ne semblent faits pour celui qui s’ouvre au monde au hasard des virées dans la nature et des lectures scolaires –, un notaire ami de la famille suggère la voie de l’Ecole normale. Bac en poche, Paul fréquente Paris et l’hypokhâgne d’Henri-IV, puis la khâgne du lycée Thiers, à Marseille, avant de retrouver la capitale, et l’Ecole normale supérieure (1951-1955) où il croise quelques aînés décisifs : Jacques Le Goff (1924-2014), Louis Althusser (1918-1990), jeune agrégé préparateur, Michel Foucault (1926-1984) surtout.

    En 1955, il est reçu 2e à l’agrégation de grammaire derrière Georges Ville (1929-1967), avec lequel il se lie d’une amitié essentielle – lorsque le jeune conservateur au département des antiquités grecques et romaines du Louvre trouve la mort sur une route d’Espagne, à 37 ans, Paul Veyne fait tout pour que ses travaux, notamment sa thèse sur La Gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, soient publiés (chose faite en 1981 pour la thèse, rééditée avec une courte préface inédite de Veyne en 2014, à l’Ecole française de Rome).

    Des références diverses

    Paul Veyne part pour l’Ecole française de Rome dès 1955. L’institution, qui n’a pas à proprement parler de programme, convient bien au jeune homme. Il travaille sérieusement l’épigraphie et se forme à l’archéologie grâce à de nombreux voyages d’études, tant dans la Péninsule (Latium, Campanie) qu’à ses abords méditerranéens (Utique, près de Carthage). Si, loin des sujets institutionnels ou militaires, ce sont les domaines démographiques ou agraires qui le retiennent, à l’instar des chantiers prônés par l’école des Annales, pourtant peu représentée dans le monde des antiquisants, il s’y attelle en franc-tireur, sans modèle ni credo. Et, de son passage au Maghreb, il retient surtout la violence insoutenable des rapports entre colons et indigènes, qui l’ébahit. Il en revient très remonté, et quand la suspicion de l’usage de la torture par les militaires français dans le conflit algérien se précise, Veyne condamne publiquement ce recours, ce qui lui vaut une surveillance policière serrée.

    De retour en France, il retrouve en 1957 et pour cinq ans le chemin de l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), qu’il avait fréquentée entre 1951 et 1954, tout en étant assistant à la faculté des lettres de Paris (1957-1961), et précise son projet de thèse sur « Le système des dons dans la vie municipale romaine ». Sous la conduite de William Seston (1900-1983), Veyne instruit en épigraphiste sourcilleux le dossier de l’évergétisme dans une optique qui dépasse les usages historiens pour emprunter à l’ethnologie, à l’anthropologie et à la sociologie, dans le sillage de Marcel Mauss (1872-1950) et de son fondateur Essai sur le don (1923). Tous deux également sociologues, le philosophe Georg Simmel (1858-1918) et l’économiste Max Weber (1864-1920) sont ses autres références, ce dont l’historien Fernand Braudel s’offusque. Qu’importe ! Veyne trace lui-même sa voie.

    Historien désormais, maître de conférences à la faculté des lettres d’Aix dès 1961, où il finit professeur, Paul Veyne, tout en achevant sa thèse, qu’il soutient en 1974, signe un décapant essai d’épistémologie, initialement conçu comme une introduction à son grand œuvre, Comment on écrit l’histoire (Seuil, 1971) – il le complète en 1978 en y adjoignant sa révérence à son ami Michel Foucault, Foucault révolutionne l’histoire –, qui séduit Raymond Aron (1905-1983). Et quand le philosophe cherche un agrégé normalien comme successeur apte à gérer son œuvre après sa disparition – Pierre Bourdieu (1930-2002), dauphin pressenti, s’étant récusé –, il pense logiquement à Veyne et favorise son entrée au Collège de France dès 1975. Une promotion qui n’éloignera pas Veyne de l’université de Provence, où il continuera parallèlement son enseignement. Mais entre les deux intellectuels, la rupture est fulgurante puisque dès sa leçon inaugurale, « L’inventaire des différences », Paul Veyne, alors qu’il salue Philippe Ariès, Louis Robert ou Ronald Syme, « oublie » de mentionner Raymond Aron. Une faute que le philosophe ne lui pardonne pas.

    Goût de l’audace et du défi

    La chaire intitulée prudemment « Histoire de Rome » ne contraint Veyne à aucun assagissement. Alors que les éditions du Seuil accueille une version « grand public » de sa thèse – Le Pain et le cirque. Sociologie historique d’un pluralisme politique (1976) – qu’il juge très vite trop « aronienne », ni « contestataire » ni « déstabilisatrice » comme il le souhaitait, Paul Veyne, fort de son rapprochement avec Michel Foucault, propose un réexamen critique de la nature et du pouvoir des mythes, interrogeant du côté de la réception ce dont Marcel Detienne (1935-2019) et Luc Brisson étudiaient par ailleurs la spécificité. Inaugurant la collection « Des travaux » au Seuil, Veyne poursuit son investigation (Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l’imagination constituante, 1983).

    Fondamentalement libre, Veyne joue sur tous les registres qui l’attirent. S’il réunit en recueil nombre de ses travaux (L’Empire gréco-romain, Seuil, 2005) ou interroge certains moments-clés de l’Antiquité tardive dans une relecture ébouriffante (Quand notre monde est devenu chrétien. 312-394, Albin Michel, 2007), fou de littérature, en quête de sagesse, il traite d’une manière aussi personnelle de L’Elégie érotique romaine (Seuil, 1983), que de René Char (Gallimard, 1990), Sénèque (Tallandier, 2007) ou Foucault (Albin Michel, 2008), et célèbre l’art dont il s’est nourri, du musée de Nîmes aux établissements italiens (Mon musée imaginaire, Albin Michel, 2010 ; La Villa des mystères à Pompéi, Gallimard, 2016). Avec un seul bémol, son Palmyre, rédigé un peu vite sous la pression de l’actualité et parfois un peu hâtif (Albin Michel, 2015).

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    « Les montagnes forment un monde à part ou plutôt un chaos » - Extrait de « Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas » (Albin Michel, 2014), de Paul Veyne :

    « La haute montagne est un monde démesuré qui, à la différence de la pampa ou du désert, possède à la fois l’immensité et la monumentalité. Ce monde n’est plus le nôtre et son échelle des grandeurs n’est plus la nôtre. La verticalité y a plus d’importance que les deux autres dimensions. Les mots n’ont plus le même sens : les pentes, les montées ne sont plus des horizontales imparfaites, mais des verticales adoucies. Il n’y a plus d’odeurs, plus de couleurs, le marron du rocher et le blanc de la neige dévitalisent notre palette. La voluminosité du silence amortit les fracas les plus retentissants. L’énormité de ce nouveau monde s’impose bientôt comme normale au regard, car la montagne nous transforme. Elle ne prête pas à des effusions sentimentales. Oserai-je ajouter que l’alpiniste n’est plus un être sexué ? Il (elle) a mieux à faire.
    Les hautes montagnes n’appartiennent pas à notre terre avec ses collines, ses arbres, ses autos et ses maisons. Comme ces autres mondes que sont les nuages ou la mer, elles forment un monde à part ou plutôt un chaos ; elles sont restées figées dans l’accident originel qui les a soulevées et fracassées. Cette uniformité dans l’informe nie l’existence de la vie ; on s’y réfugie quand les plaines se révèlent normales et limitées. »
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    Chantre de l’amitié à la façon des Anciens, mû par le goût de l’audace, du défi, que manifeste son amour immodéré de la montagne, terrain de jeu et d’absolu où il manqua perdre la vie sur l’Aiguille verte, dans le massif du Mont-Banc, Paul Veyne incarne une voix atypique dont même l’expression autocritique et autobiographique (Le Quotidien et l’Intéressant, Les Belles Lettres, 1995 ; Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas, Albin Michel, 2014, récompensé par le Prix Femina) dit la profonde originalité. Soucieux de surprendre, de se démarquer toujours, Paul Veyne, dont l’écriture a évolué vers plus de limpidité, n’a jamais cessé d’être stimulant. Tout sauf académique.

    Paul Veyne en quelques dates
    13 juin 1930 Naissance à Aix-en-Provence
    1955 Agrégé de grammaire
    1971 « Comment on écrit l’histoire »
    1975 Chaire d’histoire de Rome au Collège de France
    1983 « Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? »
    2007 « Quand notre monde est devenu chrétien (312-394) »
    2014 Prix Femina pour « Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas »
    29 septembre 2022 Mort à Bédoin (Vaucluse)

    https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2022/09/29/l-historien-paul-veyne-specialiste-de-l-antiquite-grecque-et-romaine-est-mor

    « La question des origines chrétiennes de la France est un faux débat », Paul Veyne
    https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2022/09/29/paul-veyne-la-question-des-origines-chretiennes-de-la-france-est-un-faux-deb


    Photo : Paul Veyne le 16 février 2016 à Paris JOEL SAGET / AFP

    Pour l’historien Paul Veyne, qui s’est éteint jeudi 29 septembre 2022, la religion n’est qu’un des éléments d’une civilisation, et non sa matrice, comme il l’expliquait en 2016 dans un entretien au « Monde des religions ».

    Historien aussi génial que hors norme, tant dans son parcours que dans sa personnalité, Paul Veyne était l’un des meilleurs spécialistes du monde antique. Si son domaine de prédilection restait la Rome païenne, le professeur émérite au Collège de France a également publié de passionnants travaux sur le processus qui a conduit l’Occident à devenir chrétien. Dans un entretien publié en décembre 2016 dans « Le Monde des religions », il revisitait les héritages culturels qui ont façonné l’Europe.

    Dans votre livre Quand notre monde est devenu chrétien (Albin Michel, 2007), vous notez qu’au début du IVe siècle, l’Empire romain compte à peine 10 % de chrétiens. Deux siècles plus tard, c’est le paganisme qui est résiduel. Comment expliquer ce formidable succès du christianisme ?

    Deux éléments peuvent expliquer ce succès : non seulement, à partir du règne de Constantin, les empereurs – exception faite de Julien l’Apostat (361-363) – soutiennent le christianisme et le financent fortement ; mais le christianisme a aussi une caractéristique exceptionnelle qui lui est propre : il est organisé comme une armée, avec un chef, des sous-chefs et des chefs locaux (archevêques, évêques, prêtres). De fait, cette organisation a permis de mettre en place un encadrement militaro-spirituel, si j’ose dire, de la population. J’ignore d’où est venue cette organisation si particulière de la religion chrétienne, qui mériterait d’être étudiée.

    A l’inverse, comment expliquer que le paganisme soit aussi rapidement passé aux oubliettes ?

    Il faut savoir que le paganisme était en crise depuis six ou sept siècles. Aux yeux des lettrés, il comportait trop de fables et de naïvetés, si bien que le païen lettré ne savait plus ce qu’il devait ou pouvait croire. De plus, l’argent et la puissance hiérarchique avaient changé de bord. Cela dit, le paganisme n’a pas totalement disparu : des régions entières sont restées longtemps païennes sans le dire. Ainsi, les fermiers, métayers et ouvriers agricoles qui travaillaient dans les grands domaines des seigneurs romains en Sardaigne étaient encore largement païens vers l’an 500. Mais on ne le disait pas trop : cela ne se faisait plus.

    Notons que l’on demandait à Dieu les mêmes choses qu’aux divinités païennes – de bonnes récoltes, par exemple. Les ex-voto chrétiens sont parfaitement comparables aux ex-voto païens. Néanmoins, pour les lettrés, la religion chrétienne avait une supériorité intellectuelle et spirituelle incomparable avec le paganisme, à tous points de vue. Amour et miséricorde infinie d’un Dieu profondément charismatique, moralisme qui pénètre tous les aspects de la vie du croyant et projet divin de la Création qui donne un sens à l’humanité : autant d’éléments qui ne pouvaient qu’attirer les élites.

    Alors que Nietzsche voyait dans le christianisme une « religion d’esclaves », vous voyez une « religion d’élite », un « chef-d’œuvre ». Pourquoi ?

    Le christianisme est à mon sens la religion la plus géniale du monde – je le dis d’autant plus aisément que je ne suis pas croyant. La théologie, la spiritualité, l’inventivité de cette religion sont extraordinaires. Si Nietzsche y voit une « religion d’esclaves », c’est sans doute parce qu’un croyant est soumis à Dieu, à ses commandements, et est en quelque sorte l’esclave de Dieu.

    Pour ma part, je suis en admiration devant l’incroyable édifice intellectuel et spirituel élaboré par les penseurs chrétiens. Je dis dans un de mes livres que le christianisme est un best-seller qui appartient au genre du thriller. En effet, sa promesse du Paradis se conjugue avec la terreur qu’inspire l’idée de l’Enfer… Les hommes passent leur temps à se demander de quel côté ils vont basculer. Un tel récit ne peut que « prendre aux tripes » ses lecteurs.

    La question des origines chrétiennes de la France continue d’agiter le débat public. Quelle est votre opinion sur la question ?

    C’est le type même de la fausse question. Comme je l’ai écrit dans mon ouvrage Quand notre monde est devenu chrétien, « ce n’est pas le christianisme qui est à la racine de l’Europe, c’est l’Europe actuelle qui inspire le christianisme ou certaines de ses versions ». La religion est une des composantes d’une civilisation, et non la matrice – sinon, tous les pays de culture chrétienne se ressembleraient, ce qui est loin d’être le cas ; et ces sociétés resteraient figées dans le temps, ce qui n’est pas davantage le cas. Certes, le christianisme a pu contribuer à préparer le terrain à certaines valeurs. Mais, de fait, il n’a cessé, au fil des siècles, de changer et de s’adapter.

    Voyez par exemple le courant des catholiques sociaux de gauche : ce christianisme charitable qui œuvre pour le bien-être du prolétariat découle directement du mouvement ouvrier socialiste du XIXe siècle. De même, il existe des courants du christianisme qui se revendiquent féministes et laïques. Mais auraient-ils existé s’il n’y avait eu, auparavant, la révolution féministe ? Et la laïcité, ce ne sont pas les chrétiens qui l’ont inventée : ils s’y sont opposés en 1905 ! En réalité, le christianisme se transforme en fonction de ce que devient la culture française, et s’y adapte.

    Vous allez jusqu’à contester l’idée même de « racines ».

    Aucune société, aucune culture n’est fondée sur une doctrine unique. Comme toutes les civilisations, l’Europe s’est faite par étapes, aucune de ses composantes n’étant plus originelle qu’une autre. Tout évolue, tout change, sans arrêt.

    *Vous relayez également l’interrogation du sociologue (pourtant croyant) Gabriel Le Bras, « la France a-t-elle été jamais christianisée ? », tant la pratique religieuse a, de tout temps, été défaillante.

    Absolument. Si, pour certains croyants, qui ne constituent qu’une toute petite élite, le christianisme correspond à une réalité vécue, force est de constater que pour l’immense majorité des autres, la religion n’est qu’un vaste conformisme, auquel ils adhèrent sans réellement s’y astreindre. C’est exactement la même chose que la notion de patrie avant 1914 : l’idée de « patrie française » tenait chaud au cœur.

    Néanmoins, on ne peut nier l’apport réel du christianisme à notre culture.

    Bien sûr que cet apport est immense. Autour de nous, le christianisme est partout : les cathédrales, les églises jusque dans les plus petits villages, une bonne partie de notre littérature (Blaise Pascal) et de notre musique (Bach). Mais pour la majorité d’entre nous, il s’agit là d’un héritage, d’un patrimoine qui appartient au passé, à l’instar de Versailles ou de la pensée de Descartes. Moi-même, je suis ému quand j’entre dans une église et je fais le signe de croix. Le déclin du christianisme, le fait qu’il soit sorti de notre culture, de nos croyances et de nos pratiques, a réellement commencé à toucher l’ensemble de la population au XIXe siècle.

    Vous écrivez que notre culture est aux antipodes des valeurs chrétiennes. Pourquoi ?

    L’Europe actuelle est démocrate, laïque, partisane de la liberté religieuse, des droits de l’homme, de la liberté de pensée, de la liberté sexuelle, du féminisme et du socialisme. Toutes choses qui sont étrangères, voire opposées, au catholicisme d’hier et d’aujourd’hui. La morale chrétienne prêchait l’ascétisme et l’obéissance. L’individualisme de notre époque, par exemple, est aux antipodes de la soumission, de la piété et de l’obéissance chrétiennes.

    Plus que Jésus ou Paul, quels sont, selon vous, les penseurs aux sources de notre culture ?

    A l’évidence, cela me semble être l’époque des Lumières et la Révolution. Depuis la Révolution, songez qu’il n’existe plus de roi de droit divin : il s’agit désormais de monarchies constitutionnelles, comme en Angleterre. S’il fallait absolument nous trouver des pères spirituels, on pourrait nommer Kant ou Spinoza.

    Quid de l’apport immense de la culture antique sur nos mentalités ?

    Les Grecs ont inventé la philosophie, le théâtre, et tant d’autres choses. Les Romains les ont répandus, ils ont hellénisé le monde en langue latine. Le christianisme lui-même a hérité de cette culture antique, à une différence énorme près : la notion d’un Dieu tout-puissant et éternel, créateur du monde, n’a rien de commun avec les dieux antiques. Ces derniers étaient exactement comme nous, mais immortels ; ils avaient les mêmes vices, les mêmes vertus, et n’étaient pas tout-puissants.

    Le Dieu des juifs et des chrétiens est un apport culturel gigantesque que le paganisme n’a jamais été en mesure d’apporter. Mais si l’héritage chrétien apparaît de façon plus évidente à l’esprit de nos concitoyens, bien que déchristianisés, que l’immense patrimoine antique dont nous sommes aussi les héritiers, c’est que, chez nous, la religion chrétienne est présente visuellement partout.

    Comment interprétez-vous le fait que le thème de nos racines religieuses revienne si souvent sur le tapis depuis quelques décennies, malgré la sécularisation de la société ?

    Les raisons sont purement politiques. Parler de racines religieuses permet de se montrer vertueux, attaché à certaines valeurs comme la charité. C’est une manière de se faire bien voir. Je ne crois pas du tout au « retour du religieux » dont on parle en ce moment : les chiffres disent le contraire pour toute l’Europe, et plus encore pour la France. La moitié des Français ne sont plus baptisés.

    Dans votre livre Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas (Albin Michel, 2014), vous écrivez : « Le Moyen Age n’a rien de romanesque ; il est chrétien et fait donc partie de notre monde ennuyeux. » Voilà un jugement paradoxal au vu de ce que vous dites être le génie du christianisme !

    Quand j’étais petit, c’était mon sentiment. Je m’ennuyais à la messe ; par conséquent, à mes yeux, le Moyen Age chrétien n’avait rien d’exaltant. Le paganisme, au contraire, était un monde totalement autre. J’aurais pu tout aussi bien m’intéresser au Japon, qui est également un monde radicalement autre. La société païenne antique est atroce, cruelle, effrayante. Si les supplices et les massacres ne m’attirent nullement, cette civilisation m’a fasciné.

    Sur le plan religieux, cependant, les sociétés païennes étaient plus pragmatiques, pour la simple raison que tous les dieux étaient considérés comme vrais : lorsqu’un Romain ou un Grec, en voyage à l’étranger, apprenait qu’on y vénérait tel ou tel dieu, il se disait qu’il serait peut-être utile de l’importer, de la même manière qu’on importait des plantes ou des denrées des pays étrangers. Il ne s’agissait pas de tolérance, mais d’une conception différente de la vérité.

    L’islam, qui a pris la mauvaise habitude d’être aussi intolérant que le christianisme, ferait bien de s’en inspirer. Car ni l’islam ni le christianisme ne disent que les dieux des autres peuples sont aussi vrais que le leur. Non, c’est leur Dieu qui est le vrai, et le seul.

    Que vous inspirent les polémiques actuelles sur l’islam ?

    Je pense qu’en vertu de la laïcité, de la tolérance et du fait qu’il existe des gens pour qui la religion est importante, il faut intégralement leur ficher la paix dans ce domaine. On a le droit d’avoir une religion. C’est quelque chose de très intime, une sorte de besoin ou de penchant naturel qu’il faut respecter. Pour ma part, comme il ne me reste plus beaucoup de temps à vivre, j’aimerais me convertir tout à coup : hélas, je n’y arrive pas (rires). Pour autant, il faut évidemment combattre les dérives religieuses, car malheureusement, certains abusent.

    Vous qui avez tant étudié l’histoire, comment jugez-vous notre époque ?

    Depuis qu’il n’y a plus de guerre mondiale en Occident, l’évolution est très positive. Certes, il y aura toujours des esprits chagrins pour dire que « c’était mieux avant ». Comme cette rengaine éculée est banale ! Rome a été fondée en 753 avant notre ère, et l’idée de la décadence a commencé dès 552… Cela fait 2 000 ans qu’on nous parle de décadence ! Pour ce qui nous concerne, je ne crois pas du tout à la décadence, au contraire. Il ne se passe pas une journée sans que l’on apprenne une bonne nouvelle. Ces cinquante dernières années, les progrès – en matière sociale ou de mœurs, notamment – ont été immenses. Je ne peux que m’en réjouir.

    Cet entretien a initialement été publié dans « Le Monde des religions » n° 81, novembre-décembre 2016.

    #Paul_Veyne #histoire #histoire_ancienne #évergetisme #don #État #christianisme #sexualité

    • L’inventaire des différences, leçon inaugurale au Collège de France, Paul Veyne
      https://fdocuments.fr/document/paul-veyne-linventaire-des-differences.html?page=1

      (...) vous me voyez tout à fait persuadé que l’histoire existe, ou du moins l’histoire sociologique, celle qui ne se borne pas à raconter, ni même à comprendre, mais qui structure sa matière en recourant à la conceptualisation des sciences appelées aussi sciences morales et politiques. Vous me voyez non moins persuadé que les Romains ont existé réellement ; c’est-à-dire qu’ils ont existé d’une manière aussi exotique et aussi quotidienne à la fois que les Thibétains, par exemple, ou les Nambikwara, ni plus, ni moins ; si bien qu’il devient impossible de les considérer plus longtemps comme une sorte de peuple-valeur. Mais alors, si l’histoire existe et les Romains aussi, existe-t-il une histoire romaine ? L’histoire consiste-t-elle à raconter des histoires selon l’ordre du temps ? La réponse, pour le dire tout de suite, sera non, formellement, et oui, matériellement. Oui, car il existe des événements historiques ; non, car il n’existe pas d’ explication historique. Comme mainte autre science, l’histoire informe ses matériaux en recourant à une autre science, la sociologie. De la même manière, il existe bien des phénomènes astronomiques, mais, si je ne m’abuse, il n’existe pas d’explication astronomique : l’explication des faits astronomiques est physique. Il demeure qu’un cours d’astronomie n’est pas un cours de physique.
      Quand vous avez confié cette chaire d’histoire romaine à un inconnu qui avait pour lieu de naissance le séminaire de sociologie historique, vous avez voulu, mes chers collègues, respecter, j’imagine, une de vos traditions. Car l’intérêt pour les sciences humaines est traditionnel dans la chaire que j’occupe. Aussi votre serviteur, qui est avide de se présenter à vous sous son meilleur jour, se recommandera t-il de ce qu’on peut appeler le deuxième moment de la philosophie aronienne de l’histoire. Le premier moment de cette philosophie fut la critique de la notion de fait historique ; « les faits n’existent pas », c’est à dire qu’ils n’existent pas à l’état séparé, sauf par abstraction ; concrètement, ils n’existent que sous un concept qui les informe. Ou, si l’on préfère, l’histoire n’existe que par rapport aux questions que nous lui posons.
      Matériellement, l’histoire s’écrit avec des faits ; formellement, avec une problématique et des concepts.
      Mais alors, quelles questions faut-il lui poser ? Et d’où viennent les concepts qui la structurent ? Tout historien est implicitement un philosophe, puisqu’il décide de ce qu’il tiendra pour anthropologiquement intéressant. Il doit décider s’il attachera de l’importance aux timbres-poste à travers l’histoire, ou bien aux classe s sociales, aux nations, aux sexes et à leurs relations politiques, matérielles et imaginaires (au sens de l’imago des psychanalystes). Comme on voit, quand François Chatelet trouvait un peu court le criticissme néo-kantien et réclamait au nom de Hegel une conception moins formaliste et plus substantielle de l’objectivité historique, il ne pouvait prévoir que ses vœux seraient si rapidement comblés.
      Et puisque les faits ne sont que la matière de l’histoire, un historien, pour les informer, doit recourir à la théorie politique et sociale. Aron écrivait en 1971 ces lignes qui seront mon programme : « L’ambition de l’historien comme tel demeure bien le récit de l’aventure vécue par les hommes. Mais ce récit exige toutes les ressources des sciences sociales, y compris les ressources souhaitables, mais non disponibles. Comment narrer le devenir d’un secteur partiel, diplomatie ou idéologie, ou d’une entité globale, nation ou empire, sans une théorie du secteur ou de l’entité ? Pour être autre chose qu’un économiste ou un sociologue, l’historien n’en doit pas moins être capable de discuter avec eux sur un pied d’égalité. Je me demande même si l’historien, au rebours de la vocation empirique qui lui est normalement attribuée, ne doit pas flirter avec la philosophie : qui ne cherche pas de sens à l’existence en trouvera pas dans la diversité des sociétés et des croyances. » Tel est le second moment de la philosophie de l’histoire ; il aboutit, comme on verra, au problème central de la pratique historique la détermination d’invariants, au-delà des modifications ; un physicien dirait : la détermination de la formule, au-delà des différents problèmes qu’elle permet de résoudre. C’est une question d’actualité : le Clausewitz d’Aron a pour vrai sujet de mettre l’invariant à la portée des historiens.
      En deux mots comme en cent, un historien doit décider de quoi il doit parler et savoir ce dont il parle. Il ne s’agit pas d’interdisciplinarité, mais de beaucoup plus. Les sciences morales et politiques (appelons-les conventionnellement « sociologie », pour faire bref) ne sont pas le territoire du voisin, avec lequel on établirait des points de contact ou sur lequel on irait razzier des objets utiles. Elles n’apportent rien à l’histoire, car elles font bien davantage : elles l ’informent, la constituent. Sinon, il faudrait supposer que, seuls de leur espèce, les historiens auraient le droit de parler de certaines choses, à savoir de paix, de guerres, de nations, d’administrations ou de coutumes, sans savoir ce que sont ces choses et sans commencer par l’apprendre en étudiant les sciences qui en traitent.
      Les historiens voudraient-ils être positivistes, qu’ils n’y parviendraient pas ; même s’ils ne veulent pas le savoir, ils ont une sociologie, puisqu’ils ne peuvent ouvrir la bouche sans prononcer les mots de guerre ou de cité et sans se fonder, à défaut d’une théorie digne de ce nom, sur la sagesse des nations ou sur de faux concepts, tels que « féodalité » ou « redistribution ». Ainsi donc l’érudition, le sérieux du métier historique, n’est que la moitié de la tâche ; et, de nos jours, la formation d’un historien est double : elle est érudite et, de plus, elle est sociologique . Ce qui nous fait deux fois plus de travail ; car la science progresse et le monde se déniaise furieusement tous les jours.

      edit on lit dans L’Émonde (ci-dessus) et Ration que Veyne, oublieux (comme il l’a déclaré ensuite) ou décidément culotté ne cita pas Aron lors de cette leçon inaugurale

      Jeune enseignant à Aix-en-Provence, Paul Veyne est repéré au début des années 70 par Raymond Aron. C’est lui, l’intellectuel libéral, qui le fera entrer au Collège de France en 1975. Dans sa leçon inaugurale, le spécialiste de l’Antiquité oubliera de citer le nom de l’ancien condisciple de Sartre. « J’étais dans la lune », s’excusera l’intéressé. Aron, lui, ne lui pardonnera pas… (Ration)

      or ce n’est pas le cas du texte publié.

      Ce métier d’historien, Veyne le voyait comme une manière de « conceptualiser » à défaut de pouvoir découvrir, via l’archéologie. Le métier d’historien « consiste à dessiner, dans toutes ses vérités et sans poncifs, une certaine figure lointaine », expliquait-il ainsi en 2005 dans l’Express. « Pour cela, il faut inventer des idées, c’est-à-dire conceptualiser. Pour arriver à dire l’individualité, qui ne ressemble pas à nous et dont la ressemblance est fausse, vous devez utiliser des concepts. » Quid du terrain, des vieilles pierres, des ruines ? « Je ne suis pas hélas un homme de terrain, je n’y vois pas, je n’ai pas d’yeux », reconnaissait le savant en 2017 dans un entretien pour les Chroniques de la Bibliothèque nationale de France. Et d’ajouter : « Je suis archéologiquement nul. » (Ration)

      #concept avant que cela soit un terme de la langue pubarde et commune « inventer des concepts » c’était une stimulante et libératoire deleuzerie.