• Un juge fédéral suspend de nouveau le décret de Donald Trump revenant sur le droit du sol
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/07/10/un-juge-federal-suspend-de-nouveau-le-decret-de-donald-trump-revenant-sur-le

    Un juge fédéral suspend de nouveau le décret de Donald Trump revenant sur le droit du sol
    Le Monde avec AFP
    Un juge fédéral américain a de nouveau suspendu, jeudi 10 juillet, le décret du président des Etats-Unis, Donald Trump, visant à revenir sur le droit du sol, l’un des plus contestés du nouveau mandat du milliardaire républicain. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une action de groupe par plusieurs associations au nom de toute personne née aux Etats-Unis à partir du 20 février, donc potentiellement affectée.
    Tous les tribunaux et cours d’appel qui en avaient été saisis avaient déjà suspendu sur tout le territoire l’entrée en vigueur de ce décret. Un juge fédéral de Seattle, dans l’Etat de Washington, avait suspendu ce même décret le 23 janvier, le jugeant « manifestement inconstitutionnel ».Mais la Cour suprême, à majorité conservatrice, saisie par l’administration Trump, a limité le 27 juin le pouvoir des juges de bloquer à l’échelle nationale les décisions de l’exécutif qu’ils considèrent comme illégales. L’administration Trump demandait à la Cour non pas de lever la suspension de son décret à ce stade, mais de limiter la portée des suspensions aux seules personnes ayant saisi la justice.
    L’influente organisation de défense des droits civiques Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), une des associations engagées dans ce dossier, s’est félicitée dans un communiqué que cette décision « protège les droits à la citoyenneté de tous les enfants nés sur le sol américain ».« Les parents vivaient dans la peur et l’incertitude, se demandant s’ils devraient faire naître leurs enfants dans un autre Etat et si leurs bébés risquaient d’être expulsés », a expliqué Aarti Kohli, la directrice de l’ONG Asian Law Caucus, qui a salué une « victoire majeure ».
    Le juge a reporté d’une semaine l’entrée en vigueur de sa décision afin de donner le temps au gouvernement de faire appel. Cela interviendra avant le 27 juillet, échéance fixée par la Cour suprême pour permettre à l’administration Trump d’appliquer partiellement le décret, soulignent les associations. La Cour suprême n’a pas statué sur la constitutionnalité du décret présidentiel mais a autorisé les agences fédérales à élaborer et publier des directives quant à son application, à partir d’un mois après sa décision.Le décret interdit au gouvernement fédéral de délivrer des passeports, des certificats de citoyenneté ou d’autres documents aux enfants dont la mère séjourne illégalement ou temporairement aux Etats-Unis, et dont le père n’est pas citoyen américain ou résident permanent – titulaire de la fameuse « carte verte ».
    Le décret de Donald Trump, qu’il a signé le jour de son investiture, le 20 janvier, devait entrer en vigueur le 19 février. Le président avait lui-même reconnu s’attendre à des contestations devant les tribunaux. Il avait également jugé que le droit du sol est un principe « ridicule » et avait faussement affirmé que les Etats-Unis seraient « les seuls » à l’appliquer. En réalité, des dizaines de pays reconnaissent le droit du sol, dont la France, le Canada et le Mexique. Le principe du droit du sol, consacré par le quatorzième amendement de la Constitution, disposant que tout enfant qui est né aux Etats-Unis est automatiquement citoyen américain, est appliqué depuis plus de cent cinquante ans

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#droitdusol#droit#sante#citoyennete

  • « L’offensive de Donald Trump contre le droit du sol sert à asseoir son autorité en mettant en question la citoyenneté de tous les Américains »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/06/27/l-offensive-de-donald-trump-contre-le-droit-du-sol-sert-a-asseoir-son-autori

    « L’offensive de Donald Trump contre le droit du sol sert à asseoir son autorité en mettant en question la citoyenneté de tous les Américains »
    Tribune Amanda Frost
    « Le droit du sol. Celui-là, il est important », a commenté Donald Trump en signant un décret visant à supprimer le droit du sol aux Etats-Unis. Sur ce point, au moins, tous les Américains peuvent se mettre d’accord. Si le droit du sol a déjà été remis en cause maintes fois depuis que la nation américaine existe, les motivations du président pour le faire sont inédites. Par le passé, l’objectif principal était d’exclure et d’expulser les immigrés défavorisés. Aujourd’hui, le gouvernement instrumentalise ce droit non seulement pour chasser ceux qu’il considère indésirables, mais aussi pour contrôler ceux qui restent.
    En 2025, les Etats-Unis font partie de la trentaine de pays qui accordent automatiquement leur nationalité à presque tous les enfants nés sur leur territoire. Certains pays d’Europe n’ont jamais adopté le droit du sol, ou l’ont abandonné au cours des dernières décennies. L’administration Trump souhaite ajouter les Etats-Unis à cette longue liste. Toutefois, le droit du sol est une composante essentielle de l’identité américaine. Par de nombreux aspects, son histoire est l’histoire de l’Amérique.
    Déjà, au moment de leur fondation, la question de la citoyenneté tiraille les Etats-Unis – un sujet sensible dans un pays composé de tribus autochtones, d’immigrés originaires de l’Europe, ainsi que de leurs descendants, et, pour 20 %, de populations réduites en esclavage. Dans un arrêt tristement célèbre rendu en 1857 dans l’affaire Dred Scott v. Sandford, la Cour suprême statuait ainsi qu’aucune personne noire, qu’elle soit esclave ou libre, ne pourrait jamais être citoyenne des Etats-Unis. Cette décision contribua à précipiter la guerre de Sécession. A la fin de celle-ci, l’esclavage fut aboli, mais savoir qui pouvait prétendre à la nationalité américaine restait encore à déterminer.
    En 1868, l’arrêt Dred Scott fut annulé et avec lui le système de castes qu’il avait créé par la ratification du 14e amendement de la Constitution, dont la première phrase dispose : « Toute personne née ou naturalisée aux Etats-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyenne des Etats-Unis et de l’Etat dans lequel elle réside. »
    Cet amendement accorda le droit du sol à tout un chacun, y compris aux anciens esclaves et aux enfants d’immigrés. Quelques catégories discrètes « ne relevant pas de la juridiction » des Etats-Unis en raison de leur situation juridique, par exemple les enfants de diplomates ou les personnes nées membres de tribus autochtones, constituèrent les seules exceptions à cette nouvelle disposition. Le sénateur Jacob Howard, à l’origine de cette formulation, estimait ainsi avoir « réglé la grande question de la nationalité et ôté tout doute quant aux personnes qui sont citoyennes des Etats-Unis et celles qui ne le sont pas ».
    Il s’était cependant un peu trop avancé. La nation a depuis sans cesse débattu pour déterminer qui pouvait prétendre être américain de naissance. A la fin du XIXe siècle, le gouvernement a contesté en vain la citoyenneté des enfants d’immigrés chinois. Pendant la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont emprisonné les enfants d’Américains d’origine japonaise, en invoquant une loyauté partagée entre les deux camps – avant de leur présenter des excuses pour le préjudice subi plusieurs décennies après. Tout au long du XXe siècle, le Congrès a proposé des lois et des modifications de la Constitution visant à mettre fin au droit du sol universel, sans qu’aucune soit adoptée.
    Donald Trump a remis ce sinistre débat au goût du jour. Son décret priverait de citoyenneté les enfants d’immigrés sans papiers ou dont le statut légal est temporaire, y compris ceux travaillant depuis plusieurs années aux Etats-Unis ou détenteurs d’un visa étudiant. Le gouvernement affirme que ces groupes de population manquent de « loyauté » envers les Etats-Unis et que leurs enfants sont donc concernés par l’exception du 14e amendement pour les personnes qui ne sont pas « soumises » à leur « juridiction ». Il ferait ainsi porter les fautes des parents à leurs enfants, en considérant que les enfants de personnes ayant enfreint la loi ne méritent pas la nationalité américaine. Ce sont les mêmes arguments – souvent avec les mêmes mots – que ceux qu’a utilisés le gouvernement sans succès au XIXe siècle. L’objectif, comme à l’époque, est d’expulser et d’exclure les enfants des immigrés défavorisés.
    Toutefois, l’offensive de Donald Trump contre le droit du sol sert également un nouveau dessein : asseoir son autorité en remettant en question la citoyenneté de tous les Américains. Jusqu’à présent, la justice a bloqué l’application de son décret. S’il devait entrer en vigueur, toute personne vivant aux Etats-Unis aurait à prouver son ascendance avant de pouvoir transmettre sa nationalité à ses enfants, si le gouvernement le lui demande. Les infractions à la législation en matière d’immigration commises par un lointain ancêtre pourraient faire de tous ses descendants des « étrangers en situation irrégulière » soumis aux politiques migratoires du gouvernement. Or, pour de nombreuses familles, ne serait-ce que se procurer les documents prouvant leur ascendance auprès de l’administration serait incroyablement compliqué.
    C’est précisément ce que cherche le gouvernement Trump. Dès les premiers mois de son mandat, le président a brandi la législation sur l’immigration comme une menace : il a fait arrêter et détenir des étudiants étrangers pour le simple exercice de leur droit à la liberté d’expression et de manifestation protégé par la Constitution, expulsé des ressortissants vénézuéliens portant des tatouages « suspects » et puni l’université Harvard en interdisant à ses étudiants étrangers d’entrer sur le territoire des Etats-Unis. Le résultat, prévisible, a été d’instiller la peur parmi les personnes immigrées, leurs familles et les institutions (établissements scolaires, lieux de travail…) qui dépendent d’elles.
    Si Donald Trump parvient à précariser la citoyenneté de tous les Américains en mettant fin au droit du sol, son administration pourrait exercer un contrôle accru sur la population. Dans un monde où le président définit la citoyenneté, les Américains n’ont pas plus de droits que les sans-papiers – c’est-à-dire presque aucun.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#droitdusol#expulsion#citoyennete#droit#sante

  • Yanis Varoufakis sur X :

    via https://diasp.eu/p/17717849

    https://xcancel.com/legrandsoir/status/1938659915783979405

    Il semble que nos dirigeants, ici dans l’Occident « libéral », aient trouvé un nouveau moyen de transformer une personne en non-personne. Voici un homme, Hüseyin Doğru , journaliste allemand (d’origine turque, mais sans double nationalité) que les autorités européennes ont puni d’une manière inédite et extrêmement cruelle pour ses reportages et ses opinions sur la #Palestine.

    Les autorités allemandes ont tiré les leçons de mon cas. Ne souhaitant pas avoir à répondre devant les tribunaux de toute interdiction des voix pro-palestiniennes (à l’instar du procès que je leur intente actuellement), elles ont trouvé un autre moyen : une sanction directe de l’UE utilisant une directive jusqu’alors inutilisée, introduite au début de la guerre en Ukraine, qui permet à Bruxelles de sanctionner tout citoyen de l’UE (...)

    • (...tout citoyen de l’UE) qu’elle estime travailler pour les intérêts russes. S’accrochant à l’argument selon lequel le site web/podcast de Hüseyin était également diffusé sur Ruptly (entre autres plateformes), elles utilisent cette directive visant les « actifs anti-russes » pour détruire un journaliste qui a osé s’opposer au génocide palestinien.

      Concrètement, cela signifie que le compte bancaire de Hüseyin est gelé ; que si vous ou moi lui donnions de l’argent pour acheter des provisions ou payer son loyer, nous serions considérés comme ses complices et soumis à des sanctions similaires ; cela signifie également que s’il était fonctionnaire, il serait licencié ; s’il était étudiant, il serait expulsé de son université ; s’il percevait une pension, celle-ci serait suspendue ; s’il percevait des prestations sociales, celles-ci seraient gelées. Cela signifie également, de manière étonnante, qu’il ne peut pas quitter l’ #Allemagne !

      Enfin, et ce n’est pas le moins important, cela signifie que Hüseyin ne peut pas poursuivre son gouvernement pour l’avoir transformé en non-personne, mais seulement contester la Commission européenne à #Bruxelles – où il n’est même pas autorisé à se rendre !

      Dois-je en dire plus ? N’est-il pas évident que nous vivons aujourd’hui dans une #Europe nominalement libérale où, en un clin d’œil, vos droits politiques et humains peuvent être révoqués, y compris votre droit de contester votre gouvernement devant un tribunal ?

    • He Was Banned for Exposing Gaza Truths — Now He Speaks Out. With Yanis Varoufakis

      https://www.youtube.com/watch?v=MZ0l78jIg3U

      DIEM25 : 2025-06-17 - 60 min.
      (le son et l’image ne sont pas exactement synchronisés)

      #Israel’s genocide in #Gaza grinds on, while Israeli officials now signal they are “fully ready” to strike #Iran—raising the risk of a regional firestorm. But within the EU, dissent is being crushed.

      In an unprecedented case, the EU has sanctioned one of its own citizens for being a journalist. http://red.media founder Hüseyin Doğru was targeted on behalf of #Germany—for exposing Germany’s complicity in the genocide in Palestine. No trial. No hearing. An extrajudicial punishment.

      The EU claims he “systematically spread false information on politically controversial subjects with the intent of creating ethnic, political and religious discord amongst a predominantly German audience.” In reality, his reporting focused on social protests across Germany and Europe—something that now appears to go too far for the so-called democratic powers in #Berlin and Brussels.

      The listing followed http://red.media’s exclusive coverage of Germany’s brutal crackdown on pro-Palestinian students—and it forced the outlet to shut down. What does it mean when reporting on Gaza is reframed as extremism, and journalism itself becomes a sanctionable offense?

      Hüseyin Doğru joins Yanis Varoufakis to dissect Europe’s widening assault on free speech, Germany’s criminalisation of Palestine solidarity, and how ordinary citizens can push back—before they too are silenced. Hosted by Mehran Khalili. Tune in live, bring your questions, and share widely—while you still can.

  • Yanis Varoufakis on X :

    via https://diasp.eu/p/17717851

    https://xcancel.com/yanisvaroufakis/status/1938607536887779553#m

    It seems that our rulers, here in the ’liberal’ West, have homed in on a new way of turning a person into a non-person.

    Here is a man, Hüseyin Doğru , a German journalist (of Turkish origins, but not a dual citizen) whom the EU authorities have found a novel, immensely cruel, way of punishing for his coverage of, and views on, Palestine.

    The German authorities learned a lesson from my case. Not wishing to be answerable in court for any ban on pro-Palestinian voices (similar to the court case I am dragging them through currently), they found another way: A direct sanction by the EU utilising some hitherto unused directive, one introduced at the beginning of the Ukraine war, that allows Brussels to sanction any citizen of the EU it deems to be working for Russian (...)

  • En Italie, les référendums sur la naturalisation et le droit du travail, voulus par l’opposition, échouent
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/09/en-italie-les-referendums-sur-la-naturalisation-et-le-droit-du-travail-voulu

    En Italie, les référendums sur la naturalisation et le droit du travail, voulus par l’opposition, échouent
    Par Allan Kaval (Rome, correspondant)
    L’Italie progressiste avait une occasion de se compter. L’échec est patent. Alors que la législature qui a vu arriver à la présidence du conseil la figure d’extrême droite Giorgia Meloni est entrée dans sa seconde moitié, sans que le socle électoral de la coalition se soit érodé, les principales forces d’opposition ont perdu leur pari. Lundi 9 juin, à la fermeture des bureaux de vote ouverts la veille, les référendums d’initiative populaire sur le droit du travail et l’accès à la citoyenneté, voulus par l’opposition, n’ont pas réuni suffisamment de votants pour que leurs résultats soient validés, le taux de participation étant resté bien inférieur au quorum, fixé à 50 % des inscrits plus une voix. A la sortie des urnes, la participation pour l’ensemble des scrutins plafonnait à moins de 30,6 %.
    Les Italiens étaient invités à s’exprimer sur cinq questions distinctes. Trois d’entre elles visaient à revenir sur des mesures législatives ayant retiré des garanties aux employés en cas de licenciement ou ayant facilité, pour les employeurs, l’usage des contrats à durée déterminée. Un autre référendum renforçait les responsabilités des entreprises donneuses d’ordre en cas d’accident du travail dans le cadre de sous-traitance, une problématique récurrente en Italie et très présente dans les médias.
    Le oui l’a très largement emporté sur ces questions liées au monde du travail, avec des résultats qui, bien qu’oscillant entre 87,1 % et 88,8 % des voix, resteront sans effets faute de participation. En revanche, le référendum le plus attendu et le plus débattu a donné lieu à un score beaucoup plus modeste. Portant sur les modalités d’accès à la citoyenneté, il devait ouvrir la voie au passage à cinq années de séjour régulier nécessaires pour effectuer une demande de naturalisation, contre dix aujourd’hui. Seuls 60 % des votants se sont prononcés en faveur de cette évolution.
    « Il s’agit d’une défaite claire pour l’opposition qui, en plus d’échouer à rassembler les électeurs, s’est montrée divisée », analyse Lorenzo Pregliasco, fondateur de l’institut de sondages YouTrend. De fait, si le front était large, il s’est avéré confus. Ainsi, le Parti démocrate (centre gauche) défendait le oui aux cinq questions mais comptait en interne des voix centristes dissidentes concernant celles liées au droit du travail, sur lesquelles s’est en revanche singulièrement impliquée la Confédération générale italienne du travail, le principal syndicat (gauche) du pays. Les antisystèmes du Mouvement 5 étoiles, qui ont gouverné avec la Ligue (droite radicale) en 2018-2019, n’avaient, pour leur part, pas donné de consigne à leurs électeurs sur la question portant sur la citoyenneté.
    Ce thème, récurrent lui aussi, avait surgi de nouveau au lendemain des Jeux olympiques de Paris 2024. L’Italie se découvrait une nouvelle fois, à travers les histoires familiales de ses champions, un pays divers où des communautés d’origine étrangère étaient désormais inséparables du corps national, malgré des conditions d’accès à la nationalité restrictives. Les résultats de lundi ont de quoi congeler ces débats à moyen terme, confortant la droite nationaliste. « L’écart entre les scores du oui sur les questions sociales et sur la citoyenneté montre que, quand les thèmes identitaires sont en jeu, même l’électorat de gauche se montre prudent », explique Lorenzo Pregliasco, qui souligne que le poids de l’abstention aux référendums est le corollaire d’une crise profonde, la participation n’ayant été que de 64 % aux élections législatives de 2022. Exception faite d’un scrutin de 2011, aucun référendum d’initiative populaire organisé en Italie n’a jamais atteint le quorum.
    Le scrutin sans lendemain de dimanche et lundi a fourni un succès à peu de frais aux forces d’extrême droite et de droite qui composent le gouvernement Meloni. Pour célébrer cette issue, Fratelli d’Italia, le parti de la présidente du conseil, qui avait déclaré qu’elle se rendrait dans son bureau de vote mais ne placerait pas de bulletin dans l’urne, a choisi un message élémentaire. Sur son compte Instagram, la formation d’extrême droite a fait publier une photographie des principaux leaders de l’opposition, accompagnée de cette mention : « Vous avez perdu. » En lettres capitales.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#regularisation#referendum#immigration#citoyennete#sante

  • Italie : un référendum sur l’accès à la citoyenneté divise le pays - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/65031/italie--un-referendum-sur-lacces-a-la-citoyennete-divise-le-pays

    Italie : un référendum sur l’accès à la citoyenneté divise le pays
    Par La rédaction Publié le : 09/06/2025
    Les Italiens votent depuis dimanche, et jusqu’à ce lundi soir, pour dire « oui » ou "non à une mesure visant à faciliter l’obtention de la nationalité, en réduisant le délai nécessaire de présence en Italie de dix à cinq ans. La gauche soutient la réforme et s’oppose au gouvernement de la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni, qui a fait de la lutte contre l’immigration sa priorité.
    Depuis dimanche 8 juin, et jusqu’à lundi soir, les citoyens italiens sont appelés aux urnes pour un référendum autour de cinq questions regroupées en deux thèmes : l’assouplissement des règles d’obtention de la nationalité italienne et l’abolition de lois libéralisant le marché du travail. Et c’est le premier sujet qui divise le plus le pays.
    Actuellement, selon une loi de 1992, un résident non-européen sans lien de mariage ni de sang avec l’Italie doit y vivre pendant dix ans avant de pouvoir demander la naturalisation, processus qui peut ensuite prendre des années. La proposition soumise à référendum propose de réduire ce délai à cinq ans, ce qui alignerait l’Italie sur l’Allemagne et la France. Outre la condition de durée de résidence, la loi italienne exige actuellement que le demandeur prouve qu’il est intégré dans la société, qu’il dispose d’un revenu minimum, qu’il n’a pas de casier judiciaire et qu’il a une maîtrise suffisante de la langue italienne. Autant de critères que le référendum ne propose pas de toucher.
    La citoyenneté peut aussi être acquise par le mariage avec un citoyen italien, ou sur le principe du « ius sanguinis » (droit du sang), selon lequel un enfant né d’un père italien ou d’une mère italienne, même à l’étranger, devient automatiquement un citoyen italien. Mais contrairement à d’autres États européens, le fait d’être né de parents étrangers en Italie ne garantit pas automatiquement la citoyenneté : un mineur ne peut la demander qu’à l’âge de 18 ans, à condition d’avoir vécu légalement et sans interruption en Italie depuis sa naissance.
    Cette loi a créé une zone d’ombre pour des centaines de milliers de personnes nées en Italie de parents étrangers - ou arrivées dans le pays alors qu’elles étaient enfants - qui, après des années, n’ont toujours pas obtenu la citoyenneté. Ainsi, si cette réforme est adoptée, elle pourrait bénéficier jusqu’à 2,5 millions de personnes, estiment les partisans du « oui », soutenus par le Parti démocrate (PD, centre-gauche), principale forte d’opposition en Italie.
    C’est cette opposition qui est à l’origine du référendum. En septembre dernier, l’initiative avait recueilli plus de 500 000 signatures, forçant ainsi le gouvernement de la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni à l’organiser, comme le stipule la loi.
    Selon Riccardo Magi, secrétaire de +Europa (centre-gauche) cité par Euronews, le référendum permettrait de modifier une loi « ancienne et injuste » qu’aucun gouvernement des 30 dernières années « n’a eu la volonté politique de modifier ». La législation actuelle oblige, d’après lui, des centaines de milliers de filles et de garçons nés ou élevés en Italie à vivre comme des étrangers dans ce qui est aussi leur pays".
    La cheffe du parti Fratelli d’Italia, arrivée au pouvoir en 2022 sur un programme anti-migrants, s’est déclarée « absolument contre » cette mesure. Selon Giorgia Meloni, la loi actuelle sur la nationalité est « excellente » et « très ouverte ». « Nous sommes l’une des nations européennes avec le plus grand nombre de naturalisations », a-t-elle souligné cette semaine. Selon Eurostat, Rome a accordé en 2023 la nationalité italienne à 213 500 personnes, soit un cinquième des naturalisations dans l’Union européenne (UE). Plus de 90% d’entre elles étaient originaires de pays hors de l’UE, principalement d’Albanie et du Maroc, ainsi que d’Argentine et du Brésil. En mars, le gouvernement avait publié un décret afin de limiter l’accès à la naturalisation par lien de sang, ne rendant éligibles que les étrangers ayant des grands-parents ou des parents italiens, alors qu’auparavant, l’ascendance pouvait remonter jusqu’aux arrière-arrière-grands-parents. Ce décret est devenu loi en mai après approbation du Parlement italien.
    Pour montrer son opposition, le gouvernement demande de boycotter le référendum, afin d’invalider le résultat du vote. Des membres de la droite italienne ont même appelé les citoyens à se rendre à la plage plutôt que d’aller voter, indique la correspondante de France 24 à Rome. Car pour être valide, le référendum doit franchir le seuil de 50 % de votants. À la mi-journée dimanche, la participation s’élevait à 7,41%, selon le ministère de l’Intérieur.
    Ce scrutin est un véritable test pour l’opposition de gauche. Un victoire du « oui » serait un camouflet pour Giorgia Meloni qui a fait de la lutte contre l’immigration sa priorité. Giovanni Puccini, 18 ans, a voté dimanche pour la première fois de sa vie, dans un bureau à Rome. Il estime que l’appel à l’abstention de la Première ministre est « irrespectueux » : « Il faut voter parce que tellement de gens se sont battus, sont même morts, pour ce droit ». Son ami, Pierre Donadio, 21 ans, est convaincu qu’il faut assouplir les lois sur la naturalisation pour « éviter que le pays ne soit trop fermé sur lui-même ». Très populaire dans le pays, le rappeur Ghali, né à Milan de parents tunisiens, a aussi exhorté ses fans à aller voter. « Certains sont nés ici, ont vécu ici pendant des années, (...) se sentent Italiens à tous les égards, mais ne sont pas reconnus comme citoyens », a-t-il dénoncé sur Instagram.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#referendum#citoyennete#naturalisation#sante

  • « La naturalisation accélère l’intégration économique des immigrés »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/20/la-naturalisation-accelere-l-integration-economique-des-immigres_6607370_323

    « La naturalisation accélère l’intégration économique des immigrés »
    Tribune Jérôme Valette, Economiste
    André Gide écrivait : « Choisir, c’était renoncer » [Les Nourritures terrestres]. Le ministre de l’intérieur semble avoir fait sienne cette maxime en annonçant, le vendredi 2 mai, un durcissement des conditions d’accès à la citoyenneté française.
    Dans une nouvelle circulaire, et après avoir déjà révisé, en janvier, la circulaire Valls sur les conditions de régularisation des étrangers en situation irrégulière, Bruno Retailleau confirme sa volonté de durcir la politique migratoire de la France. En réaffirmant la citoyenneté comme l’aboutissement du processus d’intégration, le ministre de l’intérieur choisit de renoncer aux bénéfices économiques qu’une naturalisation plus précoce pourrait offrir dans le parcours d’insertion des immigrés.
    Dans une circulaire de cinq pages adressée aux préfets, il définit les nouvelles directives dont ces derniers devront s’emparer. Niveau de langue orale rehaussé à partir de 2026, examen sur l’histoire et la culture civique françaises, exigence de ressources suffisantes hors aides sociales sont autant de mesures destinées à durcir les critères d’accès à la nationalité française pour les étrangers présents sur le sol national.
    Aussi, la circulaire demande explicitement aux préfets de sanctionner les étrangers ayant connu, à un moment donné de leur parcours, une situation d’irrégularité. Cette dernière mesure semble particulièrement difficile à tenir pour un grand nombre d’étrangers, les trajectoires migratoires étant souvent marquées par l’alternance de périodes d’irrégularité et de régularisation.
    S’il est encore difficile d’en mesurer les effets concrets, l’accès à la citoyenneté étant déjà difficile, et les décisions de naturalisation prenant déjà en compte certains de ces critères, la circulaire du ministre s’inscrit dans un choix politique clair. L’argument avancé par Bruno Retailleau pour justifier ce durcissement relève d’une logique de récompense : la naturalisation viendrait couronner le parcours des étrangers dont le degré d’intégration serait le plus abouti.
    Le ministre souligne dans le texte que devenir français « se mérite » et que le statut juridique de la naturalisation est défini par la jurisprudence « non pas comme un droit, mais comme une décision souveraine du gouvernement ». En consacrant ainsi la naturalisation comme étape finale d’un parcours d’intégration, entamé dès l’arrivée de l’étranger sur le sol national, Bruno Retailleau choisit, ce faisant, d’écarter la logique alternative visant à faire de la naturalisation une des composantes de la politique d’intégration des immigrés.
    De nombreuses études ont en effet montré que la naturalisation agissait comme un puissant accélérateur de l’intégration économique des immigrés, mesurée par leur intégration sur le marché du travail. De l’Allemagne aux Etats-Unis, en passant par la Suisse ou la France, les exemples de réformes du code de la nationalité qui ont permis d’estimer l’impact causal de la naturalisation sont nombreux. Ces travaux soulignent que les craintes liées à une naturalisation précoce, supposée réduire les motivations des immigrés à investir dans leur intégration économique, ne sont pas confirmées par les données.
    Au contraire, un accès facilité à la citoyenneté agit comme un catalyseur sur le marché du travail, et notamment pour les immigrés les plus fragiles, ceux que les politiques publiques peinent usuellement à ramener vers l’emploi. Ainsi les femmes immigrées, les immigrés originaires de pays extra-européens et les réfugiés, dont les écarts de taux d’emploi avec les natifs sont les plus importants, voient leur insertion professionnelle et leurs salaires augmenter significativement après l’obtention de la nationalité.
    Ces études mettent en avant que des conditions d’accès trop strictes à la nationalité pourraient en réalité décourager les efforts d’insertion des immigrés et, in fine, freiner l’adoption des normes locales en matière d’emploi, de langue ou d’éducation. Du point de vue des employeurs, la citoyenneté pourrait aussi être perçue comme un gage de stabilité, un travailleur naturalisé étant moins susceptible de quitter le pays, ce qui réduit les incertitudes liées à son recrutement.
    La circulaire envoyée par le ministre de l’intérieur nous rappelle donc à juste titre que, loin de relever uniquement de considérations économiques, les politiques d’accès à la citoyenneté revêtent un caractère éminemment politique. Si les recherches existantes montrent qu’un durcissement des conditions d’accès à la citoyenneté a toutes les chances de freiner l’intégration économique des immigrés déjà présents sur le territoire, cette nouvelle circulaire ne fait pas de cet objectif économique une priorité.
    Avec ce texte, Bruno Retailleau consacre d’abord la naturalisation comme l’aboutissement du processus d’intégration, une récompense réservée aux seuls étrangers déjà parfaitement intégrés. En priorisant son caractère méritocratique, il met donc au second plan son rôle d’accélérateur de l’intégration.
    Les prochaines échéances électorales devront trancher dans quelle mesure les Français partagent ou non cette lecture du rôle de la naturalisation. Il sera essentiel que ces derniers votent de manière informée, en mesurant au plus juste non seulement les gains d’un durcissement de l’accès à la nationalité, mais aussi les renoncements qu’il implique. Pour choisir, et renoncer, en conscience.

    #Covid-19#migration#migrant#france#politiquemigratoire#integration#naturalisation#sante#citoyennete

  • Le #décrochage_scolaire : un #coût humain et social sous-estimé

    #Apprentis_d’Auteuil alerte sur le coût du décrochage scolaire pour les #jeunes et pour la société. Ce 19 mai, la fondation publie un rapport sur les jeunes qui quittent l’école sans diplôme ni qualification, et sur le coût que représente le décrochage scolaire pour toute la société. Ce rapport montre combien il est urgent de redonner le goût d’apprendre à ces jeunes dans leur intérêt et celui de la collectivité. Exemple au collège Nouvelle Chance d’Apprentis d’Auteuil au Mans.

    Aujourd’hui, en France, plus de 75 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification. Ces décrocheurs accèdent difficilement à l’emploi, sont plus touchés par le #chômage que les autres jeunes et risquent l’#exclusion. À ce drame humain s’ajoute un surcoût pour la société : accompagner un décrocheur coûte cher à la collectivité.
    Selon les chiffres de l’Éducation nationale, le décrochage scolaire a décru : en 2023, 7,6% des 18-24 ans étaient en dehors du système scolaire contre 11% en 2006. « Trop de jeunes décrochent encore ! constate Jean-Baptiste de Chatillon, directeur général d’Apprentis d’Auteuil. Et les plus vulnérables sont les premiers concernés. Nous refusons de nous y habituer car il existe des solutions. »

    Les plus vulnérables ? Des garçons et des filles en difficulté scolaire, qui ne trouvent pas de sens à l’école, peinent à acquérir les fondamentaux, sont mal orientés, freinés par une santé mentale fragile, victimes de harcèlement scolaire, etc.
    Ces adolescents vivent souvent des difficultés socio-économiques au sein d’un environnement marqué par la précarité ou le chômage. Les difficultés peuvent également être d’ordre familial (ruptures, événement particulier, problèmes d’acculturation, de langue, lien famille-école distendu) ou personnel (liées à la santé, à la mésentente avec les enseignants, à la quête de l’argent facile...)

    « Tous ces facteurs ont des conséquences sur le jeune, sa santé mentale et physique, son comportement en classe, ses résultats scolaires, sa motivation, sa projection dans l’avenir, souligne Julien Pautot, chef de projet au Pôle prévention du décrochage scolaire à Apprentis d’Auteuil. Les difficultés scolaires résultent de difficultés plus larges. Raison pour laquelle les décrocheurs ont besoin d’être accompagnés et suivis individuellement pour retrouver, avant toute chose, confiance en soi et estime de soi. »

    L’innovation du #collège_Nouvelle_Chance au Mans

    En proposant un #accompagnement_renforcé et des #pédagogies_innovantes en matière de #prévention et de #remédiation, Apprentis d’Auteuil démontre que le décrochage scolaire n’est pas une fatalité.
    Au Mans, par exemple, le collège Nouvelle Chance ouvert en 2014, accueille des élèves âgés de 13 à 16 ans qui n’ont plus le goût d’aller à l’école, sont déscolarisés ou en cours de #déscolarisation. Il leur propose, en plus d’un parcours scolaire personnalisé établi en concertation avec le jeune, sa famille et une équipe pédagogique et éducative pluridisciplinaire, un apprentissage de la vie en société et de la #citoyenneté.

    « L’objectif du collège Nouvelle Chance est de révéler le meilleur de chaque jeune, de faire germer et grandir en lui ses capacités, ses compétences, ses talents et ses envies, résume Emmanuelle Barsot, directrice. Pour que chacun reprenne confiance en soi mais aussi dans l’institution scolaire et s’autorise à rêver. Bien souvent, ce sont des jeunes extraordinaires qui ont une histoire de vie compliquée. À nous de changer notre regard sur eux, de leur faire confiance et de leur donner les moyens de s’épanouir et de réussir. Un simple « Tu vois, tu y arrives » peut changer beaucoup de choses. »

    Depuis le mois de janvier, Shelly, 15 ans, vient tous les jours au collège Nouvelle Chance. Une grande victoire pour elle après plus de trois mois de déscolarisation, et une énorme satisfaction pour les enseignants chaque jour à ses côtés. « En 5e, je ne pouvais plus aller au collège, se souvient-elle. J’avais peur de l’école, j’en vomissais. Je ne voulais pas que ma mère me voie dans cet état. Tout cela à cause d’élèves qui ne faisaient pas attention à ce qu’ils disaient. J’en ai parlé à beaucoup d’adultes, mais rien n’a changé. Un jour, j’ai dit à l’ancien directeur : "Je ne peux pas rester là. Sinon, je risque de faire une grosse bêtise." Il a appelé ma mère et nous a proposé le collège Nouvelle Chance. Ici, je n’ai plus peur. »

    Un parcours scolaire personnalisé

    Faire différemment pour ces jeunes loin de l’école, tel est le leitmotiv du collège Nouvelle Chance, qui accueille 30 élèves décrocheurs ou exclus d’établissements scolaires de la Sarthe. Pour chacun, un projet personnalisé et attractif destiné à le raccrocher aux apprentissages. « À un moment de l’année scolaire, les collèges des jeunes se trouvent un peu démunis. Ils ont tout tenté pour les raccrocher à l’école, en vain, explique Emmanuelle Barsot. En nous confiant ces adolescents pour un an, exceptionnellement deux, ils espèrent leur donner une nouvelle chance. »

    Dans des classes à petits effectifs de 6 à 8 élèves, les jeunes suivent des cours de trois-quarts d’heure (avec pauses de quinze minutes) le matin. À leurs côtés, deux enseignants dont l’un fait cours et l’autre apporte des compléments d’information. Au déjeuner, jeunes et adultes se retrouvent à la même table pour un temps d’échange informel. L’après-midi, en compagnie de professeurs et d’éducateurs, les collégiens participent à des activités susceptibles de les aider dans leur orientation scolaire ou professionnelle. Des projets artistiques ou sportifs individuels ou collectifs, des rencontres intergénérationnelles, des stages, des découvertes métiers leur sont proposés. Des emplois du temps à la carte sont même créés pour les jeunes qui ont décroché depuis plusieurs mois voire années.

    « L’essentiel est que les décrocheurs viennent de plus en plus souvent au collège Nouvelle Chance et retrouvent le goût et l’envie d’apprendre et de progresser via un projet personnalisé, conclut Emmanuelle Barsot. Et ce, en lien étroit avec les familles. Aucun décrocheur n’est livré avec un mode d’emploi. Chacun a sa façon de fonctionner. À nous de lui faire confiance et de l’aider au mieux. Tous en valent vraiment la peine ! »

    https://www.apprentis-auteuil.org/actualites/plaidoyer/le-decrochage-scolaire-un-cout-humain-et-social-sous-estime
    #France #rapport #école #éducation #statistiques #chiffres

  • La #Suède annonce allouer plus de 9 millions d’euros pour accélérer les #retours de migrants dans leur pays d’origine

    Dans un communiqué du 13 mai, le gouvernement suédois a indiqué renforcer son soutien à l’#Organisation_internationale_pour_les_migrations (#OIM) afin d’augmenter les retours des migrants présents dans le pays mais aussi dans l’Union européenne. Plus de 9 millions d’euros vont être alloués par la Suède à l’agence onusienne.

    Le sujet de l’immigration irrégulière occupe de nouveaux le devant de la scène en Suède. Mardi 13 mai, le gouvernement suédois a indiqué renforcer son soutien à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en lui allouant 9,2 millions d’euros pour accélérer les retours de migrants présents sur son territoire mais aussi au sein de l’Union européenne (UE).

    Cette #aide_financière doit contribuer à "lutter contre la migration irrégulière depuis l’#Irak, la #Somalie, l’#Ouzbékistan et la #Tunisie" renseigne le communiqué.

    Une autre partie de la somme servira à "renforcer les conditions de retour vers la #Syrie et lutter contre la traite des êtres humains en #Ukraine", précise le document. Le ministre des Migrations, #Johan_Forssell, a réaffirmé le soutien de Stockholm à l’Ukraine et a précisé que l’argent permettra également de "contrer et fournir de l’aide à ceux qui ont été victimes de la traite des êtres humains pendant l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie".

    Ces programmes d’"#aide_au_retour_volontaire" (#AVR) sont mis en place et soutenus par l’OIM dans plus de 100 pays. L’agence onusienne "ne facilite ni ne met en œuvre les expulsions (et) n’intervient qu’une fois qu’une personne a donné son #consentement_éclairé pour recevoir de l’aide", assure-t-elle dans un communiqué daté du 12 mai.

    Une myriade de mesures pour réduire l’immigration

    Cette nouvelle annonce n’est qu’une énième mesure du gouvernement, désireux de freiner l’immigration dans le pays. Depuis une dizaine d’années, les restrictions adoptées par les autorités suédoises à l’encontre des personnes exilées et étrangères sur le territoire scandinave sont de plus en plus sévères.

    Pour inciter les migrants à regagner leur pays d’origine, elles avaient annoncé le 12 septembre 2024 vouloir tripler le montant de l’aide au retour “volontaire”. Actuellement de 10 000 couronnes (environ 920 euros), celle-ci devrait grimper à 350 000 couronnes (30 000 euros) pour un adulte. Très critiquée, la mesure doit malgré tout entrer en vigueur en 2026. D’autres pays européens proposent également une #aide_financière_au_retour : de plus de 13 000 euros au #Danemark, d’environ 1 300 euros en #Norvège et jusqu’à 2 500 euros en #France.

    En avril dernier, les autorités avaient fait part de leur volonté d’introduire dans la législation un critère de "#conduite_honnête" aux migrants, sous peine de voir révoquer ou refuser leur titre de séjour. Déjà, un projet de loi annoncé en janvier proposait de conditionner l’obtention de la #citoyenneté suédoise à une “#bonne_conduite”, une durée de séjour plus longue (huit ans contre cinq actuellement) et à la réussite d’un test de connaissances de la société et des #valeurs suédoises ainsi qu’un examen de #langue.

    Dans cette même logique de durcissement des conditions d’accès des étrangers pour obtenir des #titres_de_séjours, le gouvernement défendait en décembre dernier un projet pour limiter la possibilité des demandeurs d’asile déboutés de déposer une nouvelle demande, sans avoir auparavant quitté le pays.

    Une autre proposition avait suscité un tollé dans le pays en mai 2024 : la coalition au pouvoir avait proposé une loi visant à obliger les travailleurs du secteur public à dénoncer aux autorités les personnes #sans-papiers avec lesquelles ils sont en contact. La mesure, jugée raciste et discriminatoire, s’était cependant heurtée à une très forte opposition au sein des services publics, qui avait appelé à la "désobéissance civile".

    Souhaitant privilégier l’immigration d’une “main-d’œuvre étrangère qualifiée et hautement qualifiée” comme le déclarait l’ancienne ministre des Migrations en février 2024, Stockholm souhaite également relever le plafond de #salaire_minimum requis pour les travailleurs non-européens dans l’obtention d’un #visa_de_travail. Ils devront désormais prouver qu’ils gagnent plus de 34 200 couronnes (3 000 euros) contre 27 360 couronnes (2 400 euros) actuellement.

    La Suède ferme ses portes aux immigrés

    Réputée accueillante pour les demandeurs d’asile depuis les années 1990, la Suède a permis à un grand nombre de personnes en provenance de régions en proie à des conflits, notamment d’ex-Yougoslavie, de Syrie, d’Afghanistan, de Somalie, d’Iran et d’Irak, de vivre sur son territoire. En 2015, le pays connaît un afflux de #réfugiés_syriens fuyant le régime d’Assad. Sur cette seule année, la Suède a accueilli plus 160 000 demandeurs d’asile, soit le taux d’accueil le plus élevé par habitant dans l’Union européenne.

    Mais ces arrivées massives marquent aussi un tournant. Le gouvernement social-démocrate de l’époque déclare alors qu’il n’est plus en mesure de poursuivre sa "politique de la porte ouverte". Depuis, les gouvernements successifs s’emploient à freiner les arrivées de migrants dans le pays.

    L’arrivée au pouvoir en 2022 d’un bloc qui regroupe modérés, conservateurs et obtient le soutien du parti d’extrême droite anti-immigration, les Démocrates de Suède, opère un virage radical dans la politique migratoire suédoise. "Il est temps de faire passer la Suède d’abord", déclarait à cette période Jimmie Akesson, le leader des Démocrates de Suède.

    Devenue l’une des nations européennes les plus strictes en la matière, la Suède peine à intégrer un grand nombre des nouveaux arrivants. En 2024, le nombre de migrants ayant obtenu l’asile en Suède a atteint le niveau le plus bas depuis 40 ans. L’an dernier, un peu plus de 6 000 permis de séjour pour l’asile ont été accordés dans le pays scandinave.

    "Aujourd’hui, trois personnes sur quatre qui demandent l’asile en Suède ne sont pas considérées comme ayant des motifs suffisants pour obtenir un #permis_de_séjour. Elles ne sont donc pas des réfugiées et doivent rentrer chez elles", a déclaré le ministre Johan Forssell.

    La Suède a ainsi été l’un des premiers pays à annoncer la suspension des demandes d’asile pour les Syriens après la chute de Bachar al-Assad en décembre dernier.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64546/la-suede-annonce-allouer-plus-de-9-millions-deuros-pour-accelerer-les-
    #migrations #réfugiés #renvois #expulsions #IOM #traite_d'êtres_humains #retours_volontaires #naturalisation #réfugiés_syriens

    ping @karine4 @reka

  • UK to refuse citizenship to refugees who have ‘made a dangerous journey’

    Home Office accused of shutting out thousands, as new guidance says those applicants will ‘normally be refused’

    The Home Office has been accused of quietly blocking thousands of refugees from applying for citizenship if they arrived in the UK by small boats or hidden in vehicles.

    Guidance for staff assessing people who have applied for naturalisation says that, since Monday, applicants who have “made a dangerous journey will normally be refused citizenship”.

    The Refugee Council said that the move will potentially bar 71,000 people who have successfully applied for asylum from claiming UK citizenship. A leading immigration barrister has claimed that it is a breach of international law.

    The development will be seen as the latest evidence that Keir Starmer’s government has adopted a hardline “hostile environment” stance on asylum to fight off a poll surge by Nigel Farage’s Reform UK.

    Senior Tories claim that the government’s new border security bill, which passed its second reading on Monday, will repeal parts of the Illegal Migration Act, which would stop irregular arrivals from becoming British citizens.

    One Labour MP has joined charities in calling for the government to reverse the guidance with immediate effect.

    Stella Creasy, the Labour MP for Walthamstow, wrote on X: “This should be changed asap. If we give someone refugee status, it can’t be right to then refuse them [a] route to become a British citizen.”

    The changes, first disclosed by the Free Movement blog, were introduced to guidance for visa and immigration staff on Monday.

    Described as a “clarification” to case worker guidance when assessing if a claimant is of “good character’, it says: “Any person applying for citizenship from 10 February 2025, who previously entered the UK illegally will normally be refused, regardless of the time that has passed since the illegal entry took place.”

    In another new entry to the same guidance, it says: “A person who applies for citizenship from 10 February 2025 who has previously arrived without a required valid entry clearance or electronic travel authorisation, having made a dangerous journey will normally be refused citizenship.

    “A dangerous journey includes, but is not limited to, travelling by small boat or concealed in a vehicle or other conveyance.”

    Most people who enter the UK on small boats are eventually granted refugee status. A majority of those granted refugee status eventually claim British citizenship. Seeking UK citizenship costs £1,630 an application, and there is no right of appeal against a refusal.

    Colin Yeo, an immigration barrister and editor of the blog, wrote on Bluesky: “This is bad, full stop. It creates a class of person who are forever excluded from civic life no matter how long they live here. It’s also a clear breach of the refugee convention.”

    Article 31 of the UN refugee convention says: “The contracting states shall not impose penalties, on account of their illegal entry or presence, on refugees.”

    Enver Solomon, the chief executive of the Refugee Council, said the move “flies in the face of reason. The British public want refugees who have been given safety in our country to integrate into and contribute to their new communities.

    “So many refugees over many generations have become proud hard-working British citizens as doctors, entrepreneurs and other professionals. Becoming a British citizen has helped them give back to their communities and this should be celebrated, not prevented.”

    The Home Office was accused on Monday of “enabling the mainstreaming of racism” after releasing footage for the first time showing people being removed from the UK.

    The government believes its record on migration could help retain Labour voters tempted by Farage’s party. On Sunday, it released footage of immigration raids for illegal workers, prompting the MP Diane Abbott to say: “Trying to present ourselves as Reform-lite is a big mistake.”

    Home office insiders said the guidance rules were tightened so that the government would replace the ban that was imposed by the cancelled Illegal Migration Act.

    The IMA disqualified refugees who arrived in the UK by irregular means from claiming UK citizenship.

    A Home Office spokesperson said: “There are already rules that can prevent those arriving illegally from gaining citizenship.

    “This guidance further strengthens measures to make it clear that anyone who enters the UK illegally, including small boat arrivals, faces having a British citizenship application refused.”

    https://www.theguardian.com/politics/2025/feb/11/uk-home-office-citizenship-refugees-dangerous-journey
    #UK #Angleterre #migrations #asile #réfugiés #danger #citoyenneté #naturalisation #voyage_périlleux #voyage_dangereux #Illegal_Migration_Act #good_character #entrée_illégale #bateau

    –—

    Cela rappelle le #modèle_australien tel que décrit dans ce livre :

    Refugees : Why Seeking Asylum is Legal and Australia’s Policies are Not

    et explicité ici :

    Asylum seekers who arrive with a valid visa of some kind, and then apply for refugee status, go through the process described above. They are interviewed by an Immigration Department official and can apply for merits review by the RRT and for judicial review by the courts. Asylum seekers who arrive by boat are not allowed to lodge a valid application for a protection visa.

    (p.45)

  • Donald Trump prétend « sceller » les frontières américaines
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/25/donald-trump-pretend-sceller-les-frontieres-americaines_6514958_3210.html

    Donald Trump prétend « sceller » les frontières américaines
    Par Piotr Smolar (Washington, correspondant)
    Des agents des douanes et de la protection des frontières des États-Unis guident des migrants sans papiers dans un avion de transport militaire, à l’aéroport international de Tucson, en Arizona, le 23 janvier 2025. Photo fournie par le ministère de la défense américain.
    Des agents des douanes et de la protection des frontières des États-Unis guident des migrants sans papiers dans un avion de transport militaire, à l’aéroport international de Tucson, en Arizona, le 23 janvier 2025. Photo fournie par le ministère de la défense américain.
    Têtes penchées, mains menottées, ils avancent en file indienne vers un avion-cargo militaire, les reconduisant au Guatemala. La photo a été diffusée par Karoline Leavitt, la porte-parole de la Maison Blanche, vendredi 24 janvier, sur le réseau social X. « Les vols d’expulsion ont commencé, écrit-elle. Le président Trump envoie un signal fort et clair au monde entier : si vous pénétrez illégalement aux Etats-Unis d’Amérique, vous ferez face à des conséquences sévères. » Les vols d’expulsion ne peuvent pas avoir « commencé », dans la mesure où ils ne se sont jamais arrêtés. La nouveauté est l’emploi d’un appareil militaire, au cœur de la communication officielle.
    Au cours de l’année fiscale 2024, le département de la sécurité intérieure a organisé près de 700 000 reconduites à la frontière et expulsions, un chiffre sans précédent depuis 2010. Mais l’administration Biden a erré sur la question migratoire, coincée entre devoir d’accueil et fermeté, attendant juin 2023 pour durcir sa ligne face à la pression migratoire massive. Aujourd’hui, l’administration Trump cherche le choc des images, pour marquer une rupture répressive. Cela passe d’abord par la militarisation de la gestion de la frontière.
    Dans un communiqué, le Pentagone a détaillé l’origine exacte des 1 500 soldats supplémentaires déployés dans la semaine du 20 janvier, s’ajoutant aux 2 500 déjà envoyés par l’administration Biden. Le nombre total devrait encore monter, dans le cadre de l’état d’urgence proclamé par la Maison Blanche. Celle-ci pourrait invoquer un texte très ancien (1807), l’Insurrection Act, autorisant le déploiement de l’armée sur le sol américain face à des troubles majeurs. L’équipe Trump veut que les soldats ne se contentent pas de missions logistiques, mais sécurisent la frontière et arrêtent les clandestins.
    Les policiers de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE, service de l’immigration et des douanes) ont aussi lancé des opérations médiatisées dans différentes villes. Le flou règne sur les résultats de cette première vague. Le chiffre faible de 538 clandestins arrêtés a été diffusé. « Ça se passe très bien, a assuré Donald Trump, en déplacement en Caroline du Nord. On se débarrasse des criminels endurcis et mauvais. »
    En réalité, la confusion est entretenue sur le profil des personnes visées, afin de créer un sentiment d’insécurité chez les sans-papiers, et de donner des gages à l’électorat trumpiste. « La plupart des expulsions organisées sous le président Biden visaient des personnes ayant récemment franchi la frontière, souligne Julia Gelatt, experte au centre d’études Migration Policy Institute. L’effet sur la société est très différent lorsque vous expulsez des gens qui vivent et travaillent aux Etats-Unis souvent depuis des années. »
    « Sceller la frontière » avec le Mexique est la promesse au cœur de plusieurs décrets présidentiels signés dès les premiers jours de ce mandat. Mais l’expulsion de millions de clandestins reste suspendue à des problèmes logistiques et judiciaires majeurs. Sans la construction de centres de rétention, sans la coopération des pays sources et de pays tiers financièrement récompensés, sans le vote au Congrès d’une enveloppe majeure pour soutenir ces expulsions massives, l’administration Trump s’expose à une révolution de papier. Vendredi, le gouvernement mexicain s’est dit prêt à coopérer avec Washington pour accueillir ses ressortissants expulsés des Etats-Unis.
    Les premières mesures de la nouvelle administration envoient un message clair : les voies légales de l’immigration sont considérées comme suspectes. Le rêve américain aux Américains d’abord. Les programmes d’accueil des réfugiés, enregistrés dans leur pays d’origine, ont été gelés. Cela concerne aussi bien Haïti, le Venezuela que l’Ukraine. Les Etats-Unis tournent le dos à la notion d’asile.
    Dans l’ensemble, depuis que l’ancien président Joe Biden a signé, bien tardivement, des décrets présidentiels en juin 2024, la pression migratoire a décru de façon spectaculaire, sans que cela apparaisse pendant la campagne présidentielle. Le nombre d’interpellations de clandestins dans la seconde moitié de l’année 2024 a baissé de plus de 70 % par rapport à la même période en 2023. Mais le mandat Biden a été marqué par des chiffres très forts d’interpellations à la frontière avec le Mexique (8,7 millions).
    Plus largement, les républicains ont imposé dans le débat public une association entre immigration illégale et criminalité, Donald Trump faisant miroiter le possible renvoi de 15 à 20 millions de clandestins, malgré leur apport déterminant à certains secteurs économiques. Le président n’a cessé d’utiliser le mot « invasion ». La réalité est celle d’une accélération de la diversité de la société américaine. Selon le Pew Research Center, la part de la population née à l’étranger était de 14,3 % en 2023 (soit 47,7 millions de personnes), contre 4,7 % en 1970.
    « Ce combat est d’abord symbolique, explique Julia Gelatt. L’administration veut envoyer un message aux gens en situation illégale dans le pays ou à ceux pensant y entrer sans autorisation : vous n’aurez pas de droits chez nous, la vie sera difficile, vos enfants n’auront aucune possibilité. Donc, restez chez vous. Et puis, il y a un autre aspect qui ressort de tous les ordres exécutifs et des directives, cherchant par exemple à se débarrasser des programmes DEI [diversité, équité, inclusion]. On essaie de redéfinir qui a sa place aux Etats-Unis, qui est un vrai Américain, selon quels paramètres. »
    Un membre du département militaire du Texas ajuste une clôture le long de la frontière américano-mexicaine à El Paso, Texas, le 22 janvier 2025.
    Dans cette bataille idéologique, la remise en cause par Donald Trump du 14e amendement de la Constitution, garantissant le droit du sol, représente le trophée ultime. Cet amendement assure la citoyenneté américaine à tout enfant né aux Etats-Unis, sauf dans le cas d’enfant de diplomates ou de soldats. Les procureurs généraux dans une vingtaine d’Etats ont déjà déposé des recours. Le décret signé par Donald Trump a été bloqué provisoirement par un juge fédéral de Seattle, qui l’a qualifié d’« ouvertement anticonstitutionnel ». La querelle promet de remonter jusqu’à la Cour suprême. « Je ne pense pas que l’administration Trump parviendra à remettre en cause la définition du 14e amendement, prédit Julia Gelatt. Mais ce qu’elle veut, c’est repousser les bornes de la conversation politique. »

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#politiquemigratoire#frontiere#expulsion#sante#droitdusol#citoyennete

    • C’est moins cher avec des procédures expéditives et des avions militaires, mais comment faire tourner l’économie étasunienne en virant plus de 740 migrants par jour soit 270 000 par an, comme c’était le cas sous Biden, se demandent y compris de nombreux capitalistes locaux.
      En termes de légitimation politique (on fait ce qu’on dit, l’"Amérique" est grande car elle défend son sol contre l’"invasion"), c’est moins coûteux qu’une campagne présidentielle, mais ça se complique lorsque l’électeur peut plus se faire livrer, aller au fast-food, faire tondre sa pelouse ou construire sa baraque, garder ses mômes, ses vieux et ses supermarchés, être assuré que récoltes et production seront réalisées, ou être rassurer de savoir que les hostos, les facs et les boites innovantes disposent de ce qu’il leur faut comme main-d’oeuvre qualifiée.

  • Etats-Unis : un juge fédéral suspend la remise en cause du droit du sol ordonnée par Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/23/etats-unis-un-juge-federal-suspend-provisoirement-la-remise-en-cause-du-droi

    Etats-Unis : un juge fédéral suspend la remise en cause du droit du sol ordonnée par Donald Trump
    Le Monde avec AFP
    Un juge américain a suspendu, jeudi 23 janvier, la remise en cause du droit du sol ordonnée par le président Donald Trump mesure emblématique de son offensive anti-immigration.
    « Il s’agit d’un texte manifestement inconstitutionnel », a estimé le magistrat fédéral John Coughenour, cité par des médias locaux, lors d’une audience à Seattle (Washington). Joint par téléphone, un greffier du tribunal a confirmé la suspension à l’Agence France-Presse.« Evidemment, nous ferons appel », a déclaré le président américain à la presse depuis le bureau Ovale de la Maison Blanche en réaction à cette suspension. Le ministère de la justice a assuré, de son côté, que le décret présidentiel « interprète correctement » le 14e amendement. L’affaire est susceptible de remonter jusqu’à la Cour suprême.
    Dans la foulée de son investiture, lundi, Donald Trump a signé un décret revenant sur le droit du sol, un principe fondateur consacré par le 14e amendement de la Constitution américaine et appliqué depuis plus de cent cinquante ans aux Etats-Unis. Cette mesure a immédiatement été contestée en justice par vingt-deux Etats américains, dont la Californie et New York, et plusieurs associations. Ils ont intenté plusieurs procédures pointant son inconstitutionnalité. « Je suis juge depuis plus de quarante ans et je ne me souviens pas d’une autre affaire dans laquelle la question posée est aussi claire que celle-ci », a ajouté le juge Coughenour, en suspendant le décret pour quatorze jours, selon le New York Times.
    La procédure, jugée jeudi à Seattle, était portée par les procureurs généraux de quatre Etats : ceeux de Washington, de l’Arizona, de l’Oregon et de l’Illinois. Ils soulignaient que ce décret pourrait priver de droit 150 000 nouveau-nés chaque année, aux Etats-Unis, et risquaient de rendre certains d’entre eux apatrides.
    Le décret devait interdire au gouvernement fédéral de délivrer des passeports, des certificats de citoyenneté ou d’autres documents aux enfants dont la mère séjourne illégalement ou temporairement aux Etats-Unis et dont le père n’est pas citoyen américain ou résident permanent, titulaire de la fameuse « carte verte ».
    La décision de jeudi s’applique à l’échelle nationale, selon l’agence Associated Press. « Il faut espérer que ce décret anticonstitutionnel et antiaméricain n’entrera jamais en vigueur », a estimé le procureur général (démocrate) de l’Etat de Washington, Nick Brown, dans un communiqué, saluant la suspension. « La citoyenneté ne peut pas être conditionnée par la race, l’appartenance ethnique ou l’origine des parents, a-t-il ajouté. C’est la loi de notre nation, reconnue par des générations de juristes, de législateurs et de présidents, jusqu’à l’action illégale du président Trump. »
    La procureure générale d’Arizona, Kris Mayes, a, de son côté, salué « une victoire pour l’Etat de droit ». « Aucun président ne peut modifier la Constitution sur un coup de tête et la décision d’aujourd’hui l’affirme », a ajouté cette élue démocrate, dans un communiqué.Le décret de Donald Trump, qu’il a signé le jour de son investiture, lundi 20 janvier, devait entrer en vigueur le 19 février. Le président avait lui-même reconnu s’attendre à des contestations devant les tribunaux. Il avait également jugé que le droit du sol est un principe « ridicule » et avait faussement affirmé que les Etats-Unis seraient « les seuls » à l’appliquer. En réalité, des dizaines de pays reconnaissent le droit du sol, dont la France, le Canada et le Mexique.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#droitdusol#nation#immigration#citoyennete#sante

  • Mis en cause par François Bayrou, les agents de l’#Office_français_de_la_biodiversité appelés à faire la grève des contrôles
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/01/17/mis-en-cause-par-francois-bayrou-les-agents-de-l-office-francais-de-la-biodi

    Mis en cause par François Bayrou, les agents de l’Office français de la biodiversité appelés à faire la grève des contrôles
    Trois jours après l’attaque frontale du premier ministre contre le travail des agents de l’#OFB, les syndicats de l’établissement public demandent des excuses publiques.

    Par Perrine Mouterde

    Publié le 17 janvier 2025 à 16h39

    Ne plus effectuer aucune mission de police, ne plus réaliser aucune opération en lien avec le monde agricole, ne plus transmettre aucun avis technique… tant que le premier ministre n’aura pas formulé des excuses publiques. Trois jours après que François Bayrou a attaqué frontalement le travail des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), les syndicats de l’établissement public appellent, vendredi 17 janvier, à une grève partielle et à un vaste mouvement de contestation. « En réponse à la remise en cause incessante de nos missions et afin d’éviter de commettre des “fautes”, l’intersyndicale demande à l’ensemble des personnels de rester au bureau », résument dans un communiqué cinq organisations (#Syndicat_national_de_l’environnement, FSU, FO, CGT, Unsa, EFA-CGC).

    Quasiment muet sur les #sujets_climatiques_et_environnementaux lors de sa déclaration de politique générale, mardi 14 janvier, #François_Bayrou a en revanche lancé un acte d’accusation sévère à l’encontre de l’instance chargée de veiller à la préservation de la biodiversité et au respect du droit de l’environnement. « Quand les #inspecteurs de la #biodiversité viennent contrôler le fossé ou le point d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran, c’est une humiliation, et c’est donc une faute », a-t-il affirmé.

    Cette déclaration ne pouvait que remettre de l’huile sur le feu après dix-huit mois de vives tensions entre l’établissement et certains syndicats agricoles. La #FNSEA et la Coordination rurale, notamment, assurent que les agriculteurs sont contrôlés de manière excessive et intimidante par les inspecteurs de l’environnement et réclament leur désarmement. Fin 2023 et début 2024, des personnels et des agences de l’OFB avaient été pris pour cibles lors de manifestations. Fin 2024, lors d’un nouveau mouvement de protestation agricole, une cinquantaine d’agressions et d’attaques ont été recensées.

    « Le premier ministre, qui a outrepassé ses fonctions en se faisant le porte-parole de syndicats agricoles, doit se reprendre et réparer sa faute, affirme aujourd’hui #Sylvain_Michel, représentant #CGT à l’OFB. Il est intolérable que le deuxième plus haut représentant de l’Etat attaque directement un établissement public dont les missions sont dictées par la loi et qui consistent à faire respecter le code de l’environnement. »

    Expression « mal comprise »
    La présidente du conseil d’administration de l’OFB, Sylvie Gustave-dit-Duflo, a également fait part de sa colère après les propos de François Bayrou. « Lorsque le premier ministre prend directement à partie l’OFB sans avoir pris la peine de s’intéresser à nos missions, à ses enjeux, c’est inconcevable, c’est une faute », a déclaré vendredi Me Gustave-dit-Duflo, qui est aussi vice-présidente de la région Guadeloupe. « La probabilité pour qu’une exploitation agricole soit contrôlée par les 1 700 inspecteurs de l’environnement, c’est une fois tous les cent-vingt ans », a-t-elle ajouté.

    Les propos du #premier_ministre avaient déjà fait réagir ces derniers jours. Dès mercredi, un membre du Syndicat national des personnels de l’environnement (SNAPE)-FO, Benoît Pradal, a décrit sur France Inter « l’humiliation » ressentie depuis des mois par les agents de l’OFB et assuré n’avoir aucun problème avec « la majorité » des agriculteurs. « On a le sentiment que ce que veulent [une minorité d’agriculteurs], c’est ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités », a-t-il ajouté. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont aussitôt dénoncé « une comparaison honteuse » et réclamé la suspension des contrôles. Le patron des LR à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, a lui réclamé que l’OFB soit « purement et simplement supprimé ».

    L’ancien député Modem Bruno Millienne, conseiller de Matignon, juge que l’expression de François Bayrou a été « mal comprise » et prône « le bon sens et le respect mutuel de part et d’autre ». De son côté, la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a appelé vendredi à l’apaisement, en rappelant que les agents de l’OFB « font le travail que nous leur demandons ». « Si la loi doit évoluer, c’est aux parlementaires de la faire évoluer. Ce n’est pas aux agents de l’OFB de ne pas respecter la loi », a-t-elle ajouté.

    Etuis de port d’armes discrets
    Outre la suspension d’un certain nombre de missions, l’intersyndicale de l’établissement public invite les quelque 3 000 agents (dont les 1 700 inspecteurs de l’environnement) à cesser toute participation aux réunions organisées en préfecture sur des sujets agricoles ainsi que tout appui technique aux services de l’Etat, aux établissements publics et aux collectivités territoriales. Elle suggère aussi, dans le cadre d’une action symbolique, d’aller remettre en mains propres aux préfets les étuis de port d’armes discrets, censés permettre de dissimuler l’arme sous les vêtements.

    Une circulaire du 3 décembre 2024 prévoit la mise en place immédiate de ce port d’armes discret. Pour Sylvain Michel, cet outil est « de la poudre aux yeux », qui ne réglera en aucun cas les difficultés. « Ceux qui attaquent les armes violemment ne veulent pas de droit de l’environnement, et donc pas de police de l’environnement », a jugé récemment le directeur général de l’établissement, Olivier Thibault. La police de l’environnement est celle qui contrôle le plus de personnes armées chaque année.

    #Perrine_Mouterde

    • « L’Office français de la biodiversité, l’un des principaux remparts contre l’effondrement du vivant, est victime d’attaques intolérables »

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/07/l-office-francais-de-la-biodiversite-l-un-des-principaux-remparts-contre-l-e

      TRIBUNE
      Collectif

      Amputer les missions de l’#OFB, en réduire les moyens ou revenir sur ses dotations sacrifierait des ressources indispensables pour sa capacité à protéger la biodiversité et à la défendre face aux pratiques illégales qui la dégradent, explique, dans une tribune au « Monde », un collectif de personnalités d’horizons divers, parmi lesquelles Allain Bougrain-Dubourg, Marylise Léon, Christophe Béchu et Valérie Masson-Delmotte.

      ’Office français de la biodiversité (OFB) a récemment déposé une cinquantaine de plaintes au niveau national pour dégradations et menaces.

      Début octobre, la voiture d’un chef de service du Tarn-et-Garonne a été visée par un acte de sabotage. Le 26 janvier 2024, sur fonds de colère agricole, des manifestants ont tenté de mettre le feu au siège de Trèbes (Aude), tandis que l’enquête ouverte après l’incendie de celui de Brest (Finistère), à l’occasion d’une manifestation de marins pêcheurs mécontents, le 30 mars 2023, vient d’être classée sans suite.

      A Guéret (Creuse), les locaux de l’établissement public ont été saccagés, et des documents volés, pour la première fois ; à Beauvais, un service a été muré, et plusieurs services ont reçu un mail d’insultes et de menaces. D’autres établissements publics – tels que l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – et certains agents ont été victimes d’attaques intolérables.

      3 000 agents répartis à travers la France
      L’OFB incarne pourtant l’un des principaux remparts contre l’érosion de la biodiversité. Cet établissement public, créé par le législateur, en 2019, lors de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, rassemble plus de 3 000 agents répartis à travers la France métropolitaine et les outre-mer. Inspecteurs de l’environnement, ingénieurs, experts thématiques, vétérinaires, techniciens, personnel administratif, œuvrent ensemble pour accompagner les collectivités et les divers acteurs économiques vers des pratiques respectueuses de la nature.

      L’OFB réunit des compétences uniques pour mesurer, analyser et anticiper l’effondrement du vivant. Que savons-nous de la fragilité des espèces ou des écosystèmes déjà affectés ? Quel est l’état de santé des zones humides, des milieux forestiers et marins ? Affaiblir l’OFB, c’est saper les fondations mêmes de notre connaissance et de nos capacités d’action. Le défendre, c’est affirmer que la science est un levier crucial de la résilience de nos sociétés.

      Protéger la biodiversité, c’est aussi la défendre face aux pratiques illégales qui la dégradent. L’une des missions centrales de l’OFB vise à assurer l’application des lois environnementales. Avec ses 1 700 inspecteurs, cette police de l’environnement lutte contre le braconnage, les pollutions et autres atteintes aux milieux naturels et aux espèces protégées. Ses équipes aident également les usagers à mieux comprendre et à respecter les réglementations, en proposant des solutions concrètes et constructives.

      L’OFB n’agit pas seul. Il constitue le cœur d’un réseau d’acteurs qui tissent ensemble des initiatives locales et nationales : Etat, collectivités, citoyennes et citoyens engagés, en particulier dans les associations, entreprises, scientifiques. De la ruralité au cœur des villes, cette force agit pour la préservation de la biodiversité et de l’équilibre de nos territoires.

      La base de notre existence
      Loin de faire cavalier seul, comme certains l’affirment, les agents de l’OFB participent à la résilience des activités économiques, établissent des ponts entre des intérêts parfois divergents, en facilitant le dialogue avec les agriculteurs, pêcheurs, chasseurs, pratiquants des sports de nature ou encore les acteurs de l’énergie. Qu’il s’agisse de la restauration d’un marais, de la survie d’une espèce endémique ultramarine ou de l’éducation des plus jeunes, chaque avancée repose sur cette synergie avec la même ambition : léguer un futur viable aux prochaines générations.

      La biodiversité n’est pas un luxe, elle est la base même de notre existence : l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, les sols qui nous nourrissent. Ses interactions et interdépendances ont permis, au cours de l’évolution, de créer les conditions d’émergence de l’ensemble du vivant. Ce fil fragile menace bientôt de rompre. Quand les océans s’élèvent, que les habitats naturels se dégradent, que les cours d’eau s’assèchent ou débordent, que les espèces sauvages disparaissent à un rythme sans précédent, nous devons faire front et nous unir derrière un unique objectif : protéger la vie.

      Dans ce contexte, amputer les missions de l’#OFB, réduire ses moyens budgétaires et humains ou revenir sur les dotations décidées il y a à peine un an pour les politiques publiques de biodiversité, sacrifierait des ressources indispensables pour notre capacité à agir efficacement pour préserver l’#avenir.

      C’est pourquoi, aujourd’hui, nous appelons élus, #associations, #scientifiques, #citoyennes_et_citoyens à faire front pour soutenir cet #opérateur_public, aujourd’hui sous le feu de #critiques_injustifiées. Celles-ci visent en réalité, à travers l’OFB ainsi qu’à travers l’ensemble de ses agents, des politiques publiques et des #réglementations qui ont mis des années à progresser et à commencer à faire leurs preuves.

      Premiers signataires : Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux ; Antoine Gatet, président de France Nature Environnement ; Erwan Balanant, député (#MoDem) du Finistère ; Sandrine Le Feur, députée (Renaissance) du Finistère ; Marie Pochon, députée (#EELV) de la Drôme ; Dominique Potier, député (divers gauche) de Meurthe-et-Moselle ; Loïc Prud’homme, député (LFI) de Gironde ; Richard Ramos, député (MoDem) du Loiret ; Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT ; Christophe Béchu, maire d’Angers et ancien ministre ; Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, directrice de recherches au CEA ; Claude Roustan, président de la Fédération nationale de la pêche. Liste complète des signataires ici.

      Collectif

    • Jean-Baptiste Fressoz, historien : « Les #polices_environnementales subissent de nombreuses entraves »
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      Jean-Baptiste Fressoz, historien : « Les polices environnementales subissent de nombreuses entraves »
      CHRONIQUE

      Jean-Baptiste Fressoz

      Historien, chercheur au CNRS

      La mise en cause de l’Office français de la biodiversité à l’occasion des manifestations d’agriculteurs s’inscrit dans l’histoire des entraves à la protection de l’environnement, observe l’historien dans sa chronique.Publié le 28 février 2024 à 06h00, modifié le 28 février 2024 à 08h15 Temps deLecture 2 min.

      Les locaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont été plusieurs fois visés par les manifestations d’agriculteurs, par exemple à Mende, le 2 février, et à Carcassonne, le 27 janvier. Le 26 janvier, le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé le placement de l’établissement public sous la tutelle des préfets. L’OFB fait partie des « polices environnementales », vocable regroupant différentes institutions qui vont des anciens gardes-chasse, gardes forestiers, gardes-pêche – devenus agents de l’OFB – aux inspecteurs des établissements classés (Polices environnementales sous contraintes, de Léo Magnin, Rémi Rouméas et Robin Basier, Rue d’Ulm, 90 pages, 12 euros).

      Le mot « police » a cela d’intéressant qu’il renvoie à l’origine de ces institutions. Sous l’Ancien Régime, la police méritait en effet pleinement son nom, car elle s’occupait de tout ce qui avait trait à l’espace urbain, à la fois l’ordre public, bien sûr, mais aussi l’ordre environnemental, la propreté des rues, l’organisation des marchés, les fumées des artisans…

      Le succès administratif des termes « environnement », dans les années 1970, puis « biodiversité », dans les années 2000, cache la profonde continuité des pratiques et des institutions qui encadrent les usages de la nature. A l’instar de la police d’Ancien Régime, la police environnementale recourt surtout à la pédagogie et aux rappels aux règlements bien plus qu’aux sanctions. Une police qui repose davantage sur les bonnes pratiques que sur des normes strictes et des instruments de mesure.

      On retrouve aussi une même rivalité entre administration et justice tout au long de son histoire. Au début du XIXe siècle, la mise en place du système administratif (préfets et Conseil d’Etat) avait conduit à marginaliser les cours judiciaires dans la gestion de l’environnement : d’un côté, une administration qui pense « production et compétitivité nationale », de l’autre, des cours qui constatent des dommages, des responsabilités et attribuent des réparations.

      Gestion de contradictions
      Les polices environnementales subissent également de nombreuses entraves. Tout d’abord celle liée au manque de personnel : pour surveiller l’ensemble de ses cours d’eau, la France ne dispose que de 250 agents, soit moins d’un agent pour 1 000 kilomètres de rivière. Quant aux établissements classés, on en compte plus de 500 000 en France, pour 3 100 inspecteurs. On est bien loin des 30 000 gardes champêtres qui quadrillaient les campagnes françaises au XIXe siècle !

      Entraves qui tiennent ensuite à la faible prise en charge judiciaire de ces affaires : les atteintes à l’environnement représentent ainsi une part infime des affaires correctionnelles. Entraves liées enfin à l’état du monde agricole français : moins de 2 % de la population exploite plus de la moitié du territoire métropolitain ; logiquement, les agriculteurs concentrent la majorité des contrôles. Et la peur de la violence d’un monde agricole en détresse économique taraude les inspecteurs : un contrôle de trop peut enclencher la faillite…

      Robert Poujade, tout premier ministre de l’écologie de 1971 à 1974, avait conté son expérience au Ministère de l’impossible (Calmann-Lévy, 1975). La police de l’environnement est une « police de l’impossible », davantage caractérisée par ses contraintes que par ses pouvoirs, une police « d’avant-garde » par certains aspects, mais qui tente de faire respecter des règles souvent anciennes, une police enfin qui n’est soutenue par aucune campagne de sensibilisation massive, contrairement à ce qui a été fait, par exemple, pour la sécurité routière, et qui se trouve devoir gérer les contradictions entre système productif et politique. Selon la formule des auteurs de Polices environnementales sous contraintes, « l’écologisation de nos sociétés n’a rien d’automatique et demeure un processus hautement contingent, sinon un objectif essentiellement discursif ». Les reculades de Gabriel Attal face aux revendications de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles confirment cette sombre appréciation.

      #Jean-Baptiste_Fressoz (Historien, chercheur au #CNRS)

    • « Il appartient aux autorités politiques de #défendre l’#existence de l’Office français de la #biodiversité, chargé d’appliquer les #réglementations_environnementales »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/02/il-appartient-aux-autorites-politiques-de-defendre-l-existence-de-l-office-f

      « Il appartient aux autorités politiques de défendre l’existence de l’Office français de la biodiversité, chargé d’appliquer les réglementations environnementales »
      TRIBUNE
      Collectif

      L’OFB est devenu le bouc émissaire de la crise agricole, déplorent dans une tribune au « Monde » les représentants des organisations siégeant au conseil d’administration de cet établissement national. Pour eux, la coopération entre agriculture et biodiversité est une évidente nécessité.Publié le 02 mars 2024 à 06h30 Temps deLecture 4 min.

      Le #déclin_de_la_biodiversité à une vitesse et à une intensité jamais égalées est #scientifiquement_établi depuis des années, et particulièrement dans les rapports de la Plate-Forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (#IPBES). Les menaces sur l’eau et la biodiversité sont toutes d’origine humaine et s’exacerbent mutuellement.

      Cet #effondrement_de_la_biodiversité, conjugué au changement climatique, remet en question l’habitabilité de notre planète et interroge l’avenir du vivant, humain et non humain.

      Face à ce constat, l’Etat a créé en 2020 un établissement national spécialisé, l’Office français de la biodiversité (#OFB), consacré à la protection et à la restauration de la biodiversité en métropole et dans les outre-mer. Le législateur et le gouvernement lui ont assigné des missions essentielles, en particulier :

      – la connaissance et l’expertise : mieux connaître les espèces, les milieux naturels, les services rendus par la biodiversité et les menaces qu’elle subit est essentiel pour protéger le vivant ;

      – un appui aux politiques publiques : à tous niveaux, les équipes de l’OFB appuient les politiques publiques pour répondre aux enjeux de préservation de la biodiversité ;

      – la gestion et restauration des espaces protégés : parcs naturels marins, réserves, appui aux parcs nationaux, travail en réseau… ;

      – la contribution à la police de l’environnement, qu’elle soit administrative ou judiciaire, relative à l’eau, aux espaces naturels, à la flore et la faune sauvages, à la chasse et à la pêche ; à la lutte contre le trafic des espèces sauvages menacées d’extinction.

      Manque de moyens
      Quatre ans après sa création, l’OFB continue de consolider son identité et sa place dans le paysage institutionnel. En manque d’un véritable portage politique, ce « fer de lance de la biodiversité » a vu ses missions s’étoffer et se complexifier considérablement, tandis que ses effectifs n’ont augmenté qu’à la marge.

      Le manque de moyens humains reste une entrave à l’action, à tous niveaux.

      Par exemple, sur les seules missions de police judiciaire, à l’échelle du territoire national, l’OFB ne compte que 1 700 inspecteurs pour prévenir et réprimer les atteintes à l’environnement (surveillance du territoire, recherche et constat des infractions, interventions contre le braconnage, …), qui doivent également contribuer à la connaissance, apporter leur expertise technique, sensibiliser les usagers, réaliser des contrôles administratifs sous l’autorité du préfet, etc. Mais d’autres agents et métiers de l’OFB sont également en tension.

      Durant les manifestations de colère agricole, l’OFB se voit conspué, ses implantations locales dégradées, ses agents vilipendés. L’OFB est devenu le bouc émissaire de la crise agricole, en l’absence de réponses concrètes sur le revenu des paysans.

      La santé des agriculteurs en premier lieu
      Ces attaques réitérées contre l’OFB sont inacceptables, car elles visent, au travers de l’établissement et de ses agents, à affaiblir les politiques publiques de protection et de sauvegarde de la nature, de l’eau et de la biodiversité.

      Parce que l’eau et la biodiversité renvoient à la complexité du vivant, le bon sens, qu’il soit populaire ou paysan, ne peut suffire à protéger ou à restaurer un fonctionnement équilibré des milieux naturels. L’OFB est un outil précieux de connaissance et d’expertise pour accompagner et garantir la mise en œuvre des politiques publiques (collectivités, habitants, filières professionnelles, etc.). La remise en cause de certaines de ses missions et de sa capacité d’agir générerait des reculs concrets et dommageables pour l’intérêt général et nos modes de vie.

      Elle ne constituerait aucunement un gain pour le monde agricole, dont une grande partie a déjà intégré les enjeux de préservation des milieux et des cycles naturels. Rappelons que, en faisant appliquer les réglementations environnementales, l’OFB et les autres opérateurs publics de l’environnement protègent aussi la santé de tous les citoyens, celle des agriculteurs en premier lieu.

      A l’inverse de la tendance à opposer agriculture et protection de la nature, la coopération entre agriculture et biodiversité est une nécessité évidente : le système agroalimentaire intensif aujourd’hui dominant constitue l’une des principales pressions sur la biodiversité, dont l’érosion continue provoque, en retour, une fragilisation de tous les modèles agricoles.

      Rappeler les lois, voire sanctionner
      Les politiques publiques, comptables vis-à-vis des générations futures, ne doivent pas renoncer à la transition agroécologique ; elles doivent au contraire l’accompagner, la guider et la soutenir, au bénéfice de la biodiversité, de l’atténuation et de l’adaptation du changement climatique, de la santé des humains (et en premier lieu des producteurs), des autres êtres vivants et de l’agriculture elle-même.

      Nous soutenons sans réserve tous les paysans qui s’engagent dans cette transition agroécologique, dans un modèle à la fois vertueux pour l’environnement et où les femmes et les hommes qui nous nourrissent vivent dignement de leur travail, sans mettre en jeu leur santé et celle des citoyens.

      Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « Face au changement climatique, l’agriculture biologique doit être soutenue »

      L’OFB a sa place au côté d’une agriculture en pleine mutation, pour accompagner les paysans de bonne volonté, engagés dans la transition, mais aussi pour rappeler les lois et règlements en vigueur, voire sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi, qu’ils soient des entreprises, des agriculteurs, des collectivités ou des individus.

      L’Etat doit lui en donner véritablement les moyens, avec des effectifs à la hauteur de ces enjeux et des agents reconnus qui vivent, eux aussi, dignement de leur travail. Comme pour d’autres établissements publics pris pour cible par des groupes d’intérêts économiques, il appartient aux autorités politiques de défendre l’existence de cet organisme dont les missions sont définies dans le cadre légitime de l’action publique de l’Etat

      Les signataires de cette tribune proviennent tous d’organisations siégeant au conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité : Véronique Caraco-Giordano, secrétaire générale du #SNE-FSU, Syndicat national de l’environnement ; Antoine Gatet, président de France Nature Environnement ; Bernard #Chevassus-au-Louis, président d’Humanité et biodiversité ; Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux ; Claude Roustan, président de la #Fédération_nationale_de_la_pêche en France ; Vincent Vauclin, secrétaire général #CGT_environnement (domaine OFB et #parcs_nationaux).

    • À #Poitiers, l’immense désarroi de la police de l’environnement | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/150225/poitiers-limmense-desarroi-de-la-police-de-l-environnement

      À Poitiers, l’immense désarroi de la police de l’environnement
      Harcelés par les syndicats agricoles, les agents de l’Office français de la biodiversité se sentent abandonnés et constatent une perte de sens de leur travail. D’autant que François Bayrou les a jetés en pâture dès son arrivée à Matignon, les accusant d’« humilier les agriculteurs ».

      Lucie Delaporte

      15 février 2025 à 10h28

      PoitiersPoitiers (Vienne).– Sur la porte vitrée du local subsistent encore les traces laissées par la Coordination rurale (CR). Des graines mélangées à une substance visqueuse et, çà et là, quelques autocollants du syndicat : « Stop à l’agricide », « OFB stop contrôle ».

      Dans la nuit du dimanche 2 février, les locaux de l’agence départementale de l’Office français de la biodiversité (#OFB) à Poitiers ont été pris pour cible par des militants du syndicat agricole proche de l’extrême droite. Des #graffitis ont été tracés sur le bâtiment, des sacs de légumes pourris déversés devant les locaux. « Un camion entier », précise Alain*, le premier agent à être arrivé sur les lieux.

      C’est la sixième fois en un an et demi que cette antenne de l’OFB de la Vienne est attaquée. Le procureur de la République a ouvert une enquête en flagrance pour les dégradations matérielles mais aussi pour harcèlement, au regard de la répétition de ces actes de malveillance.

      Dans cette âpre campagne où le syndicat disputait son leadership à la FNSEA, l’OFB aura été sa cible répétée. « On leur a servi de bouc émissaire idéal », résume un agent que nous rencontrons dans la salle de repos où sont collées des affichettes montrant des agents couverts de déchets avec le slogan « Nous ne sommes pas des punching-balls ».

      Après le témoignage sur France Inter d’un responsable syndical de l’OFB qui avait comparé à des « dealers » les agriculteurs hors la loi, le climat s’est enflammé. « Une voiture de l’OFB qui entre dans une exploitation sera brûlée sur place », a déclaré peu après dans un meeting le secrétaire général de la CR, Christian Convers.

      Grève du zèle
      Né en 2020 de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office français de la chasse et de la faune sauvage, l’OFB, qui compte 2 800 agents, est encore mal connu du grand public. Il exerce des missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche.

      À Poitiers, quelques jours après cette sixième attaque contre ses locaux, l’antenne tourne au ralenti. « On fait une grève larvée. Globalement, on ne fait pas de police pénale, pas de contrôle administratif. On essaie de solder les procédures en cours et on va surtout voir des espèces sur le terrain », résume un agent qui, comme tous les autres, requiert l’anonymat.

      On se dit qu’un agriculteur va peut-être franchir la ligne rouge, avec le sentiment que, s’il le fait, il sera soutenu par les syndicats agricoles et par le premier ministre.

      Gilles, agent à l’OFB
      Après une manifestation le 31 janvier devant la préfecture, les agents poursuivent le mouvement par cette grève du zèle, en écho à une année étrange où leurs tutelles – le ministère de l’agriculture et celui de la transition écologique – leur ont demandé de lever le pied sur les contrôles face à l’ampleur de la contestation agricole.

      « C’est notre quotidien : se faire insulter ou agresser par des gens qui viennent déverser des détritus juste parce qu’on essaie de faire respecter des lois votées au Parlement », indique Alain, qui fait visiter les lieux.

      Un mètre de lisier dans la voiture
      Le lâchage en règle des agents de l’OFB par deux premiers ministres, sous la pression du mouvement agricole, a été très douloureusement ressenti. Lors de son discours de politique générale, François Bayrou a évoqué l’« humiliation » infligée, à ses yeux, au monde agricole par les agents de l’OFB, qui arborent une arme lors de leurs interventions. 

      « On s’était déjà fait crucifier en janvier sur place par Attal sur sa botte de foin, qui avait repris au mot près le slogan de la FNSEA : “Faut-il être armé pour contrôler une haie ?” », s’étrangle Alain, qui rappelle les agressions continuelles que subissent les agents. 

      Depuis fin 2023, l’OFB a recensé 90 actions contre ses locaux mais aussi des actes malveillants visant directement ses agents. En octobre, le chef de l’OFB du Tarn-et-Garonne, juste après une réunion sur les contrôles à la chambre d’agriculture, a constaté qu’une des roues de son véhicule avait été démontée. « Un collègue s’est retrouvé avec un mètre de lisier dans sa voiture », raconte Max en buvant sa chicorée, parce qu’il s’est rendu compte que le café portait trop sur ses nerfs déjà assez malmenés.

      « Il y a une violence qu’on ressent de plus en plus. Ce climat-là multiplie le risque d’avoir un contrôle qui se passe mal. On se dit qu’un agriculteur va peut-être franchir la ligne rouge, avec finalement le sentiment que, s’il le fait, il sera soutenu par les syndicats agricoles et par le premier ministre », poursuit-il.

      Travailler à l’OFB a un coût, surtout quand on habite dans un village. « Là où j’habite, je suis blacklisté. C’est un village très agricole. Je l’ai senti quand on est arrivés. Ma femme ne comprenait pas. Je lui ai dit : “Cherche pas : tout le monde se connaît, ils savent le métier que je fais” », explique l’agent.

      Un autre raconte avoir fait l’erreur d’aller regarder ce qui se disait sur les réseaux sociaux à propos de l’OFB. Insultes, menaces, dénigrement… « C’est désastreux. On est les emmerdeurs, payés par vos impôts, pour protéger les papillons, les amphibiens. Et à partir du moment où l’État qui m’emploie me désavoue, quelle légitimité j’ai à continuer à faire ce travail-là ? »

      Depuis 2023, du fait des dérogations de la préfecture, l’eau d’une grande partie de la Vienne n’est officiellement plus « potable », à cause de ces pollutions, mais « consommable ».

      L’accusation de « harceler » le monde agricole provoque ici l’agacement. « D’abord, on focalise sur le monde agricole, mais ce n’est qu’une petite partie de notre travail. On contrôle les collectivités, les entreprises, les particuliers aussi », souligne Max, la trentaine. À raison de 3 000 contrôles par an pour 400 000 exploitations, une exploitation a une chance de se faire contrôler tous les cent vingt ans. « Ici, on a verbalisé vingt exploitations sur les phytos [produits phytosanitaires – ndlr] l’an dernier sur les 3 500 du département. La vérité, c’est qu’on devrait faire beaucoup plus de contrôles. On est treize agents, ici, on devrait plutôt être quarante pour bien faire notre métier », assure-t-il.

      Car ce qu’ils racontent sur l’ampleur des atteintes à l’environnement qu’ils constatent au quotidien fait froid dans le dos. « Sur la qualité de l’eau, c’est une catastrophe ! À certains endroits, on en est venus à interconnecter des points de captage pour diluer la pollution », rapporte un policier. Un cache-misère pour rendre moins visibles des niveaux de pollution inédits.

      Julien est ici le spécialiste de l’utilisation des produits phytosanitaires. Il décrit les conséquences désastreuses de ces produits utilisés trop souvent hors des clous et qui restent parfois plusieurs décennies à l’état de métabolites dans les sols et les nappes phréatiques.

      Interdit depuis 2013, le chlorothalonil, un fongicide, continue de faire des ravages. « Il y a certaines zones dans le département où on était à quasiment 70 fois la norme ! » Pour lui, de telles concentrations indiquent que le produit a sans doute été utilisé récemment : « Les agriculteurs peuvent se fournir à l’étranger, sur Internet. »

      Depuis 2023, du fait des dérogations de la préfecture, l’eau du robinet d’une grande partie du département n’est officiellement plus « potable », à cause de ces pollutions, mais « consommable », c’est-à-dire les seuils très précis de pollution qui régissent les normes de potabilité sont dépassés mais dans des proportions qui n’impactent pas immédiatement la santé humaine. Dans ce cas, les préfectures peuvent, temporairement, publier des décrets dérogatoires. Sur le long terme, qui vivra verra… Une situation dénoncée par les associations environnementalistes dans l’indifférence générale. 

      Yves s’agace de l’aveuglement des pouvoirs publics sur le sujet : « La conscience des élus de la gravité de la situation de l’eau, elle est... faible, euphémise-t-il dans un demi-sourire. Ils ne se rendent pas du tout compte ou alors ils disent : “On va trouver des solutions curatives, on va traiter l’eau.” Mais, même dans les récentes usines de filtration à 15 millions d’euros qui ont été construites ici, on continue de trouver ces métabolites. » Il faut des filtres de plus en plus performants, plus chers et finalement payés par les contribuables.

      Moi, je n’ose même plus parler de biodiversité puisqu’on regarde toutes les populations se casser la gueule…

      Un policier de l’environnement
      Faire appliquer la loi serait, au minimum, un bon début. Mais c’est précisément ce qu’on les empêche de faire en leur imposant des procédures longues et complexes, avec très peu de moyens.

      Pour ces agents, observer au quotidien l’effondrement de la biodiversité dans l’indifférence générale est un crève-cœur. « On est un peu comme des urgentistes qui voient passer des cadavres toute la journée. Moi, je n’ose même plus parler de biodiversité puisqu’on regarde toutes les populations se casser la gueule… J’en suis juste à me dire : essayons d’avoir encore de l’eau potable demain », affirme Alain.

      Le droit de l’environnement est-il trop complexe ? Un argument qui est beaucoup revenu pendant le mouvement des agriculteurs. Alain reconnaît que certains aspects sont très techniques, y compris pour lui, mais souligne que cette complexité est souvent le fruit d’un intense travail de lobbying des industriels et des groupes de pression.

      « Le #lobbying a tendance à complexifier encore plus la loi, avec une multitude de sous-amendements parfois difficilement interprétables… On se dit que c’est exprès pour que ce soit inapplicable ! Ce serait bien de simplifier la loi mais que cette simplification ne se fasse pas au détriment de l’environnement, comme c’est la plupart du temps le cas », juge-t-il.

      Agrandir l’image : Illustration 3
      Une saisie d’un bidon de glyphosate. © Lucie Delaporte
      Julien assure que concernant les « phytos », grand sujet de crispation avec les agriculteurs, la « complexité » a bon dos : « Les exploitants ont quand même une formation pour obtenir un certificat individuel d’utilisation des produits phytosanitaires, et sur chaque bidon de phytosanitaire, la règle d’utilisation est écrite : “À ne pas appliquer à moins de 5 mètres ou 20 mètres d’un cours d’eau”, etc. »

      Dans une profession agricole qui a été encouragée à utiliser massivement des pesticides pendant des décennies, engendrant une dépendance de plus en plus grande à la chimie, certains agriculteurs préfèrent simplement ignorer des réglementations qui les contraignent.

      « On a fait des formations justement pour expliquer la réglementation. Comme sur le terrain on entend toujours que c’est très compliqué, on s’attendait à avoir des salles pleines. Sur les 3 500 exploitations dans la Vienne, une cinquantaine d’agriculteurs sont venus », soupire un agent chevronné.

      Avec des formules qu’ils veulent diplomatiques, ils décrivent tous un monde agricole qui s’est globalement affranchi des règles sur le respect de l’environnement, avec la bénédiction des pouvoirs publics qui ont décidé de fermer les yeux. « Il faudrait faire une étude sociologique : pourquoi les exploitants agricoles ne se sentent-ils jamais en infraction ? Ils nous disent : “Mais nous on gère en bons pères de famille, intéressez-vous plutôt aux délinquants, aux dealers dans les cités.” C’est quelque chose qui a été entretenu parce qu’il y a très peu de contrôles en agriculture. Et forcément, dès qu’il y en a un petit peu, tout de suite, la pression monte », analyse Julien.

      Si, de fait, les contrôles sont rares, les sanctions ne sont pas non plus très dissuasives. Dans le département, un agriculteur qui se fait contrôler pour non-respect de la loi sur l’utilisation des pesticides est condamné à faire un stage payant de 300 euros. « Ce n’est pas très cher payé quand on voit les dégâts pour les écosystèmes », soupire Alain.

      La faiblesse des contrôles pourrait d’ailleurs coûter cher à la France concernant les aides de la politique agricole commune (PAC). « Il y aurait 9 milliards d’aides et pas de contrôles ? Ça ne marche pas comme ça », relève un agent. L’Union européenne conditionne en effet ses aides au respect d’un certain nombre de règles environnementales garanties par un bon niveau de contrôle et pourrait condamner la France. 

      Ma hantise, c’est qu’un agriculteur se #suicide.

      Gilles, agent de l’OFB
      Malgré leurs vives critiques, tous les agents rencontrés insistent sur leur attachement à un monde agricole qu’ils connaissent bien et qu’ils savent effectivement en détresse. « Mon père était exploitant agricole. Je viens de ce milieu, prévient d’emblée Julien. Avec le Mercosur, l’année dernière était pourrie par le climat avec une baisse de la production… Ils ont l’impression de perdre sur tout. On est le coupable idéal parce que c’est facile de taper sur nous. »

      Essentielle à leurs yeux, leur mission de police n’est pas toujours facile à endosser. « Ma hantise, c’est qu’un agriculteur se suicide, raconte Gilles. C’est arrivé à un collègue après un contrôle. On prend le maximum de précautions, on appelle la DDT [direction départementale des territoires – ndlr] pour savoir s’il y a des risques psychosociaux avant d’intervenir chez un exploitant par exemple. »

      Faire respecter le droit de l’environnement, notamment sur les « phytos », est aussi dans l’intérêt des agriculteurs, plaident-ils. « Certains agriculteurs sont dans le déni. Moi, j’essaie de leur parler des impacts sur leur santé, celle de leur famille », explique Max. Il se souvient d’un agriculteur qui avait passé quinze jours à l’hôpital après s’être pris des pesticides en retour d’air dans la cabine de son semoir : « Il crachait du sang. Mais de là à changer… Ils sont convaincus qu’il n’y a pas d’autres solutions, alors que rien qu’en modifiant certaines pratiques, ils peuvent baisser drastiquement le recours aux phytos. »

      Il y a aussi désormais des points de non-retour. Yves se souvient de la prise de conscience d’un agriculteur qui a un jour fait venir un pédologue pour comprendre ce qui se passait sur son exploitation : « Il lui a dit que les sols de ses 600 hectares étaient morts ; ça lui a mis une claque. » Beaucoup d’agents interrogés voudraient voir leur travail à l’OFB en partie comme un accompagnement de ces agriculteurs aujourd’hui englués dans la dépendance aux produits chimiques.

      L’éclatante victoire dans le département de la Coordination rurale, qui veut supprimer le maximum de normes environnementales, ne va pas vraiment en ce sens.

      Au sein de l’antenne de Poitiers, le découragement gagne les agents. Beaucoup nous font part de leur envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. « Je regarde les offres d’emploi, c’est vrai », reconnaît l’un d’eux. « Je n’ai pas envie de servir de caution verte au gouvernement. Si on nous dit demain : le monde agricole, vous ne le contrôlez plus, vous faites les particuliers, les entreprises et les collectivités…, là, j’arrêterai. J’aurai l’impression de clairement voler les contribuables en prenant un salaire pour quelque chose de totalement inutile : il faut remettre les enjeux à leur place », poursuit ce jeune agent, que ses collègues décrivent comme un « monstre dans son domaine ».

      Gilles se remet mal d’une discussion récente avec une collègue. « Elle a fait vingt-quatre ans de service. Une fille hyperperformante dans plein de domaines, mais là, elle n’en peut plus. Elle a craqué nerveusement. Elle fait une rupture conventionnelle. Elle ne veut même plus entendre parler d’environnement, c’est devenu insupportable pour elle. »

  • En Italie, la réforme de l’accès à la nationalité en débat
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/31/en-italie-la-reforme-de-l-acces-a-la-nationalite-en-debat_6368255_3210.html

    En Italie, la réforme de l’accès à la nationalité en débat
    Par Allan Kaval (Rome, correspondant)
    Entre les murs décorés de dessins d’enfants de l’école primaire Grazia Deledda, dans le quartier périphérique de Chiesanuova, à Brescia (Lombardie), grandit une nouvelle génération italienne qui a peu à voir avec la vision de l’avenir dans laquelle se projette la cheffe nationaliste de l’exécutif, Giorgia Meloni, et son vice-président du conseil, Matteo Salvini, aux accointances ouvertement racistes. « Nos élèves sont presque tous d’origine étrangère, issus de familles majoritairement pakistanaises, marocaines et sénégalaises. Ils sont pour la plupart nés en Italie et représentent la deuxième génération. Mais très peu ont la nationalité italienne », explique la directrice de l’établissement, Adriana Rubagotti.
    Le destin de ces enfants, et de tous ceux qui, comme eux, sont nés de parents étrangers et grandissent sur le sol italien, fait l’objet d’un débat national épisodique qui a été ravivé récemment avec les Jeux olympiques. Les succès de l’équipe nationale féminine de volley, emmenée par l’Italienne d’origine nigériane Paola Egonu, ont remis la question de l’accès à la citoyenneté dans l’arène publique.
    Pratiquant le droit du sang, l’Italie s’interroge – sans aller jusqu’à envisager une évolution vers le droit du sol – sur une formule intermédiaire désignée par une locution latine : le ius scholae, ou droit de l’instruction. Une proposition de loi allant en ce sens a été préparée par Forza Italia (centre droit), la composante modérée d’une majorité dominée par l’extrême droite, sans recevoir le soutien de Giorgia Meloni et en subissant les critiques de la Ligue de Matteo Salvini.
    Pensée pour les 914 860 élèves étrangers scolarisés en Italie (11,2 % du total, selon les chiffres du ministère de l’éducation), la réforme permettrait aux mineurs ayant complété un cycle d’étude d’obtenir la nationalité italienne. Parallèlement, un référendum d’initiative citoyenne sur la question pourrait se tenir au printemps 2025. « Citoyenneté ou non, ici nous formons des Italiens, et nous le faisons en lien avec la réalité actuelle du pays », affirme Mme Rubagotti, par opposition à une autre vision de l’identité, figée et tournée vers le passé. « Le système actuel crée de la colère au sein de générations de jeunes qui, en grandissant, voient qu’ils ne sont pas reconnus par le pays où ils vivent depuis toujours », dénonce Laura Castelletti, la maire centre gauche de Brescia, en visite dans l’école Grazia Deledda. Un quart des quelque 200 000 habitants de sa ville, où sont représentées 143 nationalités, n’a pas la citoyenneté italienne. Au cœur d’un bassin industriel très dynamique qui a attiré des générations de travailleurs immigrés, Brescia est à l’avant-poste d’une Italie plus diverse face à laquelle les normes qui régissent l’accès à la citoyenneté paraissent inadaptées.
    « La législation italienne est celle d’un pays d’émigration et non d’immigration, explique l’historien des migrations Michele Colucci. En basant l’accès à la nationalité sur l’origine familiale, il était censé permettre à l’Italie de conserver un lien avec les très nombreux descendants d’Italiens qui se sont établis sur le continent américain. » De fait, il est plus facile pour un Argentin de lointaine ascendance italienne et ne parlant pas un mot d’italien d’obtenir la nationalité italienne que pour un enfant étranger qui serait né et aurait grandi dans le pays. Selon la loi en vigueur depuis 1992, ce dernier disposerait d’un an, à sa majorité, pour prétendre à la nationalité, uniquement s’il a résidé dans le pays légalement et sans interruption.
    Née en 1990 dans la province de Savona, Noura Ghazoui n’a pas pu accéder à la nationalité à sa majorité car elle a passé quelques années de son enfance au Maroc, le pays d’origine de ses parents. Plus de quinze ans plus tard, employée au port de Gênes et présidente du Conngi, une association défendant les « nouvelles générations italiennes », elle n’en a pas fini avec les démarches administratives. « Je suis mariée à un Italien, mon fils est italien, moi aussi je me sens italienne mais je ne suis pas reconnue comme telle officiellement. Il faut repenser ce que signifie être italien, ce n’est pas une question d’ADN mais de valeurs, liées à la fréquentation de l’école, des institutions, du monde du travail… »
    Pour Raisa Lebaran, 34 ans, italienne de mère ghanéenne et de père nigérian, infirmière et conseillère municipale à Brescia, « la question de l’accès à la citoyenneté est parasitée par le discours sur l’immigration illégale et le thème des migrants débarquant à Lampedusa qui obsède la classe politique ». Ayant grandi dans le village de Castegnato, dans l’arrière-pays, où son père était employé dans une fonderie qui a depuis fermé, Mme Lebaran parle le dialecte brescian aussi bien que l’italien et le haoussa, et elle est convaincue que la société est prête pour le changement. « La présence de personnes ayant des migrations en héritage dans la société italienne est une chose devenue banale. Au tour de la politique de refléter cette réalité. »
    Pour hâter les choses, des associations et des responsables politiques d’opposition, épaulés par des personnalités du monde du spectacle, ont soutenu un projet de référendum d’initiative citoyenne visant à libéraliser l’accès à la citoyenneté en faisant passer la durée de la résidence requise pour les adultes de dix à cinq ans. Lancée le 6 septembre, l’initiative a récolté les 500 000 signatures obligatoires en deux semaines. « La perspective du référendum est la première chose concrète qui se produit sur la question de la citoyenneté depuis des années », se félicite Noura Ghazoui. « Il y a un changement en cours qu’il est impossible d’arrêter », estime pour sa part Hajar Raïsi. Italienne d’origine marocaine, elle dirige l’association Dalla Parte Giusta della Storia (« du bon côté de l’histoire »), qui a joué un rôle moteur dans le lancement du projet de réforme, lequel doit désormais être validé par la Cour constitutionnelle pour que le vote ait lieu. « Voyages scolaires impossibles pour certaines nationalités, bourses d’études inaccessibles, échanges universitaires compromis, exclusion des concours dans la fonction publique : le chemin vers l’âge adulte de personnes parfaitement intégrées ne cesse de se heurter à des portes fermées. Il faut que ça change. »
    « Je ne sais pas si cette fois ce sera différent, nuance l’écrivaine italienne d’origine somalienne Igiaba Scego. Je suis fatiguée de cet immobilisme qui fait perdre tant de temps à des gens dont les vies sont bloquées. Et pourtant, l’Italie a un problème de vieillissement qu’elle ne peut résoudre qu’en acceptant sa pluralité. » De fait, la question n’est pas cantonnée à certains milieux progressistes. Interrogé sur la question de la réforme de la citoyenneté, Franco Gussalli Beretta, président du fabricant d’armes qui porte son nom et de la puissante branche bresciane de la Confindustria, l’association des entreprises italiennes, répond en parlant démographie : « Economiquement, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas attirer de nouveaux jeunes dans notre pays. La population recule, c’est une question de chiffres. »
    Le fait que les députés de Forza Italia, un parti proche des entreprises et incarnant l’aile libérale de la coalition au pouvoir, aient porté la proposition de réforme du ius scholae répond à cette même logique. Cependant, pour Ennio Codini, le responsable scientifique de la fondation ISMU, un centre de recherche sur les migrations et l’intégration, elle a peu de chance d’aboutir : « Les textes d’initiative parlementaire peuvent servir à répondre ponctuellement à de grandes questions de société comme sur la fin de vie, mais ils tendent à s’enliser et à être oubliés. » En l’absence de changement au niveau national, des responsables locaux lancent des ballons d’essai. « Le pays dont il est question au Parlement à Rome n’est pas le pays réel. Nous sommes en adéquation avec la société », estime le maire de Turin, Stefano Lo Russo (Parti démocrate, centre gauche), qui a inscrit symboliquement dans le statut de la Commune, une sorte de constitution miniature, les principes du droit du sol et du ius scholae. A Brescia, la maire Adriana Rubagotti réfléchit à instaurer une forme de cérémonie censée représenter l’inclusion dans la communauté des fils et filles d’immigrés. A moins d’une évolution réelle et à défaut de citoyenneté véritable, les enfants de l’école primaire Grazia Deledda pourraient devoir s’en contenter.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#naturalisation#droitdusang#immigration#citoyennete#integration#sante

  • 80 - Spatial Planning in Israel/Palestine and the Gaza War
    https://urbanpolitical.podigee.io/80-spatial-planning-in-israelpalestine-and-the-gaza-war

    In this episode, we explore the role of land policies and spatial planning in the Israel-Palestine conflict. Our two guests, Oren Yiftachel and Orwa Switat, discuss the historical context of the conflict, focusing on how settler colonialism and land regimes have shaped hierarchical types of citizenship and exacerbated tensions. The conversation looks at the impact of the recent war in Gaza on planning and development policies, especially in relation to Bedouin communities in the Naqab/Negev and their responses. This episode concludes by exploring prospects for peace, the potential for redevelopment in Gaza and the broader Palestine-Israel region, and the role of the movement “Land for All” and international society in shaping the (...)

    #Israel,Palestine,Planning,Gaza_War
    https://audio.podigee-cdn.net/1653518-m-7ea66aa5664f57ee2260f52278450523.m4a?source=feed

  • Toussaint Manga : « Avec le nouveau référentiel de politiques publiques, la jeunesse n’a plus besoin d’immigrer »
    https://www.dakaractu.com/Toussaint-Manga-Avec-le-nouveau-referentiel-de-politiques-publiques-la-je

    Toussaint Manga : « Avec le nouveau référentiel de politiques publiques, la jeunesse n’a plus besoin d’immigrer »
    Dans cet agenda de transformation du Sénégal, « une grande partie est réservée à la jeunesse. Cet agenda fait comprendre à la jeunesse qu’ils n’ont pas besoin de prendre les pirogues pour immigrer ». Toussaint Manga estime qu’il suffit pour cette jeunesse, de faire un retour aux fondamentaux en développant la citoyenneté et en s’inspirant du projet des nouvelles autorités pour bâtir le Sénégal juste et prospère

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#jeunesse#migrationirreguliere#citoyennete#sante

  • Cate Blanchett et Filippo Grandi : « Sans nationalité, vous vivez dans la crainte d’être maltraité, arrêté, détenu et même expulsé du pays qui est le vôtre »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/10/16/cate-blanchett-et-filippo-grandi-sans-nationalite-vous-vivez-dans-la-crainte

    Cate Blanchett et Filippo Grandi : « Sans nationalité, vous vivez dans la crainte d’être maltraité, arrêté, détenu et même expulsé du pays qui est le vôtre »
    Une nouvelle alliance pour l’éradication de l’apatridie vient d’être lancée afin de lutter contre les inégalités des lois nationales fondées sur le sexe, l’appartenance ethnique, la religion ou la race, expliquent, dans une tribune au « Monde », l’actrice Cate Blanchett et le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi.
    Tribune : Imaginez que vous découvriez un jour que votre identité a été effacée, que votre passeport, votre permis de conduire, vos cartes bancaires, votre acte de naissance, tous les numéros et autres identifiants qui prouvent votre existence en tant que citoyen ont disparu. Vous ne pouvez pas décrocher un emploi ni posséder de compte bancaire, et les prestations de base ne vous sont pas accessibles puisque vous n’existez pas officiellement.
    Mais votre famille a besoin d’être nourrie, alors vous acceptez tout travail qui se présente à vous – irrégulier, mal payé, voire dangereux. Vous appelleriez bien un parent pour demander de l’aide, mais votre téléphone ne fonctionne pas parce que votre carte SIM a disparu. Aucune école n’a de trace de votre enfant, elle ne peut donc pas l’inscrire, et la porte de la classe se referme sur lui.
    Vous avez rencontré l’amour de votre vie ? Il se peut que vous ne puissiez même pas vous marier officiellement. Aucun médecin ne possède de dossier sur vous, si bien que, si vous êtes malade ou blessé, vous devez vous débrouiller seul. Sans nationalité et sans les droits qui en découlent, vous vivez dans la crainte d’être maltraité, arrêté, détenu et même expulsé du pays qui est le vôtre. Cela offre un aperçu de la situation des apatrides, même si, pour nombre d’entre eux, l’apatridie n’est pas un problème soudain mais une situation qu’ils endurent depuis leur naissance.
    Imaginez donc le calvaire de Tebogo Khoza, un jeune homme qui n’a jamais connu son père, a perdu sa mère de maladie et dont les grands-parents n’ont jamais eu de papiers d’identité parce que l’ancien régime d’apartheid sud-africain considérait que les non-Blancs n’en avaient pas besoin. Il a fallu une bataille de dix ans pour qu’il obtienne enfin, en 2023, à l’âge de 25 ans, un acte de naissance confirmant sa nationalité sud-africaine.
    Imaginez aussi comment Meepia Chumee, abandonnée bébé et élevée par des proches également apatrides, a lutté pendant des décennies pour accéder à un emploi formel, aux droits fondamentaux et aux services dans le nord de la Thaïlande. Ce n’est qu’à l’âge de 34 ans qu’elle a réussi à obtenir la nationalité thaïlandaise.
    Ce ne sont là que deux des histoires récemment mises en lumière par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce ne sont que deux des quelque 4,4 millions de personnes dans le monde qui sont déclarées apatrides ou de nationalité indéterminée. En réalité, le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé ; on ne vous compte pas lorsque vous êtes invisible, et les données ne sont disponibles que pour environ la moitié des pays du monde.
    Les effets de l’apatridie sont pernicieux. Les apatrides ont le sentiment de vivre dans l’ombre, de n’appartenir à aucun pays. Et même s’il existe une solution toute prête – l’octroi de la nationalité –, le problème persiste. Dans un monde où tant de choses dépendent de notre reconnaissance en tant que citoyens, il s’agit d’une profonde injustice.
    Au cours de la dernière décennie, le HCR a mené une campagne baptisée #IBelong (#Jexiste) pour lutter contre l’apatridie. Au cours de cette période, plus de 565 900 apatrides ont acquis une nationalité. Par exemple, ces dernières années, le Kenya a accordé la nationalité aux membres des minorités makonde, shona et pemba.
    Le Kirghizistan a été le premier pays à résoudre tous les cas connus sur son territoire. Le Turkménistan est sur le point de devenir le deuxième pays à mettre fin à l’apatridie, et d’autres Etats d’Asie centrale lui emboîtent le pas. Le Vietnam s’est attaqué au problème de l’apatridie parmi les anciens réfugiés cambodgiens et les groupes ethniques minoritaires. De nombreux autres pays ont adopté des lois visant à garantir qu’aucun enfant ne naisse apatride.
    Pourtant, l’apatridie perdure. Elle peut résulter d’une discrimination délibérée fondée sur la race, l’appartenance ethnique, la religion, la langue ou le sexe. Les Rohingya par exemple, l’un des groupes les plus touchés, sont apatrides à la fois en Birmanie en raison d’une loi discriminatoire sur la citoyenneté, et à l’extérieur du pays, en tant que réfugiés.
    Vingt-quatre pays ne permettent toujours pas aux femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants sur un pied d’égalité avec les hommes. Par conséquent, les enfants peuvent se retrouver apatrides lorsque les pères sont inconnus, disparus ou morts, ce qui ajoute une nouvelle injustice à la discrimination fondée sur le genre.
    Parfois, les causes sont moins malignes – par exemple parce que les lois sur la nationalité ne garantissent pas que personne ne devienne apatride, ou en raison d’obstacles bureaucratiques qui rendent difficile ou impossible l’acquisition ou la preuve de la citoyenneté ou l’enregistrement d’une naissance.
    Mais il existe des mesures concrètes qui peuvent et doivent être prises. De nombreux pays doivent encore mettre en œuvre des réformes qui permettraient de conférer une nationalité aux apatrides et de prévenir l’apatridie chez les enfants. Malgré plusieurs adhésions récentes, moins de la moitié des Etats membres des Nations unies sont parties aux conventions de 1954 et 1961 sur l’apatridie. Des millions d’enfants ne sont toujours pas enregistrés à la naissance, ce qui accroît le risque d’apatridie.
    La nécessité d’agir est plus urgente que jamais. C’est pourquoi nous avons créé l’Alliance mondiale pour mettre fin à l’apatridie, lancée le 14 octobre, qui réunira des Etats, des agences des Nations unies, des représentants de la société civile, des organisations dirigées par des apatrides et bien d’autres pour travailler ensemble et partager les bonnes pratiques, s’appuyer sur les meilleurs moyens de prévenir et de résoudre l’apatridie, encourager les réformes politiques et juridiques, et donner une voix aux apatrides.
    Il ne s’agit pas seulement pour ces personnes de pouvoir gérer leur quotidien, mais il est avant tout question de répondre à un besoin fondamental d’appartenance. Il s’agit d’être reconnu et de se voir accorder les droits dus à chaque citoyen. Rien ne justifie l’apatridie, et les solutions sont à notre portée. Il s’agit d’un problème créé par l’homme et que nous devons éradiquer – pour de bon.

    #Covid-19#migrant#migration#HCR#apatride#droit#citoyennete#femme#mineur#sante

  • Un juge texan suspend une mesure de Joe Biden, qui devait simplifier l’accès à la citoyenneté pour un demi-million d’immigrants
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/08/27/un-juge-texan-suspend-une-mesure-de-joe-biden-qui-devait-simplifier-l-acces-

    Un juge texan suspend une mesure de Joe Biden, qui devait simplifier l’accès à la citoyenneté pour un demi-million d’immigrants
    Le Monde avec AFP
    Un juge du Texas a ordonné lundi 26 août la suspension pour quatorze jours d’une mesure annoncée en juin par Joe Biden. Cet arrêt provisoire porte un coup à l’une des plus importantes mesures de réforme en matière d’immigration du président américain.
    Le juge Campbell Barker a suspendu cette mesure dans le cadre d’une procédure engagée par les procureurs généraux républicains de seize Etats, qui contestent cette politique de l’administration Biden destinée à simplifier l’accès à la citoyenneté pour environ un demi-million d’immigrants mariés à des ressortissants américains.
    Les seize Etats qui ont intenté ce recours en justice estiment que cette politique coûte des millions de dollars aux services publics - notamment en matière de santé, d’éducation et de maintien de l’ordre - auxquels les immigrés font appel. « Les demandes sont substantielles et méritent un examen plus approfondi que ce que le tribunal a pu se permettre jusqu’à présent », a écrit le juge Barker dans son ordonnance.
    Alors que le sujet de l’immigration divise de nombreux Américains à l’approche de l’élection présidentielle de novembre, le parti démocrate s’efforce d’avoir une politique plus sévère en matière d’immigration clandestine tout en introduisant des réformes pour une meilleure protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.De son côté, le candidat républicain, Donald Trump, prétend que les Etats-Unis sont assaillis par une « invasion » de migrants.
    Ces nouvelles mesures visaient à simplifier la procédure pour les personnes remplissant déjà les conditions requises pour obtenir la résidence permanente. Elles concernent les personnes présentes dans le pays depuis au moins dix ans et mariées à un citoyen américain avant le 17 juin 2024, ainsi que quelque 50 000 beaux-enfants de citoyens américains.
    Les personnes dont la demande avait été approuvée se voyaient accorder un permis de travail et le droit de rester aux Etats-Unis pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans, le temps de demander une carte verte. L’arrêt de lundi suspend ces mesures, mais n’empêche pas le gouvernement de continuer à accepter les demandes. Les services américains de citoyenneté et d’immigration (USCIS) ont précisé qu’ils continueraient à recevoir des demandes, mais qu’ils n’en accorderaient aucune tant que la suspension n’aura pas été levée. Le tribunal a annoncé un calendrier d’audience accéléré dans cette affaire, mais M. Barker a fait savoir que la suspension de deux semaines serait probablement prolongée.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#citoyennete#greencard#immigration#sante

  • Des êtres et des choses, repenser l’#histoire de la #citoyenneté

    Qu’est-ce qu’une barque à Antibes, un coffre à Alger, des terres collectives à Naples ou un mulet abandonné en Espagne disent de la citoyenneté ? L’ouvrage « La Cité des choses » observe les actions de la vie quotidienne et l’histoire de la protection des biens et des personnes pour y répondre.

    La Cité des choses. Une nouvelle histoire de la citoyenneté, voici un titre d’ouvrage bien intriguant. Il n’est pas courant que des esclaves affranchis de l’Antiquité côtoient des artisans migrants du siècle des Lumières, qu’une barque à Antibes se trouve face à un coffre à Alger, ou qu’un hôtel à Turin rencontre un mulet abandonné en Espagne. La Cité des choses. Une nouvelle histoire de la citoyenneté : quelles sont ces « choses » et que signifie « citoyenneté » ?

    Une autre définition de la citoyenneté

    Les auteurs et autrices de La Cité des choses proposent une définition de la citoyenneté qui s’éloigne de la seule conception institutionnelle de ce statut social : « La citoyenneté, dans cet ouvrage, ne correspond pas à un document, à un titre officiellement délivré par une autorité centrale », explique l’historienne Simona Cerutti, directrice avec Thomas Glesener et Isabelle Grangaud de La Cité des choses. « La citoyenneté correspond plutôt au droit de prendre part aux ressources locales. Nous avons utilisé la métaphore du banquet : (le droit) de s’asseoir autour d’une table dans laquelle des ressources de la cité – l’instruction, la santé, le mariage – sont distribuées. »
    D’autres modèles de citoyenneté

    À partir de l’espace méditerranéen, l’ouvrage propose de repenser l’histoire de la citoyenneté en s’affranchissant des seuls modèles politiques occidentaux. « La Méditerranée est un haut lieu d’une histoire traditionnelle de la citoyenneté – des cités de l’Antiquité grecque à l’ère des révolutions en passant par les cités italiennes médiévales. Nous, nous explorons une Méditerranée qui est restée dans l’ombre », avance l’historien Thomas Glesener. « L’histoire classique de la citoyenneté associe cette question à la participation, à l’accès au droit politique, qui passe souvent par le droit de vote. Nous, nous cherchons la citoyenneté dans des actions qui ne sont a priori pas identifiées comme politiques, mais dont nous nous efforçons de montrer leurs dimensions politiques. »
    Suivre les choses pour trouver de la citoyenneté

    De part et d’autre de la Méditerranée, les chercheuses et chercheurs de La Cité des choses enquêtent sur les sociétés du 16e au 21e siècle à partir de ce que leurs sources révèlent de la gestion des « choses » (objets, immeubles, terres, héritages, dettes…). « Ce sont des biens qui ne se réduisent pas à des objets de transaction ou d’appropriation, mais qui prennent de la valeur parce qu’ils sont partagés et qu’ils doivent être protégés », précise Simona Cerutti. Leurs études mettent en lumière l’importance de l’inscription dans une chaîne de succession, dont la trace se suit dans les « choses », pour reconnaître à une personne son statut de citoyen.

    En démontrant une continuité entre choses et personnes, les autrices et auteurs entendent démontrer la capacité des choses à construire et transformer des statuts sociaux. La Cité des choses invite, à travers l’histoire, à concevoir la citoyenneté comme un processus résultant d’interactions et d’actions de la vie quotidienne qui participent à la construction des hiérarchies et des statuts politiques.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/des-etres-et-des-choses-repenser-l-histoire-de-la-citoyennete-1874850

    • La Cité des choses. Une nouvelle histoire de la citoyenneté

      À partir d’une pluralité d’enquêtes ancrées sur les deux rives de la Méditerranée, du XVIe siècle à nos jours, cet ouvrage entreprend de remettre en perspective l’histoire de la citoyenneté.

      Situant les « choses » au cœur de l’investigation – qu’il s’agisse d’une barque à Antibes, d’un coffre à Alger, d’un hôtel squatté à Turin, d’une mosquée à Tunis, de terres collectives à Naples, d’un mulet abandonné en Espagne –, il dévoile comment les prises en charge des biens distribuent les hiérarchies sociales et les statuts politiques. Ce livre révèle ainsi le pouvoir instituant des actions et des pratiques, par lesquelles les individus construisent leurs appartenances.
      Dès lors, La Cité des choses s’affranchit des seuls modèles politiques occidentaux pour mieux penser la citoyenneté comme un ensemble de droits forgés par des processus localisés échappant à tout déterminisme culturaliste : un enjeu d’une portée politique actuelle évidente.

      http://www.editions-anacharsis.com/La-Cite-des-choses
      #livre

    • Matérialités citoyennes. Un projet d’#abécédaire augmenté (Méditerranée, XVIe-XXIe s.)

      Ce projet éditorial est la fruit de la rencontre entre un programme de recherche, qui place les données empiriques au coeur de son dispositif d’enquête, et d’un dispositif technique permettant de faire coexister et interagir, dans une même fenêtre, trois types de “données” : un texte long (argumentaire), des textes courts (notices) et des fichiers multimédias de toutes sortes (matériaux d’enquête, notes de lectures, interventions filmées, etc.).
      Faire coexister compte-rendus et matériaux d’enquête

      – Le texte long proposera un essai rédigé à plusieurs mains sur les droits de citoyenneté en Méditerranée, du XVIe siècle à aujourd’hui, construit à partir des enquêtes présentées dans l’abécédaire et émaillé de renvois aux différents éléments le composant (notices, matériaux, etc.).
      - Les textes courts, quant à eux, ont été pensés sur le format de notices de dictionnaire (3 à 4 p. maximum), d’un abécédaire plus exactement. En cohérence avec les objets et méthodes du groupe, il ne s’agit en effet pas de produire une série de définitions génériques des grandes catégories généralement mobilisées en SHS pour penser la citoyenneté, mais de restituer brièvement des enquêtes qui mettent en jeu à la fois, le travail du chercheur et toute une série d’objets, statuts, institutions, lieux, etc., par lesquels sont revendiqués, vivifiés, exercés ou éteints des droits de citoyenneté, dans les sociétés méditerranéennes modernes et contemporaines.
      - Au coeur de la pratique des sciences sociales revendiquée par les membres de ce projet, un des objectifs centraux de cette opération éditoriale a consisté, depuis l’origine du projet, à mettre en valeur les données empiriques à partir desquelles sont construites les enquêtes des chercheurs. Aussi, nous avons concentré nos efforts sur la recherche d’une solution technique offrant au lecteur la possibilité d’avoir simultanément accès aux textes et aux matériaux d’analyse qui les fondent (documents d’archives, extraits d’entretiens ou de carnets ethnographiques, enregistrements, photos, cartes, vidéos, sites internet, etc.).

      https://palomed.hypotheses.org

  • En Allemagne, la nouvelle loi sur la citoyenneté assouplit les règles de naturalisation - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55022/en-allemagne-la-nouvelle-loi-sur-la-citoyennete-assouplit-les-regles-d

    Actualités
    En Allemagne, la nouvelle loi sur la citoyenneté assouplit les règles de naturalisation
    Par Anwar Ashraf Publié le : 09/02/2024
    Avec la nouvelle loi sur la citoyenneté, il sera plus facile d’obtenir un passeport allemand. Les enfants nés en Allemagne pourront aussi acquérir automatiquement la nationalité si l’un de leurs parents a vécu légalement dans le pays pendant cinq ans, contre huit ans actuellement. InfoMigrants fait le point.
    La chambre basse du Parlement allemand, le Bundestag, a récemment donné son feu vers à l’assouplissement des règles de naturalisation ainsi qu’à élargissement de l’accès à la double nationalité. Alors que le pays fait face à une très importante pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement cherche à rendre l’Allemagne plus attractive pour attirer des travailleurs qualifiés étrangers.
    Les étrangers vivant en Allemagne pourront demander un passeport allemand au bout de cinq ans de résidence, contre huit auparavant. Lorsqu’une personne est considéré comme « exceptionnellement bien intégrée », elle pourra obtenir la nationalité allemande au bout de trois ans. Reem Alabali-Radovan, ministre d’État chargée des Migrations, des réfugiés et de l’intégration, vante « des lois qui permettent l’égalité des chances et la participation de tous. Avec un état d’esprit qui ne nous divise pas, mais qui, au contraire, consacre la diversité et l’ouverture ».
    En Allemagne, environ 14 % de la population, soit plus de 12 millions de personnes, possède un passeport étranger. Près de la moitié d’entre elles vivent en Allemagne depuis plus de dix ans. Le taux de naturalisation du pays est bien inférieur à la moyenne de l’UE. En vertu de la nouvelle loi, les étrangers pourront demander la nationalité allemande tout en conservant leur nationalité actuelle, peu importe leur pays d’origine. Auparavant, la double nationalité en Allemagne n’était possible que pour des ressortissants d’États membres de l’Union européenne et une poignée de pays tiers.
    « Nous reconnaissons enfin les réalités de la vie de millions de personnes ayant un passé migratoire en termes d’appartenance et de patrie, ce qui est également possible au pluriel. Nous créons la possibilité d’une double citoyenneté pour tous. Deux passeports. C’est la chose la plus normale au monde en 2024 et c’est depuis longtemps une réalité dans de nombreux pays », a déclaré Reem Alabali-Radovan.
    Interrogé par InfoMigrants, un porte-parole du ministère allemand de l’Intérieur note que la possibilité pour une personne de conserver ou non sa nationalité dépend de son pays d’origine. « La question de savoir si la nationalité du pays d’origine peut être conservée en cas d’acquisition de la nationalité allemande dépend exclusivement de la législation nationale du pays d’origine », assure-t-il.Les enfants nés en Allemagne obtiendront automatiquement la citoyenneté si l’un de leurs parents a vécu légalement en Allemagne pendant cinq ans. Actuellement, ce délai est de huit ans.
    Il est également important de noter que la citoyenneté ne sera accordée qu’aux personnes capables de subvenir à leurs besoins et aux personnes à leur charge, sans devoir dépendre d’aides sociales.
    Le cas des « Gastarbeiter » Les ressortissants étrangers qui sont arrivés dans les années 50 et 60 pour travailler en Allemagne et reconstruire le pays après la guerre sont appelés Gastarbeiter.
    Pour eux, les test de langue et le niveau B1 ne sont plus une condition d’accès à la nationalité. Comme le précise le portail d’information sur la migration en Allemagne Mediendienst Integration, "il suffira qu’ils puissent communiquer en allemand à l’oral sans problèmes notables dans la vie de tous les jours. Il s’agit ainsi de rendre hommage aux accomplissements de cette génération, pour laquelle il n’existait pas encore de cours de langue à l’époque. L’obligation de passer un test de naturalisation est également supprimée. Cette règle s’appliquera également aux travailleurs invités de l’ex-RDA."Les Gastarbeiter ne sont pas non plus concernés par l’obligation de ne pas toucher de prestations sociales pour pouvoir obtenir la nationalité allemande.
    Un demandeur ne doit pas avoir de casier judiciaire. Les délits mineurs ne font généralement pas obstacle à l’obtention de la citoyenneté.Les personnes condamnées pour des actes antisémites ou racistes ne pourront pas bénéficier de la procédure de naturalisation, quelle que soit la peine prononcée contre elles.
    La loi a déjà été adoptée par le Bundestag, la chambre basse du parlement allemand. Les formalités devraient être achevées avant l’été, après quoi le texte entrera en vigueur.

    #Covid-19#migrant#migration#allemagne#passeport#naturalisation#gastarbeiter#doublenationalite#citoyennete#sante

  • L’#Europe et la fabrique de l’étranger

    Les discours sur l’ « #européanité » illustrent la prégnance d’une conception identitaire de la construction de l’Union, de ses #frontières, et de ceux qu’elle entend assimiler ou, au contraire, exclure au nom de la protection de ses #valeurs particulières.

    Longtemps absente de la vie démocratique de l’#Union_européenne (#UE), la question identitaire s’y est durablement installée depuis les années 2000. Si la volonté d’affirmer officiellement ce que « nous, Européens » sommes authentiquement n’est pas nouvelle, elle concernait jusqu’alors surtout – à l’instar de la Déclaration sur l’identité européenne de 1973 – les relations extérieures et la place de la « Communauté européenne » au sein du système international. À présent, elle renvoie à une quête d’« Européanité » (« Europeanness »), c’est-à-dire la recherche et la manifestation des #trait_identitaires (héritages, valeurs, mœurs, etc.) tenus, à tort ou à raison, pour caractéristiques de ce que signifie être « Européens ». Cette quête est largement tournée vers l’intérieur : elle concerne le rapport de « nous, Européens » à « nous-mêmes » ainsi que le rapport de « nous » aux « autres », ces étrangers et étrangères qui viennent et s’installent « chez nous ».

    C’est sous cet aspect identitaire qu’est le plus fréquemment et vivement discuté ce que l’on nomme la « #crise_des_réfugiés » et la « #crise_migratoire »

    L’enjeu qui ferait de l’#accueil des exilés et de l’#intégration des migrants une « #crise » concerne, en effet, l’attitude que les Européens devraient adopter à l’égard de celles et ceux qui leur sont « #étrangers » à double titre : en tant qu’individus ne disposant pas de la #citoyenneté de l’Union, mais également en tant que personnes vues comme les dépositaires d’une #altérité_identitaire les situant à l’extérieur du « #nous » – au moins à leur arrivée.

    D’un point de vue politique, le traitement que l’Union européenne réserve aux étrangères et étrangers se donne à voir dans le vaste ensemble de #discours, #décisions et #dispositifs régissant l’#accès_au_territoire, l’accueil et le #séjour de ces derniers, en particulier les accords communautaires et agences européennes dévolus à « une gestion efficace des flux migratoires » ainsi que les #politiques_publiques en matière d’immigration, d’intégration et de #naturalisation qui restent du ressort de ses États membres.

    Fortement guidées par des considérations identitaires dont la logique est de différencier entre « nous » et « eux », de telles politiques soulèvent une interrogation sur leurs dynamiques d’exclusion des « #autres » ; cependant, elles sont aussi à examiner au regard de l’#homogénéisation induite, en retour, sur le « nous ». C’est ce double questionnement que je propose de mener ici.

    En quête d’« Européanité » : affirmer la frontière entre « nous » et « eux »

    La question de savoir s’il est souhaitable et nécessaire que les contours de l’UE en tant que #communauté_politique soient tracés suivant des #lignes_identitaires donne lieu à une opposition philosophique très tranchée entre les partisans d’une défense sans faille de « l’#identité_européenne » et ceux qui plaident, à l’inverse, pour une « #indéfinition » résolue de l’Europe. Loin d’être purement théorique, cette opposition se rejoue sur le plan politique, sous une forme tout aussi dichotomique, dans le débat sur le traitement des étrangers.

    Les enjeux pratiques soulevés par la volonté de définir et sécuriser « notre » commune « Européanité » ont été au cœur de la controverse publique qu’a suscitée, en septembre 2019, l’annonce faite par #Ursula_von_der_Leyen de la nomination d’un commissaire à la « #Protection_du_mode_de_vie_européen », mission requalifiée – face aux critiques – en « #Promotion_de_notre_mode_de_vie_européen ». Dans ce portefeuille, on trouve plusieurs finalités d’action publique dont l’association même n’a pas manqué de soulever de vives inquiétudes, en dépit de la requalification opérée : à l’affirmation publique d’un « #mode_de_vie » spécifiquement « nôtre », lui-même corrélé à la défense de « l’#État_de_droit », « de l’#égalité, de la #tolérance et de la #justice_sociale », se trouvent conjoints la gestion de « #frontières_solides », de l’asile et la migration ainsi que la #sécurité, le tout placé sous l’objectif explicite de « protéger nos citoyens et nos valeurs ».

    Politiquement, cette « priorité » pour la période 2019-2024 s’inscrit dans la droite ligne des appels déjà anciens à doter l’Union d’un « supplément d’âme
     » ou à lui « donner sa chair » pour qu’elle advienne enfin en tant que « #communauté_de_valeurs ». De tels appels à un surcroît de substance spirituelle et morale à l’appui d’un projet européen qui se devrait d’être à la fois « politique et culturel » visaient et visent encore à répondre à certains problèmes pendants de la construction européenne, depuis le déficit de #légitimité_démocratique de l’UE, si discuté lors de la séquence constitutionnelle de 2005, jusqu’au défaut de stabilité culminant dans la crainte d’une désintégration européenne, rendue tangible en 2020 par le Brexit.

    Précisément, c’est de la #crise_existentielle de l’Europe que s’autorisent les positions intellectuelles qui, poussant la quête d’« Européanité » bien au-delà des objectifs politiques évoqués ci-dessus, la déclinent dans un registre résolument civilisationnel et défensif. Le geste philosophique consiste, en l’espèce, à appliquer à l’UE une approche « communautarienne », c’est-à-dire à faire entièrement reposer l’UE, comme ensemble de règles, de normes et d’institutions juridiques et politiques, sur une « #communauté_morale » façonnée par des visions du bien et du monde spécifiques à un groupe culturel. Une fois complétée par une rhétorique de « l’#enracinement » desdites « #valeurs_européennes » dans un patrimoine historique (et religieux) particulier, la promotion de « notre mode de vie européen » peut dès lors être orientée vers l’éloge de ce qui « nous » singularise à l’égard d’« autres », de « ces mérites qui nous distinguent » et que nous devons être fiers d’avoir diffusés au monde entier.

    À travers l’affirmation de « notre » commune « Européanité », ce n’est pas seulement la reconnaissance de « l’#exception_européenne » qui est recherchée ; à suivre celles et ceux qui portent cette entreprise, le but n’est autre que la survie. Selon #Chantal_Delsol, « il en va de l’existence même de l’Europe qui, si elle n’ose pas s’identifier ni nommer ses caractères, finit par se diluer dans le rien. » Par cette #identification européenne, des frontières sont tracées. Superposant Europe historique et Europe politique, Alain Besançon les énonce ainsi : « l’Europe s’arrête là où elle s’arrêtait au XVIIe siècle, c’est-à-dire quand elle rencontre une autre civilisation, un régime d’une autre nature et une religion qui ne veut pas d’elle. »

    Cette façon de délimiter un « #nous_européen » est à l’exact opposé de la conception de la frontière présente chez les partisans d’une « indéfinition » et d’une « désappropriation » de l’Europe. De ce côté-ci de l’échiquier philosophique, l’enjeu est au contraire de penser « un au-delà de l’identité ou de l’identification de l’Europe », étant entendu que le seul « crédit » que l’on puisse « encore accorder » à l’Europe serait « celui de désigner un espace de circulation symbolique excédant l’ordre de l’identification subjective et, plus encore, celui de la #crispation_identitaire ». Au lieu de chercher à « circonscri[re] l’identité en traçant une frontière stricte entre “ce qui est européen” et “ce qui ne l’est pas, ne peut pas l’être ou ne doit pas l’être” », il s’agit, comme le propose #Marc_Crépon, de valoriser la « #composition » avec les « #altérités » internes et externes. Animé par cette « #multiplicité_d’Europes », le principe, thématisé par #Etienne_Balibar, d’une « Europe comme #Borderland », où les frontières se superposent et se déplacent sans cesse, est d’aller vers ce qui est au-delà d’elle-même, vers ce qui l’excède toujours.

    Tout autre est néanmoins la dynamique impulsée, depuis une vingtaine d’années, par les politiques européennes d’#asile et d’immigration.

    La gouvernance européenne des étrangers : l’intégration conditionnée par les « valeurs communes »

    La question du traitement public des étrangers connaît, sur le plan des politiques publiques mises en œuvre par les États membres de l’UE, une forme d’européanisation. Celle-ci est discutée dans les recherches en sciences sociales sous le nom de « #tournant_civique ». Le terme de « tournant » renvoie au fait qu’à partir des années 2000, plusieurs pays européens, dont certains étaient considérés comme observant jusque-là une approche plus ou moins multiculturaliste (tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas), ont développé des politiques de plus en plus « robustes » en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à séjourner durablement sur leur territoire et à intégrer la communauté nationale, notamment par voie de naturalisation. Quant au qualificatif de « civique », il marque le fait que soient ajoutés aux #conditions_matérielles (ressources, logement, etc.) des critères de sélection des « désirables » – et, donc, de détection des « indésirables » – qui étendent les exigences relatives à une « #bonne_citoyenneté » aux conduites et valeurs personnelles. Moyennant son #intervention_morale, voire disciplinaire, l’État se borne à inculquer à l’étranger les traits de caractère propices à la réussite de son intégration, charge à lui de démontrer qu’il conforme ses convictions et comportements, y compris dans sa vie privée, aux « valeurs » de la société d’accueil. Cette approche, centrée sur un critère de #compatibilité_identitaire, fait peser la responsabilité de l’#inclusion (ou de l’#exclusion) sur les personnes étrangères, et non sur les institutions publiques : si elles échouent à leur assimilation « éthique » au terme de leur « #parcours_d’intégration », et a fortiori si elles s’y refusent, alors elles sont considérées comme se plaçant elles-mêmes en situation d’être exclues.

    Les termes de « tournant » comme de « civique » sont à complexifier : le premier car, pour certains pays comme la France, les dispositifs en question manifestent peu de nouveauté, et certainement pas une rupture, par rapport aux politiques antérieures, et le second parce que le caractère « civique » de ces mesures et dispositifs d’intégration est nettement moins évident que leur orientation morale et culturelle, en un mot, identitaire.

    En l’occurrence, c’est bien plutôt la notion d’intégration « éthique », telle que la définit #Jürgen_Habermas, qui s’avère ici pertinente pour qualifier ces politiques : « éthique » est, selon lui, une conception de l’intégration fondée sur la stabilisation d’un consensus d’arrière-plan sur des « valeurs » morales et culturelles ainsi que sur le maintien, sinon la sécurisation, de l’identité et du mode de vie majoritaires qui en sont issus. Cette conception se distingue de l’intégration « politique » qui est fondée sur l’observance par toutes et tous des normes juridico-politiques et des principes constitutionnels de l’État de droit démocratique. Tandis que l’intégration « éthique » requiert des étrangers qu’ils adhèrent aux « valeurs » particulières du groupe majoritaire, l’intégration « politique » leur demande de se conformer aux lois et d’observer les règles de la participation et de la délibération démocratiques.

    Or, les politiques d’immigration, d’intégration et de naturalisation actuellement développées en Europe sont bel et bien sous-tendues par cette conception « éthique » de l’intégration. Elles conditionnent l’accès au « nous » à l’adhésion à un socle de « valeurs » officiellement déclarées comme étant déjà « communes ». Pour reprendre un exemple français, cette approche ressort de la manière dont sont conçus et mis en œuvre les « #contrats_d’intégration » (depuis le #Contrat_d’accueil_et_d’intégration rendu obligatoire en 2006 jusqu’à l’actuel #Contrat_d’intégration_républicaine) qui scellent l’engagement de l’étranger souhaitant s’installer durablement en France à faire siennes les « #valeurs_de_la_République » et à les « respecter » à travers ses agissements. On retrouve la même approche s’agissant de la naturalisation, la « #condition_d’assimilation » propre à cette politique donnant lieu à des pratiques administratives d’enquête et de vérification quant à la profondeur et la sincérité de l’adhésion des étrangers auxdites « valeurs communes », la #laïcité et l’#égalité_femmes-hommes étant les deux « valeurs » systématiquement mises en avant. L’étude de ces pratiques, notamment les « #entretiens_d’assimilation », et de la jurisprudence en la matière montre qu’elles ciblent tout particulièrement les personnes de religion et/ou de culture musulmanes – ou perçues comme telles – en tant qu’elles sont d’emblée associées à des « valeurs » non seulement différentes, mais opposées aux « nôtres ».

    Portées par un discours d’affrontement entre « systèmes de valeurs » qui n’est pas sans rappeler le « #choc_des_civilisations » thématisé par #Samuel_Huntington, ces politiques, censées « intégrer », concourent pourtant à radicaliser l’altérité « éthique » de l’étranger ou de l’étrangère : elles construisent la figure d’un « autre » appartenant – ou suspecté d’appartenir – à un système de « valeurs » qui s’écarterait à tel point du « nôtre » que son inclusion dans le « nous » réclamerait, de notre part, une vigilance spéciale pour préserver notre #identité_collective et, de sa part, une mise en conformité de son #identité_personnelle avec « nos valeurs », telles qu’elles s’incarneraient dans « notre mode de vie ».

    Exclusion des « autres » et homogénéisation du « nous » : les risques d’une « #Europe_des_valeurs »

    Le recours aux « valeurs communes », pour définir les « autres » et les conditions de leur entrée dans le « nous », n’est pas spécifique aux politiques migratoires des États nationaux. L’UE, dont on a vu qu’elle tenait à s’affirmer en tant que « communauté morale », a substitué en 2009 au terme de « #principes » celui de « valeurs ». Dès lors, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit sont érigés en « valeurs » sur lesquelles « l’Union est fondée » (art. 2 du Traité sur l’Union européenne) et revêtent un caractère obligatoire pour tout État souhaitant devenir et rester membre de l’UE (art. 49 sur les conditions d’adhésion et art. 7 sur les sanctions).

    Reste-t-on ici dans le périmètre d’une « intégration politique », au sens où la définit Habermas, ou franchit-on le cap d’une « intégration éthique » qui donnerait au projet de l’UE – celui d’une intégration toujours plus étroite entre les États, les peuples et les citoyens européens, selon la formule des traités – une portée résolument identitaire, en en faisant un instrument pour sauvegarder la « #civilisation_européenne » face à d’« autres » qui la menaceraient ? La seconde hypothèse n’a certes rien de problématique aux yeux des partisans de la quête d’« Européanité », pour qui le projet européen n’a de sens que s’il est tout entier tourné vers la défense de la « substance » identitaire de la « civilisation européenne ».

    En revanche, le passage à une « intégration éthique », tel que le suggère l’exhortation à s’en remettre à une « Europe des valeurs » plutôt que des droits ou de la citoyenneté, comporte des risques importants pour celles et ceux qui souhaitent maintenir l’Union dans le giron d’une « intégration politique », fondée sur le respect prioritaire des principes démocratiques, de l’État de droit et des libertés fondamentales. D’où également les craintes que concourt à attiser l’association explicite des « valeurs de l’Union » à un « mode de vie » à préserver de ses « autres éthiques ». Deux risques principaux semblent, à cet égard, devoir être mentionnés.

    En premier lieu, le risque d’exclusion des « autres » est intensifié par la généralisation de politiques imposant un critère de #compatibilité_identitaire à celles et ceux que leur altérité « éthique », réelle ou supposée, concourt à placer à l’extérieur d’une « communauté de valeurs » enracinée dans des traditions particulières, notamment religieuses. Fondé sur ces bases identitaires, le traitement des étrangers en Europe manifesterait, selon #Etienne_Tassin, l’autocontradiction d’une Union se prévalant « de la raison philosophique, de l’esprit d’universalité, de la culture humaniste, du règne des droits de l’homme, du souci pour le monde dans l’ouverture aux autres », mais échouant lamentablement à son « test cosmopolitique et démocratique ». Loin de représenter un simple « dommage collatéral » des politiques migratoires de l’UE, les processus d’exclusion touchant les étrangers constitueraient, d’après lui, « leur centre ». Même position de la part d’Étienne Balibar qui n’hésite pas à dénoncer le « statut d’#apartheid » affectant « l’immigration “extracommunautaire” », signifiant par là l’« isolement postcolonial des populations “autochtones” et des populations “allogènes” » ainsi que la construction d’une catégorie d’« étrangers plus qu’étrangers » traités comme « radicalement “autres”, dissemblables et inassimilables ».

    Le second risque que fait courir la valorisation d’un « nous » européen désireux de préserver son intégrité « éthique », touche au respect du #pluralisme. Si l’exclusion des « autres » entre assez clairement en tension avec les « valeurs » proclamées par l’Union, les tendances à l’homogénéisation résultant de l’affirmation d’un consensus fort sur des valeurs déclarées comme étant « toujours déjà » communes aux Européens ne sont pas moins susceptibles de contredire le sens – à la fois la signification et l’orientation – du projet européen. Pris au sérieux, le respect du pluralisme implique que soit tolérée et même reconnue une diversité légitime de « valeurs », de visions du bien et du monde, dans les limites fixées par l’égale liberté et les droits fondamentaux. Ce « fait du pluralisme raisonnable », avec les désaccords « éthiques » incontournables qui l’animent, est le « résultat normal » d’un exercice du pouvoir respectant les libertés individuelles. Avec son insistance sur le partage de convictions morales s’incarnant dans un mode de vie culturel, « l’Europe des valeurs » risque de produire une « substantialisation rampante » du « nous » européen, et d’entériner « la prédominance d’une culture majoritaire qui abuse d’un pouvoir de définition historiquement acquis pour définir à elle seule, selon ses propres critères, ce qui doit être considéré comme la culture politique obligatoire de la société pluraliste ».

    Soumis aux attentes de reproduction d’une identité aux frontières « éthiques », le projet européen est, en fin de compte, dévié de sa trajectoire, en ce qui concerne aussi bien l’inclusion des « autres » que la possibilité d’un « nous » qui puisse s’unir « dans la diversité ».

    https://laviedesidees.fr/L-Europe-et-la-fabrique-de-l-etranger
    #identité #altérité #intégration_éthique #intégration_politique #religion #islam

    • Politique de l’exclusion

      Notion aussi usitée que contestée, souvent réduite à sa dimension socio-économique, l’exclusion occupe pourtant une place centrale dans l’histoire de la politique moderne. Les universitaires réunis autour de cette question abordent la dimension constituante de l’exclusion en faisant dialoguer leurs disciplines (droit, histoire, science politique, sociologie). Remontant à la naissance de la citoyenneté moderne, leurs analyses retracent l’invention de l’espace civique, avec ses frontières, ses marges et ses zones d’exclusion, jusqu’à l’élaboration actuelle d’un corpus de valeurs européennes, et l’émergence de nouvelles mobilisations contre les injustices redessinant les frontières du politique.

      Tout en discutant des usages du concept d’exclusion en tenant compte des apports critiques, ce livre explore la manière dont la notion éclaire les dilemmes et les complexités contemporaines du rapport à l’autre. Il entend ainsi dévoiler l’envers de l’ordre civique, en révélant la permanence d’une gouvernementalité par l’exclusion.

      https://www.puf.com/politique-de-lexclusion

      #livre

  • The wealthy Nigerians buying citizenship overseas
    (article paru en 2020, que je me mets ici pour archivage)

    Every year an increasing number of Nigerians flee poverty and unrest at home. Now, rich Nigerians are planning their escape too. And they’re taking their money with them.

    Dapo has spent too long at home in Lagos, Nigeria. Back in October, protests against the SARS police unit kept him from going to his office. “First, we were told to stay at home because of the coronavirus. Then this,” he says.

    A wealthy Nigerian, Dapo, who is in his late 30s, does not want to make himself identifiable by giving his surname and age, lest it draw unwanted attention.

    He has had a “backup plan” for getting out of Nigeria for some time, he says. “I have Maltese citizenship. I can leave for there any time.” With one small obstacle – a 14-day quarantine upon arrival – Dapo could be permanently in Malta any time he pleases. He is not planning to go imminently, but describes it as his “plan b’’.

    Dapo is one of a rapidly growing number of Nigerians who have bought so-called “golden visas” or foreign citizenships-by-investment this year. In his case it was Malta, the Mediterranean island where citizenship can be acquired for a minimum investment of 800,000 euros ($947,180) through the Malta Citizenship by Investment Programme.

    Not that he has any special love for Malta. A record 92 countries around the world now allow wealthy individuals to become residents or citizens in return for a fee, sometimes as low as $100,000 but often several million dollars. It is billed as a “win-win”: The country gets much-needed foreign investment and, in return, the new citizens have new passports that open up more of the world to travel or live in.

    Golden visas are the lesser-reported side of the Nigerian migration story. Every year thousands of Nigerians make their way to Europe via perilous crossings over the Sahara and Mediterranean. Now their wealthier counterparts are also making their way to Europe but via a different route.
    A record year for golden visas

    Whether rich or poor, the reasons for leaving one’s home country are often the same. Fear of political uncertainty at home and hope for better opportunities elsewhere. But 2020 has been exceptional.

    Like Dapo, Folajimi Kuti, 50, was watching the #EndSARS protests from his home in Lagos in October. “I have children, they’re teenagers, and they’re asking me questions like, ‘How did we get here?’” he says, referring to the violence that accompanied demonstrations against the controversial Special Anti-Robbery Squad (SARS).

    Kuti says he has believed for some time that social unrest would boil over in Nigeria, because of issues of poverty and police brutality. “It had been clear for the past two or three years that something was going to happen. It’s happened now in 2020 but, frankly, we’ve been expecting this outburst for a while so it wasn’t a matter of ‘if’. It was a matter of ‘when’.”

    Citizenship or residency abroad has become appealing, he adds. As a financial adviser to the wealthy, Kuti knows the process of applying for one having walked clients through it before. Most of his work involves advising Nigeria’s growing number of millionaires about investments and wealth planning. But now they are asking about foreign citizenships and Kuti himself is tempted by the idea. “Just knowing that if you need to go you certainly could and move without any restriction.”

    The rush for golden visas among rich Nigerians started before October’s SARS protests. At London-based Henley & Partners, one of the world’s largest citizenship advisory firms, applications by Nigerians increased by 185 percent during the eight months to September 2020, making them the second-largest nationality to apply for such schemes after Indians.

    More than 1,000 Nigerians have enquired about the citizenship of another country through Henley & Partners this year alone, which Paddy Blewer, head of marketing, says “is unheard of. We’ve never had this many people contacting us”.

    Many, like Kuti, saw political problems ahead and wanted an escape plan. Others were focused on coronavirus: What if the pandemic overwhelms Nigeria?

    “There is a lack of primary healthcare capacity that would be able to manage with either a second wave or whatever happens in, say, 2025,” says Blewer. “Let’s say there is COVID-21 still going on in 2025 that is of an order or magnitude worse. It’s, ‘Do I want to be based here and only based here, or do I want an alternative base of operations where I believe I will be safer and I will be able to run my global businesses’.

    “And, I think, that’s what COVID has driven.”

    It was in July, when the number of COVID-19 cases in Nigeria escalated, that wealthy Nigerians started looking more seriously at citizenship abroad, experts say. “Those with medical conditions that could not fly out – a lot of them are buying passports just because if there is any problem they can fly out,” says Olusegun Paul Andrew, 56, a Nigerian entrepreneur and investor who spends much of the year in the Netherlands.

    “Flying out” of Nigeria is hard and not just because of the coronavirus pandemic. Just 26 countries allow Nigerian passport holders visa-free entry, many of them part of West Africa’s ECOWAS arrangement. Both the United Kingdom and Europe’s Schengen zone require Nigerians to obtain visas ahead of travelling.

    For the wealthy, this is too much hassle. “They don’t want to be queueing for visas for any EU country or whatever,” says Andrew. Instead, why not purchase the citizenship of a country with visa-free access to Europe?
    To Europe, via the Caribbean

    Bimpe, a wealthy Nigerian who also does not wish to give her full name, has three passports. One Nigerian, which she says she never uses, and two from Caribbean nations: St Kitts and Nevis; and Grenada.

    The St Kitts and Nevis passport, which cost her $400,000 via a real estate investment programme, was useful when she travelled between London and New York on business as it allows for visa-free travel to the UK and Europe. But now that she has retired in Abuja, Bimpe, whose husband has passed away, wants her three adult sons to have the same opportunities to travel and live abroad.

    “My kids were interested in visa-free travel. They are young graduates, wanting to explore the world. So that was the reason for my investment,” she explains.

    Her investment to gain a Grenada passport for herself and her sons took the form of a $300,000 stake in the Six Senses La Sagesse hotel on the Caribbean island, which she bought in 2015 through a property development group called Range Developments. Like most countries offering their citizenship for sale, Grenada allows real estate investments to qualify for a passport.

    Bimpe’s family has lived overseas before – spending nine years in the UK between 2006 and 2015. Of her three sons, she says: “One, for sure now, is never going to leave Nigeria. He loves it here. The second one lives in England. He’s been in England long enough to get British residency. My youngest – for him, living abroad is a very, very attractive option. He’s not very happy [in Nigeria]. He went to England very young – at age 12 – and he’s had a problem adjusting since. He’s been back in Nigeria five years and he’s still not settled.”

    Now aged 26, Bimpe’s youngest son is looking at settling in the UK or in the US where, thanks to his Grenada citizenship, he qualifies for an E-2 visa, something not available to his fellow Nigerians since President Donald Trump’s ban on immigrant visa applications in February. Bimpe believes his career opportunities in acting – he studied Drama in the UK – are better abroad, and therefore considers the Grenada citizenship to be a worthwhile investment.

    Neither Bimpe nor her sons have ever been to Grenada even though their investment allows them to stay on the Caribbean island, once known as The Spice Island. “I intend to go. I would like to go,” she says. “Just when I did [the investment], it was soon after my husband died and I wasn’t in the mood for travel and then I got my passport but there was no good reason for travel due to the pandemic.”

    The Six Senses La Sagesse is being constructed by Range Developments, whose founder and managing director, Mohammed Asaria, says it is not unusual for investors never to visit. In fact, since there is no obligation for citizenship investors to visit Grenada, interest in the scheme has ballooned among Nigerians.

    “We have between high single figures and low double-digit sales of hotel units on a monthly basis to Nigerians. The average investment is just under $300,000,” says Asaria. “It’s a big market for us. And it’s going to get bigger. There are 300 million people [in Nigeria].” Of these, more than 40,000 are millionaires and, therefore, potential customers for golden visas, according to the Knight Frank Wealth Report.

    It is a similar story across the Caribbean. Arton Capital, a citizenship advisory group, says demand from Nigerian families for Antigua and Barbuda citizenship is up 15 percent this year compared with the last.

    St Lucia has also seen a record number of Nigerians applying in 2020. “It’s more than it’s ever been over the past four years,” says Nestor Alfred, CEO of the St Lucia Citizenship-by-Investment Unit.

    The citizenship market is not exclusive to the Caribbean, but these are the cheapest and they maintain that all-important visa-free access to Europe that their clients are hankering after.
    Tax incentives

    “I’m rich but I’m not a Donald Trump. I wasn’t looking for a tax escape,” says Bimpe.

    Investing in a foreign citizenship is not illegal for Nigerians, but the issue of wealthy citizens moving their assets overseas is a thorny one in Nigeria, where about $15bn is lost to tax evasion every year, according to the country’s Federal Inland Revenue Service. Much of that money finds its way to the Caribbean, as was highlighted in the leaked documents that formed part of the Panama Papers in 2016.

    The tax benefits of an overseas citizenship are undoubtedly attractive. Citizens can become tax residents of countries like Dominica, where there is no wealth or inheritance tax, or Grenada which offers “corporate tax incentives”. In Europe, Malta has long been courting hedge funds with its light-touch regulations.

    Being a citizen of a country with a more stable currency is also appealing to the wealthy. “Second citizenship helps with capital mobility. Pull up a graph of the Naira. If you look at the Naira for the last 10 years it’s been a horrible journey,” says Asaria. Better, therefore, in the minds of the wealthy, to own assets in euros or even East Caribbean dollars which are pegged to the US dollar.

    “Businesses are struggling, inflation on the rise, insecurity, and a host of other issues. These issues have prompted an increase in citizenship or residency-by-investment from wealthy Nigerians in a bid to secure a better future for their families in developed countries,” says Evans Ahanaonu, a Lagos-based representative for High Net Worth Immigration, a citizenship advisory firm. Grenada and Turkey are popular for clients wanting quick access to Europe, he adds, while some go straight for the UK Innovator Visa which means setting up a business in the UK.

    Given the number of applications processed by the citizenship advisory firms interviewed just for this article, a conservative estimate would put the amount invested by Nigerians into citizenship schemes at more than $1bn this year alone.
    Where rich and poor migrants meet

    The loss of wealth from Nigeria has severe implications for levels of employment in the country. With wealthy businesspeople investing their capital outside Nigeria rather than in it, there is less funding for local businesses or government projects which might otherwise generate employment. This, in turn is causing more poorer Nigerians to want to move overseas as well, in search of better work opportunities, a trend backed up by the findings of a 2018 survey by Afrobarometer, the data analysis group.

    Just before the pandemic struck, Kingsley Aneoklloude, 35, was able to make his way to Europe, but via a very different route.

    He was working as a mechanic in his village in Edo State, one of the country’s poorer provinces which have been untouched by oil wealth, where he earned 1,500 naira ($3.95) a week.

    The salary was poor but the final straw was police brutality. Aneoklloude was briefly employed as a local election monitor during the 2015 presidential elections. He says he was pressured by representatives of a political party to manipulate ballot papers, but refused, after which he became afraid for his safety. “I left because they were chasing me. Honestly, they come and chase me,” he says.
    Libya migrant business

    First, he went to Kano State in the north of Nigeria. Then, in December 2019, Aneoklloude made the dangerous journey to Europe via Niger, then Libya, “where there was a heavy war in Tripoli”, before crossing the Mediterranean.

    While adrift on the Mediterranean Sea, his small boat was rescued by Open Arms, an NGO which helps refugees and migrants crossing the Mediterranean. Their ship docked in Lampedusa, one of the Italian Pelagie Islands, where Aneoklloude’s asylum application for Germany was processed.

    Now in Potsdam, Germany, he is waiting to hear the outcome of his application for new citizenship and a job. “I have a nine-month contract for work, but they need the immigration officer to sign the contract before I start,” he explains.

    At 35, Aneoklloude is just a few years younger than Dapo. Both have witnessed police brutality from different angles, and both saw the Mediterranean as their way out.

    But now, with Nigeria’s economy officially in another recession, more will likely follow. It is a dangerous spiral: The more wealth taken out of Nigeria, the fewer jobs available to its poorest.

    https://www.aljazeera.com/features/2020/12/10/wealthy-nigerians-buying-citizenship-overseas

    #visas #golden_visas #Nigeria #migrants_nigérians #réfugiés_nigérians #riches #pauvres #migrations #asile #réfugiés #Malte #foreign_citizenships-by-investment #citoyenneté #Henley_&_Partners

  • Que vive la révolte
    https://laviedesidees.fr/Candice-Delmas-Le-devoir-de-resister

    On peut penser que les citoyens des démocraties libérales ont l’obligation générale d’obéir aux lois, et qu’ils ont le droit d’y résister quand elles sont injustes. Mais ont-ils de surcroît le devoir d’y désobéir, même de façon « incivile », violente ? C’est la thèse de la philosophe Candice Delmas. À propos de : Candice Delmas, Le devoir de résister : Apologie de la désobéissance incivile, Hermann

    #Philosophie #justice #résistance #citoyenneté #Rawls #désobéissance_civile
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231108_delmas-2.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231108_delmas-2.docx

  • Le projet de loi immigration instrumentalise la #langue pour rejeter des « migrants »

    La notion de « #langue_d’intégration » est revenue sur les devants de la scène politique avec le projet de loi qui visent à durcir les possibilités d’accueil des « migrants » en France, notamment en exigeant un niveau certifié de #français pour l’obtention d’un séjour longue durée. De nombreuses recherches montrent les effets pervers de cette pseudo-évidence, qui n’est qu’une #croyance_erronée.

    L’idée que la capacité à s’exprimer en langue officielle serait une condition préalable à la stabilisation du droit au séjour, car indicateur d’intégration, est devenue courante. C’est le cas notamment en France où a été officialisée la notion, critiquée (Vadot, 2017), de « Français Langue d’Intégration » en 2012 (Adami et André, 2012) comme un élément-clé conditionnant l’autorisation au séjour long des étrangers hors Union Européenne sur le territoire (Ouabdelmoumen, 2014). Cette condition est même imposée aux conjoints de Français alors que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble[1], ce dont s’alarme le collectif « Les Amoureux au Ban Public »[2], d’autant que la loi fait, par ailleurs, obligation aux époux de vivre ensemble, ce qui place les époux face à une contradiction terrible et insoluble. L’apprentissage de la ou d’une langue officielle du pays comme « preuve d’intégration » pour obtenir l’autorisation de séjour ou l’accès à la citoyenneté a d’ailleurs été exigée par d’autres pays de l’U.E. ces dernières décennies (Extramania, 2012 ; Goult, 2015a ; Pradeau, 2021).
    L’intégration linguistique est décrétée preuve d’assimilation

    La notion d’intégration a été officialisée en France dans les années 1990 (création du Haut Conseil à l’Intégration[HCI] par décret en 1989[3], intitulé d’un ministère depuis 1991[4]) et réaffirmée par diverses lois. Dès 2003, la « relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité » prévoit :

    Art. 8 : la délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française.

    Elle a été complétée par les lois de 2006 « relative à l’immigration et à l’intégration » et de 2007 « relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ».

    Le glossaire « Les Mots de l’intégration » du HCI a une entrée Intégration « participation effective de l’ensemble des personnes appelées à vivre en France à la construction d’une société rassemblée dans le respect de principes partagés » relativement distincte de Assimilation : « Aboutissement supposé ou attendu d’un processus d’intégration de l’immigré tel que celui-ci n’offre plus de caractéristiques culturelles distinctes de celles qui sont censées être communes à la majorité des membres de la société d’accueils ». On présente ainsi l’assimilation comme un aboutissement au plus haut degré de l’intégration. Cette distinction est légère :

    « L’adoption du mot [intégration] n’est cependant pas fortuite. Elle correspond à une tendance lourde de la société française face aux étrangers et néo-Français (...) Une intégration qui ressemble comme une jumelle à l’assimilation d’avant-hier (…) Ces termes furent bientôt interchangeables » (Gaspard, 1992, 21-23 et 124).

    La connotation totalitaire de l’assimilation a été contestée. Ainsi, à propos d’autres populations en situation précaire que les « migrants » : « Assimiler, c’est vouloir réduire l’autre au même, c’est une violence essentielle qui méconnaît l’expérience fondamentale de l’altérité, d’autrui. Assimiler est une démarche totalitaire » (Boyer, 2013, 110). Elle a ensuite été masquée par le terme intégration. À partir des années 2000, la montée du nationalisme français a d’ailleurs conduit au retour de l’usage « décomplexé » du terme assimilation, notamment dans les discours marqués très à droite (thème de campagne du candidat à la présidentielle Éric Zemmour en 2022, entre autres).

    La notion d’assimilation, appréciée notamment « au regard de sa connaissance de la langue française », est d’ailleurs restée dans la loi française depuis 1945 comme condition d’obtention de la nationalité française.
    L’association langue et intégration s’est répandue avec la montée des nationalismes et la crainte de l’immigration

    La notion de « Français Langue d’Intégration », institutionnalisée en France, conduit même, dans un texte de l’organisme officiel chargé de la politique linguistique en France, à affirmer qu’il y aurait un effet automatique de non intégration si le français n’est pas assez « maitrisé » :

    « Sous l’angle linguistique, (…) l’intégration humainement et socialement réussie passe par l’acquisition d’une compétence adéquate dans la langue du pays d’accueil. Son insuffisante maîtrise conduit, en effet, inéluctablement à l’exclusion sociale, culturelle et professionnelle » (DGLFLF, 2005, 7).

    Dans sa thèse, M. Gout montre qu’il y a depuis les années 2000 « une quasi-unanimité du discours politique en Europe sur le rôle prioritaire de la langue dans l’intégration » (Gout, 2015a, 70). Selon C. Extramiana (2012, 136) :

    « Les législations relatives à la maîtrise de la langue du pays d’accueil s’appliquent à trois situations administratives distinctes : l’entrée sur le territoire, la résidence permanente et l’acquisition de la nationalité (...) On constate un pic de 2003 à 2008. L’évolution concerne au premier chef les pays d’Europe de l’Ouest : le Danemark (2003, 2006, 2010), la Belgique/communauté flamande (2003), l’Allemagne (2004, 2007, 2008), la Grèce (2004 et 2005), la Norvège (2005), l’Autriche (2005), les Pays-Bas (2006 et 2007), la France (2007 et 2008), le Liechtenstein (2008). L’année 2009 voit l’adoption de deux nouvelles législations, pour l’Italie et le Liechtenstein, qui a connu une première législation l’année précédente ».

    La Suisse les a rejoints en 2005 pour le séjour long et 2018 pour l’acquisition de la nationalité, dans une des quatre langues officielles (Pradeau, 2021, 194 et 203-suiv.).
    Une fausse évidence, contradictoire et contredite par la recherche

    Or, de nombreuses réserves ont remis en question cette « évidence ». L’accord sur la fonction intégratrice de la langue n’est d’ailleurs général ni dans le temps ni dans l’espace : « Avant 2002, en dehors de l’Allemagne, aucun État membre n’avait d’exigence linguistique vis-à-vis des migrants » (Gout, 2015b, 77). Jusqu’à 2013 en Belgique et 2018 en Italie, il n’y en avait pas. En outre, les exigences ne concernent pas toute une partie de la population étrangère : les ressortissants des autres pays membres de l’UE peuvent s’installer librement (et même voter à certaines élections locales dans certains pays, comme la France) sans aucune condition linguistique. Le préalable linguistique ne vise que certaines populations, de façon clairement discriminatoire.

    De nombreuses études montrent que l’apprentissage de la langue officielle du pays dit « d’accueil » n’est pas une condition à une « intégration », laquelle passe aussi et surtout par d’autres voies, notamment emploi, logement, relations sociales, les habitants du pays n’étant pas, la plupart du temps, monolingues en langue officielle, contrairement à une croyance répandue (Biichlé, 2007 ; Archibald et Galligani, 2009 ; Benson, 2011 ; Hambye et Romainville, 2013 ; Étrillard, 2015). Di Bartolo (2021) a montré, en comparant les biographies linguistiques de familles italiennes installées en Suisse romande et en Savoie française que ce sont surtout les contextes sociolinguistiques qui ont des effets sur le rapport aux langues officielle et familiale, phénomène attesté dans de nombreuses situations (Blanchet, 2019 et 2022). D’autres concluent, en plus, que la pratique préalable ou l’apprentissage même réussi du français ne conduisent pas automatiquement à une « intégration » pour des personnes qui vont subir des discriminations par exemple xénophobes ou racistes (Al Ahmad, 2021). Enfin, la langue de néo-socialisation des personnes migrantes continue à se faire en fait, là où c’est encore nécessaire, plutôt dans une langue dite « locale » ou « régionale » qu’en langue officielle nationale (Beaubrun, 2020 pour la Martinique), processus attesté depuis longtemps mais largement ignoré par les instances étatiques françaises puisqu’il contredit l’unicité linguistique prétendue de la France (Eloy, 2003 pour la Picardie ; Blanchet, 2003 pour la Provence, par exemple). Enfin, au-delà des ressortissants de l’U.E., qui représentent 1/3 des « immigrés » en France[5], on peut être français ou française par filiation et ne pas parler français, par exemple pour les personnes qui sont nées et ont grandi à l’étranger ou dans des parties de la France où le français a été, voire est encore aujourd’hui, en partie étranger : si le cas est devenu rare en « métropole » suite à la politique linguistique autoritaire de l’État, il reste courant par exemple en Guyane[6].

    Ces recherches ne nient pas que « les intégrations (sociale, professionnelle, scolaire) sont, en partie, facilitées grâce à une compétence linguistique ou plutôt sociolangagière ». Elles précisent que cette compétence est « à acquérir à travers la multiplication des pratiques et des situations sociolangagières rencontrées » (Calinon, 2013, 43) et qu’il faut donc pouvoir vivre ces situations sans condition préalable. Des critiques sévères ont ainsi été émises sur l’apprentissage obligatoire, voire préalable, d’une langue dite « d’intégration » :

    « Aujourd’hui, en Europe, l’obligation institutionnelle d’ “intégration linguistique“ pour les migrants, avec la signature d’un contrat d’accueil et le passage obligatoire de tests qui décident de leur régularisation administrative (...) constitue un frein à l’adhésion des apprenants » (Gout, 2015b,139).

    « Parmi les effets contreproductifs relevés, la formation en langue (...) obligatoire (…) risque alors de compromettre d’autres projets et opportunités qui peuvent se révéler tout aussi décisifs dans l’apprentissage, comme dans l’intégration (travail ou bénévolat, recherche d’un logement plus décent, des opportunités de socialisation…). Cela amène (…) à se sentir empêchés de participer à la société française » (Mercier, 2021, n.p.).

    L’acquisition ou l’apprentissage de la langue « n’est pas un préalable à celle-ci [la vie sociale] mais sa conséquence » (Beacco, 2008, 15).
    La langue instrumentalisée pour faire obstacle à une véritable intégration des « migrants », donc pour les rejeter

    L’analyse de nombreux travaux portant sur les processus sociolinguistiques effectivement suivis par les personnes dites « migrantes » (Blanchet et Belhadj, 2019) confirme que les politiques et dispositifs visant une « intégration linguistique » obligatoire et surtout préalable, comme condition d’autorisation d’une insertion sociale effective, ne sont pas justifiés. L’acquisition des langues nécessaires à la vie sociale dans le pays d’accueil s’avère en fait motivée et réalisée par une participation concrète à cette vie sociale. Dès lors, il semble bien que ces dispositifs étatiques aient un tout autre objectif, de contrôle social (Vadot, 2022) : dresser un obstacle pour empêcher le plus grand nombre possible de personnes étrangères venant de certains pays d’avoir accès un séjour stable, durable, dans le pays dit d’installation, voire un séjour définitif en devenant ressortissant de ce pays. Cette interprétation est confirmée par le fait que les tests dits « d’intégration » ou « d’assimilation » comportent aussi des questions sur le pays auxquelles la plupart de ses citoyens seraient bien incapables de répondre[7] (Blanchet et Clerc Conan, 2015).

    On a manifestement affaire à un cas typique de discrimination glottophobe (au prétexte que des gens parlent une autre langue plutôt que français) qui recouvre une discrimination xénophobe (au prétexte que des gens sont étrangers), qui recouvre une discrimination ethniste ou raciste (au prétexte de telle ou telle origine). Ce n’est pas une politique d’intégration, c’est une politique de rejet[8].
    Références :

    Adami H., André V. (2012). Vers le Français Langue d’Intégration et d’Insertion (FL2I). Dans Adami H., Leclercq V. (dirs.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : acquisition naturelle et apprentissage guidé. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, p.205-214. En ligne : https://books.openedition.org/septentrion/14056

    Al Ahmad, R. (2021). Étude d’un atelier d’apprentissage du français par un public d’adultes « issus de la migration » dans un milieu associatif bénévole. Une mise en perspective des objectifs, besoins et modalités d’intervention des bénévoles et des apprenant.e.s par le détour d’une expérienciation d’approches plurilingues et interculturelles, Thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2021REN20035

    Archibald, J. et Galligani, S. (Dir.) (2009), Langue(s) et immigration(s) : société, école, travail, Paris : L’Harmattan.

    Beacco, J.-C. (2008). Les langues dans les politiques d’intégration des migrants adultes, www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Mig08_JC-Beacco_PresDocOr.doc

    Beaubrun, F. (2020). Contextualisation didactique et médiations linguistiques, identitaires et culturelles dans l’enseignement du français langue d’intégration en Guadeloupe, thèse de doctorat sous la direction de F. Anciaux, université des Antilles, https://www.theses.fr/2020ANTI0499

    Benson, M. (2011). The British in rural France : lifestyle migration and the ongoing quest for a better way of life, New York : Manchester University Press.

    Biichlé, L. (2007). Langues et parcours d’intégration de migrants maghrébins en France, Thèse de Doctorat sous la direction de Jacqueline Billiez, Université Stendhal, Grenoble 3, http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/72/90/28/PDF/ThA_se.pdf

    Blanchet, Ph. (2003). Contacts et dynamique des identités culturelles : les migrants italiens en Provence dans la première partie du XXe siècle. Dans La France Latine - revue d’études d’oc 137, Paris, 2003, p. 141-166, https://www.researchgate.net/publication/341078901_Contacts_et_dynamique_des_identites_culturelles_les_migrants

    Blanchet, Ph. (2019a). Effets des contextes sociolinguistiques sur les pratiques et les transmissions de plurilinguismes familiaux. Dans Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat 77-78, p. 11-26, https://journals.openedition.org/insaniyat/17798

    Blanchet, Ph. (2022). Migrations, Langues, Intégrations : une analyse sociolinguistique comparative sur des stratégies étatiques et familiales. Dans Langues, cultures et sociétés, 8-2, p. 33-45 ; https://revues.imist.ma/index.php/LCS/article/view/35437

    Blanchet, Ph. et Belhadj Hacen A. (Dir.) (2019). Pratiques plurilingues et mobilités : Maghreb-Europe, Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales Insaniyat, 77-78 bilingue arabe-français (daté 2017), https://journals.openedition.org/insaniyat/17771

    Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (2015). Passer de l’exclusion à l’inclusion : des expériences réussies d’éducation à et par la diversité linguistique à l’école. Dans Blanchet, Ph. et Clerc Conan, S. (coord.), Éducation à la diversité et langues immigrées, Migrations Société 162, p. 51-70, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-49.htm

    Boyer, H. (2013). Accueillir, intégrer, assimiler : définitions et éthique. À propos de l’accueil et de l’intégration des travailleurs handicapés en milieu professionnel, Dans Vie sociale et traitements 119, p. 106-111, https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2013-3-page-106.htm

    Calinon, A.-S. (2013). L’« intégration linguistique » en question, Langage et société 144, p. 27-40,https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2013-2-page-27.htm

    Délégation Générale à La Langue Française (éd.) (2005). L’intégration linguistique des immigrants adultes, https://www.culture.gouv.fr/content/download/93701/file/rencontres_2005_09_integration_migrant_adultes_def.pdf

    Di Bartolo, V., Rapport à « la langue et à la culture italiennes » chez de jeunes adultes issus de familles du Mezzogiorno immigrées en Vaud et en Savoie dans les années 50/60. Quels processus de transmission au croisement de la sphère privée et publique ?, thèse de doctorat en sociolinguistique sous la direction de Ph. Blanchet et A. Gohard-Radenkovic, universités Rennes 2 et Fribourg (Suisse), https://www.theses.fr/2021REN20031

    Eloy, J.-M. et al. (2003). Français, picard, immigrations. Une enquête épilinguistique, Paris : L’Harmattan.

    Étrillard, A. (2015). La migration britannique en Bretagne intérieure : une étude ethno-sociolinguistique des pratiques d’interaction et de socialisation, thèse de doctorat de sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, université Rennes 2, https://www.theses.fr/2015REN20035

    Extramiana, C. (2012). Les politiques linguistiques concernant les adultes migrants : une perspective européenne. Dans Adami, H., & Leclercq, V. (Eds.), Les migrants face aux langues des pays d’accueil : Acquisition en milieu naturel et formation. Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion. doi :10.4000/books.septentrion.14075

    Gaspard, F. (1992). Assimilation, insertion, intégration : les mots pour "devenir français". Dans Hommes et Migrations1154, p. 14-23, www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1992_num_1154_1_1826

    Gout, M. (2015a). Le rapport entre langue et intégration à travers l’analyse comparative des dispositifs organisationnels des cours linguistiques d’intégration aux jeunes migrants hors obligation scolaire. Étude comparative des dispositifs en Allemagne, Belgique, France et Royaume Uni, Thèse de doctorat sous la direction de S. Clerc, Université d’Aix-Marseille. https://www.theses.fr/2015AIXM3038

    Gout, M. (2015b), Quatre approches didactiques pour la formation linguistique des migrants nouveaux arrivants. Dans Migrations Société 162, p. 139-154, https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2015-6-page-139.htm

    Hambye, Ph. et Romainville, A. S. (2013). Apprentissage du français et intégration, des évidences à interroger, Français et Société n°26-27.

    Mercier, E., 2021, Migrants et langue du pays d’accueil : les risques de transformer un droit en devoir, The Conversation, https://theconversation.com/migrants-et-langue-du-pays-daccueil-les-risques-de-transformer-un-d

    Ouabdelmoumen, N., (2014) Contractualisation des rapports sociaux : le volet linguistique du contrat d’accueil et d’intégration au prisme du genre, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de Ph. Blanchet, Université Rennes 2.

    Pradeau, C., 2021, Politiques linguistiques d’immigration et didactique du français pour les adultes migrants : regards croisés sur la France, la Belgique, la Suisse et le Québec, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle.

    Vadot, M. (2017). Le français, langue d’« intégration » des adultes migrant·e·s allophones ? Rapports de pouvoir et mises en sens d’un lexème polémique dans le champ de la formation linguistique, Thèse de doctorat en sciences du langage sous la direction de J.-M. Prieur, Université Paul-Valéry Montpellier III, https://www.theses.fr/2017MON30053

    Vadot, M. (2022). L’accueil des adultes migrants au prisme de la formation linguistique obligatoire. Logiques de contrôle et objectifs de normalisation, Études de linguistique appliquée 205, p. 35-50, https://www.cairn.info/revue-ela-2022-1-page-35.htm

    [1] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006422766

    [2] http://www.amoureuxauban.net

    [3] Le Haut Conseil à l’intégration a pour mission de « donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère ».

    [4] Dont l’intitulé a comporté, de plus celui d’identité nationale de 2007 à 2010, cooccurrence significative.

    [5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212

    [6] https://www.culture.gouv.fr/Media/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/fichiers/publications_dglflf/Langues-et-cite/Langues-et-cite-n-28-Les-langues-de-Guyane

    [7] https://www.slate.fr/story/121455/danemark-test-citoyennete-culture-generale-naturalisation

    [8] NB : Ce texte est une version développée d’un article publié dans The conversation le 20 juin 2023, lors de l’annonce du projet de loi (https://theconversation.com/non-la-langue-francaise-nest-pas-une-condition-a-lintegration-des-m)

    https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/061123/le-projet-de-loi-immigration-instrumentalise-la-langue-pour-rejeter-
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