• La nouvelle phase « verte » du capitalisme et son avant-garde
    "écologique et citoyenne"...

    Miquel Amorós est un intellectuel écolibertaire espagnol connu entre
    autres pour ses analyses mettant en lumière les contradictions et la
    fausse radicalité parmi les militants écologistes et d’extrème gauche
    (y compris anarchistes).

    Un très grand nombre de listes candidates aux élections municipales se
    disent "écologistes et citoyennes".

    Leurs candidat(e)s ainsi que leurs supporters (et trices) devraient lire ce texte ;-)

    https://lepasdecote.video.blog/2020/01/31/les-nouveaux-habits-du-developpementalisme-capitaliste

    • Le texte est bien écrit mais c’est une opposition somme toute classique entre réforme et révolution avec un côté assez (de façon caricaturale) marxiste : la révolution viendra toute seule suite aux contradictions du capitalisme qui le feront s’écrouler.

    • Encore une lecture de travers, que ce soit du courant anti-industriel ou de la critique de la valeur etc : à aucun moment ni les uns ni les autres ne disent que la révolution viendra toute seule, mais que les insurrections, le bordel, etc, va arriver tellement ce sera dur de continuer à vivre sous ce mode de vie (et c’est déjà largement le cas, un peu partout dans le monde, ce n’est pas du tout « dans le futur »).

      Mais cela n’implique en rien du tout que ça va être mieux ensuite, puisque ça peut parfaitement aboutir à un monde plus barbare, ou à mettre au pouvoir une autre caste de sauveurs à la place de l’ancienne, plutôt que de chercher à vivre plus libres, plus autonomes, aussi bien matériellement que politiquement.

      Et pour ce texte précisément, la conclusion est très claire : « Si la société civile parvient à s’organiser en dehors des institutions et des bureaucraties ». Sinon non. Donc aucune super révolution obligatoire mécaniquement.

    • #Green_New_Deal
      Voir peut-être aussi : https://seenthis.net/messages/814673

      [edit]
      A propos de « XR », un collectif appelé « the Wretched of the Earth » (les Damné·es de la Terre) avait publié une lettre ouverte adressée à la soit disant « rebellion » :

      https://www.redpepper.org.uk/an-open-letter-to-extinction-rebellion

      @val_k en avait fait une traduction écrite et audio en français et l’avait publiée sur archive.org. Mais comme je suis infoutu d’en retrouver le lien, je pose son texte ici :

      Lettre ouverte à Extinction Rebellion
      "La lutte pour la justice climatique est le combat de nos vies, et nous devons le faire correctement."

      Lettre des collectifs formant Les Damnés de la Terre (Wretched of The Earth) publié sur le site du magazine Red Pepper le 3 mai 2019.
      Wretched of The Earth est un collectif communautaire anglais pour les groupes et les peuples indigènes, noirs, métisses et de la diaspora qui réclament la justice climatique et qui agissent en solidarité, tant au Royaume-Uni que dans le Sud.
      Cette lettre a été écrite en collaboration avec des dizaines de groupes alliés. Alors que s’achevaient les semaines d’action appelées par Extinction Rebellion, nos groupes se sont réunis pour réfléchir sur le récit, les stratégies, les tactiques et les revendications d’un mouvement climatique revigoré au Royaume-Uni. Dans cette lettre, nous formulons un ensemble de principes et de demandes fondamentaux enracinés dans la justice et nous considérons comme crucial que le mouvement tout entier en tienne compte alors que nous continuons à élaborer une réponse à "l’urgence climatique".

      Cher Extinction Rebellion,

      L’émergence d’un mouvement de masse comme Extinction Rebellion (XR) est le signe encourageant que nous avons atteint un moment propice dans lequel il existe à la fois une conscience collective de l’immense danger qui nous attend et une volonté collective de le combattre. Une masse critique est d’accord avec la lettre ouverte qui lance XR quand elle déclare : « Si nous continuons sur notre voie, l’avenir de notre espèce est sombre. »

      Dans le même temps, pour construire un avenir différent, voire même pour l’imaginer, nous devons comprendre ce qu’est cette « voie » et comment nous en sommes arrivés a un monde tel que nous le connaissons maintenant. « La Vérité » de la crise écologique est que nous ne sommes pas arrivés ici par une série de petites erreurs, mais que nous avons été poussés par des forces puissantes qui ont conduit la répartition des ressources de la planète entière et la structuration de nos sociétés. Les structures économiques qui nous dominent ont été créées par des projets coloniaux dont le seul but est la poursuite de la domination et du profit. Pendant des siècles, le racisme, le sexisme et le classisme ont été nécessaires pour que ce système soit maintenu et ont façonné les conditions dans lesquelles nous nous trouvons.

      Une autre vérité est que pour beaucoup, l’austérité n’appartient pas à « l’avenir ». Pour ceux d’entre nous qui sont indigènes, de la classe ouvrière, noirs, métisses, queer, trans ou handicapés, l’expérience de la violence structurelle est une partie intégrante de notre droit de naissance. Greta Thunberg appelle les dirigeants mondiaux à agir en leur rappelant que « notre maison est en feu ». Pour beaucoup d’entre nous, la maison est en feu depuis longtemps : chaque fois que la vague de violence écologique monte, nos communautés, en particulier dans les pays du Sud, sont toujours les premières touchées. Nous sommes les premiers à faire face à une mauvaise qualité de l’air, à la faim, aux crises de santé publique, à la sécheresse, aux inondations et aux déplacements.

      XR déclare que « la science est claire : il est entendu que nous sommes confrontés à une urgence mondiale sans précédent. Nous nous trouvons dans une situation de vie ou de mort. Nous devons agir maintenant. » Vous ne réaliserez peut-être pas que lorsque vous vous concentrez sur la science, vous passez souvent à côté du feu et de nous - vous passez à côté de nos histoires de lutte, de dignité, de victoire et de résilience. Et vous passez à côté de la vaste connaissance intergénérationnelle de l’unité avec la nature qu’ont nos peuples. Les communautés indigènes nous rappellent que nous ne sommes pas séparés de la nature et que protéger l’environnement, c’est aussi nous protéger. Pour survivre, les communautés des pays du Sud continuent à projeter la vision et la construction de nouveaux mondes libres de la violence du capitalisme. Nous devons à la fois nous concentrer sur ces expériences et reconnaître ces savoirs là.

      Nos communautés sont en feu depuis longtemps et ces flammes sont attisées par notre exclusion et notre silenciation. Sans intégration de nos expériences, toute réponse à cette catastrophe ne changera pas la manière complexe dont les systèmes sociaux, économiques et politiques façonnent nos vies - offrant à certains un passage facile dans la vie en en faisant supporter le coût à d’autres. Pour envisager un avenir dans lequel nous serons tous libérés des causes profondes de la crise climatique - capitalisme, extractivisme, racisme, sexisme, classisme, capacitisme et autres systèmes d’oppression - le mouvement pour le climat doit refléter les réalités complexes de la vie de chacun dans leur narration.

      Et cette complexité doit également être répercutée dans les stratégies. Beaucoup d’entre nous sont exposés au risque d’arrestation et de criminalisation. Nous devons peser avec soin les coûts qui peuvent être infligés à nous et à nos communautés par un État qui est déterminé à cibler ceux qui sont racialisés avant ceux qui sont blancs. La stratégie de XR, avec comme tactique première d’être arrêté, est valable - mais elle doit être soutendue par une analyse continue de son privilège ainsi que de la réalité de la violence de la police et de l’État. Les participants XR devraient utiliser leur privilège de pouvoir risquer une arrestation tout en soulignant la nature racialisée du maintien de l’ordre. Bien qu’une partie de cette analyse ait commencé à être réalisée, tant qu’elle n’est pas au cœur de l’organisation de XR, ce n’est pas suffisant. Pour faire face au changement climatique et à ses racines dans les inégalités et la domination, il faudra une diversité et une pluralité de tactiques et de communautés afin de co-créer le changement transformateur nécessaire.

      Nous saluons l’énergie et l’enthousiasme que XR a apporté au mouvement écologiste, et cela nous donne l’espoir de voir autant de personnes prêtes à agir. Mais comme nous l’avons souligné ici, nous estimons que certains aspects essentiels de leur approche doivent évoluer. Cette lettre appelle XR à faire davantage dans l’esprit de ses principes, qui disent qu’ils « travaillent à la construction d’un mouvement participatif, décentralisé et inclusif ». Nous savons que XR a déjà organisé divers exercices d’écoute et a reconnu certaines des lacunes de son approche. Nous espérons donc que XR et ses membres apprécieront notre contribution.

      Alors que XR achève cette période d’actions, nous espérons que notre lettre propose quelques réflexions utiles pour la suite des choses. La liste des demandes que nous présentons ci-dessous ne prétend pas être exhaustive, mais offrir un point de départ qui souligne les conversations dont nous avons un besoin urgent.

      Les Damnés de la Terre (Wretched of the Earth) ainsi que de nombreux autres groupes, considèrent les revendications suivantes comme cruciales pour la rébellion de justice climatique :

       Mettre en œuvre une transition axée sur la justice afin de réduire à zéro les émissions de carbone du Royaume-Uni d’ici 2030, dans le cadre de sa juste part pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 ° C ; cela comprend l’arrêt de tous les projets de fracturation, la gratuité des solutions de transport et du logement décent, la réglementation et la démocratisation des entreprises et la restauration des écosystèmes.

       Passer un Nouveau Pacte Vert Mondial pour assurer le financement et la technologie des pays du Sud grâce à la coopération internationale. La justice climatique doit inclure les réparations et la redistribution ; une économie plus verte en Grande-Bretagne obtiendra très peu de résultats si le gouvernement continue d’empêcher les pays vulnérables de faire de même avec une dette écrasante, des accords commerciaux inéquitables et l’exportation de ses propres industries extractivistes mortelles. Ce "Green New Deal" inclurait également la fin du commerce des armes. Les guerres ont été créées pour servir les intérêts des entreprises - les plus grandes transactions d’armes ont livré du pétrole ; tandis que les plus grandes armées du monde sont les plus grandes consommatrices d’essence.

       Tenir les sociétés transnationales pour responsables de leurs actes en créant un système qui les réglemente et les empêche de pratiquer la destruction mondiale. Cela impliquerait de se débarrasser de nombreux accords de commerce et d’investissement existants qui consacrent la volonté de ces sociétés transnationales.

       Retirer la planète des marchés boursiers en restructurant le secteur financier pour le rendre transparent, démocratisé et durable, tout en décourageant les investissements dans les industries extractives et en subventionnant les programmes relatifs aux énergies renouvelables, la justice écologique et les programmes de régénération.

       Mettre fin à l’environnement hostile des murs et des clôtures, des centres de détention et des prisons utilisés contre les communautés racialisées, migrantes et réfugiées. Au lieu de cela, le Royaume-Uni devrait reconnaître ses responsabilités historiques et actuelles dans la conduite du déplacement des peuples et des communautés et honorer ses obligations à leur égard.

       Garantir des communautés florissantes dans les pays du Nord et du Sud dans lesquelles tout le monde a droit à une éducation gratuite, à un revenu suffisant, qu’il soit au travail ou non, à des soins de santé universels, y compris un soutien au bien-être mental, des transports abordables, une alimentation saine à prix abordable, un emploi et logement digne, une participation politique significative, un système de justice transformatrice, les libertés liées au genre et à la sexualité et, pour les personnes handicapées et les personnes âgées, de vivre de manière autonome dans la communauté.

      La lutte pour la justice climatique est la lutte de nos vies et nous devons la mener correctement. Nous partageons cette réflexion d’un lieu d’amour et de solidarité, de groupes et de réseaux travaillant avec des communautés en première ligne, unis dans l’esprit de construire un mouvement pour la justice climatique qui ne fasse pas payer les plus pauvres des pays riches pour faire face à la crise climatique, et refuse de sacrifier les peuples du Sud pour protéger les citoyens du Nord. Il est essentiel que nous restions responsables devant nos communautés et envers tous ceux qui n’ont pas accès aux centres de pouvoir.
      Sans cette responsabilité, l’appel à la justice climatique est vide.

      Les Damnés de la Terre (Wretched of the Earth).

    • @rastapopoulos
      Tu cites la dernière phrase qui effectivement commence par un conditionnel précautionneux mais juste avant voilà ce qui est écrit :

      Le jour où le système techno-industriel — géré par les marchés ou par l’État —, cessera de répondre aux besoins d’une partie importante de la population ou, en d’autres termes, lorsque les conditions météorologiques ou quelque autre facteur enrayera l’approvisionnement, viendra le temps des insurrections. Un système défaillant, qui entrave la mobilité de ses sujets et les menace de mort par inanition n’a pas d’avenir. Il est probable que, dans le feu de l’action, des structures communautaires — fondamentales pour assurer l’autonomie des révoltes — seront reconstruites.

      Si c’est pas du messianisme révolutionnaire ça, alors c’est que je ne sais vraiment pas lire. Ce qui me frappe vraiment dans ce genre de littérature, c’est qu’à part conchier les trucs réformistes (certes souvent avec des raisons valables) rien n’est vraiment construit ce qui fait qu’au final on a juste l’impression que l’unique but est donc vraiment de conchier les trucs réformistes (et pour se justifier on dit qu’un jour y aura l’insurrection... et voilà). La présentation de l’auteur et du texte fait par @marclaime ne dit pas autre chose. On a déjà vu ça dans le militantisme trotskiste (et sûrement d’autres courants) qui passait son temps à décrier les autres sectes du même acabit qu’eux même, ce serait bien de ne pas recommencer (ou continuer)...

    • J’insiste : si tu confonds « insurrection » et « révolution », ya clairement un problème de lecture important… :)

      Il n’y a aucun messianisme dans ta citation, c’est un fait établi qu’il y a déjà des insurrections un peu partout, dès que les gens ont faim, n’arrivent plus à joindre les deux bouts, n’arrivent plus à vivre la vie que nous fait mener le capitalisme. La question c’est une fois qu’on s’est insurgé, qu’est-ce qui advient ? Et là il n’y a aucune assurance que ça aboutisse à quelque chose de positif, d’émancipateur, et cela dépend de la condition que j’ai cité plus haut.

      1) Vie tellement pourrie qu’on n’arrive même plus à subvenir aux besoins de base (manger, habiter, etc) => insurrection.
      2) Si on parvient à s’organiser de manière autonome (aussi bien politiquement : anarchisme, que matériellement : sans être dépendants d’industries énormes) => révolution.

      L’un est totalement sûr et déjà le cas un peu partout dans le monde, l’autre est totalement incertain et ça peut parfaitement aboutir à plus de barbarie (daesh, régimes autoritaires, etc).

    • C’est sûrement une question de vocabulaire mais cela dit je ne déclarerais pas que c’est « totalement sûr » que les insurrections adviendront de façon systématique. Pour parler de ce qui se passe chez nous, cela dépend par exemple si on considère que le mouvement des gilets jaunes est une insurrection ou une simple révolte d’une petite fraction de la population. Je dis ça car je travaille dans une petite entreprise et c’est tout simplement incroyable de constater la veulerie dont peuvent faire preuve la plupart de mes collègues (tous méprisants envers les gilets jaunes, ricanant quand les manifestations contre la réforme des retraites passent devant l’entreprise... Et j’ai vu ça dans d’autres emplois, généralement au mieux on a le droit à de l’indifférence). Bref, on peut très bien passer directement à la case dictature sans passer par la case insurrection/révolution, c’était le sens de mon commentaire précédent.

  • Les Gilets jaunes et la question démocratique | Samuel Hayat - Science politique - Mouvement ouvrier, démocratie, socialisme
    https://samuelhayat.wordpress.com/2018/12/24/les-gilets-jaunes-et-la-question-democratique

    Face à ce mouvement citoyenniste, qui ira défendre la vieille politique, celle des partis et des élu.e.s ? A part ceux qui sont payés pour, gageons qu’il y aura peu de monde. C’est que la #politique_partisane se trouve déjà fortement affaiblie, et ce de longue date. D’abord, le conflit partisan s’est émoussé : vu du dehors du monde des professionnel.le.s, il n’y a plus, depuis longtemps, de différence significative entre la #droite et la #gauche, qu’il s’agisse de l’origine sociale des candidat.e.s ou de la nature des politiques menées. Partout, avec quelques nuances indéchiffrables pour le plus grand nombre, on trouve la même marchandisation des services publics, les mêmes manœuvres de séduction adressées aux capitalistes pour attirer leurs précieux investissements, le même zèle à limiter les #libertés_publiques, surarmer les forces de l’ordre, enfermer les #pauvres et expulser les #étranger.e.s. A cette neutralisation du conflit politique s’ajoute le dépérissement des partis comme moyens d’inclusion de la masse des citoyen.ne.s dans la politique partisane : le nombre d’adhérent.e.s des partis ne cesse de chuter, comme celui des syndicats ou de tous les outils habituels (comme la presse militante) de socialisation à la politique partisane. Dans ces conditions, qu’est-ce qui pourrait s’opposer à la démonétisation de cette conception de la politique ? Les tenants mêmes du pouvoir, les professionnel.le.s de la politique, semblent ne plus croire aux possibilités de l’action politique, et répètent avec diverses modulations qu’il n’y a pas d’alternative au néolibéralisme. Pourquoi alors défendre leur jeu, si de leur propre aveu, il n’a plus d’enjeu ? Cette perte de sens de la politique partisane a permis à un simple conseiller économique, un technicien ignorant des usages de la politique partisane, Emmanuel Macron, de devenir ministre puis président, en répétant à l’envi transcender les clivages et en refusant de s’appuyer sur les partis existants – il préfère en créer un, portant ses initiales, un artifice marketing bouffon qui aurait dû immédiatement lui enlever tout crédit si le système partisan avait gardé un tant soit peu de sens de sa dignité. Comment Emmanuel Macron pourrait-il, lui qui s’enorgueillissait hier d’avoir mis à genoux l’ancien système, le vieux monde, en appeler aujourd’hui à la mobilisation pour sauver ce même système et ses affrontements désormais vides de sens ? D’où son silence, la position impossible dans laquelle il est, et l’usage disproportionné de la répression face à un mouvement qui lui doit tant et qui, par bien des aspects, en est comme le reflet inversé[8].

     

    #Citoyennisme et #néolibéralisme

    Car c’est bien là qu’est le problème : la politique citoyenniste puise sa force dans le mécontentement justifié vis-à-vis de la politique partisane et dans une longue histoire de l’aspiration démocratique, mais aussi dans la montée en puissance des cadres de pensée du #gouvernement_des_expert.e.s, de tous ceux qui veulent remplacer la politique (politics) par une série de mesures techniques (policies), néolibéraux en tête. Le mouvement des #Gilets_jaunes s’oppose aux technocrates, mais il en reprend largement la conception péjorative de la politique partisane et la manière de penser l’action publique. Le #référendum est le pendant démocratique du macronisme qui nous disent tous les deux qu’il faut en finir avec les idéologies : l’un comme l’autre réduisent la politique à une suite de problèmes à résoudre, de questions auxquelles répondre. Certes, il n’est pas équivalent de dire que ces questions doivent être résolues par des experts ou par les citoyens ; le citoyennisme propose bien une démocratisation, mais c’est la démocratisation d’une conception de la politique qu’il partage avec les néolibéraux. Le monde des citoyennistes est un monde homogène, peuplé d’individus qui ressemblent à s’y méprendre à ceux des économistes néoclassiques : on les imagine aller lors des référendums exprimer leurs préférences politiques comme les économistes imaginent les consommateurs aller sur le marché exprimer leurs préférences, sans considération pour les rapports de pouvoir dans lesquels ils sont pris, les antagonismes sociaux qui les façonnent.

     

    Mais comme chez les économistes, cette représentation de la citoyenneté est un mythe – agissant mais trompeur, agissant parce que trompeur. L’image du peuple décidant par référendum ou par le biais de délégué.e.s tiré.e.s au sort vient recouvrir l’aspect irréductiblement conflictuel de la politique, sa possibilité guerrière. Il n’y a rien ici de nouveau : l’historienne Nicole Loraux a déjà montré comment ce type de discours, dans l’Athènes démocratique, glorifiant l’unanimité du peuple et le caractère réglé de ses institutions, venait masquer l’autre aspect de la politique démocratique, le conflit (statis), faisant toujours courir le risque de la guerre civile et devant par là être oublié, refoulé[9]. Loin d’être une anomalie de la #démocratie, le conflit en était une possibilité toujours présente, et s’il apparaissait, il était obligatoire pour les citoyens de choisir un parti – l’abstention, signe de passivité et d’indifférence, valait retrait de ses droits politiques. En voulant se débarrasser des partis, au sens des organisations en compétition pour le pouvoir, le citoyennisme met aussi à mal la possibilité d’expression des divisions au sein de la cité. Or l’antagonisme politique, le conflit, est aussi nécessaire à la démocratie, même authentique et déprofessionnalisée, que ne l’est l’inclusion directe de tou.te.s les citoyen.ne.s.

    • Je republie ici un commentaire publié sur un fil FB en défense de ce texte et en réponse à une critique (visiblement d’orientation FI) qui y voyait une "cochonnerie" (sic) "social-démocrate".
      ______________

      Si Samuel Hayat ne s’avance sur le terrain de la définition d’un projet politique qu’indirectement (par référence notamment à 1848), c’est (indirectement donc mais sans équivoque) le projet et l’histoire socialistes qui forment l’arrière-plan (et la « culture » ou l’environnement de pensée) de son analyse.

      Sa critique d’une revendication « démocratique » (le #RIC) fondée sur une conception non-conflictuelle ou consensuelle de la « démocratie » est liée à l’idée selon laquelle il faudrait (et il est possible) d’assumer la conflictualité de classes qui existe bel et bien au sein du mouvement des #GiletsJaunes — conflictualité que « Chouard et ses amis », mais aussi une partie de FI, entendent évacuer.

      La position social-démocrate, du moins telle qu’elle se redéfinit après la fin des Trente Glorieuses, est fondée sur l’abandon de la classe ouvrière, qui s’apprête à partir du milieu des années 80 à recevoir de plein fouet le choc de la réorganisation du travail, de la modernisation de l’appareil de production et de la mondialisation des échanges. Cet abandon est aussi celui des générations qui suivront, marquées par le chômage de masse et la relégation urbaine (et, pour les enfants de l’immigration d’après-guerre et les descendants de l’histoire coloniale, par la discrimination et les violences policières). De cet abandon, la montée régulière du FN depuis 1983 est la principale traduction politique. (Du côté social-démocrate, cet abandon prend la forme idéologique de la surenchère droitière sur les questions d’immigration et sur la gestion policière des habitant.e.s de banlieues ; sur le plan économique, par le rôle-clef joué par les formations social-démocrates dans l’application des plans d’austérité.)

      Le type d’alliances de classes promu aujourd’hui sous l’appellation de « populisme » est notamment fondé sur l’alliance entre classes populaires « nationales » (imaginairement intégrées à l’Etat-Nation) et parties de la classe moyenne, de la petite bourgeoisie, de la petite entreprise menacées par la mondialisation, pour des raisons rappelées notamment ici : https://carbureblog.com/2018/12/23/sur-le-fil-le-ric-la-gauche-et-les-gilets-jaunes.

      Les résistances ou propositions alternatives à cette stratégie tiennent notamment au fait que la stratégie populiste repose sur / opère une fracture au sein même des classes populaires (entre blancs et racisés, nationaux et non-nationaux, voire selon des critères religieux : la charge de plus en plus agressive et exclusive de la thématique laïque en France au cours de ces dernières années est indicative de ce processus).

      Tout ce qui s’oppose à la stratégie populiste n’est pas forcément « social-démocrate ». D’autres alliances peuvent être promues et avancées, intégrant ces « segments de classe » qui ne peuvent être représentés par / se reconnaître dans les symboles nationaux, comme l’a prouvé l’initiative du Comité Adama. Cette dimension était aussi présente en Grèce avant 2015 (mais tend depuis, significativement, à céder le pas, ici comme ailleurs, à une logique nationale / nationaliste).

      Contrairement à ce que prétendent certains anarchistes grecs (notamment ici : https://agitationautonome.com/2018/12/15/gilets-jaunes-discussion-entre-la-grece-et-la-france, le mouvement des places en Grèce n’a pas été unifié / hégémonisé par un discours de type national-populiste mais par un discours social, ce qui explique que les discours d’extrême-droite aient été largement battus en brèche (jusqu’à disparaître presque complètement) au moment du référendum sur le « Non » (juillet 2015).

      Si l’auteur ne parle ici qu’indirectement de « socialisme » (comme si ce terme recouvrait plus un héritage et une toile de fond qu’un discours effectivement réactualisable, au moins sous sa forme classique : socialisation des moyens de production, dictature du prolétariat... — quelque chose pourtant qui, ne serait-ce qu’en toile de fond, demeure agissant et a une actualité propre), c’est probablement d’avoir conscience que les alliances de classes qui permettraient de résister au rouleau compresseur néo-libéral ne peuvent avoir un caractère purement ouvrier ou populaire (mais passent par une alliance avec cette classe moyenne menacée, présente dès le départ du mouvement des Gilets Jaunes et qui était aussi présente à Syntagma ; en atteste notamment le fait que des Gilets Jaunes qui appartiennent à cette classe moyenne précarisée et menacée s’expriment parfois comme s’ils étaient déjà passés de l’autre côté, comme s’ils avaient déjà décroché : « On crève »).

      Pour le dire autrement : impossible de faire l’économie d’une critique de l’UE et de contourner comme si de rien n’était la question du « retour » à une forme de redistribution garantie par l’Etat-nation.

      La situation actuelle en France montre bien que c’est d’une certaine façon dans le cadre même du processus populiste que nous sommes amené.e.s à redéfinir et à avancer des stratégies de résistance et d’alliances (et pas en extériorité à ce mouvement, comme a tenté de le faire la #CGT). Il ne s’agit pas de faire comme si la gauche n’avait pas perdu l’initiative.

      De ce point de vue, on peut peut-être dire que le moment, oui, est qu’on le veuille ou non « populiste », indéniablement marqué notamment par l’opposition « peuple » / « élites », mais que ça n’interdit pas (au contraire) de faire usage de la critique et d’ouvrir des pistes : orienter le mouvement dans un sens qui « nous » permette de « nous » y intégrer (« nous » minoritaire, notamment sur les orientations sexuelles ou religieuses, racisé, non-national) ; retraduire l’ensemble du processus en termes d’alliances de classe (contre la "simplification" de l’opposition des "99%" contre les "1%").

      La dualité des modes d’action qui caractérisent le mouvement des Gilets Jaunes (occupation des ronds-points en semaine, séquence émeutière le samedi) correspond peu ou prou (j’ai bien conscience de simplifier, mais il me semble qu’il y a quand même là "une part de vérité") à cette composition de classes et à cette alliance effective (entre prolétariat et "classe moyenne" précarisée ou en passe de l’être).

      On voit bien que l’impossibilité de contourner la question de l’Etat-Nation, par les traductions idéologiques quelle induit, se dresse aujourd’hui en face de ce « nous » comme un roc contre lequel « nous » risquons de nous fracasser. C’est pour cette raison que je parlais dans le texte que j’ai publié ces jours-ci (https://oulaviesauvage.blog/2018/12/23/on-vous-attend-notes-sur-les-gilets-jaunes) de « position défensive ». Cette position défensive n’induit pas nécessairement une position de repli (CGT) : elle peut trouver à s’exprimer politiquement par une sorte de contre-offensive au nom d’intérêts de classe communs (position du #Comité_Adama et de la Plateforme d’enquêtes militantes, parmi d’autres).

  • “Le travail doit faire lien avec l’émancipation” - L’Humanité
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/131672377119

    La philosophe et psychanalyste, Cynthia Fleury, qui tient chronique régulière dans l’Humanité, revient dans une interview pour ce même journal sur son dernier livre, Les irremplaçables, et défend le besoin de formation citoyenne. Pour elle, l’Etat de droit est intimement lié à la façon dont nous en sommes les citoyens, et inversement. “L’État de droit croit qu’il peut détruire les individus-sujets sans que cela ne soit impactant pour lui-même. Seulement, dans ce phénomène de désingularisation, ce n’est pas seulement l’individu-sujet qui disparaît, c’est l’État de droit lui-même qui court à sa perte. Pourquoi ? Parce que le seul qui se soucie de l’État de droit jusqu’à nouvel ordre, c’est un sujet émancipé.” La performance, la rentabilité, la précarisation nous déshumanise et nous rend incapable de faire (...)

    #émancipation #démocratie #engagement

    • L’état de droit ne détruit pas les individus sujet, il contribue à les produire conformément aux besoins dune société de concurrence dont il est le garant. C’est pas très marrant de voir les philosophes qui inventent les questions. Le travail doit faire le lien avec l’émancipation, dit elle. Or le problème est, au contraire, d’essayer d’envisager comment l’émancipation pourrait à nouveau s’attaquer au travail. Le sentiment d’impuissance et de vacuité, d’absence de prise sur cet enjeu conduit à la dépolitisation apparente que l’on connait, au laisser faire comme disposition partagée. Au renoncement. Ces philosophes et autres penseurs qui posent la question depuis le bon état oublient tous que la société civile (comme ils disent) est le pendant nécessaire de ce monstre froid.

      Puisqu’elle évoque le travail de #Simondon sur l’#individuation (ce qui devient très courant), je rappel l’existence d’une intro à cet aspect qui me partait excellente
      Simondon, Individu et collectivité. Pour une philosophie du transindividuel, Muriel Combes
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4433

      le pouvoir tient à cause de nos soumissions quotidiennes, de nos capitulations, de nos renoncements et de nos manques de déconstructions.

      dit elle
      http://www.humanite.fr/cynthia-fleury-le-travail-doit-faire-lien-avec-lemancipation-et-non-pas-ave

      Ce qui est en miettes, parfaitement « déconstruit » dans ces interrogations c’est la dimension antagoniste. Le conflit.

      #précarisation #philosophie #citoyennisme

  • un appel à la collaboration de classes (citoyenne, s’entend !) au service d’une refondation constitutionnelle qui n’aura pas lieu.

    http://lignesdeforce.wordpress.com/2014/12/04/appel-pour-une-enieme-republique-la-pensee-pouf-pouf

    Cette VIe rép. (ça sonne comme un nom de régiment parachutiste ; mauvais signe !) présente surtout l’avantage de se situer après la Ve. Ces gens ont beaucoup d’ordre.

    Le deuxième avantage de ce type d’initiative totalement hors du réel, est que chacun(e) peut apporter son manger et ses préoccupations.

    #citoyennisme
    #mélenchonnerie
    #La_république_c'est_pas_automatique
    #Claude_Guillon
    #lignesdeforce
    #VIème_république
    #amis_de_l'ordre
    #Inna_Shevchenko
    #constitution

  • Aux larmes, Citoyens...
    http://www.scribd.com/doc/69610884/Aularmescitoyens

    Le citoyen – cette chose publique – a remplacé l’homme. G. Darien,
    Le Voleur

    Le discours « alternatif » du moment, appelant à une cogestion « citoyen-ne » du système, se présente et se fait relayer par les médias comme l’expression d’une contestation réaliste, bien réfléchie, respectable et écoutable. Une interlocutrice « valable » pour les dirigeants. Ce courant idéologique « alter » déplore notamment qu’ « un peu partout (…) l’État s’effondre. »*, que la logique de marché l’a emporté sur la démocratie. Il soutient qu’il s’agit dès lors,pour les citoyens que nous sommes, entre autres tâches, d’urgemment travailler à réhabiliter cet État et à réformer, démocratiser OMC, FMI, Banque Mondiale, Commission européenne, etc., pour éviter de s’enfoncer davantage dans la barbarie programmée. Le citoyen aurait à accomplir sa mission de sensibilisation et d’interpellation du politique, entreprise qui devrait à coup sûr porter ses fruits… Son arme : le lobbying, infiniment. Ses arguments, sa force : le bon sens enfin ! La militance citoyenne est diverse, comprend de nombreux groupes, ONG et associations, travaille sur divers terrains. A-t-elle une incidence réelle et conséquente sur le cours du système ?

    #citoyennisme #anarchisme #idées