city:bias

  • Les oubliés d’#Indochine du Camp de #Saint-Livrade.

    Cinquante ans après la chute de Dien Bien Phu, des Français rapatriés d’Indochine vivent toujours dans des baraquements.

    Une route défoncée. Des dizaines de #baraquements délabrés, alignés les uns à côtés des autres, marqués d’une lettre ou d’un numéro, et surmontés d’un toit de tôle. A quelques kilomètres du coeur de Sainte-Livrade, un village d’un peu plus de 6.000 âmes, posé sur les berges du Lot, une simple pancarte indique l’entrée du « #Centre_d'accueil_des_Français_d'Indochine », le #CAFI.

    C’est là, dans cet ancien camp militaire, que sont arrivés en avril 1956, 1.160 réfugiés, dont 740 enfants, rapatriés d’Indochine. Après les accords de Genève de 1954 et le retrait de la France du Sud-Vietnam, l’Etat français a pris en charge ces #couples_mixtes ou ces #veuves de Français (soldats ou fonctionnaires), qui fuyaient la guerre et le communisme. L’Etat les a hébergés « provisoirement » -selon les mots employés en 1956 par les autorités - dans ce #camp_de_transit. Puis les a oubliés. Cela fait cinquante ans qu’ils attendent, cinquante ans qu’ils vivent là.

    « Nous sommes restés toutes ces années sans comprendre, sans rien dire », dit Jacqueline Le Crenn. Agée de 91 ans, cette vieille femme eurasienne vit dans le même baraquement depuis qu’elle a quitté le Tonkin de son enfance, il y a près d’un demi-siècle. Son appartement comprend une entrée-cuisine, une chambre-salon, et une pièce transformée en pagode, où elle voue son culte au Boudha. « Je me suis habituée au camp et à cette vie, poursuit-elle. Je veux mourir ici. »

    Jacqueline fait partie des 48 « ayants-droits » encore en vie, sur les quelque 200 personnes hébérgés au CAFI. La plupart des enfants de rapatriés ont quitté le camp. Mais les plus fragiles sont restés : les veuves, qui n’ont jamais eu les moyens de s’installer ailleurs ; les enfants qui n’ont pas trouvé de travail ; les malades et les handicapés.

    "La guerre est venue et nous avons tout perdu"

    Selon l’association « Mémoire d’Indochine », une quinzaine de personnes handicapées vivent au CAFI, dans des conditions très précaires. Des silhouettes mal assurées hantent en effet le centre des rapatriés. Comme cet homme au teint sombre et aux yeux bridés, claudiquant le long des barraquements. Ou ce quadragénaire aux cheveux longs, qui erre dans le camp en parlant tout seul. « Certains enfants du centre ont fait des crises d’adolescence difficiles, explique le président de Mémoire d’Indochine, Georges Moll. Ils ont été conduits à l’hôpital psychiatrique, et en sont ressortis dans un état catastrophique. »

    Jacqueline Le Crenn vit seule depuis le départ de ses six enfants. La mère de cette femme au physique sec était Vietnamienne et son père, mort à la guerre de 1914-18, Français. « Nous sommes pupilles de la nation », dit fièrement Jacqueline. La vieille femme voûtée, assise à côté d’un poêle à gaz, raconte sa vie d’avant, la « vie heureuse ». La construction d’une maison au Tonkin, où son mari et elle avaient projeté de s’installer, l’achat de rizières pour leurs vieux jours. « Et puis la guerre est venue et nous avons tout perdu. »

    Après la chute de Dien Bien Phu, en 1954, la famille Le Crenn, comme la plupart des rapatriés d’Indochine, ont dû quitter le nord pour le sud du Vietnam. Ils ont ensuite attendu à Saigon, dans des camps, avant de prendre le bateau pour Marseille et d’être hébergés dans plusieurs centres de transit en France. Sainte-Livrade est l’un des deux seuls camps qui subsistent aujourd’hui, avec celui de Noyant, dans l’Allier. « C’était un déchirement, raconte encore Jacqueline. La traversée a duré un mois. Je me disais que ce n’était plus la vie. Les autres étaient sur le pont. Moi j’étais au fond du bateau et je pleurais. »

    En arrivant au camp de Sainte-Livrade, alors entouré de barbelés, le fils de Jacqueline a demandé : « Maman, c’est ici la France ? » « Le plus dur, c’était le froid, précise Jacqueline. Ensuite, il a fallu tenir, tout reconstruire, trouver de quoi vivre. » Beaucoup de rapatriés ont été embauchés dans les usines d’agro-alimentaire de la région. Ou travaillaient dans les champs de haricots.

    Claudine Cazes, 11ème de 16 enfants - et première à être née dans le CAFI, en 1957 -, se souvient des heures d’« équeutage ». « Des sacs de haricots arrivaient au camp le matin et devaient être prêts pour le soir, raconte cette aide-soignante de 47 ans, qui a quitté le camp en 1977. Tout le monde s’y mettait. » Sa mère, Vuong, âgée de 81 ans, vit toujours au CAFI. Son père, Paul, est mort l’année dernière. Français d’origine franco-chinoise, il avait fait de prestigieuses études en Indochine, et travaillait dans les forces de sécurité. Mais en arrivant en métropole, Paul Cazes n’a pas pu intégrer la police française, et a dû travailler à l’usine.

    "L’Etat français sait ce qu’il nous doit. Moi, jamais je ne lui réclamerait rien"

    Logé dans un autre barraquement du camp, Emile Lejeune, 84 ans, dit ne pas avoir de « nostalgie ». Pour sa mère et lui, le rapatriement de 1956 fut un soulagement. Militaire du corps expéditionnaire français en extrême orient (CEFEO), ce fils d’un magistrat français et d’une princesse vietnmienne a été fait prisonnier par le Vietminh en 1946, et est resté sept ans en captivité. « Là-bas, la vie et la mort étaient sur le même plan, témoigne Emile. Beaucoup de mes camarades sont morts de dysenterie, du palu, ou de malnutrition. Le pire, c’était le lavage de cerveau. On nous affaiblissait pour nous inculquer le communisme. » Sur près de 40.000 prisonniers du CEFEO, moins de 10.000 ont survécu aux camps du Vietminh.

    Chez Emile, une photo de jonque, voguant dans la baie d’Halong, des statues de Boudha, et plusieurs couvre-chefs : le traditionnel chapeau conique des vietnamiens, un chapeau colonial usé et un képi de soldat français. Son vieux képi entre les mains, le vieil homme aux yeux bridés dit qu’il n’a « pas de haine en lui ». « Mais je suis attristé, ajoute-t-il. Parce que la France en laquelle nous croyions ne nous a pas accueillis. Nous n’avons jamais été considérés comme des Français, mais comme des étrangers. Parqués, surveillés, puis abandonnés. » Emile, lui, demande juste « un peu de reconnaissance ». Au nom de « ces dames du CAFI, trop humbles pour réclamer ». Au nom de ces « épouses ou mamans de combattants, pour certains morts au champ d’honneur, morts pour la France. »

    D’abord rattachés au ministère des affaires étrangères, les rapatriés du CAFI ont ensuite été administrés par huit ministères successifs. Les directeurs du camp étaient des anciens administrateurs des colonies. « Ils reproduisaient avec nous leurs mauvaises habitudes de là-bas, se souvient Jacqueline Le Crenn. Ils nous traitaient comme des moins que rien. Nous devions respecter un couvre-feu et l’électricité était rationnée. »

    Au début des années 1980, la commune de Sainte-Livrade a racheté les sept hectares de terrain à l’Etat pour 300.000 francs, avec le projet de réhabiliter le centre. Mais ces bâtiments, contruits avant-guerre pour abriter provisoirement des militaires, n’ont jamais été rénovés. Longtemps, il n’y a eu ni eau chaude, ni salle d’eau, et des WC communs. « Pas d’isolation, pas d’étanchéité, sans parler des problèmes d’amiante, et des réseaux d’électricité hors normes », énumère la première adjointe au maire, Marthe Geoffroy.

    En 1999, la municipalité, aidée de l’Etat, a engagé un programme de réhabilitation d’urgence pour les logements ne bénéficiant pas du confort sanitaire minimal. Des travaux à « but humanitaire » dans l’attente d’une solution pour l’ensemble du CAFI. Mais depuis, rien. Le maire (UMP), Gérard Zuttion, se dit bien « un peu choqué » par cette « sorte d’abandon ». Mais il dit aussi que la commune n’a pas les moyens « d’assumer seule les déficiences de l’Etat vis-à-vis de cette population ». Le maire évoque des « projets de réhabilitation sérieux pour les prochains mois ». Puis il se ravise, parle plutôt « d’années ». « A cause de la lenteur de l’administration... »

    « C’est trop tard, tranche Claudine. Tout ce que nous voulons, au nom de nos parents, c’est la reconnaissance. » Sa mère, Vuong, écoute sa fille sans rien dire, s’affaire dans la cuisine puis s’assoit dans un grand fauteuil d’osier. Au crépuscule de sa vie, cette femme jadis ravissante, des cheveux blancs tirés dans un chignon impeccable, n’attend plus rien. Tous les matins, elle apporte une tasse de café sur l’autel où repose une photo de son mari, disparu l’année dernière. Elle dépose d’autres offrandes et brûle un bâton d’encens. Avant de mourir, l’homme de sa vie répétait à ses seize enfants : « Ma seule richesse, c’est vous. L’Etat français sait ce qu’il nous doit. Moi, jamais je ne lui réclamerait rien. Nous vivons dans le camp des oubliés. »

    http://www.rapatries-vietnam.org/oublies-indochine.php

    #camps #France #histoire #rapatriés

    Galerie photo :
    http://www.rapatries-vietnam.org/photos/cafi1/galerie-cafi.htm

    • La mémoire d’Indochine en pointillés dans le village de Sainte-Livrade

      Un fruit du dragon, un bananier, l’autel des ancêtres. Dans le sud-ouest de la France, un air d’Indochine plane sur la localité de Sainte-Livrade, 60 ans après l’arrivée de 1.160 rapatriés dont les descendants tentent de sauver la mémoire.

      C’était dans ce camp de l’armée française, comptant à l’époque 26 baraquements, un peu en dehors du village agricole de quelque 3.500 habitants, que ces « rapatriés d’Indochine », dont quelque 740 enfants, se sont installés en avril 1956, deux ans après les Accords de Genève marquant la fin de la Guerre d’Indochine, le départ des troupes françaises et l’indépendance du Vietnam et du Laos.

      Ils étaient Français, issus de couples mixtes pour certains. Il y avait aussi des veuves, et, disent certains avec une certaine pudeur, des « secondes familles » indochinoises de soldats français.

      Et alors que la France commémore la chute il y a 60 ans de Dien Bien Phu, le 7 mai 1954, il reste encore à Sainte-Livrade, à l’est de Bordeaux, une centaine de ces rapatriés et leurs enfants, dont une poignée vit encore dans les baraquements d’origine, à côté de maisons murées en passe d’être rasées.

      Il y a par exemple dans le « D1 » Mme Thi Lua Fanton d’Andon, qui explique fièrement qu’elle a eu 12 enfants, dont cinq nés en Indochine, d’où elle est arrivée à l’âge de 27 ans avec son mari, un militaire français.

      Tous ont vécu dans ce logement-bâtisse d’environ 60 m2, divisé en trois pièces : un salon-cuisine et deux chambres. « Elle préfère rester là, on lui offrirait un château qu’elle n’en voudrait pas », explique Patrick Fernand, président de l’Association des amis du Cafi (Centre d’accueil des français d’Indochine) de Sainte-Livrade, lui même descendant de rapatriés.

      De sa vie d’avant, Madame Thi, 87 ans, une femme frêle au sourire doux qui cuisine toujours avec des baguettes, parle peu. Juste le souvenir ébauché de son départ de Hanoï, dans le nord, où elle vivait, pour Saïgon, dans le sud, où « il faisait très chaud », avant d’être emmenée en France.

      Pour éviter les représailles sur ces militaires, fonctionnaires ou proches de Français, les autorités avaient décidé de les évacuer et de les accueillir, dans divers centres, en particulier à Noyant (centre), à Bias (sud-ouest) et à Sainte-Livrade. Ils furent les premiers « rapatriés », bien avant ceux d’Algérie.

      Des milliers s’éparpillèrent sur tout le territoire et les plus démunis furent installés dans des camps, une situation en principe provisoire et précaire. Dans les baraquements de Sainte-Livrade, où la France a aussi reçu des Républicains espagnols, l’eau chaude faisait défaut, l’isolation était nulle et l’électricité, rationnée.

      – ’Sale chinetoque’ -

      "Nous avons été très mal accueillis. On était partout humiliés. On nous disait +sale chinetoque+, se souvient Robert Leroy, 68 ans, ouvrier à la retraite, fils d’un colonel de l’armée française. Mais ces rapatriés, qui avaient leur école dans le camp, « n’ont pas fait de bruit », complète Patrick Fernand non sans rappeler que dans la France de l’après-guerre la vie était dure pour tous.

      L’Etat, qui a cédé le camp à la commune de Sainte-Livrade au début des années 1980, « ne s’en est pas beaucoup occupé », témoigne aussi l’ancienne maire du village, Claire Pasut.

      C’est finalement au début des années 2000 que les descendants ont commencé à réclamer. Etrangement, ils craignaient la destruction des baraquements, qui, bien qu’insalubres, semblaient être le réceptacle de toute leur mémoire.

      « Des autels privés (de culte aux ancêtres) ont dû être détruits. C’est très douloureux », explique Patrick Fernand.

      Un accord a finalement été trouvé en 2008 pour la construction de nouveaux logements. Six ans plus tard, la dernière livraison de maisons est prévue en juillet.

      Le frère aîné de Patrick Fernand, Pierre, s’installera au « 17, rue de la Soie ». Un déménagement qu’il vit comme un déracinement, même s’il a lieu à quelques centaines de mètres. L’architecture évoque pourtant le Vietnam : maisons en bois, pergolas rouges, entre lesquelles poussent des cerisiers.

      Dans les deux nouvelles épiceries, on trouve tous les produits du pays : gâteaux au soja, gingembre, pho et soupe aux raviolis, très appréciés des autres habitants du village qui s’y arrêtent pour déjeuner.

      Mais les « rapatriés » espèrent que le quartier du souvenir qu’on leur a promis dans quatre anciens baraquements comprenant la pagode, la chapelle et un lieu de mémoire, sera bien construit.

      « Allez on trinque pour la dernière fois, après ils vont tout raser », dit Patrick Fernand.

      https://www.20minutes.fr/societe/1369581-20140507-20140507-memoire-indochine-pointilles-village-sainte-livr

  • Honorable sac - Ofukuro-san - 御袋 ( ou 御袋さん ?)
    御 (o, honorific prefix) +‎ 袋 (fukuro, “pouch ; sack”)

    C’est une formule qu’utilise les hommes pour parlé de leurs mères au japon. Expression qui illustre le #syndrome_de_la_marmite décrit par Françoise Héritier.

    Women in the Language and Society of Japan : The Linguistic Roots of Bias
    De Naoko Takemaru

    https://books.google.fr/books?id=iI9Rq50f52gC&pg=PA25&lpg=PA25&dq=Ofukuro-san&source=bl&ots=G-f

    https://en.wiktionary.org/wiki/%E5%BE%A1%E8%A2%8B#Japanese
    #sexisme #langue #marmite

    • @simplicissimus Je voudrais te demandé ton aide au sujet du suffixe -san dans Ofukuro-san. J’ai trouvé Ofukuro en kanji mais sans le suffixe san alors qu’en principe il devrait y être. Est-ce que je peu utilisé 御袋さん écrit comme ceci ? ou est-ce qu’on ecrit 御袋 sans le さん qui est sous-entendu ? :) Merci d’avance pour ton aide.

    • Le san est traduit couramment par Monsieur ou Madame, mais il signifie surtout que tu n’es pas un pair de la personne à qui tu t’adresses en utilisant ce suffixe, mais plutôt de rang inférieur.

      Suivant les rapports de rang entre les 2 interlocuteurs, il est obligatoire (voire irrespectueux si la personne à laquelle il est adressé devrait avoir un autre suffixe plus « élevé » (comme sensei).

      Entre pairs, il est optionnel et son emploi peut-être une marque de respect réel ou ironique, un peu comme un emploi du Monsieur, (voire Mössieu, si vraiment tu as peur que ce ne soit pas compris comme il faut).

      Du coup, quand tu emploies une marque de respect avec un terme familier, voire un peu méprisant, le résultat final est assez difficile à situer, d’autant plus que le contexte d’emploi est totalement déterminant. Ce sont les subtilités des niveaux de langue et il est de notoriété publique que le japonais est particulièrement délicat sous ce rapport et je ne me hasarderais pas à conseiller quoi que ce soit…

      sur les suffixes de respect, une présentation ici
      https://www.kanpai.fr/apprendre-japonais/suffixes-honorifiques-japonais-san-kun-chan

    • Oui c’est compliqué la politesse japonnaise, surtout avec le O. J’ai peut être moyen de posé la question à une japonnaise, je te dit si j’ai une réponse. Il y a un autre truc qui m’intrigue aussi c’est que cette formule est décrite comme utilisé par les hommes vis à vis de leurs mères. « Homme » c’est vague et du coup je me demande si les femmes peuvent dire aussi « honorable sac » à leur mère et si c’est réservé aux hommes de sexe masculins je voudrais bien connaitre la raison.

    • J’ai une amie qui vivait au japon qui m’avait rapporté uniquement Ofukuro, du coup elle ajoutait pour preuve de l’usage du mot ’sac’ 袋 pour dire mère que sac plastique en japonais se dit « ビニール袋 »

      ビニール

      signifiant plastique.

  • This Startup Is Training AI to Gobble Up the News and Rewrite It Free of Bias
    https://singularityhub.com/2018/04/16/this-startup-is-training-ai-to-gobble-up-the-news-and-rewrite-it-fre

    The company’s hope is that by taking a broad sample of news sources all biased to different extents, they can identify a middle way. They eventually plan to do away with the three versions and simply publish the impartial one.

    si je dis que c’est l’idée la plus stupide du moment c’est biaisé ?

    #machine_learning #IA #journalisme #biais

  • Nouvel Article : 17 Aout 2017 (Kayal et al) | CRIOBE
    http://www.criobe.pf/media1/nouvel-article-17-aout-2017-kayal-et-al


    Gros-plan sur l’étoile de mer épineuse dévoreuse de corail. Cette photo a été prise sur les récifs coralliens de l’île de Moorea en Polynésie française de nuit, lorsque l’étoile de mer est active et part à la recherche de ses proies.
    Crédit photo : Marc Jouve-Villard.

    Comme de nombreux invertébrés marins, l’#étoile_de_mer_épineuse est une espèce nocturne dont le comportement cryptique durant le jour peut affecter sa détectabilité, notamment dans les habitats récifaux à forte complexité tridimensionnelle qui procurent de nombreux refuges pour les créatures rampantes. Dans une étude récente par Kayal et al. publiée dans la revue Royal Society Open Science, des comptages intensives ont été menés de jour comme de nuit dans des habitats récifaux montrant divers niveaux de complexité tridimensionnelle et d’abondance en étoile de mer.

    Notre étude a montré que les comptages de jour sous-estimaient l’abondance de l’étoile de mer d’environ 30% par rapport aux comptages effectués de nuit. Ce résultat est important car il suggère que la vaste majorité des efforts dédiés à la détection et à l’éradication des proliférations – efforts qui sont menés exclusivement de jour – omettent un nombre significatif de ces étoiles de mer dévoreuses de corail. On peut faire mieux,’ explique Mohsen Kayal, auteur principal de cette étude. ‘Etant donné que les proliférations de l’étoile de mer épineuse sont une cause majeure de la mortalité des coraux dans tout l’océan Indo-Pacifique, tenir compte de ce biais d’estimation peut améliorer significativement la sauvegarde des récifs coralliens.

    #crown-of-thorns_seastar
    #acanthaster_planci


    Courbe de contraste identifiant les différences significatives dans l’estimation des abondances d’étoile de mer épineuse entre les comptages de jour et de nuit. Les suivis ont été effectués sur 2 ans sur les récifs coralliens de l’île de Moorea en Polynésie française. Les estimations des abondances de l’étoile de mer étaient significativement plus faibles de jour comparativement aux comptages de nuit sur une grande marge de densité, ce qui suggère que ce biais d’estimation peut potentiellement affecter de nombreuses campagnes de surveillance et d’éradication de cette étoile de mer.

    (échelle #log-log …)

  • Aux Etats-Unis, les prisons frisent l’overdose

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/04/28/aux-etats-unis-les-prisons-frisent-l-overdose_4910122_3232.html

    Douglas M. Lindsay aurait dû passer sa vie derrière les barreaux. Accusé en 1996 d’avoir organisé un trafic de crack dans son quartier, cet ancien militaire afro-américain, alors âgé de 26 ans, n’avait jamais été condamné auparavant et aucun acte de violence ne lui était reproché. Rien n’y a fait  : son sort a été scellé par une procédure pénale sans indulgence dans les affaires de drogue, en vigueur aux Etats-Unis depuis les années 1980. Ce système, aujourd’hui controversé, fait de l’Amérique la championne de l’incarcération de masse  : alors que le pays totalise 5 % de la population mondiale, ses prisons enferment un quart de l’ensemble des détenus de la planète.

    Entre 1980 et 2014, la population carcérale a connu une explosion de 340 %

    Finalement, M. Lindsay ne mourra pas en prison. Usant de l’un des rares leviers à sa disposition pour promouvoir une justice plus équitable, le président des Etats-Unis lui a accordé une grâce, en juillet 2015  : l’homme est sorti de prison à la fin de l’année.

    Au cours de son second mandat, Barack Obama s’est démarqué de ses prédécesseurs en multipliant ces gestes de mansuétude. «  L’Amérique est le pays de la seconde chance et ces gens, qui ne sont pas des criminels endurcis, méritent une seconde chance  », aime-t-il à rappeler. Au total, il a gracié quelque 240 prisonniers, non violents, pour la plupart condamnés dans des affaires de drogue. Une goutte d’eau qui passe inaperçue dans un univers carcéral saturé par la détention de 2,2 millions de personnes, soit 1 adulte sur 110.

    (...) 5 g ou 500 g, même tarif

    Les deux candidats démocrates en course pour l’investiture à la Maison Blanche, Hillary Clinton et Bernie Sanders, se sont saisis du sujet et ont promis de réformer (pour la première), voire de supprimer (pour le second), le système des « peines minimales obligatoires ». En multipliant les condamnations lourdes et sans discrimination, ces « mandatory minimum sentences » ont rempli les prisons. Les républicains se sont faits plus discrets, mais deux propositions de loi sont actuellement portées par des élus des deux camps au Congrès pour amender le système arbitraire de ces peines planchers.

    L’année électorale n’est guère propice à leur examen : les opposants, inquiets de voir libérer « des criminels », bataillent contre toute évolution de la loi. Mais les promoteurs des textes ne désespèrent pas de les voir aboutir avant les élections générales de novembre. En outre, estime Molly Gill, chargée des relations avec les responsables politiques au sein de l’organisation Families Against Mandatory Minimums (FAMM), « la culture de la sévérité des peines liées à la drogue a changé et le Congrès devra le prendre en compte, tôt ou tard. Au niveau de nombreux Etats, les réformes ont déjà commencé ».

    En attendant, le système de répression amorcé dans les années 1980, après une décennie de « guerre contre la drogue », décrétée par le président Richard Nixon en 1971 à l’extérieur et à l’intérieur des Etats-Unis, a sévi plus de trente ans, remplissant les prisons, détruisant les cellules familiales, jetant derrière les barreaux plus d’Afro-Américains que de Blancs. Par quel processus un pays dont le niveau de criminalité est sensiblement le même que celui des autres pays occidentaux incarcère-t-il 716 personnes pour 100 000 habitants (un chiffre qui monte à 870 pour les Noirs) contre 98 en France ou 147 au Royaume-Uni, selon les chiffres de Prison Policy Initiative, un groupe qui défend une réforme de la justice pénale ? Comment expliquer qu’entre 1980 et 2014 la population carcérale ait connu une explosion de 340 % ?

    C’est un fait divers tragique, qui, en 1986, a accéléré le changement
    d’échelle dans la « guerre contre la drogue ». Cette année-là, Len Bias, un joueur de basket-ball prometteur de 23 ans, meurt d’une overdose. Ce drame de la cocaïne affole l’opinion publique et incite les élus à accroître la sévérité des peines à l’encontre des dealers et des détenteurs de drogue. Le Congrès adopte une loi, signée par Ronald Reagan, qui privilégie la punition immédiate et automatique aux condamnations avec sursis. Toute personne trouvée en possession de 5 grammes de crack « avec intention d’en faire commerce » est désormais condamnée à 5 ans de prison ferme. Le même tarif est appliqué s’il s’agit de 500 grammes de cocaïne. En cas de violence, la peine est de 20 ans.

    La loi des « trois coups »

    Outre le systématisme des peines planchers, la disparité entre les deux produits – justifiée à l’époque par une gradation dans leur dangerosité – induit des discriminations raciales aux effets toujours visibles aujourd’hui. Le crack étant plus répandu dans les quartiers pauvres, noirs ou latinos, son utilisation et son trafic mènent en prison une proportion plus forte de jeunes Afro- Américains. Alors qu’ils représentent 12 % de la population, les hommes noirs constituent 41 % de la totalité des prisonniers américains, selon une étude publiée le 16 mars par la Brookings Institution, un cercle de réflexion libéral. De son côté, l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) estime qu’un adulte noir sur quinze a fait un séjour derrière les barreaux. En 1995, un rapport de l’US Sentencing Commission, une agence indépendante officielle, confirmait que la disparité de traitement selon les substances en cause avait conduit « à punir plus sévèrement les petits revendeurs de crack, principalement des Afro-Américains, que les gros pourvoyeurs de poudre ». Le Congrès refusera toutefois de tenir compte de cet avis pour faire évoluer la loi.

    « Il faut rappeler qu’au fil des années les textes les plus sévères ont été votés à la fois par les démocrates et les républicains », précise Mme Gill. Ce fut notamment le cas en 1994, sous la présidence de Bill Clinton, qui confirma le système des peines minimales obligatoires et subordonna la construction de nouvelles prisons à l’absence de libération conditionnelle. Sa loi dite « des trois coups », qui permet de prononcer des peines de prison à vie pour des personnes commettant un troisième délit ou crime, a aussi contribué à l’incarcération de masse. « J’ai signé un texte qui a aggravé la situation », a admis, en juillet 2015, l’ancien président américain devant le congrès de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). Aujourd’hui, la moitié des personnes condamnées à des peines de prison au niveau fédéral le sont pour des délits liés au trafic de drogue, de même que 20 % de celles qui sont détenues dans les prisons des Etats. « Or cette politique n’a rien résolu, souligne Mme Gill. Il y a toujours de la drogue, et le pays est confronté au problème de l’héroïne. »

    Allongement spectaculaire des peines

    Le systématisme des peines planchers a pourtant continué de créer des cas aberrants, tels que des condamnations à vie ou à des peines de plusieurs dizaines d’années de prison pour des faits sans violences. La durée des peines a connu un allongement spectaculaire entre 1988 et 2012 pour les affaires liées à la drogue et aux armes. Or toute période de détention contribue à déstabiliser les familles et à accentuer les inégalités sociales, soulignent les partisans d’une justice plus équitable. « Sans l’incarcération de masse, bien moins de gens auraient connu la pauvreté. Et je ne parle pas seulement des familles dont un membre est derrière les barreaux, mais aussi des 600 000 personnes libérées chaque année et qui connaissent un taux de chômage de 60 % », expliquait récemment Mme Clinton, qui admet être en porte-à-faux avec la politique poursuivie par son président de mari au milieu des années 1990.

    Au fil du temps, néanmoins, l’évidence de l’iniquité de ce système et des interrogations sur le sens même des sanctions ont fini par faire leur chemin. En 2010, Barack Obama a signé une loi supprimant les disparités entre crack et cocaïne et a mis fin aux peines minimales obligatoires dans les cas de simple possession de drogue. En 2015, sur recommandation de l’US Sentencing Commission, plusieurs milliers de prisonniers ont pu bénéficier d’une liberté conditionnelle. Quant au ministère de la justice, il recommande désormais plus de clémence et de proportionnalité pour les petites infractions liées à la drogue. « L’objectif n’est pas de faire sortir tout le monde de prison, explique Greg Newburn, de la FAMM. Mais il faut que chacun reçoive une sanction appropriée à sa situation, en fonction de son histoire. » Dans la plupart des cas, l’état mental de l’accusé et son niveau d’implication dans l’infraction ne sont pas pris en compte.

    La nécessité de réformer ces procédures relève aussi de raisons plus terre à terre. Le budget nécessaire à l’incarcération de 2,2 millions de personnes est pharaonique : quelque 80 milliards de dollars par an, assumés en majeure partie par les Etats, selon la Brookings Institution. « Le ministère de la justice y consacre aussi 30 % de son budget »,
    souligne Mme Gill. Et ce chiffre est en constante augmentation. L’ampleur de la coalition qui, aujourd’hui, défend une réforme souligne la diversité des motivations, qu’elles soient financières, sociales ou humanistes. Des démocrates les plus libéraux aux milliardaires républicains les plus conservateurs, des religieux de toutes origines aux libertariens : un quasi-consensus s’est installé.

    Cercle infernal

    « Il y a dix ans, parler de réformer le système pénal et carcéral était un suicide politique », a confié l’ancien candidat à l’investiture démocrate Jim Webb, qui en a fait son cheval de bataille, lors d’un débat sur la question organisé par l’ambassade de France à Washington, le 8 mars. « Auparavant, ce sujet était considéré comme une préoccupation exclusivement libérale ; elle est devenue une question bipartisane. Les Etats les plus conservateurs s’en sont emparés, confirme M.
    Newburn. Les responsables politiques se sont rendu compte qu’il fallait certes assurer la sécurité des citoyens, mais à un coût minimal, et que l’on pouvait interroger l’efficacité de la justice pénale au même titre que celle des politiques d’éducation, des transports ou de santé. » Une prise de conscience accélérée par la crise économique de la fin des années 2000 et la nécessité de ménager les deniers publics.

    Avec un taux de criminalité en baisse constante depuis plus de vingt ans, les contribuables américains semblent aussi moins enclins à voir leurs impôts passer dans la construction de nouvelles prisons et l’entretien de 2,2 millions de détenus. Si l’on ne peut exclure qu’une hausse des incarcérations entraîne une baisse du taux de criminalité, des experts estiment ce rapport de cause à effet marginal. A la FAMM, M. Newburn assure que « libérer un tiers des prisonniers américains serait sans effet sur la sécurité. Les ressources ainsi économisées permettraient de mettre plus de policiers dans les rues et d’améliorer la prévention ». Les élus de tous bords ont en tout cas compris les interrogations de leurs concitoyens, et plus de la moitié des Etats américains ont entrepris des réformes en ce sens : fin des peines planchers, suppression de la loi « des trois coups », requalification des infractions, libérations conditionnelles...

    Mais aux yeux de David C. Fathi, directeur du National Prison Project au sein de l’ACLU, ces changements, si bienvenus soient-ils, ne suffisent pas. « Si des efforts ne sont pas également faits sur la vie en prison, sur la santé mentale et la réinsertion, le problème de l’incarcération de masse ne sera pas réglé. Aujourd’hui, les conditions de détention abîment tellement les gens qu’ils sont pour beaucoup incapables de se réinsérer dans la société, et risquent de récidiver et de remplir à nouveau les prisons. » Cette analyse est partagée par beaucoup alors que le taux de récidive, cinq ans après la sortie de prison, atteint des sommets : 76 %, selon les chiffres officiels. Un cercle infernal dont l’Amérique mettra des « décennies » à sortir, a déjà prévenu le président Obama.