A la rencontre de Marc’O
▻https://lundi.am/A-la-rencontre-de-Marc-O
Maquisard en Auvergne à quinze ans, marlou de Saint-Germain-des-Près après la guerre, programmateur au Tabou avec Boris Vian, introducteur de la poésie lettriste, producteur du Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou qu’il impose à Cocteau en 1951 à Cannes, éditeur du premier texte de Debord dans la revue Ion financée par le cagoulard Robert Mitterrand, animateur dès les années 1950 du groupe et du journal « Le soulèvement de la jeunesse » basée sur l’idée du prolétariat externiste (le prolétariat déserte de plus en plus une classe ouvrière toujours plus intégrée et se concentre chez les jeunes et tous ceux qui se vivent comme étrangers à cette société), inventeur du théâtre musical et d’un théâtre où le comédien n’est plus réduit à interpréter des rôles, mais à créer la pièce elle-même, mentor de la jeune troupe formée entre autres par Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon, Pierre Clémenti et Jacques Higelin, critique impitoyable des yéyés, de la célébrité et de la télé-réalité (et quasi-inventeur du style punk) dès 1966 avec Les idoles, pionnier de l’occupation des théâtres dès 1967 à Reggio Emilia contre la guerre du Vietnam, co-fondateur avec Monique Wittig et Antoinette Fouque à la Sorbonne en mai 1968 du Comité Révolutionnaire d’Action Culturelle (CRAC), ancêtre du MLF (Mouvement de Libération des Femmes), passeur continu, avec Guattari, entre la France et l’Italie des années 1970, présent à Bologne, toujours avec Guattari, en septembre 1977 lors du fameux Congrès international contre la répression, initiateur en 1979 de l’opéra-rock Flashes rouges porté par la jeune Catherine Ringer, chercheur dans les années 1980 autour des nouvelles possibilités qu’ouvre pour l’image le développement des techniques audiovisuelles, animateur dans les années 1990 avec Cristina Bertelli des Périphériques vous parlent et de la jeune troupe Génération Chaos, où officient des anciens de l’excellent groupe de rock Witches Valley et qui ira jusqu’à faire des premières parties de concerts de Noir Désir, et puis on s’arrête là.
Karen O n’est pas la fille de Marc’O
►https://www.youtube.com/watch?v=n8GTewTUQeg
▻https://karenomusic.com/projects/i-shot-the-sheriff
▻https://karenomusic.com
▻https://www.discogs.com/artist/245778-Karen-O
#musique
#Bologne (Italie) : risque expulsion du centre social #XM24, manif le 29 juin
▻https://fr.squat.net/2019/06/28/bologne-italie-risque-expulsion-du-centre-social-xm24
Le centre social XM24 à Bologne (Italie) est menacé d’expulsion. Cet espace public autogéré est depuis plus de 17 ans un lieu de socialisation et d’expérimentation politique, artistique et culturelle à Bologne. Un espace qui est traversé et vécu par des centaines de personnes quotidiennement ; en raison de ses valeurs politiques, de ses nombreux […]
]]>« L’Invention de la Terre » : le géographe Franco Farinelli déshabille la planète
▻https://www.lemonde.fr/livres/article/2019/05/22/l-invention-de-la-terre-le-geographe-franco-farinelli-deshabille-la-planete_
Paywall.
La Terre, autrefois, était nue. Elle ne l’est pas restée longtemps. Tel est à peu près le récit des origines du monde que fit, au VIe siècle avant notre ère, Phérécyde de Syros. Le vide, comme toujours dans les mythes, était peuplé, mais de trois êtres seulement : le Ciel, la Terre et l’Océan. Le fragment conservé du livre où le philosophe racontait leur histoire montre la Terre, alors appelée Chtôn, s’avancer voilée vers le Ciel sous les yeux de l’Océan, maître de cérémonie. Le voile tombe, apparition fugitive du corps nu de l’épouse, que le Ciel recouvre d’un manteau brodé d’images de fleuves, de lacs, de montagnes.
]]>Nabat - Un altro giorno di gloria
▻https://www.youtube.com/watch?v=hnWLonviH5U
▻https://www.discogs.com/artist/594619-Nabat
#Nabat #Bologna_Oi! #Oi!_Punk
#Italie : solidarité offensive contre l’opération Étincelle et l’expulsion de l’Asilo
▻https://fr.squat.net/2019/02/26/italie-solidarite-offensive-contre-l-operation-etincelle
Bologne : cortège en solidarité avec les arrêtés de #Turin Jeudi 7 février au soir, un cortège composé d’une trentaine de personnes « solidaires avec les personnes arrêtées à Turin et avec l’Asilo en cours d’expulsion » (texte de la banderole de tête) a traversé les rues du quartier de Bolognina avec des interventions au mégaphone, tags […]
#actions_directes #anti-terrorisme #Asilo_occupato #Athènes #Bologne #Crémone #émeutes #manifestation #Milan #opération_Étincelle #Patras #prison #Rovereto #Thessalonique #Trente #Venise
]]>#métaliste sur les #villes-refuge
–-> v. aussi cette compilation : ▻https://seenthis.net/messages/675436
Le #HCR se félicite du soutien de 175 villes à travers le #monde entier en faveur des réfugiés
▻https://seenthis.net/messages/791115
#Cities#WithRefugees
Projet de recherche du #PUCA « L’accueil, la circulation et l’installation des migrants » :
▻https://seenthis.net/messages/817229
Quel rôle pour les villes dans l’accueil et l’intégration des demandeurs d’asile et réfugiés ?
▻https://www.vuesdeurope.eu/num/quel-role-pour-les-villes-dans-laccueil-et-lintegration-des-demandeurs-d
Cities of refuge research
A research project that explores and explicates the relevance of international human rights, as law, praxis and discourse, to how local governments in Europe welcome and integrate refugees.
An EU solution, or a local one ?
–-> une section d’un article publié dans l’article « Germany sees political controversy over rescuing refugees from Greece » :
►https://www.dw.com/en/germany-greece-refugees-asylum-controversy/a-54538520
Table-ronde organisée lors d’une conférence du réseau Fearless Cities sur les villes-refuge :
▻https://seenthis.net/messages/899744
L’accueil des réfugiés peut-il devenir une #politique_locale ?
▻https://seenthis.net/messages/927177
Visualisation : Cities and civil society networks for a Welcoming Europe
Europe welcomes - A decent and humane asylum policy is possible in Europe
#ville-refuge #migrations #asile #réfugiés #solidarité #résistance
ping @isskein
Le dépôt de logiciel maintenant disponible sur Hal et tous les portails - Inria
▻https://www.inria.fr/actualite/actualites-inria/hal-s-ouvre-au-logiciel
/var/inria/storage/images/medias/actualites/generales/images-chapo/sh-hal-chapo/1873553-1-fre-FR/sh-hal-chapo_medium.jpg
Le projet bénéficie du soutien de l’UNESCO et de nombreux partenaires internationaux comme Microsoft , DANS (institution de l’Académie Royale des Arts et des Sciences néerlandaise), l’université de Bologne, Société Générale , Huawei , Nokia Bell Labs , Intel , rejoints récemment par Google , l’UQAM, GitHub , Qwant , FOSSID .
Grâce au dépôt du logiciel sur HAL et à son archivage sur SWH, le logiciel devient un produit de recherche légitime et citable, ce qui est indispensable dans la quête pour la reproductibilité des résultats scientifiques.
]]>Un Lion d’or pour Netflix, ça change quoi ?
▻https://www.telerama.fr/cinema/un-lion-dor-pour-netflix,-ca-change-quoi,n5799775.php
En consacrant une production Netflix (“Roma”, d’Alfonso Cuarón), la 75e Mostra de Venise ouvre la voie à un nouveau regard de la profession sur l’ambition artistique de la plateforme.
Ironie du sort : pile à l’heure où le Lion d’or de la 75e Mostra de Venise était remis à Roma, du Mexicain Alfonso Cuarón, premier film #Netflix à triompher dans l’un des trois grands festivals, les spectateurs du 44e festival de Deauville regardaient, eux, le film de clôture. Et il s’agissait aussi d’un film Netflix : Opération finale, de l’Américain Chris Weitz. Il n’est pas sûr que ce récit romancé (et suranné) de la traque du nazi Adolf Eichmann par des agents du Mossad fasse cesser, malgré quelques jolies scènes entre Oscar Isaac (le chasseur) et Ben Kingsley (la proie), l’habituelle rengaine du « Netflix bashing » : les séries Netflix, OK ; les films présents sur la plateforme, une majorité de navets…
Mais la simultanéité des événements prouve l’influence grandissante de la plateforme et le Lion d’or vénitien rebat les cartes : oui, des films d’auteur et même des films d’auteur réussis vont être proposés aux abonnés Netflix (130 millions dans 190 pays dont plus de 3,5 millions en France) ; oui, comme un studio de Hollywood, la plateforme de S-VOD offre films grand public formatés et œuvres plus ambitieuses.
▻https://www.youtube.com/watch?v=HBy4cjQEzLM
Justement, cette chronologie est actuellement en renégociation, sous la houlette énergique (pour une fois) de la ministre de la Culture : le Lion d’or attribué à Roma sera sans doute au cœur des dernières discussions, mais le projet actuel ne résout rien. Très favorable à Canal+, qui, c’est vrai, contribue fortement à maintenir le niveau de production en France, la chronologie mise à jour n’autoriserait au mieux Netflix (sous réserve de multiples engagements, assez improbables) à diffuser les films que quinze mois après leur sortie. Netflix ne s’y pliera évidemment pas.
Et maintenant ? Le grand gagnant du jury vénitien est, d’abord, Thierry Frémaux. Le patron de Cannes a toujours été farouchement partisan de considérer les films Netflix comme des œuvres à part entière, et c’est, selon lui, la meilleure manière de négocier avec la plateforme – y compris d’éventuelles sorties en salles. Il n’a pas caché avoir voulu montrer Roma à Cannes ; le règlement l’en a empêché. Le succès du film valide son goût et la venue d’Alfonso Cuarón à « son » Festival Lumière de Lyon, où sera montré également le dernier film d’Orson Welles, De l’autre côté du vent, restauré et achevé par Netflix, pimente singulièrement l’événement cinéphile de l’automne.
Les aléas de la sortie en salles
Ce n’est pas tout à fait nouveau, mais peut-être n’avait-on pas voulu le voir : en 2017, le Festival de Cannes avait présenté, en compétition, Okja, du Coréen Bong Joon-ho, et The Meyerowitz Stories, de l’Américain Noah Baumbach. Sifflets à l’apparition du logo de Netflix, œuvres sous-estimées par la critique, immédiat rétropédalage du conseil d’administration du Festival, au grand dam, sans doute, du délégué général, Thierry Frémaux. La décision était prise d’interdire les films Netflix en compétition à Cannes. Ou, plutôt, d’interdire de faire participer à la compétition des films sans sortie salles programmée en France. Or, à la différence d’Amazon, Netflix veut servir d’abord ses abonnés et refuse, à une poignée d’exceptions près, l’exploitation traditionnelle de ses films.
Et Roma ? Alfonso Cuarón rêve de la salle, qui permet le mieux d’apprécier l’esthétique soignée de son film (noir et blanc, objectifs des vieilles caméras 70 mm). Netflix ne serait pas contre un « day-and-date » (sortie simultanée en salles et sur le site) a condition qu’il fût surtout symbolique : on apprenait ainsi hier soir que Roma serait projeté dans un #cinéma bruxellois le 12 décembre prochain. En France, c’est pour le moment impossible : toute sortie intègre le film à la #chronologie_des_médias, fixant des écarts temporels précis entre la salle, la télé, l’exploitation en ligne. Si Roma sort en salles, il ne sera sur le Netflix français que trois ans plus tard… Impensable pour la plateforme.
Vers une Palme d’or Netflix ?
Il n’est pas non plus impossible que, malgré l’hostilité réitérée des exploitants (représentés au conseil d’administration), Cannes songe à assouplir ses règles. Si The Irishman, de Martin Scorsese, financé par Netflix (parce qu’aucun studio américain ne voulait le faire) est prêt pour mai 2019, le sélectionneur fera tout pour l’avoir… Une Palme d’or Netflix ? En 2017, le scandale eût été à son comble. Aujourd’hui, le précédent vénitien crée une grosse brèche. Comme, peut-être, l’annonce prochaine que Le Livre d’image, le nouveau film de Jean-Luc Godard, en compétition au dernier Festival de Cannes, ne sortira malgré tout pas dans un circuit traditionnel…
Les dirigeants de Netflix, eux, vont continuer leur politique effrénée d’acquisition et de production : l’arrivée prochaine d’entrants (Apple, Disney) sur le nouveau marché, très lucratif, de la VOD par abonnement, va changer la donne, mais la plateforme de Ted Sarandos a de l’avance. D’autres cinéastes vont aller y chercher de quoi faire des films ambitieux et différents – à condition que la concurrence ne pousse pas à la surenchère de blockbusters, une hypothèse possible. Mais les auteurs verront toujours qu’une fois sur Netflix leurs créations seront englouties dans un catalogue géant, jamais exploitées en DVD, jamais diffusées à la télévision. Même si le CNC donne un visa exceptionnel à Roma, pour une sortie « hors chronologie » dans une poignée de salles, cela changera à peine le destin du film.
▻https://www.youtube.com/watch?v=pRwMrNAr0h0
Dans une conférence qu’il a donnée au début de l’été au Festival Cinema ritrovato, à Bologne, Thierry Frémaux regrettait que les films Netflix n’appartiennent pas vraiment à l’histoire du cinéma. Il rappelait aussi les débats des deux inventeurs concurrents du septième art : « Lumière a triomphé d’Edison, il y a cent vingt-cinq ans, parce qu’il a eu cette idée de la projection collective. Edison soutenait, lui, que les images animées devaient êtres vues de façon individuelle et payante. C’est Netflix ! Peut-être assistons-nous à la victoire posthume d’Edison sur Lumière… » Ou plutôt, on l’espère, à une coexistence pacifique des deux visions complémentaires.
via @lucile
HOMO INC.CORPORATED. Le triangle et la licorne qui pète. – Sam Bourcier
Estimant que « l a conséquence de la privatisation de l’anus est l’individualisation », Sam Bourcier mène une charge allègre contre les « bons homos », sourcilleux sur leurs « droits » dans le cadre rassurant de la « nation ». Il décortique le « triangle biopolitique » entre sécurité, population et discipline, moteur de l’intégration comme de l’exclusion. Pour l’illustrer, Bourcier fait découvrir la réflexion mais aussi le mode de vie d’un collectif « queer et transféministe » de Bologne, Smaschieramenti, créé en 2008, qui squattait avant d’en être expulsé en 2015 un vaste bâtiment au nom rêveur, l’Atlantide. Pour lutter contre l’austérité et le néolibéralisme, ce groupe travaille sur le concept de « grève du genre », c’est-à-dire le refus des rôles, masculins, féminins, établis par le consensus normatif. Entre réunions, séminaires, manifestations, fêtes, les queers de Bologne créent « du trouble dans la valeur », que Bourcier théorise. Contre ce que le « pink bloc » de Bordeaux a baptisé « dictature des normaux », cet ouvrage, tonique et foutraque, est un appel d’air.
Jean Stern
►http://www.cambourakis.com/spip.php?article870
Homo inc.orporated – Le triangle et la licorne qui pète
Collection sorcières
256 pages / 140 x 205 mm
Date de sortie : 30 août 2017
Prix : 19 euros
Disponibilité : disponible
▻https://www.monde-diplomatique.fr/2018/08/STERN/58974
source : @mdiplo
#homosexualités #queer #Cambourakis #Sam_Bourcier #Jean_Stern
#pink_bloc
#MeToo et la libération de la parole chez les religieuses
▻https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/MeToo-liberation-parole-chez-religieuses-2018-08-01-1200959162
بعد إسبانيا : كبرى المدن الإيطاليّة تدعو لفرض حصارٍ على إسرائيل ووقف التجارة العسكريّة معها لارتكابها جرائم حرب وتضامنًا مع فلسطين | رأي اليوم
▻https://www.raialyoum.com/index.php/%d8%a8%d8%b9%d8%af-%d8%a5%d8%b3%d8%a8%d8%a7%d9%86%d9%8a%d8%a7-%d9%83%d8%a
Après Barcelone, Madrid et Valence en Espagne, les mairies de Naples, Turin, Bologne, Florence et Pise se prononcent pour le boycott d’ #Israël.
]]>Daniela Festa : « En Italie, un mouvement social a émergé autour des communs urbains »
▻https://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2018/06/21/daniela-festa-en-italie-un-mouvement-social-a-emerge-autour-des-comm
Quel a été le rôle de la commission Rodota dans l’émergence de cette question ?
Elle a été centrale. Stefano Rodota [1933-2017] était un grand personnage de la culture juridique et politique italienne. En 2007, le gouvernement Prodi décida de lui confier la présidence d’une commission ministérielle chargée de rédiger un projet de loi pour la réforme des régimes des biens. Pour les juristes de cette commission, la question était la suivante : comment faire en sorte que les biens voués à satisfaire les besoins de la collectivité ne soient pas captés par le patrimoine privé, sans aucun retour pour la communauté ?
La commission a décidé d’introduire, pour la première fois, la notion juridique de communs : des « biens qui comportent une utilité fonctionnelle pour l’exercice des droits fondamentaux et le libre développement de la personne ». Parmi eux figurent plusieurs ressources naturelles, des zones naturelles protégées, mais également des biens culturels. Ce projet n’a finalement pas eu de suite législative, mais il a fortement alimenté les débats et les actions citoyennes dans le pays.
Autre rendez-vous politique important : le référendum de 2011 contre la privatisation de l’eau. Quelles forces ce succès a-t-il libérées ?
Après cette victoire éclatante (57 % d’Italiens ont voté, et 95 % des votants se sont exprimés pour que l’eau reste publique), la question des communs a explosé en Italie. Tout le monde s’est mis à en débattre, dans les grandes villes comme dans les petites. Depuis, le pays est passé à autre chose, avec d’autres problèmes à régler.
Mais ce moment n’en a pas moins donné naissance à plusieurs expériences importantes. A commencer par la charte de Bologne, un pacte élaboré en 2014 par un laboratoire de juristes et la municipalité, portant sur « la collaboration entre les citoyens et l’administration pour l’entretien et la régénération des biens communs urbains ».
Quels sont les biens concernés par ce pacte ?
Il s’agit en priorité de biens publics, matériels ou culturels, mais aussi éventuellement de biens privés s’il y a une volonté du propriétaire de les mettre à la disposition de la ville. Les citoyens peuvent se proposer eux-mêmes pour les prendre en charge, l’administration gardant un rôle de sélection et de régie. Ce pacte de collaboration entre la municipalité et les citoyens a progressivement été adopté par de nombreuses villes italiennes (environ 120 à ce jour), mais peu d’entre elles ont témoigné d’une volonté politique suffisante pour le rendre aussi effectif qu’à Bologne.
Certaines villes n’en ont pas moins fait preuve d’originalité et ont réadapté cette charte à leur propre territoire. A Orvieto, par exemple, ville d’art et de culture, l’attention a été portée sur le patrimoine culturel. A Chieri (métropole de Turin), la charte a été rediscutée de manière à rendre plus égalitaire le rapport entre les institutions et les citoyens.
A quelle critique ces chartes peuvent-elles donner lieu ?
En promouvant l’engagement direct des citoyens autour des communs, ces initiatives peuvent être le symptôme d’une déresponsabilisation des institutions publiques. Celles-ci ne parvenant pas à assurer le maintien de patrimoines collectifs, elles s’appuieraient alors sur les citoyens, non pour promouvoir l’espace démocratique, mais pour s’en dégager.
C’est un risque réel, dont il faut tenir compte. Car, dès lors qu’on parle de communs ayant une importance culturelle et sociale forte, il est illusoire de penser que les citoyens peuvent les préserver sans ressources économiques. Si les biens communs se transformaient en outil de démantèlement de l’Etat social, cela deviendrait très dangereux.
]]>La Revue de l’écoute n°13 est sortie !
►http://syntone.fr/la-revue-de-lecoute/#sommaire
Au programme de ce numéro de printemps (nouveau format, nouvelle maquette), plusieurs voyages dans le temps, quarante, cinquante et même quatre-vingt-dix ans en arrière :
Paul Deharme nous intrigue par son exaltation pionnière d’un art radiophonique encore en germe ; l’auditeur-blogueur Fañch Langoët recolle ses souvenirs d’adolescent sous le monopole d’État de la radiodiffusion française ; le philosophe Franco Berardi dit ‘Bifo’ témoigne de l’aventure censurée de Radio Alice à Bologne et décrypte l’évolution du contrôle de la parole.
Par contraste avec ces travaux de mémoire pourrait-on dire, on s’ancre aussi dans la présence de l’écoute « nature » avec le désormais traditionnel son de saison, l’actualité des podcasts pour la jeunesse ou encore la contemporanéité des fictions audio-sensibles d’Olivier Cadiot.
En plus de nos rubriques habituelles et de la fiche pratique dorénavant incontournable (consacrée cette fois à l’écoute au casque et sur enceintes), ce numéro 13 inaugure le parcours d’une personnalité du monde du son (ici Siham Mineur) et un feuilleton littéraire signé par la réalisatrice et comédienne Laure Egoroff.
Cet opus 13 est le premier de notre nouveau format, plus spacieux et plus souple, conçu par Catherine Staebler.
]]>Les Untorelli, le pdf du numéro 30 de la revue Recherches sur Bologna 77, présentation :
▻http://www.editions-recherches.com/revue_detail.php?id=30
SOMMAIRE
BOLOGNE, MARS 1977
Molti compagni
-- Introduction
-- Ils n’ont encore rien compris
-- Vendredi 11 (contrinformation)
-- Alice
-- Dimanche 13 : les blindés arrivent
-- Le collectif Jacquerie
-- Tract distribué à l’université (signé Cossiga)
-- Séparation du Politique. Mise en acte des repaires
-- Poème-tract
-- Un certain vigile ira témoigner
-- Une assemblée
-- Autre lettre de Franco Ferlini toujours en prison
BOLOGNE, SEPTEMBRE 1977
Bifo-Bruno
-- Septembre
L’ITALIE A TRAVERSO
Bruno Giorgini
-- Bologne et l’Emilie, vitrine de l’eurocommunisme : toute une histoire
Toni Negri, Bifo, Bruno Giorgini
-- Autonomie. Autonomies
Gérard Soulier
-- La loi Reale. La police au-dessus des lois
-- AFP. « Le complot international »
Félix Guattari
-- Masses et minorités à la recherche d’une nouvelle stratégie
Bifo
-- Le réformisme en action : le « Devenir-Etat »
Anna Orsini, Silvia Schiassi
-- Où étions-nous, ou` en étions-nous ?
ANNEXES. Les Intellectuels français et le mouvement
-- Adresse à la conférence de Belgrade
-- Nous croyons au caractère constructiviste de certaines agitations de gauche
-- Déclaration des Intellectuels francais présents à Bologne à l’ouverture des rencontres des 27-28-29 septembre
CHRONIQUES
Lion Murard, Patrick Zylberman — Le deuxième âge de l’Etat policier
Cerfi — Le droit à la recherche
G. Deleuze — À propos des nouveaux philosophes et d’un problème plus général
est désormais téléchargeable :
▻https://drive.google.com/file/d/1L4lHvYkdi1ItVxeRQZuCaaBg_-fOYh_r/view
Petite mise à jour postes ouverts (publiés) #MCF #ESR. On suit toujours la tendance qui conduit à 0 postes ouverts en 2030.
Avec ce commentaire intéressant :
Pas étonnant alors qu’ils mettent en place #parcours_sup qui réduit l’accès à l’Université : plus de lycéens, moins de profs : la #sélection organisée ...
▻https://twitter.com/ben_schnecken/status/967001264390361089
#postes #travail #université #statistiques #chiffres #MCF #France #it_has_begun
En route vers une université sans enseignant·es !
]]> Tueurs du Brabant : après 32 ans de sabotage de l’enquête, enfin une percée ? Solidaire - Herwig Lerouge - 22 Octobre 2017
▻http://ptb.be/articles/tueurs-du-brabant-apres-32-ans-de-sabotage-de-l-enquete-enfin-une-percee
Herwig Lerouge était, dès 1985, l’un des premiers à avancer la piste que, derrière les Tueurs du Brabant, qui semaient la terreur en Belgique à l’époque, se cachait une cellule d’extrême droite au sein du groupe Diane, unité d’élite de la gendarmerie. Aujourd’hui que cette piste semble se confirmer, il fait le point. Après 32 ans de sabotage de l’enquête sur un des plus grands crimes politiques dans l’histoire de la Belgique, va-t-on enfin avoir une percée ?
Une du journal du PTB, Solidaire, du 20 novembre 1985. Déjà à l’époque, la piste d’un lien avec la gendarmerie était évoquée. Il y a 32 ans déjà, le PTB, son journal Solidaire et certains journalistes l’avançaient comme la piste la plus sérieuse : derrière les Tueurs du Brabant se cache une cellule d’extrême droite au sein du groupe Diane, le corps d’élite de la gendarmerie à l’époque. Pour rappel, ce groupe a été responsable de la vague de terreur qui a fait 28 victimes aux abords des grands magasins Delhaize et Colruyt et terrorisé toute la population dans les années 1980.
Comme l’a révélé la presse durant le week-end des 21 et 22 octobre dernier, un ancien gendarme de cette unité spéciale Groupe Diane, décédé il y a deux ans, aurait avoué à son frère, sur son lit de mort, avoir été « le Géant » de la bande. La haute taille du gendarme correspondrait à celle du « Géant », et une blessure au pied qui lui avait valu une incapacité de travail pendant les tueries du Brabant pourrait correspondre à une caractéristique du Géant observée par des témoins : il boitait lors de la tuerie d’Alost. Les enquêteurs pensent aussi pouvoir identifier maintenant d’autres membres de la bande, tous des gendarmes, ex-membres du groupe Diane.
Beaucoup d’indices qui pointent dans cette direction
Or cette piste des gendarmes d’extrême droite a été qualifiée à l’époque par le ministre libéral de la Justice Jean Gol (MR) et par le procureur de Nivelles, Jean Deprêtre, en charge du dossier comme « de la fiction de roman policier ».
Pourtant, tant la façon de procéder des Tueurs que certaines informations sérieuses disponibles et le contexte politique à ce moment-là pointaient dans cette direction. Les membres de la bande n’étaient pas intéressés par le butin. Les primes de 5 et 10 millions offertes pour obtenir certaines infos auraient dû éveiller la convoitise des indicateurs du milieu. Il n’en était rien…
Ces bandits semblaient agir à leur aise, comme s’ils n’avaient rien à craindre. Les attaques étaient menées de façon militaire. Des spécialistes sont très vite arrivés à la conclusion que certaines techniques utilisées par les tueurs — entrée et sortie des véhicules, progression déployée de manière à couvrir tous les angles de tir possibles, « tir croisé » — étaient enseignées dans les unités spéciales de plusieurs armées et de certains services policiers d’intervention.
En outre, après leurs crimes, les Tueurs se plaçaient en embuscade pour attendre les policiers qu’ils prenaient sous un tir croisé. Les crimes semblaient gratuits. Le butin ne les intéressait visiblement pas. La motivation n’est pas de voler mais bien de tuer, de terroriser.
Stratégie de la tension
Les Tueurs du Brabant auraient-ils agi dans le cadre de « la stratégie de la tension », comme on l’a vue en Italie et en Allemagne ?
De nombreux autres éléments sont venus confirmer cette hypothèse : des (ex-)membres du groupe d’élite Diane avaient des liens avec des organisations fascistes belges et des agents américains. On était au milieu des années 1980, au sommet de la Guerre Froide et de la course aux armements. Washington et le monde politique pro-américain en Belgique s’inquiétaient à l’époque de la montée du mouvement contre l’installation en Belgique des missiles nucléaires visant l’Union soviétique. Des centaines de milliers de pacifistes manifestaient pour s’opposer à ce type de menace. Les attaques des Tueurs du Brabant ont semé la panique et préparé le terrain pour un renforcement sans précédent de la gendarmerie. Et les missiles ont été installés.Le fait que des forces de répression à l’intérieur des États provoquent sciemment des attentats a été appelé la « stratégie de la tension ». Il a ainsi été prouvé qu’en Italie, dans les années 70 et 80 (voir le terrible attentat de Bologne en 1980), cette stratégie a été utilisée par l’extrême droite liée aux services secrets italiens et américains.
Même l’Allemagne semble ne pas avoir été à l’abri de bien curieuses menées américaines. Dans un livre publié en septembre 1998, Andreas von Bülow, qui fut secrétaire d’État à la Défense à Bonn (de 1976 à 1980) puis ministre de la Recherche (de 1980 à 1982), affirme que « les services secrets américains ont influencé, sinon dirigé partiellement ou complètement tout le terrorisme européen ». L’Italie, l’Allemagne… pourquoi pas la Belgique ?
Pas de coupable, mais une gendarmerie renforcée
En Belgique, aucun des coupables des Tueurs du Brabant n’est aujourd’hui sous les verrous. La plupart des suspects sont morts ou à l’étranger. Dès le début, le procureur Deprêtre de Nivelles a bloqué la piste de l’extrême droite. Le sommet de la gendarmerie a protégé les gendarmes suspects. Deux commissions d’enquête parlementaires n’ont trouvé aucun coupable. Mais ont abouti au renforcement de la gendarmerie.
Le nom du « Géant » dont il est question aujourd’hui est déjà apparu dans l’enquête en 1999, après la diffusion d’une série d’affiches présentant des portraits-robots des présumés tueurs. Le fait qu’il était un ancien du Groupe Diane était un autre élément interpellant, qui rendait son profil plausible. Il était membre d’un « practical shooting club », une technique utilisée par les Tueurs et apprise dans des stands de tir fréquentée par plusieurs gendarmes d’extrême droite. Selon son dossier médical, il avait pris congé chaque fois pendant les vagues d’attentats de la bande en 1985.
Pour éviter les oubliettes
La raison pour laquelle cette potentielle piste n’a pas été poursuivie est un mystère. Ou peut-être pas.
On devra se demander comment certains, dans la police et ailleurs, ont fait que cette enquête soit systématiquement détournée de la seule piste crédible.
On pourra, dans les jours qui viennent, dresser la liste de toutes les décisions mystérieuses dans cette enquête, de toutes les interventions politiques pour détourner les enquêteurs de cette piste de la terreur d’extrême droite pro-américaine.
Suite à ces révélations, on pourra lire avec d’autres yeux les décisions prises suite à ces attentats en faveur du renforcement de la gendarmerie dans le paysage policier. Cette décision a amené, par exemple, à ce qu’une gendarmerie toute puissante monopolise l’enquête sur les enfants disparus, sans transmettre ses infos à la justice. C’est la fameuse opération Othello qui a empêché qu’on arrête Marc Dutroux avant qu’il puisse commettre ses crimes.
On devra aussi se demander comment certains, dans la police et peut-être la justice, ont pu jusqu’à aujourd’hui faire en sorte que cette enquête soit systématiquement détournée de la seule piste crédible pour enfin découvrir la vérité.
On devra le faire. Mais, si c’est à travers une troisième commission d’enquête, il faudra que celle-ci soit composée d’une autre façon que les deux précédentes, qui n’ont abouti à rien. Il faudra donner une place aux parents des victimes, qui ont eux-mêmes mené l’enquête contre vents et marées, à des journalistes et des chercheurs qui ont depuis longtemps amassé de nombreux éléments dans cette direction. Il ne faudra pas que les questions qui sont posées, les témoins qui seront invités soient uniquement décidés par les partis politiques traditionnels, qui sont coresponsables de la débâcle que constitue cette enquête. Sinon, une commission d’enquête risque de terminer où de nombreuses commissions de cette sorte ont fini leur vie : dans les oubliettes.
#espionnage #services_spéciaux #Belgique #police #gendarmerie #judiciaire #attentats #espions #secret #barbouzes #terreur #gladio
]]>La Horde d’or (Italie 1968-1977), une note de lecture littéraire et « existentielle » , Stéphanie Eligert
►http://laviemanifeste.com/archives/11593
La parution en février 2017 de la première traduction française de la Horde d’or – livre en constante réimpression depuis sa première édition en Italie, en 1988 – est un événement considérable, et cela à tout point de vue : politique, existentiel, théorique, textuel, narratif, documentaire, stratégique, etc.
Pourquoi ? On a l’habitude d’entendre les 70’s italiennes qualifiées d’« années de plomb », ledit plomb étant supposé évoquer ce mélange à vocation terrifiante d’attentats et de lutte armée que n’aurait porté qu’une petite marge déviante, voire manipulée, d’« individus » issus des mouvements contestataires de 1968. Or dès les premières pages du livre – constituées des différentes préfaces et notes aux éditions de La Horde d’or en Italie, en 1988 et 1997 -, l’on comprend tout de suite que l’expression « les années de plomb », en réalité, a exactement la même fonction dans l’ordre du langage que les grenades lacrymogènes dans l’ordre policier : on les lance sur n’importe quel mouvement animé par un désir révolutionnaire afin d’enfumer, faire écran et produire de l’irrespirable là où justement, de l’espace était en train d’être rendu à l’air libre.
Ainsi de ce bref et percutant extrait de l’avant-propos à l’édition de 1988 : Années de plomb, services secrets, massacres d’état, complot, répression, terrorisme, état d’urgence …. Ou bien, au contraire : les plus belles années de notre vie, transformation radicale de la vie quotidienne, utopie, besoin de communisme, révolution sexuelle, lutte armée, etc .
(...)
Tout est donc parti « des besoins concrets et matériels », les pratiques théoriques comme les pratiques ouvrières – l’inventivité de l’une s’est nourrie de l’autre, sans domination ou vision douteuse d’une avant-garde de « cadres » venus éclairer une masse de salariés supposée inapte à se libérer seule. C’est donc cette influence mutuelle, source de construction d’un « savoir sans intermédiaire », « immédiat » édifié « contre le pouvoir du capital » et sur la base de situations précises, ici et maintenant, qui a permis de libérer une inventivité demeurant aujourd’hui encore proprement magnifique. Ainsi, par exemple de la grève appelée du beau nom d’« à la chat sauvage », mise en pratique dans les milieu des années 60, dans les usines automobiles du Nord :
La grève à « la chat sauvage » procède par arrêts imprévisibles aux points nodaux du cycle de production. Ces interruptions sont « spontanément » décrétées par les ouvriers, c’est à dire minutieusement préparées par une intelligence ouvrière qui sait utiliser à ses propres fins l’articulation productive de la coopération capitaliste. La grève « à la chat sauvage » est tout le contraire d’une simple lutte protestataire, éventuellement puissante, mais désorganisée. Elle requiert un très haut degré de cohésion et des formes actives d’organisation autonome. Celle du 15 octobre 1963 est historique parce qu’elle montre l’émergence à la FIAT d’une organisation ouvrière capable de mener une grève complètement en dehors du cadre des organisations officielles du mouvement ouvrier. Elle dément la vieille idée selon laquelle seul un petit groupe déterminé, détenteur de la conscience antagoniste ouvrière, serait en mesure d’organiser la lutte dans l’usine.
(...)
Livre-foule
Le camarade du mouvement cité a également souligné autre chose d’essentiel : « Il est compliqué de parler de 77 » – je dirais : comme d’écrire à son sujet et sur tout le livre de la Horde d’or. Ainsi, depuis le début de ce texte, j’ai beau estimé nécessaire d’avoir fait des zooms précis, successifs sur les Quaderni rossi, le CUB Pirelli, les Circoli, etc. -, je ne me départis pas de l’impression, du coup, d’avoir forcé au silence tous les autres mouvements, groupes, tendances, etc., en ne les nommant pas … C’est que pour bien faire et rendre exactement compte de ce qui se passe, en termes d’impressions brutes de lecture, il faudrait sans cesse ajouter à un article sur ce livre des incises qui insufflent partout de la profondeur de champ, une multiplicité d’actions et d’acteurs (« tandis que », « en parallèle », etc.), des grondements d’usines avec 25 000 ouvriers en grève, les climats de Milan, Turin, une vaste atmosphère bienveillante, de la foule, etc.
Et cette impression n’est pas un hasard. C’est en plus d’être un chef d’œuvre documentaire et historique, la Horde d’or est aussi une merveille formelle. Cet effet-foule, il ne me semble pas que la littérature et la poésie (expérimentale ou non) l’aient une seule fois produit – jamais, en tout cas, avec un dispositif d’une telle intensité. Ainsi, chaque zoom sur un aspect du mouvement ne semble jamais isolé des autres et de ce point de vue, la Horde d’or fonctionne comme l’anti-catalogue par excellence ; elle ne présente pas des « produits », des groupes successifs ayant pour seul étant leur fiche d’identité, mais elle tresse leurs influences dans une sorte de grande ondulation croissante. Et comme chaque composante du mouvement est toujours décrite alors qu’elle est prise dans une situation concrète, avec toutes les analyses et perceptions plurielles qui en découlent, etc., le tout, au fil de la lecture, accumule son foisonnement de détails et crée une sensation de rumeurs illimitées, d’horizons toujours plus vastes peuplant le hors cadre de la page. Comment ce livre réussit-il cela ? Tout s’est joué, semble-t-il, dans le processus d’écriture, que Nanni Balestrini (également romancier et poète – détail d’importance) décrit ainsi :
Au fur et à mesure que nous avancions, une méthode a commencé à se dégager et tous les éléments ont trouvé leur place, petit à petit, chapitre après chapitre. Cela s’est fait de manière assez improvisée, dans un même élan, et c’est peut-être ce contexte d’écriture qui a permis que le livre soit vivant et donne cette impression d’exhaustivité. Nous avions bien sûr une idée générale, mais ce n’était pas un travail systématique, comme on l’aurait fait pour écrire un livre d’histoire. Nous avons plutôt choisi de donner une série de coups de projecteurs sur différentes situations, et c’est bizarrement cela qui donne l’impression d’un tout homogène.
C’est le « contexte d’écriture » et donc une nouvelle fois, une situation précise, un certain agencement des subjectivités qui a précipité la mise en forme de la Horde d’or. Dans le même entretien, Balestrini explique d’ailleurs que les auteurs s’étaient retrouvés dans un appartement de Rome, travaillant au milieu d’une pièce où étaient progressivement ramenés, par grosses valises, tous les livres, tracts, documents imprimés durant les deux décennies révolutionnaires. En termes d’ambiance (et de la masse de souvenirs qui a dû « se lever » de ces textes, du grain du papier, des particularités d’impression, etc. – comme les fleurs de papier japonaises de la Recherche), il est évident que les auteurs ne pouvaient qu’opter pour un travail non systématique, qui se laisse absorber par l’acuité successive des « coups de projecteurs sur différentes situations ». C’est que le mouvement de la Horde d’or a été si fondamentalement existentiel (dans ses causes politiques, ses expressions, ses expérimentations théoriques, ses stratégies, etc.) qu’un livre en racontant l’histoire ne pouvait pas trouver d’autre matrice formelle que le récit. De fait, Bianchi, toujours dans le même entretien, précise que lors de la composition du livre, c’est Balestrini qui a « transposé son art du montage du roman à l’essai », et il ajoute que :
La spécificité du livre tient au fait qu’il met en présence des matériaux très divers. Il y a bien sûr des textes théoriques, mais la structure de fond reste celle du récit. Les luttes avaient produit une telle richesse qu’il n’était pas nécessaire d’adopter un point de vue surplombant comme l’aurait fait une démarche universitaire. Le simple récit des faits était déjà porteur d’énormément de sens.
La spécificité de la Horde d’or, c’est d’abord sa « structure de fond de récit », et non sa description théorique de l’autonomie ; « le simple récit des faits » a été suffisant – nul besoin de « surplomb », et donc de dénivelé hiérarchisant, dominant entre narration et faits narrés, et qui aurait eu, en plus, pour conséquence de séparer l’interprétation des expériences vécues. Or ces expériences ont été d’« une telle richesse » qu’elles ont formulé, à même leur réalisation concrète, « déjà énormément de sens ». La théorie était pratique – et en cela, il était inévitable que l’autonomie, dans son constant « processus de singularisation », trouve sa plus juste forme discursive dans le récit ou disons, pour faire large (et débarrasser tout de suite ce point de l’analyse de la question de la fiction) : la description subjective, la libre analyse à hauteur de « je » et de « nous ».
Certes, tous les livres traitant un moment d’histoire révolutionnaire comportent des récits, mais la particularité radicale de la Horde d’or, c’est que les fragments subjectifs n’y sont pas utilisés comme des accessoires figuratifs, mis en position d’illustrer l’affirmation centrale des historiens, etc. Le schéma de la Horde d’or est totalement autre : les récits y forment le cœur même des chapitres ou de toute partie destinée à re-présenter une tension théorique et pratique ponctuelle dans l’histoire du mouvement. Précisons qu’il s’agit de récits de manifestation bien sûr, mais aussi de comptes-rendus d’actions dans les villes, d’exposés stratégiques ou de divergences, de tracts, de chansons, etc.
En plus, même les passages théoriques sont des récits puisqu’à la lecture, ils n’apparaissent jamais sous l’allure de concepts en train de dérouler leur logique ; au contraire, dans presque tous les textes choisis, les auteurs / collectifs racontent comment des concepts se sont directement articulés à des configurations existentielles réelles (telle grève, telle réaction à telle occupation, etc.). Même, et surtout, les textes de Primo Moroni et Nanni Balestrini – introductifs ou conclusifs, montant les différents documents entre eux – se construisent comme des récits où l’essentiel d’une situation politique est planté « sous les yeux » avec une efficacité toujours admirable (en trois ou quatre paragraphes, tout est là : les grandes données socioéconomiques d’une ville à tel moment, son climat, les enjeux théoriques précis qui la traversent, etc.).
En fait, il n’y a quasiment pas de théorie « pure » dans la Horde d’or, ou de théorie hors sol (si ce n’est le chapitre sur le marxisme-léninisme !). Il n’y a pas même, je crois, de pire contresens pour la Horde d’or que l’idée d’une « théorie hors sol ». C’est que l’émergence de la « vague révolutionnaire » italienne, comme sa durée, n’ont été possibles, on l’a dit, que parce que la théorie avait su, à un moment donné, devenir creativa, immanente, articulée à même l’existentiel, comme les grèves à la chat sauvage. Et là où cela intéresse pleinement la littérature et la théorie du texte, c’est qu’en procédant ainsi, par « coups de projecteurs » successifs, le montage de la Horde d’or invente une nouvelle forme de livre, elle aussi autonome. En effet, est-ce que ce « tout homogène » qui réussit à être créé alors qu’il n’y a « bizarrement » aucune unification des multiples matériaux cités, cela ne rappelle pas exactement l’atmosphère et le degré de maturité hallucinant auquel était parvenu le mouvement en 77, dans les couloirs de l’université de Bologne ? Que ce soit sur un plan structurel ou dans le détail des textes, l’homologie est complète entre la forme-foule de la Horde d’or et celles inventées pendant deux décennies par le mouvement.
(...)
La Horde d’or maintenant
Quels sont-ils, ces raccords dans l’axe ? Il faudrait un long texte pour déployer dans le détail toutes les résonances (théoriques, affectives, stratégiques) qui se bousculent à la lecture de la Horde d’or. Mais pour le dire vite, disons que l’aire des autonomies, comme on l’a surnommée, vient nous montrer la manière dont combler les blancs, ou les fondus au noir, de la tradition insurrectionnaliste française, et cela donc grâce à :
– Une proximité sensible fondamentale et incontournable avec les lieux d’exploitation (cf. les enquêtes ouvrières des Quaderni rossi et le désir de connaître précisément « la vie dans l’usine », « l’organisation du commandement » dans les ateliers ou dans les entreprises, les open space, etc. – en transformant les paroles recueillies en corecherche et « savoir immédiat, direct » d’une lutte) ;
– Une attention maximale portée à la dimension existentielle et subtile de situations diffuses de révolte, où qu’elles surgissent (sur le marché du travail, dans les universités, les zones rurales, etc.) ;
– Une mise en phrase simple et anti-idéologique de ces révoltes existentielles (cf. les passages cités d’Elvio Fachinelli, du CUB Pirelli et du Gruppo Gramci), propre à susciter chez n’importe quel lecteur une reconnaissance concrète de ses propres sensations, et donc une bascule possible dans la lutte ;
– Le choix du récit ou de toutes formes textuelles susceptibles de mettre en forme l’autonomie in situ ou « dans le temps » comme disait Proust.
Car c’est peut-être cela l’essentiel de la Horde d’or, cette richesse merveilleuse, ce contre-capital qu’elle donne en partage au fil de ses 660 pages et laisse en souvenir : l’autonomie en acte – c’est à dire l’autonomie en tant qu’elle réussit à être « l’immanence : une vie » ou « réappropriation de la vie » comme disaient les Circoli. Et avec cet héritage d’actions directes, situées, sensibles, immanentes, nous – aujourd’hui – savons aussi comment transformer « le plomb » en or.
#luttes #autonomie #Italie #histoire #récit #toctoc ? #Nanni_Balestrini #Primo_Moroni #Sergio_Bianchi #La_Horde_d'or
]]>POLITIQUE DE CRISE
Mars 2017
I – Misère des élections présidentielles
« L’administration pénitentiaire du camp de travail national change régulièrement, puisque nous pouvons depuis un certain temps et occasionnellement élire une partie (seulement) de nos administrateurs pénitenciers. Ils proposent chacun une gestion un peu différente de notre prison : certains proposent d’expulser des prisonniers « étrangers » au profit des prisonniers « nationaux », d’autres qu’il y ait davantage de « sécurité », d’aucuns une libéralisation des échanges de prisonniers, de marchandises et de capitaux entre camps de travail nationaux, et même certains de rendre notre prison nationale « plus juste », « plus humaine » et/ou plus écologique ! Et ce, même si leur pratique est relativement identique (austérité, répression, réformes) puisqu’il s’agit de gérer une même prison en fonction des mêmes objectifs : faire en sorte qu’il n’y ait pas de révoltes des prisonniers, aux moyens d’une dose variable de répression et de misère matériellement augmentée (médias, « loisirs », consommation), faire en sorte qu’il n’y ait pas trop de déficit du budget pénitencier – et donc, si nécessaire, dépenser moins au service des prisonniers–, et surtout faire en sorte qu’il y ait une croissance et une profitabilité maximum du camp de travail national – au détriment des prisonniers évidemment. » (Comité érotique révolutionnaire, Libérons-nous du travail. En partant du Printemps 2016, Paris, 2017).
On peut l’affirmer sans aucun doute : rarement une campagne présidentielle n’aura été menée avec autant de cynisme et de démagogie, de mépris et de mensonge, avec des candidats se présentant unanimement « anti-système » alors qu’ils en sont des défenseurs patentés. Combien votent, à cette élection présidentielle comme à chaque élection, pour tenter d’éviter qu’un pire encore pire n’arrive ? L’indécision, fait significatif, ne porte plus seulement sur le choix d’un candidat parmi d’autres mais également sur le fait même de choisir l’un d’entre eux, et l’abstention reste une candidate sûre pour une moitié des votant potentiels. Il apparaît en effet comme de plus en plus évident que tous et toutes sont portés par une commune vision du monde. Des libéraux de gauche, du centre et de droite à leurs adversaires keynésiens-étatistes de gauche « radicale » comme d’extrême-droite, on partage l’amour du travail, de la croissance économique et du capital national. Il faut dire qu’en vertu de leur aspiration commune au gouvernement du capitalisme national, ils ne peuvent qu’y adhérer, unanimes dans leur répression des mouvements sociaux, en se disputant seulement sur certaines modalités de gestion du camp de travail national.
On cherche malgré tout à nous vendre un candidat comme marchandise performante, dans un mauvais spectacle déprimant de vacuité se répétant à chaque campagne présidentielle. La politique, ainsi, a aussi ses marchandises, ses consommateurs et ses publicités – et ses producteurs, puisqu’il faut travailler, produire des marchandises et de l’argent pour financer cette misérable politique qui est en même temps une politique de la misère. Pourtant, aucun changement réellement positif ne peut venir des urnes : c’était déjà vrai aux époques antérieures du capitalisme, c’est encore plus vrai dans une situation de crise profonde du capitalisme où le gouvernement n’a qu’une faible marge de manœuvre et ne peut utiliser celle-ci qu’au profit du pire, c’est-à-dire du durcissement sécuritaire, identitaire, budgétaire, impérialiste, raciste, classiste, sexiste, ne constituant pas des obstacles à une poursuite du capitalisme. Le gouvernement n’a d’autre choix pour continuer de se financer que de soutenir l’économie, et donc ses ravages écologiques comme sociaux. Le vote individuel n’a pratiquement aucune signification et ne changera rien – ou si peu de chose qu’il ne faut rien en espérer, sinon peut-être un moindre pire dans l’immédiat.
Quelles options se proposent à nous à chaque élection, et notamment celle-ci ? Un libéralisme social-démocrate dégoulinant de renoncements, de mensonges et de sang. Des prophètes de l’apocalypse du capitalisme libéral-sécuritaire du centre et de droite. Un étatisme-keynésien proposant une version 21e siècle des deux premières années du gouvernement Mitterrand (relance étatiste du capitalisme national, laquelle avait lamentablement échouée, et permis au néo-libéralisme de se présenter comme sauveur), assortie d’un « anti-impérialisme » pro-Poutine et pro-Bachar et d’un attachement indécent aux frontières. Un étatisme-keynésien (auparavant libéral) d’extrême-droite avec son « État stratège », c’est-à-dire en faveur du capital national, du patriarcat franchouillard et des forces de répression aux pratiques vichystes, avec un discours subliminal de haine des musulmans et des étrangers. Sans compter des candidats conspirationnistes, confusionnistes, étatico-nationalistes, des restes en décomposition de l’extrême-gauche marxiste-léniniste, et quelques autres perles…
Enfin, dans un climat de dénonciation des élus corrompus, nombre sont ceux espérant encore un « candidat intègre ». La corruption des gestionnaires de l’État capitaliste est pourtant structurelle : comment des individus privés poursuivant leur intérêt capitaliste, une fois élus, pourraient-ils se transmuer pour devenir d’intègres élus n’ayant que le bien commun pour objectif ? Il y a là une contradiction insoluble. Toute autre contestation de cette corruption n’est qu’un fantasme moraliste et une pure « indignation ». Mais cette contestation vaine nous révèle quelque chose. La politique réellement existante produit idéologiquement son double permettant de la justifier in fine, la politique « pure », « vraie » et « bonne », même si celle-ci ne peut tendanciellement exister – et ne serait de toute façon guère souhaitable.
Un retour non-exhaustif sur l’histoire du réformisme anti-libéral de gauche – celui d’extrême-droite ayant montré en Allemagne en 1933-45 ce qu’il faisait au pouvoir une fois élu avec un programme « anticapitaliste » – devrait suffire à achever de nous convaincre que non, vraiment, il n’y a rien à chercher de ce côté-là :
En 1918-19, la social-démocratie allemande au pouvoir écrase avec l’aide de l’extrême-droite et de l’armée une révolution populaire (République des conseils de Bavière, insurrection spartakiste de Berlin, conseils ouvriers dans l’ensemble du pays), tandis qu’en Italie, sa consœur du Parti Socialiste Italien contient l’explosion du prolétariat et ses grèves monumentales, et prépare donc indirectement l’avènement du fascisme en 1922 ;
En 1936, le Front Populaire de Léon Blum, notamment composé des staliniens du PCF souhaitant une alliance avec l’URSS et son « capitalisme d’État » (Lénine), des socialistes abandonnant définitivement l’idée de révolution au profit d’une gestion réformiste de l’État bourgeois et des radicaux défenseurs d’un compromis avec Hitler comme avec Mussolini, fait tout pour mettre fin à une grève générale inédite dans l’histoire de France et au fort potentiel insurrectionnel, offrant en pâture deux semaines de congé payés et la semaine de 40 heures, mesures contre-révolutionnaires finalement abandonnées deux ans plus tard, et aboutissant au désarmement du prolétariat français face aux évènements de 1939-1940 ; Les bureaucrates du grand syndicat anarcho-syndicaliste espagnol CNT, en 1936-1939, sabordent leur propre programme de révolution sociale et de communisme libertaire au nom de l’alliance « anti-fasciste » avec Staline et une République bourgeoise ultra-répressive, mettent leurs militants au travail dans des usines capitalistes « autogérées » ou au front dans une armée classique au lieu d’entamer une guerre sociale de guérilla contre l’ordre répugnant du travail, livrent leurs militants révoltés en Mai 1937 à une terrible répression stalinino-républicaine, abandonnent leurs camarades des communes d’Aragon aux colonnes staliniennes en Août 1937, et rentrent dans un gouvernement stalino-socialiste au mépris de leurs principes libertaires ;
De 1971 jusqu’au coup d’État de Pinochet du 11 septembre 1973, Allende, socialiste élu grâce au vote massif du prolétariat chilien, désarme celui-ci, incite au calme plutôt qu’à une révolution préventive, ne prend aucune mesure contre l’armée, créant ainsi un contexte favorable au coup d’État ;
De 1968 jusqu’en 1977, un mouvement de grèves, de révolte et de refus du travail balaye l’Italie, pendant qu’un Parti Communiste Italien aux aguets dénonce cette révolte, sabote ces grèves, incite à une négociation salariale sous l’égide de syndicats réformistes, négocie avec une bourgeoisie italienne aux aguets un « compromis historique » qui n’aboutira pas, et accepte l’envoi des chars pour reconquérir Bologne insurgée en mars 1977 ;
En 1981, l’élection de François Mitterrand met définitivement fin aux années 68, avec une mystification électoraliste annonçant un changement radical, et finalement un programme de relance keynésienne aboutissant deux ans plus tard (du fait de leur échec) au tournant néo-libéral de 1983, annonçant ainsi 15 ans d’apathie du mouvement social ;
Le « socialisme du 21e siècle » d’Amérique latine, enfin, n’a guère donné de meilleurs résultats : en-dehors de mesures électoralistes d’aide aux plus pauvres et de quelques réformettes, ce sont des capitalismes nationaux avec un État fort, dépendants des hydrocarbures et des ressources minières, alliés aux Russes et autres « anti-impérialistes », avec à leur tête une bureaucratie corrompue, une armée forte et une nouvelle bourgeoisie, et réprimant au nom du « peuple » tout mouvement social indépendant du pouvoir.
Bref, si certains veulent voter pour un moindre mal, qu’ils votent sans aucune illusion et se préparent à une lutte sociale sans merci contre leur propre candidat.
II – La politique comme l’autre face du capitalisme
« La démocratie même est l’autre face du capital, non son contraire » (Anselm Jappe, Les aventures de la marchandise, Paris, 2003)
Le véritable enjeu n’est pas là.
Pour le saisir, il nous faut commencer par rompre avec le discours dominant, celui des médias et des politiciens, des universitaires et des flics, des profs et des experts en tout genre, chantres de la conservation de l’ordre actuel. À parler leur langage nous nous rendons impuissants. Impuissants car incapables de penser la spécificité de ce monde avec lequel nous cherchons à rompre de tous nos vœux. Impuissants car muets face à la rhétorique trop bien huilée d’une société qui ne se pense qu’en vase clos. Impuissants car condamnés à la répétition du même.
Naturaliser, ontologiser, déshistoriciser... autant de gros mots pour désigner ce mécanisme central de la pensée bourgeoise qui consiste à donner une dimension éternelle à un phénomène spécifique au monde qu’elle a contribué à faire naître. Ainsi en est-il de l’ « économie » comme il en est de la « politique ». La polarisation entre sphère économique et sphère politique, au lieu d’être saisie comme entièrement spécifique au capitalisme, se retrouve naturalisée et ainsi pensée comme constitutive de l’ensemble des formations sociales humaines, au même titre qu’un certain nombre de structures sociales propres à la modernité capitaliste. Historiens, philosophes politiques et économistes s’évertuent ainsi à fouiller dans l’histoire pour déterminer à quoi ressemblaient « politique » et « économie » au sein des sociétés pré-capitalistes. Le discours dominant dans la pensée contemporaine se refuse donc à saisir la spécificité de notre époque, fille d’une série de ruptures majeures qui en font toute la particularité. Le nier revient à faire de notre modernité capitaliste l’aboutissement logique et naturel de l’Histoire alors qu’elle ne s’est imposée qu’à coup de guerres, d’asservissement et de d’anéantissement des différentes modalités d’être-au-monde qui lui préexistaient.
Les sociétés pré-capitalistes bien sûr satisfaisaient leurs besoins sociaux et avaient des formes d’organisation du collectif, pourtant elles ne connaissaient ni « économie » ni « politique » au sens actuel. Il n’y a pas de « politique » en-dehors de l’organisation du quotidien au sein des sociétés précapitalistes. Les sociétés gréco-romaines étaient « politiques », au sens antique de structuration sociale autour d’une polis (cité), mais étaient complètement « politiques », sans qu’il s’agisse d’un système séparé comme aujourd’hui. Les autres sociétés étaient étrangères à cette catégorie de « politique » puisqu’elles n’étaient pas fondées autour d’une polis (cité) et ne connaissaient pas de séparation entre « politique », « économie » et « religion », catégories spécifiquement modernes.
L’apparition d’une « sphère économique » distincte et dominante est intimement liée à l’émergence du système capitaliste et de ses structures élémentaires. S’il est vrai que l’on peut trouver des ancêtres de ces différentes structures à divers moments de l’histoire, la cristallisation de celles-ci au sein d’une « sphère économique » séparée est propre à l’économie de marché totalitaire dans laquelle nous vivons. Il n’y a que lorsqu’émerge un Marché unifié, totalisant, de concurrence sans entraves et de vente contrainte généralisée de l’activité humaine, qu’advient l’économie comme sphère constitutive du capitalisme avec ses structures élémentaires de travail, de marchandise, d’argent, de valeur et de capital.
Et sans cette sphère de l’économie, pas de politique, puisque celle-ci est en complète dépendance financière vis-à-vis d’elle. Réciproquement, pas d’économie sans politique, puisque celle-ci est un garant nécessaire de l’économie, de ses contrats et de ses propriétés, un agent nécessaire de fluidification, de gestion et de protection de l’économie avec ses infrastructures nationales, ses politiques macro-économiques, son armée, sa police et ses tribunaux. Ainsi, ce n’est que lorsqu’émerge parallèlement au Marché l’État unifié, bureaucratique, totalisant, que la « politique » fait son entrée fracassante dans l’histoire. La « politique » comme sphère centrale du capitalisme naît en initiant une guerre européenne de 28 ans causant des millions de morts, en massacrant des milliers de sans-culottes radicaux – dont certains aspiraient à une société de communes – et de gens ordinaires, en établissant un droit bourgeois, patriarcal, raciste, et en lançant une industrialisation broyeuse de vies. Et celle-ci n’est pas née de rien, mais de son ancêtre, la monarchie, et de siècles d’extorsion fiscale, de guerres, de répression des mouvements sociaux et de montée en puissance de l’administration, quatre phénomènes au fondement même de l’État moderne, c’est-à-dire de ses impôts, de son armée, de sa police et de sa justice, et enfin de sa bureaucratie.
La politique, au sens moderne, désigne ainsi une sphère du capitalisme distincte de, mais tendanciellement subordonnée à, sa jumelle l’économie. Le capitalisme est, ainsi, une société (au moins) duale, avec ses structures élémentaires (travail, valeur, marchandise, argent, capital) d’un côté et des structures non-rentables mais nécessaires au fonctionnement et à une reproduction dynamique du capitalisme (droit, justice, police, armée, administration, gouvernement) de l’autre.
En dehors d’un certain nombre de concessions temporaires, limitées et liées à un rapport de force mouvant, l’État vise avant tout à une optimisation du processus de valorisation capitaliste. La politique est ainsi, très largement, politique de l’économie, et ce au travers de moyens allant des politiques de libéralisation aux guerres colonialistes-impérialistes. Les politiques de l’État visent avant tout à une stimulation de l’économie, et celui-ci prend en charge l’ensemble des investissements nécessaires au fonctionnement optimal du Marché mais néanmoins non-rentables et/ou trop importants pour être réalisés par des capitalistes individuels (infrastructures, maintien de l’ordre, défense militaire, etc.) en contrepartie des impôts et aux autres ponctions de l’État. L’État ainsi développe des infrastructures de circulation (comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) et de communication permettant au processus de valorisation nationale de se réaliser toujours plus vite et donc de rester compétitif au niveau mondial, visant ainsi une « circulation sans temps de circulation » (Marx).
Si la théorie ne suffit pas à nous en convaincre, l’histoire s’en charge à merveille et il faut le répéter : il ne peut y avoir d’utilisation de l’État comme simple « moyen » en vue de se libérer du capitalisme – et de l’État, comme l’avait cru Lénine et son fameux « dépérissement de l’État » qui n’est jamais arrivé. Cette histoire n’est, on l’a déjà dit, qu’une succession d’échecs aux conséquences toujours plus désastreuses.
III. État de crise, État d’exception
« L’espace “juridiquement vide” de l’état d’exception […] tend désormais à coïncider partout avec l’ordre normal » (Giorgio Agamben, Homo sacer, Paris, Seuil, 2016)
On aurait presque envie, à côté des conservateurs et autres défenseurs de l’ordre établi, de crier au principe de réalité tant les vaines illusions des restes de la social-démocratie de voir resurgir un État social semblent relever de l’aveuglement. Réalité historique autant que systémique, il n’y a rien à espérer, rien à attendre d’une situation dont il serait grand temps de prendre acte. On assiste depuis quelques dizaines d’années à un recentrement de l’État sur ses fonctions de gouvernement de crise de l’économie en crise, laquelle crise de l’économie et du travail s’est approfondie depuis 2008 au point de menacer jusqu’aux classes moyennes des centres capitalistes. Geste s’accompagnant inévitablement d’un renforcement de sa fonction de répression militaro-policière, dévoilant de nouveau par-là même son vrai visage, celui de ses origines, qu’il avait masqué au cours des dites « Trente Glorieuses » et auquel s’accroche désespérément l’altercapitalisme ambiant. Il n’y a plus de croissance, donc plus de droits sociaux, peut-il proclamer tranquillement. Le mensonge n’est pas celui, superficiel, qu’il n’y a plus d’argent, mais celui, fondamental, qu’il faut s’en remettre au dieu économie une fois de plus – et être offerts en sacrifice. Dans une situation économique de crise, on voit l’État se délester progressivement de ses fonctions « sociales » pour se recentrer sur l’essentiel : relancer l’économie, et gérer ses conséquences socialement désastreuses au travers d’une gestion répressive des masses précarisées ou devenues inutiles d’un point de vue économique. L’État-Providence se démasque en État de punition divine des infidèles de l’économie.
Si la dynamique du capitalisme conduit intrinsèquement à une éviction progressive du travail du procès capitaliste de production, le phénomène a pris une nouvelle ampleur ces dernières décennies. Depuis 40 ans de « troisième révolution industrielle », avec l’introduction de l’informatique, de l’automatisation et de la robotique au sein du processus productif, cette substitution structurelle et tendancielle du travail par des machines-robots a pris une nouvelle dimension. La possibilité d’une substitution complète de certains pans du travail par des machines-robots (caisses automatiques, robots-ouvriers, chaînes de montage entièrement automatisées...) provoque l’explosion du chômage technologique au sein des centres capitalistes, et une stagnation des faibles salaires aux périphéries. La crise économique qui en résulte touche des masses toujours plus grandes d’individus, jusqu’aux métropoles occidentales désormais entourées de zones de concentration des individus exclus du travail, surexploités et/ou particulièrement précarisés.
C’est dans ce cadre que l’État peut se déployer dans ce qu’il a de plus élémentaire : sa dimension « sécuritaire ». Sécurité de l’État lui-même, sécurité des entreprises et de leur extorsion de plus-value, sécurité des classes bourgeoises et de leurs propriétés, et sécurité-spectacle des citoyens ordinaires aux moyens de patrouilles militaires, et tout cela au détriment des classes populaires et des exclus du capitalisme. La « sécurité » devient une véritable technique de gouvernement sur fond de « guerre au terrorisme », laquelle justifie aux yeux de beaucoup une gestion oppressive des habitants racisés (ou non) des quartiers populaires et des migrants.
Relancer l’économie, voilà l’idée fixe de ce monde où l’on marche sur la tête tout en se persuadant que c’est la seule façon de marcher. Mais quand l’air devient proprement irrespirable, que l’on se rend compte qu’on ne relancera jamais rien, alors c’est l’État sécuritaire, militaro-policier, répressif, cet État resserré autour de ses fonctions « minimales » de maintien de l’ordre capitaliste, qui s’impose, révélant ce qu’il a toujours été, un monstre froid, une monstrueuse organisation bureaucratique et militaire, un Léviathan.
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La crise du capitalisme, désastreuse au sein des centres capitalistes, est encore pire à ses périphéries : elle se fait d’autant plus sentir qu’un État est situé en bas de la hiérarchie du système-monde capitaliste. Elle est en grande partie responsable de l’échec des modernisations de rattrapage d’une majorité des anciennes colonies, couplée à un maintien global des hiérarchies du système-monde capitaliste, et donc d’un échange inégal et d’une division inégale du processus international de production. Et cet échec des modernisations de rattrapage, générant une forte crise d’endettement et donc des politiques d’ajustement structurel, a entraîné un délitement des périphéries sous forme de paupérisation générale de leurs populations et/ou d’une multiplication des situations de guerre civile. En conséquence, des contingents toujours plus importants de ces populations se sont enfuis vers des centres en moins piètre état. Face à cette arrivée massive de réfugiés de crise, l’ensemble des États des centres capitalistes ont choisi une politique d’exclusion des non-rentables (en-dehors donc des migrants exploitables d’une manière profitable), une sorte d’ « impérialisme d’exclusion » corolaire d’un « impérialisme de crise ». Les États des centres capitalistes refusent d’une part d’assumer leur responsabilité dans l’effondrement des sociétés des périphéries capitalistes, alors qu’ils sont responsables de l’instauration du capitalisme dans ces sociétés qu’ils ont asservies, pillées, exploitées, racisées, endettées et enfin libéralisées, laissant ainsi des milliers de réfugiés du système-monde capitaliste en crise mourir chaque année à leurs portes. D’autre part, elles se contentent d’interventions militaires dans des périphéries en voie d’effondrement avec un objectif (souvent raté) de maintien de l’ordre mondial et de pillage de ce qu’il reste, aggravant souvent une situation déjà catastrophique. Les États des centres capitalistes se replient ainsi dans leur « forteresse », n’en sortant que pour ces opérations : ils sont des États d’exclusion, d’exclusion des réfugiés de l’économie en crise et de crise, des réfugiés du dérèglement climatique d’origine capitaliste, des réfugiés des guerres internes aux périphéries en voie d’effondrement, des réfugiés des guerres de maintien de l’ordre mondial ou encore des réfugiés du développement. Après avoir imposé au monde entier un mode d’organisation social aux effets dévastateurs, l’impérialisme des centres capitalistes s’en retire très progressivement en laissant derrière lui un désastre économique, social et politique qu’il refuse d’assumer.
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Les évolutions contemporaines de l’État capitaliste de crise, et notamment son recentrement sur sa fonction policière et son durcissement en tant qu’organe répressif, loin de relever d’un changement de nature de ce dernier, sont plutôt l’affirmation même de ce qui fait sa nature : la violence constitutive du droit et de son maintien. Aux fondements de la souveraineté, qu’elle soit dite démocratique ou non, se trouve celui qui décide de l’état d’exception. L’état d’exception n’est pas une anomalie, ou encore l’opposé de l’État de droit : il est au fondement même de l’État et de son droit. L’État est cette structure capable de suspendre juridiquement son ordre juridique – comme il l’a fait en Allemagne en 1933 –, c’est-à-dire qu’il peut entreprendre des actions extra-constitutionnelles de manière constitutionnelle. Il y a donc, au fondement même de l’État « de droit », sa possible transformation en un « État d’exception » extraordinaire, de crise. Celui de l’état d’urgence depuis 2015 et ses fichés S, ses interdictions de manifestations, ses assignations à résidence, sa police toujours plus violente et sa justice fonctionnant comme machine à enfermer. Celui qui a fait de l’anti-terrorisme un procédé même de gouvernement, celui de l’affaire Tarnac.
État d’urgence qu’on retrouve aujourd’hui en Turquie, hier dans l’Allemagne pré-hitlérienne de 1930, aux États-Unis à partir de 1941 – permettant l’enfermement dans des camps au milieu du désert de dizaines de milliers de Japonais –, dans l’Italie des années 1970-1980 pour réprimer l’Autonomie italienne, en Syrie depuis 1963… État d’urgence, hier encore, en France et en Algérie coloniale en 1955, 1958 et 1960-1963 – aboutissant aux massacres du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962 –, en Nouvelle-Calédonie en 1984-85 dans l’optique d’une répression du mouvement indépendantiste, en 2005 en Île-de-France dans l’optique de l’écrasement des banlieues insurgées. État de siège (version militarisée de l’État d’urgence), avant-hier, celui de l’écrasement sanglant des ouvriers parisiens en juin 1848, des communards en 1871 ou des Kabyles insurgés cette même année. Demain, après-demain, l’article 16 autorisant une dictature présidentielle temporaire, l’état de siège dans l’optique de réprimer une insurrection populaire ? La frontière entre l’État de droit et celui d’exception est donc relative, poreuse, mystifiante, l’État de droit justifiant l’État d’exception au nom de son maintien. C’est ce que révèle la normalisation de l’État d’urgence, dispositif d’exception dont le prolongement indéfini ne semble en aucun cas perturber l’État de droit. Progressivement, les frontières entre démocratie parlementaire et dictature temporaire se font toujours plus poreuses, l’état d’exception se fondant toujours mieux dans l’état démocratique. Si le cadre constitutionnel nous fournit une vaste prison sociale dans laquelle l’on bénéficie encore d’une relative liberté de mouvement, qu’un état d’exception vienne suspendre cet ordre des choses et voilà les murs de la cage se rapprocher dangereusement. Disons-le, l’État d’exception commence à nous coller à la peau.
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Mais cet État d’exception extraordinaire, propre aux crises économiques, sociales ou encore politiques du capitalisme, se double d’un état d’exception ordinaire, tout aussi constitutif de l’État moderne mais permanent, et simplement exacerbé en temps de crise. Constitutif de l’État moderne, non comme possibilité souveraine de suspendre légalement son ordre légal, mais comme monopole de la violence sur un territoire et une population donnée. « Le souverain […] se pose légalement en-dehors de la loi » (Agamben) : il faut comprendre cette sentence non comme l’exception de l’État, mais comme règle fondatrice de son appareil policier, militaire et judiciaire, révélant l’État comme une structure de domination arbitraire basé en dernière instance sur ces appareils répressifs. Arrestations, abus, suspension des droits civiques traversent de part en part l’état normal du droit sans pour autant nécessiter de suspension de l’ordre démocratique, révélant ainsi sa nature intrinsèquement répressive. La police illustre parfaitement cet État d’exception ordinaire dont elle est une pièce maîtresse : elle est fondée légalement à entreprendre des actions non-légales lorsqu’elles sont exécutées par des simples citoyens. Les policiers peuvent légalement fouiller, frapper ou encore séquestrer (dans un commissariat) des individus, contrairement aux autres citoyens. La police peut même de facto tuer (300 morts depuis 30 ans pour presque aucune condamnation judiciaire), stade suprême de l’État d’exception légalement fondé, et manifestation du « droit de vie et de mort » constitutif de l’État souverain. La justice n’est pas en reste. Elle est fondée légalement à entreprendre une action illégale lorsqu’elle est exécutée par des simples citoyens : enfermer (dans un établissement carcéral) et extorquer (sous forme d’une amende) des individus. L’État est bien cette coïncidence entre violence et droit dont parlait Agamben. Et cet État d’exception ordinaire s’acharne avant tout sur ceux susceptibles de menacer son ordre stato-capitaliste : militants politiques, participants aux luttes sociales, mais surtout prolétaires racisés de quartiers populaires constitués en zones d’exception permanentes. La hiérarchie raciste et de classe, dont l’État est un défenseur ultime, est ainsi violemment réaffirmée. L’État d’exception ordinaire règne, enfin, au sujet des violences domestiques faites aux femmes, en excluant ces violences de facto du droit, en renvoyant celles-ci au « privé », aboutissant finalement à un laisser-faire des viols et des violences patriarcales au sein du cadre domestique.
Précisons-le, il ne s’agit pas de revendiquer, on ne saurait comment d’ailleurs, plus de droit et moins d’exception. L’État capitaliste est obligé d’être en partie « de droit » puisqu’il n’y a pas de capitalisme sans droit, sans garantie du respect des contrats, des dettes, des propriétés et des propriétaires. Mais en même temps, et au nom même de cette garantie de l’ordre capitaliste, l’État s’extrait du cadre légal qu’il a de toute façon lui-même créé. L’État d’exception ordinaire est donc un simple défenseur du droit capitaliste, c’est-à-dire de l’État de droit. Il ne faudrait donc pas opposer ces deux formes de l’État : il s’agit d’une seule et même structure se dédoublant de manière complémentaire, de deux faces d’une même pièce, d’un continuum au service de l’ordre capitaliste. L’État de droit en réalité justifie l’État d’exception ordinaire comme son garant nécessaire, de même qu’il justifie l’état d’exception extraordinaire comme son garant en dernier ressort– comme son cas limite.
Pour en finir avec l’État de crise, l’État d’exclusion, l’État d’urgence, il faut en finir avec l’État d’exception ordinaire comme avec l’État de droit, donc en finir avec l’État, sa politique et son monde capitaliste.
Comité érotique révolutionnaire
►https://lundi.am//Politique-de-crise
POLITIQUE DE CRISE
Mars 2017
I– Misère des élections présidentielles
« L’administration pénitentiaire du camp de travail national change régulièrement, puisque nous pouvons depuis un certain temps et occasionnellement élire une partie (seulement) de nos administrateurs pénitenciers. Ils proposent chacun une gestion un peu différente de notre prison : certains proposent d’expulser des prisonniers « étrangers » au profit des prisonniers « nationaux », d’autres qu’il y ait davantage de « sécurité », d’aucuns une libéralisation des échanges de prisonniers, de marchandises et de capitaux entre camps de travail nationaux, et même certains de rendre notre prison nationale « plus juste », « plus humaine » et/ou plus écologique ! Et ce, même si leur pratique est relativement identique (austérité, répression, réformes) puisqu’il s’agit de gérer une même prison en fonction des mêmes objectifs : faire en sorte qu’il n’y ait pas de révoltes des prisonniers, aux moyens d’une dose variable de répression et de misère matériellement augmentée (médias, « loisirs », consommation), faire en sorte qu’il n’y ait pas trop de déficit du budget pénitencier – et donc, si nécessaire, dépenser moins au service des prisonniers–, et surtout faire en sorte qu’il y ait une croissance et une profitabilité maximum du camp de travail national – au détriment des prisonniers évidemment. » (Comité érotique révolutionnaire, Libérons-nous du travail. En partant du Printemps 2016, Paris, 2017).
On peut l’affirmer sans aucun doute : rarement une campagne présidentielle n’aura été menée avec autant de cynisme et de démagogie, de mépris et de mensonge, avec des candidats se présentant unanimement « anti-système » alors qu’ils en sont des défenseurs patentés. Combien votent, à cette élection présidentielle comme à chaque élection, pour tenter d’éviter qu’un pire encore pire n’arrive ? L’indécision, fait significatif, ne porte plus seulement sur le choix d’un candidat parmi d’autres mais également sur le fait même de choisir l’un d’entre eux, et l’abstention reste une candidate sûre pour une moitié des votant potentiels. Il apparaît en effet comme de plus en plus évident que tous et toutes sont portés par une commune vision du monde. Des libéraux de gauche, du centre et de droite à leurs adversaires keynésiens-étatistes de gauche « radicale » comme d’extrême-droite, on partage l’amour du travail, de la croissance économique et du capital national. Il faut dire qu’en vertu de leur aspiration commune au gouvernement du capitalisme national, ils ne peuvent qu’y adhérer, unanimes dans leur répression des mouvements sociaux, en se disputant seulement sur certaines modalités de gestion du camp de travail national.
On cherche malgré tout à nous vendre un candidat comme marchandise performante, dans un mauvais spectacle déprimant de vacuité se répétant à chaque campagne présidentielle. La politique, ainsi, a aussi ses marchandises, ses consommateurs et ses publicités – et ses producteurs, puisqu’il faut travailler, produire des marchandises et de l’argent pour financer cette misérable politique qui est en même temps une politique de la misère. Pourtant, aucun changement réellement positif ne peut venir des urnes : c’était déjà vrai aux époques antérieures du capitalisme, c’est encore plus vrai dans une situation de crise profonde du capitalisme où le gouvernement n’a qu’une faible marge de manœuvre et ne peut utiliser celle-ci qu’au profit du pire, c’est-à-dire du durcissement sécuritaire, identitaire, budgétaire, impérialiste, raciste, classiste, sexiste, ne constituant pas des obstacles à une poursuite du capitalisme. Le gouvernement n’a d’autre choix pour continuer de se financer que de soutenir l’économie, et donc ses ravages écologiques comme sociaux. Le vote individuel n’a pratiquement aucune signification et ne changera rien – ou si peu de chose qu’il ne faut rien en espérer, sinon peut-être un moindre pire dans l’immédiat.
Quelles options se proposent à nous à chaque élection, et notamment celle-ci ? Un libéralisme social-démocrate dégoulinant de renoncements, de mensonges et de sang. Des prophètes de l’apocalypse du capitalisme libéral-sécuritaire du centre et de droite. Un étatisme-keynésien proposant une version 21e siècle des deux premières années du gouvernement Mitterrand (relance étatiste du capitalisme national, laquelle avait lamentablement échouée, et permis au néo-libéralisme de se présenter comme sauveur), assortie d’un « anti-impérialisme » pro-Poutine et pro-Bachar et d’un attachement indécent aux frontières. Un étatisme-keynésien (auparavant libéral) d’extrême-droite avec son « État stratège », c’est-à-dire en faveur du capital national, du patriarcat franchouillard et des forces de répression aux pratiques vichystes, avec un discours subliminal de haine des musulmans et des étrangers. Sans compter des candidats conspirationnistes, confusionnistes, étatico-nationalistes, des restes en décomposition de l’extrême-gauche marxiste-léniniste, et quelques autres perles…
Enfin, dans un climat de dénonciation des élus corrompus, nombre sont ceux espérant encore un « candidat intègre ». La corruption des gestionnaires de l’État capitaliste est pourtant structurelle : comment des individus privés poursuivant leur intérêt capitaliste, une fois élus, pourraient-ils se transmuer pour devenir d’intègres élus n’ayant que le bien commun pour objectif ? Il y a là une contradiction insoluble. Toute autre contestation de cette corruption n’est qu’un fantasme moraliste et une pure « indignation ». Mais cette contestation vaine nous révèle quelque chose. La politique réellement existante produit idéologiquement son double permettant de la justifier in fine, la politique « pure », « vraie » et « bonne », même si celle-ci ne peut tendanciellement exister – et ne serait de toute façon guère souhaitable.
Un retour non-exhaustif sur l’histoire du réformisme anti-libéral de gauche – celui d’extrême-droite ayant montré en Allemagne en 1933-45 ce qu’il faisait au pouvoir une fois élu avec un programme « anticapitaliste » – devrait suffire à achever de nous convaincre que non, vraiment, il n’y a rien à chercher de ce côté-là :
En 1918-19, la social-démocratie allemande au pouvoir écrase avec l’aide de l’extrême-droite et de l’armée une révolution populaire (République des conseils de Bavière, insurrection spartakiste de Berlin, conseils ouvriers dans l’ensemble du pays), tandis qu’en Italie, sa consœur du Parti Socialiste Italien contient l’explosion du prolétariat et ses grèves monumentales, et prépare donc indirectement l’avènement du fascisme en 1922 ;
En 1936, le Front Populaire de Léon Blum, notamment composé des staliniens du PCF souhaitant une alliance avec l’URSS et son « capitalisme d’État » (Lénine), des socialistes abandonnant définitivement l’idée de révolution au profit d’une gestion réformiste de l’État bourgeois et des radicaux défenseurs d’un compromis avec Hitler comme avec Mussolini, fait tout pour mettre fin à une grève générale inédite dans l’histoire de France et au fort potentiel insurrectionnel, offrant en pâture deux semaines de congé payés et la semaine de 40 heures, mesures contre-révolutionnaires finalement abandonnées deux ans plus tard, et aboutissant au désarmement du prolétariat français face aux évènements de 1939-1940 ;
Les bureaucrates du grand syndicat anarcho-syndicaliste espagnol CNT, en 1936-1939, sabordent leur propre programme de révolution sociale et de communisme libertaire au nom de l’alliance « anti-fasciste » avec Staline et une République bourgeoise ultra-répressive, mettent leurs militants au travail dans des usines capitalistes « autogérées » ou au front dans une armée classique au lieu d’entamer une guerre sociale de guérilla contre l’ordre répugnant du travail, livrent leurs militants révoltés en Mai 1937 à une terrible répression stalinino-républicaine, abandonnent leurs camarades des communes d’Aragon aux colonnes staliniennes en Août 1937, et rentrent dans un gouvernement stalino-socialiste au mépris de leurs principes libertaires ;
De 1971 jusqu’au coup d’État de Pinochet du 11 septembre 1973, Allende, socialiste élu grâce au vote massif du prolétariat chilien, désarme celui-ci, incite au calme plutôt qu’à une révolution préventive, ne prend aucune mesure contre l’armée, créant ainsi un contexte favorable au coup d’État ;
De 1968 jusqu’en 1977, un mouvement de grèves, de révolte et de refus du travail balaye l’Italie, pendant qu’un Parti Communiste Italien aux aguets dénonce cette révolte, sabote ces grèves, incite à une négociation salariale sous l’égide de syndicats réformistes, négocie avec une bourgeoisie italienne aux aguets un « compromis historique » qui n’aboutira pas, et accepte l’envoi des chars pour reconquérir Bologne insurgée en mars 1977 ;
En 1981, l’élection de François Mitterrand met définitivement fin aux années 68, avec une mystification électoraliste annonçant un changement radical, et finalement un programme de relance keynésienne aboutissant deux ans plus tard (du fait de leur échec) au tournant néo-libéral de 1983, annonçant ainsi 15 ans d’apathie du mouvement social ;
Le « socialisme du 21e siècle » d’Amérique latine, enfin, n’a guère donné de meilleurs résultats : en-dehors de mesures électoralistes d’aide aux plus pauvres et de quelques réformettes, ce sont des capitalismes nationaux avec un État fort, dépendants des hydrocarbures et des ressources minières, alliés aux Russes et autres « anti-impérialistes », avec à leur tête une bureaucratie corrompue, une armée forte et une nouvelle bourgeoisie, et réprimant au nom du « peuple » tout mouvement social indépendant du pouvoir.
Bref, si certains veulent voter pour un moindre mal, qu’ils votent sans aucune illusion et se préparent à une lutte sociale sans merci contre leur propre candidat.
II – La politique comme l’autre face du capitalisme
« La démocratie même est l’autre face du capital, non son contraire » (Anselm Jappe, Les aventures de la marchandise, Paris, 2003)
Le véritable enjeu n’est pas là.
Pour le saisir, il nous faut commencer par rompre avec le discours dominant, celui des médias et des politiciens, des universitaires et des flics, des profs et des experts en tout genre, chantres de la conservation de l’ordre actuel. À parler leur langage nous nous rendons impuissants. Impuissants car incapables de penser la spécificité de ce monde avec lequel nous cherchons à rompre de tous nos vœux. Impuissants car muets face à la rhétorique trop bien huilée d’une société qui ne se pense qu’en vase clos. Impuissants car condamnés à la répétition du même.
Naturaliser, ontologiser, déshistoriciser... autant de gros mots pour désigner ce mécanisme central de la pensée bourgeoise qui consiste à donner une dimension éternelle à un phénomène spécifique au monde qu’elle a contribué à faire naître. Ainsi en est-il de l’ « économie » comme il en est de la « politique ». La polarisation entre sphère économique et sphère politique, au lieu d’être saisie comme entièrement spécifique au capitalisme, se retrouve naturalisée et ainsi pensée comme constitutive de l’ensemble des formations sociales humaines, au même titre qu’un certain nombre de structures sociales propres à la modernité capitaliste. Historiens, philosophes politiques et économistes s’évertuent ainsi à fouiller dans l’histoire pour déterminer à quoi ressemblaient « politique » et « économie » au sein des sociétés pré-capitalistes. Le discours dominant dans la pensée contemporaine se refuse donc à saisir la spécificité de notre époque, fille d’une série de ruptures majeures qui en font toute la particularité. Le nier revient à faire de notre modernité capitaliste l’aboutissement logique et naturel de l’Histoire alors qu’elle ne s’est imposée qu’à coup de guerres, d’asservissement et de d’anéantissement des différentes modalités d’être-au-monde qui lui préexistaient.
Les sociétés pré-capitalistes bien sûr satisfaisaient leurs besoins sociaux et avaient des formes d’organisation du collectif, pourtant elles ne connaissaient ni « économie » ni « politique » au sens actuel. Il n’y a pas de « politique » en-dehors de l’organisation du quotidien au sein des sociétés précapitalistes. Les sociétés gréco-romaines étaient « politiques », au sens antique de structuration sociale autour d’une polis (cité), mais étaient complètement « politiques », sans qu’il s’agisse d’un système séparé comme aujourd’hui. Les autres sociétés étaient étrangères à cette catégorie de « politique » puisqu’elles n’étaient pas fondées autour d’une polis (cité) et ne connaissaient pas de séparation entre « politique », « économie » et « religion », catégories spécifiquement modernes.
L’apparition d’une « sphère économique » distincte et dominante est intimement liée à l’émergence du système capitaliste et de ses structures élémentaires. S’il est vrai que l’on peut trouver des ancêtres de ces différentes structures à divers moments de l’histoire, la cristallisation de celles-ci au sein d’une « sphère économique » séparée est propre à l’économie de marché totalitaire dans laquelle nous vivons. Il n’y a que lorsqu’émerge un Marché unifié, totalisant, de concurrence sans entraves et de vente contrainte généralisée de l’activité humaine, qu’advient l’économie comme sphère constitutive du capitalisme avec ses structures élémentaires de travail, de marchandise, d’argent, de valeur et de capital.
Et sans cette sphère de l’économie, pas de politique, puisque celle-ci est en complète dépendance financière vis-à-vis d’elle. Réciproquement, pas d’économie sans politique, puisque celle-ci est un garant nécessaire de l’économie, de ses contrats et de ses propriétés, un agent nécessaire de fluidification, de gestion et de protection de l’économie avec ses infrastructures nationales, ses politiques macro-économiques, son armée, sa police et ses tribunaux. Ainsi, ce n’est que lorsqu’émerge parallèlement au Marché l’État unifié, bureaucratique, totalisant, que la « politique » fait son entrée fracassante dans l’histoire. La « politique » comme sphère centrale du capitalisme naît en initiant une guerre européenne de 28 ans causant des millions de morts, en massacrant des milliers de sans-culottes radicaux – dont certains aspiraient à une société de communes – et de gens ordinaires, en établissant un droit bourgeois, patriarcal, raciste, et en lançant une industrialisation broyeuse de vies. Et celle-ci n’est pas née de rien, mais de son ancêtre, la monarchie, et de siècles d’extorsion fiscale, de guerres, de répression des mouvements sociaux et de montée en puissance de l’administration, quatre phénomènes au fondement même de l’État moderne, c’est-à-dire de ses impôts, de son armée, de sa police et de sa justice, et enfin de sa bureaucratie.
La politique, au sens moderne, désigne ainsi une sphère du capitalisme distincte de, mais tendanciellement subordonnée à, sa jumelle l’économie. Le capitalisme est, ainsi, une société (au moins) duale, avec ses structures élémentaires (travail, valeur, marchandise, argent, capital) d’un côté et des structures non-rentables mais nécessaires au fonctionnement et à une reproduction dynamique du capitalisme (droit, justice, police, armée, administration, gouvernement) de l’autre.
En dehors d’un certain nombre de concessions temporaires, limitées et liées à un rapport de force mouvant, l’État vise avant tout à une optimisation du processus de valorisation capitaliste. La politique est ainsi, très largement, politique de l’économie, et ce au travers de moyens allant des politiques de libéralisation aux guerres colonialistes-impérialistes. Les politiques de l’État visent avant tout à une stimulation de l’économie, et celui-ci prend en charge l’ensemble des investissements nécessaires au fonctionnement optimal du Marché mais néanmoins non-rentables et/ou trop importants pour être réalisés par des capitalistes individuels (infrastructures, maintien de l’ordre, défense militaire, etc.) en contrepartie des impôts et aux autres ponctions de l’État. L’État ainsi développe des infrastructures de circulation (comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) et de communication permettant au processus de valorisation nationale de se réaliser toujours plus vite et donc de rester compétitif au niveau mondial, visant ainsi une « circulation sans temps de circulation » (Marx).
Si la théorie ne suffit pas à nous en convaincre, l’histoire s’en charge à merveille et il faut le répéter : il ne peut y avoir d’utilisation de l’État comme simple « moyen » en vue de se libérer du capitalisme – et de l’État, comme l’avait cru Lénine et son fameux « dépérissement de l’État » qui n’est jamais arrivé. Cette histoire n’est, on l’a déjà dit, qu’une succession d’échecs aux conséquences toujours plus désastreuses.
III. État de crise, État d’exception
« L’espace “juridiquement vide” de l’état d’exception […] tend désormais à coïncider partout avec l’ordre normal » (Giorgio Agamben, Homo sacer, Paris, Seuil, 2016)
On aurait presque envie, à côté des conservateurs et autres défenseurs de l’ordre établi, de crier au principe de réalité tant les vaines illusions des restes de la social-démocratie de voir resurgir un État social semblent relever de l’aveuglement. Réalité historique autant que systémique, il n’y a rien à espérer, rien à attendre d’une situation dont il serait grand temps de prendre acte. On assiste depuis quelques dizaines d’années à un recentrement de l’État sur ses fonctions de gouvernement de crise de l’économie en crise, laquelle crise de l’économie et du travail s’est approfondie depuis 2008 au point de menacer jusqu’aux classes moyennes des centres capitalistes. Geste s’accompagnant inévitablement d’un renforcement de sa fonction de répression militaro-policière, dévoilant de nouveau par-là même son vrai visage, celui de ses origines, qu’il avait masqué au cours des dites « Trente Glorieuses » et auquel s’accroche désespérément l’altercapitalisme ambiant. Il n’y a plus de croissance, donc plus de droits sociaux, peut-il proclamer tranquillement. Le mensonge n’est pas celui, superficiel, qu’il n’y a plus d’argent, mais celui, fondamental, qu’il faut s’en remettre au dieu économie une fois de plus – et être offerts en sacrifice. Dans une situation économique de crise, on voit l’État se délester progressivement de ses fonctions « sociales » pour se recentrer sur l’essentiel : relancer l’économie, et gérer ses conséquences socialement désastreuses au travers d’une gestion répressive des masses précarisées ou devenues inutiles d’un point de vue économique. L’État-Providence se démasque en État de punition divine des infidèles de l’économie.
Si la dynamique du capitalisme conduit intrinsèquement à une éviction progressive du travail du procès capitaliste de production, le phénomène a pris une nouvelle ampleur ces dernières décennies. Depuis 40 ans de « troisième révolution industrielle », avec l’introduction de l’informatique, de l’automatisation et de la robotique au sein du processus productif, cette substitution structurelle et tendancielle du travail par des machines-robots a pris une nouvelle dimension. La possibilité d’une substitution complète de certains pans du travail par des machines-robots (caisses automatiques, robots-ouvriers, chaînes de montage entièrement automatisées...) provoque l’explosion du chômage technologique au sein des centres capitalistes, et une stagnation des faibles salaires aux périphéries. La crise économique qui en résulte touche des masses toujours plus grandes d’individus, jusqu’aux métropoles occidentales désormais entourées de zones de concentration des individus exclus du travail, surexploités et/ou particulièrement précarisés.
C’est dans ce cadre que l’État peut se déployer dans ce qu’il a de plus élémentaire : sa dimension « sécuritaire ». Sécurité de l’État lui-même, sécurité des entreprises et de leur extorsion de plus-value, sécurité des classes bourgeoises et de leurs propriétés, et sécurité-spectacle des citoyens ordinaires aux moyens de patrouilles militaires, et tout cela au détriment des classes populaires et des exclus du capitalisme. La « sécurité » devient une véritable technique de gouvernement sur fond de « guerre au terrorisme », laquelle justifie aux yeux de beaucoup une gestion oppressive des habitants racisés (ou non) des quartiers populaires et des migrants.
Relancer l’économie, voilà l’idée fixe de ce monde où l’on marche sur la tête tout en se persuadant que c’est la seule façon de marcher. Mais quand l’air devient proprement irrespirable, que l’on se rend compte qu’on ne relancera jamais rien, alors c’est l’État sécuritaire, militaro-policier, répressif, cet État resserré autour de ses fonctions « minimales » de maintien de l’ordre capitaliste, qui s’impose, révélant ce qu’il a toujours été, un monstre froid, une monstrueuse organisation bureaucratique et militaire, un Léviathan.
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La crise du capitalisme, désastreuse au sein des centres capitalistes, est encore pire à ses périphéries : elle se fait d’autant plus sentir qu’un État est situé en bas de la hiérarchie du système-monde capitaliste. Elle est en grande partie responsable de l’échec des modernisations de rattrapage d’une majorité des anciennes colonies, couplée à un maintien global des hiérarchies du système-monde capitaliste, et donc d’un échange inégal et d’une division inégale du processus international de production. Et cet échec des modernisations de rattrapage, générant une forte crise d’endettement et donc des politiques d’ajustement structurel, a entraîné un délitement des périphéries sous forme de paupérisation générale de leurs populations et/ou d’une multiplication des situations de guerre civile. En conséquence, des contingents toujours plus importants de ces populations se sont enfuis vers des centres en moins piètre état. Face à cette arrivée massive de réfugiés de crise, l’ensemble des États des centres capitalistes ont choisi une politique d’exclusion des non-rentables (en-dehors donc des migrants exploitables d’une manière profitable), une sorte d’ « impérialisme d’exclusion » corolaire d’un « impérialisme de crise ». Les États des centres capitalistes refusent d’une part d’assumer leur responsabilité dans l’effondrement des sociétés des périphéries capitalistes, alors qu’ils sont responsables de l’instauration du capitalisme dans ces sociétés qu’ils ont asservies, pillées, exploitées, racisées, endettées et enfin libéralisées, laissant ainsi des milliers de réfugiés du système-monde capitaliste en crise mourir chaque année à leurs portes. D’autre part, elles se contentent d’interventions militaires dans des périphéries en voie d’effondrement avec un objectif (souvent raté) de maintien de l’ordre mondial et de pillage de ce qu’il reste, aggravant souvent une situation déjà catastrophique. Les États des centres capitalistes se replient ainsi dans leur « forteresse », n’en sortant que pour ces opérations : ils sont des États d’exclusion, d’exclusion des réfugiés de l’économie en crise et de crise, des réfugiés du dérèglement climatique d’origine capitaliste, des réfugiés des guerres internes aux périphéries en voie d’effondrement, des réfugiés des guerres de maintien de l’ordre mondial ou encore des réfugiés du développement. Après avoir imposé au monde entier un mode d’organisation social aux effets dévastateurs, l’impérialisme des centres capitalistes s’en retire très progressivement en laissant derrière lui un désastre économique, social et politique qu’il refuse d’assumer.
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Les évolutions contemporaines de l’État capitaliste de crise, et notamment son recentrement sur sa fonction policière et son durcissement en tant qu’organe répressif, loin de relever d’un changement de nature de ce dernier, sont plutôt l’affirmation même de ce qui fait sa nature : la violence constitutive du droit et de son maintien. Aux fondements de la souveraineté, qu’elle soit dite démocratique ou non, se trouve celui qui décide de l’état d’exception. L’état d’exception n’est pas une anomalie, ou encore l’opposé de l’État de droit : il est au fondement même de l’État et de son droit. L’État est cette structure capable de suspendre juridiquement son ordre juridique – comme il l’a fait en Allemagne en 1933 –, c’est-à-dire qu’il peut entreprendre des actions extra-constitutionnelles de manière constitutionnelle. Il y a donc, au fondement même de l’État « de droit », sa possible transformation en un « État d’exception » extraordinaire, de crise. Celui de l’état d’urgence depuis 2015 et ses fichés S, ses interdictions de manifestations, ses assignations à résidence, sa police toujours plus violente et sa justice fonctionnant comme machine à enfermer. Celui qui a fait de l’anti-terrorisme un procédé même de gouvernement, celui de l’affaire Tarnac.
État d’urgence qu’on retrouve aujourd’hui en Turquie, hier dans l’Allemagne pré-hitlérienne de 1930, aux États-Unis à partir de 1941 – permettant l’enfermement dans des camps au milieu du désert de dizaines de milliers de Japonais –, dans l’Italie des années 1970-1980 pour réprimer l’Autonomie italienne, en Syrie depuis 1963… État d’urgence, hier encore, en France et en Algérie coloniale en 1955, 1958 et 1960-1963 – aboutissant aux massacres du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962 –, en Nouvelle-Calédonie en 1984-85 dans l’optique d’une répression du mouvement indépendantiste, en 2005 en Île-de-France dans l’optique de l’écrasement des banlieues insurgées. État de siège (version militarisée de l’État d’urgence), avant-hier, celui de l’écrasement sanglant des ouvriers parisiens en juin 1848, des communards en 1871 ou des Kabyles insurgés cette même année. Demain, après-demain, l’article 16 autorisant une dictature présidentielle temporaire, l’état de siège dans l’optique de réprimer une insurrection populaire ? La frontière entre l’État de droit et celui d’exception est donc relative, poreuse, mystifiante, l’État de droit justifiant l’État d’exception au nom de son maintien. C’est ce que révèle la normalisation de l’État d’urgence, dispositif d’exception dont le prolongement indéfini ne semble en aucun cas perturber l’État de droit. Progressivement, les frontières entre démocratie parlementaire et dictature temporaire se font toujours plus poreuses, l’état d’exception se fondant toujours mieux dans l’état démocratique. Si le cadre constitutionnel nous fournit une vaste prison sociale dans laquelle l’on bénéficie encore d’une relative liberté de mouvement, qu’un état d’exception vienne suspendre cet ordre des choses et voilà les murs de la cage se rapprocher dangereusement. Disons-le, l’État d’exception commence à nous coller à la peau.
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Mais cet État d’exception extraordinaire, propre aux crises économiques, sociales ou encore politiques du capitalisme, se double d’un état d’exception ordinaire, tout aussi constitutif de l’État moderne mais permanent, et simplement exacerbé en temps de crise. Constitutif de l’État moderne, non comme possibilité souveraine de suspendre légalement son ordre légal, mais comme monopole de la violence sur un territoire et une population donnée. « Le souverain […] se pose légalement en-dehors de la loi » (Agamben) : il faut comprendre cette sentence non comme l’exception de l’État, mais comme règle fondatrice de son appareil policier, militaire et judiciaire, révélant l’État comme une structure de domination arbitraire basé en dernière instance sur ces appareils répressifs. Arrestations, abus, suspension des droits civiques traversent de part en part l’état normal du droit sans pour autant nécessiter de suspension de l’ordre démocratique, révélant ainsi sa nature intrinsèquement répressive. La police illustre parfaitement cet État d’exception ordinaire dont elle est une pièce maîtresse : elle est fondée légalement à entreprendre des actions non-légales lorsqu’elles sont exécutées par des simples citoyens. Les policiers peuvent légalement fouiller, frapper ou encore séquestrer (dans un commissariat) des individus, contrairement aux autres citoyens. La police peut même de facto tuer (300 morts depuis 30 ans pour presque aucune condamnation judiciaire), stade suprême de l’État d’exception légalement fondé, et manifestation du « droit de vie et de mort » constitutif de l’État souverain. La justice n’est pas en reste. Elle est fondée légalement à entreprendre une action illégale lorsqu’elle est exécutée par des simples citoyens : enfermer (dans un établissement carcéral) et extorquer (sous forme d’une amende) des individus. L’État est bien cette coïncidence entre violence et droit dont parlait Agamben. Et cet État d’exception ordinaire s’acharne avant tout sur ceux susceptibles de menacer son ordre stato-capitaliste : militants politiques, participants aux luttes sociales, mais surtout prolétaires racisés de quartiers populaires constitués en zones d’exception permanentes. La hiérarchie raciste et de classe, dont l’État est un défenseur ultime, est ainsi violemment réaffirmée. L’État d’exception ordinaire règne, enfin, au sujet des violences domestiques faites aux femmes, en excluant ces violences de facto du droit, en renvoyant celles-ci au « privé », aboutissant finalement à un laisser-faire des viols et des violences patriarcales au sein du cadre domestique.
Précisons-le, il ne s’agit pas de revendiquer, on ne saurait comment d’ailleurs, plus de droit et moins d’exception. L’État capitaliste est obligé d’être en partie « de droit » puisqu’il n’y a pas de capitalisme sans droit, sans garantie du respect des contrats, des dettes, des propriétés et des propriétaires. Mais en même temps, et au nom même de cette garantie de l’ordre capitaliste, l’État s’extrait du cadre légal qu’il a de toute façon lui-même créé. L’État d’exception ordinaire est donc un simple défenseur du droit capitaliste, c’est-à-dire de l’État de droit. Il ne faudrait donc pas opposer ces deux formes de l’État : il s’agit d’une seule et même structure se dédoublant de manière complémentaire, de deux faces d’une même pièce, d’un continuum au service de l’ordre capitaliste. L’État de droit en réalité justifie l’État d’exception ordinaire comme son garant nécessaire, de même qu’il justifie l’état d’exception extraordinaire comme son garant en dernier ressort– comme son cas limite.
Pour en finir avec l’État de crise, l’État d’exclusion, l’État d’urgence, il faut en finir avec l’État d’exception ordinaire comme avec l’État de droit, donc en finir avec l’État, sa politique et son monde capitaliste.
Comité érotique révolutionnaire
►https://lundi.am//Politique-de-crise
Le refus du travail dans l’Italie révoltée des années 60-70 | Sortir du capitalisme
▻http://sortirducapitalisme.fr/204-le-refus-du-travail-dans-l-italie-revoltee-des-annees-60-70-
40 ans après l’insurrection de Bologne des 11-12 mars 1977 (et sa reconquête par des chars d’assaut), une histoire du refus du travail dans l’Italie révoltée des années 1960-1970 – avec Oreste Scalzone, protagoniste central de ces années-là. Dans cette émission consacrée à un aspect central des théories critiques et des luttes autonomes de l’Italie révoltée des années 1960-70, Oreste Scalzone nous offre d’abord un aperçu des théories critiques du travail ("refus du travail" et "lutte contre le travail") développées au sein de l’opéraïsme [1re partie, 30 minutes]. Dans une seconde partie, il évoque quelques pratiques de « l’anti-travail » de l’Autonomie italienne ("auto-réductions", grèves des loyers, etc.) et parle de leur vision non-programmatique du communisme [2e partie, 30 minutes]. Source : Radio (...)
▻http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/scalzone1.mp3
]]>De #Nantes à Bologne Solidarité
▻https://nantes.indymedia.org/articles/36954
A Bologne, en l’Italie, un système de sécurité à l’entrée de la bibliothèque universitaire est en train d’être installé. Des #étudiant-e-s se sont mobilisé-e-s pour empêcher le tout-sécuritaire et la privatisation du savoir d’envahir la faculté et ont occupé-e-s leur bibliothèque. La police a chargé et gazé dans l’enceinte même de l’université. Des banderoles ont été déployées ce jeudi 16 février à la fac de Nantes ! L’action est revendiquée par des membres de Génération Ingouvernable qui ont distribué-e-s ce texte :
#Répression #contrôle #social #/ #lutte #lycéen-ne-s #mouvement #Répression,contrôle,social,/,lutte,étudiant-e-s,lycéen-ne-s,mouvement
]]>La bataille finale entre Dieu et Satan portera sur le mariage et la famille
▻https://www.crashdebug.fr/international/13074-la-bataille-finale-entre-dieu-et-satan-portera-sur-le-mariage-et-la
Il y a des années, Sœur Lucia écrivait une lettre au cardinal Carlo Caffarra : « Toutefois, Notre Dame lui a déjà écrasé la tête. »
Cardinal Carlo Caffarra
« La bataille finale entre Dieu et le royaume de Satan portera sur le mariage et la famille » confiait il y a plusieurs années Sœur Lucia dos Santos, une des trois voyantes de Fatima, au cardinal Carlo Caffarra, alors qu’il travaillait à la fondation de l’Institut pontifical Jean Paul II d’études sur le mariage et la famille à Rome.
Le 16 février 2008, le cardinal Caffarra, alors archevêque de Bologne, se déplace à San Giovanni Rotondo pour célébrer une messe sur la tombe de saint Padre Pio. Après la messe, le cardinal a accordé une interview au média italien Teleradio Padre Pio, publiée sous le titre de « La voix de Padre Pio » dans l’édition de mars du (...)
]]>The Plague, the Cholera and the future
Serge Quadruppani, le 9 novembre 2016
►http://quadruppani.blogspot.ca/2016/11/the-plague-cholera-and-future.html
L’humanité est en train de se suicider.
Le national-ouvriérime l’emporte en Amérique, comme dans la majorité des pays du monde blanc.
La gauche qui s’est pliée au néo-libéralisme a ouvert la voie aux nombreux Hitler qui dominent aujourd’hui : Clinton Blair d’Alema Renzi Hollande Napolitano sont les noms des traîtres qui par pur cynisme ont ouvert la route au fascisme.
La classe ouvrière blanche aujourd’hui se venge de la trahison de la gauche comme elle le fit en 1933
Entrons dans le chaos du monde en conservant intactes nos premières vertus : la colère et la joie
#Serge_Quadruppani #Biffo #Donald_Trump #Etats-Unis #pessimisme #optimisme
]]> Un train venu de Chine est arrivé en France pour lancer une nouvelle « Route de la Soie »
▻https://news.vice.com/fr/article/un-train-venu-de-chine-est-arriv-en-france-pour-lancer-une-nouvelle-route
Parti le 6 avril dernier, ce convoi de la société chinoise WAE a roulé pendant 16 jours et sur 11 300 kilomètres de rails à travers la Chine, le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne et enfin la France. Cette liaison inédite s’inscrit dans un grand plan chinois de « Ceinture économique », qui vise à consolider la place de la Chine dans le commerce mondial.
[...]
Ce convoi devrait repartir dans les prochains jours, chargé de vin et d’autres produits agricoles français. Les autorités françaises ont annoncé la mise en place prochaine de trois liaisons hebdomadaires entre Wuhan et Lyon.
[...]
Si ce trajet Chine-France constitue une première historique, des trains circulent déjà depuis 2014 entre le Sichuan (ouest de la Chine) et la ville allemande de Duisbourg. Sur son site Internet, une autre compagnie de fret chinoise, Trans Eurasia Logistics (TEL), indique que des liaisons régulières existent par ailleurs entre 16 villes chinoises et autant de villes européennes, comme Barcelone, Bologne, Rotterdam ou encore Kotka en Finlande.
[...]
À l’heure où les prix du pétrole sont si bas que cela coûte moins cher pour un cargo de faire le tour de l’Afrique plutôt que de passer par le canal de Suez en Égypte, le gouvernement chinois entend défendre « l’esprit » de la Route de la Soie face à des « situations internationales et régionales complexes ». Cette grande stratégie comporte un volet terrestre avec trois axes — vers la Russie, vers l’Asie de l’Ouest et vers la péninsule indochinoise —, mais aussi toute une partie maritime en coopération avec des ports birmans, indiens et pakistanais. Ce plan prévoit également des mesures politiques, numériques et culturelles, dans le but de créer un vaste espace de coopération « marqué par l’harmonie et l’amitié ».
Pour comprendre il manque quand même quelques éléments de comparaison avec le transport maritime. J’ai fait quelques recherches :
– Temps de trajet en porte-conteneurs via le canal de Suez : 50 jours, le cap de Bonne-Espérance : 55/60 jours et maintenant même via l’Arctique : 35 jours.
– la quantité de marchandises acheminée : 41 conteneurs contre plusieurs milliers en porte-conteneurs
– le coût économique : "La voie maritime est moins chère, mais le ferroviaire représente un intermédiaire entre le navire et l’avion"
– le coût écologique
#Chemin_de_fer #Chine #France #Fret #Mondialisation_économique #Route_de_la_soie #Soft_Power #Transport_de_marchandises #Wuhan_Asia-Europe_Logistics #Économie
]]>Le street artiste Blu efface toutes ses œuvres à Bologne en signe de protestation
▻http://www.telerama.fr/scenes/le-street-artiste-blu-efface-toutes-ses-oeuvres-a-bologne-en-signe-de-prote
Le street artiste Blu efface toutes ses œuvres à Bologne en signe de protestation
▻http://www.telerama.fr/scenes/le-street-artiste-blu-efface-toutes-ses-oeuvres-a-bologne-en-signe-de-prote
Un hara-kiri spectaculaire et vengeur, pour protester contre une exposition, « Street art, Banksy & Co. L’art à l’état urbain », qui, en plus d’avoir un nom racoleur, s’est montée en arrachant les œuvres des murs sans son autorisation, pour les présenter ensuite au public avec un ticket d’entrée à 13 euros.
]]>Brèves des frontières – 1er mars 2016
▻https://sanspapiersnifrontieres.noblogs.org/post/2016/03/02/breves-des-frontieres-1er-mars-2016
À Calais (frontière franco-britanique), l’expulsion de la zone sud de la Jungle continue. Les résistances aussi ! Demolitions continues (article en anglais & français), une vidéo de Calais Migrant Solidarity. Des rassemblements et des actions de solidarité ont eu lieu à Londres, Genève, Bologne, (...) — Brèves des frontières, Bari Palese, Calais, CIE, Frontière, Italie, manif/rassemblement, Paris, Serbie, Solidarité, Turin
]]>Egalité des chances : Un système scolaire européen nécessaire
▻http://www.taurillon.org/egalite-des-chances-un-systeme-scolaire-europeen-necessaire
Connue pour être une valeur européenne, l’égalité des chances est inscrite dans les textes de l’Union européenne. C’est vers une telle vertu que devrait tendre l’Union européenne, en vue de former les jeunes à l’excellence et de manière la plus égalitaire possible. Pour cela, le #Conseil_de_l'Europe avait commencé il y a une quinzaine d’années à lancer une politique commune sur l’enseignement. Pourtant, depuis le processus de Bologne et l’harmonisation des systèmes universitaires européens, l’éducation n’est plus la politique prioritaire de l’Union européenne. Pour quelles conséquences ?
/ #Education, Conseil de l’Europe, (...)
]]>Crash d’Ustica: tragédie italienne, #missile français ?
▻https://www.mediapart.fr/journal/international/260116/crash-dustica-tragedie-italienne-missile-francais
Les débris de l’avion rassemblés par les enquêteurs, dans un hangar, à Bologne. © La Reppublica Avant le vol MH-17 abattu au-dessus de l’Ukraine ou le Metrojet 9268 tombé dans le Sinaï, il y a eu la tragédie d’Ustica, en 1980 : un avion italien qui s’est abîmé en mer avec ses 81 passagers. Les magistrats transalpins sont convaincus qu’un missile destiné à Kadhafi est à l’origine du drame. Mais qui l’a tiré ? Peut-être la #France.
#International #armée #Aviation #europe #France #Italie #libye #Mouammar_Kadhafi #Solenzara #Ustica
]]>La Turquie retourne à Mossoul en conduisant une nouvelle « révolte arabe »
Par M. K. Bhadrakumar | AsiaTimesOnline, le 7 décembre 2015 | traduction [JFG-QuestionsCritiques]
▻http://questionscritiques.free.fr/edito/AsiaTimesOnline/M_K_Bhadrakumar/Turquie-Mossoul_Irak_071215.htm
(...) C’est sans surprise que la Turquie se coordonne avec l’Arabie Saoudite et le Qatar — avec le soutien tacite de Washington — étant donné l’élan anti-iranien et anti-russe de sa manœuvre en vue d’établir un contrôle militaire sur la région de Mossoul, hautement stratégique.
Le Roi Salman d’Arabie Saoudite, avec une suite de 20 princes de premier rang à son service, dont le Prince héritier Mohammed ben Nayef et le vice-Prince héritier Mohammed ben Salman, a reçu Barzani pour un déjeuner royal, le 1er décembre, juste quatre jours avant que la Turquie n’envoie des centaines de soldats et de chars à Mossoul. Certes, le grand banquet offert par Salman à Barzani était un gros signal pour Téhéran (et Moscou) que les Saoudiens s’introduisent dans la politique turque.
Erdogan a l’intention de saper la capacité de la Russie et de l’Iran à utiliser la carte séparatiste kurde contre la Turquie, ce qui à son tour donnerait à Ankara une liberté d’action pour faire accepter le programme d’un « changement de régime » en Syrie, prendre le contrôle des vastes réserves d’hydrocarbures de la région (que la Grande-Bretagne impériale s’était accaparées en vertu de l’Armistice de Moudros en 1918) et de rallier les pays arabes sunnites sous son leadership.
Certes, Erdogan va devoir batailler. Téhéran a réagi furieusement à l’annonce turque concernant l’installation d’une base militaire à Mossoul, disant que cela « menace la sécurité de la région », laquelle, au lieu d’aider à combattre le terrorisme, ne fera qu’« accroître le chaos et l’insécurité » dans la région.
Le ministre irakien des affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur turc pour protester contre cet « acte hostile » ; le Premier ministre Haïder al-Abadi a dit que c’était une « grave violation de la souveraineté irakienne » ; le Président Fouad Massoum a dit que ce mouvement est « une violation des normes et des lois internationales et de la souveraineté de l’Irak » et exigé que la Turquie retire ses troupes « immédiatement ». (...)
]]>Pour une Europe des sciences, mais laquelle ?
▻http://www.taurillon.org/pour-une-europe-des-sciences-mais-laquelle
Depuis ses origines, l’intégration européenne apparaît comme un vaste ensemble de défis, à la fois problématiques et stimulants. Communauté marchande, politique et culturelle, la construction européenne présente ainsi un cadre institutionnel original qui déploie ses spécificités dans tous les domaines de la vie économique et sociale. C’est aussi le cas pour le recherche à travers le processus de Bologne, une uniformisation pas si bénéfique.
]]>SLOW SCIENCE – LA DÉSEXCELLENCE, par Olivier P. Gosselain
Ça a commencé comme ça. Une poignée de collègues issus de disciplines différentes, l’envie de travailler ensemble, un financement de cinq ans, des séminaires réguliers où le plaisir d’échanger se mêlait à un sentiment grisant de progression et, au final, des objets d’étude, des rencontres et des résultats qui dépassaient de loin nos attentes initiales.1 Une belle histoire de recherche, en somme, pour une petite communauté regroupant des académiques, des doctorants et des étudiants.
▻http://www.pauljorion.com/blog/2011/08/23/slow-science-la-desexcellence-par-olivier-p-gosselain
#slow_science #désexcellence #science #excellence
cc @reka
Les professionnels du nettoyage sont déjà sortis du salariat
▻http://www.lemonde.fr/emploi/article/2015/09/17/les-professionnels-du-nettoyage-sont-deja-sortis-du-salariat_4761227_1698637
Confrontée à l’invisibilité des travailleurs comme les syndicalistes, la sociologue note que « des concepts comme précarité, travailleurs pauvres et travailleurs immigrés, sale boulot, etc., que j’employais constamment, étaient socialement connotés comme ayant trait à la marginalité. Ils renvoyaient à des marges, alors que de mon côté je constatais leur présence écrasante dans un terrain où le seul emploi atypique était l’emploi à temps complet ».
En plaçant la focale de l’analyse sur les expériences que les acteurs font en tant que dominés, Cristina Nizzoli remet les marges au centre, et contribue au processus de mise en visibilité par lequel « ces travailleurs se revendiquent membres à part entière d’une société dans laquelle ils sont constamment confrontés au déni de reconnaissance ».
C’est du propre ! Syndicalisme et travailleurs du “bas de l’échelle” (Marseille et Bologne), de Cristina Nizzoli (PUF, 224 pages, 23 euros).
]]>#Italie : antifascisme, répression et solidarité incendiaire
▻http://lahorde.samizdat.net/2015/09/15/italie-antifascisme-repression-et-solidarite-incendiaire
Lu sur le site du Chat noir émeutier : Bologne – Il y a la signature anarchiste, ou au moins des milieux antagonistes, derrière l’attaque incendiaire qui a détruit la nuit de jeudi à vendredi une voiture de patrouille de la police garée près de l’hôpital Sant’Orsola, face à l’entrée piétonnière des urgences. Près de [&hellip
]]>Bologne (Italie) : incendie solidaire d’une voiture de police
▻http://cettesemaine.info/breves/spip.php?article1184
Bologne - Il y a la signature anarchiste, ou au moins des milieux antagonistes, derrière l’attaque incendiaire qui a détruit la nuit de jeudi à vendredi une voiture de patrouille de la police garée près de l’hôpital Sant’Orsola, face à l’entrée piétonnière des urgences. Près de la voiture sérigraphiée (...) — images.jpg, Italie
]]>►https://www.facebook.com/isabelle.saintsaens/posts/10205694472026085
Syriza gagne du temps et de l’espace (Tribune. Libération 24/2/15)
Par Etienne Balibar Philosophe, Université Paris-Ouest Nanterre et Sandro Mezzadra, Philosophe, Université de Bologne
texte intégral ci-dessous
►http://www.liberation.fr…/syriza-gagne-du-temps-et-de-l-es…
Est-il donc vrai que, comme le proclament les gros titres de plusieurs journaux, Athènes a cédé devant les exigences de l’Eurogroupe (La Repubblica) et fait le premier pas vers la restauration de la politique d’austérité (The Guardian) ? A en croire certains leaders de la fraction de gauche de Syriza, le courage n’aurait pas tenu bien longtemps et le « reniement » aurait déjà commencé…
Il est un peu tôt pour porter un jugement sur les accords qui ont été passés à la réunion du conseil de l’Eurogroupe. Ce n’est que dans les prochains jours que seront publiés les détails techniques et qu’apparaîtra toute leur signification politique.
Cependant, sans attendre, nous proposerons ici une autre méthode pour analyser la confrontation entre le gouvernement grec et les institutions européennes, qui vient de se traduire à la fois par des compromis de la part du premier et par l’esquisse d’une fissure au sein des secondes. A quels critères allons-nous mesurer l’action de Tsipras et de Varoufakis, pour juger de son efficacité et de sa justesse ?
Redisons-le d’emblée, le conflit ouvert par l’arrivée de Syriza au pouvoir survient dans un moment de crise aiguë pour l’Europe. Les guerres qui se déchaînent aux frontières de l’Union, à l’Est comme au Sud et au Sud-Est, ou la succession des hécatombes de migrants noyés en Méditerranée signalent quelque chose comme une décomposition de l’espace européen, mais il y a d’autres aspects. En quelques années la récession les a dramatiquement multipliés. Des forces politiques plus ou moins racistes et néofascistes s’en emparent d’un bout à l’autre du continent. Dans ces conditions la victoire électorale de Syriza et la montée de Podemos en Espagne apparaissent comme une occasion unique de réinventer une politique de gauche, visant à l’égalité et à la liberté, au niveau de l’Europe entière.
Ne l’oublions pas non plus, ce qui sous-tend ces possibles, ce sont de formidables luttes de masse contre l’austérité, durant depuis des années en Grèce aussi bien qu’en Espagne. Mais ces luttes, en même temps qu’elles s’étendaient « horizontalement », se heurtaient à des limites verticales tout aussi formidables : la domination des banques et des institutions financières au sein du capitalisme contemporain, la nouvelle distribution du pouvoir politique qui s’est mise en place à la faveur de la crise. Ce qu’il y a quelques années nous avions appelé une « révolution par en haut ». (1)
C’est à ces limites que Syriza s’est heurtée, à peine avait-elle réussi à implanter sur le terrain un axe de pouvoir « vertical », en faisant résonner le refus de l’austérité jusque dans les palais européens. Aussitôt, elle a dû faire face au régime de pouvoir existant en Europe et subir toute la violence du capital financier. Il serait naïf de croire que le gouvernement grec puisse à lui seul ébranler ces limites. Même un pays pesant beaucoup plus lourd que la Grèce aux points de vue démographique et économique n’en aurait pas eu les moyens. S’il était besoin, ce qui vient de se passer démontre à nouveau qu’une politique de liberté et d’égalité ne se construira pas en Europe sur la simple affirmation de la souveraineté nationale.
Et pourtant les « limites » dont nous parlons ici apparaissent désormais sous un jour nouveau, ainsi que la possibilité de les faire sauter. Les luttes et les mouvements de protestation en avaient fait ressortir le caractère odieux, mais la victoire de Syriza et l’ascension de Podemos, puis l’action du gouvernement grec, commencent à dessiner une stratégie. Ce n’est pas à nous qu’on apprendra qu’un résultat électoral ne suffit pas, et d’ailleurs Alexis Tsipras lui-même n’en a jamais fait mystère. Il faut que s’ouvre un processus politique, et pour cela que s’affirme et se structure un nouveau rapport de forces sociales en Europe.
Lénine a dit un jour à peu près qu’il y a des situations où il faut savoir céder de l’espace pour gagner du temps. L’adaptation de ce principe aux « accords » de vendredi dernier (aléatoire, comme toujours en politique) nous conduit à risquer le pari suivant : c’est pour gagner du temps et de l’espace que le gouvernement grec a « cédé » en effet quelque chose. C’est pour permettre à la chance qui vient de surgir en Europe de tenir bon, dans l’attente de prochaines échéances (dont les élections espagnoles), et jusqu’à ce que les acteurs de la politique nouvelle aient réussi à « conquérir » d’autres espaces.
Mais pour que le processus se développe, il devra dans les mois à venir se déployer à de multiples niveaux : il faut des luttes sociales et des initiatives politiques, de nouveaux comportements quotidiens et un autre état d’esprit des populations, des actions de gouvernement et des contre-pouvoirs citoyens qui affirment leur autonomie. Au moment où nous reconnaissons l’importance décisive de ce qu’accomplit Syriza et que préfigure Podemos sur le terrain institutionnel, nous devons donc aussi en articuler les limites.
Dans un article extraordinaire que vient de publier le Guardian de Londres, le ministre Varoufakis montre qu’il en est lui-même parfaitement conscient. (2) Fondamentalement, nous dit-il, ce qu’un gouvernement peut faire aujourd’hui, c’est de chercher à « sauver le capitalisme européen de sa tendance à l’autodestruction », qui menace les peuples et ouvre la porte au fascisme. C’est de faire reculer la violence de l’austérité et de la crise, pour ouvrir des espaces de conservation et de coopération, où la vie des travailleurs soit un peu moins « solitaire, misérable, violente, et brève », pour le dire dans les vieux mots de Hobbes. Pas plus, mais pas moins.
Interprétons à notre tour le discours de Varoufakis. Le dépassement du capitalisme est par définition hors de portée de tout gouvernement, que ce soit en Grèce ou ailleurs. Par-delà le sauvetage en urgence du capitalisme européen de sa catastrophe qui serait aussi la nôtre, une telle perspective se situe à l’horizon de luttes sociales et politiques prolongées qui ne sauraient s’enfermer dans un périmètre institutionnel. Mais il se trouve que c’est aussi sur cet autre « continent » que doit se construire matériellement dès aujourd’hui la force collective dont dépendent les avancées des prochains mois ou des prochaines années. Et le terrain que doit investir une telle force ne peut être que l’Europe elle-même, en vue d’une rupture constituante avec le cours actuel de son histoire. D’où l’importance de mobilisations comme celle que le mouvement Blockupy convoque pour l’inauguration du nouveau siège de la BCE, le 18 mars à Francfort. C’est une occasion de faire entendre la voix du peuple européen en soutenant l’action du gouvernement grec. Par-delà l’indispensable dénonciation du capital financier et du régime postdémocratique (Habermas), c’est aussi l’occasion d’éprouver l’avancement des forces alternatives, à défaut desquelles l’action même des gouvernements et partis qui se battent contre l’austérité sera condamnée à l’impuissance.
(1) « Europe : la révolution par en haut », "Libération" du 21 novembre 2011 ►http://www.liberation.fr…/union-europeenne-la-revolution-p…
(2) Yanis Varoufakis : « How I became an erratic Marxist », "The Guardian", 18 février ►http://www.theguardian.com…/yanis-varoufakis-how-i-became-…
]]>« On nous cache tout ! »
▻http://cqfd-journal.org/On-nous-cache-tout
Ils sont partout !… dans les transports en commun, au bureau, au fond de la salle de classe du lycée, dans les manifestations, et surtout, la majeure partie du temps, rivés derrière leur écran d’ordinateur. « Ils », ce sont les conspis. En apparence, rien ne les distingue foncièrement du reste de la population. « On nous cache tout » est le refrain entêtant, accompagné d’une abondance de liens, qu’ils font circuler exponentiellement sur Internet, distillant de « petites idéologies malodorantes qui rivalisent aujourd’hui pour le contrôle de notre âme (Orwell) ». Pour les plus malins, les théories du complot sont même devenues de lucratifs fonds de commerce. (...) Source : (...)
]]>Bon, je vais tout de même le dire : #je_ne_suis_pas_Charlie, parce que lorsque j’ai commencé à écrire sur le Web, avec plein de Copains à la fin des années 90, parmi les premiers et plus bruyants ennemis de ma propre liberté d’expression, il y avait, justement, Philippe Val et Charlie Hebdo (avec force arguments corporatistes et dénonciation des pédonazis). Et ça avait été particulièrement choquant, justement parce qu’à l’époque je croyais encore que Charlie était « dans notre camp », je croyais à leurs prétentions libertaires (la dérive néoconservatrice, les éditoriaux pro-israéliens, la supériorité de la civilisation occidentale sur ces Arabes qui n’ont pas composé les symphonies de Beethoven ni inventé les avions, l’islamophobie ouverte qui ne se limitait pas, loin de là, à des dessins un peu trash, etc., sont arrivés rapidement ensuite, et sont plus largement documentés).
Alors, évidemment, « rien ne justifie… », je suis abasourdi par ce qui est arrivé, compassion, etc., mais je laisse ceux qui ont brandi leur carte de journaliste hier comme si c’était un symbole de la liberté d’expression, le soin d’« être Charlie ». Charlie, pour moi, c’est le média qui a utilisé son image de gauche, voire libertaire, pour dénoncer cette belle et passionnante liberté d’expression qui arrivait avant tant de force et d’enthousiasme sur l’Internet.
]]>Les mystères du crash d’Ustica, par Andrea Purgatori
►http://www.monde-diplomatique.fr/2014/07/PURGATORI/50612
Il est 20 h 08, le 27 juin 1980, lorsque le DC-9 de la compagnie Itavia quitte Bologne avec cent treize minutes de retard. A son bord, les quatre membres d’équipage et soixante-dix-sept passagers, dont treize enfants. Une fois dépassée la chaîne des Apennins, il emprunte le couloir aérien Ambra 13, qui, en survolant la mer Tyrrhénienne, mène à Palerme, sa destination finale. Visibilité parfaite et communications de routine. Mais, à 20 h 59, sur l’enregistrement vocal, on entend le commandant s’adresser subitement à son second. Ce n’est en fait qu’un demi-mot : « Gua... » Peut-être : « Guarda ! » (« Regarde ! ») . Personne ne le saura. La voix s’interrompt brusquement ; le signal radar disparaît au-dessus de la petite île d’Ustica, située à soixante kilomètres de la Sicile. Le DC-9 se brise en trois morceaux et s’enfonce dans la mer, à trois mille sept cents mètres de profondeur.
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