Brignoles : des élus PS évoquent la « colère sourde » de l’électorat de gauche
Bien sûr, à chaque fois, il y a des situations locales spécifiques. Une cantonale partielle dans une commune du Var, terre où le Front national est implanté depuis longtemps, n’est pas le décalque parfait d’une législative partielle dans le Lot-et-Garonne organisée dans la foulée du scandale Cahuzac, l’ancien député du cru.
Il n’empêche, après la législative partielle dans l’Oise en mars, celle de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) en juin, le premier tour, dimanche 6 octobre, de la cantonale partielle de Brignoles (Var) a vu le scénario se répéter : en tête, le FN ne progresse pas forcément en nombre de voix mais bénéficie à plein de l’abstention massive ; derrière lui, l’UMP surnage ; et, troisième et éliminée, la gauche s’effondre du fait de la démobilisation importante de son électorat.
« Le seul problème, c’est la mobilisation des électeurs de gauche », n’a pas manqué d’analyser à chaud le député socialiste Jean-Christophe Cambadélis. « Les électeurs de gauche sont dans l’abstention, il faut les mobiliser », a renchéri, lundi, le porte-parole du PS David Assouline. Le diagnostic est partagé par tous : une large part des électeurs qui ont porté François Hollande à l’Elysée s’éloigne chaque jour davantage, certains dans le vote protestataire, beaucoup dans l’abstention. Les élus de terrain ressentent ce désamour.
« INDIFFÉRENCE SILENCIEUSE »
« Notre électorat est déboussolé. Il y a un flottement dangereux qui s’installe, entre la colère sourde et l’indifférence silencieuse à notre égard », explique Pascale Boistard, députée de la Somme. « Nos militants, comme nos électeurs nous disent régulièrement : ’Pourquoi faire tous les efforts que vous nous demandez ?’ », ajoute son collègue de l’Ardèche, Olivier Dussopt.
Face à cette « dépression profonde de l’électorat de gauche », selon le député parisien Jean-Marie Le Guen, le PS comme le gouvernement semblent fort dépourvus. Pis, la défaite de Brignoles est intervenue vingt-quatre heures après la tenue à Paris d’un forum du PS pour défendre la République contre le FN. Le premier secrétaire, du PS, Harlem Désir, y a de nouveau plaidé en faveur d’un « front républicain » face à un parti qu’il a qualifié de « xénophobe », « héritier de l’extrême droite française », « sexiste », et constitué de « menteurs » et d’"incompétents". Un réquisitoire qui a rappelé les grandes heures de M. Désir à la tête de SOS Racisme, mais que certains dans son camp jugent à présent insuffisant.
« Tenir ce type de discours est nécessaire, mais on ne peut plus se limiter au seul débat sur les valeurs, estime Emmanuel Maurel, le patron de l’aile gauche du PS. Si notre électorat reste à la maison plutôt que d’aller voter pour nous, c’est parce que nous ne menons pas une politique conforme à ses intérêts, et ce n’est pas seulement en agitant le danger FN que nous le convaincrons. »
« CHANGER DE CAP »
La déroute varoise n’a pas manqué de relancer le débat au sein de la majorité sur l’inflexion de la ligne économique du gouvernement alors que les parlementaires s’apprêtent à examiner le budget et le financement de la sécurité sociale. Comme M. Maurel, le député PS proche de Benoît Hamon, Pouria Amirshahi, estime qu’"il est temps de changer de cap" et d’abandonner « l’orthodoxie budgétaire impossible ». « Il n’y a pas de raison que les électeurs viennent à nous le temps d’une élection si, le reste de l’année, nous donnons le sentiment de ne pas aller à eux. »
Pour l’instant, le PS se refuse à toute remise en question et M. Désir continue d’exhorter l’ensemble de la gauche à « l’unité ». Un appel sans effet sur le responsable écologiste Jean-Vincent Placé pour qui « la lecture de Brignoles est simple : pour que la gauche redevienne majoritaire, il lui faut mener une politique de gauche, socialiste, écologiste et démocratique, tout ce qui fait défaut au gouvernement ».
A six mois des municipales, la série noire des partielles n’en finit pas d’inquiéter le PS. Sans remobilisation de son électorat, « il y a fort à parier que ces premiers tours préfigurent le futur premier tour des municipales », prévient M. Cambadélis. Rien n’indique pourtant que l’exécutif souhaite changer de cap.
Pour preuve, François Hollande se déplace mardi dans la Loire, à Roanne et Saint-Etienne, pour vanter sa politique pour l’emploi. « Jusqu’à présent, la stratégie du chef de l’Etat, pour les municipales comme pour 2017, est de tout miser sur le second tour, mais encore faut-il passer le premier », avise un visiteur de l’Elysée. Les scrutins de Brignoles, comme de Villeneuve-sur-Lot ou de l’Oise, ont tous montré que cela n’était pas forcément acquis d’avance.
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