Rafik Khalifa, milliardaire algérien déchu, condamné à 5 ans de prison - Le Point
Cinq ans de prison et 375 000 euros d’amende. Rafik Khalifa, ancien homme d’affaires algérien, a été condamné par défaut - il est emprisonné en Algérie - par le tribunal correctionnel de Nanterre. La justice a considéré qu’il avait organisé le « pillage » de sa société juste avant sa liquidation, en « la vidant de certains de ses actifs les plus significatifs ». Dix autres personnes étaient jugées dans ce dossier tentaculaire, l’ancienne femme de Rafik Khalifa, un notaire, d’anciens représentants de l’entreprise en France ainsi qu’un constructeur et un équipementier aéronautique. Trois d’entre elles ont été relaxées, les autres ont écopé de peines allant de six mois de prison avec sursis à six mois ferme.
Les parties civiles se sont estimées lésées par ce jugement. « Ce jugement est une grande déception pour tous les Algériens qui se sont constitués partie civile dans ce dossier. Le tribunal a jugé leur demande irrecevable, pourtant ce sont eux qui ont été ruinés dans cette affaire », a déploré Élisabeth Maisondieu-Camus, une avocate des parties civiles.
Dans le monde du showbiz, Rafik Khalifa savait s’entourer. Ancien sponsor de l’Olympique de Marseille, il avait, le 28 février 2002, invité - rémunéré - des personnalités, comme Catherine Deneuve ou encore Gérard Depardieu, pour qu’elles assistent à un match de l’OM à Alger. Quelques mois plus tard, en septembre 2002, le sulfureux homme d’affaires remettait ça en réunissant à Cannes une kyrielle de stars pour la soirée de lancement de sa chaîne Khalifa TV. Les chanteurs Sting et Bono, Patrick Bruel, les mannequins Claudia Schiffer et Naomi Campbell, ou encore l’ancien ministre Jack Lang sont de la partie, comme le raconte le commissaire Jean-François Gayraud dans son livre Showbiz, people et corruption, publié aux éditions Odile Jacob en 2009.
L’effondrement d’un empire
En quelques années seulement, Rafik Khalifa, la cinquantaine, avait construit un empire. Fils d’un ancien ministre algérien, il investit, à la fin des années 1990, dans les secteurs aérien (Khalifa Airways), bancaire (Khalifa Bank) et pharmaceutique, ainsi que dans les médias et dans la location de voitures (KRC). Une ascension fulgurante pour une chute tout aussi rapide. Le groupe fait faillite en 2003. Des flux financiers suspects sont décelés par les autorités. Alger bloque les opérations de sa banque dès l’automne 2002, entraînant de facto la cessation de paiement.
On a peu appris durant ce procès des conditions de l’effondrement de cet empire, ou de la chute du golden boy algérien. Jean-Yves Le Borgne, son avocat, s’était d’ailleurs agacé à l’audience, comme le relate l’Agence France-Presse : « On veut nous faire croire que les prévenus ont entraîné à eux seuls la déconfiture du groupe et que, derrière, se trouvait un État digne (l’Algérie) qui n’a fait que constater un malheur. » La justice française n’a en effet enquêté que sur des faits de blanchiment et de détournement de fonds qui se sont déroulés lors de la liquidation judiciaire, à partir de 2002.
Une villa à 35 millions d’euros
Une part des actifs des différentes sociétés a disparu, alors même qu’ils devaient être saisis ou étaient hypothéqués. À leur arrivée dans les locaux de Khalifa Airways, le 28 août 2003, les mandataires judiciaires constatent la disparition des ordinateurs. Des avions sont introuvables. Le parc automobile de luxe s’est, quant à lui, en grande partie volatilisé. Surtout, on découvre l’existence à Cannes d’une splendide demeure : la « Villa Bagatelle ». Une « bagatelle » de 5 000 m2, d’une valeur de 35 millions d’euros. Acquise par la société Khalifa Airways le 12 juillet 2002 (l’acte d’achat est signé par Rafik Khalifa), la villa sera revendue un an plus tard pour la moitié de son prix. L’effondrement de l’empire Khalifa a causé un préjudice estimé entre 1,5 et 5 milliards de dollars à l’État algérien et aux épargnants.