je reproduis ici la tribune de mon ami Olivier Daunizeau qu’il accepte que je vous transmette pour recueillir vos avis.
NOUS NE FAISONS PAS LES MÊMES MÉTIERS
Le reportage et le documentaire ne doivent pas s’opposer sur une échelle de valeur mais par rapport à leur nature. Le reportage, ce n’est pas moins bien que le documentaire, c’est autre chose, c’est un genre qui appartient au champ du journalisme où le principe d’objectivité, certes discutable, est à l’œuvre aux côtés de la volonté d’enquêter. Le reportage a sa place légitime dans les grilles de programmes des chaînes de télévision.
De la même façon, je trouve qu’il est vain d’opposer plus avant le « bon documentaire » au « mauvais documentaire ». Il y a les documentaires et les documentaires de création.
Il y a le documentaire animalier, le documentaire scientifique, etc. Pourquoi n’y aurait-il pas le documentaire de création ? La tentative de définition du genre a échoué en 1987, pourquoi ne pas reprendre le chantier ?
Limoges, la promesse d’une politique différente – cité en tout premier lieu dans l’entretien avec Dana Hastier dans Le Monde des 29-30 mars – est certainement un documentaire important, nécessaire, mais certainement pas un documentaire de création. J’en veux pour indice premier le fait qu’il est coréalisé par Jean-Louis Saporito, qui est journaliste.
France Télévisions ne peut pas se voir reprocher le fait de ne pas être le premier acteur français du documentaire. Il l’est sans aucun doute. Donc il est absolument stérile, à mon sens, de clamer « Nous sommes le documentaire ». Le documentaire, c’est d’abord France Télévisions. Pas « Nous ».
Par contre, nous sommes le documentaire de création. C’est autour de cette idée que nous sommes réunis.
Un sujet de lutte, une question sémantique
En relisant l’article du Monde où Michel David s’exprime, je me dis qu’il ne faut pas laisser les producteurs parler seuls.
D’abord parce qu’ils ne sont pas d’accord entre eux sur un certain nombre de points et que les compromis auxquels ils arrivent affaiblissent leur discours, les réduisant à ne parler que de 15% etc.
Ensuite parce qu’ils sont tombés dans le panneau de l’équipe qui a "réformé" le COSIP (CNC, USPA, SCAM) et qui a soigneusement évité la question centrale qui est la définition juridique du documentaire de création. Michel David enfonce le clou en disant qu’il « refuse toute définition du documentaire, notamment de création ».
Si on ne définit pas de sujet pour une lutte, pour quoi peut-on se battre alors ?
J’ai donc continué à fourbir des "éléments de langage" et pour ma part je lutte :
– pour la renaissance du documentaire de création et non pas pour sa survie,
– pour l’artisanat, pas pour l’industrie,
– la création, pas l’innovation,
– le soutien, pas l’aide,
– la conception, pas le développement,
– la remise à plat des conceptions public/privé en ce qui concerne le financement des documentaires de création,
– et enfin je pense que poser juridiquement une définition du genre sera la meilleure façon de pouvoir opposer quelque chose à France Télévisions, qui pour le moment se gargarise de ses chiffres d’audience et de ses 8800 heures de documentaires diffusés en 2014.
Cette définition juridique du genre ne gênerait pas la SCAM à mon avis, puisqu’elle représente tous les types d’auteurs, des photographes aux écrivains en passant par les documentaristes. Donc je ne vois pas de problème économique à venir pour la SCAM si on sépare règlementairement le documentaire d’un côté et le documentaire de création de l’autre.