city:gif-sur-yvette

  • Livre audio :

    Il s’agit de l’enregistrement public de la lecture « Alain Marc lit Pierre Garnier » effectuée le 24 mars 2017 lors de l’inauguration du deuxième festival de poésie « Des mots, des rimes et des lyres » de Gif-sur-Yvette dans le cadre du Printemps des poètes.

    http://impression.premiere.free.fr/livreaudiolecturedepierregarnier.htm
    https://www.bookdoreille.com/fr/livre-audio/litterature-fictions/5198-lecture-de-pierre-garnier


    #Pierre_Garnier #poésie #spatialisme #Alain_Marc #Laurent_Maza #livre_audio

  • La mémoire biologique
    http://lille1tv.univ-lille1.fr/videos/video.aspx?id=2680c7ba-47d6-4694-8a08-68e146564156

    Par Frédéric Méry, Chercheur au laboratoire Évolution, génomes et spéciation, CNRS, Gif-sur-Yvette.

    Au XXème siècle, les études sur le comportement animal ont essentiellement été guidées par une vision innée du comportement transmis intégralement de génération en génération. Or, la possibilité pour un individu de modifier son comportement au cours de sa vie et d’agir en fonction d’informations mémorisées est une facette fondamentale de la biologie. Ces dernières décennies, un nombre croissant d’études a abordé les aspects écologiques et évolutifs des processus cognitifs. La mise en évidence de différences de capacités de mémorisations entre certaines espèces proches voire entre populations d’une même espèce a permis de proposer un lien entre l’évolution de ces capacités et l’environnement dans lequel vivent les (...)

  • Voyage au cœur des cellules

    http://www.lemonde.fr/medecine/article/2016/06/13/voyage-au-c-ur-des-cellules_4949567_1650718.html

    Les scènes qui vont suivre sont spectaculaires et à peine croyables. Pourtant elles sont bien réelles. Elles se déroulent chaque seconde, chaque minute dans la moindre des milliards de cellules de notre organisme, sur notre peau, dans notre cerveau, notre foie, nos reins… Et si, par malheur, elles tournent mal, c’est souvent la catastrophe.

    Pour les découvrir, traversons la membrane qui constitue l’enveloppe de ces cellules, petits sacs souples de quelques dizaines de micromètres de large. A l’intérieur flotte un compartiment capital, le noyau, renfermant les précieux chromosomes. Mais, autour, on trouve d’autres molécules tout aussi vitales : des centaines de filaments creux de quelques micromètres de long et 25 nanomètres de diamètre, appelés microtubules. Ils forment un ensemble à peine moins informe qu’un plat de spaghettis, au premier regard, mais tellement plus riche et complexe.

    A l’un des bouts de chacun de ces tubes papillonnent des petits morceaux de molécules trois fois plus petits que le trou du filament. Régulièrement, comme des Lego, ils s’accrochent aux extrémités de la paroi du tube, augmentant peu à peu sa taille, brique par brique, à raison de quelques micromètres par minute. L’assemblage consomme de l’énergie, mais se fait tout seul. Tels des tentacules explorant les abysses, ces protubérances poussent au cœur du cytoplasme cellulaire.

    Soudain, le bel édifice se disloque par la tête, tel un plumeau. Tout le tube peut se défaire, mais le processus peut aussi s’arrêter pour reprendre la construction.

    Ces polymères au comportement si étrange font partie du « squelette » des cellules. Sans lui, ces dernières ne pourraient bouger, trouver leur place au sein des tissus, grandir comme le font les neurones pour se ramifier… Elles mourraient. D’ailleurs, un anticancéreux puissant de l’arsenal chimiothérapique, le Taxol et ses dérivés, agit sur les microtubules en rigidifiant en quelque sorte ce squelette, l’empêchant de se disloquer et de remplir sa fonction. Les cellules, cancéreuses ou non, sont tuées. C’est l’une des premières fonctions des microtubules : construire un squelette rigide, mais pas trop, présent et changeant sans cesse de conformation. Ce n’est pas la seule.

    Approchons non plus de la tête du tube, mais de son corps. Littéralement, on y voit marcher d’autres molécules accrochées à sa surface. Ces dernières sont en fait des moteurs, baptisés ­kinésines ou dynéines, qui après absorption de « pilules » énergétiques, changent la forme de leurs « pattes » et avancent. Sur leur dos, elles transportent des vésicules, des sortes de petits sacs, pleins de protéines utiles au fonctionnement de la cellule. Les unes vont vers la tête du filament ; les autres vers le pied, mais sans anarchie. Dans les neurones, le ballet est encore plus extraordinaire, car ces moteurs peuvent sauter d’un microtubule à un autre, faisant plus d’une dizaine de « sauts » pour parcourir plusieurs centimètres le long des axones, l’une des ramifications les plus importantes des neurones.
    En fait, le réseau de microtubules semble orienter parfaitement ces marcheurs vers la bonne destination. Comme le ferait un réseau ferroviaire ou routier. Sauf qu’il pourrait se faire et se défaire en quelques minutes.

    Du nouveau tous les six mois

    Ce n’est pas tout. Observons maintenant l’un des processus les plus importants de la vie, la division cellulaire ou mitose. C’est-à-dire, à partir d’une cellule mère, la création de deux cellules filles, possédant exactement le même jeu de chromosomes. La membrane s’étire, l’enveloppe du noyau se défait et les chromosomes libérés se voient soudain attrapés par des nuées de microtubules qui s’y accrochent. De part et d’autre de leurs proies, les tubes se rejoignent en deux fuseaux vers deux centrosomes, microscopique point d’ancrage. Puis, des moteurs tirent sur les chromosomes via les « câbles » en microtubules, afin de les séparer en deux lots identiques dans ce qui deviendra deux cellules. Un peu comme si un plat de spaghettis bolognaise rassemblait spontanément au milieu de l’assiette seulement la viande, avant d’en faire deux parts égales… La vie ne tient qu’à ces fils creux.

    Historiquement, c’est en fait avec la mitose que cette histoire de fils a commencé, il y a tout juste cinquante ans. En 1966, Gary Borisy, alors en thèse à l’université de Chicago, trouve enfin la protéine sur laquelle s’accroche la colchicine, un poison connu depuis l’Antiquité égyptienne et qui tue les cellules en empêchant la mitose. Il s’agit de la tubuline, un long polymère formé de deux « perles » de composition très proche qui alternent, baptisées alpha et bêta. Treize filaments à base de ces blocs s’assemblent ensuite en tube pour former les microtubules.

    Cette découverte a été le point de départ d’une série de surprises autour de cette molécule bien moins anodine qu’il n’y paraît, comme l’ont rappelé les quatre cents participants d’un colloque qui s’est tenu à Heidelberg, en Allemagne, du 29 mai au 1er juin. « On croit tout savoir sur les microtubules, et, tous les six mois, il y a du nouveau », constate Michel Bornens, l’un des orateurs de ce congrès et directeur de recherche CNRS à l’Institut Curie.

    Le premier choc a été celui des images. Même si le fuseau mitotique avait été vu au microscope dès le XIXe siècle, il a fallu attendre les années 1970 et des techniques de fluorescence qui repèrent des cibles en y attachant des molécules lumineuses pour découvrir enfin le cytosquelette. « Avec ces outils, on est passé d’une cellule vue comme un sac à quelque chose de plus organisé avec ces filaments en réseau occupant tout l’espace. On a vu la cellule d’un tout autre œil », rappelle Michel Bornens.

    « Ingrédients magiques »

    Une seconde surprise est vite arrivée : le cyto­squelette est en fait très dynamique. Les réseaux se renouvellent complètement en moins d’une heure dans des cellules en ­culture. Les microtubules croissent spontanément par assemblage de plusieurs blocs et se défont tout aussi rapidement, avant de se reformer. « Ce mécanisme ­consomme de l’énergie, et sa compréhension a ­occupé de nombreux laboratoires pendant une quinzaine d’années », raconte Michel Bornens.

    En 1984, Tim Mitchison et Marc Kirschner, à l’université de Californie de San Francisco, baptisent « instabilité dynamique » ce phénomène de fluctuation des polymères, complètement nouveau pour les physico-chimistes. « J’avais proposé “saccade de microtubules”, ce qui en argot signifie “satanés microtubules”, mais nous avons préféré être plus sérieux », explique Tim Mitchison, aujourd’hui à la Harvard Medical School. « C’est une sorte de flou stable. Des assemblages et désassemblages garantissent paradoxalement la stabilité », évoque Carsten Janke (CNRS), organisateur principal du congrès d’Heidelberg, chercheur à l’Institut Curie. « C’est à cause de cette instabilité que nous sommes vivants, en somme ! », complète Marie-France Carlier (CNRS) à l’Institut de Biologie intégrative de la cellule de Gif-sur-Yvette (Essonne), qui a contribué, dans les années 1980, à élucider le mécanisme chimico-physique précis de l’assemblage des microtubules.

    « L’amusant est que le concept d’instabilité dynamique a eu beaucoup de succès, mais qu’il n’est pas si présent in vivo », indique Manuel Théry (CEA), de l’hôpital Saint-Louis, qui a notamment montré que les microtubules se réparent également tout seuls. In vitro, les filaments sont plus courts et droits, alors qu’ils sont plus longs et courbes in vivo. Ces différences témoignent d’une richesse d’acteurs chimiques insoupçonnés. « Plus on regarde, plus on trouve des ingrédients magiques », indique Manuel Théry. En fait, des dizaines de protéines différentes peuvent s’accrocher à ces fils et réguler la machinerie cellulaire.

    Ces travaux ont aussi permis aux chercheurs de comprendre comment les microtubules semblent orienter la cellule. Ils ne sont tout simplement pas des voies de transport à double sens. Leurs deux bouts ont des propriétés chimiques différentes (on dit que la molécule est polarisée), ce qui impose des directions préférentielles pour les moteurs circulant sur ces voies. L’une des conséquences macroscopique majeure est, évidemment, la migration cellulaire : la polarité des microtubules fait que la cellule possède une « tête » et une « queue » et qu’elle peut avancer dans la bonne direction en fonction des stimuli de l’environnement et pas au hasard.

    Pour cette progression, la cellule recourt à un autre membre du cytosquelette, l’actine, un autre réseau de fibres, plus fines. Cette protéine est ­connue aussi comme constituant de nos muscles dont elle permet la contraction, en association avec la myosine. « Les microtubules organisés de manière centralisée sont comme les nerfs, et le réseau d’actine, associé à la membrane de la cellule, les muscles périphériques. Mais avec la dynamique d’assemblage propre à l’échelle cellulaire ! », note Michel Bornens. Tout récemment, des chercheurs de l’université Brandeis ont même montré que ces deux réseaux se parlent : une protéine connue pour s’accrocher au bout d’un microtubule accélère près de vingt fois la croissance de l’active…

    Le « code tubuline » reste à « cracker »

    Auparavant, les chercheurs avaient eu une autre surprise. Il existerait un code tubuline, comme il y a un code génétique, qu’il suffirait de comprendre pour prédire le fonctionnement de cette machinerie des plus complexes. Autrement dit, de l’information serait encodée sur ces tubes, comprise par les différentes protéines qui s’y attachent, et cela guiderait leur action. « Reste à cracker ce code ! », souligne Carsten Janke, l’un des pionniers de cette recherche. « Tous les microtubules sont identiques et, pourtant, ils ont plusieurs fonctions. Les moteurs ne s’accrochent pas partout, comme s’ils savaient lire ce code. C’est magnifique, mais on ne sait pas encore comment ça marche », ajoute Manuel Théry. Plus précisément, chacune des deux perles, alpha et bêta, constituant la tubuline possède une petite queue formée de quelques acides aminés. Cette chaîne, un peu comme la succession des bases A, C, G, T dans l’ADN des chromosomes, peut être modifiée : une « lettre », voire un accent, en moins ou en plus.

    Mais avec de grands effets. Cela peut suffire à modifier le destin des microtubules, comme l’ont montré les travaux pionniers de l’équipe de Carsten Janke depuis 2010. Il soupçonne que ce genre de perturbations pourrait expliquer certaines maladies comme la neurodégénérescence. De même, en avril dernier, une équipe de l’université de Pennsylvanie montrait comment des changements de lettres induisent une contraction du muscle cardiaque différente. « Tout se passe comme si le système avait une sorte de mémoire qui lui permet de fonctionner. C’est un code, mais un code “flou”, agissant par des signaux graduels, comme un rhéostat et non comme des signaux binaires comme en informatique, imagine Carsten Janke. C’est incroyable de voir que cette complexité est gérée par de si petits détails. »

    Cette machinerie laisse rêveur n’importe quel ingénieur. « Quel équivalent se construirait tout seul ? Se réparerait tout seul ? Grandirait d’un coup pour s’évanouir tout aussi rapidement et réapparaître à un autre endroit ? », s’interrogeait dans la revue Nature, le 26 avril, Gary Borisy. « Cela me rappelle un temple japonais vieux de plusieurs siècles et qui semble en parfait état, pour la bonne raison qu’il est démonté et reconstruit tous les vingt ans ! », ajoutait-il, de passage à Paris avant le congrès d’Heidelberg.

    De quoi faire rêver à des matériaux inspirés par ces propriétés qu’aucun ingénieur n’aurait pu imaginer. « C’est l’un des composants les plus jolis de la biologie avec des propriétés d’autoassemblage, d’autoréparation incroyables. Imaginez ce que pourraient faire un matelas ou une chaise ou un circuit électronique qui auraient des états différents entre le repos et l’action. Qui seraient dynamiques, mais pas trop », rêve Manuel Théry. « Evidemment, un problème est que tout cela se passe en milieu liquide. »

    Pour des anticancéreux moins toxiques

    Cette merveille physico-chimique n’intéresse pas seulement pour les questions fondamentales qu’elle pose, tant les pathologies associées aux microtubules sont nombreuses : cancer, microcéphalie, stérilité, neurodégénérescence, maladies cardiaques…

    « Nous devons comprendre pourquoi certaines cellules développent des résistances au Taxol, par exemple », indique Susan Horwitz, professeur au Collège Albert-Einstein de Médecine (New York), qui a découvert l’action du Taxol et qui, avec des chimistes, essaie de modifier légèrement des molécules actives déjà connues pour répondre à cette question ainsi qu’à celle des effets secondaires. Outre le Taxol, l’ixabepilone évite lui aussi la dépolymérisation de la tubuline et fige le cytosquelette, ce qui conduit à la mort cellulaire. A l’inverse, la colchicine, le nocodazol ou la vincristine bloquent la polymérisation et détruisent donc également la cellule. Pour éviter les effets secondaires liés à ces molécules qui affectent aussi bien les cellules cancéreuses que celles normales, l’équipe de l’Institute for Advanced Biosciences, à Grenoble, cible non pas directement les microtubules, mais des régulateurs de leur croissance. Dans la revue Cancer Research du 23 mai, elle a déjà démontré, chez la souris, des effets comparables au Taxol, mais avec une moindre toxicité.

    Ces dernières années, une nouvelle classe de pathologies a émergé : les ciliopathies. Comme leur nom l’indique, elles ont pour point commun des dysfonctionnements des « cils », minces filaments omniprésents dans bon nombre d’organismes : le flagelle des spermatozoïdes bien sûr, mais aussi ceux piquetés en surface de cellules du cerveau, des poumons ou des reins, où ils agitent les fluides présents et servent de capteurs… En cas de dysfonctionnement, c’est la stérilité, des problèmes de mémoire, des maladies rénales (comme la polykystose rénale), ou le syndrome de Bardet-Biedl, qui associe dégénérescence de la rétine et obésité… Et de quoi sont constitués ces cils ? De microtubules ! Ces derniers assurent le rôle mécanique en battant ou en tournant comme une hélice de bateau. Ils servent aussi de support pour le transport de signaux aux deux extrémités des cils. « Jusqu’aux années 2000, les grands pontes de la biologie cellulaire avaient décrété que le cil était un appendice de la cellule sans aucune fonction. Avant de changer d’avis avec la découverte de son lien avec les polykystoses rénales », indique Maxence Nachury, à l’université Stanford, qui a contribué à mettre en évidence le rôle des cils dans la transmission de signaux entre cellules. Juste retour des choses car, dans l’évolution, le système ciliaire est très primitif, ce qui fait des microtubules l’une des plus anciennes molécules du vivant.

    Responsables de défauts cérébraux

    La forte présence de tubuline dans le cerveau et l’importance des microtubules dans la migration cellulaire les rend responsables de bien des défauts cérébraux lorsque la belle mécanique s’enraye. Au congrès d’Heidelberg, Richard ­Vallee (université Columbia) a ainsi pointé un lien entre microtubules et microcéphalies. A l’inverse, les lissencéphalies, caractérisées par l’absence de plis du cortex cérébral, sont connues pour être associées à des mutations génétiques de la tubulaire.

    « Ce congrès était génial », se félicite Carsten Janke, devant tant de résultats et de perspectives. Ces spécialistes n’en font-ils pas trop avec leur molécule phare ? « Chaque biologiste a bien sûr sa protéine favorite et pense qu’elle est au centre du vivant, sourit Michel Bornens, mais les microtubules sont vraiment des polymères magiques. »
    « On parle sans cesse du génome, mais on oublie que c’est grâce aux produits du génome et en particulier aux propriétés d’auto-organisation du cytosquelette que nous fonctionnons », estime Eric Karsenti, Médaille d’or 2015 du CNRS, pionnier des recherches sur les microtubules, qui souligne également l’apport des physiciens et de leurs approches statistiques pour comprendre cette biochimie complexe. L’interdisciplinarité n’est sans doute pas de trop pour démêler tous ces fils…

  • Comment un rapport du CNRS sur l’impact du diesel sur la santé a été enterré

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/03/30/diesel-et-sante-comment-le-rapport-du-cnrs-a-ete-enterre_4892103_3244.html

    En 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait les échappements des moteurs diesel dans la catégorie des « cancérogènes certains » pour l’homme. Mais la prise de conscience des risques sanitaires de ce carburant, dans la société et le monde politique, aurait pu intervenir bien plus tôt. Selon nos informations, à l’automne 1997, une quarantaine de chercheurs français mettaient la dernière main à une expertise collective du CNRS intitulée « Diesel et santé », qui donnait déjà l’alerte sur le lien entre les fumées de ces moteurs et le risque de cancer. Ce rapport de 245 pages, l’un des documents scientifiques les plus ambitieux conduits à cette époque sur le sujet, a été enterré.

    Jamais publié, il est aujourd’hui à peu près introuvable ; il n’en reste que de très rares copies. La direction actuelle du CNRS ignorait jusqu’à son existence même ; sollicité par Le Monde, l’organisme de recherche a mis près de cinq mois à le retrouver, dans son dépôt d’archives de Gif-sur-Yvette (Essonne)… Le Monde a ainsi pu consulter une copie du document.

    Des auteurs très prudents

    Avec la prudence habituelle des scientifiques, les auteurs du rapport n’affichaient aucune certitude. « Mais il y avait clairement une alerte », dit l’un des auteurs du rapport, sous le couvert de l’anonymat. « L’action mutagène et génotoxique [qui peut provoquer des dommages à l’ADN] des émissions diesel a été démontrée in vitro, écrivaient les auteurs. A long terme, chez le rat, [elles] induisent la formation de tumeurs pulmonaires...

    (...) Les auteurs avaient ainsi rassemblé 25 études épidémiologiques sur le sujet, dont 22 montraient un risque accru de cancer du poumon chez les populations humaines exposées aux fumées du diesel. La moitié d’entre elles mettaient en évidence un risque statistiquement significatif.

    « En 1993, à mon arrivée au CNRS, je trouvais l’organisme assez timide sur les questions scientifiques en lien avec la société, par rapport à ce qui existait à l’Inserm, par exemple, raconte Pierre Tambourin, figure de la biologie française, à l’époque directeur du département des sciences de la vie du CNRS et aujourd’hui à la tête du Génopole d’Evry. J’ai consulté le directeur général de l’époque, Guy Aubert, sur l’opportunité de s’auto-saisir de la question de l’impact sanitaire du diesel, et il m’avait donné son accord. »

    Une quarantaine de scientifiques des universités ou des organismes de recherches publics ont ainsi été rassemblés par le CNRS, avec pour mission de produire une expertise collective sur le sujet.

    « Menace pour l’industrie automobile »

    Ce genre d’expertise a généralement une fonction de conseil pour la conduite des politiques publiques. Elle explore l’ensemble des aspects d’un sujet donné et son poids scientifique est très supérieur à celui d’une étude isolée. Plusieurs comités (sur la combustion des hydrocarbures, sur la toxicologie, l’aérologie, l’épidémiologie, etc.) ont ainsi été constitués en vue de réaliser l’expertise. Après plusieurs années de travail, le document a été finalisé en septembre 1997.

    « J’ai présenté les principales conclusions en comité de direction du CNRS et je me souviens de réactions assez négatives, poursuit M. Tambourin. Le rapport impliquait que les véhicules diesel soient tous équipés de filtres. Or à l’époque cette solution était économiquement viable pour les gros véhicules, pas pour les véhicules particuliers. Certains ont vu ce rapport comme une menace pour notre industrie automobile. »

    En 1997, c’est la nouvelle directrice générale du CNRS qui hérite de la patate chaude. « J’ai transmis le rapport à ma tutelle, c’est-à-dire au ministère de la recherche, raconte la physicienne Catherine Bréchignac, aujourd’hui secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. Je l’ai transmis une fois, deux fois et je n’ai eu aucun retour. De guerre lasse, j’ai fait ce que je devais et pouvais faire : nous avons publié un communiqué de presse, sans publier le rapport, qui était toutefois consultable au CNRS. »

    A cette même époque, Claude Allègre, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, s’opposait à la publication d’une autre expertise collective : le 16 octobre 1997, la revue Nature avait déclenché un scandale en révélant que M. Allègre bloquait la publication du rapport de l’Inserm sur l’amiante – révélations qui ont conduit à ce que le document en question soit finalement publié.

    Peu accoutumés à travailler sur ce type d’expertise – c’était la première du genre organisée par le CNRS –, les auteurs du rapport sur le diesel ne se sont, quant à eux, pas offusqués de ne pas voir leur travail rendu public. « Au départ, on ne nous avait pas dit si le rapport allait être publié ou non, se souvient l’un des auteurs. Je me suis demandé pendant un temps ce qu’ils allaient en faire et puis ça m’est sorti de l’esprit. Mais je ne me faisais pas trop d’illusions : à l’époque, les constructeurs français vendaient leurs diesels au monde entier. »

    La non-publication de l’expertise est donc passée inaperçue. Tout autant d’ailleurs que le communiqué de presse censé lui rendre justice. Diffusé le 27 août 1998, le texte n’évoque aucun des risques sanitaires soulevés par le rapport lui-même.

    Au contraire, il ne traite que des incertitudes, annonçant que l’expertise conduite a relevé « la complexité de l’analyse de la pollution imputable spécifiquement aux véhicules diesel ». « Les données existantes (...) ne permettent pas d’isoler ce qui a trait spécifiquement au diesel, ajoute le communiqué. (...) Enfin, les données sur la qualité de l’air sont agrégées et ne permettent pas de distinguer les sources de rejet de polluants. » Loin de relayer l’alerte portée par le rapport, le communiqué a plutôt cherché à diluer la responsabilité du diesel dans la pollution atmosphérique.

    Diluer la perception des risques

    « Le CNRS, les constructeurs automobiles PSA et Renault, les représentants des pétroliers Total et Elf ont décidé de poursuivre leur investigation, en partenariat avec l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité et l’Inserm, poursuivait le texte. Un groupe de travail est constitué (...), chargé de poursuivre les études (...). La première réunion de travail de ce groupe doit se tenir au mois d’octobre [1998]. »

    Rendu public en plein mois d’août, le communiqué avait d’ailleurs échappé à plusieurs des auteurs du rapport contactés par Le Monde, qui s’étonnent aujourd’hui de la mention des constructeurs automobiles et des pétroliers. « On n’a travaillé uniquement entre académiques, à aucun moment nous n’avons été en contact avec des industriels, en tout cas dans mon groupe de travail », confie un chercheur qui a contribué au chapitre sur la toxicologie. « Les industriels ont été mentionnés car nous leur avons adressé le rapport final, puisqu’ils étaient les premiers concernés, répond Mme Bréchignac. En ce sens, je pense d’ailleurs que cette expertise n’est pas restée complètement lettre morte puisqu’il y a eu, depuis, beaucoup de progrès accomplis sur les pots catalytiques. »

    Quant au groupe de travail commun entre organismes publics et industriels, mentionné par le communiqué et censé avoir poursuivi les études sur le sujet, il semble n’avoir jamais existé. Interrogés, ni le CNRS, ni l’Inserm n’en ont retrouvé la moindre trace.

  • Faut-il parier sur l’intelligence du lecteur ? - La République Des Livres par Pierre Assouline
    http://larepubliquedeslivres.com/faut-il-parier-sur-lintelligence-du-lecteur/#comment-105208

    Faut-il parier sur l’intelligence du lecteur ?
    LE 30 SEPTEMBRE 2013
    Mais oui, c’est possible : des traducteurs peuvent se réunir trois jours durant sans qu’il soit question de éternel dilemme « Fidélité ou trahison « , ou de « L’intraductibilité de la poésie », et sans que s’affrontent « ciblistes » et « sourcistes ». Ca change ! C’était ce week-end au Moulin de la Tuilerie sis à Gif-sur-Yvette (Essonne), la première édition du Festival VO-VF organisé par des libraires Sylvie Melchiori (La Vagabonde à Versailles), Hélène Pourquié et Pierre Morize (Liragif à Gif-sur-Yvette), avec une équipe de bénévoles constituée de leurs plus fidèles clients. Songez qu’à la table commune, parmi ceux qui avaient mis la main à la pâte, c’est le cas de le dire, un astrophysicien avait roulé la semoule du couscous du dîner samedi, ce qui ne fut certainement pas étranger à sa légèreté aérienne. Trois jours durant, si des traducteurs étaient bien à la tribune, ils étaient minoritaires dans le public constitué pour l’essentiel d’amateurs de littérature étrangère. A glaner des échanges d’un débat à l’autre des préoccupations communes surgissaient autour de quelques thèmes.

    Faut-il parier sur l’intelligence du lecteur ? Si c’est un problème pour l’auteur, ca l’est plus encore pour un traducteur. Alors vous imaginez si les deux se superposent. Un double pari. L’américaniste Claro avait déjà donné le ton la veille sur son blog Le Clavier cannibale par un billet consacré à l’angoisse du traducteur au moment de la note en bas de page : la mettre ou pas ? Il esquissait la remarque à propos d’un roman turc dans lequel sa consoeur se demandait s’il fallait traduire simit par une note indiquant qu’il s’agit d’un petit pain en couronne couvert de graines de sesame, ou s’abstenir et faire confiance à sa compétence ? Dès lors qu’il ne s’agit pas d’un hapax, et que le contexte peut à plusieurs reprises l’expliquer, pourquoi pas ?

    Johan-Frédérik El-Guedj, fut confronté à un problème semblable en traduisant de l’anglais Le seigneur de Bombay écrit en hindi par Vikram Chandra qui truffa sa langue d’argot pendjabi. Perplexe, le traducteur, qui n’hésita pas à trouver des mots que les Indiens souvent ignorent, usa alternativement de deux solutions : soit glisser une rapide périphrase au sein de la phrase, soit ne pas traduire et laisser le mot original en italiques : « Grâce à sa récurrence, le lecteur finit par le comprendre. Il faut parier sur son intelligence ». On peut en tout cas parier sur celle du traducteur qui, pour s’approprier le lexique argotique indien, s’est inspiré du lexique de cooptation mafieuse des films de Martin Scorcese, car les logiques claniques y sont les mêmes. A noter que rien ne vieillit comme l’argot, tous les traducteurs présents en convinrent ; c’est même ce qui date très vite un texte, lequel vieillit mal à cause de cette concession à l’air du temps. Cela dit, bien malin sera le lecteur qui décèlera dans trois chapitres du Seigneur de Bombay des références cryptées au Bruit et la fureur de Faulkner…

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