city:irvine

  • #Perturbateurs_endocriniens : halte à la manipulation de la science
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/29/halte-a-la-manipulation-de-la-science_5039860_3232.html

    Près de cent scientifiques dénoncent la #fabrication_du_doute par les industriels, déjà à l’œuvre dans la lutte contre le changement climatique.
    […]
    Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement.

    #paywall

    • Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement.

      Les « marchands de doute » sont à l’œuvre dans plusieurs domaines, comme les industries du tabac et de la pétrochimie ou le secteur agrochimique. A elle seule, l’industrie pétrochimique est la source de milliers de produits toxiques et contribue à l’augmentation massive des niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique, à l’origine du changement climatique.

      La lutte pour la protection du climat est entrée dans une nouvelle ère avec l’accord de Paris de 2015, malgré la farouche opposition de climatosceptiques sourds au consensus établi par les scientifiques engagés pour travailler dans l’intérêt général.

      Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement.

      JAMAIS L’HUMANITÉ N’A ÉTÉ CONFRONTÉE À UN FARDEAU AUSSI IMPORTANT DE MALADIES EN LIEN AVEC LE SYSTÈME HORMONAL

      Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal : cancers du sein, du testicule, de l’ovaire ou de la prostate, troubles du développement du cerveau, diabète, obésité, non-descente des testicules à la naissance, malformations du pénis et détérioration de la qualité spermatique.

      La très grande majorité des scientifiques activement engagés dans la recherche des causes de ces évolutions préoccupantes s’accordent pour dire que plusieurs facteurs y contribuent, dont les produits chimiques capables d’interférer avec le système hormonal.

      Des sociétés savantes signalent que ces produits chimiques, appelés les perturbateurs endocriniens, constituent une menace mondiale pour la santé. Parmi ceux-ci : les retardateurs de flamme présents dans les meubles et l’électronique, les agents plastifiants dans les matières plastiques et les produits d’hygiène, ou encore les résidus de pesticides dans notre alimentation. Ils peuvent interférer avec les hormones naturelles lors de périodes critiques du développement, pendant la grossesse ou la puberté, lorsque notre organisme est particulièrement vulnérable.

      Une réglementation nécessaire

      On ne peut faire face à ce fardeau croissant de maladies à l’aide de meilleurs traitements médicaux : non seulement ces traitements n’existent pas toujours, mais les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé sont bien souvent irréversibles. Les possibilités de réduire notre exposition à un niveau individuel en évitant certains produits de consommation sont, elles aussi, limitées. La plupart de ces substances atteignent notre organisme par le biais de notre alimentation.

      Seule solution pour enrayer la hausse des maladies liées au système hormonal : prévenir l’exposition aux produits chimiques à l’aide une réglementation plus efficace. Or le projet d’établir une réglementation de ce type dans l’Union européenne est activement combattu par des scientifiques fortement liés à des intérêts industriels, produisant l’impression d’une absence de consensus, là où il n’y a pourtant pas de controverse scientifique. Cette même stratégie a été utilisée par l’industrie du tabac, contaminant le débat, semant le doute dans la population et minant les initiatives des dirigeants politiques et des décideurs pour développer et adopter des réglementations plus efficaces.

      Les discussions sur le changement climatique et sur les perturbateurs endocriniens ont toutes deux souffert de cette déformation des preuves scientifiques par des acteurs financés par l’industrie.

      La plupart des scientifiques pensent qu’exprimer publiquement leur point de vue sur des questions politiques et participer aux débats de société pourrait compromettre leur objectivité et leur neutralité. Ce serait effectivement inquiétant si nos opinions politiques obscurcissaient notre jugement scientifique. Mais ce sont ceux qui nient la science qui laissent leurs opinions politiques obscurcir leur jugement. Avec, pour conséquence, des dommages irréparables. La manipulation de la science concernant les effets de la fumée du tabac a coûté des millions de vies. Nous ne devons pas refaire la même erreur.

      Une urgence

      Nous considérons qu’il n’est plus acceptable de nous taire. En tant que scientifiques, nous avons en fait l’obligation de participer au débat et d’informer le public. Nous avons la responsabilité de rendre visibles les implications de nos travaux pour la société et les générations futures, et d’attirer l’attention sur les graves dangers qui nous menacent.

      Les enjeux sont importants, et l’action politique pour endiguer l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les conséquences des émissions de gaz à effet de serre est devenue une urgence.

      Scientifiques spécialistes des perturbateurs endocriniens ou du changement climatique, nous avons uni nos forces, car un grand nombre d’actions essentielles à la limitation des effets des perturbateurs endocriniens contribueront également à lutter contre le changement climatique.

      La plupart des substances chimiques synthétisées par l’homme sont des dérivés de combustibles fossiles produits par l’industrie pétrochimique. Une réduction de la quantité de pétrole raffiné permettra aussi de réduire la quantité de sous-produits utilisés dans les plastiques et celle de plastifiants : ces produits chimiques compromettent la santé reproductive masculine et contribuent au risque de certains cancers.

      Une réduction de la dépendance aux combustibles fossiles et un encouragement au développement des énergies alternatives entraîneront non seulement une baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de celles de mercure. Ce dernier, un contaminant issu du charbon, émis dans l’air et accumulé dans le poisson, finit par atteindre nos organismes et compromet le développement du cerveau.

      Créer l’équivalent du GIEC

      Bien que de nombreux Etats aient exprimé la volonté politique de traiter le problème des gaz à effet de serre, la traduction des connaissances scientifiques sur le changement climatique en action politique effective a été bloquée, notamment à cause de la désinformation du public et des dirigeants. Les gouvernements sont déjà en retard. Il est important de ne pas répéter ces erreurs avec les perturbateurs endocriniens, et d’apprendre de l’expérience des scientifiques du climat et de la recherche en santé publique.

      DANS LA PRATIQUE, IL SERA TRÈS DIFFICILE DE RECONNAÎTRE UNE SUBSTANCE DANGEREUSE COMME PERTURBATEUR ENDOCRINIEN DANS L’UNION EUROPÉENNE

      La Commission européenne a maintenant l’opportunité de choisir des instruments de réglementation qui pourront fixer de nouveaux standards pour le monde entier afin de nous protéger des effets nocifs des perturbateurs endocriniens.

      Nous sommes cependant préoccupés par les options réglementaires que propose aujourd’hui Bruxelles, très éloignées des mesures nécessaires pour protéger notre santé et celle des générations futures.

      Les options proposées pour identifier les perturbateurs endocriniens requièrent un niveau de preuve bien plus élevé que pour d’autres substances dangereuses, comme celles cancérigènes. Dans la pratique, il sera très difficile de reconnaître une substance dangereuse comme perturbateur endocrinien dans l’Union européenne.

      Des actions urgentes sont nécessaires sur les deux thèmes. Pour cette raison, nous appelons au développement et à la mise en œuvre de mesures qui s’attaqueraient aux perturbateurs endocriniens et au changement climatique de façon coordonnée.

      Un moyen efficace pourrait être la création, sous les auspices de l’Organisation des Nations unies, d’un groupe ayant le même statut international et les mêmes prérogatives que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ce groupe serait chargé d’évaluer les connaissances scientifiques destinées aux responsables politiques dans l’intérêt général et mettrait la science à l’abri de l’influence des intérêts privés. Nous le devons aux générations qui vivront demain.

      Les premiers signataires de ce texte sont : Andreas Kortenkamp, université Brunel (Royaume-Uni) ; Barbara Demeneix, CNRS/Muséum national d’histoire naturelle ; Rémy Slama, Inserm, université Grenoble-Alpes ; Edouard Bard, Collège de France ; Ake Bergman, université de Stockholm (Suède) ; Paul R. Ehrlich, université Stanford (Etats-Unis) ; Philippe Grandjean, Harvard Chan School of Public Health (Etats-Unis) ; Michael E. Mann, université Penn State (Etats-Unis) ; John P. Myers, université Carnegie Mellon (Etats-Unis) ; Naomi Oreskes, université Harvard (Etats-Unis) ; Eric Rignot, université de Californie (Etats-Unis) ; Thomas Stocker, université de Berne (Suisse) ; Kevin Trenberth, National Centre for Atmospheric Research (Etats-Unis) ; Carl Wunsch, Massachusetts Institute of Technology (Etats-Unis) ; et R. Thomas Zoeller, université du Massachusetts à Amherst (Etats-Unis).

      Sont également signataires de ce texte
      Ernesto Alfaro-Moreno, centre de recherche Swetox (Suède) ; Anna Maria Andersson, Rigshospitalet (Danemark) ; Natalie Aneck-Hahn, université de Pretoria (Afrique du Sud) ; Patrik Andersson, université d’Umeå (Suède) ; Michael Antoniou, King’s College (Royaume-Uni) ; Thomas Backhaus, université de Göteborg (Suède) ; Robert Barouki, université Paris-Descartes (France) ; Alice Baynes, université Brunel (Royaume-Uni) ; Bruce Blumberg, université de Californie à Irvine (Etats-Unis) ; Carl-Gustaf Bornehag, université de Karlstad (Suède) ; Riana Bornman, université de Pretoria (Afrique du Sud) ; Jean-Pierre Bourguignon, université de Liège (Belgique) ; François Brion, Ineris (France) ; Marie-Christine Chagnon, Inserm (France) ; Sofie Christiansen, université Technique du Danemark (Danemark) ; Terry Collins, université Carnegie Mellon (Etats-Unis) ; Sylvaine Cordier, Irset (France) ; Xavier Coumol, université Paris-Descartes (France) ; Susana Cristobal, université de Linköping (Suède) ; Pauliina Damdimopoulou, hôpital universitaire Karolinska (Suède) ; Steve Easterbrook, université de Toronto (Canada) ; Sibylle Ermler, université Brunel (Royaume-Uni) ; Silvia Fasano, université de Campania - Luigi Vanvitelli (Italie) ; Michael Faust, F + B Environmental Consulting (Allemagne) ; Marieta Fernandez, université de Grenade (Espagne) ; Jean-Baptiste Fini, CNRS/Muséum national d’histoire naturelle (France) ; Steven G. Gilbert, Institute of neurotoxicology & neurological disorders (Etats-Unis) ; Andrea Gore, université du Texas (Etats-Unis) ; Eric Guilyardi, université de Reading (Royaume-Uni) ; Åsa Gustafsson, Swetox (Suède) ; John Harte, université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) ; Terry Hassold, université d’Etat de Washington (Etats-Unis) ; Tyrone Hayes, université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) ; Shuk-Mei Ho, université de Cincinnati (Etats-Unis) ; Patricia Hunt, université d’Etat de Washington (Etats-Unis) ; Olivier Kah, université de Rennes (France) ; Harvey Karp, université de Californie du Sud (Etats-Unis) ; Tina Kold Jensen, université du Danemark du Sud (Danemark) ; Sheldon Krimsky, université Tufts (Etats-Unis) ; Henrik Kylin, université de Linköping (Suède) ; Susan Jobling, université Brunel (Royaume-Uni) ; Maria Jönsson, université d’Uppsala (Suède) ; Bruce Lanphear, université Simon Fraser (Canada) ; Juliette Legler, université Brunel (Royaume-Uni) ; Yves Levi, université Paris Sud (France) ; Olwenn Martin, université Brunel (Royaume-Uni) ; Angel Nadal, université Miguel Hernández (Espagne) ; Nicolas Olea, université de Grenade (Espagne) ; Peter Orris, université de l’Illinois (Etats-Unis) ; David Ozonoff, université de Boston (Etats-Unis) ; Martine Perrot-Applanat, Inserm (France) ; Jean-Marc Porcher, Ineris (France) ; Christopher Portier, Thun, (Suisse) ; Gail Prins, université de l’Illinois (Etats-Unis) ; Henning Rodhe, université de Stockholm (Suède) ; Edwin J. Routledge, université Brunel (Royaume-Uni) ; Christina Rudén, université de Stockholm (Suède) ; Joan Ruderman, Harvard Medical School (Etats-Unis) ; Joelle Ruegg, institut Karolinska (Suède) ; Martin Scholze, université Brunel (Royaume-Uni) ; Elisabete Silva, université Brunel (Royaume-Uni) ; Niels Eric Skakkebaek, Rigshospitalet (Danemark) ; Olle Söder, institut Karolinska (Suède) ; Carlos Sonnenschein, université Tufts (Etats-Unis) ; Ana Soto, université Tufts (Etats-Unis) ; Shanna Swann, Icahn School of Medicine (Etats-Unis) ; Giuseppe Testa, université de Milan (Italie) ; Jorma Toppari, université de Turku (Finlande) ; Leo Trasande, université de New York (Etats-Unis) ; Diana Ürge-Vorsatz, université d’Europe centrale (Hongrie) ; Daniel Vaiman, Inserm (France) ; Laura Vandenberg, université du Massachusetts, (Etats-Unis) ; Anne Marie Vinggaard, université technique du Danemark (Danemark) ; Fred vom Saal, université du Missouri (Etats-Unis) ; Jean-Pascal van Ypersele, université catholique de Louvain (Belgique) ; Bernard Weiss, université de Rochester (Etats-Unis) ; Wade Welshons, université de Missouri (Etats-Unis) ; Tracey Woodruff, université de Californie à San Francisco (Etats-Unis).

  • Climat : les mauvaises nouvelles s’accumulent

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/09/27/les-mauvaises-nouvelles-s-accumulent-sur-le-front-climatique_5003829_3244.ht

    Que l’on regarde l’élévation du mercure ou les revues scientifiques, les nouvelles du climat ne sont franchement pas bonnes. Côté thermomètre, la National Oceanic and Atmospheric Administration américaine vient d’annoncer que le mois d’août avait été, en moyenne mondiale, le plus chaud jamais observé depuis le début des relevés en 1880. Pour ne rien arranger, il est aussi le seizième mois consécutif à battre son record de température – une telle séquence n’a jamais été enregistrée en 137 ans de mesures.

    Les derniers travaux de recherche publiés dans les revues savantes – sur l’élévation future des températures, sur la capacité des sols à éponger les émissions humaines de gaz à effet de serre ou sur la stabilité des glaciers polaires – ne sont pas plus réjouissants.

    Comme souvent en matière climatique, les mauvaises nouvelles viennent aussi de l’étude des climats du passé. Mardi 27 septembre, la revue Nature Climate Change devait publier la première reconstruction continue des températures terrestres au cours des deux derniers millions d’années, suggérant une sensibilité du climat au dioxyde de carbone (CO2) bien plus forte qu’estimée généralement.

    Selon l’auteure de ces travaux, Carolyn Snyder, chercheuse à l’Environmental Protection Agency de Washington, le corollaire de cette reconstruction est que les niveaux atmosphériques actuels de CO2 – environ 400 parties par million (ppm) – pourraient mettre la planète sur la voie d’un réchauffement à long terme de quelque 5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

    Très impressionnants, ces chiffres doivent être pris avec grande précaution. D’abord, ils représentent un réchauffement attendu sur des échelles de temps de l’ordre du millénaire – le temps nécessaire à certains grands processus (redistribution de la végétation, fonte des glaces, etc.) de s’accomplir et se stabiliser. Ensuite, ils sont très supérieurs aux chiffres généralement acceptés par les scientifiques. Selon l’analyse de Carolyn Snyder, atteindre 550 ppm, soit un doublement du CO2 atmosphérique par rapport au XIXe siècle, conduirait ainsi sur le très long terme à un réchauffement de… 9 °C !

    Grande prudence

    « Cette estimation est tellement au-dessus de celles qui prévalent actuellement, autour de 5 °C à 6 °C, qu’elle doit être considérée comme une singularité et doit être traitée avec un niveau de scepticisme approprié », estime le paléoclimatologue Michael Mann, professeur à l’université de Pennsylvanie. Une grande prudence partagée par plusieurs chercheurs cités par la revue Nature. M. Mann s’interroge notamment sur le caractère représentatif de la soixantaine d’échantillons de sédiments marins analysés pour reconstruire les températures passées.

    « Je vois cette étude comme provocante et intéressante, ajoute-t-il, mais ces estimations chiffrées doivent être prises avec des pincettes jusqu’à ce qu’elles soient examinées soigneusement par la communauté scientifique. »

    Toutefois, ajoute en substance le chercheur, si ces chiffres étaient confirmés, ils signifieraient que la sensibilité climatique à court terme – celle qui se joue à l’échelle du siècle et qui intéresse plus particulièrement les humains – serait plus élevée que les estimations actuelles.

    Celles-ci reposent en partie sur des modèles de simulation du climat, qui situent aujourd’hui l’augmentation de la température moyenne entre 1,5°C et 4,5 °C pour un doublement de la concentration atmosphérique de CO2. Fourchette qu’il faudra donc, peut-être, revoir à la hausse. De quoi rendre plus compliqué encore le respect des engagements des Etats à maintenir le thermomètre terrestre « nettement en dessous de 2 °C » de réchauffement.

    Rôle tampon de l’agriculture

    D’autres mauvaises nouvelles pourraient conduire à une telle révision. Dans l’édition de la revue Science du 23 septembre, la biogéochimiste Yujie He (université de Californie à Irvine) et ses coauteurs publient une série de mesures montrant que le carbone présent dans le premier mètre de sol est bien plus vieux que ce que simulent les modèles numériques.

    En clair, écrivent les chercheurs, « les modèles surestiment le potentiel de séquestration du carbone par les sols de près d’un facteur deux ». Lorsqu’ils simulent le climat futur, les modèles attribuent donc aux sols une capacité à éponger le CO2 – en stockant plus ou moins durablement les débris végétaux, par exemple – beaucoup plus importante qu’elle ne l’est en réalité… « En conséquence, une plus grande fraction des émissions humaines de CO2 pourrait demeurer dans l’atmosphère et contribuer au réchauffement », concluent les auteurs.

    Une conclusion que tempère toutefois Jean-François Soussana, directeur scientifique chargé de l’environnement à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Selon le chercheur, qui n’a pas participé à ces travaux, une grande part de l’erreur des modèles concerne surtout les couches les plus profondes du sol, c’est-à-dire le vaste stock de carbone enfoui « entre 20 cm à 40 cm, et un mètre de profondeur », explique-t-il.

    Or l’objectif de ralentir le changement climatique en adaptant les usages des sols (agriculture, foresterie, etc.) pour y accumuler du carbone, précise M. Soussana, « porte uniquement sur l’horizon de surface, c’est-à-dire jusqu’à 40 cm de profondeur ». Rendre l’agriculture « climatiquement vertueuse » et lui faire jouer un rôle tampon reste donc possible.

    Ralentir la dislocation des calottes de glace polaires sera en revanche beaucoup plus compliqué. Or, dernière mauvaise nouvelle, l’inlandsis du Groenland perd ses glaces plus rapidement que les mesures satellites ne l’ont jusqu’ici suggéré. Dans la dernière édition de la revue Science Advances, une équipe de chercheurs européens et américains revoit à la hausse la masse glaciaire perdue par la grande île. En tenant compte des mouvements du manteau terrestre, il faudrait, selon les auteurs, ajouter environ 8 % aux décharges de glace mesurées jusqu’à présent. Soit l’équivalent de 20 milliards de tonnes par an.

    La correction peut sembler mineure. Mais le Groenland est un contributeur important à la hausse du niveau marin. Surtout, les spécialistes n’ont cessé d’aggraver, au cours des dernières années, leur diagnostic sur la stabilité de ses glaces. C’est le cas dans la majorité des compartiments de la science climatique : la réalité excède bien souvent les prévisions des chercheurs.

  • Des chercheurs ont fabriqué par erreur des batteries qui durent 400 fois plus longtemps

    http://www.slate.fr/story/117167/batteries-longue-duree

    Des chercheurs de l’université de Californie à Irvine ont réussi à produire des batteries qui durent 400 fois plus longtemps... par hasard !

    Leur idée de départ était de fabriquer des charges solides, raconte le site Popular Science. Vous ne le savez peut-être pas, mais, actuellement, les batteries sont pleines de liquide (du lithium), ce qui les rend extrêmement combustibles et sensibles aux variations de températures. Pour les rendre solides, ils ont utilisé des nanofils d’or, recouverts d’oxyde de manganèse et protégés de gel électrolyte.

    Lorsqu’ils ont testé les batteries, les chercheurs se sont aperçus qu’ils pouvaient les charger et décharger près de 200.000 fois sans qu’elles ne perdent leurs propriétés. Ils ne comprennent pas encore précisément ce qui leur permet d’être aussi résistantes, mais il semblerait que cela soit dû au gel electrolyte.

  • Biotrial : de nouvelles révélations troublantes dans l’essai clinique mortel de Rennes | Actualité | LeFigaro.fr - Santé
    http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/02/24/24667-biotrial-nouvelles-failles-beantes-dans-lessai-clinique-mortel-

    Interrogé par Le Figaro, Dominique Martin, le directeur général de l’#ANSM, explique, agacé : « Nous avons donné toutes les informations que l’on pouvait. La #propriété industrielle, ça existe. » Peu lui importe que toute l’Europe sanitaire (industriels du médicament, agences, sociétés savantes) réclame avec insistance, et parfois publiquement (pour la British Pharmacological Society et la Royal Statistical Society), la divulgation complète des #données. Peu importe que ces mêmes instances ne comprennent pas le silence assourdissant que leur oppose l’ANSM.

    Et quand ce n’est pas le silence, le public n’a droit qu’à des bribes d’information. Ainsi le comité de spécialistes temporaires (CSST) formé par l’ANSM dans son relevé de conclusion de la réunion du 15 février explique-t-il avoir noté chez les volontaires atteints « des micro-atteintes tissulaires cérébrales de sévérité variable, avec une topographie tout à fait inhabituelle, mais, comme la symptomatologie clinique, homogène entre les personnes ». Fermez le ban.

    #santé

    • On comprend que les patients du groupe hospitalisé ont bien une atteinte du cerveau dans une zone inattendue. Mais laquelle ? Interrogé sur ce point crucial, le directeur de l’ANSM lâche du bout des lèvres : « À la base du crâne. » Certes, mais encore ? « Secret médical. » Selon nos informations, il s’agit de l’hippocampe et du pont, au cœur du cerveau. On comprend mieux l’inquiétude manifestée lors de la conférence de presse du 15 janvier par le Pr Gilles Edan, chef du pôle neurosciences du CHU de Rennes. Il expliquait : « Trois personnes ont déjà des tableaux (symptômes, NDLR) suffisamment sévères pour craindre un handicap irréversible mais on ne peut pas faire de pronostic définitif. » Aujourd’hui les cinq patients semblent tirés d’affaire.

      Complété par le chapeau de l’article

      … quatre des cinq personnes survivantes ont souffert de lésions profondes du cerveau ayant entraîné des troubles de la coordination des mouvements.

      Et aussi,

      Enfin, les données dites précliniques, c’est-à-dire les essais réalisés sur les animaux, pourraient bien receler une information explosive. La molécule testée sur des chiens a entraîné la mort de plusieurs d’entre eux, selon cette même source. Une information « d’une importance considérable. Cela peut être un vrai signal d’alerte », estime le Pr Daniele Piomelli, professeur de neurobiologie et de pharmacologie à l’université de Californie à Irvine. Mais ces données fondamentales sont, elles aussi, toujours cachées.

      Et donc, cachées aux sujets de l’expérience, à qui l’on demande un #consentement_éclairé.

    • Essai clinique de Rennes : à quoi sert une phase préclinique
      http://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/14376-Essai-clinique-de-Rennes-a-quoi-sert-une-phase-preclinique

      Plusieurs chiens sont morts au cours des tests qui ont précédé les essais cliniques menés chez l’homme, et qui ont abouti au décès, en janvier dernier, d’un volontaire et à l’hospitalisation de cinq autres. Cette information clôt l’enquête du Figaro de ce 25 février. L’ANSM s’est empressée de réagir à cette information dans un communiqué de presse.

      « Des décès ont été constatés chez le chien », admet l’Agence qui souligne qu’un tel événement n’empêche pas la tenue d’essais chez l’être humain. En effet, la phase préclinique menée chez l’animal a pour objectif de mieux comprendre le mécanisme d’action d’une molécule, son activité mais aussi sa dose toxique. Il n’est donc pas rare que des décès surviennent à cette étape. « Dans le cadre de ces études de toxicologie, des doses très élevées sont administrées afin de déterminer les doses maximales tolérées, pouvant s’avérer létales chez l’animal », explique l’ANSM. Des règles internationales strictes encadrent toutefois ces recherches. Les doses auxquelles sont exposées les animaux sont généralement supérieures à celles administrées à l’homme.
      […]
      De son côté, le centre d’essais cliniques Biotrial a réagi ce vendredi par voie de communiqué. Après avoir rappelé dans quel cadre la société mène ses activités, elle demande aux médias ne plus associer son seul nom à ce dossier. Par un raccourci qui lui porte préjudice, l’affaire est souvent présentée comme « l’affaire Biotrial ». Or, « il convient de rappeler que Biotrial n’est pas responsable du décès du volontaire », précise ainsi la société.

    • Essai clinique de Rennes : « Je suis un miraculé » | Actualité | LeFigaro.fr - Santé
      http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/02/29/24680-essai-clinique-rennes-je-suis-miracule

      Le lendemain de l’hospitalisation du patient ayant finalement perdu la vie, un volontaire de l’essai clinique de Rennes présente ses premiers symptômes. Toujours atteint de séquelles neurologiques, il raconte son calvaire.
      Le témoignage, paru lundi dans le journal Le Maine libre, de l’une des victimes de l’essai clinique de Rennes apporte des éléments nouveaux sur la gravité de ses troubles neurologiques, et sur la manière dont la crise a été gérée par l’entreprise Biotrial.
      […]
      D’après son témoignage, il a commencé à souffrir de maux de tête le 11 janvier, soit le lendemain de l’admission aux urgences du patient qui est décédé six jours plus tard. « J’ai dit mes symptômes aux médecins et infirmiers. On m’a donné du Doliprane. Le lendemain, ça n’allait plus. J’avais encore plus mal à la tête, et c’était noir sous mes paupières. Un médecin m’a donné une poche de glace et encore du Doliprane. »

  • Le moustique OGM contre le paludisme

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/01/25/le-moustique-ogm-contre-le-paludisme_4853263_1650684.html

    La première fois, il a glissé son badge devant le détecteur sans rien dire. L’ascenseur a pris le chemin du sous-sol. A la porte du laboratoire, il a de nouveau présenté sa clé magnétique, puis tapoté des chiffres sur le Digicode, en s’excusant poliment cette fois. «   C’est un peu fastidieux, mais nous ­devons être prudents  », a murmuré Tony Nolan. Le temps de faire cinq pas. Nouvelle porte, ou plutôt double porte, avec bien sûr le badge, et en prime, cette fois, un immense souffle d’air sur la nuque. «  Jusqu’ici, c’était surtout pour vous empêcher d’entrer  ; là, c’est pour empêcher les moustiques de sortir, a souri le biologiste. Et pour eux, il y a encore deux niveaux de protection.  » Dans la pièce tempérée à 28 °C et 80 % d’humidité, il a désigné la dizaine d’armoires transparentes abritant chacune une quinzaine de petites serres, hermétiquement closes et remplies d’Anopheles gambiae, l’insecte vecteur du paludisme en Afrique. «  Aucun ne doit pouvoir s’échapper… Et surtout pas ceux-là  », a-t-il ajouté, en montrant les deux enceintes barrées de l’inscription «  Gene drive  ».

    Depuis quelques mois, ces deux mots déchaînent les passions dans le monde de la biologie. Ici, à l’Imperial College de Londres, comme dans de nombreuses équipes à travers le monde, on y voit une source d’immense espoir. Le moyen de débarrasser notre planète de certaines des pires maladies parasitaires dont elle est infestée   : la dengue, le chikungunya, le tout nouveau virus Zika, terreur des femmes enceintes, et surtout le paludisme...(...)

    Aux Etats-Unis, l’Académie des sciences, saisie par des citoyens inquiets, devrait se prononcer d’ici peu. L’Organisation mondiale
    de la santé (OMS) comme l’Union européenne restent pour l’instant muettes. Quant à la France, elle a commandé, en urgence, une étude au Haut Conseil des biotechnologies, qui devrait rendre sa copie en juin.

    Mais de quoi s’agit-il exactement ? Pour traduire l’expression anglaise gene drive, Eric Marois, chercheur coresponsable du groupe Anopheles (Inserm/CNRS) à l’université de Strasbourg, a opté pour « forçage génétique ». Il s’agit en effet de violer les fameuses lois de Mendel pour répandre un caractère donné dans l’ensemble d’une population. Lors de la reproduction sexuée, un caractère porté sur un chromosome d’un des deux parents n’a qu’une chance sur deux d’être transmis à la génération suivante. Le forçage génétique consiste à dépasser ce seuil et transmettre ce caractère à 100 % de la descendance.

    Imaginez alors : vous introduisez dans une population d’anophèles quelques moustiques porteurs d’un gène de résistance au paludisme. Les insectes qui en sont pourvus ne permettent plus au plasmodium, le parasite qui provoque le paludisme, de se développer dans leur organisme. Ils ne transmettent donc plus la maladie. Chaque fois qu’un animal modifié s’accouple avec un animal « normal », toute la descendance devient résistante. En quelques générations, le tour est joué.

    L’idée de combattre l’animal par lui-même ne date pas d’hier. Dans les années 1950, les entomologistes américains Raymond Bushland et Edward Knipling conçoivent la technique dite des mâles stériles. Elle consiste à noyer une population d’insectes sous un torrent de mâles stériles. Les femelles ne s’accouplant généralement qu’une fois dans leur vie, la population décline de façon vertigineuse. Cette méthode permettra dans les trois décennies suivantes de venir à bout, dans plusieurs pays africains et américains, de la terrible lucilie bouchère, cette « mouche dévoreuse d’hommes » dont les larves transforment de simples coupures en plaies ouvertes et purulentes. Sauf que l’irradiation utilisée avec succès pour stériliser les mouches laisse les moustiques largement infirmes. Incapables, en tout cas, de rivaliser avec les mâles sauvages.

    Née à l’université d’Oxford, la start-up Oxitec a alors proposé une technique similaire fondée, cette fois, sur le génie génétique. Les mâles modifiés transmettent à leur progéniture un gène qui bloque leur développement. Les larves meurent avant leur maturité. Expérimentée depuis six ans sur le moustique de la dengue dans certains pays (Malaisie, îles Caïman, Brésil), la méthode présente de nombreux atouts. Mais aussi un sérieux défaut : elle impose de relâcher une immense quantité d’insectes. « Il faut les produire, c’est très coûteux, avance Andrea Crisanti, directeur du laboratoire de Tony Nolan à l’Imperial College. Or le paludisme est essentiellement une maladie de pays pauvres. Avec notre méthode, quelques dizaines d’individus peuvent venir à bout d’une population. »

    Leur méthode, c’est donc le fameux « forçage génétique ». Vingt ans qu’Andrea Crisanti et Tony Nolan couraient après ce Graal. En 2003, leur collègue Austin Burt avait démontré qu’en utilisant certains gènes dits « égoïstes », on pouvait modifier les caractères de toute une population. Mais la preuve n’était encore que théorique. Des fondations, en quelque sorte. Restait à construire la maison. Tony Nolan est d’abord parvenu à intégrer dans le génome d’un moustique un gène de fluorescence transmissible. Puis à différencier, toujours grâce à la fluorescence, mâles et femelles. En 2011, enfin, le laboratoire d’Andrea Crisanti réussissait à intégrer dans le génome de plusieurs Anopheles gambiae le tout premier élément de forçage génétique. En associant celui-ci avec la fameuse fluorescence, ils apportaient la preuve qu’en douze générations, tout une cage d’anophèles était transformée. La revue Nature honorait leur découverte. « Mais notre dispositif était très lourd, consent Crisanti. Pas toujours très précis. Et puis Crispr est arrivé. »

    Beaucoup a été écrit sur cette nouvelle technique, aujourd’hui au centre d’une guerre des brevets, capable de transformer une partie du génome de manière rapide, soigneuse, et pour un coût dérisoire. L’équivalent de la tronçonneuse chez des bûcherons habitués à abattre les arbres à la hache. Son principe : on introduit dans le génome une « cassette » à trois compartiments : un guide (ARN) qui va reconnaître la portion d’ADN à couper, une protéine (Cas9) qui sert de ciseaux, et éventuellement un gène synthétique supplémentaire pour exprimer un caractère désiré. Et pour peu que cette cassette soit placée au bon endroit, elle va se transmettre de génération en génération, chaque chromosome déjà modifié se chargeant de transformer son homologue encore intact. Du copier-coller à la chaîne, en quelque sorte. « a a bouleversé la donne, nous nous sommes tous jetés dessus », se souvient Eric Marois.

    A ce petit jeu, l’équipe d’Anthony James, de l’université de Californie à Irvine, a tiré la première. Dans la revue PNAS, elle publiait, fin
    novembre 2015, un article proposant un dispositif permettant d’intégrer le fameux gène de résistance au Plasmodium falciparum – responsable du plus dangereux des paludismes – dans le génome d’Anopheles stephensi, principal vecteur de la maladie dans le subcontinent indien. Quinze jours plus tard, Crisanti et Nolan dégainaient à leur tour, cette fois dans Nature biotechnology. Eux ciblaient Anopheles gambiae, de façon plus radicale encore : en répandant un gène récessif de stérilité. Le caractère progresse d’abord silencieusement, puis se répand à une vitesse foudroyante. L’espèce n’est plus transformée, elle est purement et simplement supprimée.

    Chacun défend sa méthode. « Nous vaccinons le moustique, ils l’éradiquent, insiste Anthony James. Ils laissent une niche ouverte, qui risque d’être occupée par un nouveau vecteur. Et avec les migrations incessantes, le moustique peut revenir. Nous offrons une solution durable. » Andrea Crisanti réplique : « Nous ne laissons pas d’animaux génétiquement modifiés s’installer définitivement dans la nature puisqu’ils disparaissent. Surtout, nous réduisons les risques d’apparition de résistance. Que feront-ils lorsque le moustique ou le parasite se seront adaptés, comme ils le font avec les insecticides ou les médicaments antipaludéens ? »

    Cette joute à distance entre les deux hommes laisse entrevoir les questions vertigineuses provoquées par leur découverte commune. Biologiste à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) à Montpellier et spécialiste du paludisme, Frédéric Simard en dresse la liste : « D’abord à l’intérieur de l’espèce : si le processus s’altère, il peut transformer une autre partie du génome, doper le moustique au lieu de le fragiliser, le rendre résistant aux insecticides ou capable de transporter de nouveaux agents infectieux... Ensuite entre espèces. L’anophèle a de nombreux prédateurs. Les punaises d’eau et certains poissons mangent ses larves ; les libellules, les araignées, les chauves-souris et des oiseaux se nourrissent des adultes. Normalement, la barrière des espèces devrait éviter toute transmission. Mais là, le système est si puissant qu’on s’interroge. »

    Son confrère Eric Marois, cosignataire de l’article de Nolan et Crisanti,
    réplique par une boutade. « Si nous devions intégrer à notre génome tout ce que nous mangeons, cela fait longtemps que nous serions
    photosynthétiques parce qu’on mange de la salade, et que nous porterions des plumes parce qu’on mange du poulet. » Il n’écarte pas pour autant tout danger. « Des virus peuvent passer d’une espèce à l’autre et transporter une modification génétique. C’est peu probable mais possible. Il faut se donner le temps de l’étudier. Surtout, il faut mesurer les conséquences environnementales d’une telle action. Quelle place occupe le moustique dans l’écosystème ? Si l’anophèle est indispensable à une grenouille ou à une araignée, et que celles-ci s’attaquent aussi à certains insectes ravageurs des récoltes, sa disparition peut aggraver les problèmes, remplacer une maladie par une famine... »

    Professeur assistant au Massachusetts Institute of Technology et lui aussi pionnier du gene drive, Kevin Esvelt admet qu’il y a de l’hubris à vouloir ainsi battre la nature à son propre jeu. « Cela nous donne une terrible responsabilité, impose de mesurer tous les risques et prendre toutes les précautions pour en minimiser les conséquences. » Il a donc mis au point un système capable d’inverser la dissémination d’un caractère génétique. Il a surtout publié, en juillet 2015, dans Science, avec 26 autres scientifiques représentant la plupart des laboratoires internationaux concernés, un catalogue de recommandations (http://science.sciencemag.org/content/349/6251/927.short) qui vont du confinement des installations à l’encadrement réglementaire. Mais pas question pour lui de rejeter, par principe, le recours au forçage génétique. « Préfère-t-on l’usage de bulldozers pour assécher les marais, ou d’insecticides qui tuent sans distinction tous les insectes et dont on ne cesse de découvrir les effets secondaires ? Oublie-t-on que le paludisme, malgré les progrès enregistrés, tue encore 1 000 enfants par jour ? »

    Des progrès, il est vrai, spectaculaires. Entre 2000 et 2015, le nombre de morts annuel est passé de plus de 1 million à moins de 450 000, essentiellement grâce au recours aux moustiquaires imprégnées, à la chimioprévention et à une meilleure prise en charge des malades. Ce qui fait sérieusement douter Florence Fouque, responsable des maladies vectorielles pour le TDR, le programme de recherche sur les maladies tropicales placé auprès de l’OMS, sur l’opportunité d’un recours au forçage génétique. « Je ne suis pas sûre que les pouvoirs publics veuillent s’engager dans des méthodes lourdes, coûteuses et potentiellement risquées alors qu’avec les moyens actuels, nous espérons faire reculer la maladie de 95 % en 2035. »

    Mais d’ici là, combien de morts pourrions-nous encore éviter ? Et que faire des résistances aux antipaludéens qui progressent en Asie et menacent d’apparaître en Afrique, ou encore des résistances des moustiques aux insecticides, susceptibles de rendre ces derniers inopérants ? Les promoteurs du gene drive en sont convaincus : leur découverte sauvera des vies, beaucoup de vies, à l’avenir. A condition de parfaire les connaissances et de vaincre les réticences. Pour les premières, l’équipe d’Andrea Cresanti prévoit de lancer un essai en condition semi-sauvage au pôle de génomique de Pérouse, en Italie. L’occasion de s’éloigner des conditions normalisées du laboratoire et d’introduire, dans des cages de grande taille, différentes souches de moustiques sauvages. « La diversité génétique des anophèles est très importante, prévient Ken Vernick, responsable de l’unité génétique des insectes vecteurs à l’Institut Pasteur. Je crains qu’en s’éloignant du laboratoire, on déchante très vite. »

    Ce dernier obstacle levé, restera à expérimenter le dispositif sur le terrain, à savoir en Afrique. Et lever les craintes des populations. Cinq sites sont actuellement envisagés, parmi lesquels le Mali, le Burkina Faso et l’Ouganda, tous trois membres, avec l’Imperial College, du projet Target Malaria, un consortium financé notamment par la Fondation Bill et Melinda Gates. Mais l’accord d’un pays sera- t-il suffisant ? « C’est sans doute le plus grand enjeu aujourd’hui : le risque social, reprend Kevin Esvelt. Si un pays en a assez de voir mourir ses enfants, peut-il prendre seul une décision qui risque d’affecter tous ses voisins ? Et comment ceux-là réagiront-ils ? »

    Plutôt que de rester paralysé par le danger, le scientifique veut y voir « une formidable occasion » : celle de « faire de la science autrement ». « Depuis toujours, les innovations ont été imposées aux populations. L’essor des OGM en est le plus parfait exemple : il a été opéré dans le secret par les grandes entreprises du privé, sans bénéfice évident, sans volonté d’interroger le public ni d’informer sur les effets secondaires. Eh bien, faisons le contraire ! Agissons dans la transparence, en publiant tout ce que nous faisons. Prenons le temps d’accumuler et de diffuser les connaissances nécessaires sur les risques possibles. Et aidons les populations à décider elles-mêmes. Nous aurons fait avancer la science et la démocratie. » Un moustique assurément révolutionnaire.

  • What It Takes to Power Google - Technology Review
    http://www.technologyreview.com/computing/38556

    Google uses 260 million watts continuously across the globe, the company reported on Wednesday. This is equivalent to the power used by all the homes in Richmond, Virginia, or Irvine, California (around 200,000 homes), and roughly a quarter of the output of a standard nuclear power plant.

    On est quand même loin de faire bouillir une tasse de thé à chaque requête, comme annoncé par des Cassandres il y a quelques années.

    J’ai commis un article sur l’énergie et l’internet dans le dernier numéro de Ecorev’ (http://ecorev.org)