A Amsterdam, la nuit a son maire
Maire de nuit d’Amsterdam, premier élu du genre, Mirik Milan se décrit lui-même comme « un rebelle en costard ». Issu de l’événementiel, reconnu et apprécié, ce médiateur a été reconduit en 2014 par la population, les usagers de la nuit ainsi qu’un jury d’experts. Avec plus de 3,5 millions de visiteurs annuels pour 800 000 habitants (1,5 million avec la périphérie), Amsterdam est vendue comme « ville de créativité et d’inspiration » par l’Office du tourisme.
Pour beaucoup, elle reste celle du vice... ou de la tolérance, selon les points de vue. De quoi occuper en tout cas Mirik Milan. Il n’est pas le seul car Paris, Nantes, Toulouse, Tokyo, Stockholm et Zurich se sont à leur tour dotées d’une instance similaire (Londres et Berlin y songent).
Questions au lendemain du premier Sommet international des Maires de nuit qui s’est tenu les 22 et 23 avril à Amsterdam.
Pourquoi un Maire de nuit ?
Mirik Milan : Le premier Maire de nuit d’Amsterdam s’est présenté spontanément, en 2002, quand les autorités ont voulu interdire le « pole dancing » dans les bars et clubs de la ville. Au début, c’était une tâche bénévole assurée par des tenanciers d’établissements engagés dans la défense de la vie nocturne. En 2012, j’ai été élu sur un programme clair pour représenter ces milieux. L’année suivante, nous sommes devenus une fondation d’utilité publique, professionnalisant le poste de Maire de nuit. C’est un temps partiel, qui peut vite se transformer en plein-temps. La vie nocturne est partout en expansion, les villes se densifient et le tourisme explose ; le concept a donc de l’avenir.
En quoi consiste votre tâche ?
– Je suis l’interlocuteur privilégié de tous les acteurs de la nuit : usagers, habitants, bars et clubs, industries créatives, mairie et administrations locales. Je mets un point d’honneur à rester indépendant et à donner de la voix s’il le faut, quitte à contrarier telle ou telle partie. J’agis comme un ambassadeur, un conseiller et une ressource pour toute municipalité, média ou professionnel intéressé.
Quel bénéfice pour Amsterdam ?
– Les dimensions sociale, culturelle et économique de la nuit contribuent au rayonnement et au caractère innovant de la ville, donc à son attractivité pour les entreprises, les étudiants, les touristes. Pourtant, les serviteurs de l’Etat ignorent souvent les réalités de la nuit. Comment, dès lors, prendre les bonnes décisions ? Le Maire de nuit a un rôle central.
Avez-nous un exemple concret d’intervention ?
– Plus de 300 événements ont lieu chaque année à Amsterdam, des grands festivals techno aux concerts classiques sur les canaux. Beaucoup d’événements dansants ont lieu dans les parcs publics, ce qui déplaît aux associations d’habitants pour qui les parcs devraient être réservés à la détente ou la promenade du chien. La mairie élabore actuellement une nouvelle politique événementielle qui repousserait les festivals en périphérie, sur les parkings, dans les zones industrielles – pas les endroits les plus agréables. Notre fondation a donc lancé une pétition intitulée « Je vis à Amsterdam et je suis pro-festivals ! », signée par près de 7000 personnes à ce jour. Tout le monde est favorable à un équilibre, nous souhaitons seulement instaurer un dialogue avec les autorités sur cette question. Notre neutralité nous place dans la position idéale d’intermédiaire.
D’autres villes se sont dotées d’un Maire de nuit. Quel bilan tirez-vous du premier sommet international d’Amsterdam ?
– Le sommet a été un grand succès, nous avons pu échanger nos expériences avec nos pairs et des experts venus du monde entier. Je me réjouis de voir tant de villes suivre notre exemple. Peu importe qu’il s’agisse d’un maire ou d’une commission collégiale, tant que c’est dans l’intérêt de la vie nocturne.
Genève et Lausanne n’ont pas de Maire de nuit : devraient-elles y songer ?
– Si le dialogue avec la municipalité est dans l’impasse, si une vraie politique de la nuit fait défaut, alors oui, ce peut être la solution. Le Maire de nuit a besoin d’un bon réseau de personnes partageant le même objectif. Les grandes villes ont intérêt à ce que soient entendues les voix de secteurs peu représentés mais néanmoins indispensables à leur prospérité.
PROPOS RECUEILLIS PAR RMR
▻http://nachtburgemeester.amsterdahttp://www.lecourrier.ch/138886/retiens_la_nuitm
Source : ▻http://www.lecourrier.ch/138886/retiens_la_nuit