city:mediapart

  • Je n’irai pas chez Enthoven | Le Club de Mediapart
    1 juin 2018 Par Jeanne Guien Blog : Le blog de Jeanne Guien

    Lettre ouverte à M. Raphaël Enthoven, suite à mon invitation à son émission Philosophie(s).
    https://blogs.mediapart.fr/jeanne-guien/blog/010618/je-nirai-pas-chez-enthoven

    Monsieur Enthoven,

    je vous écris pour annuler ma venue à votre émission Philosophie(s) sur Arte, dont le tournage devait avoir lieu ce jour.

    Invitée par votre équipe en mars dernier à y discuter de mon sujet de recherche, la réduction de la durée de vie des objets, j’avais accepté dans l’espoir d’y trouver un espace de dialogue philosophique authentique, de production rigoureuse et collaborative d’un savoir critique utile. La lecture et l’écoute de vos diverses productions m’ont cependant convaincue que cet espoir était vain.

    Ne connaissant pas, il y a trois mois, votre travail, j’ai en effet découvert depuis qu’il était malheureusement semblable à celui des quelques rares autres « philosophes » représentés dans les médias dominants : un déploiement précieux et allusif de culture légitime, mis au service de la reproduction à l’identique des préjugés sociaux et politiques les plus caricaturaux. Immaturité du mouvement étudiant, mysandrie des féministes, paresse des abstentionnistes, communautarisme des anti-racistes ou encore antisémitisme des antisionistes : il n’est pas un seul des partis pris les plus réducteurs et abêtissants de la droite décomplexée auquel vous ne vous empressiez d’apporter votre soutien, à grand renfort de raccourcis historiques, de coupes et pseudo-concessions à l’adversaire, de citations à l’emporte-pièce et d’invocations toutes faites à la démocratie et la liberté de pensée - qu’il est peu étonnant de voir conduire, infailliblement, au moralisme le plus vide. (...)

  • Un millionnaire de gauche veut sa « Maison des médias libres » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/05/27/un-millionnaire-de-gauche-veut-sa-maison-des-medias-libres_1654566

    Ce projet est porté par une coalition de médias marqués à gauche, se définissant comme « indépendants » (par opposition aux médias détenus par des milliardaires ou des grandes entreprises, type le Monde,les Echos,le Figaro ou Libé). Le « comité de pilotage » regroupe Mediapart, le site d’investigation d’Edwy Plenel, les magazines Alternatives économiques et Politis, la revue d’idées de la « deuxième gauche » Esprit et le site Basta. « Mais une vingtaine d’autres médias sont intéressés », précise d’emblée Agnès Rousseaux, rédactrice en chef de Basta, présente depuis que l’idée a pris forme il y a trois ans.

    Parmi les « partenaires » associés de plus ou moins près, on trouve le groupe So Press (Society,So Foot), la société de production Premières Lignes (Cash Investigation) ou encore les sites Reporterre (écologie) et Arrêt sur images (médias). L’idée de la « Maison des médias libres » ? Faire cohabiter d’ici 2021 ou 2022 l’ensemble de ces rédactions, dans l’espoir que la proximité leur soit bénéfique, financièrement et journalistiquement. En emménageant ensemble, elles pourraient mutualiser certains coûts (studios d’enregistrement, frais courants, cantine…) et s’associer pour monter des coups éditoriaux (enquêtes collaboratives, grands reportages…). D’après les initiateurs, il y aurait assez de place dans le bâtiment pour loger 20 à 25 médias et 400 à 500 journalistes. « On veut en faire un lieu emblématique de la presse indépendante, poursuit Agnès Rousseaux. Mais aussi un lieu ouvert au public, qui favorise l’inclusion des citoyens et développe l’interaction entre les lecteurs et les médias ». Ce projet d’aménagement prévoit l’installation de salles de débat, de projection et d’exposition dans l’ancien « transfo ».

    #journalisme @bastamag @mediapart #mécénat

  • #François_Ruffin : « Dans le cadre de l’UE, aucune politique dissidente n’est possible »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/180418/francois-ruffin-dans-le-cadre-de-l-ue-aucune-politique-dissidente-n-est-po

    François Ruffin. © Mediapart Politique agricole, mouvement social, « clivage riches-pauvres », protectionnisme de #gauche, « parti médiatique »… le député FI François Ruffin, qui appelle à un « débordement général » le samedi 5 mai, détaille sa pensée et sa stratégie à Mediapart.

    #France #La_France_insoumise

  • La Commune toujours à recommencer selon Jean Chérasse alias #Vingtras
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/130418/la-commune-toujours-recommencer-selon-jean-cherasse-alias-vingtras

    Dans Les 72 Immortelles, #Jean_A._Chérasse, qui tient blog à Mediapart sous le pseudonyme de Vingtras, retrace les heures chaudes de la #Commune_de_Paris, « née dans la fête, noyée dans le sang ». Compte-rendu de ce viatique politique...

    #Culture-Idées #Henri_Guillemin

  • Argent libyen, Cécilia Sarkozy, la guerre : les vérités de l’interprète de Kadhafi
    https://www.mediapart.fr/journal/international/100418/argent-libyen-cecilia-sarkozy-la-guerre-les-verites-de-l-interprete-de-kad

    Nicolas Sarkozy et #Mouammar_Kadhafi avec leurs interprètes. A l’arrière de Kadhafi, Moftah Missour.i © DR Diplomate et interprète personnel de Kadhafi pendant vingt-cinq ans, #Moftah_Missouri revient dans un long entretien à Mediapart sur la relation entre #Nicolas_Sarkozy et le dirigeant libyen mort en 2011. Premier tête-à-tête enregistré, versements d’argent, infirmières bulgares, document révélé par Mediapart, la visite de 2007, la guerre… : il dit tout.

    #International #France #affaire_des_financements_libyens #Brice_Hortefeux #Claude_Guéant #Ziad_Takieddine

  • Forces de l’ordre liées à l’#ultra-droite violente : la #DGSI s’inquiète - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/090418/forces-de-l-ordre-liees-l-ultra-droite-violente-la-dgsi-s-inquiete

    Les #services de renseignement s’inquiètent de la proportion grandissante de membres des forces de sécurité ayant rejoint des #groupuscules_d'autodéfense. Parmi les « objectifs de la DGSI » suivis pour leurs liens avec « l’extrême droite violente », on recense une cinquantaine de policiers, gendarmes et militaires. Les autorités de tutelle ont été alertées à l’automne dernier.

    Ces derniers jours, des membres de cette mouvance se sont manifestés en commettant des exactions à l’intérieur des facultés, que ce soit à Montpellier (ici et là), à Lille, à Angers, à Strasbourg, ou encore au lycée autogéré de Paris. Mais ce n’est pas cette branche-là de l’ultra-droite qui inquiète le plus les services. D’après nos informations, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a récemment souligné la proportion grandissante de militaires ou de membres des forces de l’ordre ayant intégré des groupuscules d’autodéfense nés dans la foulée des attentats. Comme nous l’ont confirmé plusieurs sources, une cinquantaine d’objectifs de la DGSI sont… des fonctionnaires, membres des services de sécurité, en activité ou à la retraite.

    À telle enseigne que les services de renseignement ont dû sensibiliser à ce sujet plusieurs administrations. Parmi lesquelles les différents corps d’armée, la police, la gendarmerie, les douanes ainsi que l’administration pénitentiaire. Cela afin d’améliorer l’échange d’informations sur les fonctionnaires suspects mais aussi afin de prévenir le recrutement de tout nouveau policier ou militaire déjà recensé comme figurant dans cette mouvance. L’« entrisme » de « l’extrême droite violente » au sein des forces de sécurité préoccupe la DGSI, les Renseignements territoriaux (RT) et la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris.

    Selon une source, certains membres des forces de l’ordre seraient même sollicités pour accéder aux informations confidentielles que recèlent les fichiers de police et de gendarmerie.

    Au premier rang de ces groupuscules de défense civile, Les Volontaires pour la France (VPF), apparus au lendemain du 13-Novembre et ayant pour objectifs de « défendre l’identité française » et de « combattre l’islamisation du pays ». Sur les quelque 200 militants disséminés en France, les VPF comptent une cinquantaine de militaires et de membres des forces de l’ordre à la retraite. Contacté, le groupuscule revendique « près de 800 membres, parmi lesquels de nombreux militaires en retraite dont un certain nombre d’officiers supérieurs et de généraux ».

    Antoine Martinez, l’un des co-présidents de ce groupe désormais constitué en association, est d’ailleurs un ancien général de l’armée de l’air, « spécialiste du renseignement » autoproclamé, et président du comité de soutien au général à la retraite Christian Piquemal qui avait, en février 2016, défrayé la chronique en s’impliquant dans une manifestation non autorisée contre la politique migratoire. L’ancien parachutiste et ex-commandant de la Légion étrangère avait été relaxé par la justice mais radié des cadres de l’armée.

    Le second co-président des VPF, l’ancien député européen (#FN) Yvan Blot, revendique, lui, dans sa biographie être un « ancien haut fonctionnaire au ministère de l’intérieur en charge des affaires de terrorisme ». Il serait désormais, selon la réponse des VPF adressée à Mediapart, « aujourd’hui conseiller du Club Valdaï, proche du Kremlin ».

    Rencontré, un ponte de la lutte antiterroriste confirme : « L’ultra-droite se structure de façon assez inquiétante. Et c’est vrai que l’on retrouve beaucoup de militaires ou d’anciens militaires. En revanche, au sein des forces de l’ordre, ce n’est pas flagrant », tempère ce haut gradé… des forces de l’ordre. « Les dangers sont en province et non à Paris. Ce sont souvent des militaires de retour de mission en Afghanistan ou en Irak, complète un ancien des services. Ils rentrent traumatisés, il faut les surveiller pour ne pas qu’ils continuent leur combat individuel. Certains créent des groupes sur les réseaux sociaux, ou se radicalisent à travers eux, d’autres peuvent passer à l’action. »

    • Tout à fait caractéristique d’un régime proto-fasciste. Toutes les conditions se mettent en place pour l’affrontement qui s’annonce et Macron est le dirigeant adéquat pour permettre d’arriver au stade supérieur vu l’énième aggravation de la violence des rapports sociaux qu’il facilite.
      @ant1 C’est possible d’avoir un copier coller de l’article en entier ?

    • @ninachani
      es services de renseignement ont alerté à l’automne leurs autorités de tutelle. Atone depuis le démantèlement du groupe skinhead « Troisième Voie », dont des sympathisants avaient tué en 2013 le militant d’extrême gauche Clément Méric, la mouvance dite de l’ultra-droite est de retour et, estiment les services, le risque de la voir passer à l’action violente est « évalué à la hausse pour la période à venir » selon les uns, « demeure élevé » selon les autres.

      Ces derniers jours, des membres de cette mouvance se sont manifestés en commettant des exactions à l’intérieur des facultés, que ce soit à Montpellier (ici et là), à Lille, à Angers, à Strasbourg, ou encore au lycée autogéré de Paris. Mais ce n’est pas cette branche-là de l’ultra-droite qui inquiète le plus les services. D’après nos informations, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a récemment souligné la proportion grandissante de militaires ou de membres des forces de l’ordre ayant intégré des groupuscules d’autodéfense nés dans la foulée des attentats. Comme nous l’ont confirmé plusieurs sources, une cinquantaine d’objectifs de la DGSI sont… des fonctionnaires, membres des services de sécurité, en activité ou à la retraite.

      À telle enseigne que les services de renseignement ont dû sensibiliser à ce sujet plusieurs administrations. Parmi lesquelles les différents corps d’armée, la police, la gendarmerie, les douanes ainsi que l’administration pénitentiaire. Cela afin d’améliorer l’échange d’informations sur les fonctionnaires suspects mais aussi afin de prévenir le recrutement de tout nouveau policier ou militaire déjà recensé comme figurant dans cette mouvance. L’« entrisme » de « l’extrême droite violente » au sein des forces de sécurité préoccupe la DGSI, les Renseignements territoriaux (RT) et la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) de Paris.

      Capture d’écran du manifeste des réseaux Rémora. © DR
      Capture d’écran du manifeste des réseaux Rémora. © DR
      Depuis 2015 et le début de la vague d’attentats qui ensanglantent la France, plusieurs groupuscules affiliés à l’extrême droite radicale se sont constitués dans le but de lutter contre « le péril islamique » et de se substituer à un État défaillant, en se préparant à recourir à la violence dans la perspective d’une guerre civile. « Même s’ils restent embryonnaires, ils claironnent leur volonté de riposter et nous suivons cela de très près », concède un autre haut gradé des services de renseignement.

      Déjà en mai 2016, Patrick Calvar, le patron d’alors de la DGSI, avait tiré la sonnette d’alarme lors d’une audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées à l’Assemblée nationale : « Les extrémismes montent partout et nous sommes, nous, services intérieurs, en train de déplacer des ressources pour nous intéresser à l’ultra-droite qui n’attend que la confrontation […]. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires. » Ce que n’avait alors pas encore perçu son service, c’est l’influence grandissante de certains de leurs propres collègues au sein des groupuscules.

      Car, dans ce contexte de conflit larvé, ces milices qui ne disent pas leur nom draguent les membres de services de sécurité, construisent leurs discours à leur attention, veillent à valoriser chaque nouvelle recrue issue des rangs de la police, de la gendarmerie ou de l’armée. Des professionnels recherchés à la fois pour leur savoir-faire en matière de maintien de l’ordre et d’opérations coups-de-poing ainsi que pour leurs réseaux. Selon une source, certains membres des forces de l’ordre seraient même sollicités pour accéder aux informations confidentielles que recèlent les fichiers de police et de gendarmerie.

      Au premier rang de ces groupuscules de défense civile, Les Volontaires pour la France (VPF), apparus au lendemain du 13-Novembre et ayant pour objectifs de « défendre l’identité française » et de « combattre l’islamisation du pays ». Sur les quelque 200 militants disséminés en France, les VPF comptent une cinquantaine de militaires et de membres des forces de l’ordre à la retraite. Contacté, le groupuscule revendique « près de 800 membres, parmi lesquels de nombreux militaires en retraite dont un certain nombre d’officiers supérieurs et de généraux ».

      Antoine Martinez, l’un des co-présidents de ce groupe désormais constitué en association, est d’ailleurs un ancien général de l’armée de l’air, « spécialiste du renseignement » autoproclamé, et président du comité de soutien au général à la retraite Christian Piquemal qui avait, en février 2016, défrayé la chronique en s’impliquant dans une manifestation non autorisée contre la politique migratoire. L’ancien parachutiste et ex-commandant de la Légion étrangère avait été relaxé par la justice mais radié des cadres de l’armée.

      Le second co-président des VPF, l’ancien député européen (FN) Yvan Blot, revendique, lui, dans sa biographie être un « ancien haut fonctionnaire au ministère de l’intérieur en charge des affaires de terrorisme ». Il serait désormais, selon la réponse des VPF adressée à Mediapart, « aujourd’hui conseiller du Club Valdaï, proche du Kremlin ». Sur le site des VPF, on peut lire que « les Volontaires peuvent se former, s’instruire, s’entraîner grâce à des journées, des week-ends ou des séminaires de formation organisés par les cadres de l’organisation et animés par des spécialistes dans tous les domaines ». Toujours dans le mail à Mediapart, les VPF assurent n’être « en aucun cas une milice », ni être « affiliés ou associés à aucun parti politique ». « Nous sommes des pères et des mères de famille lucides et précautionneux, conscients des dangers et de l’utopie du vivre ensemble avec un islam conquérant, pour les avoir déjà vécus sur des théâtres d’opérations extérieures (Liban, Kosovo...) », conclut l’association dans sa réponse.

      Sur le site internet des Volontaires pour la France (VPF).
      Sur le site internet des Volontaires pour la France (VPF).
      À la tête des réseaux Rémora, on retrouve... un ancien inspecteur des renseignements généraux (RG). Âgé de 68 ans, passé par le Bloc identitaire puis le Front national, le militant Luc Sommeyre appelle, sur internet, « la société civile tout entière » à anticiper « la désespérance prévisible de nos Soldats, de nos Gendarmes et de nos Policiers », faute d’être en nombre suffisant pour répondre à des « attentats multiples et coordonnés par Daesh ». Pour ce faire, il invite les « patriotes » à constituer quinze cellules, composées « à l’idéal » de quatre à sept personnes, réparties sur l’ensemble du territoire afin d’« apporter leur connaissance parfaite du terrain et leur soutien aux unités de l’armée, de la gendarmerie et de la police qui pourraient être amenées à intervenir hors de leurs bases naturelles » en cas d’attaques des « islamo-terroristes ».

      Il s’agit de collecter du renseignement opérationnel, comme identifier « l’emplacement des stocks de nourriture et d’eau potable, […] des transformateurs électriques et autres sources d’approvisionnement énergétique » mais aussi localiser « les centres de réunion des individus qui se déclarent ouvertement ennemis de notre Patrie, comme les mosquées salafistes », dénombrer et identifier « les personnes physiques qui manifestent une hostilité ouverte ou larvée à l’encontre de notre Pays et des nôtres ». En clair, procéder à un fichage d’individus et de lieux de culte, autant de procédés qui ne doivent pas tout à fait correspondre avec le « respect absolu de la loi républicaine » affiché en capitales sur le site qui héberge le manifeste fondateur des réseaux Rémora. Une douzaine de cellules seraient néanmoins constituées, remplissant leurs missions « avec sérieux et discrétion ». Luc Sommeyre revendique « plusieurs centaines de femmes et d’hommes répartis sur l’ensemble du territoire national et en Europe ».

      Apparus en Finlande en 2015, les Soldats d’Odin – du nom du roi des dieux dans la mythologie nordique – proposent, eux, des patrouilles de rue afin de lutter contre les migrants et la délinquance que ceux-ci sont supposés occasionner. Un an plus tard, ce mouvement scandinave a le droit à sa déclinaison française avec les « Soldats d’Odin Breizh », basés dans le Finistère. Ils auraient également essaimé à Bordeaux et dans le nord de la France.

      Photo postée sur la page Facebook des Soldats d’Odin avec la légende suivante : « AG 2018 soldats d’Odin officiel France ».
      Photo postée sur la page Facebook des Soldats d’Odin avec la légende suivante : « AG 2018 soldats d’Odin officiel France ».

      « On ignore tout du facho des champs »

      La réédition du livre de Piero San Giorgio.
      La réédition du livre de Piero San Giorgio.
      À l’origine de cette régénérescence : Piero San Giorgio, un officier de réserve suisse dont le best-seller Survivre à l’effondrement économique, réédité en « édition de combat », se revendique « manuel de survie ». L’écrivain, qui a donné des conférences avec Alain Soral, prédit un état de guerre généralisé d’ici à 2025 et propose de développer des zones rurales autosuffisantes pour survivre. Certains militants veulent s’inspirer de son mode d’emploi pour créer des groupes de survie, sorte de « Tarnac de droite ». À Guerlesquin, dans le Finistère, les identitaires avaient déjà créé leur propre lieu, Ty Breizh, qui a depuis été mis en vente.
      Rencontré, un ponte de la lutte antiterroriste confirme : « L’ultra-droite se structure de façon assez inquiétante. Et c’est vrai que l’on retrouve beaucoup de militaires ou d’anciens militaires. En revanche, au sein des forces de l’ordre, ce n’est pas flagrant », tempère ce haut gradé… des forces de l’ordre. « Les dangers sont en province et non à Paris. Ce sont souvent des militaires de retour de mission en Afghanistan ou en Irak, complète un ancien des services. Ils rentrent traumatisés, il faut les surveiller pour ne pas qu’ils continuent leur combat individuel. Certains créent des groupes sur les réseaux sociaux, ou se radicalisent à travers eux, d’autres peuvent passer à l’action. »

      Lors des rassemblements contre le « mariage pour tous » en 2013, certains militaires radicalisés avaient déjà témoigné de leurs velléités. Le collectif Printemps français avait ainsi tenté d’occuper les Champs-Élysées – une idée impulsée par Philippe Darantière, un ancien officier parachutiste reconverti dans l’intelligence économique. Parallèlement, une publication d’extrême droite avait appelé des hauts gradés catholiques – tel Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris – à provoquer un coup d’État.

      Ce sont aussi des hauts gradés que l’on retrouve dans des clubs prônant un « réarmement moral », non violent, comme le cercle Renaissance, parfois comparé à une sorte de « maçonnerie blanche ». En février, le colonel Éric du Réau a ainsi remis leur prix 2018 à un ancien aumônier militaire, Jean-Paul Argouarc’h. Dans les années 2000, du Réau a milité sous les couleurs du Front national, où il a notamment fait du rabattage de parrainages pour Jean-Marie Le Pen auprès d’anciens militaires.

      Les « patrouilles » des Soldats d’Odin. © Page Facebook "Soldats d’Odin Officiels France"
      Les « patrouilles » des Soldats d’Odin. © Page Facebook "Soldats d’Odin Officiels France"
      La multiplicité de ces structures complique la tâche des services. « Dans les grandes villes comme Lyon par exemple, c’est facile, nos clients sont sous nos yeux, considère un analyste. Mais on ignore tout du facho des champs… » Selon un vétéran des services, les groupes violents se montent « là où l’extrême droite est la moins suivie » ou bien où « le maillage gendarmesque est allégé ».
      Dans le Grand Ouest, entre Nantes et Angers, les actions violentes de jeunes d’extrême droite liés aux identitaires ou au GUD ont connu une forte résurgence : « Nez de cochons » pour s’opposer à la construction de la mosquée ; descentes en ville ciblant les personnes noires et arabes aux cris d’« À mort les Arabes, à mort les Noirs », avec une matraque de 25 centimètres, propos suprémacistes et racistes, chasse aux antifascistes, tournée de salons du livre dans l’Ouest pour s’en prendre aux stands des « rouges ». Comme « un faux air d’Orange mécanique » dans le Maine-et-Loire, notaient Le Monde et Ouest-France. À Angers, un bar associatif d’extrême droite est depuis le début de l’année le lieu de réunions de militants et a déjà reçu la visite de la police.

      En Loire-Atlantique, le département voisin, des actes de violence ciblant les migrants, non élucidés, inquiètent aussi : cocktails Molotov contre un squat occupé par des réfugiés ici, coups de feu sur un centre d’accueil là. « À Nantes, cette mouvance est plus visible qu’il y a quelques années », avait réagi le directeur départemental de la police, Jean-Christophe Bertrand.

      Dans le nord de l’Hexagone, à Calais, toute l’ultra-droite semble s’être donné rendez-vous ces dernières années, développant des collectifs et milices en réaction aux camps de migrants. On y a vu, pêle-mêle, le général Piquemal, l’ex-policier Luc Sommeyre, ou encore le groupe « Sauvons Calais » de Kevin Reche, un militant issu du Parti de la France (créé par d’ex-FN) dont le tatouage d’une division SS a fait polémique. En 2016, un épisode avait été très médiatisé : un Calaisien lié à l’extrême droite radicale avait brandi un fusil contre des manifestants lors d’une marche en soutien aux réfugiés.

      À Calais, en janvier 2016, un homme brandit un fusil contre des manifestants lors d’une marche en soutien aux réfugiés.
      À Calais, en janvier 2016, un homme brandit un fusil contre des manifestants lors d’une marche en soutien aux réfugiés.
      À Marseille, le retour des violences de l’ultra-droite est venue des rangs des royalistes de l’Action française (AF), avec des actions coups-de-poing et l’installation en 2014 d’un local dans le fief des antifascistes, suscitant des affrontements. Depuis, l’arrivée de Bastion social, d’inspiration néofasciste, est venue cristalliser les tensions (ce sera l’objet du second volet de notre enquête).

      Ce foisonnement n’est pas sans générer quelques frustrations et tensions. Là où les dirigeants, de peur de poursuites pénales, insistent pour inscrire leur action dans un cadre plus ou moins légal, leurs militants ne l’entendent pas de cette oreille. Ainsi, certains groupes d’autodéfense connaîtraient déjà une hémorragie de leurs effectifs, des membres faisant sécession afin de créer des cellules destinées à mener de réelles opérations clandestines.

      Différentes sources au sein des services de renseignement et de la lutte anti-terroriste soulignent « la faiblesse » induite par les scissions successives de ces groupuscules et surtout leur « amateurisme ». « D’un point de vue opérationnel, ils sont mauvais. Mais mauvais… », s’amuse le responsable de la lutte antiterroriste précité. « D’ailleurs, lors de leurs manifestations, on ne dénombre pas de représentants de pays voisins. Il n’y a pas de coopération internationale, de convergence des luttes comme on le constate avec les mouvements de l’ultra-gauche. » Un haut gradé des services de renseignement insiste sur le fait que les groupes de l’ultra-droite, au fil de leurs dissensions successives, ont « perdu de leur superbe ».

      En revanche, ces mêmes sources constatent avec une certaine appréhension que différents groupuscules incitent leurs membres à s’armer, par un biais légal, en leur recommandant de pratiquer la chasse ou le tir sportif. En octobre 2017, la sous-direction antiterroriste (SDAT) et la DGSI démantelaient une cellule constituée autour d’un certain Logan Nisin. Selon nos informations, on recense parmi ses complices présumés un fils de gendarme, un fils de policier ainsi qu’un élève de l’école de formation des sous-officiers de l’armée de l’air.

      Cette « organisation d’ultra-droite à visée terroriste, la première depuis plusieurs dizaines d’années en France », comme la qualifiera un rapport de la SDAT, projetait des actions violentes contre des migrants, des trafiquants de drogue puis des assassinats politiques – Jean-Luc Mélenchon, puis Christophe Castaner avaient été envisagés comme cibles – dans les Bouches-du-Rhône. Sur l’une de ses pages Facebook, dédiée au terroriste norvégien Anders Breivik, on pouvait lire : « Rebeus, blacks, dealers, migrants, racailles, jihadistes, si toi aussi tu rêves de tous les tuer, nous en avons fait le vœu, rejoins-nous ! » Comme l’avait révélé Le Monde (ici et là), plusieurs suspects avaient à leur domicile des armes « toujours détenues légalement », nombre d’entre eux étant des pratiquants de tir sportif ou des amateurs d’airsoft (un jeu d’équipes en plein air avec des répliques d’armes à feu).

      Cette volonté de s’armer fait craindre aux services « des passages à l’acte ». Avant Logan Nisin, il y a eu le précédent du sergent de l’armée de l’air Christophe Lavigne (deux missions en Afghanistan à son actif). En 2013, sa mère prévient la police : elle redoute la radicalisation de son fils de 23 ans. L’ancien militaire est neutralisé en 2013 par la DGSI, qui le suspecte de projeter d’attaquer une mosquée à côté de Lyon. Un an plus tôt, l’ancien militaire avait jeté un cocktail Molotov sur la mosquée de Libourne (Gironde), ce qui lui avait valu une condamnation pour « dégradation d’un lieu de culte en relation avec une entreprise terroriste ».

      En garde à vue, il avait notamment indiqué qu’il voulait créer des émeutes semblables à celles de 2005 en banlieue. Pour le procureur, l’ancien militaire s’était « testé » pour voir s’il était capable de mener « un projet de plus grande ampleur ». En février 2016, Christophe Lavigne est à nouveau condamné, pour “détention d’armes” : des armes et 200 kilos de munitions ont été saisis chez lui et chez son père, lors d’une perquisition administrative dans le cadre de l’état d’urgence. D’après Le Monde, le jeune homme ne figurait sur aucun fichier de renseignement, n’était encarté dans aucune organisation, mais ne cachait pas, sur Facebook, sa sympathie pour la mouvance identitaire.
      Désormais, l’apport de vrais professionnels de la sécurité se fait sentir. La mouvance apprend à mieux cloisonner ses réseaux. Les membres des groupuscules sont invités à protéger leurs communications en ayant recours à des messageries cryptées. « Cette précaution élémentaire réduira à néant la nocivité des taupes qui ne manqueront pas de tenter de s’infiltrer », explique le site d’un de ces groupes. « Attention : on ne joue plus… »

      Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr.

      Depuis octobre 2017, Mediapart a interrogé des représentants des différents services de renseignement dépendants de la place Beauvau ainsi que des sources à l’intérieur de divers groupuscules afin d’établir un état des lieux de cette mouvance. C’est au cours de cette enquête que nous avons découvert, incidemment, l’influence grandissante des membres de sécurité au sein des groupuscules de l’ultra-droite.

      Contacté, Luc Sommeyre, le dirigeant des Réseaux Rémora, n’a pas répondu. Sollicité par l’intermédiaire de son avocat Xavier Nogueras, Christophe Lavigne n’a pas souhaité faire de commentaires. Nous avons cité de longs passages du mail de réponse de l’association des Volontaires pour la France (VPF).

  • Chômage : l’Etat pourra changer les règles d’indemnisation, Sarah Belouezzane et Bertrand Bissuel, Le Monde
    http://www.lemonde.fr/politique/article/2018/04/06/chomage-l-etat-pourra-changer-les-regles-d-indemnisation_5281472_823448.html

    L’arbitrage est tombé, jeudi 5 avril, après plusieurs jours d’incertitudes : les conditions dans lesquelles certains demandeurs d’emploi sont indemnisés pourront être modifiées par #décret. Cette disposition, qui figurait déjà dans une première version de l’avant-projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » , a été maintenue dans la mouture définitive du texte, mais sous une forme amendée, conséquence de débats nourris au plus haut sommet de l’Etat. Les syndicats y voient une preuve supplémentaire de la reprise en main par les pouvoirs publics de l’#assurance-chômage – avec, comme corollaire possible, un recul des droits au détriment des personnes couvertes par le régime.

    Concrètement, la réforme va conduire les partenaires sociaux à repenser, d’ici à la fin 2018, les règles permettant de cumuler un #salaire et une allocation-chômage. Si les décisions prises par les organisations de salariés et d’employeurs sont jugées insuffisantes, l’exécutif se réserve la faculté de changer les modalités d’indemnisation applicables aux demandeurs d’emploi « en activité réduite » (ceux qui enchaînent des contrats courts et des périodes d’inactivité) ; un décret en Conseil d’Etat pourra alors être pris, « entre le 1er janvier et le 30 juin 2019 », après « concertation » avec le patronat et les centrales syndicales.

    Lire aussi : « “Punir les chomeurs” est surtout un signal politique envoyé par les gouvernements »

    « Devant le fait accompli »

    L’objectif est double, assure une source au sein de l’exécutif : combattre la précarité en incitant les personnes à reprendre un poste et gommer certains effets pervers qui seraient induits par le système actuel (avec cette idée que l’alternance chômage-contrats courts serait, dans certains cas, jugée plus avantageuse qu’un CDD de plusieurs mois ou même qu’un CDI).

    #chômeurs_en_activité-à_temps_réduit

    • cette idée que l’alternance chômage-contrats courts serait, dans certains cas, jugée plus avantageuse qu’un CDD de plusieurs mois ou même qu’un CDI.

      les intérimaires, entre autres précaires apprécieront.
      La source au sein de l’exécutif qui pense que cela va combattre la #précarité devrait aller s’inscrire dans les boîtes d’intérim. La majorité des chômeur·e·s indemnisé·e·s touchent autour de 1 000 €.

    • L’Etat met les partenaires sociaux au chômage, Dan Israël, Mediapart, 6 Avril 2018

      La ministre du travail a présenté vendredi 6 avril la réforme de l’assurance chômage, qui arrivera en juin au Parlement. Les représentants des salariés et du patronat voient leurs marges de manœuvre fortement réduites. Le risque existe que l’État décide seul de réduire les montants accordés aux chômeurs.

      Un texte qui « apporte de nouveaux droits pour tous les actifs ». Et qui permet à l’État de prendre largement les rênes de l’assurance chômage, comme jamais depuis sa mise en place dans sa forme actuelle, en 1958. La ministre du travail Muriel Pénicaud a présenté ce vendredi 6 avril le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », qui remodèle en profondeur les règles régissant l’assurance chômage, mais aussi la formation professionnelle (lire notre article à ce sujet). Il devrait être présenté en conseil des ministres le 27 avril, puis examiné au Parlement à partir de juin.

      L’une des promesses phares de campagne d’Emmanuel Macron ne sera pas tenue : on reste très loin de la mise en place d’une assurance chômage « universelle ». Le nouveau dispositif devrait permettre à moins de 30 000 indépendants de bénéficier des droits au chômage (sur 2,8 millions d’indépendants, dont 400 000 micro-entrepreneurs). Il devrait aussi s’ouvrir à 20 000 ou 30 000 démissionnaires au maximum (pour 400 000 salariés claquant la porte de leur entreprise tous les ans, et alors que 50 000 d’entre eux sont déjà indemnisés, car ils le font pour des motifs jugés légitimes). Le projet de loi lui-même assume ce recul, puisque le chapitre concerné ne parle dès son titre que d’« une indemnisation du chômage plus universelle ».

      En revanche, un deuxième axe porté pendant la campagne présidentielle sera bien tenu : on assiste à un profond changement de philosophie sur le sujet. Désormais, les syndicats et le patronat ne géreront plus de façon indépendante l’assurance chômage ; c’est l’État qui prend la main sur ses règles et sa gestion. Et il se ménage un champ très large de possibilités d’intervention, que ce soit sur le budget accordé à Pôle emploi chaque année, sur le montant des allocations versées aux demandeurs d’emploi ou sur le profil même des Français qui y auront droit.

      Premier étage de ce chamboulement historique : comme Mediapart l’a déjà détaillé, le gouvernement a engagé une baisse des cotisations sociales payées par les salariés, qui sera compensée par une hausse d’un impôt, la CSG. C’est la fin de ce qu’on nomme le modèle assurantiel : aujourd’hui, quand un salarié touche son salaire, une partie de l’argent versé par l’entreprise est déduit au nom des cotisations chômage. Et c’est à ce titre qu’il pourra toucher des droits au chômage s’il perd son emploi (à condition qu’il ait cotisé au moins quatre mois). En fait, les salariés placent une partie de leur rémunération dans une assurance, qui leur garantit des revenus en cas de chômage. Ces revenus varient en fonction du montant et de la durée des salaires perçus.

      Les cotisations chômage sont donc généralement considérées, par les syndicats mais aussi par les comptables ou même la justice, comme un « salaire différé ». En taillant dans les cotisations salariales et en faisant monter en puissance l’impôt, payé par tous, dont les retraités qui ne bénéficieront jamais du chômage par définition, Emmanuel Macron met un terme à ce système.

      Conséquence logique de cette transformation, et deuxième coup de boutoir porté contre le système actuel, le gouvernement s’invite à la table des négociations, entre les représentants des salariés et du patronat. Jusque-là, les partenaires sociaux négociaient jusque-là entre eux, et uniquement entre eux, les règles d’indemnisation des chômeurs et les conditions y donnant accès. C’est ce qu’on appelle le paritarisme.

      Le gouvernement n’a jamais fait mystère de sa volonté de mettre à bas ce mode de gouvernance, et a longtemps laissé planer le doute sur ses intentions, qui auraient pu aller jusqu’à une disparition totale du paritarisme. La logique est simple. Demain, ce sera l’impôt des citoyens qui financera les allocations chômage, et non plus les allocations des salariés. Il est donc légitime que l’État, qui lève l’impôt et redistribue les sommes récoltées, ait un droit de regard sur les règles de l’assurance chômage. Dit plus brutalement, comme l’a glissé un membre de l’exécutif au Monde, « l’État entre au capital de l’Unédic », l’organisme qui gère les sommes allouées aux chômeurs.
      Devant la levée de boucliers des syndicats, mais aussi du patronat, l’exécutif a finalement adouci son projet. Le texte de loi confirme les partenaires sociaux dans leur rôle, mais les place en quelque sorte sous tutelle : lors de leur négociation annuelle, ils devront respecter une lettre de cadrage leur dictant les sommes qu’ils auront le droit de dépenser, mais aussi, « le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime ».

      Interrogée lors de la conférence de presse de ce vendredi sur ce point qu’elle s’était bien gardée de mettre en avant, Muriel Pénicaud a confirmé : « Nous avons finalement choisi de ne pas nationaliser l’AC, mais bien que l’État puisse avoir un rôle de régulateur, ce qui est le cas dans quasiment tous les pays européens », a-t-elle déclaré, estimant « logique qu’il y ait un certain encadrement » des négociations.

      Les partenaires sociaux sont quant à eux loin d’être ravis. « Nous pensons qu’il faut des corps intermédiaires sur tout un tas de sujet. L’assurance chômage est un cas d’école, jugeait il y a quelques jours François Asselin, le dirigeant de la CPME, qui représente les petites entreprises. L’État s’immisce dans des prérogatives qui ne sont pas les siennes, et il le fait déjà sur le dos des partenaires sociaux. » La CPME ne cache pas son irritation, et menace de quitter la table de l’Unédic.

      « Si notre rôle, c’est d’appliquer des consignes et d’être des faire-valoir, à quoi bon rester à la table des négociations ? L’État prend la main, qu’il assume », lâche François Asselin, qui assure arriver « à un point de rupture ». Le Medef, qui représente les plus grandes entreprises, est sur la même ligne, mais la ministre du travail a refusé de répondre aux questions sur ce point, bottant en touche au prétexte que l’équipe dirigeante du Medef arrive en fin de mandat cet été.

      L’inquiétude est partagée par les syndicats. Denis Gravouil, le chef de file de la CGT pendant les négociations, dénonce lui aussi « une mise sous tutelle, qui était déjà actée de fait avec la suppression des cotisations des salariés ». Mais il signale que la situation est au moins clarifiée. « La laisse est courte, mais en un sens, cela a un côté moins hypocrite, juge-t-il. Cela fait longtemps que le gouvernement a un œil sur les négociations, et il est déjà fréquent que les partenaires sociaux discutent avec lui en amont de la signature de leurs accords. »

      Mais ce n’est pas tout, l’État s’est ménagé d’autres possibilités de contrôler les règles de l’assurance chômage. Si en cours d’année après la négociation des partenaires sociaux, les paramètres retenus coûtent trop cher, ou « si la trajectoire financière décidée par le législateur dans le cadre des lois financières évolue significativement », le premier ministre pourra demander aux syndicats et au patronat de revoir leur copie, pour rentrer dans les clous. À notre connaissance, cette possibilité n’avait jamais été mentionnée avant la diffusion de ce texte.

      Et si l’Etat réduisait le montant des allocations chômage ?

      Une autre possibilité de changer les règles par décret crée une très grande méfiance de la part des syndicats. Elle concerne les modifications possibles, par décret, des conditions dans lesquelles certains demandeurs d’emploi sont indemnisés. Cette nouvelle mesure, apparue le 27 mars dans l’avant-projet de loi, s’inscrit dans les débats autour du « bonus-malus », qui pourrait être appliqué aux entreprises en fonction de leur propension à recourir à des contrats courts à répétition, plutôt qu’à des contrats stables.

      Le sujet est majeur : le nombre d’embauches en CDD de moins d’un mois a presque triplé depuis le début des années 2000, et les trois quarts de ces contrats sont des embauches régulières d’un même salarié chez son employeur (notamment dans la restauration et le bâtiment).

      Le gouvernement est resté très mesuré face aux employeurs, qui freinent des quatre fers devant toute régulation potentielle de cette pratique. Les branches professionnelles ont jusqu’à décembre 2018 pour réfléchir à une manière de réduire l’utilisation des contrats courts. Si les résultats obtenus sont jugés insuffisants, le gouvernement annonce alors qu’il pourra utiliser une mesure de rétorsion, en augmentant les cotisations sociales payées par les entreprises qui en abusent.

      Mais en complément, l’exécutif se réserve donc la possibilité de modifier le mode d’indemnisation des demandeurs d’emploi cumulant chômage et revenus du travail, et ce « entre le 1er janvier 2019 et le 30 juin 2019 ». Ces demandeurs d’emploi fournissent une partie des bataillons des catégories B et C, qui oscillent entre salariat et Pôle emploi. D’après nos informations, la Cour des comptes travaille d’ailleurs, officiellement de sa propre initiative, sur un rapport consacré à ces travailleurs, et à leur coût pour l’Unédic.

      Officiellement, ce décret qui arriverait avant la mi-2019, est censé « combattre la précarité », mais aussi supprimer certains « effets pervers » du système actuel, où dans certain cas très limités, alterner chômage et contrats courts rapporte un tout petit peu plus qu’un contrat de plusieurs mois.

      Cette idée était déjà présente dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron, détaillé ici. Elle révolte les syndicats, y compris ceux qui analysent avec le plus d’indulgence les réformes impulsées par le président. « Si une branche négocie un accord sur la taxation des contrats courts, elle pourra aussi décider de diminuer les indemnités pour les “permittents” [qui enchaînent les CDD, ndlr]…, anticipe Michel Beaugas, le négociateur en chef de FO. Une forme de contrepartie aux “bonus malus” sur les CDD, c’est en tout cas qui s’amorce. »

      La numéro deux de la CFDT, Véronique Descacq, ne cache pas non plus son mécontentement, dans un article publié sur le site du syndicat. « Vouloir diminuer les droits des demandeurs d’emploi en tapant sur les plus précaires est inacceptable. Ce n’est ni ce que l’on avait négocié ni ce sur quoi le gouvernement s’était engagé », cingle-t-elle. Selon la CFDT, les chômeurs cumulant une partie de leurs allocations avec leur revenu d’activité sont aujourd’hui 854 000 personnes. Des discussions sur ce point ont eu lieu jusqu’au dernier moment entre le ministère du travail, Bercy et l’Élysée, mais la mesure a été maintenue.

      La crainte des représentants des salariés est simple : en se laissant la possibilité de réduire l’indemnisation des demandeurs d’emploi qui travaillent un peu durant le mois, l’État cherche tout simplement à contenir l’enveloppe des dépenses, au moment où des démissionnaires et des indépendants pourront entrer dans le système.

      Au-delà de ce simple cas, certains observateurs craignent de toute façon que l’État, qui aura désormais les mains presque libres, décide dans les mois ou années à venir de réduire les montants offerts aux demandeurs d’emploi. Puisqu’ils n’auront plus cotisé pour avoir le droit au chômage, il devient moins compliqué d’assimiler les allocations qui leur sont versées à un filet de sécurité minimal. Filet qui pourrait être égal pour tous, quelles que soient les conditions d’emploi précédentes. Et qui pourrait surtout être ajusté à la baisse, en cas de difficultés budgétaires. La CGT rappelle qu’« en Allemagne, la définition légale de l’allocation chômage est une “garantie du minimum vital pour ceux qui n’ont aucune autre ressource”, c’est-à-dire aucune épargne ».

      Le syndicat trouve un allié inattendu sur ce point, à Pôle emploi. Un de ses hauts responsables avoue une certaine inquiétude, dans une période où le nombre des chômeurs de catégorie A pourrait diminuer de façon conséquente. « Avec le système actuel, ces nouveaux salariés auraient payé des cotisations qui auraient alimenté les caisses de l’Unédic, et permis de constituer des réserves. Désormais, c’est l’État qui encaissera plus de CSG, et rien ne l’obligera à redistribuer ensuite cet argent vers le système du chômage », alerte ce spécialiste.

      Des craintes qu’Aurélien Taché, le député qui sera le rapporteur du projet de loi sur l’assurance chômage à l’Assemblée, ne cherche guère à dissiper. Dans un entretien à Mediapart le 28 mars, le parlementaire assumait que dans le nouveau système, « le niveau de protection est fixé chaque année dans le projet de loi de finances » et que ce sont les députés « qui fixeront le niveau » de l’enveloppe dédiée à l’assurance chômage (comme ils le font pour les dépenses de santé).

      Et en cas de crise financière, lorsque l’État aura besoin de ressources et sera tenté de couper dans la protection sociale pour équilibrer son budget, comment garantir cette enveloppe ? Ce sera impossible. « Si une crise a lieu, il y a une majorité en responsabilité et qui devra faire des choix », répond Aurélien Taché. Ouvrant du même coup la porte à des inquiétudes sans fin pour les demandeurs d’emploi et ceux qui les défendent.

      #crevures

    • Chômage : les « permittents » dans le viseur de l’exécutif, Amandine Cailhol
      https://www.liberation.fr/france/2018/09/19/chomage-les-permittents-dans-le-viseur-de-l-executif_1679896

      Pour diminuer le déficit de l’Unédic, le gouvernement veut revoir les règles d’indemnisation des personnes en « activité réduite », cumulant emploi et allocation. Il a invité syndicats et patrons, ce vendredi au ministère du Travail, pour cadrer les futures négociations.

      C’est la nouvelle bête noire de ceux qui veulent faire fondre la dette de l’Unédic. Après les intermittents du spectacle, longtemps accusés de plomber le budget de l’assurance chômage, place aux « #permittents », nouvelle étiquette pour pointer une autre catégorie de #chômeurs : ceux qui sont à la fois en emploi et au Pôle Emploi. Les mêmes que l’on retrouve dans les catégories B (demandeurs d’emploi ayant travaillé moins de 78 heures dans le mois) et C (plus de 78 heures) des chiffres, désormais trimestriels, du Pôle Emploi.

      Ils sont au total 1,7 million dans cette situation, en « activité réduite », selon le jargon de l’agence. Dans le lot, 865 000 bénéficient de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), tout en percevant un salaire. Parmi eux, 280 000 sont en contrat de moins d’un mois. Des nantis ? Pas vraiment. En moyenne, leur rémunération, une fois l’addition faite, atteint 1 320 euros. Mais le gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de revoir les règles de calcul de leur d’indemnisation. Objectif : « Faire en sorte que l’accès à l’emploi durable soit toujours plus intéressant pour tous. » Et bien sûr, « réduire substantiellement l’endettement du régime ». Invités, vendredi, à une réunion au ministère du Travail, syndicats et organisations patronales vont, dans la foulée, se voir remettre une lettre de cadrage, afin de borner leur négociation.

      Qu’est-ce que l’activité réduite ?

      D’abord mis en place de manière dérogatoire en 1962, avant d’être généralisé dans les années 80, le dispositif de l’activité réduite autorise les demandeurs d’emploi à reprendre une activité salariée tout en bénéficiant d’une partie de leurs allocations, et en reportant les droits non consommés dans le temps. L’idée est de permettre aux chômeurs de garder un pied dans le monde du travail, en les incitant à reprendre une activité même si celle-ci est moins bien rémunérée que la précédente. De quoi faire, aussi, baisser la courbe du chômage, du moins celle, très commentée, de la catégorie A, celle des chômeurs sans aucune activité. Concrètement, quel que soit le nouveau contrat qu’il signe (CDD, CDI…), un chômeur continue de percevoir une partie de son allocation, déterminée par un calcul spécifique.

      Seule condition, le cumul ne doit pas dépasser sa rémunération passée. C’est le cas de Laurence, dont la situation est détaillée sur le site de l’Unédic. Avant d’être au chômage, elle percevait tous les mois un salaire brut de 2 100 euros. Elle a donc droit à une allocation mensuelle de 1 135 euros. Quand elle reprend une activité, quelques jours par semaine, pour un salaire de 950 euros brut par mois, le Pôle Emploi fait ses petits calculs et ne lui verse plus que 469 euros. Elle perçoit donc 1 403 euros au total. En parallèle, elle reporte 18 jours de droits au chômage, soit la part non versée de son allocation mensuelle.

      Qui sont les « permittents » ?

      Entre 2012 et 2017, le nombre des chômeurs en activité réduite a augmenté de 60 %. En 2017, l’institut statistique du ministère du Travail, la Dares, s’est intéressé à eux. Selon Pauline Gonthier et Klara Vinceneux, les deux auteures de cette étude, ils sont 8 % à s’inscrire durablement dans une activité réduite. Parmi eux : surtout des femmes en couple, avec enfants, qui perçoivent une faible rémunération. Ou encore des seniors. Selon l’Unédic, en 2014, ces allocataires indemnisés et relevant du régime général (hors intermittents du spectacle, donc) étaient en grande partie issus du secteur des services à la personne et à la collectivité, du commerce, de la vente et de la grande distribution, et en troisième place, des métiers de service aux entreprises. Et étaient, pour 75 % d’entre eux environ, titulaires d’un bac ou d’un niveau de formation inférieur.

      Quel est l’effet de l’activité réduite sur l’emploi ?

      Le bilan est mitigé, notent Pauline Gonthier et Klara Vinceneux. Les deux auteures de la Dares évoquent des « effets ambigus de l’activité réduite sur le retour à l’emploi ». Explication : « Si la pratique d’une activité réduite paraît améliorer en moyenne la vitesse de retour à l’emploi, elle enfermerait également certains individus dans des activités précaires ou sous qualifiées. » Il y a donc pour certains un risque d’« installation dans l’activité réduite qui semble plus subie que choisie ». Et de rappeler les résultats d’une enquête de l’Unédic réalisée en 2012 : 51,4 % des allocataires en activité réduite depuis huit mois déclaraient alors vouloir changer de situation.

      Pourquoi a-t-elle explosé ?

      C’est un peu le serpent qui se mord la queue. Certes, l’activité réduite est un dispositif créé pour répondre à une transformation du marché du travail et au développement des contrats courts. Mais pour certaines économistes, à l’instar de Pierre Cahuc et Corinne Prost, la multiplication de ces contrats précaires a pu, aussi, être favorisée par les règles de l’assurance chômage sur la « permittence ». En 2015, les deux auteurs ont tiré la sonnette d’alarme dans une note du Conseil d’analyse économique. Ils y pointent l’explosion de l’emploi de courte durée. Ainsi, notent-ils, entre 1980 et 2011, la durée moyenne d’un CDD a été divisée par trois pour atteindre cinq semaines. « Il s’agit d’une transformation profonde, les CDD longs étant remplacés par de multiples CDD courts », poursuivent-ils. Plus grave encore : « En 2011, plus de 70 % des embauches en CDD sont des réembauches chez un ancien employeur. » Parmi les facteurs ayant pu favoriser ce développement : la création, en 1990, des CDD d’usage, des contrats reconductibles autorisés dans plus d’une vingtaine de secteurs et représentant 60 % des contrats courts. Depuis, les choses ont empiré : en 2017, 30 % des CDD ne durent qu’une seule journée.

      L’étude de la Dares pointe les mêmes mécanismes, tout en restant prudente : « Il est possible que certaines entreprises utilisent l’activité réduite de façon stratégique comme une subvention publique aux emplois de très courte durée ou comme une forme de chômage partiel intégralement financé par l’assurance chômage. » Pour d’autres, les règles d’indemnisation de l’activité réduite feraient la joie de quelques chômeurs suspectés d’adopter des comportements opportunistes. En résumé, ces derniers pourraient gérer leur droit à être indemnisé comme un stock qu’il s’agirait d’optimiser. « Les demandeurs d’emploi en activité réduite ne sont pas des profiteurs de la permittence. Ce sont les employeurs qui abusent des contrats courts », tranche Denis Gravouil, de la CGT. « Difficile de mettre l’opprobre sur ces chômeurs, alors qu’on ne leur offre que cela », note aussi Jean-François Foucard, du syndicat CGC, même s’il n’est pas opposé à une réflexion sur le sujet. « Beaucoup de gens préfèrent garder leurs CDD et refusent de signer un CDI », assure, côté patronal, Jean-Michel Pottier, de la CPME. Et de nuancer : « Parfois, c’est un intérêt partagé entre salarié et employeur. » Deux lectures que l’on retrouve dans le double discours de l’exécutif, tapant à la fois sur les doigts des entreprises et des salariés.

      Combien coûte-t-elle ?

      Les masses financières en jeu pour indemniser les personnes en activité réduite sont « modérées », selon l’Unédic, soit 5,4 milliards d’euros. C’est-à-dire 15 % de l’ensemble des dépenses annuelles d’allocation de l’assurance chômage (36 milliards d’euros). Ces dépenses devraient diminuer en 2018, puisque les règles de calcul de l’allocation qui, selon la Dares, favorisaient les chômeurs réalisant des contrats courts, ont déjà été modifiées en 2017 afin de remettre de l’équité.

      Quelles sont les évolutions possibles ?

      La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, l’a promis : « Personne n’imagine supprimer » le cumul salaire et chômage. Mais les règles de calcul vont à nouveau être revues. La locataire de la rue de Grenelle a d’ailleurs fait ajouter cette possibilité dans son projet de loi parcours professionnel, se réservant le droit de « modifier les mesures d’application relatives […] à l’activité réduite » par décret, si jamais les propositions des partenaires sociaux lui apparaissaient décevantes. Une disposition que la CFDT avait essayé, sans succès, de faire sauter, jugeant les règles de l’activité réduite « indispensables » alors que « la reprise de l’activité ne se traduit pas encore en emplois de qualité ».

      Le flou demeure toutefois sur les modalités privilégiées par l’exécutif. Les paramètres de calcul pourraient par exemple être changés pour réduire le montant de l’indemnité. « Mais rien n’est fait. En 2017, on a changé les règles pour que cela soit équitable. Si on va plus loin, on va créer une pénalité sur la permittence », pointe le représentant de la CPME, qui s’étonne qu’un nouveau paramétrage soit sur la table, alors « que l’on manque encore de recul » sur les dernières modifications. Autre option : comme ce fut le cas par le passé, le cumul pourrait être limité dans le temps. De quoi inquiéter les syndicats, soucieux de ne pas voir certains chômeurs tomber plus encore dans la précarité. D’autres redoutent qu’en rendant moins incitatif le cumul, des chômeurs préfèrent ne pas travailler et refusent les « petits boulots ». Quant au bonus-malus, c’est-à-dire la modulation des cotisations patronales évoquée par le gouvernement afin de pénaliser les entreprises qui abusent des contrats courts, il a la faveur des syndicats. Mais pas du patronat, qui menace de ne pas négocier si le sujet n’est pas écarté.

      #emploi_précaire #revenu

    • Le doyen de la fac de droit de Montpellier admet la possibilité d’un prof de droit parmi les hommes cagoulés

      Des étudiants qui occupaient la faculté de droit de l’université de Montpellier en ont été violemment expulsés, et certains blessés ; dans la nuit de jeudi à vendredi par des « hommes cagoulés et armés » de bâtons, après la journée de mobilisation contre le Plan étudiants. Cette évacuation a été filmée par des étudiants, et relayée par la Ligue des droits de l’homme. Interrogé par Libération pour commenter ces événements violents, le doyen de la fac de droit de Montpellier Philippe Petel a estimé que la présence d’un prof de droit parmi les hommes cagoulés soit « possible » tout en réfutant être à l’origine de cette évacuation violente.

      http://www.liberation.fr/direct/element/le-doyen-de-la-fac-de-droit-de-montpellier-admet-la-possibilite-dun-prof-

    • Montpellier : des étudiants expulsés de la fac par des hommes « cagoulés » et « armés de bâtons »

      Des étudiants de la faculté de droit de Montpellier ont été violemment expulsés de l’établissement dans la nuit de jeudi à vendredi par des hommes cagoulés. Ils occupaient les lieux en signe de protestation contre la sélection à l’Université et la réforme du bac. Une enquête a été ouverte par le parquet de Montpellier et le ministère de l’Enseignement supérieur a décidé d’une mission interne.

      http://www.bfmtv.com/societe/montpellier-des-etudiants-expulses-de-la-fac-par-des-hommes-cagoules-et-armes

    • Faculté de Montpellier: les témoignages qui accusent, la vidéo qui accable

      Neuf occupants de la faculté de droit de Montpellier ont déposé plainte après les violents incidents de la semaine dernière. Leurs témoignages interrogent sur les éventuelles complicités dont a bénéficié le groupe armé qui a attaqué les étudiants. Une nouvelle vidéo que publie Mediapart montre le doyen de la faculté en train d’applaudir les hommes cagoulés après leur assaut.

      Montpellier (Hérault), envoyé spécial.- Les grilles de la faculté de droit de Montpellier sont encore restées baissées, ce mercredi 28 mars. Pour le cinquième jour consécutif, Philippe Augé, le président de l’Université, a prolongé la fermeture administrative de l’UFR qui a été le théâtre d’une violente attaque contre des étudiants la semaine dernière. L’établissement ne devrait pas rouvrir avant le mardi 3 avril.

      Dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 mars, un groupe d’hommes cagoulés et armés de planches en bois a fait irruption dans les locaux pour déloger les occupants mobilisés contre la réforme de l’accès à l’université, envoyant trois personnes à l’hôpital. La communauté universitaire est encore sous le choc. Elle attend que les autorités administratives et judiciaires fassent la lumière sur les circonstances de l’intervention de ce groupuscule non identifié, alors que les étudiants ont voté le blocage « illimité » de l’Université Paul-Valéry (sciences humaines et de lettres).

      Depuis vendredi, les plaintes s’empilent sur le bureau du procureur de la République de Montpellier, Christophe Barret. Six étudiants ont saisi la justice dès le lendemain de l’agression. Mais, selon nos informations, le nombre de plaignants s’élève désormais à neuf. Pour la plupart d’entre elles, les plaintes concernent des faits de violences volontaires, avec les circonstances aggravantes qu’elles auraient été commises avec arme et en réunion. Les étudiants doivent être examinés jeudi par un médecin légiste pour évaluer leur incapacité totale de travail (ITT), même si aucun d’entre eux ne présente de séquelles physiques majeures. Tous restent en revanche profondément marqués par cette expédition punitive dans une faculté logée au cœur de la ville.

      Près d’une semaine après les faits, les étudiants souhaitent à tout prix que les enquêtes en cours – administrative et judiciaire – n’occultent pas le rôle des responsables de l’UFR présents sur les lieux, dont le doyen Philippe Pétel. Ce professeur de droit aguerri et jusqu’ici bien considéré par ses pairs, à la tête de la faculté depuis juin seulement, a démissionné de ses fonctions de doyen samedi après avoir tout juste reconnu une erreur de « communication » dans le traitement des événements.

      Pourtant, il semblerait que les problèmes liés à sa gouvernance ne se limitent pas à un déficit d’information : une vidéo que révèle Mediapart montre en effet le doyen en train d’applaudir les agresseurs juste après leur assaut sur les étudiants.

      Il est un peu plus de minuit, dans la nuit de jeudi à vendredi, quand la scène a été tournée. En quelques minutes, le groupe d’hommes armés est parvenu à repousser les quelques dizaines d’occupants de l’amphithéâtre A en dehors des murs de la faculté. Les grilles se referment. Et les assaillants se retirent à l’intérieur du hall d’entrée, cagoules sur la tête et planches de bois à la main, sous le regard bienveillant d’étudiants et professeurs anti-occupation qui étaient sur place depuis plusieurs heures.

      Des extraits de cette séquence montrant la fin de l’agression ont déjà été diffusés dans l’émission Quotidien. Mais le fichier source – en intégralité et de meilleure qualité – que nous publions ici permet d’identifier les personnes qui se sont massées autour des agresseurs pour… les féliciter vigoureusement une fois les grilles fermées. On y voit notamment le doyen Philippe Pétel, mais aussi plusieurs membres du personnel de la faculté (service administratif et corps enseignant) applaudir des deux mains les assaillants.

      Invité à commenter ces images accablantes, Philippe Pétel n’a pas répondu à nos multiples sollicitations (voir boîte noire). Selon Le Point, l’ex-doyen de la fac de droit, qui est la cible de menaces depuis plusieurs jours, a déposé une plainte pour diffamation. « Alors que le résultat de l’enquête n’est pas connu, Philippe Pétel est mis sur le pilori du tribunal 2.0 », dénonce, dans les colonnes de l’hebdomadaire, Me Romain Subirats, enseignant à la fac de droit et ancien élu au conseil de l’UFR.

      Le président de l’Université, Philippe Augé, a lui accepté de répondre à nos sollicitations par écrit, mais il n’avait pas retourné nos questions à la publication de notre article. Cette nouvelle vidéo renforce les soupçons sur la proximité des agresseurs avec des représentants de la faculté. Vendredi, devant les caméras de France 3, Philippe Pétel avait déjà laissé entendre qu’il avait a minima cautionné cette intervention : « Les étudiants ont voulu se défendre, je ne peux pas les en blâmer. Les étudiants en droit qui étaient là étaient tous contre l’occupation. (...) Je suis assez fier de mes étudiants. Je les approuve totalement. »

      L’ancien doyen n’a en revanche jusqu’ici pas levé le voile sur les coulisses de l’intervention de ces personnes masquées. « Tout cela a l’air diablement organisé. Cela ne me semble pas être seulement une réaction épidermique de quelques étudiants ou enseignants à une occupation qu’ils contestaient », relève Me Jean-Louis Demersseman, qui défend huit des neuf plaignants. « Un enseignant n’a pas un Taser et une cagoule dans son matériel quotidien », ajoute l’avocat, qui préside par ailleurs la commission « accès au droit » du SAF (Syndicat des avocats de France).

      D’autres étudiants ont confirmé à Mediapart le côté « militaire » et « préparé » de l’opération. Deux plaignants, Pierre et Olivier, en master en sciences humaines à l’Université Paul-Valéry-Montpellier, étaient en bas de l’amphithéâtre, assis au bureau, quand ils ont vu les assaillants investir les lieux, aux cris de « Cassez-vous ! », « Dégagez ! » « Deux d’entre eux sont descendus par les escaliers de droite pour faire remonter les étudiants vers l’entrée opposée, celle de gauche, où d’autres agresseurs attendaient. Là, ça tapait fort ! » racontent-ils. Des vidéos diffusées dès vendredi sur les réseaux sociaux confirment ce scénario. Par contre les témoignages fluctuent sur le nombre d’agresseurs en cagoule, armés de planches de palette de bois : de quatre à sept hommes, selon les témoins et plaignants rencontrés.

      Pierre et Olivier expliquent aussi avoir repéré la personne qui aurait tenu la porte de l’amphithéâtre aux assaillants. Son identité, selon eux ? Le doyen Philippe Pétel en personne. José Luis Torres, 45 ans, secrétaire départemental « Solidaires » présent lors du blocage, soutient la même version : « J’étais en haut de l’amphi, à quelques mètres de l’entrée. Et je suis formel : Pétel tenait la porte pour les agresseurs, il était à l’embrasure de la porte », expose-t-il à Mediapart, après avoir, lui aussi, déposé une plainte mardi matin.

      Un autre point taraude les manifestants : qui a fait entrer les hommes armés et cagoulés dans l’enceinte de la faculté ? L’accès principal au hall d’accès était occupé par des étudiants et du personnel de sécurité. Et toutes les autres issues avaient été condamnées dans la journée par l’administration avec chaînes et cadenas. « On ne pouvait donc pas accéder au hall d’entrée sans intervention d’un responsable de la faculté », expose M. Torres.
      Des professeurs entendus par les enquêteurs

      Le rôle de plusieurs professeurs, dont les noms reviennent en boucle sur le campus, est aussi au coeur des discussions. Selon Midi-Libre, quatre enseignants de la faculté de droit ont été entendus ce mardi 27 mars comme témoins dans le cadre de l’enquête.

      Un des enseignants publiquement mis en cause, François Vialla, s’estime victime d’une cabale. Interrogé par Mediapart, ce spécialiste en droit de la santé, conteste vigoureusement les accusations dont il fait l’objet. « Je pense que toute la communauté universitaire, étudiants, personnels, enseignants chercheurs peuvent être considérés comme victimes des exactions perpétrées », précise-t-il d’abord par écrit. Avant de se considérer « victime d’une campagne diffamatoire d’une violence inouïe sur les réseaux sociaux » : « Mon nom a été jeté en pâture sans aucune autre raison que le plaisir de nuire à ma réputation et celle de la faculté de droit. » Le professeur annonce avoir déposé plainte pour ces « mises en cause diffamatoires et les menaces qui s’en sont suivies : “Ça va être compliqué de donner des cours, je conseille à ces cibles de changer de métier. Cours petit lapin cours”. »

      Relancé pour savoir s’il connaissait le groupe armé et les circonstances de leur arrivée, M. Vialla n’a pas répondu, réservant « [ses] déclarations aux différentes enquêtes diligentées ».
      Un autre enseignant est lui nommément cité dans au moins une des neuf plaintes : selon le récit d’un étudiant, Jean-Luc Coronel de Boissezon, professeur d’histoire du droit, n’était pas cagoulé mais aurait participé à l’opération dans l’amphithéâtre. « Je l’ai reconnu a posteriori sur des photos, je suis formel », explique à Mediapart ce jeune homme, qui dit avoir reçu des coups de poing de la part du professeur, alors qu’il se trouvait en bas de la salle. Les gants en cuir de M. Coronel de Boissezon (voir photo ci-dessous) ont aussi marqué les esprits.

      Sollicité par Mediapart, le professeur d’histoire du droit reconnaît s’être « défendu » après avoir « reçu » lui-même des coups. Par écrit, il expose la version des faits suivante, qui détonne avec les récits des étudiants qui manifestaient sur place : « Rentré chez moi après mes cours, je ne suis revenu à la faculté que vers dix heures et demie du soir, en raison de toutes sortes d’inquiétantes nouvelles, dont celles d’un collègue professeur frappé, de chargés de T.D. molestés et d’étudiantes attouchées. Il va sans dire que je n’étais évidemment pas “cagoulé”, comme cela a pu circuler dans les plus folles rumeurs de l’Internet. »

      Jean-Luc Coronel de Boissezon confirme ensuite avoir été « présent dans l’amphithéâtre A vers minuit dix, lorsqu’un tout petit groupe de personnes masquées y a soudain pénétré, en frappant immédiatement sur les tables, manifestement pour effrayer les occupants ». Selon son témoignage, l’enseignant se serait « précipité pour évacuer les étudiants présents, car la situation devenait à l’évidence dangereuse. La plupart sont partis très vite dans la panique ainsi produite ; quelques occupants cependant ne voulaient pas quitter les lieux qu’ils avaient occupés par la force. Certains m’ont porté des coups dont a témoigné un médecin légiste ; il m’a parfois fallu me défendre. Cependant l’évacuation se termina très rapidement, non sans difficultés toutefois lorsqu’il fallut parvenir à refermer la grille de l’établissement, tandis que les occupants tentaient de revenir et jetaient divers projectiles dangereux dans notre direction, dont des bouteilles de verre cassées. Tout fut terminé aux alentours de minuit et quart. »

      M. Coronel de Boissezon s’est-il joint spontanément à un groupe d’hommes cagoulés et armés qu’il ne connaissait pas ? A-t-il eu des échanges avec ces personnes avant de pénétrer dans l’amphithéâtre ? Le professeur n’a pas répondu à nos nouvelles questions, qui portaient également sur ses liens éventuels, évoqués dans un article de Libération, avec la Ligue du Midi, groupuscule identitaire actif à Montpellier.

      « La justice doit adresser un signal fort à ces groupes d’extrême droite »

      Pour l’avocat Jean-Louis Demersseman, les investigations judiciaires doivent permettre de répondre rapidement aux deux questions fondamentales que pose l’enquête : qui composait le groupe d’assaillants, et quelle était sa relation exacte avec les enseignants, étudiants et représentants de la faculté opposés à l’occupation ?

      « La première des choses à faire serait de recenser les numéros de téléphone “entrée” et “sortie” entre 23h et 1h du matin aux alentours de la faculté. Qui a appelé qui ? Qui a envoyé un SMS à qui ? On comprendrait rapidement les différentes interactions », défend l’avocat, qui réclame aussi une exploitation rapide des caméras de vidéosurveillance. Si Me Demersseman rappelle ces évidences, c’est qu’il ne cache pas son « inquiétude » quant à l’évolution du dossier : « Je n’ai aucun retour sur l’évolution de l’enquête, je crains qu’il ne se passe pas grand-chose depuis vendredi. » L’avocat en veut pour preuve la liste de dix témoins qu’il a adressée au procureur de la République dès vendredi et qui n’avaient toujours pas été contactés par les services enquêteurs mardi soir.

      [photo]
      L’avocate Sophie Mazas, entourée de témoins, le 27 mars devant le commissariat de Montpellier. © AR

      Une quinzaine d’autres étudiants prêts à témoigner se sont retrouvés, mardi après-midi, devant les portes du commissariat central de Montpellier, à l’appel de la section locale de la Ligue des droits de l’homme (LDH), très impliquée depuis le début de l’affaire. Sophie Mazas, avocate et présidente de la fédération départementale de la LDH, a déjà remis une dizaine de témoignages écrits aux deux membres de la mission d’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), l’enquête administrative lancée par la ministre Frédérique Vidal. Mais Me Mazas, qui faisait partie d’une délégation reçue par le préfet de l’Hérault dès le lendemain de l’agression, attend désormais que la justice s’empare fermement du dossier : « Il faut adresser un signal fort à ces groupes d’extrême droite. On ne peut pas agresser des étudiants en toute impunité. »

      Les étudiants de Montpellier n’ont eux pas attendu pour agir. Poursuivant le mouvement de grève contre le processus de sélection à l’entrée à l’université, une assemblée générale réunissant mardi près de 3 000 étudiants, professeurs et personnels a voté un « blocus illimité » de l’Université Paul-Valéry. Dans les rangs des manifestants, certains dressent un parallèle avec une précédente mobilisation qui a marqué l’histoire universitaire montpelliéraine. En janvier 1998, l’évacuation violente sous les yeux du président de l’Université d’alors, d’une quarantaine d’étudiants de droit et sciences économiques, qui occupaient les locaux de la présidence de l’établissement, par un « commando » armé, composé de professeurs et de personnels administratifs, mais à visages découverts. Et sans téléphone portable filmant la scène.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/280318/faculte-de-montpellier-les-temoignages-qui-accusent-la-video-qui-accable?o

    • Fascisme chic à la Fac de Droit

      Les évènements qui viennent de se dérouler à la Faculté de Droit de Montpellier ont conduit à la démission de son doyen. Leur violence semble en faire des faits exceptionnels, relevant de la délinquance plus que de la politique. On soutiendra ici une version exactement contraire où on rappellera ses racines historiques et ses incidences nationales.

      https://blogs.mediapart.fr/paul-allies/blog/250318/fascisme-chic-la-fac-de-droit

    • #temoin #plainte #police
      #montpellier
      https://www.mediapart.fr/journal/france/030418/fac-de-montpellier-un-temoin-cle-menace-en-audition-par-un-policier

      L’affaire de la faculté de droit de Montpellier franchit un nouveau palier. Selon nos informations, un des témoins de l’attaque d’hommes cagoulés contre des étudiants grévistes vient de saisir l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, pour dénoncer les conditions de son audition, la semaine dernière, par un enquêteur du commissariat de la ville.

      Pascal* (pseudonyme — voir Boîte noire) est un témoin clé de ce dossier sensible, qui implique des personnalités locales de premier plan. Jeudi 29 mars, le doyen de la faculté de droit a été mis en examen pour complicité d’intrusion et un professeur pour violences volontaires.

      Étudiant en droit opposé au blocage des locaux, Pascal s’est retrouvé aux premières loges de l’assaut de l’amphithéâtre A de la faculté par un groupe armé qui a blessé plusieurs manifestants sous les yeux de responsables administratifs et de membres du corps enseignant, dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 mars.

      [...]
      L’audition de Pascal a débuté sur un ton cordial et respectueux, avant que le fonctionnaire de police, qui a montré plusieurs signes de fatigue et d’agacement, ne hausse le ton à son encontre au bout d’une heure d’entretien.

      Pascal évoque alors un point sensible de l’enquête : l’attaque de l’amphithéâtre a débuté quelques secondes après qu’il a lui-même quitté le bâtiment. Selon lui, plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette concordance : les assaillants le connaissaient et savaient qu’il n’était pas en lien avec les grévistes ; ils l’ont confondu avec un membre des services de renseignement, ou ont évité sa présence en raison de sa corpulence. Lors de l’audition, le policier tique sur ce point. « Il m’a dit : “Mais vous vous prenez pour qui ? Vous vous racontez un film ! Quand vous dites ‘ils ont attendu que je parte parce que je fais 140 kilos’, moi je vous casse les deux genoux avant que vous ayez levé le bras droit” », dénonce Pascal.

      Dès lors, selon notre enquête, l’audition a bien été émaillée d’incidents : « Le policier m’a dit que je confondais les faits et ce que j’avais cru voir et m’a accusé de vouloir régler mes comptes avec des professeurs que je connais, expose Pascal. Il m’a indiqué qu’il fallait que je me prépare à avoir des retours de bâtons avec tout ce que j’ai écrit [dans sa lettre – ndlr]. » Le policier signifie alors que, s’il avait écrit cela sur lui, c’était « je vous pète les genoux ou diffamation ».

    • « Il y a un problème global avec la police à Montpellier, prévient Sophie Mazas, avocate et présidente de la fédération héraultaise de la LDH. Nous avons des preuves d’agissements illégaux de certains agents de la BAC dans d’autres affaires. On aimerait vivre dans une ville tranquille où la justice puisse s’exercer sereinement. »

    • #Procès du #commando de la #fac_de_droit : des peines avec bracelet et du sursis requis | La mule du pape
      https://www.lamuledupape.com/2021/05/23/proces-du-commando-de-la-fac-de-droit-des-peines-avec-bracelet-et-du-s

      Le 22 mars 2018 à Montpellier, un commando d’extrême droite, cagoulé et armé de bâtons et de Taser, déloge des étudiants occupant un amphi de la fac de droit pour lutter contre la sélection sociale à l’université. Trois ans après, les 20 et 21 mai 2021, certains des protagonistes sont jugés, dont l’ex prof Jean-Luc Coronel et l’ex-doyen Philippe #Pétel, respectivement pour violences et complicité de violences. Au total, cinq peines de prison ferme avec bracelet et deux avec sursis ont été requises par le procureur. Les étudiants agressés dénoncent une enquête insuffisante, et ont même quitté l’audience. Après notre émission au soir de la première journée du procès, Rapports de Force, La Mule du Pape, Le Poing et Radio Gine, regroupés au sein des Médias Indépendants de Montpellier, font un retour sur l’ensemble des audiences.

  • Errejón (Podemos): «Le plus grand perdant des élections italiennes, c’est Bruxelles»
    https://www.mediapart.fr/journal/international/120318/errejon-podemos-le-plus-grand-perdant-des-elections-italiennes-c-est-bruxe

    Íñigo Errejón, numéro deux de Podemos. © Flickr Podemos. Dans un entretien à Mediapart, l’une des figures de Podemos et théoricien du #populisme de gauche, l’Espagnol Íñigo Errejón, analyse les secousses des législatives italiennes et plaide pour une gauche capable de « mettre de l’ordre », en réaction aux virages droitiers observés dans beaucoup de pays d’Europe.

    #International #Culture-Idées #Espagne #Inigo_Errejon #Italie #Mouvement_5_étoiles #Pablo_Iglesias #UE

  • Chez #Orange, le silence sur la radioactivité a provoqué une vague de #cancers
    https://www.mediapart.fr/journal/france/010318/chez-orange-le-silence-sur-la-radioactivite-provoque-une-vague-de-cancers

    Yves Colombat dépollue un boîtier © Clotilde de Gastines Depuis plusieurs dizaines d’années, une vague de cancers liée aux expositions à la radioactivité touche des salariés des télécoms. La direction a tu les risques. Pour que ces victimes et leurs familles soient indemnisées, un ingénieur et d’autres témoins racontent à Mediapart l’ampleur de ce scandale sanitaire.

    #France #France_Telecom #Jean-Michel_Person #PTT #radioactivité #télécom

  • #Vandana_Shiva : « Pas besoin de glyphosate pour nourrir le monde »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/270218/vandana-shiva-pas-besoin-de-glyphosate-pour-nourrir-le-monde

    L’activiste et auteure indienne, lauréate du Nobel alternatif en 1993, appelle dans un entretien vidéo accordé à Mediapart, les agriculteurs français à sortir de l’âge des engrais et à se réconcilier avec la nature. Elle publie un livre d’entretien avec Nicolas Hulot, où elle défend une vision combative de la biodiversité et de la transition énergétique.

    #France #Culture-Idées #agriculture #Ecoféminisme #Ecologie #OGM

  • La CAF persiste à taxer illégalement les allocataires du RSA| MATHILDE GOANEC, Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/090218/la-caf-persiste-taxer-illegalement-les-allocataires-du-rsa?onglet=full

    Alors que le Conseil d’État a confirmé dans un jugement de juin 2017 l’illégalité du procédé, les caisses d’allocations familiales continuent de surtaxer l’épargne des allocataires du revenu de solidarité active, et ne répondent pas à leur devoir d’information des usagers.

    Décidément, les caisses d’allocations familiales (CAF) ont bien du mal à appliquer la loi. En janvier 2017, Mediapart, alerté par des usagers soutenus par l’association Apnée, révélait que contrairement au code de l’action sociale et des familles, les CAF taxaient à tort les livrets A des allocataires des minimas sociaux. Six mois plus tard, le Conseil d’État a confirmé que cette taxation de l’épargne était illégale, à l’occasion d’un jugement délivré par le tribunal administratif de Montpellier.

    Le 17 novembre dernier, la CAF s’est donc, contrainte et forcée, enfin conformée à la jurisprudence et a même édité une circulaire, rappelant à ses agents les règles à appliquer lorsqu’un allocataire possède une épargne. La consigne semble avoir du mal à passer puisque des usagers continuent d’être illégalement « trop taxés », assure l’association Apnée, qui ferraille sur ce sujet depuis des années.

    Les allocataires du RSA n’ont par ailleurs jamais reçu une quelconque information, leur permettant éventuellement de se voir verser rétroactivement des sommes pourtant ponctionnées à tort. Ce faisant, la CAF faillit une deuxième fois à son devoir. Elle est en effet dans l’obligation d’informer les allocataires de leurs droits.

    Sur le fond, l’affaire est relativement simple : peu de gens le savent, mais le RSA (revenu de solidarité active) est loin d’être inconditionnel. Les caisses d’allocations familiales prennent en compte pour le calcul d’un RSA l’ensemble des revenus disponibles, y compris les économies épargnées et placées. Un certain nombre de bénéficiaires des minimas sociaux, pas tous, conservent en effet des bas de laine, ce qui n’a rien d’illégal mais doit être déclaré. La plupart des CAF appliquaient jusqu’ici à cette épargne une taxe forfaitaire de 3 %, qu’elles déduisaient ensuite de l’allocation versée chaque mois.

    Or les textes précisent que, pour ceux qui possèdent des livrets rémunérés (comme le livret A), la taxation ne doit pas être forfaitaire, mais égale au montant des intérêts, soit 0,75 % pour le livret A, par exemple. Cette confusion réglementaire a pu avoir des conséquences dramatiques : « J’ai touché concrètement 322 euros au lieu de 480 pendant trois mois* », expliquait ainsi Pierre (prénom d’emprunt) à Mediapart.

    Cet usager a attaqué son département devant le tribunal administratif et attend toujours réparation. Depuis la décision du Conseil d’État, le montant du RSA qu’il perçoit est passé « comme par magie » à son montant légal en janvier 2018, sans que Pierre ne reçoive aucune information de sa caisse. « Les montants précédemment spoliés restent eux toujours à récupérer », précise l’allocataire, tenace.

    Dans la circulaire éditée par la CAF, et que Mediapart a pu consulter, les choses sont pourtant écrites noir sur blanc : « Le taux forfaitaire de 3 % n’est plus applicable à l’ensemble des livrets d’épargne (…). Par conséquent, pour la détermination des droits au RSA, seul le montant réel des intérêts perçus doit être pris en compte. » Plus loin, la CAF précise que ces nouvelles modalités s’appliquent aux nouvelles demandes, aux droits en cours, mais aussi « sur réclamation, à tous les dossiers ayant fait l’objet d’une évaluation à 3 % au titre des produits d’épargne. La régularisation doit être effectuée dans la limite de la prescription biennale ». 

    En langage moins codé, les allocataires dont le RSA a été indument ponctionné peuvent réclamer un “recalcul” sur les deux dernières années. Encore faut-il être informé. Or la déclaration de ressources que doivent remplir chaque trimestre les allocataires n’a jusqu’ici pas été modifiée. De fait, avant que la CAF n’admette publiquement son erreur, les procédures judiciaires étaient rarissimes et les départements peuvent continuer à tabler sur une forme d’inertie des allocataires, perdus face à l’administration. « Je sais que peu de gens se lanceront dans une réclamation de crainte de se retrouver dans le collimateur de la CAF… et de subir un contrôle tatillon », confirme Yves Barraud, le président d’Apnée. Le manque à gagner – ou les économies, selon le point de vue – peut pourtant s’avérer énorme : lors de l’affaire des « recalculés de l’Unédic », qui a concerné environ 800 000 chômeurs en 2004 et 2005, seule une petite quarantaine de demandeurs d’emploi ont engagé des actions qui, au terme d’une bataille juridique remontée pareillement jusqu’au Conseil d’État, se sont soldées par la réintégration dans leurs droits des 800 000 concernés, soit deux milliards d’euros débloqués par l’État.

    L’association s’est fendue le 26 janvier d’une lettre ouverte à Agnès Buzyn, ministre de la santé et des solidarités, ainsi qu’à Vincent Mazauric, directeur général de la CNAF (Caisse nationale des allocations familiales). « Par manque d’information ou renseignements erronés, des allocataires sont encore à ce jour taxés illégalement et n’ont pas connaissance de la possibilité d’obtenir remboursement (partiel) de la taxation abusive subie », relève l’association, qui évalue à plusieurs millions d’euros les économies réalisées par les départements sur le dos des « précarisés », par cette interprétation erronée du droit. L’association n’a toujours pas reçu de réponse. La CNAF, que Mediapart a également sollicitée sur le sujet, semble muette.

    Pour Apnée, d’autres placements (comme les assurances vie ou les plans d’épargne logement…) sont également soumis à une taxation forfaitaire de 3 %, alors même que le rendement de ces placements serait inférieur à ce taux. Enfin, le sujet ne semble pas se borner aux allocataires du RSA. Les retraités qui touchent un minimum vieillesse (l’Aspa, environ 800 euros) voient également leurs allocations retranchées s’ils ont des économies placées, sur la même base forfaitaire de 3 %.

    Les CAF et les départements, qui financent les allocations de solidarité, traînent donc la patte, concentrés qu’ils ont été ces dernières années sur la crainte de passer à côté des revenus « cachés » des bénéficiaires des minimas sociaux. La taxation des revenus de l’épargne a été introduite à la faveur du remplacement du revenu minimum d’insertion (RMI) par le RSA en 2008. La même année, une délégation nationale à la lutte contre la fraude ainsi que des comités départementaux de lutte contre la fraude sociale ont été initiés par décret. « À mesure que ces dispositifs, appuyés sur plusieurs rapports parlementaires, se sont étoffés, les organismes prestataires ont été amenés à durcir leurs modalités de contrôle », souligne un rapport du défenseur des droits, publié fin 2017, qui s’interroge sur le prix que payent les usagers face aux politiques de lutte contre la fraude aux prestations sociales.

    « Au-delà des pratiques, entretenues par une rhétorique de la fraude alimentée par des discours politiques “décomplexés”, ces atteintes [aux droits des usagers – ndlr] s’expliquent aussi, comme l’a montré ce rapport, par la densité, la complexité et le manque de transparence de la réglementation en vigueur ainsi que des procédures qui en découlent », insiste le Défenseur des droits, qui recommande aux organismes de protection sociale de « mettre en œuvre l’obligation d’information à laquelle ils sont tenus ». Le flou entretenu sur la taxation de l’épargne des allocataires est, en l’espèce, un véritable cas d’école.

    #RSA #CAF #épargne #spoliation #revenu

  • Le Sinn Féin perd son leader historique mais rêve encore de réunifier l’Irlande
    https://www.mediapart.fr/journal/international/090218/le-sinn-fein-perd-son-leader-historique-mais-reve-encore-de-reunifier-lirl

    Gerry Adams, avec sa successeure, Mary Lou McDonald, le 24 février 2016. © Reuters / Clodagh Kilcoyne. À la tête du Sinn Féin pendant trente-quatre ans, #Gerry_Adams quitte la présidence du parti nationaliste irlandais, lors d’un congrès extraordinaire ce samedi 10 février à #Dublin. Retour sur la longue carrière d’un homme de gauche controversé, qui s’est confié à Mediapart.

    #International #Irlande #Sinn_Fein

  • Selon #Christopher_Rother, « Volkswagen a gagné » le #Dieselgate en Europe
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/250118/selon-christopher-rother-volkswagen-gagne-le-dieselgate-en-europe

    Alors que les clients américains et canadiens ont été dédommagés par #Volkswagen, l’immense majorité des clients européens n’aura rien. À peine 100 000 plaintes devraient être déposées en Europe, sur près de 8 millions de voitures Volkswagen équipées du fameux logiciel truqué. « C’est un scandale », dénonce l’avocat Christopher Rother dans un entretien à Mediapart. Explications.

    #Economie #Allemagne #Automobile #environnement #pollution

  • Selon #Christopher_Rother, « Volkswagen a gagné » le #Dieselgate en Europe
    https://www.mediapart.fr/journal/international/250118/selon-christopher-rother-volkswagen-gagne-le-dieselgate-en-europe

    Alors que les clients américains et canadiens ont été dédommagés par #Volkswagen, l’immense majorité des clients européens n’aura rien. À peine 100 000 consommateurs devraient porter plainte en Europe, contre près de 8 millions de voitures Volkswagen équipées du fameux logiciel truqué, sur le continent. « C’est un scandale », dénonce l’avocat Christopher Rother dans un entretien à Mediapart. Explications.

    #International #Allemagne #Automobile #environnement #pollution

  • Les méthodes radicales du nouveau directeur de cabinet de la ministre de la santé
    https://www.mediapart.fr/journal/france/030118/les-methodes-radicales-du-nouveau-directeur-de-cabinet-de-la-ministre-de-l

    Raymond Le Moign dirigera le cabinet d’Agnès Buzyn au moment de la réforme du financement de l’hôpital annoncée pour 2018. Auparavant à la tête du #CHU de #Toulouse, il fut le premier directeur à tailler dans les effectifs soignants, engageant des restructurations qui se sont traduites par une grande souffrance au travail.

    #France #Agnès_Buzyn #ministère_de_la_santé #Raymond_Le_Moign

    • Bachelot, Touraine, Buzyn. Les ministres de la santé tombent, alors que lui grimpe dans l’administration. Raymond Le Moign entrera en fonctions, ce 2 janvier 2018, au poste de directeur de cabinet d’Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. « C’est un poste qui ne se refuse pas », dit le haut fonctionnaire dans l’interview exclusive qu’il a accordée à La Dépêche du Midi, pour expliquer pourquoi il quitte, après deux ans de mandat à peine – il était arrivé en février 2016 –, la direction du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse et ses 16 000 salariés.

      Là-bas, il n’a pas laissé que de bons souvenirs. « Le seul point noir, au CHU de Toulouse, c’est la contestation sociale », concède-t-il lui-même dans l’interview à La Dépêche. Pourtant, les choses n’avaient pas si mal commencé. « Il était réputé être un homme de dialogue. Au début, il nous a demandé de l’informer directement de certaines choses, parce que ses directions intermédiaires faisaient de la rétention d’information. Il nous disait même qu’il fallait revoir à la hausse les créations de postes », raconte Julien Terrié, représentant de la CGT.

      En effet, Raymond Le Moign, auparavant sous-directeur des ressources humaines à la direction générale de l’offre de soins, au ministère, excelle dans la négociation. « On l’appelait “le pompier”, parce qu’il était envoyé pour éteindre les incendies, pour résoudre les conflits. Mais il y a une ambiguïté avec ce type de personnage, qui dit faire “au mieux” sans jamais remettre en cause les données des problèmes, liés la plupart du temps à l’austérité. Il est capable de vous amputer le bras pour vous sauver la vie. Il a une fibre “fonction publique”, mais reste dans la pensée unique », analyse Jean Vignes, secrétaire général de Sud santé sociaux, amené par le passé à rencontrer M. Le Moign lors de négociations au ministère.

      Une ambiguïté que les syndicalistes du quatrième CHU de France ont vite fait d’éprouver. Et malgré leurs relations cordiales, au début du mandat de M. Le Moign, la certification des comptes, qui établit début 2016 un déficit de 30 millions d’euros, marque le premier refroidissement. « Nous lui avons proposé de mener une campagne pour demander à l’État de ne pas ponctionner les 43 millions d’euros de taxe sur les salaires qu’il prélève à l’hôpital, et de renégocier la dette de 60 millions d’euros avec les banques. Mais il a préféré rester dans le cadre, et cela signifiait supprimer des postes, y compris de soignants, alors que la ville voit sa population augmenter de 12 000 personnes chaque année en ce moment », poursuit le syndicaliste.

      Le plan Avenir, mis en place par M. Le Moign pour remédier au déficit de l’hôpital, s’est traduit par la suppression de 39 équivalents temps plein en 2016, et de 56 en 2017. « Le plan Avenir s’est traduit par des restructurations partout, une augmentation de l’ambulatoire, et la privatisation du bionettoyage des chambres et du brancardage », déplore Julien Terrié.

      À l’été 2016, en 18 jours, quatre salariés de l’hôpital mettent fin à leurs jours, parfois dans son enceinte même. « Les suicides étaient au moins en partie liés aux conditions de travail. On a demandé la suspension immédiate des restructurations liées au plan Avenir. Le Moign n’a rien mis en place des mesures d’urgence que nous demandions », explique encore Julien Terrié. Et ce, malgré les courriers de l’Inspection du travail allant dans ce sens.

      Les relations avec les syndicats se détériorent : « À chaque fois qu’on voulait aller négocier dans son bureau, il s’enfuyait par des portes dérobées. » Le directeur distribue par la suite sept blâmes et mutations disciplinaires aux représentants de la CGT. « Une première », commente Julien Terrié. Raymond Le Moign rechigne également à répondre aux médias, à Mediapart comme à l’émission d’« Envoyé spécial » intitulée « Hôpital public, la loi du marché »

      La fin du mandat de M. Le Moign est marquée par deux grèves : l’une, du service qui transporte les prélèvements, dure depuis plus de 60 jours. Les agents de l’hôpital demandent à bénéficier d’une prime « insalubrité » de 41 euros, au vu de ce qu’ils transportent : urines, excréments, sang, etc. Ils demandent également à pouvoir passer, après formation, en catégorie B, et que leurs véhicules, vieillissants, soient remis en état. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le conflit ne trouve pas d’issue. Au contraire, la veille de Noël, la grève du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hébergé à la Villa Ancely, a permis d’obtenir le remplacement des arrêts maladie longue durée.
      La nomination de leur ancien patron au cabinet de la ministre passe mal, et les syndicalistes l’ont fait savoir par une conférence de presse. « Nous sommes inquiets : Mme Buzyn dit partout qu’il ne faut pas baisser le nombre de soignants, or Raymond Le Moign fut le premier directeur à le faire à Toulouse », pointe le syndicaliste, pour qui cette nomination constitue un symbole.

      La réaction des praticiens hospitaliers du CHU est nettement plus tiède : « M. Le Moign est resté deux ans à la tête de l’hôpital, il arrivait dans un système de contraintes qui le dépassent et qui lui survivront. Les responsabilités sont partagées, et à chercher en amont », explique François Prévoteau du Clary, secrétaire général du syndicat des praticiens hospitaliers du CHU de Toulouse. Pierre-Louis Canavelli, représentant CFDT, le qualifie également de personne « compétente, pragmatique et ouverte au dialogue, dont la parole était plus crédible que son prédécesseur, bien plus agressif ».

      Invitée sur les ondes de Sud Radio, la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn a répondu aux inquiétudes des cégétistes : « [M. Le Moign] avait une mission qui était le retour à l’équilibre de ce CHU. Les échos que j’en ai des élus toulousains qui m’en parlent me disent que ça a été un excellent directeur d’hôpital. Par ailleurs, j’ai connu M. Raymond Le Moign dans d’autres fonctions et je sais la vision qu’il a de la santé pour nos concitoyens, qui est très proche de la mienne, c’est-à-dire la qualité des soins. » Raymond Le Moign dirigera donc le cabinet d’Agnès Buzyn au moment de la réforme du financement de l’hôpital annoncée pour 2018, ainsi que celle des retraites, dont le ministère est également en charge.
      Jean Vignes, militant à Sud et routard du système de santé, émet une hypothèse sur les raisons qui ont poussé la ministre à nommer cet ancien élève de l’École des hautes études en santé publique à la direction de son cabinet. D’avril 2004 à juillet 2007, Raymond Le Moign a été directeur général adjoint du Centre de lutte contre le cancer à Nantes, et il est devenu vice-président de la Fédération nationale des Centres de lutte contre le cancer (FNCLCC, devenue Unicancer). Ces Centres de lutte contre le cancer sont des établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC). Or, les 23 et 24 novembre derniers, a eu lieu à Aix-en-Provence l’étude des coûts à méthodologie commune, un séminaire de décideurs hospitaliers. « La conclusion de cette réunion était que l’avenir, pour les établissements de la fonction publique hospitalière, était d’en sortir, pour se transformer en établissements privés à but non lucratif. Le modèle alors cité était le Centre de lutte contre le cancer. Cette idée est une vieille lune, qui avait déjà cours sous Sarkozy. Cela serait une solution pour revaloriser les carrières infirmières sans être obligé, pour le gouvernement qui l’a promis, d’aligner les grilles de salaire des deux autres fonctions publiques (d’État et territoriale) », anticipe le syndicaliste.

      Pour les autres interlocuteurs rencontrés dans le cadre de cet article, ces conjectures sont fantasques. « Seul l’avenir pourra valider ma supposition, mais il y a quand même beaucoup de fils qui convergent. La formuler, c’est déjà dire que l’on n’est pas dupes si le gouvernement s’engage sur cette voie », conclut le stratège de Sud santé sociaux.

      #techno-killer #restructuration #hôpital #établissements_privés_à_but_non_lucratif.

  • Un ministre #socialiste portugais : « Pourquoi nous avons mieux rebondi que la #Grèce »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/211217/serie-portugal2-pour-le-gouvernement-socialiste-portugais-l-alliance-avec-

    Le ministre adjoint aux finances Mourinho Félix avance les raisons de la reprise portugaise, dans un entretien à Mediapart. Et tente d’expliquer les différences de trajectoire économique entre le #Portugal et la Grèce, alors que Lisbonne vient de prendre la présidence de l’Eurogroupe.

    #International #austérité #croissance #economie #finances_gouvernement #gauche #Mario_Centeno #négociation #Ricardo_Mourinho_Félix #troïka

  • David Cormand (EELV) : « Le macronisme est un hyper-pouvoir qui accouche d’une hypo-politique »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/291217/david-cormand-eelv-le-macronisme-est-un-hyper-pouvoir-qui-accouche-d-une-h

    David Cormand © Reuters Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts revient, dans un entretien à Mediapart, sur le processus de refondation engagé depuis l’été. Convaincu qu’un #parti écolo reste plus que jamais nécessaire, il voit dans le chamboulement politique en cours une « opportunité pour l’écologie politique d’entrer dans l’âge adulte », et évoque la bataille des européennes de 2019.

    #France #Ecologie #EELV #environnement #Europe_Ecologie-Les_Verts #ONG

  • Manifeste pour une mondialité apaisée
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/241217/manifeste-pour-une-mondialite-apaisee

    Professeure honoraire au Collège de France et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, la juriste #Mireille_Delmas-Marty confie à Mediapart son Manifeste pour une mondialité apaisée et apaisante. Afin d’éviter, écrit-elle, que « l’humanité, prise dans un tourbillon de vents contraires, [soit] impuissante à influencer son propre avenir, déboussolée au sens propre ».

    #Culture-Idées #droit_international #Edouard_Glissant #Mondialisation #Mondialité #Patrick_Chamoiseau

  • « Pays tiers sûr » : le gouvernement renonce à la pire mesure de son projet de loi
    https://www.mediapart.fr/journal/france/201217/pays-tiers-sur-le-gouvernement-renonce-la-pire-mesure-de-son-projet-de-loi

    Mobilisation à Menton, à la frontière franco-italienne, le 16 écembre 2017. © Reuters La mobilisation des acteurs de la solidarité porte ses fruits : le ministère de l’intérieur fait machine arrière en renonçant à intégrer dans son projet de loi concernant les étrangers une mesure qui aurait constitué un reniement du droit d’asile tel qu’il a été construit après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des députés LREM ont également critiqué une telle mesure voulue par le ministre #Gérard_Collomb..

    #France #asile #réfugiés

    • Les montagnards des Alpes, venus au secours des #migrants traversant la frontière franco-italienne, ont eu raison de l’une des mesures les plus iniques du projet de loi sur l’asile et l’immigration en préparation au ministère de l’intérieur. Symboliquement en tout cas. Mercredi 20 décembre, les services de Gérard Collomb ont fait savoir, selon l’AFP et RTL, qu’ils renonçaient à introduire dans le droit français la notion de « pays tiers sûr » figurant dans l’avant-projet de loi qui avait fuité cet automne dans la presse (lire notre article). Or cette annonce intervient après le début de la mobilisation massive du monde associatif en vue de l’organisation d’états généraux, dont la première étape a eu lieu le week-end dernier à Briançon et à Névache dans les Hautes-Alpes (lire notre article), ainsi qu’à Menton dans les Alpes-Maritimes.

      Cette notion, hautement problématique, aurait autorisé l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) à considérer comme « irrecevables » les demandes d’asile de personnes ayant transité, avant d’arriver en France, dans un « pays tiers sûr », c’est-à-dire un pays hors de l’Union européenne supposé garantir les droits de l’homme.Potentiellement la quasi-totalité des demandeurs d’asile entrés sur le territoire par voie de terre auraient pu être concernés. Car la plupart des pays voisins de l’Union européenne se targuent, à tort ou à raison, de prendre en charge les demandes de protection internationale qui leur sont adressées. C’est à ce titre, par exemple, que la Grèce renvoie en Turquie des demandeurs d’asile originaires de Syrie ou d’Afghanistan.

      Le concept de « pays tiers sûr » constitue un reniement du droit d’asile. Il met en effet en cause l’un des principes fondamentaux inscrits dans la Convention de Genève de 1951, selon lequel chaque demandeur d’asile a le droit de voir sa situation personnelle examinée dans le pays où il sollicite une protection.
      En France, il contrevient au préambule de la Constitution qui affirme que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Le droit d’asile y a été consacré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 août 1993 qui établit que « l’étranger qui se réclame de ce droit [doit être] autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande » (lire nos explications détaillées ici et là).

      L’introduction de ce concept dans la loi aurait permis que des personnes en quête d’asile soient expulsées hors de France sans que leur demande n’ait été examinée. Plutôt que de les interroger sur les violences politiques ayant provoqué leur exil, plutôt que de chercher à évaluer la crédibilité de leur témoignage, plutôt que de rassembler les indices attestant leur persécution, leur sort aurait été tranché en fonction de la route qu’elles auraient empruntée. Au lieu de se demander si elles étaient en danger dans leur pays d’origine, les officiers de l’asile auraient dû chercher à retracer leur parcours pour savoir si, au cours des milliers de kilomètres parcourus pour fuir leur pays, elles avaient traversé un pays dans lequel elles pourraient vivre en sécurité.

      Cette réflexion a lieu également à l’échelon européen puisque la Commission européenne travaille à un règlement d’application direct allant dans ce sens. Le directeur général de l’Ofpra, Pascal Brice, a plusieurs fois eu l’occasion d’affirmer qu’il jugeait une telle évolution dangereuse pour l’asile.

      Si les montagnards ont fait plier le gouvernement, c’est parce qu’ils ont réussi à semer le doute dans la majorité présidentielle. Lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale le 19 décembre, la députée LREM Sonia Krimi a ainsi exprimé son inquiétude sur la politique d’accueil menée par Gérard Collomb. Lors de la réunion du groupe, plusieurs élus macronistes ont fait entendre leur désapprobation à l’égard des orientations actuelles. Ce mercredi matin sur Europe 1, Sacha Houlié, député LREM, vice-président du Palais-Bourbon, a devancé le ministre de l’intérieur en annonçant que la notion de « pays tiers sûr » ne figurerait pas dans le projet de loi, qui doit être examiné au Parlement au cours du premier semestre 2018, ce qu’a confirmé ensuite la place Beauvau.

      Lors de son entretien live à Mediapart, le premier ministre Édouard Philippe avait d’ailleurs affirmé « réserver sa réponse » sur ce sujet sensible (voir la vidéo). Outre la fronde organisée par les associations susceptibles de convaincre une partie grandissante de l’opinion publique, les difficultés juridiques, et notamment le caractère anticonstitutionnel de la mesure , ont dû contribuer à la volte-face du gouvernement.

      Il n’en reste pas moins que le ministère de l’intérieur enchaîne les circulaires répressives, la dernière en date mettant à mal l’accueil inconditionnel dans les centres d’hébergement d’urgence (lire notre article). Le projet de loi quant à lui est encore truffé de mesures sécuritaires, comme celle visant à doubler la durée autorisée d’enfermement des étrangers dans les centres de rétention . La question qui se pose est de savoir si le gouvernement a pris conscience qu’il allait trop loin ou s’il fait cette concession pour mieux imposer le reste. Et s’il est prêt à assumer sa décision à Bruxelles, où les négociations sont en cours pour rendre applicable à l’ensemble des pays de l’Union européenne cette notion de « pays tiers sûr ».

      #anticonstitutionnel

    • Le concept de #pays_sûr a été une « invention suisse » apparemment (je dois encore approfondir ce point pour être sure de sa genèse) :
      https://seenthis.net/recherche?recherche=%23pays_s%C3%BBr+%23mod%C3%A8le_suisse
      C’est effectivement un moyen pour renvoyer plus facilement et rapidement des migrants dont leur arrivée et demande d’asile est considérée illégitime, car s’agissant de personnes venant de pays sûr (donc... pas de problème possible au niveau individuel, car l’Etat en question ne persécute pas ladite personne).
      La liste des pays sûrs varie en fonction des Etats et des époques.

      Le pays tiers sûr, c’est la même idée, mais non pas appliquée au pays d’origine, mais au pays de transit.
      C’est notamment toute la question de l’accord UE-Turquie... L’UE considère que les réfugiés en Turquie sont en pays (tiers) sûr, du coup, pas besoin de les accueillir en Europe, voire même possibilité de les renvoyer en Turquie depuis la Grèce...

      C’est un instrument à expulsion !

    • Le diabolique projet de l’Europe pour les demandeurs d’asile

      Mediapart s’est procuré la toute dernière version du règlement européen en cours de négociation à Bruxelles, qui permet le renvoi de demandeurs d’asile vers des « pays tiers sûrs ». La définition de ce concept est élargie au point qu’un pays comme la Libye pourrait, à terme, être concerné pour peu que certaines régions se stabilisent, par exemple autour de Tripoli.
      Lors du cinquième sommet UE-Afrique, qui doit se dérouler les 29 et 30 novembre à Abidjan, en Côte d’Ivoire, les chefs d’État européens ne vont pas manquer de s’indigner des violences dont sont victimes les migrants subsahariens en Libye, à la suite de l’émoi mondial provoqué par la diffusion du reportage de CNN apportant la preuve de pratiques esclavagistes dans ce pays. Mais il est à peu près certain qu’ils ne diront pas un mot du forfait qu’ils sont en train de préparer en toute discrétion à Bruxelles à l’encontre des demandeurs d’asile.
      Sur une proposition de la Commission européenne, ils sont en train de négocier, au sein du Conseil européen, les termes d’un règlement « instituant une procédure commune en matière de protection internationale » qui constitue un reniement fondamental au regard du droit d’asile tel qu’il est conçu depuis la signature de la Convention de Genève en 1951.

      Ce texte (à consulter dans sa version de départ), d’application directe dans les législations nationales (c’est-à-dire ne nécessitant pas de transposition – à la différence des directives), prévoit que les États membres puissent considérer comme « irrecevables » les demandes d’asile de personnes ayant transité, avant d’arriver en Europe, dans un « pays tiers sûr » et, dès lors, les y renvoyer afin qu’y soit prise en charge leur demande de protection internationale.
      Par « pays tiers sûr », il faut entendre des pays hors de l’Union européenne censés garantir les droits de l’homme. L’article 45, qui définit le concept de « pays tiers sûr », évoque notamment le fait que, dans ces pays, les « demandeurs n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques ». Sont potentiellement concernés la totalité des pays voisins de l’Union européenne. La France pourrait ainsi renvoyer vers les pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc) l’immense majorité des exilés subsahariens qui y seraient passés avant de traverser la Méditerranée.
      Mais cela ne s’arrête pas là. Mediapart s’est procuré la dernière version (non définitive) de l’article 45, qui est particulièrement alarmante puisqu’elle précise qu’un pays peut être déclaré comme sûr à l’exception d’une ou plusieurs de ses régions ou d’une ou plusieurs catégories de personnes. Dit autrement, cela revient à déclarer comme sûrs des pays dont certaines régions sont en guerre (mais pas toutes) ou dont certaines catégories de personnes sont menacées (mais pas toutes). Certains observateurs redoutent que cet élargissement de la définition ne permette d’y faire entrer des pays aussi instables que la Libye pourvu qu’un de ses territoires, par exemple autour de Tripoli, fasse taire le bruit des armes.
      Cette notion de « pays tiers sûr » constitue une révolution dans le droit d’asile, car elle permettrait que des exilés en quête de protection soient réexpédiés sans que leur demande n’ait été examinée dans un pays de l’UE. Plutôt que de les interroger sur les violences politiques ayant provoqué leur exil, plutôt que de chercher à évaluer la crédibilité de leur témoignage, plutôt que de rassembler les indices attestant leur persécution, il s’agirait de retracer leur trajectoire : au cours des milliers de kilomètres parcourus pour fuir leur pays, ont-ils traversé un pays dans lequel ils pourraient vivre en sécurité ? Peu importent les sévices subis (viol, enfermement arbitraire, harcèlement, rançon, torture, etc.), il faudrait trouver une terre d’accueil, la plus éloignée possible de l’Europe.
      Ce concept de « pays tiers sûr » est déjà inscrit dans la directive européenne dite « procédure » adoptée le 26 juin 2013 mais, à la différence du règlement en préparation, ce texte laissait aux États la faculté de ne pas le mettre en œuvre ; selon Gérard Sadik, de la Cimade, 19 pays l’ont adopté, parmi lesquels seuls deux l’appliquent de facto : il s’agit de la Hongrie, qui renvoie quasi systématiquement les demandeurs d’asile arrivés sur son sol en Serbie ; et de la Grèce, qui renvoie en Turquie des demandeurs d’asile syriens et afghans.
      Pour ce faire, la Grèce s’appuie sur l’accord politique entre l’Union européenne et la Turquie signé en mars 2016. Bruxelles considère ce texte, contesté juridiquement, comme un succès dans la mesure où, depuis sa conclusion, le nombre de traversées via la mer Égée a drastiquement chuté (même si une légère hausse est observée depuis quelques semaines).
      Le nouveau règlement en cours de négociation consiste en une généralisation de cet accord UE-Turquie, décrié par l’ensemble des ONG ainsi que par l’ONU. Il met en cause l’un des principes fondamentaux de l’asile, inscrit dans la Convention de Genève de 1951, selon lequel chaque demandeur d’asile a le droit de voir sa situation personnelle examinée dans le pays dans lequel il sollicite une protection. En France, il contrevient au préambule de la Constitution qui affirme que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Le droit d’asile y a été consacré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 août 1993 qui établit que « l’étranger qui se réclame de ce droit [doit être] autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande ». Comme l’indique Gérard Sadik, les États membres favorables à la notion de « pays tiers sûr » se fondent sur la notion de subsidiarité de la demande d’asile, qui fait que les États peuvent considérer qu’ils ne sont pas tenus d’examiner la demande si la personne n’est pas venue directement depuis son pays d’origine.
      « Cette dérive est extrêmement grave »

      La France, jusqu’à présent, avait résisté. Lors de la mandature de François Hollande, la loi sur l’asile de 2015 n’avait pas repris ce concept de « pays tiers sûr », qui n’a donc pour l’instant aucune existence juridique dans le droit français. Mais il en va tout autrement sous l’actuelle présidence d’Emmanuel Macron. Anticipant le vote de ce règlement à l’échelon européen, le ministre français de l’intérieur, Gérard Collomb, l’a inscrit dans son pré-projet de loi sur l’asile et l’immigration, pas encore présenté en conseil des ministres.
      Ce même Emmanuel Macron, qui distingue les « réfugiés » – qu’il faudrait accueillir sous peine de perdre notre honneur – des « migrants économiques » – devenus indésirables –, pousse le cynisme jusqu’à prévoir de fermer la porte aux demandeurs d’asile eux-mêmes. Gérard Sadik note qu’entre 1992 et 1996 cette notion de « pays tiers sûr » avait été appliquée « de manière sauvage » aux frontières françaises, notamment à l’aéroport de Roissy, avec le renvoi de demandeurs d’asile vers le Cameroun ou la Tanzanie. Cette pratique avait cessé à la suite d’un arrêt du Conseil d’État (à l’époque le commissaire du gouvernement, à savoir le rapporteur public, n’était autre que Jean-Marie Delarue, ex-contrôleur général des lieux de privation de liberté), qui établissait que cette notion était contraire à la Convention de Genève et à la Constitution française.
      Seule la prise de conscience de certains États membres et des eurodéputés pourra permettre d’éviter le pire. La négociation est en cours : le texte peut encore faire l’objet d’allers et retours entre les ministres de l’intérieur du Conseil européen ; un accord devra ensuite être trouvé entre la Commission, le Conseil et le Parlement. Sylvie Guillaume, députée française membre du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates, rappelle que le texte a encore beaucoup de chemin à faire avant d’être adopté. Mais elle estime qu’il « mérite une certaine attention car les définitions qu’il aborde modifient le concept de pays tiers sûr ». « Cela témoigne, estime-t-elle, d’une certaine fébrilité des États membres sur le sujet. » « En aucune manière, je n’accepterai d’élargir cette notion à des morceaux de territoire », dit-elle, ajoutant qu’elle n’est pas opposée au concept dans sa version classique, pourvu que son application reste optionnelle.
      Membre de la délégation française du Front de gauche/Alliance des Outre-mers, Marie-Christine Vergiat est, elle, totalement opposée à la notion même de « pays tiers sûr ». « Les États membres font tout pour externaliser la demande d’asile à des pays tiers ; il s’agit d’une politique raciste et xénophobe car, si l’on regarde de près, on se rend compte que sont principalement concernés les demandeurs d’asile venus d’Afrique. Plus on bloque les voies légales d’entrée dans l’Union européenne, plus on fait le jeu des trafiquants », insiste-t-elle.
      Responsable du programme Protection des populations à Amnesty International France, Jean-François Dubost est particulièrement inquiet des évolutions en cours (lire l’entretien d’Amélie Poinssot). Il estime que l’Allemagne et la France sont à la manœuvre dans cette tentative d’assouplir les conditions. « On est là dans une logique de gestion, pas du tout de protection, estime-t-il. La Convention de 1951 qui instaurait le droit d’asile ne déterminait d’ailleurs pas de “pays sûrs”. » « Cette dérive est extrêmement grave, ajoute-t-il. D’abord parce que les régions qui vont être considérées comme sûres sont déjà en première ligne pour l’accueil des réfugiés. Ensuite parce que c’est la volonté de contrôle qui va être le critère des Européens pour déterminer qu’une région est sûre ou non. Rien, dans le droit international, ne permet de déterminer ce qu’est un “pays sûr”. Ce n’est pas une notion juridique, c’est une construction européenne. » Depuis la signature de l’accord UE-Turquie, « on sent une volonté de la Commission européenne de pousser à ce type d’accord avec d’autres pays, comme la Libye, avec cette idée de “région sûre” ». « C’est la même logique de “containment”, de blocage des personnes le plus en amont possible des frontières européennes. Ce n’est pas une idée nouvelle, mais on est entré dans une phase plus opérationnelle. Renvoyer les migrants présente en outre l’avantage d’éloigner le sujet des yeux des populations européennes… Tout cela s’inscrit dans une logique complètement assumée côté européen », se désespère-t-il.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/281117/le-diabolique-projet-de-l-europe-pour-bloquer-les-demandeurs-d-asile-hors-
      #pays_tiers_sûr #pays_tiers_sûrs #pays_tiers_sûr

    • Avis sur « le concept de pays tiers sûr »

      1. Bien que le droit d’asile constitue un droit fondamental consacré tant par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que par le droit français, force est de constater la multiplication des entraves à son exercice qui conduit à l’errance, la misère et la peur, voire la mort de milliers de personnes en quête de protection. Si crise de l’asile il y a, c’est en vérité une crise de la politique d’asile dont il faut parler. Tant au niveau européen qu’au niveau national, les Etats se dotent d’outils pour limiter l’accès aux procédures d’asile et externaliser le traitement des demandes d’asile. Le recours au concept de pays sûr constitue à cet égard une illustration particulièrement éloquente de la dérive des politiques d’asile (1).
      2. Alors que l’encre des lois du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile et du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers est à peine séchée, la CNCDH a pris connaissance, par voie de presse, de certaines dispositions du nouveau projet de loi « pour un droit d’asile garanti et une immigration maîtrisée », notamment de celle visant à intégrer dans le droit français la notion de pays tiers sûr pour en faire un nouveau cas d’irrecevabilité des demandes d’asile. Sans attendre que le texte de ce projet soit définitivement arrêté et qu’elle en soit saisie afin d’exercer sa mission de promotion et de protection des droits de l’Homme, la CNCDH entend faire part de son inquiétude à l’égard d’un concept issu du droit dérivé de l’Union européenne qui, très contestable d’un point de vue juridique (I) et pratique (II), conduit à un bouleversement radical du droit d’asile.

      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036251268

    • Pays tiers sûrs : la France au centre du jeu européen ?

      Au mois de décembre 2017, le gouvernement français a décidé de retirer la notion de « pays tiers sûr » du projet de loi pour une immigration maitrisée et un droit d’asile effectif. Cette annonce a été reçue avec satisfaction par les parties prenantes opposées au concept. Cependant, ce retrait ne marque pas la fin des discussions. En effet, une proposition de règlement actuellement négociée au niveau de l’Union européenne prévoit l’adoption d’une liste européenne commune de « pays tiers sûrs ».

      http://www.europeanmigrationlaw.eu/fr/articles/points-de-vue/pays-tiers-surs-la-france-au-centre-du-jeu-europeen

  • « Carton #Suisse » : retour sur une incroyable intox
    https://www.mediapart.fr/journal/france/131217/carton-suisse-retour-sur-une-incroyable-intox

    Des faussaires très organisés ont tenté de piéger le fisc, la justice et Mediapart avec des centaines de faux relevés de comptes suisses prétendument détenus par des Français. Lire notre long format : Faux listings bancaires : la folle histoire du « carton suisse » envoyé à Mediapart

    #France #banques #évasion_fiscale #UBS

  • Chasse aux militants antiracistes : jusqu’à quand ?
    http://contre-attaques.org/magazine/article/chasse-aux

    Créer l’ennemi et imposer la rupture

    En réalité, on le sait, à travers Houria Bouteldja et le PIR, c’est tout l’antiracisme politique qui est visé - même si par ailleurs, ce dernier ne se résume pas à leur parti. Aussi, si les Indigènes de la République cristallisent les tensions et une bonne partie des attaques, aucune des organisations partageant tout ou partie de ces thèses n’est épargnée. Nous avons tous fait les frais, chacun à notre niveau et dans nos domaines respectifs, de ces cabales visant à étouffer une critique radicale de la colonialité du pouvoir et à freiner des projets d’émancipation.

    En réalité, on le sait, ce que l’on ne pardonne pas à ces militants c’est la mise en cause du système raciste à l’oeuvre dans nos sociétés, du traitement colonialiste et guerrier contre d’autres peuples et des politiques sionistes au dépend des droits inaliénables du peuple palestinien. Aussi, non seulement faut-il veiller à ce que ces critiques ne puissent s’exprimer nulle part (d’où les pressions successives pour faire annuler des interventions, conférences, couvertures médiatiques…) mais il faut aussi s’assurer qu’elles ne pénètrent pas les réseaux progressistes. C’est comme cela qu’il faut traduire la focalisation sur la députée Danièle Obono qui, en plus d’être une femme noire, porte un antiracisme qui tranche avec l’idéologie dominante. C’est comme cela qu’il faut traduire les injonctions faites à Mediapart, Sud Éducation et la France Insoumise - pour ne citer que les polémiques les plus récentes - de se désolidariser de l’antiracisme politique. Ces injonctions sont simplifiées par les campagnes de criminalisation menées tout au long de l’année contre les militants et organisations décoloniales. C’est effectivement plus simple de se « désolidariser » de ceux qui ont déjà publiquement été érigés au mieux en groupes « infréquentables », au pire en « ennemis de l’intérieur ».

    Nous refusons de céder à ces injonctions, et nous refusons de nous taire. Au-delà d’exprimer toute notre solidarité aux différents militants de l’antiracisme politique, nous enjoignons les forces progressistes à ne reculer sous aucun prétexte. Les débats politiques, absolument nécessaires et légitimes, ne doivent pas être réduits à néant par d’abjectes campagnes de marginalisation et de sabotage. Nous valons tous mieux que ça. Nous avons surtout urgemment besoin de mieux que ça.

  • Abdellatif Laâbi : « Nous assistons à une répétition de l’histoire au #Maroc »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/051217/abdellatif-laabi-nous-assistons-une-repetition-de-lhistoire-au-maroc

    Manifestation en faveur des prisonniers aux abords du tribunal de Casablanca, le 12 septembre 2017. © Reuters « Même cortège de violence et d’humiliations, mêmes chefs d’inculpation disproportionnés, mêmes peines de prison incroyables ravissant aux condamnés les meilleures années de leur jeunesse. » C’est en ces mots, dans un entretien à Mediapart, que l’écrivain marocain Abdellatif Laâbi dénonce le sort réservé par le Maroc aux prisonniers politiques du mouvement du #Hirak.

    #International #Abdellatif_Laabi #Acrif #Mohammed_VI #Poésie #répression

  • « En Islande, les mobilisations se font aussi sur des enjeux éthiques » | Mediapart

    https://www.mediapart.fr/journal/international/081016/en-islande-les-mobilisations-se-font-aussi-sur-des-enjeux-ethiques?onglet=

    « En Islande, les mobilisations se font aussi sur des enjeux éthiques »
    8 octobre 2016 Par Ludovic Lamant

    L’avocate Katrín Oddsdóttir a participé en 2011 à l’écriture d’une nouvelle constitution pour l’Islande. Dans un entretien à Mediapart, elle revient sur les enjeux des législatives du 29 octobre sur l’île, après la crise ouverte par la publication des Panama papers

    La publication en avril 2016 des Panama papers, et la démission du premier ministre conservateur qui s’est ensuivie, ont rouvert en Islande une fenêtre d’opportunité : le projet de constitution que 25 citoyens de l’île avaient rédigé en 2011, longtemps bloqué par la droite, pourrait bien finir par être ratifié.
    Katrín Oddsdóttir © DE. Katrín Oddsdóttir © DE.
    C’est en tout cas ce que veut croire Katrín Oddsdóttir, une avocate islandaise de 39 ans qui fut l’un des membres de cette expérience inédite, devenue un modèle de démocratie participative aux yeux du monde entier (lire notre reportage à Reykjavík en 2011 ici et le décryptage du texte final là).

    À l’approche des élections législatives anticipées du 29 octobre sur l’île, l’activiste revient, dans un entretien à Mediapart, sur l’héritage de la « révolution des casseroles » de 2008, l’ascension du parti pirate emmené par la poétesse Birgitta Jónsdóttir, mais aussi sur la pertinence des batailles constitutionnelles, de la Catalogne à l’Écosse, pour sortir l’Europe du marasme.

    La constitution que vous avez corédigée en 2011 a-t-elle encore une chance d’être adoptée ?
    Elle a bien plus qu’une chance. Je suis sûre à 99 % qu’elle va finir par être adoptée. Je n’ai pas toujours été aussi optimiste, mais là, avec la réaction citoyenne déclenchée par la publication des Panama papers, et l’exigence d’une démocratie plus forte en Islande qui s’est exprimée, j’ai repris espoir.

    La grande nouveauté, à l’approche des législatives, c’est que les partis d’opposition actuels, qui avaient un peu abandonné le combat constitutionnel, reprennent de la force. Et ils sont unis sur le sujet de la constitution. Ils disent désormais : quel que soit le parti au pouvoir après les législatives, nous nous engageons à finir le boulot au sein du parlement [c’est-à-dire une ratification parlementaire – ndlr]. La leçon, c’est qu’on ne peut pas bloquer indéfiniment la démocratie.

    Faites-vous un lien entre la « révolution des casseroles » après le krach de 2008, les mobilisations autour du processus d’adhésion de l’Islande à l’UE ces dernières années et, enfin, les manifestations d’avril 2016, en réaction à la publication des Panama papers ?
    Oui, tout cela est relié. C’est l’histoire d’un réveil. Comme lorsque vous êtes longtemps resté endormi, et que vous vous réveillez progressivement. Quand vous comprenez, en tant que nation, que vous pouvez obtenir des choses – par exemple des élections anticipées – lorsque vous vous mobilisez, on ne peut plus vous le retirer. La nation islandaise a changé à jamais, il y a un avant et un après le krach [de 2008 – ndlr]. Nous avons pris l’habitude de nous retrouver sur la place [face au parlement – ndlr] pour exiger des changements immédiats.

    Les mobilisations après les Panama papers ont rassemblé 26 000 personnes en 24 heures [sur une population de 320 000 habitants – ndlr]. Pour certains observateurs, cela en fait la protestation la plus massive à l’échelle du monde entier, si on la rapporte à la population totale. Quoi qu’il en soit, cette mobilisation s’est faite sur des enjeux éthiques, et c’était nouveau.

    Ces mobilisations ont-elles été déclenchées parce que le premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson ne payait pas l’intégralité de ses impôts en Islande ou parce qu’il a menti à la télévision sur la réalité de ses avoirs à l’étranger ?
    Les deux. Mais dans les deux cas, ce sont des questions éthiques. Auparavant, les gens se mobilisaient parce qu’ils avaient faim, ou alors parce qu’ils voulaient des logements sociaux pour les étudiants, pour défendre leurs propres intérêts. Bref, quelque chose de concret, en réaction à une injustice flagrante. Cette fois, l’injustice est toujours présente, mais les choses se posent de manière plus complexe. Les manifestants, en avril dernier, disaient : on ne veut plus de ces comportements, même s’ils ne sont pas en soi illégaux.

    Manifestation pour la démission du premier ministre islandais le 5 avril 2016 à Reykjavik © Stigtryggur Johannsson / Reuters. Manifestation pour la démission du premier ministre islandais le 5 avril 2016 à Reykjavik © Stigtryggur Johannsson / Reuters.
    Quels sont les partis d’opposition dont vous avez parlé, qui sont favorables à la nouvelle constitution ?
    Le parti pirate, mais aussi l’Alliance sociale-démocrate, la Gauche verte et Avenir radieux [un parti créé en 2011, que les sondages annoncent aujourd’hui très bas – ndlr]. Mais les Pirates sont les seuls à avoir dit qu’ils feraient tout pour adopter cette constitution immédiatement après les élections : c’est pour cela que je les soutiens.

    Les autres partis soutiennent le principe, mais n’en font pas une priorité ?
    Oui. Les Pirates sont les plus grands défenseurs d’un changement constitutionnel. Et c’est pour cela, en partie, qu’ils sont devenus si populaires. Ils ont grimpé jusqu’à 33 % d’intentions de vote cette année, même s’ils ne sont plus aussi hauts aujourd’hui. Du coup, les autres formations se sont adaptées, elles ont compris que les citoyens voulaient du neuf, et surtout d’autres manières de faire de la politique. Je ne suis pas certaine que les citoyens vont oser, une fois dans l’isoloir, faire le grand saut et voter pour le parti pirate.

    De vifs débats sur la stratégie du parti pirate ont opposé deux députés, Birgitta Jónsdóttir et Helgi Hrafn Gunnarsson. Pouvez-vous nous en dire plus ?
    Après les dernières législatives, le parlement a formé un comité sur les questions constitutionnelles. Il s’est réuni une cinquantaine de fois, pour proposer en tout et pour tout les modifications de trois articles de notre projet constitutionnel. Chaque fois, cela tirait le projet vers le bas, par exemple pour la défense des biens naturels. Face à cela, le parti pirate était divisé. Pour Birgitta, il fallait appliquer l’ensemble de la constitution originelle, tandis que Helgi Hrafn Gunnarsson s’est montré plus pragmatique, sur le mode : c’est toujours mieux que rien, analysons tout de même le texte. Ils ont fini par voter en interne, et rejeter le texte révisé.

    Lire aussi

    « Panama Papers » : manifestation monstre en Islande Par La rédaction de Mediapart
    Islande : cap sur une nouvelle constitution Par Ludovic Lamant
    L’Islande s’indigne, elle a raison ! Par Ludovic Lamant
    Après la crise, l’Islande traîne à « changer d’alphabet » Par Ludovic Lamant

    Il existe aussi un débat sur la durée du mandat, en cas de victoire des Pirates aux législatives. Birgitta Jónsdóttir plaide pour une législature brève, visant à changer le cadre institutionnel, avant de provoquer de nouvelles élections anticipées. Tandis que Helgi Hrafn Gunnarsson défend une approche plus « gouvernementale », sur la durée, des Pirates au pouvoir…
    Oui, mais ce débat a baissé en intensité ces derniers temps. Ils défendent désormais tous ensemble cinq priorités : l’adoption de la nouvelle constitution, une redistribution des richesses tirées de l’exploitation des ressources naturelles, le retour à un système de soins gratuits pour tous, la lutte contre la corruption, et davantage de transparence dans la vie publique [ils plaident aussi pour un revenu universel garanti – ndlr]. Et tout cela, ils ne pourront pas le faire en un an.

    Quel regard portez-vous sur les crises de l’Union européenne ? Les batailles constitutionnelles sont-elles l’une des clés, comme en Islande, du renouveau des mouvements sociaux sur le continent ?
    La question constitutionnelle a toujours été un levier pertinent pour les mouvements sociaux. À ce sujet, je suis de près ce qu’il se passe en Écosse et en Catalogne, où des citoyens cherchent à reformuler le contrat social qui les lie à l’État. On peut revenir à Rousseau : chacun d’entre nous à l’origine est libre, mais nous acceptons de céder un peu de cette liberté dans le cadre du pacte social, pour vivre ensemble, et surtout être protégés. À partir du moment où cette protection se transforme en quelque chose d’autre, et que notre richesse collective est exploitée au profit du « 1 % » le plus riche de la population, alors que d’autres galèrent, ou vivent dans la rue, tout cela ne marche plus.

    Il faut repenser la relation entre citoyens et État. Il faut donc avoir le droit d’écrire un nouveau contrat. Dans le cas de l’Islande, la difficulté, c’est que nous devons écrire ce nouveau contrat par la voie légale, c’est-à-dire conformément à l’ancien contrat [qui prévoit un parcours de ratification très complexe – ndlr]. Résultat, cette constitution est très difficile à faire adopter. Mais d’autres nations, ailleurs en Europe, pourraient le faire de manière plus simple.

    Sur un plan plus personnel, quelle leçon avez-vous tirée de votre participation à l’écriture de cette constitution, qui est désormais présentée comme un modèle de démocratie participative partout dans le monde ?
    J’ai retenu deux leçons. D’abord, la plupart des gens qui se disent démocrates, et qui vantent les vertus de la démocratie à longueur de journée, ne le pensent pas forcément au fond d’eux. Deuxièmement, j’ai découvert une nouvelle méthode politique, pour parvenir à des consensus. En général, dans une démocratie, je pense A, tu penses B, on s’oppose l’un à l’autre, et à la fin, je gagne ou c’est toi qui gagnes. C’est déprimant de s’y prendre de la sorte, mais c’est comme cela que la démocratie fonctionne presque partout dans le monde : la majorité écrase les minorités. On est quasiment dans un état de guerre, à cet égard.

    Or, il est possible de s’y prendre autrement. Je te dis vers où je veux aller, tu me dis vers où tu veux aller, on se parle, encore et encore, jusqu’à atteindre un point C, qui sera meilleur que les points A et B. C’est ce que l’on a fait pour écrire cette nouvelle constitution. De ce point de vue, le Brexit est vraiment une manière stupide de pratiquer la démocratie directe, en exigeant de répondre « oui » ou « non » à une question si complexe, sans s’assurer, en amont, que les citoyens aient pu s’informer à égalité du contexte.

    #islande