Paris, le 29 mai 2015,
La grille de #France_Musique telle qu’elle a été dévoilée aux producteurs au cours de leurs rendez-vous individuels paraît bâtie uniquement sur des perspectives comptables. Tous les changements par rapport à la grille 14-15 sont guidés par des économies, au détriment de la ligne éditoriale.
Les deux émissions d’une heure de milieu de journée (magazine pour la première, contenu « de fond » pour la deuxième) sont remplacées par une émission de programmation de 2 heures, qui suit une émission de programmation de 2 heures, et précède un concert de 2 heures, qui s’enchaîne à une émission de programmation de 2 heures ! Il n’y aura plus de contenu « de fond » de toute la semaine, et après la Matinale culturelle, il faudra attendre 22h30 pour entendre une parole de musicien. C’est évidemment un souci d’économie qui conduit à cette évolution, puisqu’une émission de programmation de 2 heures coûte moins cher que deux émissions d’une heure avec des invités-spécialistes rémunérés.
En semaine encore, les émissions de « diversité musicale » qui étaient programmées entre 22h30 et minuit (pop-rock, musiques électroniques, musiques du monde, musique de film) sont supprimées, ce qui ne laisse dans la semaine que des émissions de classique et de jazz.
Toute la diversité se trouve accumulée le week-end, par un jeu de chaises musicales : certains producteurs du week-end voient leurs émissions disparaître pour laisser la place à ceux dont l’émission est supprimée en semaine. Est-il raisonnable de donner deux visages à cette antenne, classique la semaine, diversité le week-end, diversité qui se ferait au risque de créer des tunnels sur certains types de répertoire ?
D’autres problèmes se posent :
– qu’en est-il des émissions en public ? Le Dimanche idéal est supprimé pour cause de coût trop élevé, les Notes du Traducteur s’arrêtent, et nous n’avons aucune certitude concernant les moyens des autres émissions régulières enregistrées en public (génération jeunes interprètes, à l’improviste, plaisir du quatuor, carrefour de Lodéon, les mardis de la musique ancienne, la tribune des critiques de disques).
– les cachets des musiciens seraient supprimés eux aussi : la raison invoquée est que France Musique ne dispose pas d’une licence d’organisateur de concerts. Or France Musique est une chaîne de Radio France, qui dispose de cette licence. On n’imagine pas faire venir des musiciens pour jouer 50 minutes sans les payer. Ces concerts seraient transformés en invitation promotionnelle exclusivement. C’est là encore une mesure comptable.
– avec L’Air des Lieux, disparaît le dernier documentaire élaboré sur France Musique, ce qui uniformise encore les contenus et les formats pour une chaîne dont les moyens de montage et de mixage sont déjà largement insuffisants.
Les conséquences sociales de ces décisions sont aussi illégales que scandaleuses. Plusieurs producteurs verront leur cachet, pour la saison prochaine, nettement amputé, soit parce qu’ils perdent une hebdomadaire alors qu’ils en avaient deux, soit parce qu’ils passent d’une quotidienne à une hebdomadaire, soit parce qu’on leur propose de remplacer une hebdomadaire par une présentation de concert.
Il s’agit dans tous les cas d’un appauvrissement de l’offre éditoriale qui réduit France Musique quasiment exclusivement à un rôle de diffuseur. Or la richesse de France Musique et de sa programmation résident dans les compétences et les savoir-faire de ses producteurs, et dans sa capacité à accueillir les artistes et à produire une offre de musique vivante, riche et diversifiée.
La disparition d’émissions élaborées et d’émissions en public relève également de décisions purement économiques, qui impacteront sévèrement d’autres services de la maison.
Où sont l’ambition, la force d’un projet radiophonique fédérateur, la volonté d’investir des programmes ambitieux et de qualité, le soutien aux artistes, la création, l’action pédagogique, l’ouverture sur le monde et l’actualité musicale, l’activité des formations musicales au-delà de la
retransmission de leurs concerts : tout ce qui fait le cahier des charges de cette antenne ?
France Musique est sacrifiée sur l’autel d’économies budgétaires et de choix absurdes qui visent à pénaliser gravement la production de Radio France, pourtant sa première ressource !
Cette politique est dangereuse, il faut y renoncer. Elle va conduire à la liquidation de la richesse d’une chaîne, à la disparition d’emplois et de savoir-faire uniques : producteurs, collaborateurs spécialisés, chroniqueurs, attachés de production, chargés de réalisation, techniciens du son, musiciens metteurs en onde, personnels administratifs, accordeurs de piano, éclairagistes...