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  • Nouveaux programmes de Philosophie : Blanquer prépare le retour de Dieu dans l’école de la République Fédération Nationale de la Libre Pensée - Communiqué - 28 Mars 2019
    https://www.fnlp.fr/news/660/17/Nouveaux-programmes-de-Philosophie/d,lp_detail.html

    Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, vient d’introduire comme notion dans les prochains programmes de philosophie «  L’idée de Dieu  ». Les notions du «  bonheur  » et du «  travail  » disparaissent. Freud ou Marx disparaîtront comme auteurs référencés. Force est de constater que le ministre cherche à conditionner les futurs bacheliers à un monde où le travail salarié se fera de plus en plus rare pour être remplacé par la recherche d’une divinité. Cette nouvelle notion, dans un contexte où la notion de religion était déjà au programme, n’est pas étrangère à l’architecture de «  l’école de la confiance  », chère au Ministre de l’Education, où le baccalauréat doit s’adapter aux critères européens en favorisant «  l’insertion dans l’emploi  ». Remplacer la lutte des classes par « l’Idée de Dieu », c’est annihiler l’école gratuite et laïque de Jules Ferry, « L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’église » (lettre aux instituteurs 1883), c’est revenir à l’école du Moyen-Age où les cours sont dispensés par des professeurs de morale, et où «  De ta condition sociale tu te satisferas !  ». C’est immanent !

    Service national universel, Parcoursup et maintenant Dieu

    Après avoir instauré l’Ost (le service militaire dû au suzerain du Moyen-Age), le Service national universel, après avoir développé la sélection sociogéographique avec Parcoursup, voilà que le Ministre pense diriger « la communauté éducative » en lui proposant une vie cénobitique. C’est le retour de Saint-Benoît où «  une communauté vie sous une Règle et un Abbé  ». Les Lycéens devront débattre de «  l’idée de Dieu  », comme d’une évidence déjà de son existence, de sa réalité, de sa singularité. Il n’y a pas plusieurs Dieux, il n’y a pas absence de Dieu, il n’y a pas inexistence de Dieu, il y a une idée. Une idée qui s’impose, passant de la représentation abstraite à une réalité dans les programmes.


    Le cléricalisme n’avance plus masqué, en promouvant Augustin et Thomas d’Aquin qui font une entrée fracassante dans les programmes de philosophie. Il cloisonne le débat des idées à une pensée unique qui tend à se restreindre, notamment avec Thomas d’Aquin, qui place au sommet de son éthique la figure du Sage, désignant «  celui dont l’attention est tournée vers la cause suprême de l’Univers, à savoir Dieu  » ; avec Augustin, père du «  croire pour comprendre  » , c’est le retour de l’âme, du dogmatisme le plus cru où «  Dieu étant Créateur et Gouverneur de l’univers  » (Augustin). Faut-il comprendre alors que l’enseignant doit représenter ce Sage ? Dès lors, où est la liberté d’enseignement ? Quelle latitude reste-t-il aux enseignants, qui doivent dispenser un message divin ?


    Il y a une unité inquiétante de la part d’un gouvernement corporatiste à dessiner les limites de la République dans le cadre de l’employabilité et de la précarité (Travail), de la communauté divine (Famille), des drapeaux tricolore et européen (Patrie). En choisissant l’Idée de Dieu comme concept, c’est l’idée de verticalité qui tend à dominer, la négation d’un imaginaire horizontal où la contestation même verbale devient un acte contre l’intégrité de l’Etat, surtout de son chef. Après le corps et les conditions sociales (SNU et Parcoursup), c’est l’esprit des lycéens qu’il faudrait forger dans le moule de la Foi.

    Eduquer les consciences à l’idée de Dieu
    . . . . . . . . .

    #education #école #philosophe #enseignement #religions #SNU #Parcoursup #dieu #laïcité #enmarche vers #pétain #cléricalisme

  • La Réunion : Des députés veulent une commission d’enquête sur les avortements et stérilisations forcés
    https://www.20minutes.fr/politique/2433223-20190126-reunion-deputes-veulent-commission-enquete-avortements-st

    Des milliers de Françaises forcées à avorter, certaines stérilisées dans la foulée, le tout « avec la bénédiction de l’Etat », le scénario d’un film de science-fiction ? Non. Une histoire on ne peut plus vraie, que des députés viennent de sortir de l’oubli.

    Le 19 décembre, le Réunionnais Jean-Hugues Ratenon (LFI) et une trentaine de collègues issus des rangs LR, UDI et GR, notamment, ont déposé une proposition de résolution pour obtenir la création d’une commission d’enquête sur les avortements et stérilisations forcés qui ont eu lieu il y a une cinquantaine d’années sur l’île de La Réunion. Des pratiques révélées en 1970 par « un vieux médecin catholique de Trois-Bassins [ouest de l’île] qui, un soir de mars, est appelé au chevet d’une patiente de 17 ans victime d’une grave hémorragie après un avortement », indiquait Le Nouvel observateur, qui médiatisa l’affaire le 30 novembre de cette année-là.
    « Certaines femmes étaient enceintes de six mois »

    L’enquête démontre alors que ces actes non consentis ont été réalisés par milliers, « parfois sur des femmes enceintes depuis six, sept ou huit mois », précise Le Nouvel observateur, et « depuis au moins 1966 dans une clinique de Saint-Benoît [est de l’île], complètent les députés dans l’exposé des motifs de leur proposition de résolution. En 1971, un procès a lieu pour manœuvres abortives, en première instance, puis en appel, contre trois médecins et un infirmier de la clinique. Les peines prononcées vont de deux ans d’emprisonnement (avec interdiction d’exercer pendant quelques années) à la relaxe. Le directeur de l’établissement hospitalier, lui, est reconnu civilement responsable, mais sans peine. » Puis l’affaire tombe dans l’oubli. Jusqu’à ce que Jean-Hugues Ratenon soit élu député et qu’il ait « les moyens de formuler [lui-même] la demande » de création d’une enquête parlementaire.

    « Je connais des femmes à qui c’est arrivé »

    Le sujet lui tient à cœur. Parce que « je suis né à Saint-Benoît et que je connais des femmes à qui c’est arrivé, confie l’élu du parti La France insoumise à 20 Minutes. Beaucoup de victimes sont encore en vie, car elles étaient jeunes à l’époque et que les faits ne remontent pas à il y a tellement longtemps. Mais elles ne veulent pas témoigner. Cette affaire fait partie, avec celle des “enfants de la Creuse”, des grands tabous réunionnais. Mais pour avancer sereinement, il faut purger tout ça. »

    En demandant la création d’une commission d’enquête parlementaire, les députés espèrent que la lumière sera faite sur ces événements afin d’avoir « une idée précise de l’ampleur des faits (les déclarations de journées d’hospitalisation et les témoignages laissent penser que le nombre de victimes peut s’élever à plusieurs centaines ou milliers de femmes) » et d’évaluer « l’étendue des responsabilités personnelles et institutionnelles ».
    L’Etat mis en cause

    « Il y a eu des arrangements et des complicités, à l’époque, entre les médecins, le conseil départemental d’alors et l’Etat », condamne Jean-Hugues Ratenon. Dans la proposition de résolution des députés est cité l’un des accusés : « La Sécurité sociale, le président du conseil général m’ont donné le feu vert pour les stérilisations (…). Comment expliquer que tous ces actes aient été faits en plein jour et tous remboursés par la Sécurité sociale ? »

    Une politique antinataliste a-t-elle été menée à La Réunion alors que, à cette époque, l’avortement était interdit et criminalisé en métropole ? Françoise Vergès l’affirme. Entre autres politologue et militante féministe, elle a publié en 2017, deux ans après les 50 ans de la loi Veil, Le ventre des femmes : capitalisme, racialisation, féminisme (Albin Michel). Un ouvrage dans lequel elle rend « hommage aux 30 femmes noires avortées et stérilisées de force qui ont eu le courage de témoigner en 1971. Elles ne recevront aucune réparation. » Elle y dénonce aussi la façon dont l’Etat a traité différemment les femmes en fonction de leur territoire. « Les femmes blanches ont été encouragées à faire des enfants, indique-t-elle à 20 Minutes. La publicité pour les contraceptifs était, par exemple, interdite dans l’Hexagone. A La Réunion, en revanche, des campagnes pour le contrôle des naissances et la contraception ont été organisées. » Dans une entrevue donnée à Libération le 14 avril 2017, Françoise Vergès précisait : « D’immenses affiches au bord des routes représentaient des femmes suivies de 8 enfants avec, écrit en gros : “Assez !” »
    Les milieux médicaux « sexistes et racistes » ?

    A ses yeux, la création d’une commission d’enquête parlementaire « permettra, peut-être, de rétablir la vérité. Mais comment réparer toutes ces vies dévastées ? » Selon les recherches juridiques et administratives qu’elle a menées afin de rédiger son ouvrage, « entre 7.000 et 8.000 avortements sans consentement ont été pratiqués chaque année à La Réunion dans les années 1970 ». Mais, « surtout, quelles décisions politiques seront prises à l’issue de cetet enquête ? Le sexisme et le racisme dans les milieux médicaux seront-ils étudiés davantage ? » Ces comportements ne sont pas d’un autre âge, alerte la politologue, qui évoque « la polémique autour du décès de Naomi Musenga, ou encore les accusations de stérilisation forcée de femmes roms ».

    La proposition de résolution a-t-elle des chances d’aboutir ? Elle a en tout cas été renvoyée à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui devrait se prononcer sur la question en séance publique. Quand ? Interrogé en début de semaine, Jean-Hugues Ratenon ne le savait pas, mais promettait de « tout faire pour mettre ce scandale sur la table ». Une façon, aux yeux de Françoise Vergès, de « retourner le sentiment de honte de toute une génération de femmes ».

    #sexisme #racisme #misogynoir #violence_médicales #eugénisme #mutilations_sexuelles

  • Racisme et ventre des femmes – Mondes Sociaux
    https://sms.hypotheses.org/11904

    Juin 1970 : un scandale éclate à l’Île de la Réunion. Des milliers d’avortements et de stérilisations forcées sont pratiqués par des médecins blancs sur des femmes réunionnaises venues consulter pour des opérations bénignes. Trente d’entre elles portent plainte et témoignent contre leurs oppresseurs.

    L’île est à l’époque marquée par un climat antinataliste, perceptible dans les campagnes de prévention et de favorisation de l’avortement. Les médecins de la clinique de Saint-Benoît, responsables de ces avortements, l’invoquent pour justifier leurs interventions et obtenir des remboursements de l’Assistance médicale gratuite, allant parfois jusqu’à majorer le coût des opérations déclarées. Les accusés n’auraient fait qu’obéir aux ordres de la clinique, au motif que la natalité augmentait la pauvreté.

    L’affaire est médiatisée mais tombe rapidement dans l’oubli. Au même moment, en métropole, l’avortement et la contraception sont prohibés. Le ventre des femmes est alors racialisé, c’est-à-dire qu’il fait l’objet d’un traitement différencié selon la couleur de peau de la personne et la « race » qui y serait associée. Comment expliquer ce double standard et cette violence à l\’encontre des femmes de La Réunion dans une République qui se veut « une et indivisible » ? Pourquoi les luttes des femmes réunionnaises ne sont-elles pas incluses dans les revendications du Mouvement de libération des femmes (MLF) ? Retour sur un épisode oublié de l’histoire de France à travers l’analyse féministe et historique de Françoise Vergès.

  • Prison Juliette Dodu : pour un mémorial du peuple réunionnais - 7 Lames la Mer
    http://7lameslamer.net/prison-juliette-dodu-pour-un-2140.html

    Lieu d’incarcération des esclaves révoltés de Sainte-Rose de 1799, des insurgés de Saint-Leu de 1811 ou des « comploteurs » de Saint-Benoît de 1832, la #prison de la rue Juliette Dodu doit s’imposer comme un lieu unique de recueillement mémoriel et de transmission scientifique international. Pour un #Mémorial du peuple réunionnais !

    #LaReunion #patrimoine #esclavage

  • Fin des contrats aidés, le cri d’alerte du maire de Saint-Benoit de Carmaux ! | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/thomas-portes/blog/230817/fin-des-contrats-aides-le-cri-dalerte-du-maire-de-saint-benoit-de-ca

    Hier j’ai eu l’occasion d’échanger avec Thierry San Andres maire communiste de St-Benoit de Carmaux dans le Tarn, au sujet des contrats aidés. Pour cette commune de 2500 habitants, l’annonce de leurs suppressions par le gouvernement Macron est un véritable drame.

    Utilisés pour l’association du CLAE ainsi que pour la marie, ce type de contrat représente 7 emplois pour une comme Saint-Benoit de Carmaux.

    Comment les maintenir sans le financement de l’État ? Voilà une question qui inquiète le maire depuis plusieurs jours. « Par mois l’État participe à hauteur de 12.000 euros sur un total de 15.000. Si demain je veux maintenir ces emplois je dois trouver 144 000 euros par an ! » précise Thierry San Andres.

    Pour des collectivités déjà asphyxiées par la baisse des dotations cela est insurmontable.

    #contrats_aidés

  • HOMELIE SUR LE FROMAGE DE MAROILLES

    __Sermon prononcé [par le fr. Maurice Lelong, o.p.] en l’église paroissiale de Maroilles (Nord), le 28 mai de l’an de grâces 1961, à la messe pontificale célébrée par le Révérendissime Père Abbé de l’abbaye Saint-Paul de Wisques, Dom Jean Gaillard, à l’occasion des fêtes commémoratives du Millénaire du fromage de Maroilles, sous la présidence de Son Excellence Monseigneur Jenny, évèque auxiliaire de l’archidiocèse de Cambrai, et radiodiffusé sur l’antenne nationale de France III__ (en cap. ds l’orig.)

    En cette messe solennelle de la fête de la Sainte Trinité, après avoir invoqué les trois Personnes Divines, sans nous départir de la gravité et du sérieux des grands sujets qui nous retiennent depuis si longtemps : le Prologue de l’Évangile selon Saint Jean, la révélation de Dieu comme Père, je remercie le ciel pour cette grâce inespérée d’avoir à vous prêcher aujourd’hui sur le fromage. Vous avez bien entendu, j’ai dit : le fromage.

    Vous souriez. Moi aussi. Ne nous reprochons pas de sourire, ni mème de rire à l’occasion.

    nous nous sommes expliqués sur cette affaire dimanche dernier, à la Pentecôte de l’abbaye de Frigolet ; il n’y a pas lieu d’y revenir. Qu’il me soit permis de vous dire que l’étonnement des chrétiens, quand on leur rappelle leur droit à ce qui est le propre de l’homme, nous étonne. Cela doit être un héritage qu’on se transmet sans y prendre garde avec le trésor d’expériences spirituelles, dans les Ordres anciens.

    L’acte de naissance des Prémontrés de frigolet, dont le berceau est d’un diocèse voisin, date de 1120. Celui de ma famille religieuse est d’un siècle plus tard, et les Constitutions dominicaines doivent beaucoup à la règle de saint Norbert. Les uns et les autres nous sommes nés de la dernière pluie auprès des moines bénédictins qui sont venus de l’abbaye Saint-Paul de Wisques, dans le Pas-de-Calais, afin de célébrer dignement le millénaire du fromage de Maroilles. Ici, en effet, leurs lointains devanciers, frères en Saint-Benoît, au pays d’Avesnes, ont chanté les louanges du Seigneur, pratiqué la vie monastique dans toute sa plénitude, travaillé à transformer en gras pâturages et en terres de labour un sol couvert de bois et de halliers. Et c’est ainsi qu’ils ont inventé ce mets onctueux et puissant, qui mérita d’être appelé, dans ce Nord qui ne passe pas pour céder à l’emphase : la « Merveille de Maroilles »

    Ses titres d’ancienneté ? Une charte d’Eric II, roi de la Gaule franque, est datée de Maroilles, 18 mars 671. Il y avait à peine vingt ans qu’un personnage de la cour de Dagodert y avait fait bâtir un oratoire auquel un homme de Dieu, le moine Humbert, allait bientôt adjoindre un cloître. Telle est l’origine d’un foyer de vie où les exercices de la contemplation n’étaient pas exclusifs des labeurs de la terre.

    Cependant, en ces heures barbares, les hommes s’entretuaient, comme aujourd’hui, dans ce pays où mon grand-père a connu trois guerres, et par conséquent trois invasions. Et ce fut vers 960, après une longue période de misères, de massacres et de ruines, que le monastère de Maroilles retrouva sa prospérité et que les moines — après combien de tâtonnements ? — mirent au point le célébre fromage qui fit à Maroilles une gloire que nous plaçons nettement au-dessus de celles des armes.

    Froissart, qui n’est pas né loin d’ici, pouvait écrire au seuil de ses Chroniques : « Adonc était le Royaume de France, gras, plein et dru, et les gens riches et puissants de grand avoir, ni on n’y savait parler de nulle guerre. »

    Les noms des illustres personnages qui vinrent ici goûter le Maroilles ne sont pas tous, hélas, attachés à des occupations aussi pacifiques : Philippe-Auguste et son petit-fils Louis IX, Charles VI dont le successeur, que Jeanne d’Arc appelait le « gentil Dauphin », fait penser à la variété de fromage maroilles aromatisé d’estragon et d’herbes fines qui porte ce nom pour d’autres raisons d’ailleurs controversées, François Ier qui logea à l’abbaye, Henry IV, le bon vivant qui entra dans la vie avec le goût de l’ail et du Jurançon aux lèvres et dont les chroniqueurs rapportent qu’il se délectait de maroilles, et Turenne quand il mit le siège devant Landrecies...

    Un très érudit enfant de Maroilles, Monsieur Albert-Léon Ruelle, qui a fouillé toutes les archives, a relevé les itinéraires glorieux du maroilles vers la Cour de France et la Cour d’Espagne. Il a retrouvé des traces de son passage sur la table des grand prélats de reims et de Laon, de Liège, de Maestricht, de Cologne, de Trèves, de Mayence, et d’abord, bien entendu, de Cambrai dont nous sommes les diocésains. Fénelon, l’archevêque si populaire que de mon temps, dans le Cambrésis, l’on donnait encore son nom au baptème, visita l’abbaye fromagère en 1699.

    Pour des raisons personnelles dont vous voudrez bien excuser la faiblesse, je ne retiendrai qu’un texte. Dans son « Histoire du Diocèse de Laon et des pays environnants », Dom Lelong, moine bénédictin de la Congrégation de Saint-Hydulphe, pouvait écrire en 1750 que Maroilles est « un pays très renommé pour la bonté de ses fromages ».

    Et moi je pense tout à coup que plusieurs d’entre vous qui m’entendez se défendent mal d’une certaine idée qui est dans l’air que nous respirons, tout empesté par des siècles de jansénisme, de moralisme, d’angélisme. (J’appelle angélisme cette conception de la vie qui sous couleur de pureté, d’absolu et de perfection, voudrait faire de l’homme un ange, quitte à la ravaler à l’occasion plus bas que la bête.) Alors on se dit : Est-il inscrit dans la vocation de ces moines voués à l’ « Opus Dei » [ndt : Oeuvre de Dieu - le concept, rien à voir avec un institut homonyme], sinon dans les livres de compte de leur abbaye, qu’ils doivent se faire fabricants de fromage ? Et vous, ministre de la Parole de Dieu, n’avez-vous rien de mieux à faire, à la messe de la Sainte Trinité, qu’à célébrer le maroilles ?

    Nous allons revenir, par un biais imprévu et fulgurant, au mystère de la Sainte Trinité. Mais d’abord, un trait (un fait), suffira à liquider ce problème du temporel imbriqué dans le spirituel, et du même coup cette histoire des biens ecclésiastiques si troublante, n’est-ce pas ?

    Les Bénédictins de Maroilles ne sont d’ailleurs pas les seuls en cause. Sans parler de Dom Pérignon qui est statufié à Epernay comme inventeur du vin de Champagne, et de ses émules, les Chartreux dont le cas est beaucoup plus grave, ce n’est point par hasard que le livarot est né dans un pays de monastères, et que le pont-l’évèque s’est d’abord appelé angelot. Le saint-paulin, qui procède du port-salut a été créé dans une Trappe, aux confins du Maine et de l’Anjou. Le munster tient ses lointaines origines de monastères installés, dès le haut Moyen-Age, sur les deux versants des Vosges. Ce sont des moines du Duché de Parme qui ont inventé de fabriquer, avec du lait écrémé et du safran, le parmesan... Passons sur l’oeuvre civilisatrice des moines-paysans qui ne séparaient pas la culture de l’esprit de celle des champs. Le marché qui se tint au Moyen-Age, à l’ombre du monastère de Maroilles, devint la célèbre foire de « Franke Feste », qui commençait ici quinze jours avant la Pentecôte pour se terminer quinze jours après. Nous sommes ainsi dans la bonne tradition. Et il serait bien étrange (et inhumain) que de si grandes affaires fussent brassées sans qu’on ait à déplorer des abus. Ce qui est certain, c’est que les habitants du pays ont adressé à l’Assemblée Constituante de 1789 une pétition pour conserver leurs moines de Maroilles, dans des termes qui ne laissent aucun doute sur la reconnaissance de la population à leur endroit.
    C’est ailleurs qu’il faudrait chercher un sujet d’indignation et de scandale.
    Hier, sur la route de Saint-Quentin à Maroilles, une vieille femme me parlait du temps où, à l’occasion d’une réjouissance familiale, on achetait du maroilles. Cette brique carrée de 13 cm de côté sur 6 cm environ d’épaisseur, pesant en principe 740 grammes, coûtait 24 sous. C’était en 1887. Celle qui me parlait avait alors 11 ans. Elle travaillait dans un atelier de tissage de 6 heures du matin à 7 heures et demie du soir. Elle rapportait à la maison 33 sous par semaine pour un travail épuisant. La demi-livre de beurre coûtait 12 sous et le kilo de sucre autant. Je dois vous dire que cette femme est ma mère, et qu’au temps de cette misère qui hurlait l’injustice à la face du ciel et qui doit compter dans les colères du peuple de la société contemporaine, il n’y avait plus de moines, et la Révolution avait été faite (et refaite) depuis longtemps.

    Un cri du Père Lacordaire, le nouveau Saint Dominique qui surgit des décombres de cette Révolution gâchée, qui est toujours à refaire, il y a cent ans, retentissait à Notre-Dame : « Tout ce qui ne donne pas à l’humanité son pain de chaque jour, je n’y crois pas. »

    Son pain de chaque jour... Avec quelque chose dessus, j’imagine.

    Pour être sûr que je ne vous apportait ici que la Parole de Dieu en prêchant sur le maroilles, je me suis rendu au chevet de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre.

    Là-haut une équipe de jeunes prêtres, qui connaissent toutes les langues et possèdent à un rare degré l’intelligence des Ecritures, ont entrepris d’organiser les mots, les faits et les idées de la Bible : cela s’appelle une Concordance. Près de 400.000 textes en quatre langues, hébreu, grec, latin, français, à ranger ! Un travail de bénédictins. Ils ont sorti pour moi et à votre intention un épais dossier sur le fromage. Il n’est pas question de l’entr’ouvrir ici. Je n’ai plus que le temps d’en évoquer un seul passage mais il a de quoi nous émouvoir.

    Je viens d’ailleurs de le revivre, avec des compagnons de voyage en Palestine. Sur la route de Jérusalem à Hébron, à la fin du mois d’avril dernier, nous arrivions à Mambré.

    C’est là qu’Abraham se tenait, à l’entrée de sa tente, lorsqu’au plus fort d’une journée d’été apparurent les trois mystérieux voyageurs qui s’en allaient porter la Justice de Dieu sur Sodome et Gommorrhe. Et le récit biblique nous montre le patriarche accueillant, comme le Seigneur en personne, les trois hôtes inconnus : « Sara, s’écrie-t-il, prends vite trois boisseaux de farine, pétris et fais des galettes. » Puis il court au troupeau, prend « un veau tendre et bon » — c’est le texte lui-même de la Genèse (XVIII 1-8) — le fait préparer et le place devant eux avec du caillé...

    (le Lait caillé est l’ancêtre de notre fromage que les hommes n’ont fait travailler, par d’ingénieuses et savantes fermentations, que longtemps plus tard. Toute l’Antiquité, Homère et la Bible, est remplie d’un parfum rustique de fromage blanc. N’oublions pas Virgile et tous les autres jusqu’à Mistral, Francis Jammes et Giono. Colette, qui de son vivant ici-bas ne s’entendait qu’aux choses de la terre, a écrit qu’il n’y a pas de bucolique sans fromage blanc.)

    Abraham, est-il dit au Livre sacré, « se tenait debout, près d’eux, sous l’arbre, et ils mangèrent ».

    Et je n’y puis rien si tous les Pères de l’Eglise ont vu, dans les trois envoyés célestes de Mambré, que notre père Abraham appelle étrangement, au singulier, Monseigneur, tels qu’ils sont représentés dans la fameuse icône de Roubel à Moscou et sur la mosaïque de Ravenne, le symbole de la Sainte-Trinité...

    A qui songerait in petto qu’il y a tout de même une certaine marge entre le fromage de lait caillé de la vie patriarcale, ou ces dix fromages mous que le deuxième livre de Samuel (XVII, 18) appelle curieusement harise hehâlab, des « tranches de lait », dont le père de David fit cadeau à l’officier sous les ordres duquel servaient ses fils, et d’autre part la pâte blonde à peau rougeâtre, véhémente et parfumée, qui n’appartient qu’à la « merveille de Maroilles », gloire du Hainaut français — le « joly jardin d’Haynault » dont les anciens témoignent qu’il est « tenu de Dieu et du soleil » — et de ma Thiérache natale, je répondrais :

    Oui, mes amis, de la marge, mais point d’hiatus : toute la dépendance du travail humain accordé à l’oeuvre de Dieu.

    L’Auteur des esprits et des corps soumis aux lois de leurs conditions physiques qui sont aussi la résultante de sa volonté, donne à ses enfants, avec l’esprit et le coeur qui fondent la liberté, de participer à son pouvoir créateur, du même mouvement que sa grâce les fait entrer dans son amour. Et l’art devient création humaine.

    De même que certains côteaux privilégiés reçoivent, du Maître de toutes choses, le soleil qu’il faut pour que la vigne donne un cru qui n’a pas son pareil au monde, ainsi la vallée de l’Helpe possède les pâturages qui fournissent, de mai à juin et de septembre à octobre, les haloirs orientés au nord-est et les caves d’affinage exposées au sud-est, qui leur envoient de la mer les vents propices chargés d’humidité. A l’instar des vins de marque, le fromage de grande classe connaît les années fastes et les années plus ordinaires. Le maroilles tient au sol et au climat non moins intimement que les grands vins avec lesquels il trouve des accords parfaits : Beaune, Châteauneuf-du-Pape, Côte Rôtie, Moray (sic) Saint-Denis, et je ne me retiens pas de citer, au-delà même des Côtes-du-Rhône, dans un des paysages les plus fins et spirituels de Provence, un certain Bandol rouge dont il forme un contrepoint idéal avec lequel je rêverais d’un jumelage qui serait le signe le plus émouvant de l’unité, de l’harmonie et de la santé de la France.

    La Merveille de Maroilles est au lait caillé d’Abraham et de david ce que la rose, chef-d’oeuvre d¡une dynastie de jardiniers intelligents, est à l’églantine qui témoigne d’une façon bouleversante de la simplicité et de la pureté de Dieu.

    Est-ce que cela souffrirait la moindre difficulté pour les fidèles d’une Eglise qui prie avec le Cantique du prophète Daniel (III,8) et avec les psaumes (CXLVIII, 10) : « O vous tous, bêtes et bestiaux, bénissez le Seigneur... », notre Eglise qui a inséré, dans le rituel romain, après la bénédiction sur les fruits et la vigne, une « benedictio casei vel butyri », une bénédiction pour le beurre et le fromage ?

    Ah ! écoutez plutôt la prière de saint Thomas More, chancelier d’Angleterre (où l’on mange si mal que la reine doit faire venir un maître français), Thomas Morus décapité par Henri VIII, le fauteur de schisme, et mis sur les autels par l’Eglise catholique.

    Voici comment priait saint Thomas More :
    Donnez-moi une bonne digestion, Seigneur, et aussi quelque chose à digérer.
    Donnez-moi la santé du corps avec le sens de la garder au mieux. Donnez-moi une âme sainte, Seigneur, qui ait les yeux sur la beauté et la pureté, afin qu’elle ne s’épouvante pas en voyant le péché, mais sache redresser la situation.
    Donnez-moi une âme qui ignore l’ennui, le gémissement et le soupir. Ne permettez pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j’appelle moi.
    Seigneur donnez-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres.

    Amen.❞

    et voilà cette homélie en l’honneur de la Merveille de Maroilles, prononcée pour les fêtes du millénaire du Maroilles, par le fr. Maurice Lelong, o.p. ; publiée in Célébration du Fromage, par Maurice Lelong, o.p., Editions Robert Morel, au jas du Revest-Saint-Martin, Haute-Provence, s.d. recopiée ici avec spéciale dédicace @Turblog, qui sait pourquoi.
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