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  • De Gaulle et la fin du Français
    http://www.dedefensa.org/article/de-gaulle-et-la-fin-du-francais

    De Gaulle et la fin du Français

    Fin de l’histoire. Tocqueville, Poe, Chateaubriand l’ont dit les premiers, puis tous les autres, Le Bon, Michels, Sorel, Freud qui annonçait même, à cause du développement de la culture, la disparition démographique des races les plus évoluées...

    « Peut-être ce développement de la culture conduit-il à l’extinction du genre humain, car il nuit par plus d’un côté à la fonction sexuelle, et actuellement déjà les races incultes et les couches arriérées de la population s’accroissent dans de plus fortes proportions que les catégories raffinées. »

    C’est presque fait, et dans l’indifférence générale. Mon ami historien Guido Preparata qui rentre de la moribonde Italie me dit qu’on n’y pense qu’au restau sushi et à fermer des maternelles ; et d’ajouter qu’en Amérique où il se trouve maintenant (...)

  • Les #anti_Lumières, une tradition du XVIIIe siècle à la Guerre Froide

    Dans les précédents numéros d’ @anarchosyndicalisme , j’ai pu lire des présentations et analyses tout à fait intéressantes relatives au courant des Lumières, mais aucune d’elle ne s’est arrêtée sur le courant opposé, celui des anti-Lumières. Or, il me semble intéressant de décrire ce courant, nommé par Nietzche, et je me propose de le faire ici à partir de l’étude documentée et soigneuse de Zeev Sternhell dans « Les anti-Lumières, une tradition du 18ème siècle à la guerre froide » (2006). Ce livre, volumineux et précis, présente les contours et les principaux acteurs d’un courant idéologique qui, selon lui, a eu une importance capitale dans la vie des idées.

    Démarrant avec Vico (un auteur italien) qui critique le rationalisme en 1725 dans son ouvrage « La science nouvelle » , le courant anti-Lumières se poursuit avec des auteurs aussi variés que Burke et Carlyle, Meinecke, Maistre, Renan ou Sorel.

    Comme c’est le cas pour les auteurs des Lumières, il n’y a pas d’unité idéologique entre ces auteurs, mais plutôt un fond commun de pensée qui se base sur plusieurs présupposés et positions : refus du rationalisme et des droits naturels, mise en avant de la valeur des préjugés, inégalité fondamentale des hommes entre eux, caractère nocif de la démocratie et enfin, nationalisme. Ces positions ne se trouvent pas toutes chez tous les auteurs, mais elles tissent une tradition qui est cohérente et qui a fortement influencé tant les débats d’idées que l’histoire des XVIIIe, XIXe et XXe siècles.

    Les anti-Lumières affirment tout d’abord la valeur des traditions et s’insurgent contre leur remise en causes par la philosophie des Lumières. Ainsi, pour Burke, il faut critiquer la Révolution Française parce qu’elle a remis en cause, non pas l’ordre existant, mais bien le meilleur ordre possible ! D’après lui, l’ordre de l’ancien régime, basé sur les traditions et la chrétienté, est celui qui permet à la société de fonctionner au mieux. Le Moyen-âge est idéalisé, et les valeurs telles que l’héroïsme mises en avant. Quant à la Révolution Française elle n’aurait été que le résultat d’un processus de décadence. La raison et l’universalisme sont considérés comme des abstractions nivellatrices qui font perdre aux hommes leur singularité.

    Ce corpus théorique ne sert pas une antimodernité, nous dit Zeev Sternhell, mais est bien à l’origine d’une autre modernité, parallèle à celle issue des lumières et qui a vocation à la supplanter. A une époque où l’idée de nation n’est pas encore formée complètement, les anti-lumières en font une notion transcendante, vivante et organique. Vico, repris par Herder et ses héritiers, considère que

    « la marche des affaires humaines est conditionnée non par le hasard ou par des choix arbitraires, mais par leur contexte historique et social. [...] Mais ce qui gouverne en dernière analyse la vie des hommes, que ce soit en famille ou dans le cadre de l’Etat, c’est la providence [...] » (1).

    C’est alors que Manneicke crée l’historicisme : l’historien doit examiner les faits sans émettre de jugement de valeur, dans un complet relativisme et en évitant la systématisation. Le rejet de l’universalisme par ce courant entraîne le fait que chaque nation et chaque époque doit être étudiée indépendamment, en cherchant la cause immédiate de chaque fait. C’est après cette élaboration intellectuelle que Herder produit le concept de « destin » , appliqué à la nation. Celle-ci est unique, et doit être étudiée comme telle. Pour les anti-Lumières l’universalisme et le rationalisme empêchent d’atteindre les particularismes qui expliquent l’histoire de chaque groupe humain.

    Zeev Sternhell s’emploie à démontrer que les anti-lumières sont dans une lutte extrêmement violente contre la raison et son corollaire, les droits naturels. Selon Herder et Burke, la raison ne peut saisir les particularités de l’histoire d’une nation. Pour ce faire, il faut faire appel à l’empathie et à l’intuition, au sentiment. Soit le contraire de l’analyse et de l’abstraction.

    « [...] Les émotions, l’inconscient, les sentiments, l’intuition et finalement la foi remplacent l’intellect. [...] Pour Herder, le doute, le scepticisme, la philosophie, les abstractions, la pensée éclairée tuent les forces vitales dans les hommes » (1).

    Cet appel constant aux forces émotionnelles et religieuses a pour conséquence l’affirmation de la dangerosité du concept de droits naturels. En effet, pour les anti-Lumières, la raison n’ayant aucune capacité à saisir l’être humain dans son essence, elle ne peut être efficiente dans la détermination des règles de droits dirigeant les communautés. La seule cause première acceptable est donc par voie de conséquence « la toute puissance du créateur » (1). Les anti-lumières considèrent donc que la dissolution de l’ordre existant, rendu possible par la Révolution Française, est inacceptable et constitue une véritable abomination.

    Pour eux, en plus de la Providence, la société doit être bâtie sur des préjugés. Loin de les condamner comme le font les Lumières, les anti-Lumières leur reconnaissent une valeur de premier plan. Selon Taine, chaque génération n’est que

    « la gérante temporaire et la dépositaire responsable d’un patrimoine précieux et glorieux qu’elle a reçu de la précédente, à charge de la transmettre à la suivante. ».

    Dans toute société, on retrouve « un résidu de justice, reliquat petit mais précieux que la tradition conserve. » . Voilà ce que sont les préjugés : une règle de bon sens, transmise de génération en génération, qui fait sens car elle intègre en elle des siècles d’expérience. « Le préjugé est une raison qui s’ignore » (Taine). C’est aussi une raison collective. Toujours pour Taine, il est le fondement de la civilisation, qui permet de sortir de l’état sauvage. Il y a donc une dépendance et une subordination de l’individu à la société, car celui-ci doit se soumettre à la tradition. La société, elle, est une « fondation à perpétuité » , que chaque génération se doit de laisser intacte. Et la société comprend « les structures du pouvoir, le régime, les institutions et en dernière analyse la nation. » (1). L’Etat et les préjugés sont une forme de « garde-fou » , qui empêchent l’individu de redevenir un sauvage. Dans ce contexte, il ne saurait être question de liberté. La société et sa conservation priment sur tout. La démocratie est aussi à rejeter, étant contraire à « l’ordre de la nature » (Burke). Quant à l’égalité, elle est une uniformité et un appel au pluralisme, donc forcément destructrice de l’ordre existant et de la société que l’on doit protéger.

    C’est sur cette base qu’Herder modernise la notion de nationalisme. Pour les auteurs des Lumières, la nation n’est qu’une collection d’individus réunis par la raison, par leurs intérêts et par la défense de leurs droits. Herder, au contraire, en fait une communauté culturelle, ethnique et linguistique. La nation est une individualité inaccessible à la raison, pour les motifs exposés plus haut. Si l’on suit Ziev Sternhell, il est évident que le nationalisme est une conséquence directe et inévitable de la lutte contre les idées des Lumières et de la création de cette nouvelle modernité qui en découle. Ce cadre implique que la nation est considérée comme un être vivant et une totalité. Celle-ci s’exprime « de la manière la plus parfaite » (Z.S.) dans la langue.

    « La question se pose donc : si chaque langue constitue le réservoir de pensée propre à une nation, la pensée peut-elle encore avoir une signification et une vocation universelle ? » (1).

    Pour les anti-Lumières, la réponse est évidemment non. S’ils tentent de déclarer toutes les nations égales entre elles, très vite, dans leurs écrits, la nation à laquelle ils appartiennent se voit attribuer un rôle supérieur, un destin (souvent de guide des autres nations).

    S’ajoute à cette modernisation de la notion de nation, la théorisation du « déclin » , notamment par Spengler. Celui-ci considère que l’histoire est faite d’une variété de cultures grandioses, qui ont chacune « une croissance et une vieillesse » . Ces cultures sont biologisées par l’emploi de qualificatifs végétaux, et de comparaisons à des arbres et des fleurs. Les cultures se succèdent sans se prolonger, et sont l’émanation d’une certaine « âme » selon l’interprétation de Spengler par Sternhell. Spengler fustige le cosmopolitisme et le sens froid des réalités qui ont entraîné la mort de l’empire Romain, et qui entraîneront la mort de toutes civilisations. Cette mort passera par une phase d’impérialisme, « symbole typique de la fin » . Pour la civilisation occidentale, le déclin est marqué par l’émergence de la raison, qui « arrache l’homme à son enracinement dans les forces du sang et du sol » (1). Il pense aussi que chaque civilisation passe par un moment de « Lumière » au début de sa décadence. L’époque de Spengler marque aussi la disparition de la foi chrétienne comme support qui empêche l’idéologie anti-Lumière de sombrer dans le nihilisme. Spengler, Croce et Sorel sont les principaux représentants de cette chute dans le nihilisme qui aboutira au culte de la mort ( « Viva la muerte » ) et du sacrifice dans les années 30. La suite, nous la connaissons. C’est le développement des idées fascistes, dont la genèse est très bien démontrée dans les autres ouvrages de Zeev Sternhell : Maurice Barrès et le nationalisme français - la droite révolutionnaire - Ni droite ni gauche et enfin la naissance de l’idéologie fasciste.

    C’est un travail considérable qu’a effectué Zeev Sternhell. Il permet de battre en brèche certaines idées reçus sur les idéologies d’extrême-droite. Non, celles-ci ne sont pas incohérentes, ou bien folles. Elles sont cohérentes avec une tradition intellectuelle vieille de trois siècles qu’on aurait tort d’ignorer. Bien évidemment, tous les héritiers des anti-Lumières ne sont pas des fascistes. Mais la cohérence de cette pensée trouve son accomplissement dans les divers mouvements fascistes. Pour ceux-ci, au christianisme a été substitué un socialisme anti-marxiste, vitaliste et moral, qui a pour vocation d’unir les classes dans l’intérêt de la Nation, devenue remplaçante du prolétariat dans l’imaginaire révolutionnaire des fascistes.

    Un aspect peu abordé dans « Les anti-Lumières… » , mais développé dans ses autres ouvrages, est la place prépondérante de l’antisémitisme dans l’expression de l’idéologie des anti-Lumières. Les nationalistes français ont remarqué que l’antisémitisme était un facteur profond d’unification des milieux populaires, et ils l’ont donc rénové pour en faire un outil politique puissant. Pour eux, les « Juifs » sont des cosmopolites trafiquants d’argent, qui détruisent les nations de l’intérieur. Cet antisémitisme se développe de concert avec un racisme plus général mais virulent. Par exemple, pour Taine, une civilisation n’est que le résultat de ces « trois forces primordiales : la race, le milieu et le moment » . Ce qui lierait les hommes entre eux, c’est avant tout la « communauté de sang et d’esprit » . Les Juifs sont, dans cette idéologie, des corrupteurs des races avec lesquelles ils sont en contact. Ils sont les propagateurs du rationalisme, et donc du déclin des civilisations.

    Sternhell nous offre un imposant outil critique de cette modernité alternative, dont on a vu les conséquences dans le fascisme, mais dont on mesure aussi l’influence aujourd’hui auprès de toutes les idéologies postmodernes, promotrices d’un relativisme culturel généralisé et d’un antirationalisme violent. Les multiples passerelles qui se créent depuis des années entre les mouvements postmodernes et les mouvements réactionnaires, voire fascistes, ne sont pas seulement le fait d’un calcul stratégique. Ils résultent aussi d’une proximité idéologique radicale sur des bases nationalistes, différencialistes et antiscientifiques. C’est pourquoi les militants identitaires de « gauche » , tels que ceux PIR et ses avatars ont une dette intellectuelle immense vis-à-vis de penseurs européens profondément racistes (2).

    (1) : Citations de Zeev Sternhell.

    (2) : Voir par exemple « L’islamophobie, une invention du colonialisme français » , @Anarchosyndicalisme !, n°149 http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article810

    Article d’@Anarchosyndicalisme ! n°152 déc 2016 - Janv 2017
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article844

    • Les anti-Lumières sont un mélange des plus gros réactionnaires de droite et de gauche. Sur Seenthis on en trouve quelques-uns (de gauche) qui, comble de l’ironie accusent les autres d’être similaire à l’extrême droite. @mad_meg @apichat @unagi . Ils ne réagissent pas à ce genre de post. On peux se rassurer en pensant qu’ils n’ont aucune influence dans la société.

    • Je ne suis pas anti lumière. Je dit juste que ces vieux hommes blancs ne disent rien qui me soit utile en 2016 et les militant·e·s racisé·e·s disent la même chose.

      La pensée des « lumières » je l’ai appris à l’école. C’est une des grands fierté nationale, celle du « pays des droits de l’homme » et c’est le discours dominant.
      Ces philosophes jouissent d’une adulation dévote chez les républicains et toute sorte de nationalistes gaulois. Je ne voie pas trop à quoi ca sert de les défendre alors qu’ils ne sont pas attaqués, qu’on dit juste qu’ils sont de leur époque, une époque qui n’est pas la notre et ce qu’ils disent n’est pas interessant aujourd’hui pour nous (nous les féministes et antiracistes contemporain·ne·s).

      Il y a d’autres choses qui ont été dites depuis les lumières alors pourquoi vous vous cabré sur ces monuments nationaux. C’est quoi le rapport entre l’anarchisme et les lumières ? C’est quoi le discours anarchosyndicaliste des lumières ? En tout cas niveau féminisme et niveau antiracisme le discours des lumières ne va pas assez loin, il est aujourd’hui sans utilité pour les personnes en lutte sur ces causes.

  • Contre la calomnie consensuelle à l’encontre des gens des cités populaires. Par Yvan Najiels
    http://blogs.mediapart.fr/blog/yvan-najiels

    Chacun peut voir, chacun peut mesurer que, depuis les attentats effroyables à Charlie Hebdo et dans une supérette juive de Paris, le consensus médiatico-parlementaire a endossé l’antienne qui jusqu’à présent n’était franchement assumée que par MM. Zemmour, Finkielkraut, Taguieff ou encore Redeker et nombre de journalistes de Marianne ainsi que par Mmes Schemla, Sorel, Bougrab et quelques autres.
    Ce discours se justifie aux yeux de ses auteurs par un prétendu retour de l’antisémitisme dans les cités populaires, les banlieues et les quartiers dans lesquels résident, disons-le, beaucoup de gens venus d’Afrique noire ou du Nord. Il soutient, par une sinistre ironie de l’Histoire, la nécessité d’épurer la France d’une partie de sa population. Cela parce que les actes de Youssouf Fofana, assassin d’Ilan Halimi, de Mohamed Merah ou d’Amedy Coulibaly, preneur d’otage il y a plus de 10 jours à l’Hypercacher de la Porte de Vincennes, semblent enfin donner raison à celles et ceux qui dénoncent l’aveuglement supposé de nombre d’intellectuels et/ou de politiques à propos d’un retour, donc, d’une vieille passion criminelle française.
    Pour qui, et c’est mon cas, écoute souvent France Inter le matin, la doxa de MM. Finkielkraut et consorts est devenue, depuis les attentats des 7 et 9 janvier 2015, le discours de l’Etat et de ses relais. Ce matin encore, Iannis Roder, professeur d’histoire-géo à St-Denis, venait dire, au micro de Patrick Cohen, à quel point nos élèves (j’enseigne aussi en Seine-Saint-Denis) seraient antisémites, sexistes et, pour tout dire, des graines d’islamistes. Un discours qui, il y a une trentaine d’années, aurait fait scandale du côté de la gauche parce que paru dans le Figaro Magazine qui annonçait, en 1985, « Dans 30 ans, c’est sûr, la France sera une république islamique » est désormais l’antienne assumée d’une gauche républicaine décomplexée qui a fait, depuis 30 ans environ, le lit du Front national dont, hélas, les thèses islamophobes se sont répandues dans la société française.
    Le consensus raciste d’Etat et de l’opinion qui lui est homogène est donc tel que ce matin, sur France Inter, des « thèses » en vérité pas éloignées de la prose d’Eric Zemmour étaient proférées le plus naturellement du monde avec, au cours de l’entretien avec Iannis Roder, la parole donnée à Emmanuel Brenner (en vérité Georges Bensoussan), auteur il y a un peu plus de dix ans d’un livre intitulé Les territoires perdus de la République.
    Le titre de ce livre est édifiant. Puisque territoires perdus il y a, il est vital de les reconquérir par une guerre ("Nous sommes en guerre", disent de nombreux républicains consensuels) qui ressemblerait à une Reconquista et cela annonce, chez Brenner-Bensoussan comme chez Zemmour, un profond désir de guerre civile afin d’en finir avec la supposée barbarie archaïque orientale et musulmane qui infesterait nos banlieues populaires. Haro sur les mahométans et les mahométanes !, nous disent, en écho aux croisés chrétiens du Moyen-Âge, les croisés de la République et de l’Occident.
    C’est que, nous dit Brenner-Bensoussan, les enfants des cités populaires, les Maghrébins et/ou les musulmans comme l’énonce clairement la quatrième de couverture de son livre, sont antisémites. D’ailleurs, son livre fait état de quelques cas d’incidents qui prouvent que le nazisme est de retour, pas moins !, puisqu’il a du reste implicitement renvoyé nos élèves à cette figure du Mal radical, omettant juste de signaler que cette figure est... occidentale !
    Je suis moi aussi professeur dans le 9-3 et j’ai eu cette année une remarque antisémite d’un éléve soralien en classe. Les autres élèves se sont élevés contre le propos négationniste de leur camarade et je sais que, dans nos établissements de villes populaires, la lecture, par ex., du livre de Primo Levi, Si c’est un homme émeut au plus au point les classes.
    Que ce livre émeuve les élèves alors qu’a contrario les visites à Auschwitz ne se passent pas toujours très bien s’explique en vérité assez simplement et c’est d’ailleurs le point que dissimulent à dessein MM. Roder et Brenner-Bensoussan. Le discours standard sur l’antisémitisme (avec visite à Auschwitz, parfois) finit toujours par justifier Israël jusque dans ses exactions et sa nature ségrégationniste alors que le livre de Primo Levi - qui qualifia Begin de fasciste - s’inscrit dans l’universel. Rien d’étonnant, toutefois : Iannis Roder écrit régulièrement dans Causeur, la sympathique revue d’Elisabeth Lévy qui, tous les dimanches (oecuménisme occidentaliste, sans doute), invite par ailleurs sur RCJ son compère Finkielkraut à déverser sa haine bien souvent islamophobe tandis que M. Brenner-Bensoussan, depuis Les territoires perdus... a publié France, prends garde de perdre ton âme, ce qui explique l’angle mort de ces deux pompiers pyromanes.
    Pour faire un petit détour, ce qui se passe en ce moment en France est l’acte II de la proscription d’une partie du peuple (singulièrement de la jeunesse) de ce pays, déjà observée au moment des manifestations interdites de cet été contre l’épouvantable bombardement de Gaza par l’armée israélienne et avec le soutien du pouvoir socialiste de MM. Hollande et Valls, les mêmes qui désormais voudraient qu’on fasse chanter La Marseillaise en classe et qui bénéficieront peut-être bientôt du soutien de M. Finkielkraut et de Mme Schemla.
    Qu’il y ait de l’antisémitisme en France (et ailleurs), nul n’en doute. Qu’il soit massif et singulièrement vivace dans les quartiers populaires où vivent beaucoup de prolétaires venus du tiers-monde avec leurs familles est tout bonnement une calomnie à laquelle il faut tordre le cou car elle est l’antienne répandue qui légitimerait la haine du parlementarisme blanc et bourgeois contre des « salauds de pauvres » dépeints comme des sauvages barbares équivalents à celles et ceux que la France, « grande nation des Lumières », alla « civiliser » dans la seconde partie du XIXème siècle à coups de canons et de cérémonies de dévoilement sur quelques grandes places de l’Algérie française.
    Ce que MM. Roder, Finkielkraut et/ou Brenner-Bensoussan et ce que Mmes Schemla et Elisabeth Lévy appellent antisémitisme est en vérité un antisionisme brut, non complètement pensé ni intellectualisé d’une certaine manière. Cela ne signifie pas qu’il faille entériner d’éventuels propos antisémites mais d’abord, il serait bon d’avoir un véritable relevé des actes de ce type et ensuite, il faut bien avoir à l’esprit que nombre de celles et ceux qui dénoncent une France dont les banlieues seraient un repaire de brigands antisémites recyclent de fait le discours israélien dont le dessein est de pousser nombre de juifs et de juives à quitter la France pour rejoindre l’état de 1947.
    On a bien vu, lors des manifestations de cet été, certains relais de l’Etat d’Israël colporter, sans craindre le négationnisme pur et simple, que les rues de Paris étaient le théâtre de pogroms et de l’équivalent de la Nuit de Cristal (c’est ce que racontait le député UDI franco-israélien Meyer Habib). On a entendu BHL parler des manifestants propalestiniens comme de « djihadistes du dimanche » et le chef du CRIF, M. Cukierman, tient des propos semblables.
    De fait, dans le discours médiatico-parlementaire, juif et sioniste, c’est la même chose. Le résultat d’Auschwitz, c’est la création d’Israël, dit ce discours qui confisque à usage personnel la mémoire du judéocide. Cette confusion et cette confiscation, organisées à dessein pour servir la cause de l’état d’apartheid israélien, ne sont pas sans effet auprès de certains dans les cités populaires qui, par une solidarité légitime avec la Palestine martyrisée, peuvent évidemment reprendre le vocabulaire de désorientation que leur tend leur ennemi occidentaliste israélien. En Israël, ces ennemis s’appellent Bennett, Lieberman et Netanyahou. En France, ce sont Taguieff, Finkielkraut ou bien encore Roder et Brenner-Bensoussan.
    Césaire disait dans son Discours sur le colonialisme que ce qui choquait beaucoup de gens était que Hitler avait tué des blancs. Cette idée mérite d’être nuancée car les juifs d’Europe d’avant l’Extermination n’étaient pas des blancs. Le blanchissement eut lieu après 1945 et l’Etat d’Israël en est le nom le plus éclatant. Il suffit de voir les photos des gens du shtetl, celles de Roman Vishniac par exemple, pour constater que les Ashkénazes ressemblaient d’un certain point de vue aux musulmans et aux musulmanes des cités populaires d’aujourd’hui. Une tradition qui résiste à la globalisation, à la modernité marchande dans ce que celle-ci a de plus éradicateur subjectivement.

    Qui le sait, parmi nos élèves ? Que montrent les institutions officielles du judaïsme si ce n’est Netanyahu acclamé aux cris de « Israël vivra, Israël vaincra ! » à la Synagogue des Victoires à Paris au soir de la manif Charlie ? Que reste-t-il de la mémoire du Bund, de Léon Trotski, de Rosa Luxemburg, du messianisme matérialiste de Walter Benjamin, des grands parents d’Ivan Jablonka (juifs communistes polonais antisionistes) de Henri Krasucki ou de Marek Edelman, persona non grata en Israël ? Pas grand chose. Un héritage englouti.
    C’est bien pourtant cette histoire-là qui permettrait de parler ou non d’antisémitisme car, sans elle, le nom juif continuera, pour parler comme Cécile Winter, à être enrôlé dans l’étendard Occident déployé dans nos guerres sans fin. Cette mémoire-là, disons le tout net, ne soucie pas nos nouveaux propagandistes guerriers de l’Occident, relais d’un monde sans messianisme et lieutenants de la loi d’airain du capital.