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  • La pauvreté des femmes en Pologne — “Est-ce que quelqu’un nous entend ?” Investigaction - Monika Karbowska - 30 Aout 2017
    http://www.investigaction.net/fr/la-pauvrete-des-femmes-en-pologne-est-ce-que-quelquun-nous-entend

    Cet article a été écrit il y a déjà sept ans, mais il reste d’une actualité crue tant la situation n’a pas changé. La Pologne reste un pays de chômage et d’émigration de masse soumis aux règles du capitalisme périphérique de sous-traitance, et le pouvoir reste aux mains de représentants des intérêts de privilégiés qui utilisent des moyens de plus en plus autoritaires pour gouverner, en les justifiant au nom d’une morale traditionaliste de plus en plus rigide, paternaliste et culpabilisante pour les masses accompagnée d’un discours nationaliste et russophobe qui sonne creux à l’heure où le pays accueille désormais des bases armées étrangères. La seule amélioration a consisté dans la distribution d’allocations familiales aux familles ayant des enfants, indépendamment des conditions de revenus. Les riches comme les pauvres en bénéficient donc, mais cela a quand même permis de nourrir des enfants autrefois affamés et de démontrer que le discours néolibéral qui prétendait que toute mesure sociale était impossible à prendre ne correspondait pas à la réalité. Le capitalisme néolibéral est donc nu en Pologne et largement délégitimé. (IGA)

    Contribution à la conférence « Comment sommes-nous devenus pauvres ? » du Monde Diplomatique Hongrie au Klub Kossuth, Budapest 4-6 novembre 2010

    Les sources qui ont servi de base à cet article sont cinq études sociologiques qualitatives menées par des sociologues féministes et anticapitalistes regroupés en Pologne par le Think Thank Feminist. Katarzyna Gawlicz, Ewa Charkiewicz, Malgorzata Maciejewska et Marcin Starnawski ont mené des entretiens approfondis et analysé le mode de vie et les attentes sociales de femmes vivant dans deux villes moyennes (Walbrzych et Krosno) et dans les villages autour de la ville de Starachowice,[1] au sud-ouest, sud-est et au centre de la Pologne. Les statistiques économiques son issues du premier bilan critique de 20 ans du capitalisme néolibéral polonais, « La modernisation conservatrice », ouvrage publié sous la rédaction du professeur Pawel Kozlowski, Directeur de l’Institut d’Etudes économiques de l’Académie des polonaise de Sciences[2].

    L’économie du capitalisme en Pologne
    La pauvreté existait déjà sous le régime « communiste » dans les années 1980. A l’époque, le discours officiel proclamait que la Pologne était une société égalitaire où les classes sociales n’existaient plus. Cette conviction égalitariste était largement partagée dans la société et masquait les inégalités de richesses et de revenus que les historiens d’aujourd’hui s’efforcent d’analyser afin de comprendre comment l’imposition du capitalisme néolibéral a pu se faire aussi facilement et brutalement par la suite. Les retraités et les personnes handicapées étaient pauvres selon les standards de l’époque – ils se nourrissaient de produits de mauvaise qualité, s’habillaient difficilement et avaient peu de loisirs. De même, les femmes des classes populaires élevant seules des enfants étaient pauvres, comme dans toutes les sociétés patriarcales, du fait de la faiblesse des salaires des femmes et d’un manque de volonté des hommes divorcés à payer les pensions alimentaires dues.

    Le point commun de tous ces pauvres était l’absence ou la faiblesse de revenus liés au travail. Car la société « communiste » était une société de travail. C’est l’emploi à plein temps dans les industries lourdes (mines, sidérurgie, électromécanique, chantiers navals) et dans les services masculinisés (police, haute administration du Parti et de l’Etat) qui assuraient un revenu confortable et protégeait de la pauvreté. Par conséquent, si la pauvreté s’est généralisée en Pologne depuis l’imposition du capitalisme, jusqu’à englober 23 millions de personnes (60 % de la population) vivant au-dessous du seuil de pauvreté défini à 175 euros par mois et par personne[3], la raison en est la liquidation massive des emplois dans l’industrie. Selon les économistes, la stratégie du choc néolibéral a supprimé entre 1990 et 1995 plus de 50 % des emplois dans l’industrie ; mettant au chômage 6 millions de personnes. Alors qu’en 1991-92 le PIB de la Pologne s’effondrait. Il n’a retrouvé le niveau de 1989 que 10 ans plus tard. Cette désindustrialisation massive n’a jamais été compensée par des investissements étrangers sur lesquels la classe politique polonaise avait fondé ses espoirs de développement du pays. Aujourd’hui, seuls 9 % des Polonais travaillent dans une multinationale. Et il va de soi qu’il n’existe pas de multinationale… polonaise. Au cours des 20 années qui ont succédé à la dissolution du « socialisme réel », le pays a compté constamment 16 % à 20 % de la population active au chômage – avec le pic des 20 % atteint en 2003, la veille de l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne. Par la suite, c’est l’émigration massive qui a fait baisser le taux de chômage aux alentours de 10 %. L’adhésion à l’UE a permis le déversement massif de cette main-d’œuvre bon marché vers les marchés du travail d’Europe de l’Ouest, du Nord et du Sud. C’est l’émigration post-directive « Bolkestein » qui régule donc pour la plupart les déplacements de ces 3 millions de travailleurs saisonniers, tandis que plus de 2 millions ont déjà émigré définitivement.

    La Pologne ne produit donc presque plus de produits finis : les professeurs Kozłowski et Karpinski appellent cela une économie de commerce, car 54 % des biens consommés sont importés de pays où la mondialisation libérale a implanté sa production (Chine, Inde, Bangladesh, Asie du sud-est). Si 16 % de la population (sur)vit de l’agriculture, 58 % des Polonais travaillent dans les services ! Mais de quels services s’agit-il ? A part le faible pourcentage de travailleurs qualifiés affectés au service des indispensables technologies de la télécommunication (opérateurs de téléphonie mobile, fournisseurs d’accès à internet, services informatiques), 100 000 personnes travaillent pour des chaînes de supermarchés occidentales, pour leurs centrales d’achat et leurs plateformes logistiques. Les économistes Karpinski et Paradysz pointent une chaîne de distribution pléthorique qui multiplie les intermédiaires et donc les prix, mais aussi un nombre significatifs de « hollow opérations » ou « opérations vides » qui augmentent le PIB, mais n’assurent en rien le bien-être de la population, car elles ne produisent aucun bien (publicité, jeux d’argent et, dans la zone grise de l’économie, la traite des femmes et la prostitution[4]).

    La question qui se pose est donc celle de savoir de quoi vit donc la Pologne ? Quelle est la source de richesse qui permet au pays de se maintenir à flots alors même que sa population est de plus en plus pauvre ? Les statistiques montrent que c’est encore et toujours la vieille richesse du pays, la matière première historique et consubstantielle du capitalisme, le charbon, qui est source de richesse et de devises, ainsi que le cuivre et le lignite. En deuxième position viennent la sous-traitance pour les secteurs automobile, le textile et le cuir, ainsi que l’industrie agro-alimentaire. Alors que la balance commerciale de la Pologne est négative depuis deux décennies et que l’exportation des matières premières peine à compenser cette perte, le mensonge de l’idéologie de « l’économie de services » et son avatar programmé par l’UE, « l’économie de la connaissance », sont manifestes puisque ce sont les industries les plus anciennes survivantes qui font en réalité tourner l’économie réelle. De plus, il est important de noter que les industries extractives n’ont été que partiellement privatisées, comme si la nouvelle oligarchie, assise sur cette rente, se rendait bien compte de sa fragilité économique si cette assise venait à lui manquer.[5] En fait « d’économie de la connaissance », c’est surtout l’argent des millions de migrants qui fait vivre la Pologne comme tous les pays périphériques de la mondialisation néolibérale. L’émigration polonaise rapporte 20 milliards de dollars par an au pays – un chiffre énorme qui la place parmi les premières diasporas au monde, juste à côté de l’émigration chinoise pour la somme globale renvoyée au pays. Les caractéristiques de l’économie polonaise sont donc de fait celles d’un pays en voie de développement : exportation de matières premières, importation de produits manufacturés et de produits alimentaires, sous-traitance, émigration forte et secteur informel étendu. Vingt ans après, comment croire désormais que le capitalisme assurera un avenir prospère à ce pays ?

    Comment vit-on pauvre en Pologne ?
    De 1991 à 1995, une terrible inflation fut l’un des instruments de la stratégie de choc néolibérale.[6] Les économies de millions d’épargnants furent laminées, mais c’est surtout les plus pauvres qui pâtirent de cette multiplication de prix par 4 ou 5 des produits de base en quelques semaines, ceux dont les revenus étaient fixes et qui dépendaient de l’Etat : les retraités, les handicapés, les étudiants. J’étais étudiante à Varsovie à cette époque et dépendante d’une pension alimentaire dont je peinais à faire exécuter le jugement par les autorités. Pendant presque six mois, je n’ai mangé qu’une fois par jour, souvent uniquement à la cantine de l’université. Mon téléphone fut coupé parce que je n’arrivais pas à payer la facture et je luttais pour pouvoir garder l’électricité. Je vivais au jour le jour en empruntant à de rares amis de petites sommes pour pouvoir manger. Je ne pouvais plus m’acheter de vêtements alors qu’en Pologne, un pays ou l’hiver dure 5 mois et la température peut fréquemment descendre à moins 10 degrés, posséder des vêtements d’hiver n’est pas du superflu ! Ce fut alors que je rencontrais la vision de cauchemar des premiers mendiants. Ma première mendiante fut une femme retraitée de l’industrie chimique qui m’aborda pleine de désespoir dans la rue, car sa pension était irrémédiablement mangée par l’inflation.
     
    Puis vint le chômage de masse et l’expérience minoritaire de ces pauvres devint l’expérience de la majorité. Car s’il est impossible de vivre en Pologne avec 175 euros par mois, il ne faut pas oublier que 4 millions de Polonais de plus vivent en dessous du seuil biologique de survie fixé à 380 zlotys par personne (95 euros !) et que 1, 2 million d’enfants souffrent de la faim[7] ! Les femmes des trois régions polonaises étudiées ici sont en ce sens emblématiques de la façon dont la pauvreté est vécue en Pologne et de ses raisons. En effet, ces trois villes ont un point commun : elles ont subi une désindustrialisation brutale avec la fermeture de leurs usines dès 1991. Les entreprises ayant survécu jusqu’au début du 21e siècle ont été à leur tour victimes de la crise de 2008. Wałbrzych était un centre minier et sidérurgique prospère, tellement prometteur que ce fut là que fut installée la « minorité française », les Polonais émigrés dans les mines de France avant la guerre et rapatriés par le régime communiste dans les années 1945-49. Les petits enfants des mineurs franco-polonais mangent désormais le pain noir de la misère et de l’humiliation. Toute l’industrie minière de Walbrzych a été liquidée dès les années 1991-95. Les femmes interrogées à Walbrzych se souviennent de l’époque communiste comme étant celle de la prospérité, surtout si leur père ou leur mari était mineur. Dans ce cas, elles évoquent aussi la fierté du statut social perdu. A Krosno, ce sont les industries du verre qui faisaient vivre la ville. De nombreuses femmes y travaillaient jusqu’aux deux vagues de fermetures du début des années 1990 et de 2008.

    D’autres femmes travaillaient dans les usines textiles de transformation de lin supprimées dès 1989 et n’avaient donc plus d’emploi depuis vingt ans. De même, Starachowice était le siège de l’usine de fabrication de camion Star et de nombreuses scieries : tous ces emplois ont été supprimés par le capitalisme. L’économie de cette région était typiquement celle « d’ouvriers-paysans » : les hommes et les femmes travaillaient à la ville pendant que leurs parents et leur fratrie continuaient de cultiver leurs petites exploitations agricoles de 1-2 ha. Ils/elles vivaient à la campagne dans les maisons familiales et contribuaient à l’économie commune. Avec le capitalisme, les femmes ont perdu les premières leur emploi et ont été contraintes de se consacrer entièrement à une agriculture de subsistance. Actuellement, même les hommes n’ont plus d’emploi tandis que les jeunes sont obligés de s’expatrier dans les grandes villes et à l’étranger.
     
    Les femmes pauvres de Wałbrzych, en particulier quand elles sont seules avec enfant, vivent comme vivent des millions de femmes dans les pays pauvres de la planète. L’aide sociale est minimale, quasi inexistante – une des femmes touchait 44 euros par mois, pour elle et deux enfants. Je ne pense pas que quiconque pourrait survivre avec cette somme dans n’importe quel endroit en Europe ! L’aide sociale en Pologne est l’une des plus faibles en Europe. Elle est décentralisée et dépend de la prospérité et de la volonté politique des communes[8]. Les femmes passent de longues heures dans diverses administrations à mendier littéralement de maigres subsides pour acheter à manger à leurs enfants et pour les vêtir dans des friperies. Elles doivent remplir une multitude de dossiers et fournir d’innombrables attestations. Elles sont souvent mal accueillies, discriminées surtout quand elles sont Rroms, ou soupçonnées de boire et de se prostituer. L’une d’elles raconte l’assaut d’un commando policier dans la nuit dans l’hébergement de fortune qu’elle avait trouvé chez une amie – les policiers venaient vérifier si elle ne cachait pas de bouteilles d’alcool !

    S’ils en avaient trouvé une la sanction aurait été implacable : retrait et placement des enfants dans des orphelinats qui ne valent pas mieux que les logements insalubres où les femmes squattent. En effet, dans ce système de survie précaire, elles ne peuvent payer aucun loyer, ont des dettes d’électricité et de gaz. Ne pouvant apurer leurs dettes, elles se heurtent au refus de logement social. Alors, elles investissent les nombreuses maisons d’anciens ouvriers, vides et délabrées, sans chauffage. La municipalité n’est guère tolérante envers ces squatteuses sociales : elle leur intente des procès qui font pleuvoir sans pitié sur elles des amendes de milliers de zlotys. C’est à la suite d’une coupure d’électricité décidée par la municipalité pour les déloger que les femmes de Wałbrzych se sont révoltées en 2009. Elles ont mené une grève d’occupation, investi une salle de la mairie avec leurs enfants et ont refusé de partir tant qu’un relogement ne leur fut pas proposé. Pour la première fois, des habitants moins mal lotis les ont soutenues et cette initiative a mené à la création du Comité des Habitants de Walbrzych – une initiative entièrement autonome et indépendante de tout mouvement politique. C’est cette action qui a permis aux sociologues féministes de les rencontrer.
     
    La pauvreté est ainsi faite d’incessants calculs : le budget toujours insuffisant doit être géré au plus près. Les dépenses scolaires sont étalées sur l’année et les enfants ne les reçoivent qu’au compte-goutte, les factures d’électricité ne sont payées que lorsque la coupure est imminente. Les médicaments passent en priorité avant la nourriture, car très peu de soins médicaux sont remboursés et il n’existe pas en Pologne de couverture maladie universelle. Les femmes jonglent entre aide sociale et dettes auprès d’amis et de parents à peine moins pauvres qu’elles et qui doivent être remboursées en priorité pour sauvegarder les relations et de petits boulots précaires. Parfois, elles sont envoyées de façon coercitive dans une agence de recrutement qui les met à disposition d’une entreprise occidentale de la zone économique spéciale. Elles y travaillent pour le montant de l’aide sociale ou pour un salaire dérisoire, souvent sans être déclarées. Les emplois stables ayant complètement disparu, les seuls emplois existants sont précaires et saisonniers. Le salaire est misérable : 800 zlotys tout au plus, soit 200 euros, ce qui ne permet pas une famille de vivre. Ces emplois sont exécutés dans des conditions très dures. Les normes d’hygiène et de sécurité ne sont pas respectées, il n’y a aucun syndicat, notamment dans la Zone économique spéciale de Wałbrzych. Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses femmes soient malades et handicapées : maux du dos, problèmes respiratoires et cardiaques, phlébites, articulations usées, problèmes gynécologiques, cancers. La maladie est omniprésente dans leur vie. Même celles qui ne souffrent pas de maladies chroniques souffrent de maladies dues à l’insuffisance de chauffage l’hiver : chaque bronchite ou angine peut vite devenir une catastrophe pour leur foyer, car les soins ne sont pas gratuits[9]. Les hommes sont fréquemment malades et handicapés suite à des emplois usants, et leurs maigres pensions ne permettent pas de couvrir les soins. Ce sont les femmes qui s’occupent d’eux, qui assurent les soins et trouvent l’argent des médicaments. Souvent les hommes sont au chômage, ou bien alcooliques et violents et les femmes doivent s’en protéger. L’enfer de la pauvreté, l’alimentation carencée et insuffisante, l’absence de chauffage, les logements insalubres, le stress et l’angoisse affaiblissent physiquement les femmes pauvres. De plus, elles font passer les besoins de leurs enfants avant leurs propres besoins. Méticuleusement, elles surveillent les devoirs scolaires et font tout pour que leurs enfants restent à l’école. Mais que penser de l’efficacité d’une instruction dispensée à un enfant qui a le ventre vide ?
     
    A la question de ce qui pourrait les aider, toutes les femmes répondent « un emploi stable avec un salaire qui permette de vivre ». Elles ne sont pas dupes des pseudo-dispositifs « d’insertion » et se souviennent que si leur situation sous le régime communiste était meilleure, même pour les plus démunies comme les femmes Rroms, ce fut uniquement grâce à l’emploi. Une multitude d’entreprises employait alors les femmes. Certaines ont acquis de véritables qualifications, des diplômes, un métier. Les moins qualifiées travaillaient dans l’entretien des jardins municipaux, nettoyaient les rues et les usines. C’est ce travail qui fait défaut qui est la clé de la sortie de la pauvreté. Les femmes réclament également des crèches et des écoles maternelles afin de pouvoir faire garder leurs enfants. De façon significative, il n’y a pas à Walbrzych plus que deux crèches publiques et les vingt-six autres sont des crèches privées. Le dispositif de crèches publiques qui permettait aux femmes de travailler sous le régime communiste a été entièrement détruit et ce sont les femmes pauvres qui en payent d’addition. Les femmes malades et handicapées réclament également des soins et des médicaments gratuits et des allocations stables, décentes et considérées comme un droit. A la campagne elles demandent également le rétablissement de bus publics supprimés par le capitalisme. Se déplacer pour travailler ou même chercher l’aide sociale est très compliqué en l’absence de transports en commun fréquents et subventionnés.

    Comment on survit dans la pauvreté ?
    Face à cette image désespérante la question à poser serait plutôt comment ces femmes survivent-elles ? La réponse est l’entraide de voisinage. Parfois l’entraide familiale, notamment entre femmes. Fréquemment, les filles vivent avec leur mère et font le ménage commun, ce qui permet de mutualiser les ressources. Chez les femmes de Starachowice, tandis que les femmes âgées s’occupent des enfants, les femmes de 40 à 60 ans s’occupent de l’exploitation et de la vente des produits au marché pendant que les plus jeunes étudient et travaillent à la ville pour pouvoir payer les factures de la maison. Seul un salaire permet en effet d’accéder au crédit indispensable pour acheter l’équipement électroménager, renouveler les meubles ou faire des travaux dans la maison. Mais le crédit est aussi un piège. Dès que l’emploi précaire est fini, les impayés s’accumulent. Cependant, c’est la seule façon pour améliorer l’ordinaire ou pour investir dans des outils nécessaires comme un ordinateur pour les enfants. Certaines familles achètent même les fournitures et les livres scolaires à crédit, car en Pologne ils ne sont pas fournis par l’éducation nationale.
     
    Les femmes de Starachowice se disent moins mal loties que tant d’autres parce qu’elles possèdent la terre, dernier vestige de la réforme agraire communiste de 1945 qui avait distribué les terres de l’aristocratie et de l’Église aux paysans. Mais à l’ère des prix mondiaux et de la politique agricole de la PAC favorisant les grandes surfaces, il n’est plus possible de vivre d’une exploitation agricole même de 15-20 ha. Elles ne permettent que l’autosubsistance. De nombreux migrants saisonniers polonais sont des épouses, des fils et filles de paysans. Cette forme de sécurité alimentaire de base a un revers, le surmenage et l’épuisement des femmes qui travaillent quinze heures par jour : les soins aux animaux, les travaux des champs et du jardin, les démarches administratives, le ménage et le soin aux enfants, aux malades et aux vieux avec, en plus, les travaux de bâtiment et les réparations en l’absence d’homme. Elles n’ont pas de vie privée, de loisirs et pas d’accès à la culture. Les réseaux de bibliothèques, les maisons municipales de rencontres et de loisirs qui existaient auparavant ont été supprimés. La santé des femmes est tributaire de cet épuisement : elles vivent sous pression et dans une fatigue permanente qui les empêche de faire des projets à long terme. Une économie de survie au bord du gouffre qui empêche aussi toute action politique et sociale collective.
     
    Il est intéressant de constater que les femmes pauvres de Wałbrzych survivent grâce à l’entraide de voisins et d’ami/es. C’est l’exemple du voisin qui sait que la voisine n’a pas de quoi préparer le repas et qui partage son sac de courses à peine mieux garni. C’est une femme qui héberge une amie et ses enfants sans domicile dans un logement déjà surpeuplé. C’est une personne du quartier qui connaît tout le monde et les difficultés de chacun et qui aide à faire une réparation, à garder les enfants, qui donne des vêtements d’hiver. En Pologne capitaliste comme partout dans le monde, ce sont les pauvres qui aident d’autres pauvres. Vu de loin la société polonaise semble toute entière tournée vers l’égoïsme de la consommation individualiste. Mais peut-être que cette image n’est qu’une partie de la réalité et que renforcer ces réseaux informels d’entraide pourrait devenir le début d’une pratique citoyenne contestant le système capitaliste. Lors de la révolte des femmes de Walbrzych, ce sont les habitants connaissant la situation terrible des femmes sans logement qui se sont regroupés dans le Comité Municipal des Habitants afin de les soutenir.
     
    Cette première révolte politique est d’autant plus importante que les femmes pauvres sont exclues de la citoyenneté. « Nous ne sommes rien. Nous ne comptons pas » expliquent-elles avec un immense sentiment d’impuissance. Elles rajoutent : « Est-ce que quelqu’un nous entend ? » La pauvreté est un traumatisme politique, une relégation définitive de la communauté humaine. Il convient de souligner que les femmes pauvres ne profitent pas non plus de soutien d’ONG caritatives ou de l’Eglise catholique pourtant si puissante politiquement et socialement en Pologne. Elles affirment au contraire ne pas avoir accès à cette aide. Mais il est possible qu’elles préfèrent éviter de fréquenter l’Eglise afin de ne pas subir l’opprobre dont elles pourraient être la cible en tant que mère célibataires, divorcées ou vivant sans homme, un mode de vie que l’Eglise considère comme un péché. l’Eglise fait pourtant de son action sociale un argument pour justifier sa puissance politique en Pologne. A condition de se soumettre à sa morale culpabilisante et de ne manifester aucune révolte contre le régime dominant. Mais l’exemple des femmes de Wałbrzych permet de douter de l’efficacité et de l’utilité de la sous-traitance de la politique sociale de l’Etat aux structures religieuses. La charité ne peut pas rendre la citoyenneté sacrifiée sur l’autel du capitalisme.

    Quelles solutions ?
    Les femmes pauvres de Pologne l’expriment elles-mêmes : seul un emploi stable, rémunéré par un salaire permettant de vivre peut rendre la citoyenneté. Une politique d’emploi stable suppose l’annulation de toutes les politiques menées de puis vingt ans en l’Europe de l’Est : la relocalisation de l’industrie, le soutien à une agriculture paysanne familiale et d’entraide, la création d’un véritable système d’allocations sociales et familiales permettant de vivre décemment à tous ceux et celles qui ne peuvent plus travailler. A cela, il faut ajouter la création d’un véritable droit à la santé avec un accès aux soins publics gratuits, un système scolaire dès la petite enfance assurant également des repas gratuits et des soins médicaux aux enfants, le retour à la construction de logements sociaux, des transports publics bon marché et des institutions culturelles accessibles aux plus pauvres. Ce projet politique suppose bien évidemment un partage des richesses : le paiement d’impôts sur le revenu et le patrimoine par la nouvelle bourgeoisie et par l’Eglise catholique, la renationalisation au moins de certains biens publics, dont ceux qui ont fait l’objet de privatisations mafieuses ou ont été indûment donnés à l’Eglise et aux multinationales occidentales. Il est peu probable que l’élite dominante actuelle réalisera cette vision. Une prise en main par le peuple de ses propres intérêts est donc indispensable : une révolution politique comparable au moins au degré de mobilisation de celle de Solidarnosc en 1980. Une révolution qui ne peut que jaillir de la colère sourde accumulée et d’une libération de la parole annulant le traumatisme capitaliste.

    Notes :
    [1]  Katarzyna Gawlicz, Marcin Starnawski, « Raport z badan lokalnych w ramach projektu Think Thank Feministyczny 2009 “Kobiety i ubóstwo. Czy ktoś nas słyszy ? » (Rapport d’études locales du Think Thank Feminist en 2009, “Les femmes et la pauvreté. Est-ce que quelqu’un nous entend ? » ), « Warunki zycia kobiet w gospodarstwach domowych o niskich dochodach na obszarach wiejskich wojewodztwa swietokrzyskiego » (« les conditions de vie des femmes aux faibles revenus sur les territoires ruraux de la voïvodie swietokrzyska ») ; Małgorzata Maciejewska, Wstępny raport z badań 2010, « Odzyskać obywtelstwo. Kobiety i warunki życia w Wałbrzychu » (« Retrouver la citoyenneté. Les femmes et leurs conditions de vie à Wałbrzych). Les documents sont publiés sur le site du réseau féministe de gauche Rozgwiada www.rozgwiazda.org.pl, rubrique « podmiot – Kobiety żyjace w ubostwie » (« Sujet, les femmes vivant dans la pauvreté »).
    [2] En particulier les chapitres rédigés par le professeur Karpinski, « Polska gospodarka w dwudziestoleciu », « L’économie polonaise des 20 dernières années », Karpinski et Paradzysz, « Rozwój społeczno-gospodarczy Pol ski w latach 1989-2009 w świetle statystyki », (« Le développement social et économique de la Pologne dans les années 1989-2009 à partir des statistiques ») in « Konserwatywna modernizacja, dwudziestlecie polskich przemian », (« La modernisation conservatrice. 20 ans de transformation polonaise »), Instytut Nauk Ekonomicznych PAN, mars 2011.
    [3]  Karpinski, op. cit, Soit 700 zlotys. En 1989 14 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté.
    [4] Karpinski, Karpinski et Paradysz, op. cit.
    [5] Les mineurs des compagnies du charbon de Silésie se sont opposés victorieusement aux privatisations et aux fermetures, mais ils n’ont pas leur mot à dire dans la gestion oligarchique et mafieuse de la Compagnie Minière Publique. (voir les analyses du Syndicat « Août 80 », www.partiapracy.pl) De même, la compagnie d’extraction du cuivre KGMH a été l’enjeu de nombreuses luttes politiques au moment de sa privatisation – les hommes politiques au pouvoir se disputaient la main-mise sur son conseil d’administration. Cependant, de nombreuses autres entreprises extractives ont été purement et simplement fermées par décision politique sans aucune analyse de leur rentabilité : par exemple, la mine et la raffinerie de souffre à Machów près de Tarnobrzeg employant 15 000 personnes a été fermée en 1993/95, entrainant le déclin de toute une région.
    [6] Naomi Klein, La stratégie du choc, Actes Sud, 2008
    [7] NDR. Avec l’arrivée au pouvoir du dernier gouvernement du parti Droit et Justice, en 2015, les couples avec enfants ont commencé à recevoir une allocation mensuelle de 500 zlotys par enfants, ce qui a largement contribué à assurer un minimum vital aux couches les plus pauvres de la population et explique la relative popularité de ce gouvernement, malgré son autoritarisme, car il a été le seul qui a pris une mesure sociale dans un pays où, depuis 1989, le discours étaient que l’on ne pouvait rien faire, que les caisses étaient vides et qu’il fallait se serrer la ceinture.
    [8] NDR, hormis les nouvelles allocations familiales qui viennent de l’Etat central. Voir note plus haut.
    [9] 33 % des Polonais ne peuvent pas payer un chauffage correct l’hiver.

    #Femmes #Pologne #Pauvreté #enfer #néo_libéralisme #union_européenne #Réalité #faim #enfants #survie #Walbrzyc

  • La semaine où le monde a frôlé l’apocalypse nucléaire

    http://www.slate.fr/story/149934/la-semaine-ou-le-monde-a-frole-la-guerre-nucleaire

    C’est l’un des grands mystères de la Guerre froide : comment le monde a-t-il fait pour ne pas disparaître lors de la deuxième semaine de novembre 1983 ?

    Une grande partie de notre survie est due aux actions –ou plutôt à l’inaction– d’un officier de l’armée de l’air américaine, Leonard Perroots, mort en janvier dernier. Que nous ayons frôlé l’anéantissement, au contraire, est imputable au bellicisme rhétorique et militaire de Ronald Reagan, à la terreur qu’il a suscité chez les Soviétiques et au tragi-comique d’un malentendu qui aurait pu nous coûter très cher.

    Comme un National Intelligence Estimate, un document du renseignement américain venant d’être rendu public, le détaillait en 1987 :

    « La stratégie de guerre nucléaire [des Soviétiques] […] ne les prédispose pas à faire preuve de retenue s’ils estiment très probable la survenue d’une guerre nucléaire. Ils pensent d’ailleurs qu’une telle réserve pourraient mettre en péril leurs chances dans cette guerre. Les Soviétiques sont très enclins à vouloir tirer les premiers afin de maximiser les dommages infligés aux forces américaines, tout en minimisant les dégâts subis par la société et les forces soviétiques. »

    C’est à ce moment délicat que les États-Unis et leurs alliés décident de simuler une attaque nucléaire sur l’Union soviétique et ses alliés du Pacte de Varsovie. Effectué par des soldats alliés dans toute l’Europe, la simulation, surnommée Able Archer 83, fait partie d’un exercice militaire orchestré par le QG de l’Otan à Bruxelles, le ministère britannique de la Défense et le Pentagone, son objectif est de « tester les procédures de commande et de personnel, avec un accent tout particulier mis sur la transition entre des opérations conventionnelles et des opérations non-conventionnelles, y compris l’usage d’armes nucléaires ».

    C’est là qu’intervient Leonard Perroots, un agent du renseignement militaire américain dont le rôle sera crucial dans cette histoire. Quand débute Able Archer 83, cet homme originaire de Virginie Occidentale a plus de trente ans d’expérience derrière lui dans les services de renseignement de l’US Air Force en Europe. Tout en supervisant Able Archer 83, il remarque que les forces soviétiques (les vraies, pas celles de la simulation) ne cessent d’augmenter leurs niveaux d’alerte. Mais au lieu de réagir comme il se doit, Perroots ne fait rien. S’il avait relevé le niveau d’alerte des dispositifs militaires européens –ce qui n’aurait pas été absurde–, les Soviétiques auraient pu en conclure que exercice était bel et bien une préparation d’attaque déguisée. L’instinct de Perroots permettra d’arrêter la course vers la guerre et sans doute d’éviter une passe d’armes nucléaire.

  • En #Pologne, la fracture se creuse entre le pouvoir et la population sur l’UE
    https://www.mediapart.fr/journal/international/100817/en-pologne-la-fracture-se-creuse-entre-le-pouvoir-et-la-population-sur-l-u

    La #Commission_européenne a ouvert fin juillet une procédure d’infraction à l’encontre de la Pologne pour ses réformes du système judiciaire. Alors que le pouvoir s’enferme dans une posture hostile à #Bruxelles, la mobilisation dans la rue a atteint un niveau sans précédent, révélant un profond attachement aux institutions européennes. Manifestation contre les réformes judiciaires à #Varsovie, le 26 juillet 2017 © Reuters

    #International #Etat_de_droit #infraction #Kaczynski #PiS #réfugiés

  • Varsovie (Pologne) : 2e édition du salon du livre indépendant, les 9 et 10 septembre 2017 au centre social autonome ADA
    https://infokiosques.net/spip.php?article1472

    Les 9 et 10 septembre 2017, le deuxième salon du livre indépendant se tiendra au centre social autonome ADA, situé Puławska 37, à Varsovie. S’y tiendront des discussions, lectures, ateliers et concerts. L’an passé, le salon du livre indépendant a réuni des dizaines de participant-e-s de Pologne et d’ailleurs, des migrant-e-s qui vivent à Varsovie et des collectifs internationaux. Les propositions sont ouvertes jusqu’au 10 août 2017. Pour toute question, toute idée : warsawbookfair[at]riseup.net. (...)

    #ailleurs

    http://warsawbookfair.esy.es

  • L’issue du bras de fer entre l’UE et la #Pologne reste incertaine
    https://www.mediapart.fr/journal/international/300717/l-issue-du-bras-de-fer-entre-l-ue-et-la-pologne-reste-incertaine

    Manifestation contre la réforme de la #Justice, à Varsovie le 26 juillet 2017 © Kacper Pempel / Reuters. La commission de #Bruxelles a durci le ton en juillet face à Varsovie, accusée de piétiner l’indépendance de la justice. Mais l’efficacité de l’offensive reste à voir. L’UE ne dispose toujours pas d’instruments permanents pour faire respecter l’État de droit sur le continent.

    #International #Commission_européenne #démocratie #Droit_et_Justice #Etat_de_droit #Frans_Timmermans #Hongrie #UE #Visegrad

  • Debray, à lire — absolument — fins gourmets

    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/08/DEBRAY/57764

    Qu’a-t-elle d’européenne notre Europe recouverte d’un bleu manteau de supermarkets, le successeur du blanc manteau d’églises, avec, çà et là, et en supplément d’âme, des musées en forme de blockhaus où venir remplir en bâillant ses obligations culturelles ? Il y avait plus d’Europe à l’âge des monastères, quand l’Irlandais Colomban venait semer ses abbayes aux quatre coins du continent. Plus, à la bataille de Lépante, quand Savoyards, Génois, Romains, Vénitiens et Espagnols se ruèrent au combat contre la flotte du Grand Turc, sous la houlette de don Juan d’Autriche. Plus, à l’âge pacifique des Lumières, quand Voltaire venait taper le carton à Sans-Souci avec Frédéric II, ou quand Diderot tapait sur l’épaule de Catherine II à Saint-Pétersbourg. Plus, à l’âge des Voyageurs de l’impériale, quand Clara Zetkin remuait le cœur des ouvriers français, et Jean Jaurès les congrès socialistes allemands. Le russe et l’allemand s’enseignaient cinq fois plus dans nos lycées en 1950 qu’aujourd’hui ; il y avait alors plus d’Italie en France et de France en Italie qu’il n’y en a à présent. Nous suivons de jour en jour les péripéties de la politique intérieure américaine, et une quinte de toux de Mme Hillary Clinton en campagne fait l’ouverture de nos journaux télévisés, mais nous n’avons pas dix secondes pour un changement de paysage en Roumanie ou en Tchéquie. Les satellites de diffusion et notre paresse intellectuelle mettent New York sur notre palier, Varsovie dans la steppe et Moscou au Kamtchatka.

    M. Donald Tusk, président du Conseil européen, qui s’adresse en globish à ses divers interlocuteurs, paraît bien moins européen que l’empereur Charles Quint, qui parlait espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à son cheval. Sur la trentaine d’agences centralisées de l’Union, vingt et une présentent leur site uniquement en anglais, et la loi travail en Italie s’appelle le Jobs Act. Voir les fonctionnaires de Bruxelles communiquer dans la seule langue qui, depuis le Brexit, n’est plus celle que d’un de ses membres, l’Irlande, ne manque pas de cocasserie. Ceux qui déplorent que cette Carthage babillarde devienne une vaste Suisse devraient plutôt nous donner cette confédération en exemple : on y parle couramment, comme tout Européen se devrait de le faire, trois, voire quatre langues majeures.

    #europe #etats-unis #debray #regis

  • De la discontinuité à l’interconnexion : réseaux ferrés, frontières et construction métropolitaine en Haute-Silésie | Cairn.info
    http://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2009-4-page-317.htm

    Dans le cadre d’une réflexion sur les frontières, qui étudie les dynamiques et les mutations de cet objet géographique ainsi que leurs effets sur son espace (groupe Frontière et al., 2004 ; Picouet, Renard, 2007), le présent texte s’intéresse aux discontinuités réticulaires, c’est-à-dire à des discontinuités qui se développent dans et entre les réseaux. L’exemple traité se situe en Europe centrale, une région qui a connu durant les derniers siècles de profondes mutations spatiales. Cet espace « d’entre-deux » (Rey, 1998) se définit comme un champ de frontières, où d’anciennes et de nouvelles discontinuités s’entremêlent, traçant des lignes de rupture entre les populations et les territoires. La conurbation de Haute-Silésie, principale zone urbaine et industrielle de l’Europe centrale, représente un bel exemple de ces jeux de frontière. Au xixe siècle, cette région a été le lieu de rencontre des trois puissances continentales russe, prussienne et austro-hongroise qui se partageaient alors le territoire polonais.

    #pologne #réseaux #frontières #limites

  • #Frontex cherche à aider l’Italie à partager l’accueil de migrants

    Frontex et les pays membres de l’UE participant à l’opération Triton ont accepté mardi de modifier celle-ci en faveur de l’Italie, sans aller jusqu’à dire que les migrants recueillis en mer pourront débarquer dans les ports autres qu’italiens.

    Frontex a annoncé à l’issue d’une rencontre technique tenue à Varsovie qu’un #groupe_de_travail allait être créé immédiatement pour préparer un nouveau plan opérationnel de Triton. Ce plan sera ensuite soumis aux pays membres participants, précise un communiqué.

    http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/07/11/97001-20170711FILWWW00371-frontex-cherche-a-aider-l-italie-a-partager-l-acc
    #Opération_triton #frontières #contrôles_frontaliers #asile #migrations #réfugiés

    Commentaire de Eva Ottavy, reçu via la mailing-list de Migreurop :

    Frontex va mettre en place un groupe de travail pour modifier l’opération Triton, en accord avec les Etats européens participant à l’opération, sans donner plus d’info pour le moment : débarquement dans les ports des bateaux des Etats membres participant à l’opération ou débarquement dans des ports dit « sûrs » qu’ils soient européens ou non. Pour rappel, dans le cadre du règlement interception maritime des opérations de FRontex, il est possible pour l’agence dans le cadre de ses opérations de débarquer des personnes interceptées en mer dans des ports non européens tant qu’ils sont considérés sûrs par elle.

  • Le tourisme, problème n°1 de Barcelone selon ses habitants

    Le tourisme est devenu pour les habitants de Barcelone le problème numéro un de leur ville, la plus visitée d’Espagne, selon un #sondage commandé par la mairie publié vendredi.

    Le tourisme dans la cité méditerranéenne de 1,6 million d’habitants est considéré comme un problème par 19% des 800 sondés, devançant le chômage et les conditions de travail (12,4%) qui constituaient depuis 2009 la première préoccupation.


    http://www.courrierinternational.com/depeche/le-tourisme-probleme-ndeg1-de-barcelone-selon-ses-habitants.a

    #tourisme #Barcelone #invasion

  • Nous vengerons nos pères - documentaire
    https://www.publicsenat.fr/emission/nous-vengerons-nos-peres-58089

    Un film de #Florence_Johsua et #Bernard_Boespflug

    Une coproduction Comic Strip Production, France Télévisions, Public Sénat 2017 (52’)

    Ils s’appellent Chorowicz, Cyroulnik, Glichtzman, Feldhandler... Leurs familles, d’origine juive, avaient émigré en France dans les années 1920 et 1930 pour fuir la misère et l’antisémitisme. Elles venaient de Pologne, de Russie, de Lituanie. Elles ont été plongées dans l’horreur de la Shoah.

    Eux sont nés en France, après-guerre. Ils ont grandi avec des fantômes. Ils en ont nourri une profonde colère, et pour certains des désirs de vengeance. Qu’est-ce qu’on fait de toute cette colère, quand on a vingt ans, dans les années 1960-70, et qu’on a envie de changer le monde ? Eux sont devenus militants.

    Ce film retrace leurs histoires personnelles et militantes, et donne à voir, à travers leurs engagements internationalistes et profondément antifascistes, l’audace de ces années contestataires.

    Ce film est basé sur une recherche de Florence Johsua, publiée dans Politix. Revue des sciences sociales du politique, vol. 26, 104, 2013, en Varia du dossier « Ni guerre, ni paix ».

    https://npa2009.org/videos/nous-vengerons-nos-peres

    « Nous vengerons nos pères... »
    De l’usage de la colère dans les organisations politiques d’extrême gauche dans les années 1968
    http://www.cairn.info/revue-politix-2013-4-page-203.htm

    Interprétation du Chant des partisans en yiddish (Zog Nit Keynmol) par le groupe Cartouche :
    https://www.youtube.com/watch?v=AzRxUN7YO8M

    Zog nit keynmol (Ne dis jamais) est le nom de la chanson écrite en 1943 par Hirsh Glick, jeune juif détenu au ghetto de Vilnius apprenant le soulèvement du ghetto de Varsovie contre les nazis. La mélodie est du russe Dmitry Pokrass écrite en 1935

    #juifs #juives #révolutionnaires #jcr #lcr #antifascisme

  • Enregistrement - Le #corps des femmes
    http://www.radiopanik.org/emissions/du-pied-gauche/le-corps-des-femmes-

    Une émission avec :

    Le monde selon les femmes : Pascale Maquestiau

    GASEPA / médecin/ planning familiale : Alessandra / CECILIA

    IPPF : Aurore Guieu

    À Varsovie, le 18 Juin 2016, on entend Cindy Lauper partout dans les rues « Girls just wanna have fun ! ». Le soleil brille, et des milliers de femmes et d’hommes, des roses rouges aux poings, manifestent en souriant, d’un pas déterminé. La « Marche de la Dignité » organisée dans 19 villes du pays entendait alors protester contre l’interdiction totale de l’interruption volontaire de grossesse, un projet soutenu par les organisation « pro-vies », l’épiscopat chrétien et le gouvernement conservateur polonais.

    En 2014, c’est l’Espagne qui remettait en question les conditions d’avortement légales, une pratique permise sans (...)

    #femme #féminisme #avortement
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/du-pied-gauche/le-corps-des-femmes-_03418__0.mp3

  • ARTE+7 | Koudelka Shooting Holy Land
    http://www.arte.tv/guide/fr/071423-000-A/koudelka-shooting-holy-land

    Koudelka Shooting Holy Land
    Actu & société - 71 min - 4799 vues

    Alors que le Centre Pompidou consacre une rétrospective à Josef Koudelka, le réalisateur israélien Gilad Baram a suivi le célèbre photographe en Palestine pour livrer de bouleversantes images du #mur de séparation.

    Après avoir grandi derrière le rideau de fer, le photographe tchèque Josef Koudelka devient célèbre grâce à ses emblématiques photos de l’invasion de Prague par les troupes du pacte de Varsovie, en 1968. Près de cinquante ans plus tard, il découvre, profondément ému, le mur de neuf mètres de haut construit par #Israël en #Cisjordanie. Démarre alors un projet photographique de plus de quatre ans dans la région, au cours duquel le chasseur d’images est confronté à la dure réalité du conflit israélo-palestinien. D’un site spectaculaire à l’autre, le réalisateur Gilad Baram, alors assistant de Josef Koudelka qui s’est laissé filmé pour la première fois, l’a suivi dans son voyage en Terre sainte.

    #frontière

  • Comment Donald Trump a utilisé Facebook pour cibler très précisément les internautes | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/136199/trump-brexit-cambridge-analytica

    Le portrait de chacun, grâce aux likes

    En 2008, un jeune chercheur originaire de Varsovie, Michal Kosinski, crée en effet une application qui dresse un portrait de l’utilisateur grâce à son profil Facebook et, surtout, à ses likes. S’il pense, au départ, que seuls ses camarades étudiants répondront, MyPersonnality connaît un succès inattendu, et récolte les scores psychométriques de millions d’utilisateurs de Facebook. Fort de ces nombreux résultats, en 2012, Kosinski prouve qu’à partir d’un minimum de 68 likes par un internaute, il est possible de prédire sa couleur de peau (à 95%), son orientation sexuelle (88%) ou ses convictions politiques (85%). Il est même possible de déterminer si les parents de l’utilisateur sont divorcés ou non.

    Nix affirme que Cambridge Analytica se base sur trois éléments majeurs : le modèle OCEAN, l’analyse massive de données (big data) et le ciblage publicitaire. D’abord, Cambridge Analytica achète les données de multiples sources, toutes les données sont en vente aux États-Unis. La compagnie a ainsi accès aux habitudes alimentaires, culturelles, sociales, religieuses (…) des utilisateurs. Elle détient les données des profils Facebook de 220 millions d’Américains –soit tous les utilisateurs de Facebook dans le pays, et peut ainsi dresser le portrait de chacun. Pour mieux adapter les posts que voient et reçoivent les internautes en fonction de leurs likes.

    Les fans de Walking Dead ou de NCIS, par exemple, sont identifiés comme étant plus prompts à voter Trump. Le jour du troisième débat entre Donald Trump et Hillary Clinton, le candidat républicain teste 175.000 messages différents sur Facebook, avec différentes couleurs, différentes légendes, différentes photos et vidéos. Dans le district de Little Haiti, à Miami, les internauts voient par exemple apparaître parmi les publications dans leur flux Facebook une nouvelle stipulant que la Clinton Foundation a échoué dans son aide aux habitants, après le tremblement de terre qui a secoué l’île. Ou encore, les afro-américains tombent sur une vidéo de la candidate, affirmant que les hommes noirs sont des prédateurs. Le tout, afin de dissuader les gens à voter pour elle. Le message de Trump sur Facebook a pu être adapté au niveau des quartiers, des rues et même au niveau d’un individu, assure Alexander Nix.

    #Facebook #politique #publicité #ciblage

  • Les petites mains nord-coréennes de Fructofresh, en Pologne

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/26/les-petites-mains-nord-coreennes-de-fructofresh-en-pologne_5069357_3244.html

    Depuis 2004, cette entreprise polonaise de salades de fruits gagne des parts de marché en ajoutant des additifs interdits dans ses produits et en employant des travailleuses nord-coréennes dans son usine de Czarnowice.

    Depuis l’esplanade du centre-ville de Gubin, on ne voit qu’elle. L’ancienne usine de chaussures, qui employait plus de 2 000 personnes à la fin des années 1980, n’est aujourd’hui qu’un vaisseau fantôme promis à la démolition. Victime de la désindustrialisation qui a suivi la chute du mur de Berlin, cette cité de 15 000 âmes de l’extrême ouest de la Pologne vivote désormais grâce aux salons de coiffure bon marché et aux magasins de cigarettes fréquentés par les habitants de Gubin, la partie allemande de la ville-frontière. Beaucoup de Polonais font le chemin inverse et franchissent chaque jour le pont enjambant la rivière Neisse, gelée en cette mi-janvier, pour chercher du travail en Allemagne.

    Gubin perd peu à peu ses forces vives, attirées par le pouvoir d’achat de l’autre rive, lassées aussi des cadences et des bas salaires imposés par les entreprises locales. A 8 kilomètres de là, à Czarnowice, Fructofresh a fait fuir bon nombre de ses salariés. En mai 2014, deux employées levaient le voile, dans l’hebdomadaire local Tygodniowa, sur la réalité de l’usine. Elles avaient touché 649 zlotys (150 euros) en un mois – le salaire de base avoisine les 400 euros en Pologne – et dénonçaient un véritable « camp de travail ».

    L’entreprise de fabrication de salades de fruits et de jus de fruits frais est l’un des principaux fournisseurs du marché français grâce à deux intermédiaires, le groupe Pomona, premier distributeur français de produits alimentaires aux professionnels, et la société Bharlev, un fabricant de salades et jus de fruits frais qui complète sa production par de la marchandise en provenance de Fructofresh. Des chaînes hôtelières de l’envergure d’Accor et Hilton, des géants de la restauration collective comme Sodexo ou encore l’Assemblée nationale s’approvisionnent auprès de ces deux opérateurs français.

    « Plus aucun Polonais ne veut rester »

    Fructofresh, née en 2004, exporte vers l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, l’Irlande ou le Luxembourg et a reçu en 2008 le Prix de l’entreprise polonaise enregistrant la plus forte croissance de l’année. Neuf ans après, un double scandale menace d’entacher la réussite spectaculaire de cette entreprise ­familiale qui affirme avoir réalisé un chiffre d’affaires de plus de 10 millions d’euros en 2016 : la présence dans ses salades de fruits frais d’un additif alimentaire interdit, et l’emploi d’une main-d’œuvre nord-coréenne dans des conditions sociales indignes pour faire tourner l’unité de production de Czarnowice.

    « Plus aucun Polonais ne veut rester là-bas, raconte sans ambages Ana, la serveuse du Retro, l’un des derniers restaurants encore debout à Gubin. Il n’y a plus que des Ukrainiens et beaucoup de Nord-Coréennes, qui travaillent dans des conditions proches de l’esclavage. » Des Nord-Coréennes recluses au cœur de l’Europe ? « Oui, il y a quelques semaines, j’ai croisé une dizaine d’entre elles, venues faire leurs courses au supermarché », affirme Ana.

    A la sortie du hameau assoupi, où les façades des maisons rappellent que la région fut allemande avant d’intégrer la Pologne en 1945, l’usine étend sa longue silhouette blanche entre champs en friche et fermes isolées. Blanche comme la palissade métallique de 2 mètres de haut qui enclot la fabrique.

    Des caméras de vidéosurveillance et un portique électronique près de l’entrée principale complètent l’allure de Fort Knox de ce fabricant de salades de fruits. Selon Dariusz, un ancien employé de Fructofresh qui a requis l’anonymat, sur les 150 personnes employées sur le site, près de 70 Ukrainiens (hommes et femmes) et près de 50 Nord-Coréennes sont affectés aux ateliers de découpe des fruits achetés dans le monde entier. Des manutentionnaires polonais complètent l’effectif, chargés de remplir les camions qui partent chaque jour à 16 heures vers l’Allemagne et livrent, le lendemain matin, le marché de Rungis.
    Dans un baraquement à l’intérieur de l’usine

    Travailleuses nord-coréennes de Fructofresh à Czarnowice (Pologne), vues de l’extérieur de l’usine.

    La direction de Fructofresh a refusé d’ouvrir ses portes au Monde. Il a fallu patienter de longues heures, à l’abri des regards, pour observer les va-et-vient de cette main-d’œuvre qui embauche vers 6 heures du matin et travaille une douzaine d’heures par jour, un peu moins pendant les mois d’hiver, où l’activité ralentit… et plus encore lorsque la demande atteint son pic, en été.

    Les Nord-Coréennes ont moins de 100 mètres à parcourir pour rejoindre leur dortoir. Elles vivent confinées dans un baraquement, à l’intérieur de l’usine. « Lorsqu’elles ont intégré Fructofresh, en janvier 2015, il a fallu louer un hôtel à Gubin pour les loger, le temps de faire construire un dortoir dans l’usine, explique Dariusz. Mais ça coûtait de l’argent et les allers-retours en ville prenaient du temps. Désormais, la direction les a sous la main et peut les faire travailler à tout moment. »

    Travailleuses nord-coréennes de l’usine Fructofresh rejoignant leur baraquement à Czarnowice (Pologne). Visible au premier plan, un vigile intervient pour faire cesser le travail du photographe.

    A la tombée du jour, alors que quelques ­employés regagnent en bus Gubin et les villages environnants, des grappes de Nord-Coréennes convergent vers le bâtiment neuf construit à l’extrémité des hangars. Elles sont systématiquement escortées par une « surveillante », car le groupe n’a pas d’accès direct au baraquement. Il doit sortir de l’enceinte de l’usine puis longer la route sur 100 mètres et franchir le tourniquet électronique contrôlé par un vigile. Quelques secondes durant, les « invisibles » prennent forme humaine, avant de disparaître à nouveau derrière la haute palissade. La construction d’un nouveau bâtiment est prévue cette année, pour accueillir cette fois le personnel qui gère la production.

    « Ce sont les Nord-Coréennes qui travaillent le mieux ; elles sont très disciplinées, très motivées, très organisées », dit le directeur général de Fructofresh

    A la réception d’un modeste hôtel, à la sortie de Gubin, on confirme les avoir logées pendant sept mois. « Tout a été fait légalement. Les autorisations étaient en ordre, les gardes-frontières venaient contrôler leurs papiers », assure-t-on sur place. Pour autant, ces travailleuses, liées à Fructofresh jusqu’en 2018, ne jouissent d’aucune liberté de mouvement. Elles sont placées sous surveillance constante d’« anges gardiennes » nord-coréennes et, selon plusieurs témoignages, privées de leur passeport.

    Le leader polonais de la salade de fruits frais se montre peu loquace sur ce point. « La question du passeport relève de la compétence de l’employeur de ces salariées, ce que nous ne sommes pas, élude Anna Suchowacka, la directrice des ventes de Fructofresh. Ces personnes sont employées par plusieurs sociétés auxquelles nous faisons appel dans le cadre de contrats de sous-traitance. »

    Cezary Zwoinski, le directeur général de Fructofresh, rencontré à Paris mardi 24 janvier, assume : « Ce sont les Nord-Coréennes qui travaillent le mieux ; elles sont très disciplinées, très motivées, très organisées. » Dariusz avance un deuxième argument : « Lorsque la direction s’est tournée vers une agence de placement pour renforcer son effectif, cette dernière lui a conseillé de choisir des Nord-Coréennes. Des Indiens ou d’autres nationalités auraient peut-être cherché à fuir, la frontière est très proche, a expliqué l’agence. Pas les Nord-Coréennes », dont le moindre faux pas mettrait en péril leur famille restée au pays.

    Près de 50 000 ressortissants nord-coréens à l’étranger

    La politique d’envoi de travailleurs nord-coréens à l’étranger s’est développée après le décès, fin 2011, de Kim Jong-il. Sous le « règne » de son fils Kim Jong-un, l’armée populaire de Corée a multiplié les tirs de missile et procédé à trois essais nucléaires. Le pays subit en retour de nouvelles sanctions. « Kim Jong-un devait trouver des alternatives pour obtenir des devises, qui se faisaient rares », analyse Remco Breuker, titulaire de la chaire d’études coréennes à l’université de Leyde (Pays-Bas), qui a coordonné en 2016 une analyse sur la main-d’œuvre nord-coréenne en Europe, « Slaves to the system ».

    Cité dans cette étude, un Nord-Coréen témoigne qu’une des conditions pour travailler à l’étranger est d’être marié et d’avoir des enfants restés au pays, afin d’éviter la tentation de faire défection. Il confie ne pas avoir eu connaissance du salaire payé par l’employeur européen. « Ils ne nous laissent jamais savoir combien nous sommes censés gagner et combien ils ponctionnent pour les charges, dit-il encore. C’est pourquoi aucun de nous ne sait à quel point nous sommes exploités. »

    Cette migration est connue des instances internationales. D’après un rapport rendu public à l’automne 2015 par Marzuki Darusman, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Corée du Nord, près de 50 000 ressortissants nord-coréens travailleraient à l’étranger, principalement dans le secteur des mines, du textile et de la construction. La majeure partie d’entre eux exerceraient en Chine et en Russie, mais le phénomène gagnerait plusieurs pays d’Afrique et d’Asie, la région du golfe Arabo-Persique, et la Pologne. Les relations entre Varsovie et Pyongyang datent de l’époque soviétique.

    En 2013, l’édition polonaise de Newsweek avait déjà mis en lumière la présence d’employés nord-coréens dans les serres de tomates d’une société agricole, à 25 kilomètres de Varsovie. Un an plus tard, la mort d’un travailleur sur un chantier naval proche de Gdynia, port de la mer Baltique, relançait le dossier. Chon Kyongsu faisait de la soudure lorsque ses habits, inadaptés, prirent feu. L’inspection du travail avait pourtant établi une année plus tôt que 29 ouvriers nord-coréens œuvraient illégalement. Leurs permis de travail ne précisaient pas qu’ils opéraient sur les chantiers navals mais plutôt qu’ils étaient employés par une société intermédiaire, Armex, elle-même en contact avec un conglomérat d’état nord-coréen, Rungrado Trading.

    Prélèvement de 70 % du salaire

    La députée européenne Kati Piri, travailliste néerlandaise, a demandé à la Commission européenne d’engager une procédure contre la Pologne pour infraction aux traités garantissant les droits les plus basiques des travailleurs. L’article 20 de la convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains – signée à Varsovie en 2005 et ratifiée par la Pologne en 2008 – qualifie de « traite » le fait de retenir les documents d’identité d’un individu. « Quel membre de l’Union européenne sommes-nous pour faire venir des esclaves d’un régime totalitaire ? », s’indigne un habitant de Gubin qui craint de s’exprimer à visage découvert.

    Les conditions d’arrivée des Nord-Coréennes de Czarnowice sont difficiles à éclaircir. Y compris pour leurs collègues. « On ne se parle pas trop, car on ne se comprend pas », confie Marina, une ouvrière ukrainienne. « Nous ne sommes pas employeurs de ces salariés. Néanmoins, nous nous sommes assurés que cette main-d’œuvre est employée en conformité avec le droit du travail », se défausse Anna Suchowacka.

    Selon le chercheur néerlandais Remco Breuker, les ouvriers nord-coréens ne sont pas emmenés de force en Europe, ils sont volontaires. Même après le prélèvement de 70 % de leur salaire par la compagnie qui sert d’intermédiaire avec Pyongyang, celui-ci reste un revenu précieux pour leur famille. Et, dans un cadre extrêmement surveillé, cette expatriation est souvent la seule occasion de sortir du pays et de voir de leurs propres yeux l’opulence du monde extérieur.

    Un vélo à Noël

    « On ne peut pas tolérer le travail forcé au sein de l’UE. Nous devons nous assurer que les valeurs européennes les plus fondamentales soient respectées », fait valoir Kati Piri.Même indignation du côté de la Commission européenne. « Nous condamnons fermement toute forme de travail forcé, renchérit Christian Wigand, le porte-parole de Bruxelles pour l’emploi et les affaires sociales. Mais c’est aux Etats membres de décider à qui et selon quelles ­conditions les permis de travail sont accordés. »

    En France, où Fructofresh réalise 40 % de son activité, ses deux principaux clients, Pomona et Bharlev, assurent ne rien savoir de l’existence de cette main-d’œuvre. « Pomona a signé un contrat avec ce fournisseur polonais dans lequel il s’engage explicitement à respecter les conditions d’ordre général en matière de travail en Europe, et au minimum la déclaration de l’Organisation internationale du travail, réagit Jean-Brice Hernu, directeur de Terre­Azur, la filiale de Pomona centrée sur les produits frais. S’il était avéré que ce n’est pas le cas, ça remettrait naturellement en cause la relation commerciale que nous avons avec lui. » « Nous diligentons cette semaine un audit social de cette usine », annonce Jean-Brice Hernu.

    La Pologne a annoncé en juin 2016 avoir cessé de délivrer de nouveaux visas aux travailleurs nord-coréens. A en croire le patron de Fructofresh, Cezary Zwoinski, ses travailleuses nord-coréennes ne font l’objet d’aucune surveillance particulière. Il se targue d’avoir organisé pour elles une excursion touristique et même offert à certaines un vélo à Noël, photos à l’appui. Si toutefois cette filière nord-coréenne venait à se tarir à Czarnowice, l’homme a déjà des alternatives en tête – le Bangladesh et le Népal, par exemple. « Nous réfléchissons à l’avenir », dit-il.

  • Zygmunt Bauman, Israël et la Palestine
    Éteindre un incendie avec de l’essence.

    Zygmunt Bauman, l’abjection d’Israël vis-à-vis de la Palestine et l’acceptation démocratique de sa politique coup-de-poing-dans-la-gueule.

    Interview accordée à Polityka le 16 août 2011.

    Traduit du polonais par André Kozimor.
    http://andre.kozimor.pagesperso-orange.fr/divers_zygmunt_bauman_israel_et_la_palestine.htm

    Artur Domoslawski : Tony Judt, qui était l’une des figures les plus illustres de la gauche intellectuelle américaine, craignait que « dans 25 ans, les gens en Europe, et même en Amérique, ne voient dans le recours obsessionnel à l’accusation d’antisémitisme une méthode cynique de défense de la politique néfaste d’Israël » et que « le souvenir de l’Holocauste ne soit traité de la même façon : comme une obsession et un jeu cynique pour défendre Israël ». Est-ce que vous partagez ces craintes ?

    Zygmunt Bauman : Je ne sais pas quelle lecture les gens feront des événements actuels dans 25 ans. Mais cette inconnue ne devrait pas influencer notre jugement sur ce qui se déroule actuellement sous nos yeux. Par contre, je citerais plutôt l’opinion que Judt a exprimée en 2003 dans un article mémorable du New York Review of Books. Selon lui, Israël devient « un État ethnique, belliqueusement intolérant, régi par les règles de l’idéologie », et « le processus de paix » au Proche-Orient a pris fin : « Il n’est pas mort, il a tout simplement été assassiné ». J’avais exprimé des vues semblables une bonne trentaine d’années auparavant, dans le quotidien israélien Haaretz, lorsque j’ai quitté Israël en 1971. Mes craintes concernaient les propriétés hautement corrosives-toxiques de l’occupation et ses effets délétères sur l’éthique et les scrupules moraux des occupants. Je craignais que la nouvelle génération de l’époque ne grandisse avec la conviction que l’état de guerre et d’urgence militaire — considéré encore en 1971 comme un « état d’exception » — constitue un état normal, naturel, et sans aucun doute le seul qui soit possible. Mon inquiétude était suscitée par un État qui apprenait à dissimuler de nombreux problèmes sociaux intérieurs condamnés à s’amplifier et qui s’en lavait les mains en attisant et en exacerbant la sensation de danger extérieur, se privant ainsi de toute compétence pour les résoudre. À l’intérieur de cette forteresse assiégée, le moindre désaccord — que dire, la moindre différence d’opinion — représentait un délit et une trahison… Mon inquiétude était également suscitée par le détournement de la doctrine de Clausewitz selon laquelle la guerre est le prolongement de la politique et qui faisait qu’on métamorphosait la politique en une sorte d’appendice — superflu d’ailleurs, et uniquement source de problèmes — pour agissements militaires, ce qui, par voie de conséquence, conduisait inéluctablement à une érosion des pratiques démocratiques. Summa summarum, j’éprouvais des craintes devant l’incapacité de plus en plus marquée d’Israël à vivre en état de paix et le refus grandissant de la population de croire en la possibilité d’une vie sans guerre, ainsi que devant la peur panique éprouvée par l’élite politique face à la perspective d’une paix, au sein de laquelle elle s’avérerait incapable de gouverner.

    Je partage également les craintes de Judt en ce qui concerne l’exploitation de la Shoah par les gouvernants d’Israël comme sauf-conduit pour justifier leur propre abjection et s’absoudre de leurs propres péchés, aussi bien ceux qui ont été commis que ceux qu’ils s’apprêtent à commettre. J’ai écrit également là-dessus dans Modernité et Holocauste (1989), où je cite Menahem Begin qui qualifie les Palestiniens de nazis et qui considère qu’avoir établi Israël dans leur voisinage équivalait à un nouvel Auschwitz. Abba Eban, qui était à l’époque ministre dans le gouvernement du Parti travailliste, avait répondu à Begin — avec indulgence, du reste, et sans toucher au cœur du problème — qu’il était grand temps pour Israël de prendre ses responsabilités au lieu de les rejeter sur six millions de victimes. La manière de cultiver la « mémoire » de l’Holocauste dans la politique israélienne constitue un des principaux obstacles pour mettre en œuvre le potentiel moralement purificateur de la Shoah, de même qu’elle constitue d’une certaine façon le triomphe posthume d’Hitler, lequel, après tout, visait à dresser pour toujours le monde contre les juifs, ainsi que les juifs contre le monde, en les empêchant par là de cohabiter avec lui de manière paisible.

    Il existe une vision diamètralement opposée de la « mémoire » de l’Holocauste, qui peut se résumer ainsi : on ne peut pas se taire devant les crimes d’Israël et les persécutions des Palestiniens justement parce qu’on sait ce que fut le sort des juifs en Europe : discrimination, pogroms, ghettos et, pour finir, extermination.

    Justement… La mission de ceux qui ont survécu à l’extermination est d’apporter au monde la survie et de le prémunir contre une nouvelle catastrophe : mettre à nu dans le monde les tendances infâmes, dissimulées mais toujours vivantes, afin d’éviter que ne se reproduise l’avilissement de la civilisation. Le plus grand des historiens de l’Holocauste, Raul Hilberg, comprenait cette mission justement ainsi lorsqu’il répétait avec obstination que la machine de l’extermination ne se différenciait en rien, de par sa structure, de l’organisation « normale » de la société allemande. En d’autres termes, elle incarnait cette société-là dans un de ses rôles. Par ailleurs, le théologien Richard Rubinstein rappelait que, au même titre que l’hygiène corporelle, les idées philosophiques subtiles, les œuvres d’art remarquables ou l’excellence de la musique, la civilisation se caractérise par l’emprisonnement, les guerres, l’exploitation et les camps. L’extermination, concluait-il, « témoignait non pas du déclin de la civilisation mais de son progrès ».

    Malheureusement, ce n’est pas là la seule leçon qu’on puisse tirer de la Shoah. Il y a aussi celle qui veut que celui qui frappe le premier se retrouve au-dessus, et plus il a une main de fer, plus il s’en tire en toute impunité. Certes, les dirigeants d’Israël ne sont pas les seuls à avoir tiré cette sinistre leçon et à la trompeter à tous vents, et ils ne sont pas les seuls à qui on puisse reprocher ce triomphe posthume d’Hitler… Mais si Israël le fait, lui qui se considère comme l’héritier des destins juifs, alors cela choque encore plus que dans les autres cas : en effet, ce comportement réduit à néant un autre mythe, un mythe que nous acceptons de manière universelle et qui nous est cher, en l’occurrence que la souffrance ennoblit, que les victimes en ressortent pures comme le cristal, sublimées et comme brillant au firmament. Alors que là, la réalité ne s’avère pas aussi reluisante : étant sorties indemnes des persécutions, les victimes n’attendent que l’occasion de rendre aux persécuteurs la monnaie de leur pièce ; et si la vengeance contre les persécuteurs d’hier ou leurs descendants est, pour une raison ou pour une autre, inaccessible ou peu commode, alors ils s’empressent d’effacer au moins la honte de leur propre faiblesse d’hier et de claironner qu’ils ne sont pas, eux non plus, tombés de la dernière pluie et qu’ils peuvent, eux aussi, brandir la matraque et faire claquer le fouet — en se servant à cette fin de tous ceux qui leur tomberont sous la main.


    Car qu’est-ce donc que le mur érigé aujourd’hui autour des territoires occupés, sinon la volonté de faire encore mieux que les commanditaires du mur qui entourait le ghetto de Varsovie ? Infliger la souffrance avilit et détruit moralement ceux qui l’infligent — mais, en dépit de tout ce que l’on peut croire, elle n’ennoblit pas le moins du monde ceux qui subissent cette souffrance. Elle déclenche, en revanche, un processus que le grand anthropologue Gregory Bateson a défini comme une « chaîne schismogénétique » (à savoir une séquence d’actions et de réactions dans laquelle chaque pas successif renforce l’acharnement des parties en désaccord et approfondit le fossé qui les sépare)…

    Votre épouse, Janina Bauman, écrit dans le livre Nulle part sur la terre que vous avez eu maille à partir avec votre père qui, peu de temps après la guerre, voulait émigrer en Israël alors nouvellement créé, ce qu’il a d’ailleurs réalisé. Pour quelles raisons rejetiez-vous l’idée sioniste ? Avez-vous changé d’avis sur cette question ?

    Je vois aujourd’hui que c’était un cas de figure banal, qui ne pouvait prétendre à aucune originalité ; banal dans une « rue juive », partagée, comme on le sait, entre communistes et sionistes, avec par-dessus le marché des partisans du Bund et ceux qui vivaient dans un royaume céleste qui n’était pas de ce monde. Je faisais partie de la première catégorie, alors que mon père appartenait à la seconde ; la confrontation était donc inévitable, d’autant plus que venaient se greffer là-dessus des collisions inter-générationnelles tout aussi notoires…

    Pour ce qui est de mon opinion sur le sionisme, elle a mûri de manière progressive, pour parvenir plus ou moins à cette forme : le sionisme est né en Europe sous l’accumulation conjuguée d’une vague moderne de construction nationale et d’une vague d’expansion impérialiste ; aucune de ces deux vagues n’a constitué une invention ou une spécialité sionistes ; le seul ingrédient sioniste a été probablement l’idée de résoudre le problème de la construction nationale à l’aide de l’expansion impérialiste — mais même cet ingrédient ne serait pas, à proprement parler, reconnu par un bureau des brevets comme une trouvaille du sionisme.

    Dans la célèbre formule de Teodor Herzl (« la rencontre d’une nation sans terre avec une terre sans nation ») ont été réunies deux prémisses, qui, bien que mises en sourdine, furent universellement acceptées à l’époque, même si généralement on les invoquait de manière séparée, dans des circonstances différentes et à des fins différentes. Première prémisse : pour devenir une nation, un peuple doit accéder à l’indépendance, donc il a besoin de son propre État, autrement dit d’une souveraineté indivisible et inaliénable sur son propre territoire. Quant à la seconde prémisse : les terres habitées par des peuples privés d’État peuvent et doivent être considérées comme « vides », donc « n’appartenant à personne », en d’autres termes, des terres vierges en attente de peuplement et d’aménagement. C’était effectivement une époque où on s’établissait selon son bon vouloir, non pas tant sur des terres vides que sur des terrains vidés de leurs habitants, sans la moindre gêne et sans le moindre scrupule, dans d’innombrables « Nouvelle-Angleterre », « Nouvelle-Galles » ou « Nouvelle-Écosse » construites sur de lointaines « terres sans nation » par des fractions de nations expulsées de leurs terres et de leurs ateliers, et condamnées à mener une vie errante.

    J’ajouterai encore, en passant, que les idées de Herzl ont vu le jour pendant ses années d’étudiant, passées dans une Burschenschaft, qui luttait pour l’unification de l’Allemagne autour d’un seul trône et de la devise : « Ehre, Freiheit, Vaterland » (Honneur, Liberté, Patrie) ; difficile donc d’y voir un quelconque héritage ou spécificité israélo-palestiniens.

    Encore et toujours de l’histoire, me direz-vous ? Certes, mais une histoire qui continue d’être vivante, même si elle s’inscrit dans des habitudes acquises plutôt que dans des professions de foi liées à des réalités contemporaines : ainsi dans les récentes boucheries perpétrées au nom de la purification ethnique ; ou encore la bourde irréfléchie de Helmut Kohl, selon qui la Slovénie mérite l’indépendance parce qu’elle est ethniquement homogène ; Kohl a dérapé, mais il en est plus d’un qui a tendu l’oreille.

    En ce qui concerne les professions de foi contemporaines, elles indiquent une direction qui est complètement différente… S’il existe un espoir de coexistence pacifique et amicale dans notre monde de plus en plus caractérisé par la diaspora, il est à rechercher dans le démantèlement de la trinité non sainte de l’identité, des prérogatives d’État et de la souveraineté nationale — sur le modèle de la République des Deux Nations [Pologne et Lituanie] ou de la monarchie austro-hongroise qui rejetaient tout « compromis » westphalien ; en d’autres termes, en faisant revivre la tradition, anéantie par les efforts conjugués et tenaces du président Wilson, du chancelier Kohl et de leurs épigones, proches et lointains, innombrables, zélés, doués et ingénieux…

    Vous avez été chassé de Pologne au cours de la campagne antisémite de 1968. Vous vous êtes rendu en Israël avec votre femme et vos filles, vous avez obtenu une chaire à l’université, mais au bout de trois ans vous êtes partis pour la Grande-Bretagne. Janina Bauman écrit dans ses souvenirs que vous ne vous sentiez pas bien en Israël dans le rôle de la majorité privilégiée : « Si nous avions fui le nationalisme polonais, ce n’était pas pour accepter le nationalisme juif. » Qu’avez-vous trouvé en Israël ?

    Janina, comme à l’accoutumée, avait frappé en plein dans le mille et l’avait, de surcroît, exprimé de manière laconique et percutante. Tout comme les victimes de l’Holocauste, que nous venons d’évoquer, les victimes d’un nationalisme au quotidien peuvent réagir soit en condamnant le chauvinisme, soit en l’assumant pour leur propre défense. Pour Janina, aussi bien que pour moi, la première réaction était la seule possible. En ce qui concerne mes convictions, répondre au nationalisme par le nationalisme équivaut à vouloir éteindre un incendie avec de l’essence ; et cela conduit inéluctablement à cette variante particulièrement immorale de la morale, que Sienkiewicz, avec un mélange typiquement colonialiste d’orgueil (envers soi-même) et de mépris (pour les autochtones), a attribuée à Kali [domestique noir de W pustyni i w puszczy] — en se gardant bien de l’attribuer à lui-même et à bon nombre d’autres Européens.

    Permettez-moi de citer Judt encore une fois : « Je savais ce que signifiait croire — mais je savais également quel prix il fallait payer pour l’intensité de l’auto-identification et de l’obéissance inconditionnelle… J’ai toujours été, et suis resté méfiant vis-à-vis de la politique identitaire sous toutes ses formes, surtout et avant tout sous sa forme juive. » « Surtout et avant tout » : car dans mon cas (si j’étais resté en Israël), comme dans le cas de Judt, on aurait exigé de moi que je devienne nationaliste et que je pratique une « politique identitaire ». S’il faut choisir le moindre mal, je préfère déjà être une victime du nationalisme plutôt que son adepte et son propagateur. L’ignoble Moczar [apparatchik responsable de la campagne antisémite de 1968] nous a causé beaucoup de mal, à Janina et à moi, mais il n’a pas réussi à nous salir la conscience. S’il en a sali une, c’est la sienne — mais en avait-il une ?…

    On ne peut nier qu’il existait encore une troisième possibilité pour moi et pour Judt : rester sur place, monter sur les barricades et n’en plus bouger, se battre contre la folie du nationalisme, comme le fait par exemple mon petit-fils, Michal Sfard — né en Israël — et beaucoup d’autres Israéliens, courageux et déterminés comme lui. Malheureusement, conformément à la logique de l’autobrutalisation de l’occupation et de la politique gouvernementale du fait accompli, qui, par la nature des choses, vont en s’étirant, la barre transversale ne cesse de monter toujours plus haut et oblige Michal, ainsi que tous ses compagnons d’armes, à démarrer de positions qui, encore peu de temps auparavant, étaient inimaginables.

    En fin de compte, je n’ai pas choisi cette troisième possibilité. Pourquoi ? Difficile ici d’être objectif et je ne me porte pas garant de ce que je vais dire, mais pour mon propre usage j’explique cela en disant que pour la choisir — et donc pour consacrer toute ma vie à essayer de détourner le sionisme de la voie qu’il s’était choisie —, il m’aurait sans doute fallu être plus juif que je ne le suis, et au moins un tout petit peu sioniste.

    Autre souvenir de Janina : « Zygmunt a renié avec amertume un pays dans lequel se faisaient entendre de plus en plus souvent le nationalisme armé et le fanatisme religieux. Il ne voulait plus y aller [pour voir une de ses filles qui s’était installée en Israël], pour ne pas devoir, ne serait-ce que pendant deux semaines, se sentir responsable de cet état de choses. » Vous est-il arrivé d’y retourner par la suite ?

    J’y suis allé trois fois. La première fois, pour voir un premier petit-fils qui venait de naître. La deuxième, dans les années 90, après la victoire électorale d’Yitzhak Rabin, quand j’ai succombé provisoirement à l’illusion que la nation avait ouvert les yeux et qu’enfin elle sortait de son demi-sommeil ou de son envoûtement (mieux valait tard que jamais) ; malheureusement, tout de suite après ma visite, Rabin a été assassiné [1995] et les illusions se sont dissipées. La troisième fois, juste avant le décès de Janina, pour qu’elle puisse voir ses petits-enfants et arrière-petits-enfants… Pour ces trois fois, les circonstances étaient exceptionnelles. Car Janina, une fois encore, avait raison de dire que je rechignais à la moindre visite « pour ne pas devoir, ne serait-ce que pendant deux semaines, me sentir responsable de cet état de choses ». Permettez-moi de citer Judt encore une fois, puisque vous l’avez introduit dans notre conversation et que vous vous êtes référé à son autorité : « Il y a une différence fondamentale entre les gens dont le sort veut qu’ils soient juifs mais qui sont citoyens d’autres États et les citoyens israéliens dont le sort veut qu’ils soient juifs »…

    Recourir à l’argument d’une responsabilité collective des Palestiniens, détruire leurs maisons, construire des colonies juives sur les terrains de l’Autonomie Palestinienne, mettre en scène des procès caricaturaux, torturer et, avant tout, commettre des crimes de guerre — comme ceux commis à Gaza à l’époque de l’opération « Plomb durci », au cours de laquelle 1 400 Palestiniens ont été tués… Parvenez-vous à trouver des arguments pour défendre, ou tout au moins comprendre une telle politique ?

    Non, je ne saurais guère où les trouver. Mais je ne les cherche pas non plus. Je crois que ce serait peine perdue, dans la mesure où l’être humain ne peut pas justifier l’« inhumanité » sans perdre son humanité, et même si je sais par ailleurs que lancer des appels pour y mettre fin est sans espoir. Cependant il se trouvera toujours beaucoup de gens qui aligneront des arguments rationnels, donc par définition « irréfutables » et « absolument convaincants » en faveur de ces atrocités. Dans le pire des cas, ils reprendront l’argument extrêmement à la mode aujourd’hui dans notre monde, celui de TINA (There Is No Alternative), qui doit sa vraisemblance au fait qu’en réfutant par avance l’existence de ladite alternative, ils ne lui permettent pas de se vérifier en pratique.

    Pendant ce temps, dans les camps de réfugiés, arrive à l’âge adulte une quatrième génération qui ne connaît pas d’autres conditions d’existence que la précarité, la misère, le manque de perspectives.

    Simple complément d’information : l’occupant israélien en partage ici la responsabilité avec les États arabes voisins, qui ne manifestent pas beaucoup d’empressement pour offrir à cette quatrième génération, ainsi qu’aux précédentes, des perspectives plus supportables et pour partager avec eux leur richesse faramineuse. Battons donc notre coulpe, tous autant que nous sommes ! Quel État dans le monde a offert l’asile aux juifs menacés par l’extermination ? (Même les juifs américains, comme le suggère une rumeur tenace, bien qu’instamment tenue secrète, n’ont guère bougé le petit doigt à l’époque pour entamer des démarches afin de les accueillir dans un pays où eux-mêmes s’étaient auparavant installés douillettement.) Et quel pays s’empresse aujourd’hui d’offrir un toit aux expatriés et aux réfugiés des guerres tribales et des génocides, sans parler même des millions de gens privés de perspectives dans les pays touchés par des famines chroniques et la destruction de l’agriculture traditionnelle ? À cet égard, je vous renvoie à mon ouvrage La Vie en miettes.

    Rien de tout cela, bien entendu, n’innocente Israël, mais cela explique avec certitude, du moins en partie, pourquoi tout ce qu’il fait se solde par l’impunité la plus complète. Car il en est peu au monde qui, soucieux de la condition posée par l’Évangile, oseraient être les premiers à lui jeter la pierre. Même s’il en est beaucoup qui préfèrent exhorter qu’écouter les exhortations — et ils exhortent avec d’autant plus d’ardeur qu’il se trouvera peu de gens dans le désert pour tendre l’oreille vers eux. Shakespeare pourrait dire : Il y a quelque chose de pourri dans l’État d’Israël. Et il ajouterait sans nul doute, en enjambant quatre siècles : Il y a quelque chose de pourri dans un monde qui permet de telles choses…

    Shlomo Ben Ami a écrit un jour qu’Israël ne sait plus vivre en paix et que, par conséquent, il a constamment besoin de la guerre.

    Il y a déjà 40 ans de cela, je suis parvenu à la conclusion, ou plutôt j’ai sociologiquement déduit de l’état de choses qui prévalait alors, que le moment viendrait, et ce rapidement, où Israël craindrait la paix comme le plus grand des fléaux de l’Égypte. Car l’asservissement et l’humiliation d’une nation ont toujours été, sont et seront une recette pour le terrorisme et non un moyen de lutter contre lui. Du reste, ces deux phénomènes se font mutuellement des appels du pied, dans la mesure où les politiciens tremblent d’effroi devant tout avènement de la paix, car sans guerre et sans mobilisation générale, ils ne savent pas gouverner, donc autant dire qu’ils ne seraient guère enchantés par la fin du terrorisme palestinien. C’est pourquoi ils ne voient pas d’un mauvais œil, tout au moins de leur point de vue, les roquettes qui tombent sur les localités israéliennes situées près de la frontière. Ils seraient sans nul doute désespérés et tomberaient dans un état de panique si, tout à coup, ces roquettes venaient à manquer ; pour faire un emprunt à Voltaire : si elles n’existaient pas, il faudrait les inventer. Je dirais qu’entre les extrémistes israéliens et les extrémistes palestiniens, il existe un effet boomerang. Ils ont mutuellement besoin les uns des autres pour survivre, ils ne pourraient pas vivre les uns sans les autres.

    Est-il possible de soutenir la thèse que seuls les extrémistes israéliens sont responsables de l’état de choses actuel ? Ou bien faut-il plutôt considérer que cette politique recueille l’assentiment de toute, ou presque toute, la classe politique et d’une grande partie de la société ?

    Vous avez entièrement raison, et c’est dans cette raison que réside la tragédie. Pinochet a utilisé la violence contre les Chiliens, alors que Netanyahou n’emploie pas la violence contre quiconque, il a été élu démocratiquement à son poste et il a reçu de ses électeurs un mandat pour pratiquer la politique du coup-de-poing-dans-la-gueule. Contrairement à tous ceux qui aspiraient avant lui à devenir Premier ministre, il ne s’est pas présenté au verdict des urnes avec la promesse de la paix mais avec la promesse d’avoir la paix par le biais de l’expression mensongère « sécurité ». En d’autres termes, pour parler sans ambages et sans avoir quoi que ce soit à décoder : depuis le début, il n’avait nullement l’intention de consulter les Palestiniens, de tenir compte de leurs intérêts et de solliciter leur accord sur des règles de voisinage ; il souhaitait avoir toute licence a priori pour mettre unilatéralement la main sur des terres où vivait une population écrasée, occupée et captive, et les peupler. Il disait avec un maximum de sincérité quelle utilisation il ferait du pouvoir qui lui serait confié par la nation, et la nation lui a confié ce pouvoir.

    Il s’avère dorénavant que même la langue « démocratiquement correcte » et tous les restes de déclarations codées peuvent être mis à la poubelle par les politiciens israéliens. Le parlement israélien a adopté récemment une loi qui interdit d’appeler au boycott des produits fabriqués par les colons juifs dans les territoires occupés. On a fait appel de cette loi devant la Cour suprême, mais un sondage a révélé que la majorité de l’opinion publique est prête à soutenir cette attaque contre la liberté de parole. Car, selon elle, à quoi bon cette liberté si, depuis bon nombre d’années, le gouvernement dit et fait ce que la nation souhaite ? Certaines autres choses pourraient être dans l’intérêt de cette dernière — et dans ce cas la liberté de parole s’avérerait utile —, mais il y a belle lurette que la nation ne s’en souvient plus.

    Mario Vargas Llosa, qui a publié une série de reportages sur l’occupation israélienne, a fait remarquer que beaucoup d’Israéliens ignorent ou tout simplement ne croient pas aux atrocités commises par leur État contre les Palestiniens. Avez-vous observé des choses semblables ?

    Je ne sais pas qui étaient les interlocuteurs de Vargas Llosa, mais je ne leur accorderais pas trop de crédit ; de même, je suis très méfiant quant à la véracité des remarques de Vargas, recueillies au cours d’une simple visite de quelques jours. Je doute de la sincérité des témoignages entendus par Vargas, car pratiquement tous les citoyens d’Israël, aussi bien hommes que femmes, effectuent de temps en temps, mais assez régulièrement, leur service dans les territoires occupés et ils sont les témoins, ou alors les exécutants, des pratiques d’occupation. Tout simplement, peut-être (peut-être !) que les interlocuteurs de Vargas ne considéraient pas ce que font leurs enfants dans les territoires occupés comme des « atrocités » — en justifiant leurs activités peu louables comme un nouvel exemple de TINA (ein breira en hébreu, « on n’y peut rien » ou « on n’a pas le choix », qui est en Israël une justification très répandue, utilisée tous les jours et dans les circonstances les plus diverses).

    Pour défendre la politique d’Israël, on invoque souvent le fait que le Hamas palestinien ne reconnaît pas l’État d’Israël et souhaiterait le faire disparaître de la surface de la terre. Mais ne serait-ce pas parce que la captivité est une situation d’humiliation, un terreau sur lequel poussent parfois des idéologies et des recettes radicales, qui, dans d’autres circonstances, ne verraient peut-être jamais le jour ? Rappelons que le Hamas est né dans les années 80, c’est-à-dire après 20 ans d’occupation consécutive à la Guerre des Six-Jours (1967).

    Les extrêmes se touchent, disent les Français, et la politique, du moins dans sa pratique, confirme cette vérité. Je l’ai déjà dit, mais permettez-moi de me répéter : le refus du Hamas de reconnaître l’État juif constitue un atout colossal entre les mains des extrémistes israéliens ; il justifie leur refus de participer à des pourparlers de paix avec le Hamas et il justifie le blocus de Gaza, qui dure depuis des années — ce qui, à son tour, concourt à durcir l’attitude négative du Hamas. On pourrait continuer comme cela jusqu’à l’infini. À la base de cette chaîne apparente de causes et d’effets, on trouve une stratégie qui est commune aux deux adversaires, et que l’on pourrait résumer selon un principe tout simple : plus ça va mal, mieux ça va. Il est dans l’intérêt du Hamas que les choses aillent de mal en pis à Gaza, et la droite israélienne trouve son compte dans le fait que l’organisation sans la participation de laquelle toute négociation israélo-palestinienne sérieuse n’est pas possible, lui fournit avec beaucoup de zèle la preuve que de telles négociations sont stériles et absurdes. L’œuf et la poule… Qu’est-ce qui est venu en premier, qu’est-ce qui est venu en second ? Où est la cause, où est la conséquence ? Est-ce que l’un existerait sans l’autre ? C’est un nœud gordien, et on dirait qu’il n’y a aucun Alexandre le Grand en vue pour le trancher. En attendant, il y a deux forces, qui vivent toutes deux de la guerre et pour la guerre, et qui ont toutes deux le même intérêt à ce que le nœud ne soit pas démêlé. Je me risquerais à dire qu’on voit ici à l’œuvre le stratagème de Pénélope à rebours : Pénélope dévidait en catamini, la nuit, l’échevau qu’elle avait tissé le jour, alors que Netanyahou et le Hamas s’arrangent en toute connivence pour que le nœud desserré soit à nouveau inextricablement emmêlé.

    Zbigniew Brzezinski affirmait un jour avec ironie que la droite religieuse aux États-Unis soutenait Israël car « La Terre Sainte, c’est quelque chose d’exceptionnel, il va se produire un Second Avènement du Christ, par conséquent il faut agir de manière énergique et aider Israël. Ils considèrent que lorsque viendra la fin du monde, ou bien tous les Israélites devront se convertir au christianisme, ou bien ils finiront en enfer. On ne peut donc pas dire que ce soient vraiment de sympathiques alliés d’Israël. » Pourquoi aujourd’hui la droite, qui dissimule dans sa manche son antisémitisme, soutient-elle — aux États-Unis, en Espagne, en Italie — la politique d’Israël ?

    Il ne faut pas se leurrer : l’amour soudain des rednecks américains et parfois européens pour Israël ne découle pas d’une doctrine religieuse. Les déclarations de soutien pour les pratiques des envahisseurs israéliens ne coûtent pas grand-chose et n’apportent que des bénéfices (électoraux) si on les exprime à distance. Par la même occasion, on peut cajoler et cultiver son aversion pour la juiverie locale en cachant avec une feuille de vigne des intentions ignobles et ne craignant pas de se faire critiquer par les destinataires de cette animosité. On peut aussi, par procuration du moins, exhiber avec délectation de gros muscles, faire des moulinets avec son sabre et son absence de scrupules — toutes vertus que les rednecks vénèrent et qu’ils adorent s’attribuer à eux-mêmes. Ainsi donc, dans cette folie aussi, comme dans tant d’autres, il peut exister une méthode. Theodor Adorno mettait en garde les hérauts cultivés du rationalisme et de la cohérence contre le fait d’attribuer à la réalité plus de rationnel et de logique qu’elle n’en possède. Il n’y a que les théories cultivées qui ne peuvent pas coexister avec les contradictions. La politique vit avec ces dernières en parfaite connivence.

    On remarque sans aucune difficulté que les défenseurs d’Israël au sein de la droite en Europe et aux États-Unis sont souvent des islamophobes. Est-ce que l’islamophobie d’aujourd’hui ressemble à l’antisémitisme d’hier ?

    On voit déjà de par votre question qu’il ne s’agit pas tant de ressemblance entre ces deux attitudes que de but commun : on a affaire ici à une métonymie plus qu’à une métaphore, une affinité tangible plutôt qu’une ressemblance consanguine, une convergence d’intérêts plus que des vues parallèles… Quelque chose du genre « L’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Le monde musulman a pris la position d’« ennemi n°1 de l’Amérique » après qu’elle a été déclarée vacante par les Soviets, et la frontière israélo-palestinienne, fluctuante et particulièrement controversée, constitue dans ce nouveau conflit une ligne de front exposée — aussi bien pour l’attaque que pour la défense. Si on définit l’identité de quelqu’un en lui demandant « Dis-moi qui est ton ennemi, je te dirai qui tu es », alors l’israélophilie et l’islamophobie sont, pour l’instant du moins, comme cul et chemise.

    Les défenseurs de la politique d’Israël aux États-Unis et en Europe occidentale reprochent souvent à ceux qui les critiquent d’être antisémites. Diriez-vous qu’il y a de l’antisémitisme chez ceux qui défendent les droits des Palestiniens ?

    Chez les uns oui, chez les autres non. Il n’y a pas ici le moindre rapport automatique. J’ai toujours été irrité par l’expression, très populaire à une certaine époque, d’« antistaliniste », car ce vocable était un fourre-tout qui englobait pêle-mêle des attitudes foncièrement différentes les unes des autres, hormis une aversion commune pour Staline. Ou bien, prenons un exemple qui nous est encore plus proche : Solidarnosc. À un certain moment, elle avait rassemblé presque dix millions de Polonais unis dans la conviction que « cela ne pouvait plus continuer comme cela », mais si on leur avait demandé comment ils voyaient l’avenir, leur conviction commune aurait volé en éclats — ce qui du reste s’est vérifié par la suite, quand l’« ancien système » s’est écroulé. Le fait que quelqu’un soit antisémite ne veut pas dire qu’il doit condamner les agissements d’Israël — comme nous venons de le voir avec les rednecks ; de même, si quelqu’un condamne les agissements d’Israël, cela ne veut pas dire qu’il est antisémite — il suffit de prendre mon exemple, mais on en trouverait de semblables à la pelle. Les gouvernements successifs d’Israël ont fait des pieds et des mains — et ils continuent de le faire tant qu’ils peuvent — pour fournir beaucoup d’autres motifs de judéophobie et d’occasions pour la condamner, et ils font tout pour que ces livraisons de motifs aillent en augmentant plutôt qu’en diminuant.

    De quel œil « voyez »-vous la récente tentative de la « Flottille de la liberté » pour briser le blocus de Gaza ? Les défenseurs de la politique d’Israël reprochent à ses participants d’être des suppôts du Hamas. Il me semble que c’est là un réflexe de désaccord moral avec la ghettoïsation de Gaza et la poursuite de l’occupation, une façon d’attirer l’attention du monde sur une injustice.

    Dans le cas présent, vous avez raison, mais les « défenseurs de la politique d’Israël » également. Car dans ces bateaux on trouve des sympathisants du Hamas mais aussi des gens qui n’ont absolument rien à voir avec lui. Il y a eu une époque (de courte durée, il est vrai) où Lipski et Kuron [de gauche] se sont retrouvés avec Macierewicz [extrême droite] sur un seul et même bateau, qui avait pour nom le KOR. Cela a été rendu possible par les manœuvres des communistes qui leur répugnaient à tous. Il en va sans doute de même pour les bateaux de la Flottille de la liberté. Car il suffirait (il suffirait !) qu’Israël lève son blocus de Gaza et présente une variante israélienne du plan Marshall à la place de l’oppression actuelle et de la volonté d’affamer ses habitants pour que les équipages de ces bateaux se dispersent aux quatre vents.

    Les défenseurs de la politique d’Israël, qui voient souvent de l’antisémitisme dans les critiques à son encontre, avancent l’argument que l’ONU formule de façon disproportionnée de nombreuses condamnations à l’égard d’Israël et passe sous silence les violations des droits de l’homme et les crimes commis dans d’autres pays — comme si la plus grande partie du mal dans le monde se concentrait sur ce petit lopin de terre. Peut-être y a-t-il du vrai dans le fait que, à côté des critiques justifiées d’Israël, l’antisémitisme soit présent, ce qui peut créer des confusions dans l’esprit d’un public qui n’est pas nécessairement au fait des choses : qu’est-ce qui relève de l’antisémitisme et qu’est-ce qui relève de la critique légitime, et même nécessaire, des crimes de guerre et des violations des droits de l’homme ?

    Encore une fois, vous posez, ou tout au moins vous suggérez, l’alternative « ou-ou » alors qu’il faudrait parler de « et-et ». Ceux qui ne supportent pas les juifs soutiendront avec enthousiasme toute nouvelle résolution condamnant Israël, même si la détresse des Palestiniens leur importe peu, ou même s’ils devaient faire chez eux, ou chez leurs voisins, la même chose que les Israéliens en Palestine. C’est pourquoi des gens sincèrement révoltés par la violation des normes morales par les occupants israéliens ne vont pas tarder, au cours d’un vote, à se retrouver, si vous me permettez le calque de cette image, dans un lit commun avec des partenaires qu’ils n’ont pas désirés. Mais le mérite de cette coalition non souhaitée et, à vrai dire, absurde, qui se reconstitue lors de chaque vote, en revient, dans une proportion qui n’est pas mince, aux gouvernements israéliens.

    Depuis quelques années, les défenseurs du droit des Palestiniens à un État indépendant appellent à boycotter Israël et à mettre en place des sanctions économiques, comme on l’a fait vis-à-vis de l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Ces appels, tout comme la critique des violations des droits de l’homme et les accusations de crimes — par exemple le rapport Goldstone sur les massacres de civils à Gaza pendant l’opération « Plomb durci » — sont accueillis par Israël et ses défenseurs comme des complots ou des campagnes savamment orchestrées. Voyez-vous une stratégie efficace pour inciter Israël à mettre un terme à l’occupation et à respecter les droits des Palestiniens ?

    Je ne suis pas convaincu par l’idée du boycott, car le boycott, comme les gaz asphyxiants, les armes bactériologiques ou la bombe atomique, est un instrument perfide : une arme de destruction massive, mais qui détruit effectivement, sans faire le tri, à l’aveuglette (sur le même principe qu’une « catastrophe naturelle », comme par exemple le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755, au sujet duquel Voltaire affirmait avec effroi que « l’innocent, ainsi que le coupable, subit également ce mal inévitable »). Les collateral casualties (dommages collatéraux) du boycott sont gigantesques et il est quasiment impossible de les calculer d’avance. De surcroît, avec un boycott, autant les oppresseurs peuvent trouver tel ou tel moyen d’échapper à la misère, autant ceux qui sont déjà opprimés ne peuvent s’attendre qu’à une misère encore pire.

    Est-ce que je vois une « stratégie efficace » pour mettre fin à l’occupation ? Je suis un sociologue et non pas un stratège, et encore moins un conseiller de stratèges ou de politiciens. Mais je sais que la responsabilité de la « fin de l’occupation » et du « respect des droits des Palestiniens » repose sur les épaules des Israéliens. Ce sont eux qui doivent chercher une stratégie, de manière urgente, avec ferveur, avec conviction et bonne volonté — et ne pas attendre qu’on trouve un moyen de les y obliger.

    Est-ce que le gouvernement israélien et les juifs israéliens ont des raisons de craindre l’existence d’une Palestine indépendante ?

    Bien entendu, il y a de quoi avoir des craintes, mais le problème, c’est qu’il y a quelque chose qu’il faut craindre davantage encore : est-ce une Palestine indépendante ou bien une occupation qui s’étire comme cela à l’infini et un tonneau de poudre qu’on continue à remplir alors qu’il est déjà pratiquement plein ? Comme le montre la pratique, la crainte qui découle de la seconde éventualité est bien plus grave que la première. La décision unilatérale de retirer les forces israéliennes du sud-Liban, dont l’occupation était apparemment indispensable pour la sécurité d’Israël, n’a nullement augmenté la menace venant du Hezbollah libanais — alors que l’occupation et le siège de Gaza ont donné du ressort et de l’audace au Hamas !

    J’ajouterai que, outre les craintes liées à la sécurité, il y a d’autres raisons d’avoir peur : par exemple, la destruction morale galopante de la nation israélienne. De nombreux Israéliens se consolent en se disant que leur conscience, même si elle est blessée par la « nécessité » de l’occupation, sortira de l’oppression sans la moindre égratignure dès l’instant où les Palestiniens jetteront l’éponge et abandonneront toute ambition d’indépendance. Cela fait penser à une des anecdotes de Leszek Kolakowski, pleine de charme et, comme toujours, de profondeur : sur un type qui avait laissé son visage au mont-de-piété et qui n’était pas revenu le chercher pendant si longtemps que ce gage non racheté avait été cousu et transformé en ballon, avec lequel on jouait au football dans les cours du voisinage. Sans aucun doute, les Israéliens les plus âgés se souviennent encore comment ils ont dansé de joie autrefois en écoutant à la radio le compte rendu d’une séance de l’ONU au cours de laquelle on leur accordé l’indépendance…

    Est-ce que vous aimez la conception d’un seul État pour deux nations — la juive et la palestinienne ? Est-ce un horizon de pensée réaliste pour l’avenir de ces deux nations ?
    Que j’aime ou que je n’aime pas, cela a peu d’importance. L’important est de savoir si les Israéliens mais aussi les Palestiniens éprouveront pour cette idée de la sympathie et de la conviction, et reconnaîtront que cela vaut la peine de faire des efforts pour la réaliser. Et s’ils serreront les dents, retrousseront leurs manches et se mettront au travail. Il est clair que la construction d’un État à deux nations, comme la majorité des entreprises humaines, présente à la fois des chances et des menaces, à la fois des promesses de grands bénéfices et des possibilités de problèmes. Les résultats et le bilan final ne sont pas joués d’avance, encore moins prévisibles — car malgré tout c’est l’ingéniosité et la détermination des parties qui décideront du succès de l’expérience.

    À notre époque de diasporisation intensive, le principe « un seul territoire, un seul État, une seule nation » perd beaucoup du caractère absolu qu’on lui attribuait à l’époque de la construction nationale. À long terme, un État multinational deviendra certainement une règle et non pas, comme aujourd’hui, une exception. Nous apprenons tous peu à peu à vivre pour toujours avec la diversité — et à en tirer des satisfactions. Mais cela est une autre histoire, qui est beaucoup plus vaste que le sujet de notre conversation.

    Ne voudriez-vous pas conseiller le gouvernement polonais sur la façon de voter en septembre au sujet de l’attribution à la Palestine du statut de membre de l’ONU ?

    Je ne suis pas qualifié pour donner des conseils aux gouvernements. Ces derniers raisonnent selon des catégories qui sont différentes des miennes, ils s’intéressent à d’autres problèmes que moi et ils ont été mandatés pour s’en occuper. Mais si on m’accordait le droit de vote aux Nations Unies, je voterais « pour ». Et là, sûrement, comme rarement, sans la moindre hésitation.

    Comment parler de tout cela en Pologne, où les Polonais commencent petit à petit à se rendre compte qu’ils n’ont pas seulement sauvé des juifs, mais qu’ils les ont dénoncés, assassinés, ont été complices de l’extermination, et qu’après la guerre ils ont organisé des pogroms et pillé leurs biens. Et qu’en 1968, on a expulsé des milliers de Polonais d’origine juive… ?

    C’est effectivement ainsi que les choses se sont passées et pas autrement, si on ne veut pas dénaturer les faits. De toute façon, les Polonais sont impliqués dans la question très complexe des Israéliens et des Palestiniens, qu’ils le veuillent ou non, de par leur histoire (qu’ils ne peuvent changer). La Pologne a fourni non pas des milliers mais des dizaines, voire des centaines de milliers de pionniers et de fondateurs de l’État d’Israël. Il n’est donc pas surprenant que, pour autant que je m’en souvienne, les Polonais ont vraiment été très heureux de l’issue de la guerre des Six-Jours. « Nos petits juifs polonais ont flanqué une bonne raclée à ces Arabes russes », disaient-ils en se frottant les mains.

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    Zygmunt Bauman, il avait vu la « société liquide »
    Libération | Par Robert Maggiori — 11 janvier 2017
    http://www.liberation.fr/debats/2017/01/11/zygmunt-bauman-il-avait-vu-la-societe-liquide_1540689

    Né à Poznan le 19 novembre 1925, d’une famille juive, il se réfugie en 1939, après l’invasion de la Pologne par les nazis (sa femme Janina réchappera des camps de la mort), en URSS, et, alors marxiste convaincu, combat dans une unité militaire soviétique, puis occupe la fonction de commissaire politique. Revenu à Varsovie, il y enseigne la philosophie et la sociologie.

    Société noix de coco

    En mars 1968, à la suite de la campagne antisémite lancée par le régime communiste, il est forcé de quitter son pays et émigre en Israël, puis en Angleterre, où il devient citoyen britannique. L’université de Leeds l’accueille jusqu’en 1973 et lui confie la chaire de sociologie. Ses premiers travaux, sur le socialisme britannique, la stratification sociale ou les mouvements des travailleurs, ont un succès relatif, comme ceux qu’il consacre à la Shoah, au rapport entre modernité et totalitarisme, à la mondialisation. Ce n’est qu’au moment où il fait paraître ses études sur la disparition des « structures stables » et parvient, après avoir « dialogué » avec Marx, Gramsci, Simmel, puis Manuel Castells, Anthony Giddens, Robert Castel ou Pierre Bourdieu, à forger le concept de liquidité, qu’il devient un penseur de renommée internationale.

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    Décès du sociologue et philosophe Zygmunt Bauman
    Né dans une famille juive polonaise en 1925 à Poznan, Bauman consacrait ses travaux à la modernité et aux sociétés contemporaines
    AFP 10 janvier 2017

    http://fr.timesofisrael.com/deces-du-sociologue-et-philosophe-zygmunt-bauman

    Le sociologue et philosophe polono-britannique Zygmunt Bauman, connu notamment pour le concept de « société fluide », est décédé à l’âge de 91 dans sa maison à Leeds, ont indiqué lundi soir les médias polonais.

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    Selon sa compagne Aleksandra Kania, citée par le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, Zygmunt Bauman est mort dans sa maison à Leeds en Grande-Bretagne « entouré de sa plus proche famille ».

    Né dans une famille juive polonaise en 1925 à Poznan dans l’ouest de la Pologne, Bauman consacrait ses travaux à la modernité et aux sociétés contemporaines.

    Communiste convaincu pendant et après la Seconde guerre mondiale, il a été collaborateur dans les années 1945-1953 des services du renseignement militaire communiste. Son dossier se trouve à l’Institut de la mémoire nationale (IPN), organisme chargé de poursuivre les crimes nazis et communistes.

    En 1954, il commence a enseigner la philosophie et la sociologie à l’Université de Varsovie avant de quitter la Pologne pour Israël en 1968 en raison de la vague d’antisémitisme orchestrée par le pouvoir communiste.

    Après s’être installé en Grande-Bretagne en 1971, il enseigne jusqu’à sa retraite en 1990 à l’Université de Leeds, dont il était devenu professeur émérite.

  • « La #Pologne est devenue un problème pour l’Union européenne »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/040117/la-pologne-est-devenue-un-probleme-pour-lunion-europeenne

    Début de l’occupation du Parlement par les députés de l’opposition polonaise, le 16 décembre 2016 © Reuters Depuis le 16 décembre, les députés de l’opposition polonaise occupent le Parlement à Varsovie. Ils contestent le vote du budget, opéré en catimini par le parti au pouvoir, ouvrant un nouveau front contre sa dérive autoritaire. Entretien avec le député à l’origine de la mobilisation.

    #International #europe #Jaroslaw_Kaczynski #Michal_Szczerba #PiS #PO #tribunal_consitutionnel #union_européenne

  • Un membre du Congrès contre l’armement des djihadistes en syrie pro-poutine ou pas ? https://gabbard.house.gov/news/press-releases/video-rep-tulsi-gabbard-introduces-legislation-stop-arming-terrorists
    http://www.understandingwar.org/sites/default/files/December%202%20EDITS%20COT_2.pdf ;
    Qui va créer les « pro-obama » par exemple ? Qui soutient l’OTAN ? Nous voulons en masse que cet organisme de guerre soit fermé, comme l’a été le Pacte de Varsovie, est ce la Russie qui est en guerre depuis le 11 septembre 2001 ? Je répète de quel droit avoir effacer ce que j’avais écrit si en principe le dialogue est possible ? Ou est le problème si par ailleurs des citoyens américains demandent la fin des conflits au nom de l’humanitaire ?
    Alors si les « autres » ennemis de l’Occident « leadership » du monde ont tort : les anti-russes, anti-iran, anti-syrie, anti-truc doivent subir le prochain génocide : http://www.france-irak-actualite.com/2016/12/un-president-ordinaire-donald-s-en-va-t-en-guerre.html
    Le prochain pays sur la liste est l’Iran ça vous plait comme programme Mr l’antit poutine mais pro-obama ? Voyez vous c’est pas simple avec le tout noir ou tout blanc ...Si vous n’êtes pas avec nous vous êtes contre nous et avec les terroristes" voilà l’argument actuel même du côté de la « gauche » BHL a gagné là ..Est elle de gauche cette prétendue gauche anti-capitaliste, anticolonialiste ?

  • Le gouvernement autoritaire et réactionnaire polonais... abaisse l’âge de départ en retraite
    http://www.bastamag.net/En-parallele-de-son-tour-ultra-autoritaire-le-gouvernement-polonais-poursu

    Il y a des pays, en #Europe, où l’âge de départ à la retraite diminue. C’est le cas en Pologne. Mi-novembre, le Parlement polonais a voté un abaissement de l’âge de la retraite de 67 à 65 ans pour les hommes, à 60 ans pour les femmes. Le parlement est pourtant dominé par le parti de droite ultra-conservatrice Droit et Justice (Pis). « C’était une promesse de campagne », signale la politologue Anna Wojciuk, de l’université de Varsovie. C’est en partie grâce à ses promesses sociales que le parti Droit et (...)

    En bref

    / #Droites_extrêmes, Europe, L’Europe sous la coupe de l’austérité, #Atteintes_aux_libertés, #Retraites, Quel avenir pour nos protections sociales (...)

    #L'Europe_sous_la_coupe_de_l'austérité #Quel_avenir_pour_nos_protections_sociales_ ?

  • Lutte antipiraterie : l’#Otan a effectué la dernière mission de l’opération #Ocean_Shield : Lignes de défense
    http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2016/11/25/l-otan-a-mis-fin-a-l-operation-ocean-shield-17226

    Depuis 2008, l’Otan déployait des moyens de lutte contre la #piraterie dans l’océan Indien. La baisse sensible des actes de piraterie dans cette région a convaincu l’Alliance de mettre fin à cette opération baptisée Ocean Shield. L’annonce de ce retrait avait été faite le 8 juillet, lors du sommet de Varsovie.

    Un avion de patrouille maritime danois Challenger basé aux Seychelles a effectué le 19 novembre un dernier vol de surveillance au-dessus de l’océan Indien

  • Des revers en cascade - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2016/11/des-revers-en-cascade.html
    http://i1.wp.com/arretsurinfo.ch/wp-content/uploads/2016/11/fabius-jean-marc-ayrault-francois-hollande-11-fevrier-2016-paris.jpg?resize=6

    Achat d’hélicoptères américains par la Pologne, rejet de la résolution française sur la Syrie à l’ONU, annulation de la visite de Vladimir Poutine à Paris : courant octobre, en quelques jours, notre diplomatie a connu trois revers majeurs, dont elle s’offusque, alors même qu’elle en porte l’entière responsabilité en raison de la politique erratique conduite par nos dirigeants.
    Des revers en cascade

    La « trahison » polonaise n’a surpris que ceux qui ne s’intéressent pas à ce pays, car il est clair que la défense de ses intérêts nationaux – et sa défiance légitime à l’égard de son voisin russe – a toujours conduit Varsovie, depuis 1991, à privilégier l’alliance avec Washington plutôt que la solidarité européenne. On ne peut guère reprocher aux Polonais de nous l’avoir caché, car ils ont montré à plusieurs reprises, sans ambigüité aucune – notamment sur le dossier ukrainien – de quel côté leur cœur penchait. Mais nos politiques se bercent d’illusions. Non seulement ils n’ont pas voulu tenir compte de cette évidence, mais pire, ils se sont persuadés que notre refus de livrer deux navires amphibies Mistral à la marine Russe – sous la pression américaine – conduirait notre partenaire européen à choisir notre offre. Bien sûr, il n’en a rien été et l’annulation de la visite présidentielle à Varsovie comme les critiques du ministre des Affaires étrangères illustrent à quel point nos dirigeants ont pris leurs désirs pour la réalité… laquelle semble totalement leur échapper.
    L’émotion de nos gouvernants au sujet de la bataille d’Alep en est un autre exemple. Leur « révolte » face aux « exactions » des forces russes et syriennes se fonde sur une vision totalement partiale de la situation, diffusée par les médias occidentaux.
    A Alep, tout ceux qui connaissent la situation de terrain savent que les djihadistes d’Al-Nosrah pilonnent quotidiennement depuis plusieurs années les quartiers dont la population est restée fidèle au gouvernement de Damas[1] – ciblant prioritairement les quartiers chrétiens -, faisant de nombreuses victimes innocentes ; mais sans doute ces vies ont-elles moins de valeur que celles de ceux qui soutiennent les djihadistes. En effet, les témoins locaux confirment que tous les quartiers bombardés par les aviations russe et syrienne sont ceux dans lesquels la population a pris ouvertement parti pour les islamistes et où flotte ostensiblement le drapeau de Daech… ce que le médias ne nous montrent jamais[2].
    Cette présentation totalement déformée de la réalité est insupportable. Pourtant elle est à l’origine des envolées lyriques et outragées de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault, qui se sont même montrés menaçants à l’égard de Moscou. Voir nos autorités réagir à partir d’éléments aussi faux conduit à s’interroger sur leur connaissance réelle du dossier ou leur indépendance d’esprit vis-à-vis de Washington. De plus, ces positions de Matamore ne sont d’aucun effet. Les dirigeants français ont peut être l’illusion d’être des acteurs entendus et écoutés ; mais il n’en est rien. Ils sont aussi insignifiants qu’inaudibles. Notre proposition de résolution à l’ONU a été rejetée et nous ne sommes même plus invités aux négociations internationales sur la Syrie à Genève.
    En toute logique, devant l’hostilité manifestée à son égard par nos gouvernants, les menaces de poursuivre Moscou devant la Cour pénale internationale (CPI), la surenchère de nos médias qui font du Poutine Bashing leur sport favori et la présentation totalement partiale du conflit syrien, le président russe a décidé d’annuler sa visite dans notre pays, jugeant le contexte peu favorable à des discussions sereines. Cette décision semble avoir pris au dépourvu notre président qui pensait pouvoir tancer son homologue russe sans que celui-ci ne réagisse, puis sans doute l’accueillir pour lui faire la leçon.
    Une perception des faits totalement orientée
    Il n’est pas question de faire l’apologie de Vladimir Poutine ou de Bachar El-Assad, ni de nier que la guerre tue, à Alep ou ailleurs ; mais il est bon de rétablir certaines vérités qui sont délibérément dissimulées par les stratèges de la communication américains et les médias Mainstream à leur service.
    Depuis qu’ils sont devenus l’unique superpuissance, les Etats-Unis n’ont cessé de prendre des libertés vis-à-vis du droit international. Pourtant, rares ont été les médias à dénoncer leurs méfaits et les ONG ou les Etats les ayant menacé de poursuites juridiques internationales ou déclaré qu’ils en porteraient la responsabilité devant l’histoire. Rappelons quelques faits :
    – l’invasion illégale de l’Irak – passant outre le véto de la ONU -, laquelle a permis la naissance de Daesh et a provoqué la mort et la désolation dans ce pays, faisant plus de victimes encore que la dictature de Saddam Hussein. Cette action a tout autant violé le droit international que l’action russe en Crimée ;
    – les nombreuses victimes collatérales des frappes de drones dans le cadre de la Global War on Terrorism (GWOT)[3] ;
    – la légalisation la torture et la multiplication des arrestations extra-judiciaires (Rendition) et des prisons secrètes dans le cadre de la GWOT ; la généralisation de l’espionnage de leur population et de leurs alliés. Pourtant ni l’une ni l’autre de ses mesures n’ont été d’une grande efficacité dans la lutte contre le terrorisme ;
    – le soutien à l’Arabie saoudite et au Qatar – deux Etats qui exportent leur islam radical archaïque dans le monde et soutiennent les djihadistes -, à la confrérie des Frères musulmans – dans le cadre du « printemps arabe » – et aux djihadistes liés à Al-Qaïda pour renverser le régime syrien.
    Mais les Etats-Unis ne sont pas les seuls dans ce cas. Ces pratiques concernent aussi plusieurs de leurs alliés.
    L’Arabie Saoudite, non contente d’exporter le wahhabisme de par le monde et d’avoir soutenu les djihadistes, est intervenue au Bahrein à l’occasion du printemps arabe (2011) pour mater une révolte populaire sans que personne ne s’en offusque. Elle semble pourtant incapable d’assurer la sécurité des pélerins se rendant à La Mecque pour le hadj, ainsi qu’en témoignent les incidents à répétition survenus ces dernières années ayant entrainé la mort de centaines de croyants. Surtout, depuis dix-huit mois, elle a déclenché une guerre sanglante au Yémen (opération Tempête décisive), laquelle semble ne pas intéresser grand-monde, contrairement au conflit syrien.
    Depuis mars 2015, une coalition internationale[4] menée par Riyad s’attache à remettre au pouvoir le gouvernement d’Abd Rabo Mansour Hadi, afin d’empêcher l’installation d’un régime chiite à sa frontière méridionale. Dans ce conflit, les Saoudiens sont aidés par les Etats Unis qui leur fournissent armement, renseignements et ravitaillent leurs avions. Les combats ont déjà provoqué plus de 10 000 morts dont beaucoup de civils. L’Arabie saoudite bombarde systématiquement les infrastructures du pays – y compris les hôpitaux – et exerce un blocus sur les zones rebelles au point que des millions de Yéménites n’ont plus de quoi se nourrir ; trois millions ont fui les zones de combat. Le 8 octobre dernier, les avions saoudiens ont pris pour cible une cérémonie funéraire à Sanaa, tuant au moins 140 personnes et en blessant 500. Ces frappes relèvent pleinement d’un crime de guerre ; pourtant aucun Etat occidental ne l’a signalé ni n’a protesté. Tout juste les Américains ont-ils fait savoir qu’ils allaient reconsidérer leur soutien aux Saoudiens dans ce conflit.
    A noter également que plusieurs milliers de véhicules Toyota ont été achetés par les pays du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Émirats arabes unis et Jordanie) pour être livrés à l’État islamique,en Syrie et en Irak. C’est le constructeur japonais, accusé à tort de commercer avec Daesh, qui a révélé la liste de ses principaux clients dans la région. Ainsi, 22 500 véhicules auraient été vendus aux Saoudiens, 32 000 aux Qataris et 11 650 aux Emiratis. Puis, selon des informations provenant des services russes – à considérer naturellement avec circonspection -, l’armée jordanienne aurait facilité le transfert de ces véhicules en Syrie et en Irak. Une fois encore, les dénonciations de ce soutien des monarchies pétrolières à l’Etat islamique, sont rares.
    La Turquie est dirigée par un président membre de la confrérie internationale des Frères musulmans, qu’il a soutenu en Tunisie, Libye, Egypte et Syrie à l’occasion des « printemps arabes ». Erdogan a aussi longtemps laissé à Daesh la libre utilisation de son territoire pour son approvisionnement et ses opérations en Syrie et en Irak. Par ailleurs, il ne cesse de renforcer son pouvoir personnel – dans le but de devenir président à vie – et d’encourager l’islamisation de la société. A la suite d’une tentative avortée de coup d’Etat contre lui[5], il s’est livré à une gigantesque purge afin de liquider ses opposants et d’installer ses affidés. C’est-à-dire que l’un des pays membre de l’OTAN est dirigé par un islamiste radical aux tendances despotiques, bafouant les droits de l’homme, sans que cela ne choque personne ni ne remette en cause notre politique à l’égard d’Ankara. Et l’on parle toujours d’une éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union européenne… Rappelons également, les forces turques ont pénétré illégalement dans le nord de la Syrie et de l’Irak et occupent une portion du territoire de ces deux Etats sans que la communauté internationale ne trouve à y redire.
    Les faits ci-dessus montrent sans ambiguïté que le droit international est, depuis quinze ans, davantage bafoué par Washington et ses obligés que par Moscou ou Damas ; et que les victimes civiles du « camp de la liberté » sont tout aussi innocentes et bien plus nombreuses que celles qui tombent lors des opérations russo-syriennes. Mais dès lors que des actions de force sont américaines ou alliées de Washington, elles sont, par essence, « justes, légitimes et utiles ». Seuls ceux qui n’appartiennent pas à ce camp ou qui ne soutiennent pas cette politique sont coupables : Moscou, Damas, Téhéran, etc.
    Il faut le réaffirmer sans cesse : contrairement aux idées reçues, la société de l’information dans laquelle nous vivons n’a que très marginalement permis d’améliorer la qualité et l’objectivité des données à la disposition du public. Au contraire, en dépit de la multiplication des canaux médiatiques, leur concentration entre les mêmes mains permet encore davantage de manipulation des faits qu’avant son émergence. Les événements actuels en sont la flagrante illustration.
    La provocation délibérée du Russian Bashing
    Pour envenimer la situation, dirigeants politiques, responsables militaires et journalistes occidentaux ne cessent d’évoquer la montée en puissance de la menace russe et le retour d’une nouvelle Guerre froide… voire pour certains, le spectre d’une nouvelle guerre mondiale[6] !
    Mais le Russian Bashing impulsé par les milieux anglo-saxons ne reflète pas la réalité. Rappelons que le budget de la défense des Etats-Unis (près de 600 milliards de dollars) est de très loin le premier au monde et qu’il est supérieur aux budgets cumulés des dix pays qui le suivent ; la Russie (avec un budget de moins de 70 milliards de dollars) n’arrive elle-même que loin derrière la Chine et l’Arabie saoudite. Moscou dépense ainsi pour sa défense huit fois moins que Washington. La « menace » doit donc être fortement relativisée. Elle est pourtant largement utilisée par Hillary Clinton dans le cadre de sa campagne présidentielle, comme si elle cherchait par avance à remettre en cause une éventuelle victoire de Donald Trump… avec le soutien des hackers russes !
    Il convient également de réfuter la soi-disant volonté hégémonique de Moscou. Poutine n’a d’autre but que de mettre fin aux humiliations répétées dont son pays a été victime depuis vingt ans et au grignotage de ses marges. Il n’accepte plus sans réagir que la Russie soit provoquée ou que ses intérêts soient bafoués. Pourtant, c’est aujourd’hui Moscou qui apparaît comme « fauteur de troubles ».
    A l’opposé, il faut être aveugle pour ne pas mesurer le comportement impérialiste croissant de Washington, tant par ses interventions extérieures qui ne résolvent rien, que par l’application extraterritoriale de son droit au monde entier.
    Bien sur, il ne fait aucun doute que de tels propos seront immédiatement qualifiés de « pro Poutine » et que leur auteur sera accusé d’être un relais de l’influence russe. En effet, c’est une technique régulièrement utilisée ces dernières années que de mettre systématiquement en doute l’objectivité et l’indépendance de ceux qui critiquent la politiqueMainstream. Ainsi, les médias nous rebattent régulièrement les oreilles au sujet des réseaux d’influence russes en France – ce qui est une réalité, tout comme l’espionnage de Moscou -, mais sans jamais parler des réseaux d’influence et d’espionnage infiniment plus puissants des Américains
    Nous vivons une période difficile dans laquelle les esprits sont l’enjeu des stratégies des uns et des autres et où les médias sont devenus un véritable champ de bataille. En la matière, par leur maîtrise des canaux de communication mondiaux, les Etats-Unis disposent d‘un net avantage ; ils ont réussi à imposer leur vision du monde, laquelle répond à la promotion et la défense de leurs intérêts… mais en rien à ceux de la démocratie ni de l’Occident – et surtout pas de la France. Ils ont également réussi à convaincre que leur point de vue était « la » vérité objective et que tous ceux qu’ils désignent comme leurs adversaires sont le « mal ». Evidemment, la réalité est quelque peu différente. Mais nos élites ne semblent pas le percevoir.
    Pour nous Français, l’enjeu n’est pas Moscou, Damas ou Alep, ni Poutine ou Bachar. Il est de retrouver une indépendance de vue et une objectivité d’analyse que nous avons abandonnées depuis plus d’une décennie et d’échapper à la vision sectaire du monde qu’imposent les Américains.
    D’autant plus qu’à la différence des Britanniques, nous ne reconnaissons ni ne cherchons à analyser nos erreurs. Le parlement du Royaume Uni a publié, en juillet et en septembre dernier, deux rapports remettant en cause la décision de David Cameron d’intervenir en Libye, jugeant que les informations l’ayant conduit à lancer cette opération étaient infondées. Qu’avons nous fait en France ? Strictement rien ! Interviewé par la presse, Nicolas Sarkozy a persisté, déclarant qu’il avait pris alors « la bonne décision ».
    *
    La très grande majorité des spécialistes de géopolitique, des relations internationales et des diplomates nous répètent à l’envi depuis un quart de siècle que le monde a changé. Certes. Cela est indéniable. Nous le mesurons chaque jour.
    Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est la grille de lecture sur laquelle ils fondent leur analyse. Elle est restée, pour l’essentiel, basée sur des critères d’évaluation datant de la Guerre froide : le bien, la vérité et la justice sont américains ; le mal, le mensonge et l’injustice demeurent russes ou iraniens. D’où leurs jugements erronés et leurs conseils inadaptés pour la conduite des politiques étrangères européennes… et les erreurs à répétition de celles-ci.
    Le monde évolue donc plus vite que les analyses qu’en font ces « experts » et les choses ont changé de manière bien plus profonde qu’ils ne l’observent, même si des constantes demeurent. C’est pourquoi il est nécessaire d’adopter une nouvelle lecture de la situation internationale afin d’essayer de redonner à la France – et plus largement l’Europe – la boussole dont elle semble démunie.
    Seule lueur de lucidité dans ce sombre tableau, le remarquable rapport récemment publié par les députés Pierre Lellouche et Karine Berger, relatif à l’application extraterritoriale du droit américain[7]. Voilà enfin une réflexion de fond sur un sujet stratégique pour notre économie et nos entreprises, auquel le gouvernement ne s’est guère intéressé, en dépit des affaires BNP et ALSTOM. A lire absolument.
    Eric Denécé | 04-11-2016
    [1] Il convient également de rappeler que depuis cinq ans la population fidèle au régime n’a cessé d’être ciblée par les djihadistes : coupures d’eau et d’électricité, bombardements, blocus du ravitaillement, assassinats, enlèvements, tortures…
    [2] Voir à ce sujet l’excellente analyse de Richard Labévière : http://prochetmoyen-orient.ch/mossoul-alep-la-diagonale-du-fou
    [3] Outre les frappes de drones – qui créent plus de terroristes qu’elles n’en éliminent – ces frappes ont eu lieu à plusieurs reprises en Afghanistan à l’occasion fêtes de mariage, faisant chaque fois une centaine de victimes civiles. Rappelons également que les forces aériennes américaines ont bombardé, le 3 octobre 2015, un hôpital à Kunduz, en Afghanistan, faisant 42 morts et 37 blessés, parmi lesquels des membres Médecins sans frontières ; et qu’elles ont tué une centaine de soldats syriens, mi-septembre 2016, dans un bombardement effectué « par erreur », ce qui a par ailleurs permis à Daesh de s’emparer d’une position stratégique.
    [4] Elle comprend une dizaine de pays arabes et sunnites : les membres du Conseil de coopération du Golfe (Oman excepté), le Maroc, la Jordanie, le Soudan et l’Egypte.
    [5] La genèse de cet événement n’est toujours pas claire. De fortes suspicions existent quant à la parfaite connaissance de ce complot par Erdogan, qui pourrait avoir laissé faire afin de procéder à une purge radicale dans tous les domaines de l’appareil d’Etat.
    [6] Cf. Alain Rodier, « Autour des conflits syriens et irakiens : Etats-Unis et Russie, ils sont tous devenus fous ! »,Note d’actualité n°456, www.cf2r.org, octobre 2016.
    [7] Pierre Lellouche et Karine Berger, Rapport d’information des commissions des Affaires étrangères et des Finances sur L’Extraterritorialité de la législation américaine, Assemblée nationale, Paris, 5 octobre 2016.
    Source : http://www.cf2r.org/fr/editorial-eric-denece-lst/une-lecon-meritee.php

  • Dans une #Pologne divisée, les résistances tentent de faire surface
    https://www.mediapart.fr/journal/international/281016/dans-une-pologne-divisee-les-resistances-tentent-de-faire-surface

    Varsovie a rejeté, ce jeudi 27 octobre, les recommandations de la commission européenne pour se remettre sur les rails de l’État de droit. Tandis que le pouvoir ouvre un nouveau front, cette fois-ci en #europe, des Polonais continuent de s’insurger contre ses dérives autoritaires.

    #International #église #femmes #KOD #manifestation #médias #opposition #PiS #Razem #TVP #Varsovie

  • Wajda, ou l’homme du film
    http://www.taurillon.org/wajda-ou-l-homme-du-film-8540

    Andrzej Wajda, metteur en scène de théâtre, scénariste et réalisateur de cinéma récompensé par un Oscar pour l’ensemble de sa carrière, s’est éteint le 12 octobre dernier. Le réalisateur de L’Homme de fer a laissé une empreinte considérable dans l’histoire cinématographique, mais aussi dans les esprits des nouvelles générations de cinéastes. Entretien avec Arek Dybel, diplômé de l’École nationale supérieure de cinéma, télévision et théâtre de Łódź, actuellement directeur de la création de l’Exposition Permanente du Musée de l’Histoire des Juifs Polonais (POLIN) à Varsovie.

    Culture & Histoire

    / #Pologne, #Soviétisme, (...)

    #Culture_&_Histoire #Cinema

  • Penser l’absence des #juifs en #Pologne avec #Igor_Ostachowicz,
    https://www.mediapart.fr/journal/international/151016/penser-labsence-des-juifs-en-pologne-avec-igor-ostachowicz

    C’est un #roman qui dérange. La Nuit des Juifs-vivants, publié en français chez L’Antilope, met en scène avec humour le réveil des disparus de l’ancien #ghetto_de_Varsovie. Rencontre avec un auteur iconoclaste de la scène littéraire polonaise.

    #International #Culture-Idées #Littérature #Shoah

  • Paris et Varsovie en froid après l’arrêt des négociations sur l’achat de 50 hélicoptères Caracal - France Révolution
    http://france-revolution-investigative-reporter.over-blog.com/2016/10/paris-et-varsovie-en-froid-apres-l-arret-des-negociations-sur-l-achat-de-50-helicopteres-caracal.html

    commande de 50 hélicoptères H225M Caracal auprès d’Airbus Helicopters a, comme l’on pouvait s’y attendre, été mal prise par Paris.

    Le président Hollande, qui devant se rendre en Pologne le 13 octobre prochain, a ainsi reporté son voyage. Et, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, qui était aussi attendu à Varsovie le 10 octobre, en a fait de même.