• L’#IA m’a informé pendant un mois. Elle ne s’en est pas toujours tenue aux faits

    C’est quand même candide comme #mensonge. #Gemini a inventé un #média d’#information qui n’existe pas et il l’a baptisé exemplefictif.ca !

    Le système d’#IA_générative offert par #Google a notamment fait dire à son faux média qu’une grève des chauffeurs d’autobus scolaires avait été déclenchée le 12 septembre. Évidemment, cette grève est fictive elle aussi. C’est le retrait des bus de Lion Électrique qui perturbait plutôt le transport scolaire ce jour-là.

    Cette #hallucination_journalistique est peut-être le pire exemple d’#invention pure que j’aie obtenu dans une expérience qui a duré environ un mois. Mais j’en ai vu bien d’autres.

    Six pour cent des Canadiens s’informent avec l’IA 😱

    Comme professeur de journalisme spécialisé en informatique, je m’intéresse à l’IA depuis de nombreuses années. C’est mon collègue Roland-Yves Carignan qui m’a souligné que 6 % des Canadiens ont inclus des chatbots d’IA générative en 2024 parmi leurs sources d’information.

    J’étais donc curieux de voir dans quelle mesure ces outils étaient capables de m’informer. Allaient-ils me donner du solide, ou de la bouillie (AI slop) ?

    Sept outils ; une même requête

    Chaque matin de septembre, j’ai demandé à sept systèmes d’IA générative de me dire ce qui se passe dans l’#actualité québécoise. Je leur ai toujours posé la même question :

    Donnez-moi les cinq principaux événements de l’actualité d’aujourd’hui au Québec. Placez-les en ordre d’importance. Résumez chacun en trois phrases. Ajoutez un titre succinct à chacun. Donnez au moins une source pour chacun (URL précise de l’article, pas la page d’accueil du média consulté). Vous pouvez faire des recherches dans le web.

    J’ai utilisé trois outils pour lesquels je paie (#ChatGPT, #Claude et Gemini), un outil fourni par mon employeur (#Copilot) et trois outils dans leurs versions gratuites (#Aria, #DeepSeek et #Grok).

    Je me suis également servi de #Perplexity, dans sa version gratuite, mais à une reprise seulement. J’ai enfin tenté d’inclure #MetaAI, mais il ne répondait pas à mes requêtes.

    #Sources douteuses… voire imaginaires

    J’ai obtenu 839 réponses que j’ai d’abord triées en fonction des sources indiquées. Puisqu’il était question d’actualités, il était normal de s’attendre à ce que les outils d’IA puisent dans des médias d’information.

    Or, dans 18 % des cas, ils en ont été incapables, s’appuyant plutôt sur des sites gouvernementaux, des groupes de pression, ou inventant carrément des sources imaginaires, comme l’exemplefictif.ca mentionné plus haut.

    Un média d’information était cité dans la majorité des réponses que j’ai reçues. Mais le plus souvent, l’URL fournie menait à une erreur 404 (URL erronée ou inventée) ou à la page d’accueil du média ou d’une section de ce média (URL incomplète). Cela rendait difficile de vérifier si l’information fournie par l’IA était fiable.

    Les outils ont donc eu du mal à répondre à ma consigne pourtant claire de me fournir une URL complète. Ils n’y sont parvenus que dans 37 % des cas (311 réponses).

    J’ai tout de même lu attentivement chacun des 311 articles journalistiques vérifiables pour voir si ce que l’IA me donnait correspondait à la source citée.

    Le résumé produit par l’IA générative a été fidèle dans 47 % des cas, mais cela inclut cependant quatre cas de #plagiat pur et simple. Un peu plus de 45 % des réponses étaient partiellement fidèles. Nous y reviendrons plus loin.

    Car il faut d’abord parler des réponses erronées en tout ou en partie.

    #Erreurs sur le fond

    La pire erreur a certainement été commise par Grok le 13 septembre. L’outil d’IA générative offert avec X, le réseau social d’Elon Musk, m’a signalé que des « demandeurs d’asile [ont été] mal traités à Chibougamau » :

    Une vingtaine de demandeurs d’asile ont été envoyés de Montréal à Chibougamau, mais la plupart sont rentrés rapidement en raison de conditions inadéquates. Ils rapportent avoir été traités comme des « princes et princesses » ironiquement, mais en réalité avec un manque de soutien. L’incident soulève des questions sur la gestion des réfugiés au Québec.

    Grok s’est basé sur un article de La Presse publié ce matin-là. Mais il l’a interprété à l’envers !

    La Presse rapportait plutôt que le voyage a été un succès. Sur les 22 demandeurs d’asile, 19 ont eu des offres d’emploi à Chibougamau. Il n’y avait aucune ironie dans l’expression « princes et princesses ».

    D’autres exemples :

    - Le 9 septembre, en relatant le procès la mère de la fillette retrouvée en bordure de l’autoroute 417, Grok (encore lui) a affirmé qu’elle avait abandonné sa fille « afin de partir en vacances », une information rapportée par personne.

    - Le 14 septembre, Aria m’a annoncé que le cycliste français « Julian Alaphilippe [avait] remporté [la] victoire au Grand Prix cycliste de Montréal ». C’est faux. Alaphilippe a remporté le Grand Prix de Québec. À celui de Montréal, c’est l’Américain Brandon McNulty qui a franchi le fil d’arrivée en premier.

    – Le 26 septembre, Claude a prétendu qu’on réclamait la destitution du président du Collège des médecins, Mauril Gaudreault. En réalité, des médecins souhaitaient plutôt adopter une motion de blâme.

    – Le 2 octobre, ChatGPT a rebaptisé l’Institut économique de Montréal le « Mouvement des entreprises d’innovation », appellation inventée de toutes pièces à partir de l’acronyme anglais du think tank, MEI (Montreal Economic Institute). Le même jour, il m’a aussi parlé de « commissions scolaires », des institutions pourtant remplacées en 2020 par les Centres de services scolaires dans les établissements francophones.

    - Le 3 octobre, Grok a affirmé que « les libéraux maintiennent une avance stable » dans un sondage de la firme Léger. Dans les faits, les libéraux arrivaient au deuxième rang. C’est le PQ qui était en avance.

    Erreurs sur la forme

    Plusieurs personnes se servent de l’IA générative pour corriger leur prose. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée compte tenu des erreurs de français que j’ai régulièrement relevées :

    - ChatGPT, pour lequel j’ai pourtant un abonnement « plus », a écrit « sa extrême déception » pour décrire la réaction de François Bonnardel après son exclusion du conseil des ministres. Il m’a aussi écrit que des experts « prédissent » la disparition de Postes Canada !

    – Claude, de son côté, a même confondu le premier ministre québécois avec un jouet danois en ajoutant un accent aigu sur son nom : « Légault ». Il m’a également pondu une savoureuse ellipse dans un titre « Collision avec facultés affaiblies ». Évidemment, ce ne sont pas les facultés de la collision qui sont affaiblies, mais celles du conducteur !

    Mais revenons au fond.

    Interprétations erronées

    Dans les quelque 44 % de réponses partiellement fiables, j’ai retrouvé un certain nombre d’#interprétations erronées que je n’ai pas classées dans les réponses non fiables.

    Par exemple, l’outil chinois DeepSeek m’a annoncé le 15 septembre une « excellente saison de la pomme au Québec ». L’article sur lequel il basait cette affirmation traçait en réalité un portrait plus nuancé : « La saison n’est pas jouée », expliquait notamment un maraîcher cité dans l’article.

    Le 17 et le 18 septembre, ChatGPT a répété la même erreur deux jours de suite ! Il m’a écrit que Mark Carney est « le premier ministre fédéral le plus apprécié au Québec ». Bien sûr ! C’est le seul !

    A beau mentir qui vient de loin

    Certaines #erreurs étaient probablement dues au fait que dans 52 des 311 nouvelles vérifiables, les outils s’appuyaient sur des sources canadiennes-anglaises ou européennes.

    Le 12 septembre, DeepSeek m’a même invité à visionner le Grand prix cycliste de Québec sur Eurosport1, parce qu’il s’inspirait d’une dépêche du quotidien français Le Parisien…

    Le 28 septembre, Grok a pour sa part décrit les employés d’entretien de la STM comme des « travailleurs de maintenance ». Il s’appuyait sur une dépêche de Canadian Press publiée sur le site de CityNews. Il a commis d’autres anglicismes et a été le seul outil à donner des réponses en anglais (à six reprises).
    « Conclusions génératives »

    Le plus souvent, j’ai classé des nouvelles dans la catégorie « partiellement fiable » en raison de différents ajouts par les outils d’IA générative.

    Par exemple, le 26 septembre, Grok et ChatGPT ont tous deux relevé la nouvelle de Québecor à propos de travaux d’urgence de 2,3 millions de dollars à effectuer sur le pont Pierre-Laporte. Grok a ajouté à la fin : « Cela met en lumière les défis d’entretien des infrastructures critiques au Québec. » ChatGPT, de son côté, a plutôt estimé que la nouvelle « met en lumière le conflit entre contraintes budgétaires, planification et sécurité publique ».

    Ce n’est pas faux. Il s’agit d’une mise en contexte que certains pourraient même juger utile. Cependant, ces conclusions ne sont appuyées sur aucune source. Personne dans les articles cités n’en parlait en ces termes.

    Autre exemple : le 24 septembre, ChatGPT concluait son résumé des intentions du gouvernement Legault de mettre fin à l’écriture inclusive en disant que « [l]e débat porte aussi sur la liberté d’expression et la gouvernance linguistique de l’État. » Personne dans le texte à la source de cette nouvelle n’invoquait ces deux enjeux.

    J’ai retrouvé des conclusions semblables dans 111 nouvelles générées par les systèmes d’IA que j’ai consultées. Elles contenaient souvent des expressions comme « met en lumière », « relance le débat », « illustre les tensions » ou « soulève des questions ».

    Or, aucun humain n’avait parlé de tensions ou soulevé de questions. Les « conclusions génératives » imaginent des débats qui n’existent pas. J’y vois une porte ouverte à l’exagération, voire à la désinformation.

    Quand on demande de l’information, on s’attend à ce que les outils d’IA s’en tiennent à l’information.

    Consulter ici le fichier dans lequel l’auteur a consigné les réponses données chaque matin par les outils d’IA générative : https://docs.google.com/spreadsheets/d/1yc2Gw-6BXem45dF7jP-bsxVC7hEmN_mlaNncN1PFjmw/edit?gid=0#gid=0

    https://theconversation.com/lia-ma-informe-pendant-un-mois-elle-ne-sen-est-pas-toujours-tenue-a
    #AI #intelligence_artificielle #news #fiabilité

  • Comme c’est la journée des ouin-ouin pour l’incarcération de Sarkozy. Faudrait pas oublier l’essentiel de la population carcérale qui elle n’a pas les moyens de se payer une cantine de luxe comme celle de l’ancien locataire de la villa Montmorency au cœur du très chic 16ᵉ arrondissement de Paris et qui dormira ce soir dans une cellule à la Santé dans l’arrondissement voisin, le 14e.
    Au Journal officiel du 15 octobre 2025, le Contrôleur général a publié un avis relatif à là vétusté des établissements pénitentiaires.
    https://www.cglpl.fr/publications/avis-relatif-a-la-vetuste-des-etablissements-penitentiaires
    La justice peut-elle (vraiment) faire respecter les droits des détenu⋅es ?
    https://lasellette.org/la-justice-peut-elle-vraiment-faire-respecter-les-droits-des-detenu%e2%8

    En juillet 2025, l’Observatoire international des prisons (#OIP) a une nouvelle fois saisi la justice administrative pour qu’elle mette fin à l’indignité des #conditions_de_détention à la prison de Toulouse-Seysses. L’OIP exigeait que soit prise une trentaine de mesures concernant, par exemple, les cafards qui pullulent, la difficulté d’accéder à des soins psychiatriques ou les violences subies par les #personnes_détenues.

    Dans cette émission, on discute des demandes de l’OIP, de la mauvaise exécution des mesures ordonnées précédemment, de la manière dont s’est défendue l’administration pénitentiaire, des résultats obtenus et, plus généralement, de ce qu’on peut attendre (ou pas) de la justice administrative pour lutter contre les atteintes aux droits fondamentaux en #prison.

    Chambre des comparutions immédiates à Toulouse avec @la_sellette

    • Sarkozy en prison, ce crime de lèse-majesté | Fabrice Arfi
      https://www.mediapart.fr/journal/france/211025/sarkozy-en-prison-ce-crime-de-lese-majeste

      Emmanuel Macron et Gérald Darmanin au chevet du condamné, les groupes Accor et Lagardère en soutien, des télévisions qui occultent largement la gravité des faits : l’incarcération de Nicolas Sarkozy révèle, comme jamais, la panique d’un petit monde puissant qui désire ni plus ni moins que le retour des privilèges.

      L’incarcération de Nicolas Sarkozy offre à la France une expérience politique, médiatique et sociale fascinante. Alors que l’ancien président de la République, condamné à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire libyenne, doit passer sa première nuit en détention mardi 21 octobre, une partie du pays semble se fracturer sur le sens à donner à cet événement historique.

      Nicolas Sarkozy : Auteuil, Neuilly, Passy, se mobilisent ! | Reflets.info
      https://reflets.info/articles/nicolas-sarkozy-auteuil-neuilly-passy-se-mobilisent

      Le quartier est bouclé. On avait rarement vu telle animation policière à Auteuil depuis... Depuis toujours ? Des dizaines de cars de police ont littéralement fermé l’accès à tout un pâté de maisons et d’immeubles. Les barrières métalliques empêchent l’accès à la rue de la Source où attendent sagement plusieurs voitures munies de gyrophares. #Nicolas_Sarkozy, accompagné par Carla Bruni, a fini par émerger de la Villa Montmorency et, après avoir salué la foule des soutiens du matin, ils se sont engouffrés dans une voiture qui, accompagnée de nombreux motards, est partie vers la prison de la Santé où l’ancien président a été incarcéré.

      Il y avait là environ 200 ou 300 personnes, 200.000 selon Véronique Waché. La foule a entonné quelques marseillaises.

      https://www.youtube.com/watch?v=L1N3WXZ_1LM


      Auteuil Neuilly Passy c’est pas du gâteau
      Auteuil Neuilly Passy tel est notre ghetto

    • Quand ça veut pas, ça veut pas.
      https://rfi.my/C7aC

      En France, c’est la fin d’un feuilleton judiciaire qui avait plombé la campagne présidentielle en 2017. #François_Fillon est débouté par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le dernier recours possible pour l’ancien Premier ministre, condamné dans une affaire d’emplois fictifs. La CEDH a jugé irrecevables les arguments de François Fillon.

      Il s’agit de l’affaire dite du « #Penelopegate », du nom de la femme de François Fillon, #Pénélope_Fillon, qui avait bénéficié d’emplois fictifs à l’Assemblée nationale. L’ancien Premier ministre et son épouse estimaient ne pas avoir eu droit à un procès équitable, affirmant que les magistrats qui ont requis contre eux avaient manqué d’indépendance.

      Ces arguments sont rejetés par Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui a relu toute cette affaire à la lumière de la convention européenne des droits de l’homme, qui s’applique dans 46 pays membres. Leur requête est rejetée pour « défaut manifeste de fondement », peut-on lire dans la décision de la Cour, pour qui la procédure, « prise dans son ensemble, a revêtu un caractère équitable ».

      Le scandale du « Penelopegate » éclate en 2017, en pleine campagne présidentielle. L’ancien chef de gouvernement de Nicolas Sarkozy partait favori. Il sera finalement éliminé dès le premier tour de cette élection. En juin dernier, François Fillon est définitivement condamné par la cour d’appel de Paris à quatre ans de prison avec sursis, 375 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.

      Il comptait, depuis, sur l’intervention de la CEDH, qu’il a pourtant largement critiquée durant sa campagne de 2017. Il reprochait à la Cour européenne des droits de l’homme de trop se mêler des questions de société françaises et promettait d’en retirer le pays s’il était élu.

      Ce dernier paragraphe est révélateur de l’image que ces cols-blancs
      ont de la justice.

    • « Le malheur d’un puissant, sa chute et son humiliation donnent du piment à une existence que la médiocrité habite. » P. Prout
      https://www.tf1info.fr/justice-faits-divers/en-direct-l-ancien-president-nicolas-sarkozy-incarcere-ce-mardi-a-la-prison-

      Sarkozy en prison : 3 détenus en garde à vue après des vidéos menaçantes envers l’ancien président

      le post-choc carcéral du conte Monte-Sarko par Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts - @lesjours

      AAAAAAAAHHHHHH ! encore. Car, a-t-on appris mardi soir de la bouche de LCI, en détention, Nicolas Sarkozy est flanqué de deux de ses officiers de sécurité. Oui, oui, ils logent dans une cellule voisine et deux équipes se relaient toutes les douze heures. Comprenons-nous bien : il a été demandé à ces fonctionnaires d’entrer eux aussi en prison. Déclenchant évidemment la colère des surveillants, pris pour des branle-panneaux. Et des gardes du corps armés de surcroît, quand les matons ne le sont pas pour d’évidentes raisons de sécurité. Le dispositif de protection de l’ancien Président « a été maintenu en détention, […] une décision visant à assurer sa sécurité », a expliqué le nouveau ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez sur CNews et Europe 1 – of course.

      Les bras nous en seraient tombés si nous n’en avions hélas, plus tôt dans la journée, déjà perdu l’usage à l’annonce d’une autre nouvelle : avec l’incarcération de Nicolas Sarkozy, son cuisinier va rejoindre son corps d’origine, le ministère de l’Intérieur, qui le mettait jusqu’alors à sa disposition. Nan mais sans déconner. Qu’on s’acquitte collectivement de quelques deniers prélevés sur nos impôts pour éviter que Nicolas Sarkozy ou François Hollande se fassent zigouiller dans la rue par le premier venu, ça peut s’entendre. Qu’on leur paye secrétariat et locaux parce que leurs fonctions précédentes à l’Élysée occasionnent quelques frais, déjà on tique. Mais un cuisinier ? Comme nous sommes plus pingres que Mediapart qui, sur la foi d’un procès verbal issu de l’instruction sur l’affaire libyenne, évalue à 19,7 millions d’euros les revenus de Nicolas Sarkozy entre 2013 et 2019, nous nous contenterons de sa rémunération en tant qu’administrateur des groupes Lagardère et Accor – qui, tous deux, n’ont pas souhaité interrompre son mandat, manifestant là un soutien touchant à la condition carcérale. Du premier, que détient son ami Vincent Bolloré, Nicolas Sarkozy a touché en 2025 88 760,59 euros et 82 582 euros du second – et on est gentils, on ne compte pas son indemnité mensuelle d’ancien chef de l’État qui s’élève à 6 000 euros (six-mille euros). Soit de quoi s’acquitter de la modique somme de 150 euros pour chacun de ses trois repas de la journée pendant un an mais non, le gars a un cuistot payé par l’État, c’est-à-dire vous et nous.

    • Visite à Nicolas Sarkozy en prison : Gérald Darmanin visé par une plainte pour « prise illégale d’intérêts »
      https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/visite-a-nicolas-sarkozy-en-prison-gerald-darmanin-vise-par-une-plainte-p

      Dans sa plainte pour « prise illégale d’intérêt » déposée ce jeudi, ce collectif de 28 avocats, parmi lesquels les avocats au barreau de Paris Jérôme Karsenti, Jérôme Giusti ou Isabelle Dahan, estime que cette visite est susceptible de « mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires et donc la confiance des clients pour le compte desquels ils agissent chaque jour en tant qu’avocat ». « Les agissements de monsieur Gérald Darmanin leur causent ainsi un préjudice d’exercice et d’image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la Commission des requêtes », ajoutent-ils.

      « Impliqués quotidiennement dans la lutte contre les atteintes à la probité et ayant déjà représenté en justice de nombreuses associations combattant de tels agissements, ils sont nécessairement fondés à agir pour dénoncer une infraction de prise illégale d’intérêts commise par le ministre de la Justice dans l’exercice de ses fonctions », poursuivent les avocats. « En tant que ministre de la Justice, Gérald Darmanin est dépositaire de l’autorité publique. A ce titre, le premier élément matériel de l’infraction de prise illégale d’intérêts est caractérisé ».

    • Comme l’exige son rôle, Gérald Darmanin ira chaque soir lire une histoire à Nicolas Sarkozy
      https://www.legorafi.fr/2025/10/30/comme-lexige-son-role-gerald-darmanin-ira-chaque-soir-lire-une-histoire-a-n

      Après avoir déjà annoncé qu’il irait voir l’ancien Président de la République en prison, #Gérald_Darmanin a précisé la nature de ces visites. “J’irai chaque soir à 20h30, à la prison de la santé, afin de lire une histoire à Monsieur Sarkozy, jusqu’à ce qu’il s’endorme profondément”. Il semblerait que ce soit l’ancien président qui puisse choisir lui-même son histoire. D’après nos informations, il aimerait particulièrement Ali Baba et les 40 voleurs, mais aussi les bandes-dessinées mettant en scène l’Oncle Picsou.

      Ce que certains considèrent comme un traitement de faveur, est pour le garde des sceaux une simple obligation liée à son rôle. “Il est écrit dans ma fiche de poste que je devrai rendre visite à tout ancien président de droite en prison. Il est d’ailleurs précisé que je devrai lui lire des histoires, lui amener des boissons chaudes, et lui masser les pieds.” D’après des sources haut placées, il semblerait que ce soit Nicolas Sarkozy lui-même, qui a intégré ces différents éléments dans la fiche du poste du ministre de la justice, lorsqu’il était lui-même Président de la République. Concernant le massage des pieds, il avait été suggéré par Georges Tron, autre ancien élu et ancien détenu.

      D’autres visites prévues pour Nicolas Sarkozy ?

      Si les visites de Gérald Darmanin peuvent surprendre, il faut savoir que ce ne sera pas le seul homme politique à pouvoir se rendre dans la cellule de l’ancien président. En effet, Patrick Balkany, l’ancien maire de Levallois devrait également s’y rendre. “Je vais passer voir Nicolas bien sûr ! J’ai toujours mon badge pour aller à la Santé quand bon me chante, c’est un badge VIP ! Il fonctionne même pour la prison de Fleury. Avec mon expérience, je suis d’ailleurs en train d’écrire un livre : Le guide du Mitard, pour tous les politiciens qui iront en prison. Et, entre nous, j’ai l’intuition qu’il va bien se vendre !”

      #Le_Gorafi

    • Affaire des sondages de l’Élysée : Claude Guéant condamné à un an de prison avec sursis
      https://www.la-croix.com/politique/affaire-des-sondages-de-l-elysee-claude-gueant-condamne-a-un-an-de-prison-

      L’ancien secrétaire général de l’Élysée, #Claude_Guéant, a été condamné en appel, mardi 4 novembre, à un an de prison avec sursis dans l’affaire des sondages commandés par l’Élysée sous Nicolas Sarkozy. Une peine revue à la baisse : en première instance, il avait écopé d’un an de prison, dont huit mois ferme.

      #Patrick_Buisson #Bygmalion

  • Anthropic destroyed millions of print books to build its AI models

    Company hired Google’s book-scanning chief to cut up and digitize “all the books in the world.”

    On Monday, court documents revealed that AI company #Anthropic spent millions of dollars physically scanning print books to build #Claude, an AI assistant similar to ChatGPT. In the process, the company cut millions of print books from their bindings, scanned them into digital files, and threw away the originals solely for the purpose of training AI—details buried in a copyright ruling on fair use whose broader fair use implications we reported yesterday.

    The 32-page legal decision tells the story of how, in February 2024, the company hired Tom Turvey, the former head of partnerships for the Google Books book-scanning project, and tasked him with obtaining “all the books in the world.” The strategic hire appears to have been designed to replicate Google’s legally successful book digitization approach—the same scanning operation that survived copyright challenges and established key fair use precedents.

    While destructive scanning is a common practice among smaller-scale operations, Anthropic’s approach was somewhat unusual due to its massive scale. For Anthropic, the faster speed and lower cost of the destructive process appear to have trumped any need for preserving the physical books themselves.

    Ultimately, Judge William Alsup ruled that this destructive scanning operation qualified as fair use—but only because Anthropic had legally purchased the books first, destroyed each print copy after scanning, and kept the digital files internally rather than distributing them. The judge compared the process to “conserv[ing] space” through format conversion and found it transformative. Had Anthropic stuck to this approach from the beginning, it might have achieved the first legally sanctioned case of AI fair use. Instead, the company’s earlier piracy undermined its position.

    But if you’re not intimately familiar with the AI industry and copyright, you might wonder: Why would a company spend millions of dollars on books to destroy them? Behind these odd legal maneuvers lies a more fundamental driver: the AI industry’s insatiable hunger for high-quality text.

    The race for high-quality training data

    To understand why Anthropic would want to scan millions of books, it’s important to know that AI researchers build large language models (LLMs) like those that power #ChatGPT and Claude by feeding billions of words into a neural network. During training, the AI system processes the text repeatedly, building statistical relationships between words and concepts in the process.

    The quality of training data fed into the neural network directly impacts the resulting AI model’s capabilities. Models trained on well-edited books and articles tend to produce more coherent, accurate responses than those trained on lower-quality text like random YouTube comments.

    Publishers legally control content that AI companies desperately want, but AI companies don’t always want to negotiate a license. The first-sale doctrine offered a workaround: Once you buy a physical book, you can do what you want with that copy—including destroy it. That meant buying physical books offered a legal workaround.

    And yet buying things is expensive, even if it is legal. So like many AI companies before it, Anthropic initially chose the quick and easy path. In the quest for high-quality training data, the court filing states, Anthropic first chose to amass digitized versions of pirated books to avoid what CEO Dario Amodei called “legal/practice/business slog”—the complex licensing negotiations with publishers. But by 2024, Anthropic had become “not so gung ho about” using pirated ebooks “for legal reasons” and needed a safer source.

    Buying used physical books sidestepped licensing entirely while providing the high-quality, professionally edited text that AI models need, and destructive scanning was simply the fastest way to digitize millions of volumes. The company spent “many millions of dollars” on this buying and scanning operation, often purchasing used books in bulk. Next, they stripped books from bindings, cut pages to workable dimensions, scanned them as stacks of pages into PDFs with machine-readable text including covers, then discarded all the paper originals.

    The court documents don’t indicate that any rare books were destroyed in this process—Anthropic purchased its books in bulk from major retailers—but archivists long ago established other ways to extract information from paper. For example, The Internet Archive pioneered non-destructive book scanning methods that preserve physical volumes while creating digital copies. And earlier this month, OpenAI and Microsoft announced they’re working with Harvard’s libraries to train AI models on nearly 1 million public domain books dating back to the 15th century—fully digitized but preserved to live another day.

    While Harvard carefully preserves 600-year-old manuscripts for AI training, somewhere on Earth sits the discarded remains of millions of books that taught Claude how to juice up your résumé. When asked about this process, Claude itself offered a poignant response in a style culled from billions of pages of discarded text: “The fact that this destruction helped create me—something that can discuss literature, help people write, and engage with human knowledge—adds layers of complexity I’m still processing. It’s like being built from a library’s ashes.”

    https://arstechnica.com/ai/2025/06/anthropic-destroyed-millions-of-print-books-to-build-its-ai-models
    #destruction #livres #AI #IA #intelligence_artificielle #digitalisation #it_has_begun

  • La profession d’enseignant-chercheur aux prises avec le #nouveau_management_public

    Ce texte se propose d’analyser différents impacts de la #néolibéralisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) sur le contenu et les #conditions_de_travail des enseignants-chercheurs (EC). L’analyse s’appuie sur les résultats d’une enquête menée entre 2020 et 2022 sur la nature, les causes et les effets des mutations du #travail des EC. Cette recherche visait dans un premier temps à objectiver les évolutions et à saisir les représentations des acteurs à leur sujet. Le second temps entendait analyser les raisons et les vecteurs de ces évolutions. Outre la mobilisation de sources bibliographiques, trois outils ont servi à recueillir des données. Un questionnaire adressé en ligne aux membres des différentes sections du CNU et aux EC en poste dans cinq établissements (aux tailles, localisations et statuts variés), à l’exception de ceux du domaine de la santé [1] a permis de travailler sur 684 réponses complètes reçues. Des entretiens semi-directifs (de 30 à 90 minutes) ont ensuite été menés avec 108 répondants au questionnaire, avec 5 présidents ou vice-présidents d’université (en poste au moment de l’échange) et avec des représentants de 6 syndicats (SNESup, SNESup école émancipée, CFDT, CGT, FO et Sud) [2]. Des résultats provisoires ont enfin été discutés au cours de 7 séminaires réunissant des EC dans le but d’alimenter la réflexion et l’analyse finale. Le livre Enseignants-chercheurs. Un grand corps malade (Bord de l’eau, 2025) rend compte de façon détaillée des résultats de cette recherche.

    On montrera d’abord comment la mise en œuvre des principes du nouveau management public (#NMP) dans l’ESR a entraîné simultanément un alourdissement et un appauvrissement des tâches d’enseignement, de recherche et d’administration incombant aux EC. On abordera ensuite les effets de #surcharge et de #débordements du travail que produisent ces transformations du travail des EC ainsi que les impacts que cela engendre sur leur #moral, leur #engagement et leur #santé.

    Le travail des EC alourdi et appauvri sous l’effet de la #néo-libéralisation et du NMP

    La #néo-managérialisation de l’ESR a démarré dans les années 1990, sans qu’il s’agisse d’une #rupture absolue avec une #université qui aurait jusque-là échappé aux logiques capitalistes dominantes. Parlons plutôt d’une évolution marquée par l’adoption et l’adaptation des principes du néolibéralisme. Promus par la Société du Mont Pèlerin fondée en 1947, puis mis en œuvre à partir des années 1980 (par Thatcher et Reagan), ces principes prônent une réduction des missions et des coûts des services publics s’appuyant sur une gestion comparable à celle des entreprises privées. Il s’agit de rationaliser leur organisation et de réduire leurs budgets, d’instaurer une mise en concurrence interne (entre établissements, départements, équipes et collègues) et externe (avec des organisations privées fournissant des services de même nature), de viser leur rentabilité et de mesurer leur performance. Cela a conduit à favoriser le fonctionnement en mode projet, la diversification des financements en valorisant les #PPP (partenariats public/privé), l’évaluation sur #indicateurs_quantitatifs, les #regroupements… Les objectifs fixés étant l’#efficacité plutôt que l’#équité, l’#efficience plus que l’#utilité_sociale, la #rentabilité avant la qualité de service.

    Ce programme s’applique donc dans l’ESR français à partir des années 1990. En 1998, le #rapport_Attali « Pour un système européen d’enseignement supérieur » répond à une commande de #Claude_Allègre (ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie de 1997 à 2000) qui entend « instiller l’#esprit_d’entreprise dans le système éducatif » (Les Échos, 3 février 1998), une #orientation qui constitue une injonction à visée performative. Dans les établissements, et notamment les #universités_publiques, cette orientation va être conduite par des équipes comptant de plus en plus de technocrates et de managers formés et rompus à l’exercice du NMP qui entendent faire fonctionner une logique inscrite dans la droite ligne du « processus de production, de diffusion et de légitimation des idées néo-managériales en France depuis les années 1970 [3] »

    Le rapport Attali propose un cadre européen inspiré d’orientations de l’OCDE. Lors de la célébration du 800e anniversaire de la Sorbonne, toujours en 1998, les dirigeants français, allemand, britannique et italien lancent un appel pour « un cadre commun de référence visant à améliorer la lisibilité des diplômes, à faciliter la mobilité des étudiants ainsi que leur employabilité ». Dès 1999, 25 autres pays européens signent cet appel et donnent naissance au « #processus_de_Bologne » destiné à créer un Espace européen de l’enseignement supérieur avant 2010. En mars 2000, l’Union européenne rejoint ce projet, qui débouche sur la #stratégie_de_Lisbonne proposant de créer un « #marché_de_la_recherche ». C’est dans ce contexte qu’intervient la #bureaucratisation_néolibérale de l’ESR français qui va transformer la « #gouvernance » de l’ESR, ainsi que le travail et les conditions de travail de ses salariés, dont celles des EC.

    Parallèlement à la dégradation des #taux_d’encadrement (notamment en licence [4], avec des variations entre disciplines et établissements) et aux baisses d’effectifs et de qualification des personnels d’appui, les EC assument des tâches liées à l’enseignement de plus en plus nombreuses, diverses et complexes. Il s’agit notamment d’un travail d’#ingénierie_pédagogique de plus en plus prenant, d’une coordination de plus en plus fréquente d’équipes pédagogiques comprenant des précaires en nombre croissant (dont ils doivent aussi assurer le recrutement et le suivi), de réponses aux injonctions à la « #professionnalisation » (impliquant de faire évoluer les contenus de formation, en réécrivant les maquettes de diplôme en « compétences » [5], en multipliant le nombre de #stages à encadrer et en travaillant sur les #projets_professionnels des étudiants), d’une #complexification de l’#évaluation des étudiants due à la #semestrialisation, à des délais de correction raccourcis, à la « #concurrence » du web et désormais de l’IA et d’une prise en charge d’activités de #marketing et de #communication destinées à vanter, voire à « vendre », les diplômes, les parcours, l’établissement.

    - « On subit une accumulation de #micro-tâches, qui devient chronophage même si c’est souvent des bonnes idées. Par exemple, l’université nous demande de présenter les masters en faisant venir d’anciens étudiants, ce qu’on fait déjà deux fois pour les étudiants de L3 et aux journées portes ouvertes. Ils nous demandent de faire une présentation de plus pour diffuser plus largement sur des plateformes et toucher un public plus large. […] Autre exemple, on nous demande de refaire un point sur les capacités d’accueil de nos masters, et il faut refaire le travail. […] En fait, toute l’année on nous demande des #petits_trucs comme ça. » (PU en sciences de l’éducation et de la formation, en université).

    Une même dynamique opère du côté de la recherche, les activités sont aussi accrues et diversifiées dans un contexte de raréfaction des personnels d’appui, notamment en lien avec la #concurrence aiguisée entre chercheurs, entre labos, entre UFR, entre établissements. Cette évolution c’est aussi la baisse des #budgets_récurrents et la chasse aux #financements, en répondant à des #appels_à_projets émanant de institutions publiques (ANR, ministères, UE) ou d’acteurs privés, la course aux #publications dans les revues classées, en anglais pour certaines disciplines, la multiplication des #évaluations par les établissements, les agences (AÉRES puis #HCÉRES…), les tutelles, le ministère, l’œil rivé sur les classements, notamment celui de Shanghai.

    - « Une partie du temps, on est plus en train de chercher des budgets et de faire du #reporting que de faire la recherche elle-même. Sans compter qu’il faut publier pour être valorisé. Il y a des collègues dont on se demande ce qu’ils publient, parce que leur temps de recherche en fait, c’est du temps d’écriture, mais on ne sait pas sur quoi. » (PU en civilisation américaine en université).
    - « Si on regarde les laboratoires, il y a beaucoup de chercheurs et peu de personnels associés. Nécessairement, les EC doivent faire face à plus de tâches administratives. Et d’autre part, il y a des choses qui ont été formatées, il faut remplir des fichiers, des indicateurs, cela fait beaucoup de tâches administratives à réaliser. » (PU en électronique en IUT).

    À cela s’ajoutent les activités de sélection, de recrutement et de management des étudiants et des doctorants sur des plateformes aux performances discutables (#ParcoursPlus, #Mon_master, Adum), des ATER, des postdocs et des enseignants vacataires et contractuels, ainsi que de titulaires lorsqu’il faut siéger en comité de sélection quand des postes de MCF et PU (Professeur d’Université) sont ouverts. Il faut ici souligner la #surcharge spécifique pesant sur les #femmes, notamment PU, compte tenu des règles de parité (un COS doit compter au moins de 40% de membres de chacun des deux genres) et des inégalités de #genre dans les carrières [ 7].

    Les EC doivent aussi prendre en charge des activités d’information, d’évaluation et de valorisation à destination de divers instances et organismes, dans des délais souvent courts, au moyen d’outils numériques plus ou moins fiables et compatibles. Ces comptes à rendre portent en particulier sur la qualité des cursus, les débouchés professionnels et les taux d’insertion des diplômés, les coûts en heures et en masse salariale des cours, des TD et des TP, les résultats en termes de présence aux examens, de notes, de diplômés, d’abandons en cours de cursus…

    – « Je me sens être très gestionnaire, animatrice, gentille organisatrice une grande partie de mon temps. C’est quelque chose que je n’avais pas du tout anticipé en entrant dans ce métier, parce que je ne pensais pas avoir autant de #charges_administratives. […] Dès la 3è année après mon recrutement, j’étais directrice des études, à faire des emplois du temps, recruter des vacataires, travailler un petit peu le contenu de leurs interventions, mais je devais surtout faire des RH, essayer que ça convienne à chacun, récupérer les papiers qu’on lui demandait pour qu’il soit payé, etc. » (MCF en sociologie en IUT).

    On a ainsi assisté à un double mouvement d’alourdissement er d’appauvrissement du travail des EC sous les effets combinés des injonctions à la professionnalisation (la #loi-LRU de 2007 a ajouté « l’orientation et l’insertion » aux missions de l’ESR) et aux attentes des tutelles en la matière ainsi que des normes budgétaires strictes et des critères « d’#excellence » qui concrétisent l’essor des logiques et des modes de gestion du NMP et la #managérialisation de l’ESR (comparable à ce qu’a connu l’Hôpital,). Il en découle un ressenti fréquent de #perte_de_sens et un #malaise profond.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du #sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. »(MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).
    - « Quand j’ai démarré au début des années 2000, j’avais l’impression d’être en phase avec mon travail et peut-être plusieurs de mes collègues aussi. J’ai l’impression qu’il y avait une sorte de vision collective partagée. Cette vision collective partagée, je la sens moins parce que je sens des #découragements, je sens des #lassitudes. Le partage de la mission de chercheur, c’est plus compliqué et le partage de la vision de la mission d’enseignement pour moi, elle est galvaudée. » (MCF HDR en chimie en université).

    Le #moral et la santé des EC pâtissent des #surcharges et débordements vécus par les EC.

    La détérioration des situations de travail vécue par les EC produit des effets à la fois sur leur état moral, leur #engagement_professionnel et leur état de santé. Les surcharges combinées au sentiment de ne plus pouvoir faire leur travail correctement sont à l’origine de nombreuses #souffrances. Leur travail a été peu à peu alourdi par une accumulation de tâches dont une partie tient à la #procédurisation qui concrétise « la #bureaucratisation_néolibérale ». Cela nourrit un important « #travail_caché », invisibilisé et non rémunéré, qui conduit à la fois à accroître et à hacher l’activité.

    Il en découle des #surcharges_temporelles (extension de la durée du travail professionnel), des #surcharges_mentales (dues à l’accumulation de sujets et de préoccupations) et des #surcharges_cognitives (liées aux changements récurrents de registres d’activité).

    - « L’université française s’écroulerait si nous ne consentions pas à faire un travail parfois considérable gratuitement ou presque. » (PU en langue et civilisation)

    L’#intensification_du_travail qui passe par un accroissement du travail invisible, ou plus justement invisibilisé, des EC, implique des débordements fréquents de leur vie professionnelle sur leur #vie_personnelle (aussi bien du point de vue du temps que de celui des lieux). Ce phénomène a été aggravé par l’usage d’outils (téléphone mobile, micro-ordinateur, tablette) et de dispositifs techniques (mails, réunions et cours à distance, remontées de datas, recherches sur le web) qui favorise le travail en tout lieu et à tout moment, et donc le brouillage des frontières entre travail et hors-travail.

    - « Je pense que tous les collègues font un peu comme moi, le temps d’écriture des articles est pris surtout sur le samedi et le dimanche, donc sur le temps personnel, en fait. Parfois, les conjoints ont du mal à s’y faire, mais moi non, mon conjoint est un chercheur. Globalement, on travaille tous les jours. Sinon, ça ne passe pas. Ou alors, on ne fait que de l’enseignement et on écrit un article par an. » (PU en histoire du droit en université).

    Le débordement temporel et spatial est un fait massif difficile à mesurer pour les EC car ceux-ci, comme tous les enseignants, ont toujours travaillé à la fois sur leur lieu de travail et à leur domicile ou en vacances (pour préparer des cours, corriger des copies et des mémoires, lire et écrire des travaux scientifiques, tenir des RV et réunions à distance).

    La porosité des frontières entre lieux de travail et de vie, entre temps de travail et hors-travail est ambivalente. D’un côté, elle permet aux EC de choisir où et quand ils travaillent, à l’inverse de la plupart des salariés. Cette souplesse d’organisation procure un sentiment de liberté, et une liberté réelle, qui facilite la conciliation entre obligations professionnelles et activités personnelles, domestiques, familiales. Mais, c’est aussi un piège qui met en péril la vie personnelle et familiale en impliquant une absence de limite aux temps et aux espaces consacrés au travail. Ce risque est d’autant plus grand que ce sont souvent les activités de recherche (à la fois les plus appréciées et les plus empêchées au quotidien) qui trouvent place en dehors des lieux et temps de travail. Beaucoup d’EC en viennent alors à accepter, voire à rechercher, ces débordements du travail pour retrouver le plaisir de faire ce qu’ils aiment dans un contexte plus favorable qu’au bureau (environnement calme et agréable) et à l’abri de sollicitations multiples (passages, appels téléphoniques, mails urgents, etc.). Ne peut-on évoquer ici une forme d’#aliénation, voire de « #servitude_volontaire » ? Cela rappelle ce que différentes enquêtes ont montré chez des cadres du secteur privé qui, en travaillant chez eux, y compris le soir, le week-end ou en congé, retrouvent comme ils le disent une « certaine continuité temporelle » et un « cadre spatial favorable à la #concentration ».

    - « Il faut avoir le #temps de faire sa recherche, on est dans une espèce de course à l’échalote permanente. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, je ne veux pas cracher dans la soupe, j’ai pu travailler sur ce que je veux, et après à moi de trouver de l’argent. Mais, c’est un métier où ça peut être très dangereux si on ne trouve pas son équilibre. Moi, ça m’a coûté certaines choses au niveau personnel [un divorce !] parce qu’il est arrivé un moment donné où je ne dormais plus la nuit parce que je voyais tout ce que je n’avais pas eu le temps de faire. J’ai eu besoin de faire un travail sur moi pour me ressaisir et me dire que si je n’avais pas fait ça ou ça, ce n’était pas si grave, personne n’est mort à cause de ça, on se détend. J’ai eu de la chance, j’ai refait ma vie avec quelqu’un qui est professeure des écoles donc avec un rythme peu différent ». (MCF en chimie en université).

    Les inégalités de prise en charge des tâches domestiques, familiales et éducatives entre femmes et hommes, auxquelles n’échappent pas les EC, conduisent à exposer de nombreuses EC à des difficultés spécifiques (contribuant aux inégalités de déroulement de carrière à leur détriment), d’autant que la façon d’exercer le métier, de gérer les relations avec les étudiants et de prendre des responsabilités est aussi marquée par des différences de genre.

    – « Cette intensification du temps de travail s’est encore accrue au moment de mon passage PU, avec certains moments de l’année où pour pouvoir conduire mon activité et honorer mes engagements professionnels, je dois sacrifier tous mes week-ends sur une longue période. […] Il me semble que cette intensification tient aussi à une division sexuée du travail présente dans nos composantes : nombre de mes collègues hommes ayant longtemps refusé de prendre des responsabilités, en tous les cas les responsabilités chronophages et peu qualifiantes dans les CV ». (MCF en communication).
    – « Les femmes sont plus touchées que les hommes car elles assument les responsabilités de care pour les étudiants mais aussi pour leurs proches descendants ou ascendants de manière très déséquilibrée par rapport aux hommes. La charge mentale des femmes EC est très lourde. Concilier maternité et ESR (et donc espérer voir évoluer sa carrière) est mission impossible sauf pour celles qui ont un conjoint ou un réseau personnel sur lesquels s’appuyer. L’explosion des publications émanant d’EC masculins pendant la pandémie en est un bon exemple ». (MCF en anglais).

    Ces débordements s’inscrivant dans un contexte de dégradation de la qualité du travail et des conditions de sa réalisation contribuent à nourrir un sentiment d’#insatisfaction. C’est aussi de la #désillusion et diverses #souffrances_morales mais aussi physiques qui découlent de cette combinaison mortifère entre surcharges, débordements et insatisfaction.

    - « Moi, j’ai beaucoup de désillusions sur mon métier. Beaucoup d’#amertume, en fait. […] Quand on est enseignant-chercheur, on démarre, on est à fond, on en veut, etc. On a plein d’envies, on a plein d’ambition, puis on arrive dans la réalité et on prend un gros coup dans la figure et ça t’arrête net. Parce qu’on te colle tout de suite une responsabilité. […] Et tout ça pour un salaire de m… ! […] Moi je trouve que former des gens comme on les forme pour faire ça, c’est du gâchis franchement. » (Vice-présidente d’une université en poste).

    Ce qui mine et fait mal, comme l’évoquent de nombreux EC quand ils décrivent l’évolution de leur métier, c’est en particulier l’impression de devoir travailler toujours plus avec toujours moins de moyens disponibles, et donc pour un résultat dégradé ; ils ont le sentiment d’un « #travail_empêché » (comme le nomme Yves Clot) parce qu’ils se sentent empêchés de faire un travail de qualité comme ils savent et voudraient le faire ; ils ont des doutes sur la réalité de ce qu’ils font par rapport à ce qu’ils attendent de leur travail et ce qu’ils pensent que doit être le #service_public.

    Beaucoup des EC interrogés durant l’enquête se demandent ce qu’est devenu leur travail, quel sens ils peuvent encore lui donner et quel avenir attend l’université (et plus largement l’ESR). Si la plupart acceptent que le cœur de leur métier dépasse largement les seules activités de base d’enseignement et de recherche, ils doutent de plus en plus de pouvoir faire ce métier, auquel ils sont attachés, dans les règles de l’art telles qu’ils les conçoivent, et en particulier avec l’attention requise et les résultats voulus.

    - « Je pense que le métier d’enseignant-chercheur au-delà des 35 heures, ce n’est pas trop quelque chose de nouveau. Un chercheur, je pense qu’il a toujours beaucoup travaillé le soir. Mais peut-être que maintenant, on n’arrive plus à trouver le temps de tout faire ce qu’on nous demande. Et peut-être que ça, c’est nouveau ». (PU en biologie en IUT).
    – « J’ai vraiment du mal à croire qu’on puisse faire les trois choses ensemble. C’est-à-dire à la fois avoir une activité de recherche de haut niveau, avoir un investissement dans l’enseignement qui permet, enfin selon le critère qui est le mien, de renouveler ses cours extrêmement régulièrement pour ne pas se répéter, et en plus avoir des fonctions administratives ». (MCF en histoire en université).

    Cela fait émerger des questions majeures : à quoi et à qui sert aujourd’hui le travail des EC ? Sont-ils en mesure de réaliser des enseignements et des recherches de qualité ? Que devient le service public de l’ESR ? Ces questionnements rejoignent les trois dimensions majeures du sens du travail énoncées : son utilité vis-à-vis de ses destinataires, le respect de leurs valeurs éthiques et professionnelles, et le développement de leurs capacités.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. » (MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).

    Les différentes évolutions que nous venons de décrire peuvent s’interpréter comme les signes d’un risque de #déprofessionnalisation, un processus à la fois lent et peu visible prenant la forme d’une remise en cause ce qui fonde leurs « gestes professionnels » et de leur #identité_professionnelle ». Ce dont on parle ici ne concerne pas seulement tel ou tel individu, mais le groupe professionnel des EC à travers trois aspects.

    Le premier élément est une déqualification liée au fait que les EC sont de plus en plus souvent chargés de tâches ne correspondant ni au contenu, ni au niveau de leurs savoirs et de leurs objectifs. La deuxième dimension concerne la perte d’#autonomie à rebours de la #liberté_académique et de l’autonomie affirmées dans les textes. Le troisième aspect est le sentiment massivement exprimé durant l’enquête de l’#inutilité d’une part croissante du travail réalisé par rapport à ce que les EC voudraient apporter à leurs étudiants, et plus largement à la société qui finance leurs salaires, ce qui touche au cœur de l’identité fondant leur profession.

    La managérialisation de l’ESR alimente ce risque de déprofessionnalisation en enrôlant les EC dans les évolutions de leur travail et de leurs conditions de travail qui leur déplaisent, en les conduisant à faire - et pour ceux qui ont des responsabilités à faire faire à leurs collègues - ce qui les fait souffrir et que, pour partie, ils désapprouvent. C’est sans doute une des réussites du NMP que d’obtenir cette mobilisation subjective, comme la nomme la sociologue Danièle Linhart.

    La question de la déprofessionnalisation des EC mérite sans aucun doute d’être approfondie en termes de causes, de manifestations et d’effets. En l’état actuel de l’analyse, c’est une hypothèse à creuser dans le cadre d’un questionnement sur les impacts - et l’efficience - des modes de gestion impulsés par le nouveau management public et la bureaucratisation néolibérale.

    Si cette enquête ne suffit évidemment pas à établir un diagnostic global sur la santé des EC, elle permet néanmoins de mettre à jour des réalités peu connues et alarmantes. Ainsi, le terme épuisement est souvent revenu : il est employé spontanément par 45 répondants au questionnaire (dont 31 femmes). Il est évoqué 10 fois en réponse à la question : « Rencontrez-vous ou avez-vous rencontré des difficultés pour concilier vos différents activités professionnelles (enseignement, recherche, tâches administratives) ? Si oui, lesquelles ? ». Le stress, lui, est explicitement abordé dans 35 réponses (29 femmes) sans compter celles qui parlent du stress des étudiants et des Biatss. 17 répondants (dont 13 femmes) parlent de burn-out. Dans 7 de ces 17 cas, les répondants témoignent de burn-out subi par eux-mêmes ou par un membre de leur équipe au cours des dernières années. Les autres évoquent le risque ou la peur d’en arriver là. Les deux verbatims suivants illustrent l’importance de cette question.

    – « Il y a 20 ans, les réunions pouvaient durer 1 heure, 1 heure et demie. Aujourd’hui, il n’y a pas une réunion du CHSCT qui dure moins de 3 ou 4 heures. Parce qu’il y a un nombre incroyable de remontées au niveau des enseignants-chercheurs. […] Dans notre département, il y a eu pas moins de trois burn-out cette année, avec des arrêts maladie, des demandes de collègues de se mettre à mi-temps. » (PU, élu CGT).
    – « Je pense qu’il faut faire très, très attention. On est sur un fil raide. Ça peut basculer d’un côté comme de l’autre. Et je pense qu’on doit arrêter un peu le rythme, les gens sont fatigués, épuisés, donc il faut qu’on trouve un moyen de minimiser un peu les appels à projets. C’est sur ça qu’on se bat. Les garder, mais en faire moins. […] Bien sûr qu’on manque de moyens et bien sûr qu’il faut qu’on fasse comprendre à notre fichu pays que l’enseignement supérieur et la recherche, c’est un investissement. Je crois à ça profondément. » (Présidente d’une université en poste au moment de l’entretien).

    Pour conclure

    La profession des EC ressent assez largement un #malaise mettant en cause leur activité, voire leur carrière. Face à cela, la plupart des réponses sont aujourd’hui individuelles, elles passent pour certains par différentes formes de #surengagement (débouchant parfois sur du #stress, des #dépressions ou du #burn-out), pour d’autres (et parfois les mêmes à d’autres moments de leur carrière) à des variantes de désengagement (vis-à-vis de certaines tâches) pouvant aller jusqu’à diverses voies d’Exit (mises en disponibilité, départs en retraite avant l’âge limite, démissions très difficiles à quantifier). Les solutions collectives ont été assez décrédibilisées, notamment après l’échec du mouvement anti-LRU. De nouvelles pistes restent à imaginer et à construire pour ne pas continuer à subir les méfaits de la néo-libéralisation de l’ESR et trouver des alternatives aux dégradations en cours.

    [1] La situation des MCF-PH et des PU-PH à la fois EC à l’université et praticiens en milieu hospitalier étant très particulière.

    [2] Les verbatims présentés dans cette communication sont extraits des réponses au questionnaire ou des entretiens.

    [3] Bezès P. (2012). « État, experts et savoirs néo-managériaux, les producteurs et diffuseur du New Public Management en France depuis les années 1970 », Actes de la recherche en Sciences Sociales, n° 3, p. 18.

    [4] La massification de l’accès au bac s’est traduite par une très forte hausse du nombre d’élèves et étudiants inscrits dans l’ESR. Sur les 4 dernière décennies, ce nombre a plus que doublé en passant d’un peu moins de 1,2 million (à la rentrée 1980) à près de 2,8 millions (à la rentrée 2020). Le nombre d’EC n’a pas suivi !

    [5] Les diplômes universitaires doivent désormais figurer dans le Répertoire national des certifications professionnelles (le RNCP) conçu dans la logique des compétences.

    [6] Bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé de l’enseignement supérieur.

    [7] En dépit des principes d’égalité professionnelle, les femmes sont infériorisées dans l’ESR. Parmi les MCF, seul le domaine droit, science politique, économie et gestion (DSPEG) est à parité avec 51% de femmes et 49% d’hommes. Les femmes sont sur-représentées (58%) en Lettres, Langues et Sciences humaines (LLSH) et sous-représentées (34%) en Sciences et Techniques (ST). Du côté des PU, les femmes sont 29% (contre 45% parmi les MCF) même si ce pourcentage a augmenté ces dernières années. Les femmes sont minoritaires parmi les PU dans les trois domaines, y compris là où elles sont majoritaires parmi les MCF : elles sont 36% en DSPEG, 45% en LLSH et 21% en ST. Et les écarts de statut ne sont pas les seules inégalités de genre entre EC.

    https://blogs.alternatives-economiques.fr/les-economistes-atterres/2025/06/17/crise-de-l-esr-contribution-2-la-profession-d-enseign
    #ESR #enseignement #recherche #new_public_management

  • #Procès #Sarkozy-Kadhafi : l’affaire des #tableaux de #Claude_Guéant, achetés par de l’#argent_libyen

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/20/proces-sarkozy-kadhafi-l-affaire-des-tableaux-de-claude-gueant-achetes-par-d

    Remboursé par de l’argent libyen
    En somme, une personne anonyme achète sur photo deux tableaux pour une somme colossale, sans réclamer d’évaluation, sans que le vendeur paie les droits, et sans que la femme de ménage des Guéant ait jamais vu les peintures. Le ministre envoie en Malaisie les certificats d’authentification, avec une lettre datée du 28 février 2008 dans une enveloppe datée du 27 ; le certificat de 1990, entrecoupé d’une page blanche, est signé par un certain Charles Canet, expert en mobilier. Le document de contrôle des changes de 1990 est truffé de fautes d’orthographe, et la facture est d’ailleurs en euros, alors que la monnaie européenne n’a commencé à circuler qu’en 1999.

    L’enquête, au vrai, est accablante. Les juges ont démontré que le compte saoudien d’un certain Khalid Ali Bugshan – la famille Bugshan est la cinquième fortune d’Arabie saoudite – avait viré 500 000 euros, le 27 février 2008, sur le compte de l’avocat malaisien, qui les avait fait suivre deux jours plus tard sur celui de Claude Guéant. Le même compte saoudien a, par l’intermédiaire d’un compte relais, permis à l’homme d’affaires franco-algérien Alexandre Djouhri de retirer 100 000 euros en espèces, le 2 avril 2009. L’avance faite par Khalid Bugshan a enfin été remboursée, le 25 mars 2010, par de l’argent libyen, par l’intermédiaire de trois comptes rebonds, à hauteur de 600 000 euros.

    Pour l’accusation, c’est Alexandre Djouhri qui était à la manœuvre, avec la complicité de son ami, le banquier franco-djiboutien Wahib Nacer, un cadre d’Indosuez, « la seule banque française présente en Arabie saoudite », explique fièrement le prévenu. M. Djouhri était au mieux avec la famille Bugshan, surtout le père, Cheikh Ali Bugshan, et avait la haute main sur leurs comptes bancaires. « Vous utilisiez ces comptes ? », demande le parquet. « Et alors ? C’est officiel, tranche l’homme d’affaires. Rien ne se faisait sans leur accord. »

    « Un malheureux hasard »
    « Et qu’est-ce que vous savez de ces tableaux ? », demande prudemment la présidente. « Absolument rien, répond Alexandre Djouhri. Je n’étais pas au courant que M. Guéant vendait des tableaux. » Pourtant, au cours d’une perquisition, les policiers ont trouvé un relevé d’identité bancaire de Claude Guéant dans le coffre de M. Djouhri, dont lui seul a la combinaison. Il a suggéré à mi-mot qu’une main indélicate avait ajouté le document dans les scellés. « C’est une accusation grave », observe la présidente. « Il y en aura d’autres, des accusations graves », réplique, sans se démonter, Alexandre Djouhri.

    Les policiers ont aussi trouvé chez lui un papier de Charles Canet, l’expert des tableaux, pour l’achat de fauteuils bergères. « Ce sont des experts qui travaillent tous ensemble », répond M. Djouhri. « C’est un malheureux hasard », propose la présidente. « Ben oui », répond-il. Autre hasard, le fait que son beau-père antiquaire vendait aussi des marines. M. Djouhri hausse les épaules : « Ça fait vingt-cinq ans que je ne lui parlais plus. » « Vous contestez avoir constitué cette série de faux ? », conclut la présidente. « Ben, évidemment », répond le prévenu.

    Il manque à l’audience l’avocat Sivajothi Rajendram, probablement mort depuis. Une de ses conversations avec Mohamed Aref, le beau-frère de Wahib Nacer, a été écoutée, le 27 mars 2015. « Ont-ils découvert quelque chose ou y a-t-il quelque chose à faire ? », demande l’avocat malaisien. « Non ! Ils n’ont rien découvert, ils n’ont rien découvert du tout, ils n’ont rien ! C’est des conneries », répond Mohamed Aref. Puis, s’enquiert le Malaisien, « ils ont trouvé le lien avec Kadhafi ? » « Oui, ils cherchent un lien avec Kadhafi, répond le beau-frère. Mais ils ne cherchent pas au bon endroit. »

    #Franck_Johannès

  • GUIDE D’ACCOMPAGNEMENT DU LIVRET « QUAND ON TE FAIT DU MAL »
    Dre Muriel SALMONA et Sokhna FALL

    Guide d’accompagnement
    https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/Guide-d-accompagnement-livret-Quand-on-te-fait-du-mal.pdf

    Le livret
    https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/2022-quand-on-te-fait-du-mal_ponti-memoire-traumatique-hdweb.pdf

    Ce livret de 28 pages « Quand on te fait du mal » écrit par Dre #Muriel_Salmona et #Sokhna_Fall, adapté et illustré par #Claude_Ponti, et distribué gratuitement par l’association Mémoire traumatique et victimologie, est destiné aux jeunes enfants de la maternelle au CE2 (voire au-delà).

    #enfance #violences #ressources

  • Au procès des financements libyens, Djouhri et Takieddine sur la sellette | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/210125/au-proces-des-financements-libyens-djouhri-et-takieddine-sur-la-sellette

    Alignés devant lui sur leurs chaises, Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et Claude Guéant se tiennent pensivement le visage ou les mains, tétanisés. Le déluge de gentillesse que déverse Alexandre Djouhri sur eux n’est pas simple à assumer. Les 59 visites de ce dernier à l’Élysée, non plus.

    [...]

    « Les services de renseignement se sont intéressés à vous..., relance la présidente Nathalie Gavarino.

    -- C’est normal ! Quand ils voient que vous êtes dans tel ou tel pays, ils vous approchent tout le temps. Ils vous demandent la température du pays... Moi, je suis un globe-trotter, j’ai été grand-père quatre fois. Je vais pas dire halte au bonheur. À l’attaque ! (Rires dans la salle.)

    -- M. Bousquet de Florian [l’ancien patron du renseignement intérieur – ndlr] a dit qu’il fallait se méfier des intermédiaires.

    -- Je réfute ce mot d’intermédiaire. J’ai toujours monté mes propres affaires. Je n’ai jamais été intermédiaire. Bousquet de Florian, je ne le connais pas. Il fait partie d’un lobby qui s’est opposé à moi. Il fait partie de ce lobby qui a voulu me mettre en état de mort civile. Je suis français ! Quand j’étais en prison à Londres, j’étais attaché par une chaîne de trois mètres, à poil. On m’a baladé à poil pendant six mois, avec six flics !

    -- M. Djouhri...

    -- Ils vous écartent le cul... Ils vous font lever la couille droite, et la couille gauche...

    -- M. Djouhri, il y a des éléments sur tout cela dans le dossier... »

    Le visage de Nicolas Sarkozy et de ses co-prévenus s’est figé un peu plus.

    [...]

    « C’est un faux repenti [Takieddine – ndlr], ce gars n’a aucune crédibilité, il faut être clair, lâche-t-il.

    -- Il dit que c’est vous qui avez commandité son agression sur l’île Moustique [victime d’un accident en 2004, Ziad Takieddine a soupçonné une agression – ndlr]...

    -- C’est Mick Jagger, lui ! Quel contentieux je peux avoir avec lui ? Je vous donne ma parole d’honneur que ce que je vous dis c’est la vérité. »

    [...]

    « Quand je suis rentré [à Paris – ndlr] j’ai regardé de façon plus précise sa situation judiciaire, déclare Claude Guéant. Il n’y avait qu’une seule voie, c’était de se présenter aux juges. Je me suis informé et c’est tout. Il n’y a pas eu la moindre intervention ou démarche auprès des autorités judiciaires. Il était hors de question que M. Senoussi soit traité en dehors du droit.

    -- Pourquoi vous vous renseignez ?, réagit Me Laure Heinich, avocate des parties civiles.

    -- Mon souhait, c’était d’en savoir un peu plus.

    -- Pour réduire à néant la décision de la cour d’appel de Paris ?

    -- Mon souci, c’était de m’informer, c’est tout.

    -- Vous vous considériez comme l’avocat de M. Senoussi ?

    -- Je souhaitais savoir comment les choses se présentaient.

    -- Vous demandez à qui ?

    -- Dans mon entourage... »

    #Croustillants_échanges ! #pop_corn

    • Un ministre chez le terroriste : l’invraisemblable Brice Hortefeux au procès Sarkozy-Kadhafi | #Mediapart

      https://www.mediapart.fr/journal/france/230125/un-ministre-chez-le-terroriste-l-invraisemblable-brice-hortefeux-au-proces

      Un ministre chez le terroriste : l’invraisemblable Brice Hortefeux au procès #Sarkozy-Kadhafi
      Brice Hortefeux a souffert à la barre du tribunal de Paris pour tenter d’offrir une explication rationnelle à sa rencontre secrète, en décembre 2005, avec le numéro deux du régime Kadhafi, #Abdallah_Senoussi, un terroriste condamné. Et un #corrupteur présumé, d’après l’accusation.

      Fabrice Arfi

      23 janvier 2025 à 07h52

      BriceBrice Hortefeux a raconté, mercredi 22 janvier, au tribunal de Paris qui le juge dans l’affaire des financements libyens, une sacrée histoire. Ce proche parmi les proches de Nicolas Sarkozy – son « grand ami », comme un « frère », avait dit de lui l’ancien président de la République lors d’une précédente audience – a dû s’expliquer pendant plus de trois heures, droit comme un I, la #mèche_blonde clairsemée et le #teint passant de la #cire à la #tomate, sur un obscur voyage qu’il a effectué en Libye, le 21 décembre 2005, en tant que ministre délégué aux collectivités territoriales françaises.

      Les dessous de ce voyage, Brice Hortefeux le sait, sont des plus embarrassants. Il a rencontré secrètement, ce jour-là, dans le dos de l’ambassade de France à Tripoli, mais en compagnie de l’agent de corruption présumé Ziad Takieddine, le numéro deux du régime libyen, Abdallah Senoussi, un homme pourtant condamné à la perpétuité et recherché par la France pour avoir organisé un attentat terroriste contre l’avion de ligne #DC-10 de la compagnie #UTA (170 morts).

      S’essayant tant bien que mal aux effets oratoires de Nicolas Sarkozy, qui le regarde quasiment sans discontinuer pendant toute sa déposition avec affection ou commisération – et peut-être un peu des deux –, Brice Hortefeux a fait preuve d’un aplomb déconcertant. L’audience a toutefois paru tourner au calvaire pour lui à mesure que les questions de la présidente, Nathalie Gavarino, des procureurs du PNF puis des avocat·es des parties civiles, se sont infiltrées dans les plis de son histoire ; il faut bien le dire, à dormir debout.

      Rien dans son récit n’a paru partir du bon pied. « Je n’étais pas demandeur de ce voyage [en Libye] », a d’abord dit Brice Hortefeux. Premier souci : des télégrammes diplomatiques exhumés durant l’enquête indiquent qu’il s’agissait pourtant d’une volonté française.

      Il a ajouté qu’il n’y avait, pour lui, « pas d’urgence » à se rendre là-bas, dans la foulée d’une visite de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, début octobre 2005. Deuxième souci : d’autres télégrammes diplomatiques suggèrent le contraire.

      Le sparadrap Takieddine 
      Brice Hortefeux est ensuite formel : Ziad Takieddine n’a joué « aucun rôle » dans l’organisation du déplacement. Troisième souci : le #PNF a fait converger plusieurs éléments matériels du dossier (des notes issues des archives numériques de Takieddine, des rendez-vous avec Hortefeux, des lettres échangées officiellement entre le cabinet Sarkozy et le régime libyen, etc.) qui « confirment le rôle de go-between de Takieddine » entre la France de Sarkozy et la Libye de Kadhafi.

      Takieddine, dont tous les prévenus veulent aujourd’hui se décoller à tout prix, est même au courant, avant l’ambassade de France, de certains changements d’emploi du temps du ministre délégué. « Ce n’est pas moi qui l’informais », peste Hortefeux, qui, confronté aux éléments, ne peut néanmoins les démentir tout à fait. Alors il les minimise, comme il avait tenté de minimiser précédemment sa grande proximité avec l’#intermédiaire.

      « Je n’étais qu’une touche en plus sur la palette d’une Libye souhaitant se rebâtir un mur de respectabilité », assure Hortefeux, qui trouve que l’on donne quand même beaucoup d’importance à son voyage.

      Pour certains, ce voyage n’avait surtout « pas grand sens ». Ce sont les mots utilisés par l’ambassadeur de France en Libye à l’époque, Jean-Luc Sibiude, qui a témoigné au procès il y a quelques jours. Un ancien attaché de sécurité intérieure à Tripoli, le commissaire de police Jean-Guy Pérès, a partagé des sentiments analogues devant le tribunal.

      Conscient des doutes émis sur la nature réelle de son voyage, Brice Hortefeux a pris un ton docte à la barre, paraissant réciter une leçon apprise par cœur sur les ersatz de collectivités locales en Libye, donnant des dates, noyant l’assistance d’acronymes, et s’essayant même à un exercice de géographie administrative comparée entre la Libye et le Maroc…

      Le #terroriste imprévu
      Et puis arrive le moment tant redouté : sa rencontre avec le terroriste Senoussi. « Je me suis retrouvé de manière totalement imprévue chez Senoussi », jure-t-il dans une première phrase, donnant le ton de ce qui va suivre.

      Brice Hortefeux va alors livrer un récit qu’il demande au tribunal de prendre pour argent comptant. « Au cours du dîner officiel [auquel il participe avec la délégation ministérielle, des représentants diplomatiques français et des responsables libyens – ndlr], un Libyen vient me voir pour me dire que je vais rencontrer une personnalité, un membre de la famille de Kadhafi. J’ai pensé que cela pouvait être Saïf al-Islam Kadhafi, le fils, qui était un peu la vitrine. »

      Et, à l’en-croire, « tout va très vite ». Il ne se renseigne pas plus. N’avertit personne de l’ambassade. Ne passe pas le moindre coup de fil, notamment au conseiller diplomatique du ministère de l’intérieur qui l’accompagne, David Martinon. Il disparaît, comme un magicien dans sa boîte, au nez et à la barbe de toutes les autorités françaises présentes au dîner, qui ne s’en inquiètent pas plus que cela au demeurant.

      Il monte alors dans la voiture des Libyens, sans savoir où il se rend, escorté par des policiers locaux. « C’est là que j’ai fait le rapprochement [avec l’attentat] », assure-t-il, sans expliquer précisément comment ni pourquoi il parvient à cette déduction. En attendant, il faut prendre la mesure de la scène décrite : on n’est pas loin du rapt d’un ministre par une puissance étrangère…

      Non, je n’en ai pas parlé à Nicolas Sarkozy.

      Brice Hortefeux sur sa rencontre secrète avec Senoussi
      Brice Hortefeux croit tout de même se souvenir que son officier de sécurité est avec lui. Mais celui-ci a dit le contraire durant l’enquête : « J’accompagnais M. Hortefeux dans tous ses déplacements, jamais je ne l’ai accompagné à une quelconque réunion ou rendez-vous de ce type. Il est bien évident, compte tenu de la nationalité que vous évoquez, que si tel avait été le cas je m’en souviendrais. Compte tenu de la personnalité de M. Hortefeux qui est quelqu’un d’assez craintif, je ne l’imagine absolument pas assister à un rendez-vous de la sorte sans je ne sois présent. »

      Confronté à ce démenti, le prévenu choisit la méthode Coué devant le tribunal, au risque de l’absurde : « C’est une confirmation de ce que je dis, Madame la présidente ! », s’exclame-t-il, avant d’ajouter dans une antiphrase : « Je ne vois pas pourquoi j’irais raconter autre chose que la vérité. »

      « Vous n’avez pas l’idée de faire marche arrière ? », le relance la présidente Gavarino. La question est suivie d’un long silence, épais. Hortefeux y met un terme : « Je comprends très bien la question. Nous sommes en 2025… L’approche n’est pas la même. À l’époque, j’étais un jeune ministre, un simple ministre délégué, pas un proche du président de la République [Jacques Chirac – ndlr]. Je ne me sentais pas investi d’une autorité suffisante pour créer un affront. Est-ce une erreur politique et morale ? bien sûr que oui… vu d’aujourd’hui. »

      Brice Hortefeux décrit ensuite une discussion de quarante minutes, « traduction comprise », au domicile de Senoussi. C’est Takieddine qui joue les interprètes. « M. Senoussi me parle de l’immigration et des frontières. La conversation s’est limitée à cela », déclare Hortefeux, manifestement pressé d’en finir.

      Mais ce n’est pas terminé. 

      « Quand vous rentrez à l’hôtel, dans quel état d’esprit êtes-vous ? », lui demande la présidente, qui essaie de s’inscrire dans la logique des mots du prévenu.

      -- J’ai compris que j’ai été piégé, répond Hortefeux.

      -- Vous avez été sidéré ?, poursuit la magistrate.

      -- Stupéfait, oui, dit le lieutenant de Sarkozy.

      -- Vous en avez parlé à Nicolas Sarkozy ?

      -- Non, je n’en ai pas parlé à Nicolas Sarkozy. C’est une attitude humaine, faillible. Quand on tombe dans un piège, on ne va pas s’en vanter, on ne va pas le crier sur tous les toits. D’autant qu’il ne s’est rien passé de grave pendant cette rencontre », affirme Hortefeux, qui paraît ne pas réaliser que, même si on doit accepter comme vraisemblable sa version, la rencontre d’un terroriste recherché par la France avec un ministre français est en soi un scandale.

      La #glissade
      Comment Brice Hortefeux réagit-il auprès de Takieddine pour lui signifier son mécontentement après le « piège », le « guet-apens » qui lui aurait été tendu par l’intermédiaire ? Il ne réagit pas, explique-t-il à la barre. Il n’appelle pas l’intermédiaire. Il ne lui dit juste… rien. Pas plus qu’il n’alerte l’ambassade après-coup.

      Un premier procureur du PNF s’accroche avec Hortefeux : « Je me demande si vous croyez vous-même à ce que vous dites. » Puis un second, patiemment, essaie de comprendre la logique du raisonnement du prévenu. Sans succès. À chaque invraisemblance ou contradiction relevée, Brice Hortefeux se mue en robot qui répète les mêmes éléments de langage à l’envi : « Je suis ici pour un supposé financement libyen et il n’y a pas eu de financement ! »

      « Est-ce que ce n’était pas un rendez-vous prévu, tout simplement ? », lâche finalement le procureur. Brice Hortefeux, de marbre : « Non, parce que si c’était prévu, je n’y serais pas allé. »

      La question était depuis belle lurette sur toutes les lèvres. Et pour cause : la « mésaventure » de Brice Hortefeux en Libye est tout sauf une nouveauté. Trois mois plus tôt, le directeur de cabinet de Sarkozy, #Claude_Guéant, avait lui aussi rencontré secrètement à Tripoli Senoussi, en la seule présence de Takieddine. Et lui aussi plaide aujourd’hui le « piège ». Et lui non plus n’en a pas parlé à Sarkozy après-coup. Comme il n’a pas définitivement coupé les ponts avec le machiavélique Takieddine.

      Voilà donc deux sommités françaises qui se retrouvent, à trois mois d’intervalle, au contact d’un terroriste condamné et recherché, et qui n’y trouvent strictement rien à redire. Il ne fait décidément pas bon être #sarkozyste en Libye. 

      « Est-ce que vous n’essayez pas de vous faire passer pour plus… naïf que vous ne l’êtes ? », demande à Hortefeux l’avocate de l’association #Anticor, Claire Josserand-Schmidt. « Candide, oui, pas #naïf », corrige le prévenu.

      « Ce moment, votre rencontre avec Senoussi, est une bascule », tente de solenniser l’avocate. Après Guéant la semaine dernière, c’est en effet un deuxième domino du jeu sarkozyste qui est sérieusement ébranlé au procès des financements libyens.

      Car si les deux rencontres avec l’infréquentable Senoussi n’étaient pas des pièges mais bien un rendez-vous secret, organisé, comme semble le penser l’accusation, que couvre le mensonge commun des deux plus proches collaborateurs de Sarkozy ?

      La réponse est peut-être à trouver dans les éléments du dossier d’instruction, sur lesquels le tribunal reviendra lors d’audiences ultérieures.

      La spontanéité, cinq ans après, en réponse à une question d’un journaliste, c’est long…

      Claire Josserand-Schmidt, avocate d’Anticor
      D’une part, Senoussi et Takieddine ont affirmé durant l’enquête que ces réunions étaient liées à des discussions sur le débouclage d’un financement occulte dans la perspective de la campagne présidentielle de Nicolas #Sarkozy. D’autre part, le voyage de Hortefeux en #Libye a, de fait, précédé de quelques jours le versement par le régime #Kadhafi de fonds, dont une partie s’est retrouvée sur un compte secret aux #Bahamas d’un proche de l’ancien président, #Thierry_Gaubert. Qui est aussi un intime de Brice Hortefeux. Et de #Takieddine.

      Dans les derniers instants de son audition, Brice Hortefeux essaye d’abattre sa dernière carte : « Je n’ai rien à cacher puisque c’est moi qui ai révélé spontanément ce rendez-vous avec Senoussi ! »

      C’est inexact, lui a rappelé #Claire_Josserand-Schmidt. Brice Hortefeux a parlé pour la première fois publiquement de ce rendez-vous à la suite d’un appel de Mediapart, le 27 avril 2012, à la veille de la révélation d’une note libyenne faisant état d’une réunion entre lui et… Abdallah Senoussi (à une autre date que le 21 décembre 2005). « J’ai répondu spontanément à la question d’un journaliste », se reprend Hortefeux, qui ne craint pas les acrobaties langagières. « La spontanéité, cinq ans après, en réponse à une question d’un journaliste, c’est long… », commente l’avocate.

      « De toute façon, cette réunion [avec #Senoussi] n’a eu aucune conséquence. Il ne s’est rien passé », a martelé #Hortefeux. Il termine sa journée comme un athlète fatigué qui a tenté l’escalade d’un mur de verre, mais sans prise. Inéluctablement, il glisse.

      Le procès se poursuit jeudi 23 janvier. 

      #Fabric_Arfi

    • Saïf al-Islam Kadhafi sort de son silence et réitère ses accusations contre Nicolas Sarkozy
      https://rfi.my/BL4f

      ► Pourquoi et comment Saïf al-Islam Kadhafi a répondu à RFI par écrit ? Saïf al-Islam Kadhafi a répondu à nos questions et nos demandes de précisions par écrit, au travers d’une personne de confiance de son entourage. Il n’a pas voulu utiliser directement de ligne téléphonique internationale qui permettrait de le localiser. Son entourage affirme qu’il a très peu confiance dans les médias. Après plusieurs demandes de RFI, il a finalement accepté de s’exprimer dans le contexte de l’ouverture du procès. RFI a pu vérifier son identité. C’est la première fois depuis 2011 qu’il s’exprime dans un média sur l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007

      repris par France24 https://f24.my/AtA2

  • À BAS LA CULOTTE OU À BAS LA CALOTTE ? par Claude Semal 02 octobre 2024

    J’ai regardé le numéro zéro de « Drag King » à la RTBiesse, avec le vieil illuminé en robe de mariée dans son handimobile transparente.

    Beaucoup de figurants, mais quels dialogues ! M’étonnerait qu’ils arrivent à boucler la Saison One.

    Le « pitch » était pourtant alléchant.


    Le Pape François (le vieux en dentelles qui se prend vraiment pour le pape) arrivait tout auréolé de deux encycliques sous les bras.


    Ça sentait un peu la transpi et le séminariste argentin, mais enfin, ça dépoussiérait la catéchèse, ça dégageait les synapses et les sinus.


    L’une : Laudato Si, une invitation à respecter la nature – une vraie petite bible pour écologistes.

    L’autre : Fratelli Tutti, une sympathique exhortation à la fraternité, l’antiracisme et à l’anticapitalisme – presque du Mélenchon dans le texte.

    Seulement voilà. Le problème avec les grands délirants, en ligne directe avec le Grand Manitou, c’est que tu ne sais jamais ce qu’ils vont te raconter demain. Ni ce qu’ils ont bu ou fumé la veille.


    Et comme c’est « dieu » qui les inspire, ne t’avise pas de dire le contraire. Où Satan t’habite. Tous frères, peut-être, mais pas toutes sœurs. Faut pas exagérer.

    François s’appelle en fait Jorge Mario Bergoglio. 
Chez les papes, c’est un peu comme chez les scouts. On reçoit son totem en même temps que sa calotte blanche. Après, on peut s’habiller en robe avec des bagues de rock-star et un chapeau de Saint-Nicolas. C’est vachement sympa.

    Mais arrivé au stade de football « Roi Baudouin » (le célèbre inventeur de l’Interruption Volontaire de Royauté), avec le fan-club papal installé dans les gradins, et une ronde d’enfants de chœurs prête à sucer l’hostie sur la pelouse,

    Source et suite : https://www.asymptomatique.be/a-bas-la-culotte-ou-a-bas-la-calotte-par-claude-semal
    #pape #Belgique #hygiène #enfants #Femmes #catholicisme #religions #claude_semal #en_vedette

  • Dans une enquête hors norme publiée le mois dernier dans Libération, le journaliste Willy Le Devin met à jour un groupe pédocriminel composé de plusieurs intellectuels français mis en cause pour des crimes sexuels commis durant plusieurs années sur des enfants. La fille adoptive de l’un d’entre eux, Inès Chatin, témoigne pour la première fois à visage découvert et livre un récit terrifiant des sévices sexuels subis entre ses 4 et 13 ans.

    C’est l’une des enquêtes les plus marquantes de l’année et pourtant, peu de médias s’en sont fait l’écho. À commencer par nous. On n’essaiera pas de se trouver d’excuse mais on avancera l’hypothèse d’une lecture physiquement et émotionnellement si éprouvante que l’on a préféré durant plusieurs jours la repousser au lendemain.

    https://www.lesinrocks.com/cheek/les-hommes-de-la-rue-du-bac-cette-affaire-incarne-la-complaisance-du-mil
    #leshommes_de_la_rue_du_bac

  • Les hommes de la rue du Bac : des faits glaçants et un récit à visage découvert – Libération
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/editorial/les-hommes-de-la-rue-du-bac-des-faits-glacants-et-un-recit-a-visage-decou
    https://www.liberation.fr/resizer/uKbwj-6JSGX5Iy4XG_6F-ZEkwc0=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(1498x1488:1508x1498)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/GHHGOAJDJZGNNGZVG22Z77BBQ4.jpg

    Mais cette histoire a aussi un lieu, le triangle du VIIe arrondissement de Paris où le pouvoir politique, culturel et médiatique régnait dans une totale impunité. « Jusqu’au dernier moment, j’ai pensé ne pas y arriver », nous dit Inès Chatin de son audition, qui fait aujourd’hui partie d’un dossier judiciaire de centaines de pages documentant l’univers pédocriminel de la rue du Bac, dans un somptueux appartement acheté à la famille d’Ormesson par le docteur Jean-François Lemaire, l’homme qui livra entre autres ses enfants adoptifs, dans des séances sordides dont la mise en scène cauchemardesque n’a d’égal que l’infâme sadisme, à l’écrivain Gabriel Matzneff et ses amis. « Si l’adolescent sait qu’il se soumet à des règles condamnées par la société mais qui apportent finalement une certaine jouissance, euh pourquoi pas ? » expliquera froidement le docteur Lemaire à sa fille adoptive, que Matzneff surnommait « ma petite chose exotique ». Eu égard à l’extrême violence des scènes rapportées par Inès Chatin, il a été convenu, avec elle et ses avocats, de ne pas en rapporter certaines à la première personne du singulier. Libération publiera donc dans les jours à venir son récit, et s’appuiera sur le dossier judiciaire, pour raconter ces faits glaçants qui témoignent de la cruauté de ces hommes de pouvoir, et du courage de la femme qui leur a survécu. Et qui parle aujourd’hui.

    #viols_collectifs #pédocriminalité #matzneff #mephitis #germanopratins

    #Jean-François_Lemaire
    #Claude_Imbert
    #Jean-François_Revel
    #académie_française
    #le_point

  • Mckay 100 ans après
    https://www.mckay100ans.com

    100 ans après son séjour en France (1923-1928), l’œuvre et la pensée de Claude McKay reviennent en force :

    Artistes, éditeurs, producteurs, réalisateurs et universitaires s’allient pour faire ressurgir cette voix centenaire d’une éclatante modernité.

    Précurseur de la Harlem Renaissance et du mouvement de la Négritude, c’est à Marseille que le poète jamaïcain trouva son inspiration romanesque et devint l’un des pères de l’éveil de la conscience Noire. Editions inédites, film, spectacle, actions culturelles innovantes, lectures musicales, conférences et colloques… Le mouvement s’attèle à la valorisation de l’œuvre de l’auteur et à la production de créations qui font résonner sa pensée aujourd’hui.

    Biographie et liens
    https://en.m.wikipedia.org/wiki/Claude_McKay

    https://www.marxists.org/archive/mckay/index.htm

    Banjo, a story without a plot
    https://archive.org/details/banjostorywitho00mcka/page/n3/mode/1up

    Le roman Romance in Marseille n’a pas encore été publié en ligne. Il y a une version Kindle payante alors que le texte original est libre de droits.

    #Claude_McKay #Marseille #littérature #bordel

  • Invitation au voyage - Claude McKay à Marseille / Jamaïque / Valladolid
    https://www.arte.tv/fr/videos/115571-052-A/invitation-au-voyage

    Marseille, bordel merveilleux de Claude McKay
    Claude McKay, écrivain précurseur du siècle dernier, a fait à Marseille une déclaration d’amour comme un uppercut. Quand il débarque dans la ville en 1924, le Jamaïcain est déjà un poète reconnu aux États-Unis. Considéré comme l’un des inspirateurs de la Négritude, Claude McKay est aussi un libre-penseur. Le poète vagabond échoue à Marseille, malade et en quête de repos. Il se laisse bien vite embarquer dans l’atmosphère bouillonnante de ce port et en tire deux romans : Romance in Marseille, sorti de l’oubli et publié en 2020, et Banjo, un roman social et jazzy à la modernité détonante.

    #Claude_McKay #Marseille #littérature #bordel

  • L’ex-catcheur de foire Claude Villers est mort
    https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2023/12/17/claude-villers-journaliste-et-homme-de-radio-est-mort_6206333_3382.html

    Figure de France Inter pendant quarante ans, l’animateur du « Tribunal des flagrants délires » et de « Marche ou rêve » est mort à l’âge de 79 ans

    (...) A la rentrée de 1965, naît le « Pop Club » de José Artur, émission culte, à laquelle Claude Villers participe de manière permanente. Il s’y exprime pour la première fois au micro dans des reportages en direct et remplace à l’occasion « le patron ». « Avec José Artur, j’ai appris la liberté », dira-t-il dans son autobiographie Parole de rêveur (Editions le Pré aux Clercs-France Inter, 2004).
    La douche froide
    Après avoir volé de ses propres ailes le temps d’un été dans sa première émission, il voit la rentrée 1967 tourner à la douche froide. Peu psychologue (et surtout peu visionnaire !), un conseiller de la direction de la station lui assène dans un couloir : « Je suis au regret de te le dire mais tu ne feras jamais de micro. Tu ne sais pas t’exprimer, tu ne sais pas respirer… Tu parles du nez… Tu n’as pas ta place à l’antenne. » Laminé, Claude Villers décide de prendre le large et part s’installer avec sa compagne de l’époque aux Etats-Unis.
    A New York, il renoue d’abord avec la presse écrite, couvrant pour des magazines français l’effervescente scène culturelle et musicale de l’époque, de Bob Dylan au Grateful Dead. Puis, il est embauché au bureau new-yorkais de l’ORTF, sous la direction de Jacques Sallebert. Il sillonne pendant trois ans l’Amérique du Nord, relatant les premières révoltes étudiantes en 1968, l’assassinat de Martin Luther King, le festival de Woodstock en 1969…

  • Nécro(techno)logie : Claude Lorius n’a rien vu en Antarctique
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article1831

    Toujours en librairie : Le Règne machinal (la crise sanitaire et au-delà). Voir ici

    Le glaciologue Claude Lorius est mort le 21 mars. Nous ne sommes pas du genre à gifler les cadavres, comme le firent les surréalistes à la mort d’Anatole France en 1924. Quoique la main vous démange à la lecture de la presse éplorée. Le Figaro salue le « pionnier de la climatologie moderne », Le Daubé le « lanceur d’alerte précoce », Libération le « géant des glaces », Le Monde le « héros légendaire ». Qu’a donc fait Claude Lorius (à part mourir) pour mériter de telles louanges ? Il a établi, en 1987, le lien entre la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère et l’évolution climatique. D’un point de vue scientifique, s’entend. Ses études ont vérifié les observations des montagnards : « ils ont détraqué les saisons ». Ce (...)

    #Nécrotechnologies
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/lorius_n_a_rien_vu.pdf

    • Lorius prétend nous livrer la cause du désastre en reprenant le terme d’Anthropocène, forgé au début des années 80 par le biologiste Eugène Stoermer. Celui-ci le popularise en 2002 dans un article de Nature corédigé avec Paul Crutzen, prix Nobel de Chimie 1995. Pardon de rabâcher, mais les nécrologies servent aussi à ça. Stoermer et Crutzen ne font pas remonter les causes du bouleversement géo-climatique à l’apparition de l’anthropos – à « l’ère des humains », comme le prétend Lorius - voici trois millions d’années, ni même à l’émergence du capitalisme. Ils situent le début de cette ère en 1784, année du perfectionnement de la machine à vapeur11 . C’est-à-dire le début de l’usage des énergies fossiles : la révolution thermo-industrielle. Leur terme englobant d’Anthropocène est abusif et commode pour dissimuler la vraie rupture, celle du Technocène. La société industrielle, motorisée par les progrès technoscientifiques, a détruit les équilibres climatiques et écologiques. Point.

      […]

      Remonter à la racine des maux signifie regarder en arrière. Les causes, par définition, sont dans le passé. Lorius le savait bien, qui lisait dans ses carottes de glaces polaires les différentes étapes des dégâts industriels sur notre biotope. Mais ses conclusions, 30 ans plus tard, étaient celles d’un aveugle : « Comment encourager la croissance qui est nécessaire, en respectant l’environnement ?14 »
      La croissance de quoi ? Des températures ? Du niveau des mers ? De la sécheresse ? Bref, Lorius n’avait rien vu dans l’Antarctique. C’était bien la peine d’aller si loin et de brûler tant de kérosène.
      Il est trop tard pour les glaciers. Et pour nous, simples anthropoïdes ?

      #anthropocène #capitalocène #technocène #climat #réchauffement_climatique #écologie #technocratie #Grenoble #science #recherche #Claude_Lorius #glaciers

    • Finalement, les héros légendaires sont des scientifiques comme les autres.

      Oui, et la connaissance de la nature ne garantit pas d’avoir des idées politiques particulièrement intéressantes.

      Qu’a donc fait Claude Lorius (à part mourir) pour mériter de telles louanges ? Il a établi, en 1987, le lien entre la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère et l’évolution climatique. D’un point de vue scientifique, s’entend. Ses études ont vérifié les observations des montagnards : « ils ont détraqué les saisons ». Ce que chacun constatait en levant le nez,

      D’un point de vue scientifique… Quel autre point de vue y aurait-il ? Le montagnard qui lève son nez a-t-il accès à des centaines de milliers d’années d’évolution du climat ? Renifle-t-il des concentrations de co2 ? Sa peau sent-elle des augmentations moyennes de température sur le globe ? Ses oreilles détectent-elles des changements d’orbite de la Terre ?

  • Anatomie de l’État radicalisé. Entretien avec #Claude_Serfati
    https://www.contretemps.eu/anatomie-etat-radicalisation-autoritaire-entretien-serfati

    Depuis le début des années 1960, la direction générale de l’Armement (DGA), le bras industriel du ministère des Armées, explique que la France doit exporter un-tiers de sa production d’#armes pour que son coût soit économiquement supportable pour le budget de l’Etat. La dépendance aux ventes d’armes est donc structurellement inscrite dans le modèle français d’armement.

    Sur le plan extérieur, cette addiction aux ventes d’armes oriente la diplomatie de la France vers la quête incessante de clients, sans égard pour leur utilisation contre les populations. Elle nécessite également un interventionnisme militaire afin que les #guerres menées par la France servent de salon d’exposition en grandeur réelle de la qualité des systèmes d’armes produits par les industriels (combat-proven, se félicitent les industriels).

    Sur le plan intérieur, la centralité du militaire exige toujours plus de budget militaire. Il s’élevait à 33 milliards d’euros en 2017 et se situera à 60 milliards par an avec la prochaine loi de programmation militaire (#LPM). De tels niveaux de dépenses exercent des effets de préemption de ressources financières et de personnel qualifié considérables, ils produisent une diversion des priorités car les autres secteurs industriels sont négligés.

    En somme, la production d’armes a des effets globalement négatifs sur le système productif français, elle affaiblit les performances des industries civiles (sauf l’aéronautique) sur le marché mondial et surtout européen. La perte de compétitivité de l’#industrie française est générale, on en trouve un indice dans la hausse vertigineuse du déficit de la balance commerciale. Je consacre un chapitre de mon ouvrage à la catastrophe industrielle liée à la production d’armes.

    Avec le déclin du levier économique, le statut international de la France se dégrade et la recherche de pays clients pour les armes françaises devient plus obsédante. Les ressources financières massives manquent pour d’autres utilisations. Les dépenses sociales sont bien sûr sacrifiées : un arbitrage est fait entre produire des armes ou recruter des enseignants et des soignants. Sur le plan politique, le doublement des dépenses militaires en moins de dix ans est possible grâce au consensus droite-gauche au nom du « rang » de la France dans le monde.

    La mobilisation contre les menaces extérieures est également dirigée contre celles et ceux qui remettent en cause ce consensus. Cet amalgame entre les menaces de l’extérieur et de l’intérieur trouve son apogée dans la loi votée en France en 2022 qui s’appelait initialement « continuum de sécurité globale ». Du Sahel à Saint-Denis en somme. Un tel agenda provoque une radicalisation militaire à l’étranger et sécuritaire en France où les oppositions à l’union nationale sur le militaire seront qualifiées de « séparatistes ». Tel est le sens du message adressé par E. Macron dans ses vœux aux armées présenté le 20 janvier 2023 : il faut « entretenir l’appui mutuel entre les armées et les forces de sécurité intérieure et forces de sécurité civile pour toujours mieux répondre aux crises, sanitaires ou climatiques, par exemple », mais d’autres exemples de crise viennent vite à l’esprit….

    La France n’est certes pas le seul pays occidental à comprimer les droits et libertés, mais elle est le seul dont l’interaction entre le militaire (à l’extérieur) et le sécuritaire (à l’intérieur) soit aussi forte.

    Dans quelle mesure la France peut être considéré comme un pays impérialiste à part entière ? Elle se caractérise par une forte présence militaire en « Indopacifique » et en Afrique mais vous montrez aussi que son activité dépend d’un soutien matériel important des Etats-Unis…

    Merci de soulever la question de l’#impérialisme, car c’est une question d’actualité. Il va falloir d’autant plus y répondre que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait resurgir le terme d’impérialisme et que les actes impérialistes provoquent un rejet de la population, au point que Macron s’en serve concernant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qualifiant ce pays d’impérialiste. En fait, il est d’accord pour utiliser le terme à condition que l’impérialisme soit slave et qu’il vise une conquête territoriale. Son analyse est bien sûr irrecevable.

    Venons-en donc au fond. L’impérialisme est une structure de domination de l’espace mondial par quelques grands pays mais il définit également des pratiques nationales différenciées. Des pays en dominent d’autres, ils peuvent ainsi capter les richesses produites par le travail et piller les ressources offertes par la nature. Les matières premières étaient déjà un enjeu crucial au début du 20e siècle, mais aujourd’hui, elles sont un enjeu géopolitique encore plus important. En effet, la destruction accélérée de l’environnement et la quête frénétique de ressources naturelles souligne à quelle catastrophe le capitalisme conduit l’humanité.

    Des indicateurs de capacités militaires et de performances économiques aident à rendre compte de l’impérialisme. À titre d’exemple concernant la France, on peut citer sur le plan militaire, l’importance du budget des #armées, son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, qui repose sur la détention de l’arme nucléaire, et sa participation à des opérations militaires extérieures grâce à son corps expéditionnaire. Sur le plan économique on dispose de quelques éléments, tels que les flux de revenus du capital enregistrés par les balances des paiements. Ces flux de revenus sont principalement constitués par les profits rapatriés des multinationales grâce à leurs investissements à l’étranger (Investissements directs à l’étranger, IDE), par les revenus bancaires et les revenus de la propriété intellectuelle. Ces trois composantes indiquent le degré d’oppression financière.

    En 2021, les actionnaires ont ainsi rapatrié en France plus de 60 milliards d’euros de dividendes, intérêts et royalties, c’est une forme de tribut que le « reste du monde » paie au capitalisme français. Cela prend des aspects concrets, comme les multinationales qui s’implantent dans les pays du Sud pour tirer avantage des coûts salariaux, l’octroi de crédits bancaires et obligataires qui saignent les peuples, comme Rosa Luxemburg l’avait déjà analysé il y a un siècle. L’oppression financière de l’impérialisme analysée par les marxistes au début du 20e siècle continue (Lénine qualifiait d’ailleurs la France de capitalisme rentier).

    [...]

    Ensuite, l’impérialisme créé une interdépendance économique et politique. Les pays dominants sont des concurrents économiques et des rivaux politiques et militaires. Ils partagent toutefois un intérêt commun à la défense de la propriété privée capitaliste – les mêmes politiques en faveur du capital sont menées dans les pays dominants – et à la préservation de leur domination. À titre d’exemple, les 5 membres permanents du Conseil de sécurité ont publié un communiqué commun dénonçant le traité d’interdiction des armes nucléaires (#TIAN) voté aux Nations-Unies et qui est entré en vigueur en 2021.

    Enfin, l’impérialisme contemporain est une structure de domination hiérarchisée. Au début du 20e siècle, les rivalités inter-impérialistes pour le partage du monde opposaient des pays qui avaient des niveaux de développement comparable. Néanmoins, les théoriciens marxistes de l’impérialisme parlaient de « semi-impérialisme », de « semi-colonies » (Argentine, Turquie, Égypte, etc.). Cependant, la hiérarchie était moins différenciée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Une série de pays aspirent à un rôle majeur dans l’espace mondial ou régional (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Turquie, …) et sont qualifiés par certains marxistes du terme un peu flou de « sous-impérialisme ».

    Dans l’impérialisme contemporain, les Etats-Unis forment seuls le 1er cercle. La France se trouve dans le second cercle en compagnie de pays qui font des utilisations souvent différentes de leur mix performances économiques/capacités militaires qui forgent leur statut de pays impérialiste. Par exemple, l’Allemagne et la Russie sont situés aux antipodes. L’Allemagne s’appuie essentiellement sur sa puissance industrielle, la Russie sur ses capacités militaires.