• Covid-19 : la surveillance des eaux usées intégrée aux indicateurs épidémiques
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/05/covid-19-la-surveillance-des-eaux-usees-integree-aux-indicateurs-epidemiques

    Dans la boîte à outils de SPF pour la surveillance du virus, Sum’Eau va rejoindre trois autres indicateurs employés de longue date : les passages aux urgences et les hospitalisations rapportés par le réseau Oscour, les signalements émanant des associations SOS médecins, et le réseau Sentinelles qui fait remonter les cas signalés par des médecins libéraux.
    Dès le début de la pandémie, des chercheurs ont exploré la possibilité de suivre la circulation du SARS-CoV-2 à partir de la présence du virus dans les selles humaines et donc dans les eaux usées. La France a fait partie des pays pionniers en la matière, avec le réseau de chercheurs Obépine qui a publié des données entre l’été 2020 et le printemps 2022, issues de 200 stations d’épuration représentant 40 % des Français. Des membres d’Obépine ont d’ailleurs participé à la conception de Sum’Eau.

    Le système de surveillance repose à ce stade sur les prélèvements réalisés dans douze stations d’épuration en France métropolitaine, soit une par région à l’exception de la Corse, « sélectionnées sur des critères de population et de représentativité territoriale », selon SPF. A plus long terme, « nous avons identifié une centaine de stations qui seraient intéressantes à suivre », précise Damien Mouly, le coordinateur national de Sum’Eau.
    Les prélèvements hebdomadaires sont transmis au laboratoire d’hydrologie de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à Nancy. SPF précise que des « travaux exploratoires » sont en cours pour évaluer la possibilité de séquencer les virus trouvés dans les eaux usées de manière à y distinguer les différents variants en circulation, avec de « premiers résultats concluants ».

    « Système multi-sources »

    Les trois indicateurs publiés jusqu’à présent par SPF sont liés à l’examen clinique. De fait, ils ne peuvent rien dire des personnes asymptomatiques ou de celles qui pensent avoir contracté le Covid mais ne se font pas tester. Ce public, en revanche, est capté par l’analyse des eaux usées. En termes plus triviaux : si toutes les personnes infectées ne sont pas systématiquement dépistées, toutes, en revanche, passent régulièrement aux toilettes. « Cette indépendance par rapport aux comportements de dépistage ou à l’accès au soin est très intéressante », selon Caroline Semaille, la directrice générale de SPF.

    L’analyse des eaux usées ne peut cependant donner aucune information sur l’âge ou le sexe des personnes contaminées, et ne renseigne pas davantage sur la forme sévère ou non de la maladie. Il n’est donc aucunement question qu’elle remplace les autres indicateurs, selon Bruno Coignard, directeur de la division des maladies infectieuses de SPF, qui souligne les vertus du « système multi-sources » actuel « qui permet d’explorer les différentes caractéristiques d’une épidémie ».
    Vincent Maréchal, professeur de virologie à la Sorbonne et l’un des principaux artisans d’Obépine, se félicite de l’annonce de SPF, tout en appelant à ne pas trop demander à l’approche qu’il a popularisée. Selon lui, en l’état actuel des connaissances, un volume connu de virus dans les eaux usées ne permet pas de se faire une idée du nombre de personnes contaminées, car on ne sait pas quelle quantité de virus est excrétée par chaque malade en fonction de l’âge, du variant contracté, du statut vaccinal… « En trois ans, nous avons essayé de monter sur le sujet cinq études au moins avec des cliniciens, et des projets de collaboration », rappelle M. Maréchal, sans résultat probant à ce stade. Le chercheur souligne toutefois l’intérêt des #eaux_usées pour la surveillance des tendances de l’épidémie, à un coût beaucoup plus faible que le dépistage en population réelle.

    #Covid-19

  • Attention, une semaine après la réouverture des écoles avec absolument zéro mesure de protection, le nombre de contaminations explose chez les enfants. Mais ça n’a rien à voir…

    Covid-19 : avec 16.000 nouveaux cas par jour, la contamination des moins de 10 ans en nette hausse
    https://www.europe1.fr/sante/covid-19-avec-16000-nouveaux-cas-par-jour-la-contamination-des-moins-de-10-a

    Le Covid-19 n’a pas encore dit son dernier mot. Notamment chez les enfants de moins de 10 ans. La contamination de cette tranche d’âge a augmenté de 30% par rapport à la semaine dernière et le taux d’incidence a lui, bondi de 39%. Alors que l’on pourrait imaginer un rôle prépondérant de la rentrée dans ces chiffres, les médecins penchent pour d’autres explications.

    Alors « les médecins » dans l’article, c’est « un médecin », et c’est Robert Cohen qui penche pour « d’autres explications », c’est le mec qui a signé toutes les tribunes de la SFP minisant la contamination des enfants depuis le début de la pandémie, et intervient régulièrement dans l’Heure des pros de Pascal Praud sur CNews.

    On a même droit à « un phénomène dit de rattrapage » trop mignon.

    • Hier à la réunion du collège pour les 3e, la directrice a fièrement présenté le nouveau « protocole sanitaire », en claironnant « il y a tout de même une bonne nouvelle, c’est que désormais le collège ne passera plus en distanciel ».

      Alors madame, le collège n’est jamais passé en distanciel. À part deux trois profs qui ont improvisé quelques séances de visio avec les moyens du bord, visiblement sans grande préparation au niveau du collège, les autres cours et exercices qui arrivaient par tous les canaux possibles et imaginables dans la plus pure désorganisation, la prof de math qui nous avait engueulé parce qu’on lui avait envoyé le devoir de math alors qu’il fallait juste s’« autocorriger », etc., non, il n’y a déjà jamais eu de distanciel.

      En revanche, la dernière fois quand le collège est fièrement resté ouvert en pleine vague, on avait entre 3 et 7 gamins absents chaque semaine, tout le monde a donc fait son covid à tour de rôle, c’est génial le collège n’était pas en distanciel, il n’y a jamais rien eu de sérieux pour permettre aux gamins absents de rattraper les cours (puisque les profs étaient de toute façon occupés avec leurs classes en live), et même on se cognait des contrôles de lendemain du retour en classe sans sourciller…

      Nous comme on a beaucoup gardé la gamine à la maison par précaution, alors que les classes ne fermaient jamais, même quand il y avait 5 gamins absents le lundi pour cause de covid, parce qu’il n’y avait plus aucun protocole sérieux, des classes pas vraiment aérées et le port du masque en mode portnawak, hé ben elle en a bien chié à essayer de récupérer les cours sur les copines et rigoureusement aucun support ni sur Ecole directe, ni sur Classroom… Et finalement devant le massacre on a décidé de la remettre au collège, et elle a été testée positive au bout d’une semaine, donc retour à la maison, avec toujours aucun support du collège qui continue les cours en mode « on avance on avance ».

      Mais youpi c’était déjà pas en distanciel.

    • De Bio_Saiyan (biologiste) médical sur l’Oiseau Bleu :

      Discussion avec une IDE d’un labo du département voisin : explosion des cas COVID dans les classes... et l’école a inventé son protocole :
      – on arrête de tester à partir de 7 cas dans une classe (??)
      – mais les positifs ne reviennent qu’avec un test nég (?!)

      J’en. ai. marre.

      Pour mettre les choses au clair : il y a un refus (comme chaque été !!) d’aborder la question COVID en milieu scolaire à la fois par @Sante_Gouv
      et par @education_gouv
      .
      Comme c’était prévisible, le virus n’a pas disparu par magie, et c’est le bordel.

      Dans son épitaphe, le conseil scientifique avait abordé ce sujet (même dans le cadre du « vivre avec »)👇
      Et non, ne pas vouloir gérer un problème, c’est du niveau de mon N1 qui me cache une mauvaise note en croyant que ça ne se verrait pas (ça marche pô)

      https://twitter.com/SaiyanBio/status/1569959022744465409

  • La Macronie récompense ses héros. Aujourd’hui, le ministère de la santé décore la présidente de la société française de pédiatrie.

    Décret du 13 juillet 2022 portant promotion et nomination dans l’ordre national de la Légion d’honneur
    https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046045274

    Ministère de la santé et de la prévention
    Au grade de chevalier

    […]

    Mme Gras-Le Guen, née Gras (Christèle, Florence, Jacqueline), professeur des universités-praticien hospitalier, cheffe du service de pédiatrie générale et des urgences pédiatriques d’un centre hospitalier universitaire ; 31 ans de services.

    • Elle met un gros panneau : Passe sanitaire obligatoire.
      Puis elle fait un contrôle visuel des QR Code montrés et elle laisse rentrer.
      Au besoin, elle demande à des gamins de passer le mot aux personnes qui hésitent pour rentrer qu’il suffit de montrer un QR code quelconque pour pouvoir rentrer... :-))

      Comme Macron. Yakaosé

      Notons que cette méthode « visuelle » permet de refuser les pass qu’on considérerait invalide si les personnes sont trop tatouées ou trop basanées... c’est plutôt pratique.

    • Pfff... mais ils se seront authentiquement montrés criminels de bout en bout décidément...

      Et pour eux, ces efforts continus, par ce biais, ces articles de lois leur permettront de justifier que les masques n’ont jamais été utiles, car la preuve, on l’écrivait dans les textes de loi... et on ne pourra donc jamais les poursuivre en justice pour ce qu’ils ont fait en mars 2020. Parce que telle est leur unique préoccupation quand ils écrivent cet article IV.

    • Plus de 18 000 nouvelles contamination pour la journée d’hier (contre à peine 5 000 pour lundi) : ce doit être les retardataires du WE qui viennent de se faire enregistrer.
      A mon avis, il va falloir contrôler les contrôleur·euses.

      A l’AN, Véran fait sa grosse voix devant les dépité·es qui prennent des têtes à caler les roues de corbillards pour la circonstance.
      "Oui, nous une « arme » (on fait rien qu’à être en guerre) : la vaccination
      Oui, nous avons des vaccins, etc... Véran mouille la chemise et en appelle à la « responsabilité collective ».
      https://www.youtube.com/watch?v=zYpzqPXkuxU

      Par contre, les vacciné·es ne seront plus obligé·es de se déclarer cas contact, elles ou ils pourront même tomber le masque dans les lieux où sont exigés les pass-sanitaires ... Est-ce bien raisonnables ? Réponse des scientifiques : non !
      https://www.ledauphine.com/sante/2021/07/20/fallait-il-supprimer-le-masque-a-l-interieur-dans-les-lieux-soumis-au-pa

      Publication du 13/07 (soit il y a une semaine)

      « Nous pourrons bientôt tomber le masque »
      Si ce précieux sésame permettra bientôt d’entrer dans des lieux recevant du public, il pourrait aussi accorder le droit de ne plus porter un masque sur le visage. « Nous pourrons bientôt tomber le masque, c’est le principe du pass sanitaire », a affirmé Olivier Véran. « Nous pourrons progressivement lever la contrainte dans toutes les enceintes » où l’accès est conditionné au pass sanitaire, a précisé le ministre.

      https://www.lci.fr/sante/covid-19-pass-sanitaire-fin-du-port-du-masque-vaccination-les-precisions-d-olivi

      Mais aussi (aujourd’hui, 17 h 30)

      Dans le Doubs, des rendez-vous de première dose de vaccins bloqués
      Une notice interne de l’Agence Régionale de Santé de Bourgogne-Franche-Comté, que s’est procuré L’Est Républicain, a été transmise lundi aux responsables de centres de vaccinations du Doubs. Il est demandé « d’appliquer d’urgence » de nouvelles consignes suite à un « incident majeur au niveau national ». La principale : ne plus prendre de nouveau rendez-vous pour l’injection d’une première dose. L’ARS nuance le propos, expliquant qu’on a simplement rebasculé dans « une logique de flux tendus ».

      https://www.ledauphine.com/sante/2021/07/20/covid-19-la-france-dans-une-quatrieme-vague-retour-du-masque-en-exterieu

      Il y a quand même un « invariant » dans toute cette #cagade, c’est cette compulsion gouvernementale à vouloir communiquer ... « quoiqu’il en coûte ».

    • L’un des soucis c’est que les PCR sont négatifs lors de la période d’incubation, celle de la plus haute contagiosité, avec un variant qui aurait une charge virale plus de mille fois supérieur aux précédents.
      L’autre problème, sur lequel se focalise l’attention (...) c’est le fait qu’à peine 10% des pfizerisés complets puissent être « porteurs sains », tout en étant moins contagieux que si ils n’étaient pas vaccinés (on a déjà des théories du complot sur cette mesure d’une insondable bêtise sur le plan sanitaire : « ils veulent que les vaccinés nous contamient pour mieux imposer la vaccination », position qui déforme la réalité qui est qu’effectivement, ils ne comptent que sur une vaccination... qu’ils ne se donnent pas les moyens de mettre en oeuvre).

      À ce stade, Véran n’est pas plus médecin que Raoult.

      Sinon, ce variant delta très hautement contagieux modifie ce qu’était l’effet dose qui déterminait l’existence des contaminations. Donc je me demande plutôt à quel point le masque devient davantage nécessaire que par le passé à l’extérieur (ça reste très approximatif, si vous trouvez des éléments là-dessus, je suis très intéressé !)

      #passe_sanitaire #passoire #covidiots #masques

    • @SaiyanBio
      https://twitter.com/SaiyanBio/status/1417510602650574849

      La fille (17 ans) d’une technicienne passe nous voir :
      Homme travaillant dans le secteur de la santé« -comment ça se passe pour les vacances ? Vous pouvez aller en #boîte ? »
      Femme« -C’était galère, mais on a un pote vacciné, on a tous recopié son QR code »
      Sa mère était rouge de honte
      #thereallife les amis
      (Et QRcode sans CNI)

      @cil_vie_
      https://twitter.com/cil_vie_/status/1417469752943992832

      J ai demandé à la sécu de l ’hopital Bichat (où je suis traitée tous les 15 jours pour un cancer ) comment ça allait se passer à partir de demain : passe pas passe .. et ben ils n en savent rien encore .. il m a dit " on en parle bcp mais 0 instruction ..

      Mauvais film, et mauvais plan :
      @gforestier
      https://twitter.com/gforestier/status/1417593740806561792

      Premier ciné depuis 18 mois, merci @AAstierOff pour #KaamelottPremierVolet qui a ravi le fan de votre oeuvre que je suis.
      Par contre gardez bien vos masques au ciné, CO2 à 2227 en fin de séance
      Pour rappel il faut viser ~700/800 max #COVIDisAirborne

      #Films_clusters #clusters

    • Covid-19 : les cas contact vaccinés seront exemptés d’isolement en cas de test négatif
      Les personnes vaccinées et testées positives, elles, resteront soumises à un isolement obligatoire de dix jours.

      https://www.leparisien.fr/societe/sante/covid-19-les-cas-contact-vaccines-seront-exemptes-disolement-obligatoire-

      En cas de non-respect de la règle, les personnes infectées risquent une amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros. En principe, la loi indique qu’elles pourront être contrôlées à domicile par les forces de l’ordre entre 8 heures et 10 heures, et midi et 23 heures. Reste un hic : la faisabilité de la mesure sur le terrain. Contrôler régulièrement des milliers, voire des dizaines de milliers de cas positifs pour les policiers et gendarmes, « c’est matériellement impossible », réagit Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers.

      Nous devons exigé absolument que les poulets fassent leur travail et aillent en masse faire ces contrôles à domiciles chez ces dizaines de millions de personnes positives au covid, sans masque, sans vaccin.

    • n° 1 au téléchargement en ce moment, et de loin, sur l’App Store, comme sur Google Play

      ‎TousAntiCovid Verif dans l’App Store
      https://apps.apple.com/fr/app/tousanticovid-verif/id1562303493

      NOTA BENE :
      « L’usage de l’application TousAntiCovid Verif est réservée aux personnes habilitées et services autorisés dans le cadre de la Loi de Sortie de l’Etat d’Urgence Sanitaire du 2 juin 2021, article 1 et ses décrets d’application.

      Vous pouvez vérifier si vous êtes éligibles à l’utilisation de cette application en vous référant au texte de loi disponible à cette adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000043426698

      que dit ladite loi ? suivons le lien…

      LOI n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire - Légifrance
      https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043567200

      E. - Un décret détermine, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les modalités d’application du présent II, notamment les personnes, ainsi que leurs modalités d’habilitation, et services autorisés à contrôler ces documents au titre des 1° et 2° du A, ainsi que les conditions dans lesquelles les systèmes d’information constitués au sein des Etats membres de l’Union européenne sont reconnus comme supports de présentation des documents mentionnés au premier alinéa du B.

      cherchons donc le décret…
      Décret n° 2021-955 du 19 juillet 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire - Légifrance
      https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043806125

      Aucun élément ne décrit qui peut contrôler, il faut donc se rapporter au décret initial que le décret du 19/07 modifie :

      Article 1
      Les IIà IV de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021 susvisé sont remplacés par les dispositions suivantes :
      [… rien sur le contrôle et ses modalités]

      et donc, on y est ! :

      Décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire - Légifrance
      https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000043575238

      II.-Les justificatifs mentionnés au I peuvent être présentés sous format papier ou numérique, enregistré sur l’application mobile “ TousAntiCovid ” ou tout autre support numérique au choix de la personne concernée.

      Sont autorisés à contrôler ces justificatifs, dans les seuls cas prévus au A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 susvisée, et dans la limite de ce qui est nécessaire au contrôle des déplacements et de l’accès aux lieux, établissements ou évènements mentionnés par ce A :
      1° Les exploitants de services de transport de voyageurs ;
      2° Les personnes chargées du contrôle sanitaire aux frontières ;
      3° Les responsables des lieux et établissements ou les organisateurs des évènements dont l’accès est subordonné à leur présentation en application du présent décret ;
      4° Les agents de contrôle habilités à constater les infractions prévues à l’article L. 3136-1 du code de la santé publique.

      Les personnes mentionnées aux 1° à 3° du présent II habilitent nommément les personnes autorisées à contrôler les justificatifs pour leur compte, selon les modalités décrites au III du présent article. Elles tiennent un registre détaillant les personnes ainsi habilitées et la date de leur habilitation, ainsi que les jours et horaires des contrôles effectués par ces personnes.

      III.-La lecture des justificatifs par les personnes mentionnées au II est réalisée au moyen d’une application mobile dénommée “ TousAntiCovid Vérif ”, mise en œuvre par le ministre chargé de la santé (direction générale de la santé). Elle permet à ces personnes de lire les noms, prénoms et date de naissance de la personne concernée par le justificatif, ainsi qu’un résultat positif ou négatif de détention d’un justificatif conforme, établi conformément aux dispositions de l’article 2-2.

      Les données mentionnées à l’alinéa précédent ne sont pas conservées sur l’application “ TousAntiCovid Vérif ”. Elles ne sont traitées qu’une seule fois, lors de la lecture du justificatif.

      IV.-Les personnes mentionnées aux 1° à 3° du II sont préalablement informées des obligations qui leur incombent, notamment en matière de protection des données à caractère personnel. L’accès à l’application “ TousAntiCovid Vérif ” par les personnes habilitées nommément à contrôler les justificatifs est conditionné au consentement à ces obligations.

      Ces mêmes personnes mettent en place, à destination des personnes concernées par le contrôle des justificatifs mentionnés au I et sur le lieu dans lequel ce contrôle est effectué, une information appropriée et visible relative à ce contrôle.

      #triomphe_de_la_bureaucratie !

    • Tout est délirant dans cette affaire !

      Elles tiennent un registre détaillant les personnes ainsi habilitées et la date de leur habilitation, ainsi que les jours et horaires des contrôles effectués par ces personnes.

      Combien desdites personnes ne sont ne serait-ce qu’au courant de cette obligation ? Clairement, pas ma copine…

      Tous ces textes sont parcourus de vœux pieux sans aucun élément pratique d’application. Et qui ne trouveront pas le moindre bout du commencement d’une application concrète. Non mais : registre des personnes habilitées et mention de toutes leurs intervention de contrôle !!!

      Idem, l’accès à TAC Vérif est réservé aux personnes habilitées. Vaste rigolade !

      Dans le texte de loi (art. 1, IV), autre vœu pieux :

      Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

      Mais qu’est-ce que vient faire (et je suis poli…) cette phrase de pure comm’ dans une loi ?

      Et comment nos députés et sénateurs peuvent voter une telle débilité ?

    • Sur ce coup, je pense qu’on paie cette nouvelle lubie du nudge : plutôt qu’une obligation claire et nette, la nouvelle théorie très « comm’ » de la Macronie, c’est le nudge, présenté comme une innovation géniale, qui serait une super-maline incitation conçue par des markéteux-de-mes-deux.

      Du coup, pas d’obligation vaccinale pour la population générale, mais une incitation, qu’il faut évidemment rendre super-forte (pas juste peindre des escaliers en noir et en blanc pour inciter un certain pourcentage de gens à éviter l’escalator), et qui donc devient forcément totalement aberrante.

      Un peu comme si on avait décidé que la ceinture de sécurité, c’est vraiment l’axe central pour réduire le nombre de morts, mais on ne va pas la rendre obligatoire (c’est has been), on va faire du nudge super-convaincant pour obliger les gens à la mettre plus ou moins volontairement.

      Avec la ceinture obligatoire, c’est assez simple au final : tu mets des flics sur le bord de la route, des contrôles surprises, et évidemment, il faut mettre la ceinture tout le temps. Si tu décides qu’il faut juste « inciter » les gens, forcément tu vas mettre en place une usine à gaz complète : c’est pas obligatoire mais c’est indispensable, alors il faut légiférer non plus sur l’obligation générale, mais sur les cas particuliers où elle serait indispensable (disons : pour entrer dans une station-essence), et évidemment puisque tu ne peux plus demander aux flics de faire des contrôles inopinés (puisqu’en général ce n’est pas obligatoire), tu vas déléguer les contrôles pour juste les situations indispensables : et tu vas devoir déléguer d’une manière archi-compliquée l’autorité de l’État au pompiste. Et si délègues un pouvoir de contrôle et d’interdiction au pompiste, alors par respect pour la démocratie, il faut que ces pompistes-délégataires soient dûment identifiés. Etc.

      Et au final, non seulement tu as pondu un usine à gaz législative, en plus tu prends très ouvertement les gens pour des cons (ce qui est, fondamentalement, un des principes du nudge).

    • Jésus et Gabriel, sans doute, mais d’autres sont citées dans l’article

      Comptes de campagne : Macron et son image à plusieurs milliers d’euros - Le Parisien
      https://www.leparisien.fr/politique/comptes-de-campagne-macron-et-son-image-a-plusieurs-milliers-d-euros-09-0
      https://www.leparisien.fr/resizer/6DPYU8e8hzXtmT_Fj4AEtuBW05g=/1200x675/arc-anglerfish-eu-central-1-prod-leparisien.s3.amazonaws.com/public/A27EE3BDB6Q4D7KY2JXPP6E74Y.jpg
      Emmanuel Macron a bien, tout au long de sa campagne, soigné sa communication. Et son image.
      Illustration

      On le savait : Emmanuel Macron soigne son image. On peut désormais le chiffrer. Les comptes de campagne, consultés auprès de la CNCCFP, nous éclairent là-dessus.
      […]
      La CNCCFP a, en revanche, dit non aux coups de houppette numériques. Comme à cette facture rondelette de l’agence « Jésus et Gabriel » (11 190 euros les retouches photos), omniprésente pendant la campagne, que ce soit pour fabriquer 1 000 t-shirts (5 328 euros), produire le clip de campagne du premier tour de la présidentielle (152 297 euros) ou encore « conseiller » le candidat d’avril à décembre 2016 (103 500 euros).

      Et c’est loin d’être la seule structure en communication à avoir été mise à contribution. Steele & Holt, la société fondée par Sylvain Fort, désormais « plume » du président, a aussi facturé de telles prestations (43 200 euros le 7 décembre, 32 400 euros le 6 février…). Une kyrielle d’autres ont été sollicitées, comme Moa Consulting, Kailash, Yamm, sans que la Commission n’y trouve rien à redire.

    • Je pensait pas à ces deux là, plutot une grosse boite américaine de consulting, Johnson ou je sais plus mais manifestement Jupiter à beaucoup de notre argent à dépensé en d’agences de communication. Il y a en effet de bonnes raisons de croire que le conseil secret défense de Juiter est composé de nudgistes rolexophores.

  • #Transmission of #COVID-19 in 282 #clusters in Catalonia, Spain: a cohort study - The Lancet Infectious Diseases
    https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30985-3/abstract

    In our study, the viral load of index cases was a leading driver of SARS-CoV-2 transmission. The risk of symptomatic COVID-19 was strongly associated with the viral load of contacts at baseline and shortened the incubation time of COVID-19 in a dose-dependent manner.

    #contagiosité #charge_virale

  • Covid-19 : les clusters se multiplient dans les hôpitaux
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/02/05/la-multiplication-des-clusters-dans-les-hopitaux-etonne_6068893_3244.html

    Covid-19 : les clusters se multiplient dans les hôpitaux
    Plusieurs représentants du monde hospitalier appellent à vacciner au plus vite l’ensemble des professionnels de santé.

    Si les soignants sont fortement touchés par le Covid-19 depuis le début de l’épidémie, ces dernières semaines, les clusters intrahospitaliers se multiplient dans les établissements. Pas de chiffre à ce jour, pour établir une comparaison entre cette troisième vague avec celles de mars et de novembre 2020, mais un sentiment qui domine : « On est surpris qu’autant de clusters surviennent dans autant d’établissements au même moment », résume Thierry Godeau, à la tête de la conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement (CME) de centres hospitaliers.

    Compiègne, Dieppe, Arras, Le Havre, Niort… La liste s’allonge depuis le début de l’année, constate-t-il. Le Collectif inter-hôpitaux (CIH) cite encore Quimper, Menton, Créteil, Rennes ou Pau, dans un communiqué daté du 24 janvier dans lequel il s’alarme de voir des soignants « massivement contaminés ». « Nous n’avons pas d’explications, rapporte Thierry Godeau, praticien au centre hospitalier de La Rochelle, directement concerné, avec des clusters déclarés dans six services en quelques jours. On a fait appel à la cellule de l’agence régionale de santé qui travaille sur les infections associées aux soins, ils n’ont pas trouvé de réponse pour l’instant. » Dans son établissement, aucun cas de variant britannique, dont la contagiosité est plus forte, n’a été détecté à ce jour.

    « L’usure et la fatigue des personnels peuvent entrer en compte, mais ça ne peut se résumer à une question de pratique soignante, estime-t-il. Pas dans autant d’établissements, au même moment, en si peu de temps. » Du côté des centres hospitaliers universitaires (CHU), ce sont environ trois quarts des établissements qui font état d’au moins un cluster dans leurs murs, début février, d’après la conférence des présidents de CME, qui a fait le point sur la situation de 24 CHU (sur la trentaine existant dans le pays). Avec, en général, trois à cinq soignants touchés par cluster, mais jusqu’à 15 à 20 soignants dans quatre établissements.

    « Fatigant et compliqué »

    « Actuellement, le nombre de clusters est stable, ou en baisse. On ne constate pas l’explosion redoutée avec le variant, rassure François-René Pruvot, à la tête de la conférence des présidents de CME de CHU. Cela impacte l’activité des services, mais il n’y a pas d’hôpitaux qui rencontrent un blocage ou une interruption de l’activité. » Ce qui n’empêche pas les difficultés : « Ce sont des clusters perlés, qui s’éteignent dans un service, se rallument dans un autre, c’est fatigant et compliqué en termes d’organisation. »

    « Cela révèle en tout cas combien il est important de vacciner tous les soignants, reprend le docteur Thierry Godeau. On a raisonné dans cette campagne vaccinale en termes de risque individuel, en ciblant d’abord les plus âgés, mais on a oublié le risque sanitaire de se retrouver avec des établissements de santé paralysés. » Jusqu’à aujourd’hui, seuls les soignants de plus de 50 ans ou souffrant de comorbidités font partie des populations auxquelles la vaccination est ouverte.

    Lui et ses deux homologues des CHU et des centres hospitaliers spécialisés ont alerté, à la fin janvier, le ministre de la santé, Olivier Véran, dans une lettre commune, appelant à étendre au plus vite la vaccination à « l’ensemble des professionnels au contact des patients en commençant dès maintenant par ceux qui travaillent dans toutes les unités de soins ». Une demande formulée dans le même sens par le CIH : « Les doses vaccinales sont certes insuffisantes, mais le CIH rappelle qu’un hôpital sans soignants ou avec des soignants propagateurs de l’infection ne sera d’aucune utilité dans cette nouvelle vague. »
    L’arrivée d’un troisième vaccin, celui d’AstraZeneca, proposé à partir de samedi 6 février à l’ensemble des soignants, comme l’a annoncé le gouvernement jeudi 4 février, devrait répondre à ces interpellations. « On aurait souhaité que ce soit fait avant, mais on ne va pas polémiquer, dit Thierry Godeau. Maintenant, il faut foncer, on peut l’organiser très vite dans nos hôpitaux, il faut juste recevoir les doses. »

    #covid-19 #covid-19_nosocomiaux #hôpital #soignants #clusters #stratégie_vaccinale #vaccins

    • La seule variable explicative qui tienne un peu la route, c’est qu’on est en train de gravement sous-détecter le virus. En témoigne les chiffres stables alors que dès qu’on teste un bahut ou un hosto, c’est l’horreur, alors que les gus qui mesurent le virus dans les égouts paniquent (alors même qu’il a beaucoup plu ces derniers temps, ce qui dilue un peu).

      Pourquoi serions-nous en sous-détection  ?
      → Sous-test chez les gens qui en ont marre de perdre des jours de boulot (peut-être voir s’il y a des secteurs mal indemnisés en cas de quarantaine)
      → Sous-test institutionnalisé dans toute l’EN et chez les mineurs
      → Sous-test parce que les parents ne veulent plus perdre de journées de travail  : beaucoup de témoignages rapportent des enfants scolarisés alors que toute la famille se sait touchée
      → incapacité de voir les variants
      → fiabilité en baisse des tests à cause des variants
      → protocole non respecté sur des tests AG  : un négatif doit être suivi d’un PCR de confirmation
      → sous-suivi des cas contact
      → refus des tester les asymptomatiques (pas mal de cas rapportés)
      → Non reconnaissance de suspicion de covid à cause de la méconnaissance profonde de la diversité des symptômes  : toute la com’ tourne autour de 3 symptômes (fièvre, grosse fatigue, anosmie) + une complication (détresse respiratoire), alors qu’il y a au moins une bonne vingtaine de symptômes connus.
      → la sous-détection entraine logiquement des flambée nosocomiales  : on met en chambre double et en service ordinaire des gens covidés
      → maintien délibéré des malades au travail (personnel de santé 👍)
      → quarantaine délibérément trop courte pour les infectés… et même pas respectée. Le lycée de ma fille (où elle refuse de remettre les pieds malgré les menaces) a fermé mercredi l’internat et la cantine  : tout le personnel était contaminé. Ils rouvrent lundi. 🤦‍♀️

  • Sommes-nous encore une communauté ?

    « Il y a des étudiants fragiles qui se suicident », disait la ministre #Frédérique_Vidal le 2 janvier, une ministre et un gouvernement qui ne soutiennent ni les étudiants, ni l’université, ni la recherche. Et qui mettent des milliers de vies en danger. Publication d’un message aux collègues et étudiant.e.s de l’Université de Strasbourg, qui devient ici une lettre ouverte.

    Chères toutes, chers tous,

    Je tente de rompre un silence numérique intersidéral, tout en sachant que les regards se portent outre-atlantique …

    Cette journée du mercredi 6 janvier a été calamiteuse pour l’Université de Strasbourg. Elle a montré une fois de plus les graves conséquences des carences en moyens financiers, techniques et en personnels dans l’#enseignement_supérieur et la recherche, y compris dans les grandes universités dites de recherche intensive, qui communiquent sur leur excellent équipement et qui sont dans les faits sous-financées – tout comme les plus grands hôpitaux - et sont devenues des usines à fabriquer de la #souffrance et de la #précarité. Il faudra bien sûr identifier les causes précises de la panne informatique géante subie par toute la communauté universitaire de Strasbourg, alors que se tenaient de très nombreux examens à distance : voir ici 8https://www.dna.fr/education/2021/01/06/incident-reseau-durant-un-examen-partiel-etudiants-stresses-et-en-colere) ou là (https://www.francebleu.fr/infos/insolite/universite-de-strasbourg-une-panne-informatique-perturbe-les-examens-de-m).

    Nous avons été informés uniquement par facebook et twitter - je n’ai volontairement pas de comptes de cette nature et n’en aurai jamais, il me semble : je pratique très mal la pensée courte - et par sms. 50 000 sms, promet-on. Mais je n’ai rien reçu sur mon 06, bien que je sois secrétaire adjoint du CHSCT de cette université et que la bonne information des représentants des personnels du CHSCT dans une telle situation soit une obligation, la sécurité des personnels et des étudiants n’étant plus assurée : plus de téléphonie IP, plus de mail, plus aucun site internet actif pendant des heures et des heures. Et ce n’est peut-être pas totalement terminé à l’heure où je publie ce billet (15h).

    Il ne s’agit pas ici d’incriminer les agents de tel ou tel service, mais de faire le constat qu’une université ne peut pas fonctionner en étant sous-dotée et sous-administrée. Une fois de plus, la question qu’il convient de se poser n’est pas tant de savoir si l’université est calibrée pour le virage numérique qu’on veut lui faire prendre à tous les niveaux et à la vitesse grand V en profitant de la crise sanitaire (au profit des #GAFAM et de la #Fondation SFR_que soutient Frédérique Vidal pour booster l’accès aux data des étudiants), que de déterminer si des #examens à distance, des cours hybrides, l’indigestion de data ou de capsules vidéo ne dénaturent pas fondamentalement l’#enseignement et la relation pédagogique et ne sont pas vecteurs de multiples #inégalités, #difficultés et #souffrances, aussi bien pour les étudiants que pour les enseignants et les personnels.

    Ce sont donc des milliers d’étudiants (entre 2000 et 4000, davantage ?), déjà très inquiets, qui ont vu hier et encore aujourd’hui leur #stress exploser par l’impossibilité de passer des examens préparés, programmés de longue date et pour lesquels ils ont tenté de travailler depuis de longs mois, seuls ou accompagnés au gré des protocoles sanitaires variables, fluctuants et improvisés qu’un ministère incompétent ou sadique prend soin d’envoyer systématiquement à un moment qui en rendra l’application difficile, sinon impossible. Le stress des étudiant.e.s sera en conséquence encore plus élevé dans les jours et semaines qui viennent, pour la poursuite de leurs examens et pour la reprise des cours ce 18 janvier. De mon côté et par simple chance j’ai pu garantir hier après-midi la bonne tenue d’un examen de master à distance : je disposais de toutes les adresses mail personnelles des étudiants et j’ai pu envoyer le sujet et réceptionner les travaux dans les délais et dans les conditions qui avaient été fixées. Tout s’est bien passé. Mais qu’en sera-t-il pour les milliers d’autres étudiants auxquels on promet que l’incident « ne leur sera pas préjudiciable » ? Le #préjudice est là, et il est lourd.

    Mes questions sont aujourd’hui les suivantes : que fait-on en tant que personnels, enseignants, doctorants et étudiant.e.s (encore un peu) mobilisé.e.s contre la LPR, la loi sécurité globale, les réformes en cours, le fichage de nos opinions politiques, appartenances syndicales ou données de santé ? Que fait-on contre la folie du tout #numérique et contre les conséquences de la gestion calamiteuse de la pandémie ? Que fait-on en priorité pour les étudiants, les précaires et les collègues en grande difficulté et en souffrance ? Que fait-on pour éviter des tentatives de suicide d’étudiants qui se produisent en ce moment même dans plusieurs villes universitaires ? Et les tentatives de suicide de collègues ?

    Je n’ai pas de réponse. Je lance une bouteille à la mer, comme on dit. Et je ne suis pas même certain d’être encore en mesure d’agir collectivement avec vous dans les jours qui viennent tant j’ai la tête sous l’eau, comme beaucoup d’entre vous … Peut-être qu’il faudrait décider de s’arrêter complément. Arrêter la machine folle. Dire STOP : on s’arrête, on prend le temps de penser collectivement et de trouver des solutions. On commence à refonder. On se revoit physiquement et on revoit les étudiants à l’air libre, le plus vite possible, avant l’enfer du 3ème confinement.

    Nous sommes une #intelligence_collective. « Nous sommes l’Université », avons-nous écrit et dit, très souvent, pendant nos luttes, pour sauver ce qui reste de l’Université. Je me borne aujourd’hui à ces questions : Sommes-nous encore l’Université ? Sommes-nous encore une intelligence collective ? Que reste-t-il de notre #humanité dans un système qui broie l’humanité ? Sommes-nous encore une #communauté ?

    En 2012, j’ai écrit un texte dont je me souviens. Il avait pour titre « La communauté fragmentée ». Je crois que je pensais à Jean-Luc Nancy en écrivant ce texte, à la fois de circonstance et de réflexion. A 8 années de distance on voit la permanence des problèmes et leur vertigineuse accélération. Nous sommes aujourd’hui une communauté fragmentée dans une humanité fragmentée. Comment faire tenir ensemble ces fragments ? Comment rassembler les morceaux épars ? Comment réparer le vase ? Comment réinventer du commun ? Comment faire ou refaire communauté ?

    Je pose des questions. Je n’ai pas de réponse. Alors je transmets quelques informations. Je n’imaginais pas le faire avant une diffusion officielle aux composantes, mais vu les problèmes informatiques en cours, je prends sur moi de vous informer des avis adoptés à l’unanimité par le CHSCT qui s’est tenu ce 5 janvier. Ce n’est pas grand-chose, mais un avis de CHSCT a quand même une certaine force de contrainte pour la présidence. Il va falloir qu’ils suivent, en particulier sur le doublement des postes de médecins et de psychologues. Sinon on ne va pas les lâcher et on ira jusqu’au CHSCT ministériel.

    Je termine par l’ajout de notes et commentaires sur les propos de #Vidal sur France Culture le 2 janvier (https://www.franceculture.fr/emissions/politique/frederique-vidal-ministre-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherch

    ). Je voulais en faire un billet Mediapart mais j’ai été tellement écœuré que je n’ai pas eu la force. Il y est question des suicides d’étudiants. Il y a des phrases de Vidal qui sont indécentes. Elle a dit ceci : « Sur la question des suicides, d’abord ce sont des sujets multi-factoriels … On n’a pas d’augmentation massive du nombre de suicides constatée, mais il y a des étudiants fragiles qui se suicident ».

    Sur le réseau CHSCT national que j’évoquais à l’instant, il y a des alertes très sérieuses. Des CHSCT d’université sont saisis pour des TS d’étudiants. L’administrateur provisoire de l’Université de Strasbourg a bien confirmé ce 5 janvier que la promesse de Vidal de doubler les postes de psychologues dans les universités n’était actuellement suivi d’aucun moyen, d’aucun financement, d’aucun effet. Annonces mensongères et par conséquent criminelles ! Si c’est effectivement le cas et comme il y a des tentatives de suicides, il nous faudra tenir la ministre pour directement responsable. Et il faut le lui faire savoir tout de suite, à notre ministre "multi-factorielle" et grande pourvoyeuse de data, à défaut de postes et de moyens effectifs.

    Je vais transformer ce message en billet Mediapart. Car il faut bien comprendre ceci : nous n’avons plus le choix si on veut sauver des vies, il faut communiquer à l’extérieur, à toute la société. Ils n’ont peur que d’une seule chose : la communication. Ce dont ils vivent, qui est la moitié de leur infâme politique et dont ils croient tenir leur pouvoir : la #communication comme technique du #mensonge permanent. Pour commencer à ébranler leur système, il nous faut systématiquement retourner leur petite communication mensongère vulgairement encapsulée dans les media « mainstream" par un travail collectif et rigoureux d’établissement des faits, par une éthique de la #résistance et par une politique des sciences qui repose sur des savoirs et des enseignements critiques. Et j’y inclus bien sûr les savoirs citoyens.

    Notre liberté est dans nos démonstrations, dans nos mots et dans les rues, dans nos cris et sur les places s’il le faut, dans nos cours et nos recherches qui sont inséparables, dans nos créations individuelles et collectives, dans l’art et dans les sciences, dans nos corps et nos voix. Ils nous font la guerre avec des mensonges, des lois iniques, l’imposture du « en même temps » qui n’est que le masque d’un nouveau fascisme. Nous devons leur répondre par une guerre sans fin pour la #vérité et l’#intégrité, par la résistance de celles et ceux qui réinventent du commun. Au « en même temps », nous devons opposer ceci : "Nous n’avons plus le temps !". Ce sont des vies qu’il faut sauver. Le temps est sorti de ses gonds.

    Bon courage pour tout !

    Pascal

    PS : Avec son accord je publie ci-dessous la belle réponse que ma collègue Elsa Rambaud a faite à mon message sur la liste de mobilisation de l’Université de Strasbourg. Je l’en remercie. Je précise que la présente lettre ouverte a été légèrement amendée et complétée par rapport au message original. Conformément à celui-ci, j’y adjoins trois documents : la transcription commentée de l’entretien de Frédérique Vidal sur France Culture, les avis du CHSCT de l’Université de Strasbourg du 5 janvier 2021 et le courriel à tous les personnels de l’université de Valérie Robert, Directrice générale des services, et François Gauer, vice-président numérique. Nous y apprenons que c’est "le coeur" du système Osiris qui a été « affecté ». Il y a d’autres cœurs dont il faudra prendre soin … Nous avons besoin d’Isis... Soyons Isis, devenons Isis !

    –—

    Cher Pascal, cher-e-s toutes et tous,

    Merci de ce message.

    Pour ne pas s’habituer à l’inacceptable.

    Oui, tout ça est une horreur et, oui, le #distanciel dénature la #relation_pédagogique, en profondeur, et appauvrit le contenu même de ce qui est transmis. Nos fragilités institutionnelles soutiennent ce mouvement destructeur.

    Et pour avoir suivi les formations pédagogiques "innovantes" de l’IDIP l’an passé, je doute que la solution soit à rechercher de ce côté, sinon comme contre-modèle.

    Je n’ai pas plus de remèdes, seulement la conviction qu’il faut inventer vraiment autre chose : des cours dehors si on ne peut plus les faire dedans, de l’artisanat si la technique est contre nous, du voyage postal si nos yeux sont fatigués, du rigoureux qui déborde de la capsule, du ludique parce que l’ennui n’est pas un gage de sérieux et qu’on s’emmerde. Et que, non, tout ça n’est pas plus délirant que le réel actuel.

    Voilà, ça ne sert pas à grand-chose - mon mail- sinon quand même à ne pas laisser se perdre le tien dans ce silence numérique et peut-être à ne pas s’acomoder trop vite de ce qui nous arrive, beaucoup trop vite.

    Belle année à tous, résistante.

    Elsa

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/070121/sommes-nous-encore-une-communaute
    #étudiants #université #France #confinement #covid-19 #crise_sanitaire #santé_mentale #suicide #fragmentation

    • Vidal sur France Culture le 2 janvier :

      https://www.franceculture.fr/emissions/politique/frederique-vidal-ministre-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherch

      En podcast :

      http://rf.proxycast.org/d7f6a967-f502-4daf-adc4-2913774d1cf3/13955-02.01.2021-ITEMA_22529709-2021C29637S0002.mp3

      Titre d’un billet ironique à faire : « La ministre multi-factorielle et téléchargeable »

      Transcription et premiers commentaires.

      Reprise des enseignements en présence « de manière très progressive ».

      Dès le 4 janvier « Recenser les étudiants et les faire revenir par groupe de 10 et par convocation. » Comment, quand ?

      « Les enseignants sont à même d’identifier ceux qui sont en difficulté. » Comment ?

      « Le fait qu’on ait recruté 20 000 tuteurs supplémentaires en cette rentrée permet d’avoir des contacts avec les étudiants de première année, voir quels sont leur besoin pour décider ensuite comment on les fait revenir … simplement pour renouer un contact avec les équipes pédagogiques. » Mensonge. Ils ne sont pas encore recrutés. En 16:30 Vidal ose prétendre que ces emplois ont été créé dans les établissement au mois de décembre. Non, c’est faux.

      « 10 % des étudiants auraient pu bénéficier de TP. » Et 0,5% en SHS, Lettres, Art, Langues ?

      La seconde étape concernera tous les étudiants qu’on « essaiera de faire revenir une semaine sur deux pour les TD » à partir du 20 janvier.

      Concernant les étudiants : « souffrance psychologique très forte, … avec parfois une augmentation de 30 % des consultations »

      « Nous avons doublé les capacités de psychologues employés par les établissements ». Ah bon ?

      « Sur la question des suicides, d’abord ce sont des sujets multi-factoriels ». « On n’a pas d’augmentation massive du nombre de suicides constatée, mais il y a des étudiants fragiles qui se suicident ».

      « on recrute 1600 étudiants référents dans les présidences universitaires » (à 10 :30) « pour palier au problème de petits jobs ».

      « On a doublé le fond d’aide d’urgence. »

      « Nous avons-nous-même au niveau national passé des conventions avec la Fondation SFR … pour pouvoir donner aux étudiants la capacité de télécharger des data … », dit la ministre virtuelle. SFR permet certainement de télécharger une bouteille de lait numérique directement dans le frigo des étudiants. « Donner la capacité à télécharger des data » : Vidal le redira.

      L’angoisse de la ministre : « La priorité est de garantir la qualité des diplômes. Il ne faut pas qu’il y ait un doute qui s’installe sur la qualité des diplômés. »

      La solution est le contrôle continu, « le suivi semaine après semaine des étudiants » : « Ces contrôles continus qui donnent évidemment beaucoup de travail aux étudiants et les forcent à rester concentrés si je puis dire, l’objectif est là aussi. » Cette contrainte de rester concentré en permanence seul devant la lumière bleue de son écran, ne serait-elle pas en relation avec la souffrance psychologique reconnue par la ministre et avec le fait que « des étudiants fragiles se suicident » ?

    • Question posée par nombre d’étudiants non dépourvus d’expériences de lutte : puisque les tribunes et autres prises de position, les manifs rituelles et les « contre cours » ne suffisent pas, les profs et les chercheurs finiront-ils par faire grève ?

      Dit autrement, la « résistance » doit-elle et peut-elle être platonique ?

      Et si le suicide le plus massif et le plus terrible était dans l’évitement de ces questions ?

    • @colporteur : tes questions, évidemment, interrogent, m’interrogent, et interrogent tout le corps enseignant de la fac...
      « Les profs finiront-ils (et elles) pour faire grève ? »

      Réponse : Je ne pense pas.
      Les enseignant·es ont été massivement mobilisé·es l’année passée (il y a exactement un an). De ce que m’ont dit mes collègues ici à Grenoble : jamais ielles ont vu une telle mobilisation par le passé. Grèves, rétention des notes, et plein d’autres actions symboliques, médiatiques et concrètes. Les luttes portaient contre la #LPPR (aujourd’hui #LPR —> entérinée le matin du 26 décembre au Journal officiel !!!), contre les retraites, contres les violences policières, etc. etc.
      Cela n’a servi strictement à rien au niveau des « résultats » (rien, même pas les miettes).
      Les profs sont aussi très fatigué·es. J’ai plein de collègues qui vont mal, très mal.
      Les luttes de l’année passée ont été très dures, et il y a eu de très fortes tensions.
      On n’a pas la possibilité de se voir, de se croiser dans les couloirs, de manger ensemble. On est tou·tes chez nous en train de comprendre comment éviter que les étudiant·es lâchent.

      Je me pose tous les jours la question : quoi faire ? Comment faire ?

      L’université semble effriter sous nos pieds. En mille morceaux. Avec elle, les étudiant·es et les enseignant·es.

      Venant de Suisse, les grèves étudiantes, je ne connais pas. J’ai suivi le mouvement l’année passée, j’ai été même identifiée comme une des « meneuses du bal ». Je l’ai payé cher. Arrêt de travail en septembre. Mes collègues m’ont obligée à aller voir un médecin et m’ont personnellement accompagnée pour que je m’arrête pour de bon. Beaucoup de raisons à cela, mais c’était notamment dû à de fortes tensions avec, on va dire comme cela, « l’administration universitaire »... et les choses ont décidément empiré depuis les grèves.

      Personnellement, je continue à être mobilisée. Mais je ne crois pas à la confrontation directe et aux grèves.

      Le problème est de savoir : et alors, quelle stratégie ?

      Je ne sais pas. J’y pense. Mes collègues y pensent. Mais il y a un rouleau compresseur sur nos épaules. Difficile de trouver l’énergie, le temps et la sérénité pour penser à des alternatives.

      J’ai peut-être tort. Mais j’en suis là, aujourd’hui : détourner, passer dessous, passer derrière, éviter quand même de se faire écraser par le rouleau compresseur.
      Stratégie d’autodéfense féministe, j’ai un peu l’impression.

      Les discussions avec mes collègues et amiEs de Turquie et du Brésil me poussent à croire qu’il faut changer de stratégie. Et un mot d’ordre : « si on n’arrivera pas à changer le monde, au moins prenons soins de nous » (c’était le mot de la fin de la rencontre que j’avais organisée à Grenoble avec des chercheur·es de Turquie et du Brésil :
      https://www.pacte-grenoble.fr/actualites/universitaires-en-danger-journee-de-reflexion-et-de-solidarites-avec-

    • #Lettre d’un #étudiant : #exaspération, #résignation et #colère

      Bonjour,
      Je viens vers vous concernant un sujet et un contexte qui semblent progressivement se dessiner…
      Il s’agit du second semestre, et le passage en force (par « force » je veux dire : avec abstraction de tout débat avec les principaux acteur·ices concerné·es, post-contestations en 2019) de la loi LPR qui, il me semble, soulève une opposition d’ensemble de la part des syndicats enseignants universitaires (étant salarié, je suis sur la liste de diffusion de l’université).
      Aussi je viens vers vous concernant le deuxième semestre, qui risque de faire comme le premier : on commence en présentiel, puis on est reconfiné un mois et demi après. Bien entendu, je ne suis pas devin, mais la politique de ce gouvernement est assez facile à lire, je crois.
      Quelle opposition est possible, concrètement ? Car, loin d’aller dans des débats philosophiques, la solution d’urgence du numérique est certainement excusable, sauf lorsque cela tend à s’inscrire dans les mœurs et qu’elle ne questionne pas « l’après », mais qu’elle le conditionne. Or, je ne suis pas sûr qu’il soit sain d’envisager la transmission de savoirs d’une manière aussi arbitraire et insensée dans la durée, et qu’en l’absence de projet politique, cela semble devenir une réponse normée aux différentes crises prévues.
      J’ai la chance d’avoir un jardin, une maison, de l’espace, de pouvoir m’indigner de ceci car j’ai moins de contraintes, et de l’énergie mentale préservée de par un « capital culturel ». Ce n’est pas le cas d’autres, qui sont bloqué·es dans un 9 m2 depuis deux mois.
      Je ne veux pas me prononcer en le nom des autres étudiant·es, mais je peux affirmer que l’exaspération du distanciel et la validation de cette loi (ainsi que les autres, soyons francs) sont en train de soulever un dégoût assez fort. C’est très usant, d’être le dernier maillon d’une chaîne qui se dégrade, sous prétexte que « le distanciel fait l’affaire en attendant » alors même que rien n’est fait en profondeur pour améliorer le système de santé public, ni aucun, sinon l’inverse (l’on parle encore de réduction de lits en 2021 dans l’hôpital public). Je suis pour la solidarité nationale, mais celle-ci n’envisage aucune réciprocité. Et nous les « jeunes » sommes les bizus assumés du monde qui est en train de s’organiser.
      Et cela commence à peser sérieusement sur les promotions.

      (…)
      Je suis convaincu que personne n’apprécie la présente situation, comme j’ai l’impression qu’il n’y aura pas 36 000 occasions d’empêcher les dégradations générales du service public. Et je crains que, par l’acceptation de ce qui se passe, l’on avorte les seules options qu’il reste.
      Je suis désolé de ce message, d’exaspération, de résignation, de colère.

      J’ai choisi l’université française pour les valeurs qu’elle portait, pour la qualité de son enseignement, la force des valeurs qu’elle diffusait, la symbolique qu’elle portait sur la scène internationale et sa distance avec les branches professionnelles. Et j’ai l’impression que tout ce qui se passe nous condamne un peu plus, alors que la loi sécurité globale élève un peu plus la contestation, et que le gouvernement multiplie ses erreurs, en s’attaquant à trop de dossiers épineux en même temps. N’y a t’il pas un enjeu de convergence pour rendre efficace l’opposition et la proposition ?
      L’université n’est pas un bastion politique mais elle a de tout temps constitué un contre-pouvoir intellectuel se légitimant lors de dérives non-démocratiques, ou anti-sociales. Lorsqu’une autorité n’a que des positions dogmatiques, se soustrait de tout débat essentiel, d’acceptation de la différence (ce qui fait société !), n’est-il pas légitime de s’y opposer ?
      Nous, on se prend le climat, l’austérité qui arrive, la fragilisation de la sécu, des tafta, des lois sur le séparatisme, des policier·es décomplexé·es (minorité) qui tirent sur des innocents et sont couverts par des institutions qui ne jouent pas leur rôle arbitraire, on se fait insulter d’islamo-gauchistes sur les chaînes publiques parce qu’on porte certaines valeurs humanistes. J’avais à cœur de faire de la recherche car la science est ce qui nourrit l’évolution et garantit la transmission de la société, la rendant durable, je ne le souhaite plus. À quoi ça sert d’apprendre des notions de durabilité alors qu’on s’efforce de rendre la société la moins durable possible en pratique ?
      Que peut-on faire concrètement ? Ne nous laissez pas tomber, s’il vous plaît. Nous sommes et serons avec vous.
      Vous, enseignant·es, que vous le vouliez ou non êtes nos « modèles ». Les gens se calquent toujours sur leurs élites, sur leurs pairs.
      Vous êtes concerné·es aussi : les institutions vont commencer à faire la chasse aux sorcières dans les corpus universitaires si les dérives autoritaires se banalisent.

      L’orientation du débat public et la « fachisation » d’idéaux de société va inéluctablement faire en sorte que les enseignant·es soient en ligne de mire pour les valeurs qu’iels diffusent. C’est déjà en cours à la télé, des député·es banalisent ce discours.
      N’est-il pas du devoir des intellectuel·les d’élever le niveau du débat en portant des propositions ?
      Je ne suis pas syndiqué, pas engagé dans un parti, et je me sens libre de vous écrire ceci ; et je l’assumerai.
      Ce que je souhaite, c’est que l’on trouve un discours commun, motivant, pour que l’action puisse naître, collectivement et intelligemment : étudiant·es, et enseignant·es.
      Avec tout mon respect, fraternellement, et en considérant la difficile situation que vous-même vivez.

      Un étudiant en M1
      2 décembre 2020

      https://academia.hypotheses.org/29240

    • Des #vacataires au bord de la rupture se mettent en #grève

      Depuis le 23 novembre 2020, les vacataires en sociologie de l’#université_de_Bourgogne sont en #grève_illimitée. Ils et elles dénoncent les conditions de précarité dans lesquelles ils et elles travaillent, et demandent qu’un dialogue autour de ces problématiques soit enfin instaurer.

      Suite à leur communiqué, les enseignant·e·s–chercheur·e·s du département de sociologie ont décidé de leur apporter tout leur soutien.

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      Communiqué des vacataires en sociologie à l’université de Bourgogne au bord de la rupture

      Nous, docteur·es et doctorant·es, vacataires et contractuel.le.s au département de sociologie, prenons aujourd’hui la parole pour dire notre colère face aux dysfonctionnements structurels au sein de l’université de Bourgogne, qui nous mettent, nous et nos collègues titulaires, dans des situations ubuesques. Nous tirons la sonnette d’alarme !

      L’université de Bourgogne, comme tant d’autres universités en France, recourt aux vacataires et aux contractuel·les pour réaliser des missions pourtant pérennes. Ainsi, en termes d’enseignement, nous vacataires, assurons en moyenne 20 % des enseignements des formations de l’université de Bourgogne. Et au département de sociologie cette proportion grimpe à près de 30%.

      Le statut de vacataire est, à l’origine, pensé pour que des spécialistes, qui ne seraient pas enseignant·es-chercheur·ses à l’université, puissent venir effectuer quelques heures de cours dans leur domaine de spécialité. Cependant aujourd’hui ce statut est utilisé pour pallier le manque de postes, puisque sans nous, la continuité des formations ne peut être assurée : en comptant les vacations ainsi que les heures complémentaires imposées aux enseignants titularisés, ce sont en effet 46% des cours qui dépassent le cadre normal des services des enseignant-chercheurs. Nous sommes donc des rouages essentiel du fonctionnement de l’université.

      Doctorant·es (bien souvent non financé·es, notamment en Sciences Humaines et Sociales) et docteur·es sans postes, nous sommes payé·es deux fois dans l’année, nous commençons nos cours bien souvent plusieurs semaines (à plusieurs mois !) avant que nos contrats de travail soient effectivement signés. Nous sommes par ailleurs rémunéré·es à l’heure de cours effectuée, ce qui, lorsqu’on prend en compte le temps de préparation des enseignements et le temps de corrections des copies, donne une rémunération en dessous du SMIC horaire1.

      Au delà de nos situations personnelles, bien souvent complexes, nous constatons tous les jours les difficultés de nos collègues titulaires, qui tentent de « faire tourner » l’université avec des ressources toujours plus limitées, et en faisant face aux injonctions contradictoires de l’administration, la surcharge de travail qu’induit le nombre croissant d’étudiant·es et les tâches ingrates à laquelle oblige l’indigne sélection mise en place par Parcoursup ! Sans compter, aujourd’hui, les charges administratives qui s’alourdissent tout particulièrement avec la situation sanitaire actuelle. Nous sommes contraint·es d’adapter les modalités d’enseignement, sans matériel et sans moyens supplémentaires, et dans des situations d’incertitudes absolues sur l’évolution de la situation. Nous sommes toutes et tous au maximum de nos services et heures complémentaires et supplémentaires, à tel point que, quand l’un·e ou l’autre doit s’absenter pour quelques raisons que ce soit, nos équipes sont au bord de l’effondrement ! Et nous ne disons rien ici du sens perdu de notre travail : ce sentiment de participer à un vrai service public de l’enseignement supérieur gratuit et ouvert à toutes et tous, systématiquement saboté par les réformes en cours du lycée et de l’ESR !

      C’est pour ces raisons, et face au manque de réponse de la part de l’administration, que nous avons pris la difficile décision d’entamer un mouvement de grève illimité à partir du lundi 23 novembre 2020 à 8 h. Ce mouvement prendra fin lorsqu’un dialogue nous sera proposé.

      Nos revendications sont les suivantes :

      Mensualisation des rémunérations des vacataires ;
      Souplesse vis-à-vis des « revenus extérieurs » insuffisants des vacataires, particulièrement en cette période de crise sanitaire ;
      Exonération des frais d’inscription pour les doctorant.e.s vacataires ;
      Titularisation des contractuelles et contractuels exerçant des fonctions pérennes à l’université ;
      Plus de moyens humains dans les composantes de l’université de Bourgogne.

      Nous avons bien conscience des conséquences difficiles que cette décision va provoquer, autant pour nos étudiant.e.s, que pour le fonctionnement du département de sociologie. Nous ne l’avons pas pris à la légère : elle ne s’est imposée qu’à la suite d’abondantes discussions et de mûres réflexions. Nous en sommes arrivé.es à la conclusion suivante : la défense de nos conditions de travail, c’est aussi la défense de la qualité des formations de l’université de Bourgogne.

      Pour ceux qui se sentiraient désireux de nous soutenir, et qui le peuvent, nous avons mis en place une caisse de grève afin d’éponger en partie la perte financière que recouvre notre engagement pour la fin d’année 2020.

      https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/caisse-de-greve-pour-les-vacataires-sociologie-dijon

      Nous ne lâcherons rien et poursuivrons, si besoin est, cette grève en 2021.
      Lettre de soutien des enseignant·es–chercheur·ses du département de sociologie à l’université de Bourgogne

      https://academia.hypotheses.org/29225
      #précarité #précaires

    • Un étudiant de Master, un doyen de droit : à quand les retrouvailles ?

      Academia republie ici, avec l’accord de leurs auteurs, deux courriels adressés l’un sur une liste de diffusion de l’Université de Paris-1 Panthéon-Sorbonne et l’autre par le doyen de la faculté de droit. Les deux disent la même chose : le souhait de se retrouver, de le faire dans des bonnes conditions sanitaires, mais de se retrouver. Aujourd’hui, seul le gouvernement — et peut-être bientôt le Conseil d’État qui devrait rendre la décision concernant le référé-liberté déposé par Paul Cassia — et audiencé le 3 décembre 2020 ((Le message que Paul Cassia a adressé à la communauté de Paris-1 à la sortie de l’audience avec un seul juge du Conseil d’État vendredi, n’était pas encourageant.)) — les en empêchent.

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      Courriel de Dominik, étudiant en Master de Science Politique à l’Université de Paris-1

       » (…) Je me permets de vous transmettre le point de vue qui est le mien, celui d’un étudiant lambda, mais qui passe beaucoup de temps à échanger avec les autres. Je vous conjure d’y prêter attention, parce que ces quelques lignes ne sont pas souvent écrites, mais elles passent leur temps à être prononcées entre étudiantes et étudiants.

      Je crois qu’il est temps, en effet, de se préoccuper de la situation, et de s’en occuper à l’échelle de l’université plutôt que chacun dans son coin. Cette situation, désolé de répéter ce qui a été dit précédemment, est alarmante au plus haut point. J’entends parler autour de moi de lassitude, de colère, de fatigue, voire de problèmes de santé graves, de dépressions et de décrochages. Ce ne sont pas des cas isolés, comme cela peut arriver en novembre, mais bien une tendance de fond qui s’accroît de jour en jour. J’ai reçu des appels d’étudiantes et d’étudiants qui pleuraient de fatigue, d’autres d’incompréhensions. L’un m’écrivait la semaine dernière qu’il s’était fait remettre sous antidépresseurs, tandis que plusieurs témoignent, en privé comme sur les groupes de discussion, de leur situation de “décrochage permanent”.

      Ce décrochage permanent, je suis en train de l’expérimenter, consiste à avoir en permanence un train de retard que l’on ne peut rattraper qu’en prenant un autre train de retard. Le travail est en flux tendu, de 9 heures à 21 heures pour les plus efficaces, de 9h à minuit, voire au-delà pour les plus occupés, ceux qui font au système l’affront de vouloir continuer à suivre un second cursus (linguistique, dans mon cas), voire pire, de continuer à s’engager dans la vie associative qui rend notre Alma Mater si singulière. Parce que nous l’oublions, mais la vitalité associative est elle aussi en grand danger.

      Pour revenir au décrochage permanent, qui est à la louche le lot de la moitié des étudiantes et étudiants de ma licence, et sûrement celui de milliers d’autres à travers l’Université, c’est une situation qui n’est tenable ni sur le plan physique, ni sur le plan psychique, ni sur le plan moral, c’est à dire de la mission que l’Université se donne.

      Sur le plan physique, nous sommes victimes de migraines, de fatigue oculaire (une étudiante me confiait il y a trois jours avoir les yeux qui brûlent sous ses lentilles), de maux de dos et de poignet. Certains sont à la limite de l’atrophie musculaire, assis toute la journée, avec pour seul trajet quotidien l’aller-retour entre leur lit et leur bureau, et éventuellement une randonnée dans leur cuisine. Je n’arrive pas non plus à estimer la part des étudiantes et étudiants qui ne s’alimente plus correctement, mangeant devant son écran ou sautant des repas.

      Sur le plan psychique, la solitude et la routine s’installent. Solitude de ne plus voir ni ses amis ni même quiconque à ce qui est censé être l’âge de toutes les expériences sociales, lassitude des décors (le même bureau, la même chambre, le même magasin), routine du travail (dissertation le lundi, commentaire le mardi, fiche de lecture le mercredi, etc. en boucle) et des cours (“prenez vos fascicules à la page 63, on va faire la fiche d’arrêt de la décision n°xxx”).

      Sur le plan moral, parce que notre Université est en train d’échouer. La Sorbonne plus que toute autre devrait savoir en quoi elle est un lieu de débat d’idées, d’élévation intellectuelle, d’émancipation et d’épanouissement. Sans vie associative, sans conférences, sans rencontres, sans soirées endiablées à danser jusqu’à 6 heures avant l’amphi de Finances publiques (désolé), sans les interventions interminables des trotskystes dans nos amphis, les expos dans la galerie Soufflot, les appariteurs tatillons en Sorbonne et les cafés en terrasse où on se tape dessus, entre deux potins, pour savoir s’il vaut mieux se rattacher à Bourdieu ou à Putnam, à Duguit ou à Hauriou, sans tout ce qui fait d’une Université une Université et de la Sorbonne la Sorbonne, nous sommes en train d’échouer collectivement.

      Sous prétexte de vouloir s’adapter à la situation sanitaire, nous avons créé un problème sanitaire interne à notre établissement, et nous l’avons recouvert d’une crise du sens de ce que nous sommes en tant qu’étudiantes et étudiants, et de ce que Paris I est en tant qu’Université.

      Ce problème majeur ne pourra être traité qu’à l’échelle de toute l’Université. Parce que nombre de nos étudiants dépendent de plusieurs composantes, et qu’il serait dérisoire de croire qu’alléger les cours d’une composante suffira à sauver de la noyade celles et ceux qui seront toujours submergés par les cours de la composante voisine. Parce qu’il semble que nous ayons décidé de tenir des examens normaux en présentiel en janvier, alors même que nombre d’entre nous sont confinés loin de Paris, alors même que la situation sanitaire demeure préoccupante, alors même qu’il serait risible de considérer qu’un seul étudiant de cette Université ait pu acquérir correctement les savoirs et savoir-faires qu’on peut exiger de lui en temps normal.

      Je ne dis pas qu’il faut tenir des examens en distanciel, ni qu’il faut les tenir en présentiel, pour être honnête je n’en ai pas la moindre idée. Je sais en revanche que faire comme si tout était normal alors que rien ne l’est serait un affront fait aux étudiants.

      J’ajoute, enfin, pour conclure ce trop long mot, que je ne parle pas ici des mauvais élèves. Lorsque je parle de la souffrance et de la pénibilité, c’est autant celle des meilleurs que des médiocres. Quand quelqu’un qui a eu 18,5 au bac s’effondre en larmes au bout du fil, ce n’est plus un problème personnel. Quand des étudiantes et étudiants qui ont été sélectionnés sur ParcourSup à raison d’une place pour cent, qui ont été pour beaucoup toute leur vie les modèles les plus parfaits de notre système scolaire, qui sont pour nombre d’entre eux d’anciens préparationnaires à la rue d’Ulm, quand ceux-là vous disent qu’ils souffrent et qu’ils n’en peuvent plus, c’est que le système est profondément cassé.

      Désolé, je n’ai pas de solutions. On en a trouvé quelques-unes dans notre UFR, elles sont listées dans le mail de M. Valluy, mais je persiste à croire que ce n’est pas assez. Tout ce que je sais, c’est qu’il faut arrêter de faire comme si tout allait bien, parce que la situation est dramatique.

      Je sais, par ailleurs, que ce constat et cette souffrance sont partagés par nombre d’enseignants, je ne peux que leur témoigner mon indéfectible soutien. Je remercie également Messieurs Boncourt et Le Pape d’alerter sur cette situation, et ne peux que souscrire à leur propos.

      Prenez soin de notre société, Prenez soin de vous (…) »

      Dominik

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      Mesdames, Messieurs, chers étudiants,
      Comment vous dire ? Pas d’information ici, pas de renseignement. Je voulais vous parler, au nom de tous.
      La Faculté est froide, déserte. Pas de mouvement, pas de bruit, pas vos voix, pas vos rires, pas l’animation aux pauses. Il n’y a même plus un rayon de soleil dans la cour.
      Nous continuons à enseigner devant des écrans, avec des petites mains qui se lèvent sur teams et une parole à distance. Quelque fois nous vous voyons dans une petite vignette, un par un.
      Quelle tristesse qu’une heure de cours devant un amphithéâtre vide, dont on ne sent plus les réactions, à parler devant une caméra qui finit par vous donner le sentiment d’être, vous aussi, une machine.
      Quel manque d’âme dans ce monde internet, ce merveilleux monde du numérique dont même les plus fervents défenseurs perçoivent aujourd’hui qu’il ne remplacera jamais la chaleur d’une salle remplie de votre vie.

      Vous nous manquez, plus que vous ne l’imaginez. Vous nous manquez à tous, même si nous ne savons pas toujours ni vous le dire, ni vous le montrer.
      Et au manque s’ajoute aujourd’hui une forme de colère, contre le traitement qui vous est fait. Votre retour en février seulement ? Inadmissible. La rentrée en janvier est devenue notre combat collectif.
      Partout les Présidents d’Université expriment leur désaccord et seront reçus par le Premier Ministre. Les doyens de Faculté sont montés au créneau devant le Ministre de l’enseignement supérieur. On ne garantit pas d’être entendus mais on a expliqué que l’avenir ne s’emprisonne pas et que vous êtes l’avenir. Il semble que cela fasse sérieusement réfléchir.
      Si d’aventure nous obtenions gains de cause, et pouvions rentrer en janvier, je proposerai de décaler la rentrée en cas de besoin pour qu’on puisse reprendre avec vous.
      Et vous ?
      Ne croyez pas que nous ignorions que beaucoup d’entre vous se sentent isolés, délaissés, abandonnés même, et que, parfois, même les plus forts doutent. Nous percevons, malgré votre dignité en cours, que la situation est déplaisante, anxiogène, désespérante. Et nous pensons à celles et ceux qui ont été ou sont malades, ou qui voient leurs proches souffrir.
      Nous le sentons bien et souffrons de nous sentir impuissants à vous aider davantage.
      Je veux simplement vous dire que vous devez encore tenir le coup. C’est l’affaire de quelques semaines. C’est difficile mais vous allez y arriver. Vous y arriverez pour vous, pour vos proches, pour nous.

      Pour vous parce que, quelle que soit l’issue de ce semestre, vous aurez la fierté d’avoir résisté à cet orage. Vous aurez été capables de surmonter des conditions difficiles, et serez marqués, par ceux qui vous emploieront demain, du sceau de l’abnégation et courage. Ce sera, de toute façon, votre victoire.
      Pour vos proches parce qu’ils ont besoin, eux aussi, de savoir que vous ne cédez pas, que vous continuez à tout donner, que si vous avez parfois envie d’en pleurer, vous aurez la force d’en sourire.
      Pour nous enfin car il n’y aurait rien de pire pour nous que de ne pas vous avoir donné assez envie pour aller de l’avant. Nous ne sommes pas parfaits, loin de là, mais faisons honnêtement ce que nous pouvons et espérons, de toutes nos forces, vous avoir transmis un peu de notre goût pour nos disciplines, et vous avoir convaincus que vous progresserez aussi bien par l’adversité que par votre réussite de demain.
      Comment vous dire ? j’avais juste envie de vous dire que nous croyons en vous et que nous vous attendons. Bon courage !

      Amicalement
      Fabrice GARTNER
      Doyen de la Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy
      Professeur de droit public à l’Université de Lorraine
      Directeur du Master 2 droit des contrats publics
      Avocat spécialiste en droit public au barreau d’Epinal

      https://academia.hypotheses.org/29334

    • « Un #dégoût profond pour cette République moribonde » , écrit un étudiant de sciences sociales

      Le message a circulé. Beaucoup.
      Sur les listes de diffusion, sur les plateformes de messagerie. Le voici publié sur un site : Bas les masques. Il n’est pas inutile de le relire. Et de continuer à se demander que faire. De son côté, Academia continue : proposer des analyses, proposer des actions.

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      Bonjour,

      Je suis enseignant de sciences sociales en lycée en Bretagne et j’ai reçu le cri d’alarme d’un de mes ancien-ne-s élèves de première qui a participé à la manifestation parisienne contre la loi dite de sécurité globale le samedi 5 décembre dernier. Il a aujourd’hui 21 ans et il est étudiant.

      Je me sens démuni pour répondre seul à ce cri d’alarme alors je le relaie en espérant qu’il sera diffusé et qu’il suscitera quelque chose. Une réaction collective à imaginer. Mais laquelle ?

      Merci d’avance pour la diffusion et pour vos éventuelles réponses.

      « Bonjour Monsieur,

      Ce mail n’appelle pas nécessairement de réponse de votre part, je cherchais simplement à écrire mon désarroi. Ne sachant plus à qui faire part du profond mal-être qui m’habite c’est vous qui m’êtes venu à l’esprit. Même si cela remonte à longtemps, l’année que j’ai passée en cours avec vous a eu une influence déterminante sur les valeurs et les idéaux qui sont aujourd’hui miens et que je tente de défendre à tout prix, c’est pour cela que j’ai l’intime conviction que vous serez parmi les plus à même de comprendre ce que j’essaye d’exprimer.

      Ces dernières semaines ont eu raison du peu d’espoir qu’il me restait. Comment pourrait-il en être autrement ? Cette année était celle de mes 21 ans, c’est également celle qui a vu disparaître mon envie de me battre pour un monde meilleur. Chaque semaine je manifeste inlassablement avec mes amis et mes proches sans observer le moindre changement, je ne sais plus pourquoi je descends dans la rue, il est désormais devenu clair que rien ne changera. Je ne peux parler de mon mal-être à mes amis, je sais qu’il habite nombre d’entre eux également. Nos études n’ont désormais plus aucun sens, nous avons perdu de vue le sens de ce que nous apprenons et la raison pour laquelle nous l’apprenons car il nous est désormais impossible de nous projeter sans voir le triste futur qui nous attend. Chaque semaine une nouvelle décision du gouvernement vient assombrir le tableau de cette année. Les étudiants sont réduits au silence, privés de leurs traditionnels moyens d’expression. Bientôt un blocage d’université nous conduira à une amende de plusieurs milliers d’euros et à une peine de prison ferme. Bientôt les travaux universitaires seront soumis à des commissions d’enquêtes par un gouvernement qui se targue d’être le grand défenseur de la liberté d’expression. Qu’en est-il de ceux qui refuseront de rentrer dans le rang ?

      Je crois avoir ma réponse.

      Samedi soir, le 5 décembre, j’étais présent Place de la République à Paris. J’ai vu les forces de l’ordre lancer à l’aveugle par-dessus leurs barricades anti-émeutes des salves de grenades GM2L sur une foule de manifestants en colère, habités par une rage d’en découdre avec ce gouvernement et ses représentants. J’ai vu le jeune homme devant moi se pencher pour ramasser ce qui ressemblait à s’y méprendre aux restes d’une grenade lacrymogène mais qui était en réalité une grenade GM2L tombée quelques secondes plus tôt et n’ayant pas encore explosée. Je me suis vu lui crier de la lâcher lorsque celle-ci explosa dans sa main. Tout s’est passé très vite, je l’ai empoigné par le dos ou par le sac et je l’ai guidé à l’extérieur de la zone d’affrontements. Je l’ai assis au pied de la statue au centre de la place et j’ai alors vu ce à quoi ressemblait une main en charpie, privée de ses cinq doigts, sorte de bouillie sanguinolente. Je le rappelle, j’ai 21 ans et je suis étudiant en sciences sociales, personne ne m’a appris à traiter des blessures de guerre. J’ai crié, crié et appelé les street medics à l’aide. Un homme qui avait suivi la scène a rapidement accouru, il m’a crié de faire un garrot sur le bras droit de la victime. Un garrot… Comment pourrais-je avoir la moindre idée de comment placer un garrot sur une victime qui a perdu sa main moins d’une minute plus tôt ? Après quelques instants qui m’ont paru interminables, les street medics sont arrivés et ont pris les choses en main. Jamais je n’avais fait face à un tel sentiment d’impuissance. J’étais venu manifester, exprimer mon mécontentement contre les réformes de ce gouvernement qui refuse de baisser les yeux sur ses sujets qui souffrent, sur sa jeunesse qui se noie et sur toute cette frange de la population qui suffoque dans la précarité. Je sais pertinemment que mes protestations n’y changeront rien, mais manifester le samedi me permet de garder à l’esprit que je ne suis pas seul, que le mal-être qui m’habite est général. Pourtant, ce samedi plutôt que de rentrer chez moi heureux d’avoir revu des amis et d’avoir rencontré des gens qui gardent espoir,je suis rentré chez moi dépité, impuissant et révolté. Dites-moi Monsieur, comment un étudiant de 21 ans qui vient simplement exprimer sa colère la plus légitime peut-il se retrouver à tenter d’installer un garrot sur le bras d’un inconnu qui vient littéralement de se faire arracher la main sous ses propres yeux, à seulement deux ou trois mètres de lui. Comment en suis-je arrivé là ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

      Je n’ai plus peur de le dire. Aujourd’hui j’ai un dégoût profond pour cette République moribonde. Les individus au pouvoir ont perverti ses valeurs et l’ont transformée en appareil répressif à la solde du libéralisme. J’ai développé malgré moi une haine profonde pour son bras armé qui défend pour envers et contre tous ces hommes et ces femmes politiques qui n’ont que faire de ce qu’il se passe en bas de leurs châteaux. J’ai toujours défendu des valeurs humanistes et pacifistes, qui m’ont été inculquées par mes parents et desquelles j’ai jusqu’ici toujours été très fier. C’est donc les larmes aux yeux que j’écris ceci mais dites-moi Monsieur, comment aujourd’hui après ce que j’ai vu pourrais-je rester pacifique ? Comment ces individus masqués, sans matricules pourtant obligatoires peuvent-ils nous mutiler en toute impunité et rentrer chez eux auprès de leur famille comme si tout était normal ? Dans quel monde vivons-nous ? Dans un monde où une association de policiers peut ouvertement appeler au meurtre des manifestants sur les réseaux sociaux, dans un monde où les parlementaires et le gouvernement souhaitent renforcer les pouvoirs de cette police administrative qui frappe mutile et tue.Croyez-moi Monsieur, lorsque je vous dis qu’il est bien difficile de rester pacifique dans un tel monde…

      Aujourd’hui être français est devenu un fardeau, je suis l’un de ces individus que l’Etat qualifie de « séparatiste », pourtant je ne suis pas musulman, ni même chrétien d’ailleurs. Je suis blanc, issu de la classe moyenne, un privilégié en somme… Mais quelle est donc alors cette religion qui a fait naître en moi une telle défiance vis-à-vis de l’Etat et de la République ? Que ces gens là-haut se posent les bonnes questions, ma haine pour eux n’est pas due à un quelconque endoctrinement, je n’appartiens à l’heure actuelle à aucune organisation, à aucun culte « sécessioniste ». Pourtant je suis las d’être français, las de me battre pour un pays qui ne veut pas changer. Le gouvernement et les individus au pouvoir sont ceux qui me poussent vers le séparatisme. Plutôt que de mettre sur pied des lois visant à réprimer le séparatisme chez les enfants et les étudiants qu’ils s’interrogent sur les raisons qui se cachent derrière cette défiance. La France n’est plus ce qu’elle était, et je refuse d’être associé à ce qu’elle représente aujourd’hui. Aujourd’hui et malgré moi je suis breton avant d’être français. Je ne demanderais à personne de comprendre mon raisonnement, seulement aujourd’hui j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose, une lueur, qui aussi infime soit-elle me permette de croire que tout n’est pas perdu. Ainsi c’est à regret que je dis cela mais cette lueur je ne la retrouve plus en France, nous allons au-devant de troubles encore plus grands, le pays est divisé et l’antagonisme grandit de jour en jour. Si rien n’est fait les jeunes qui comme moi chercheront une sortie, un espoir alternatif en lequel croire, quand bien même celui-ci serait utopique, seront bien plus nombreux que ne l’imaginent nos dirigeants. Et ce ne sont pas leurs lois contre le séparatisme qui pourront y changer quelque chose. Pour certains cela sera la religion, pour d’autre comme moi, le régionalisme. Comment pourrait-il en être autrement quand 90% des médias ne s’intéressent qu’aux policiers armés jusqu’aux dents qui ont été malmenés par les manifestants ? Nous sommes plus de 40 heures après les événements de samedi soir et pourtant je n’ai vu nulle part mentionné le fait qu’un manifestant avait perdu sa main, qu’un journaliste avait été blessé à la jambe par des éclats de grenades supposées sans-danger. Seul ce qui reste de la presse indépendante tente encore aujourd’hui de faire la lumière sur les événements terribles qui continuent de se produire chaque semaine. Soyons reconnaissants qu’ils continuent de le faire malgré les tentatives d’intimidation qu’ils subissent en marge de chaque manifestation.

      Je tenais à vous le dire Monsieur, la jeunesse perd pied. Dans mon entourage sur Paris, les seuls de mes amis qui ne partagent pas mon mal-être sont ceux qui ont décidé de fermer les yeux et de demeurer apolitiques. Comment les blâmer ? Tout semble plus simple de leur point de vue. Nous sommes cloitrés chez nous pendant que la planète se meurt dans l’indifférence généralisée, nous sommes rendus responsables de la propagation du virus alors même que nous sacrifions nos jeunes années pour le bien de ceux qui ont conduit la France dans cette impasse. Les jeunes n’ont plus l’envie d’apprendre et les enseignants plus l’envie d’enseigner à des écrans noirs. Nous sacrifions nos samedis pour aller protester contre ce que nous considérons comme étant une profonde injustice, ce à quoi l’on nous répond par des tirs de grenades, de gaz lacrymogènes ou de LBD suivant les humeurs des forces de l’ordre. Nous sommes l’avenir de ce pays pourtant l’on refuse de nous écouter, pire, nous sommes muselés. Beaucoup de chose ont été promises, nous ne sommes pas dupes.

      Ne gaspillez pas votre temps à me répondre. Il s’agissait surtout pour moi d’écrire mes peines. Je ne vous en fait part que parce que je sais que cette lettre ne constituera pas une surprise pour vous. Vous êtes au premier rang, vous savez à quel point l’abime dans laquelle sombre la jeunesse est profonde. Je vous demanderai également de ne pas vous inquiéter. Aussi sombre cette lettre soit-elle j’ai toujours la tête bien fixée sur les épaules et j’attache trop d’importance à l’éducation que m’ont offert mes parents pour aller faire quelque chose de regrettable, cette lettre n’est donc en aucun cas un appel au secours. J’éprouvais seulement le besoin d’être entendu par quelqu’un qui je le sais, me comprendra.

      Matéo »

      https://academia.hypotheses.org/29546

    • Les étudiants oubliés : de la #méconnaissance aux #risques

      Ce qui suit n’est qu’un billet d’humeur qui n’engage évidemment ni la Faculté, ni ses étudiants dont je n’entends pas ici être le représentant. Et je ne parle que de ceux que je crois connaître, dans les disciplines de la Faculté qui est la mienne. On ne me lira pas jusqu’au bout mais cela soulage un peu.

      Le président de la République a vécu à « l’isolement » au pavillon de la Lanterne à Versailles. Ce n’était pas le #confinement d’un étudiant dans sa chambre universitaire, mais il aura peut-être touché du doigt la vie « sans contact ». On espère qu’elle cessera bientôt pour nos étudiants, les oubliés de la République…

      #Oubliés des élus (j’excepte mon député qui se reconnaîtra), y compris locaux, qui, après avoir milité pour la réouverture des petits commerces, n’ont plus que le 3e confinement comme solution, sans y mettre, et c’est le reproche que je leur fais, les nuances qu’appelle une situation estudiantine qui devient dramatique.

      Oubliés depuis le premier confinement. Alors qu’écoliers, collégiens et lycéens rentraient, ils n’ont jamais eu le droit de revenir dans leur Faculté. Le « #distanciel » était prôné par notre Ministère. On neutralisera finalement les dernières épreuves du baccalauréat, acquis sur tapis vert. Pourtant, aux étudiants, et à nous, on refusera la #neutralisation des #examens d’un semestre terminé dans le chaos. Ils devront composer et nous tenterons d’évaluer, mal.

      Tout le monde rentre en septembre… Pour les étudiants, le ministère entonne désormais l’hymne à « l’#enseignement_hybride »… On coupe les promotions en deux. On diffuse les cours en direct à ceux qui ne peuvent s’asseoir sur les strapontins désormais scotchés… Les étudiants prennent l’habitude du jour sur deux. Les débuts technologiques sont âpres, nos jeunes ont une patience d’ange, mais on sera prêts à la Toussaint.

      Oubliés au second confinement. Le Ministre de l’éducation a obtenu qu’on ne reconfine plus ses élèves, à raison du risque de #décrochage. Lui a compris. L’enseignement supérieur n’obtient rien et reprend sa comptine du « distanciel ». Les bambins de maternelle pourront contaminer la famille le soir après une journée à s’esbaudir sans masque, mais les étudiants n’ont plus le droit de venir, même masqués, même un sur deux, alors que c’est la norme dans les lycées.

      Oubliés à l’annonce de l’allègement, quand ils, apprennent qu’ils ne rentreront qu’en février, quinze jours après les restaurants… Pas d’explication, pas de compassion. Rien. Le Premier ministre, décontenancé lors d’une conférence de presse où un journaliste, un original pour le coup, demandera … « et les étudiants ? », répondra : « Oui, nous avons conscience de la situation des étudiants ».

      Des collègues croyant encore aux vertus d’un #référé_liberté agiront devant le Conseil d’Etat, en vain. Merci à eux d’avoir fait la démarche, sous la conduite de Paul Cassia. Elle traduit une demande forte, mais sonne comme un prêche dans le désert.

      Oubliés alors que le ministère a connaissance depuis décembre des chiffres qui montrent une situation psychologique dégradée, des premières tentatives de suicide. Il a répondu… ! Nos dernières circulaires nous autorisent à faire revenir les étudiants dès janvier pour… des groupes de soutien ne dépassant pas 10 étudiants… Ce n’est pas de nounous dont les étudiants ont besoin, c’est de leurs enseignants. Et les profs n’ont pas besoin d’assistants sociaux, ils veulent voir leurs étudiants.

      On pourrait refaire des travaux dirigés en demi salles… à une date à fixer plus tard. Le vase déborde ! Quand va-t-on sérieusement résoudre cet #oubli qui ne peut résulter que de la méconnaissance et annonce des conséquences graves.

      La méconnaissance

      Fort d’une naïveté qu’on veut préserver pour survivre, on va croire que l’oubli est le fruit non du mépris, mais d’une méprise.

      Les étudiants sont d’abord victimes de leur nombre. Le Premier Ministre parlera d’eux comme d’un « #flux », constitué sans doute d’écervelés convaincus d’être immortels et incapables de discipline. Les éloigner, c’est évidemment écarter la masse, mais l’argument cède devant les étudiants (les nôtres par exemple), qui ont prouvé leur capacité à passer leurs examens « en présentiel » dans un respect impressionnant des consignes. Il cède aussi devant la foule de voyageurs du métro ou les files d’attente des grands magasins. Brassage de population ? Il y en a des pires.

      Ils sont ensuite victime d’un cliché tenace. Dans un amphi, il ne se passe rien. L’enseignant débite son cours et s’en va. Le cours ayant tout d’un journal télévisé, on peut le… téléviser. Tous les enseignants, mais se souvient-on qu’ils existent, savaient et on redécouvert que tout dans un amphi est fait d’échanges avec la salle : des #regards, des #sourires, des sourcils qui froncent, un brouhaha de doute, un rire complice. Le prof sent son public, redit quand il égare, accélère quand il ennuie, ralentit quand il épuise.

      Le ministère croit le contraire, et le Conseil d’Etat, dont l’audace majeure aura été de critiquer la jauge dans les églises, a cédé au cliché pour les amphis en jugeant que le distanciel « permet l’accès à l’enseignement supérieur dans les conditions sanitaires » actuelles (ord. n°447015 du 10 décembre). Nous voilà sauvés. Le prêtre serait-il plus présent que le professeur ? La haute juridiction, pour les théâtres, admettant que leurs #mesures_sanitaires sont suffisantes, nous avons d’ailleurs les mêmes, concèdera que leur fermeture compromet les libertés mais doit être maintenue dans un « contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population », autant dire tant que le gouvernement jugera que ça circule beaucoup (ord. n°447698 du 23 décembre). Si on résume, « 30 à la messe c’est trop peu », « pour les études la télé c’est suffisant » et « on rouvrira les théâtres quand ca ira mieux ».

      Au ministère, on imagine peut-être que les étudiants se plaisent au distanciel. Après tout, autre #cliché d’anciennes époques, ne sont-ils pas ces comateux en permanente grasse matinée préférant se vautrer devant un écran en jogging plutôt que subir la corvée d’un cours ? Cette armée de geeks gavés à la tablette depuis la poussette ne goûtent-ils pas la parenté entre un prof en visio et un jeu vidéo ? Ils n’en peuvent plus de la distance, de ces journées d’écran… seuls, au téléphone ou via des réseaux sociaux souvent pollués par des prophètes de malheur ayant toujours un complot à dénoncer et une rancoeur à vomir.

      Enfin, les étudiants, adeptes chaque soir de chouilles contaminantes, doivent rester éloignés autant que resteront fermés les bars dont ils sont les piliers. Ignore-t-on que la moitié de nos étudiants sont boursiers, qu’ils dépenseront leurs derniers euros à acheter un livre ou simplement des pâtes plutôt qu’à s’enfiler whisky sur vodka… ? Ignore-t-on les fêtes thématiques, les soirées littéraires, les conférences qu’ils organisent ? Quand on les côtoie, ne serait-ce qu’un peu, on mesure que leur #convivialité n’est pas celles de soudards.

      Ils survivraient sans les bars et peuvent rentrer avant qu’on les rouvre.

      Ceux qui les oublient par facilité ne les connaissent donc pas. Et c’est risqué.

      Le risque

      Le risque est pédagogique. On sait que ça décroche, partout. Les titulaires du bac sans l’avoir passé n’ont plus de repères. Leur échec est une catastrophe annoncée. Les étudiants plus aguerris ne sont pas en meilleur forme. L’#apprentissage est plus difficile, la compréhension est ralentie par l’absence d’échange. Et, alors que deux semestres consécutifs ont déjà été compromis, le premier dans l’urgence, le second par facilité, faut-il en ajouter un troisième par #lâcheté ? La moitié d’une licence gachée parce qu’on ne veut pas prendre le risque de faire confiance aux jeunes ? Les pédagogues voient venir le mur et proposent qu’on l’évite au lieu d’y foncer en klaxonnant.

      Le risque est économique. On ne confine pas les élèves en maternelle car il faut que les parents travaillent. Les étudiants ne produisent rien et peuvent se garder seuls. C’est pratique ! Mais le pari est à court terme car la génération qui paiera la dette, c’est eux. Faut-il décourager des vocations et compromettre l’insertion professionnelle de ceux qui devront avoir la force herculéenne de relever l’économie qu’on est en train de leur plomber ? Plus que jamais la #formation doit être une priorité et le soutien aux jeunes un impératif.

      Il est sanitaire. A-t-on eu des #clusters dans notre fac ? Non. Et pourtant on a fonctionné 7 semaines, avec bien moins de contaminations que dans les écoles, restées pourtant ouvertes. On sait les efforts et le sacrifice des soignants. Nul ne met en doute ce qu’ils vivent et ce qu’ils voient. Les étudiants ont eu, eux aussi, des malades et des morts. Ils savent ce qu’est la douleur. Les enseignants aussi. Mais la vie est là, encore, et il faut la préserver aussi.

      Et attention qu’à force de leur interdire les lieux dont les universités ont fait de véritables sanctuaires, on les incite aux réunions privées, à dix dans un studio juste pour retrouver un peu de partage. On sait pourtant que c’est dans la sphère privée que réside le problème. Le retour dans les #amphis, c’est la réduction du #risque_privé, et non l’amplification du #risque_public.

      Il est humain. Un étudiant n’est pas un être solitaire. Il étudie pour être utile aux autres. Il appartient toujours à une #promo, qu’en aucun cas les réseaux sociaux ne peuvent remplacer. Il voulait une #vie_étudiante faite des découvertes et des angoisses d’un début de vie d’adulte avec d’autres jeunes adultes. Ce n’est pas ce qu’on lui fait vivre, pas du tout. L’isolement le pousse au doute, sur la fac, sur les profs, sur les institutions en général, et, pire que tout, sur lui-même. La #sécurité_sanitaire conduit, chez certains, à la victoire du « à quoi bon ». Si quelques uns s’accommodent de la situation, la vérité est que beaucoup souffrent, ce qu’ils n’iront pas avouer en réunion publique quand on leur demande s’ils vont bien. Beaucoup se sentent globalement délaissés, oubliés, voire méprisés. Va-t-on continuer à leur répondre « plus tard », « un peu de patience », sans savoir jusque quand du reste, et attendre qu’on en retrouve morts ?

      Il est aussi politique. Certains étudiants ont la sensation de payer pour d’autres ; ceux qui ont affaibli l’hôpital, ceux qui n’ont pas renouvelé les masques, ceux qui ont cru à une grippette, et on en passe. Il est temps d’éviter de les culpabiliser, même indirectement.

      Pour retrouver une #confiance passablement écornée, les gouvernants doivent apprendre à faire confiance à leur peuple, au lieu de s’en défier. Les étudiants sont jeunes mais, à condition de croire que c’est une qualité, on peut parier qu’ils ne décevront personne s’ils peuvent faire leurs propres choix. N’est-ce pas à cela qu’on est censé les préparer ?

      Si la préservation des populations fragiles est un devoir que nul ne conteste, au jeu de la #fragilité, les étudiants ont la leur ; leur inexpérience et le besoin d’être guidés.

      Dans l’histoire de l’Homme, les aînés ont toujours veillé à protéger la jeune génération. Les parents d’étudiants le font dans chaque famille mais à l’échelle du pays c’est la tendance inverse. Une génération de gouvernants ignore les #jeunes pour sauver les ainés. Doit-on, pour éviter que des vies finissent trop tôt, accepter que d’autres commencent si mal ? C’est un choc de civilisation que de mettre en balance à ce point l’avenir sanitaire des uns et l’avenir professionnel des autres.

      Alors ?

      Peut-on alors revenir à l’équilibre et au bon sens ? Que ceux qui ont besoin d’être là puissent venir, et que ceux qui préfèrent la distance puissent la garder ! Que les enseignants qui veulent des gens devant eux les retrouvent et que ceux qui craindraient pour eux ou leurs proches parlent de chez eux. Peut-on enfin laisser les gens gérer la crise, en fonction des #impératifs_pédagogiques de chaque discipline, des moyens de chaque établissement, dans le respect des normes ? Les gens de terrain, étudiants, enseignants, administratifs, techniciens, ont prouvé qu’ils savent faire.

      Quand le silence vaudra l’implicite réponse « tout dépendra de la situation sanitaire », on aura compris qu’on fait passer le commerce avant le savoir, comme il passe avant la culture, et qu’on a préféré tout de suite des tiroirs caisses bien pleins plutôt que des têtes bien faites demain.

      https://academia.hypotheses.org/29817

    • Covid-19 : des universités en souffrance

      En France, les valses-hésitations et les changements réguliers de protocole sanitaire épuisent les enseignants comme les étudiants. Ces difficultés sont accentuées par un manque de vision politique et d’ambition pour les universités.

      Les années passées sur les bancs de l’université laissent en général des souvenirs émus, ceux de la découverte de l’indépendance et d’une immense liberté. La connaissance ouvre des horizons, tandis que se construisent de nouvelles relations sociales et amicales, dont certaines se prolongeront tout au long de la vie.

      Mais que va retenir la génération d’étudiants qui tente de poursuivre ses études malgré la pandémie de Covid-19 ? Isolés dans des logements exigus ou obligés de retourner chez leurs parents, livrés à eux-mêmes en raison des contraintes sanitaires, les jeunes traversent une épreuve dont ils ne voient pas l’issue. Faute de perspectives, l’épuisement prend le dessus, l’angoisse de l’échec est omniprésente, la déprime menace.

      Des solutions mêlant enseignement présentiel et à distance ont certes permis d’éviter les décrochages en masse, mais elles n’ont pas empêché l’altération de la relation pédagogique. Vissés derrière leur écran pendant parfois plusieurs heures, les étudiants pâtissent de l’absence d’échanges directs avec les professeurs, dont certains ont du mal à adapter leurs cours aux nouvelles contraintes. Faute de pouvoir transmettre leur savoir dans de bonnes conditions, certains enseignants passent du temps à faire du soutien psychologique.

      Ces difficultés sont communes à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, partout dans le monde. Mais en France, elles sont accentuées par un manque de vision politique et d’ambition pour les universités et une ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui brille par sa discrétion.
      Deux vitesses dans l’enseignement supérieur

      Les universités anglo-saxonnes ont adopté des politiques plus radicales, mais qui ont le mérite de la clarté. Bon nombre d’entre elles ont décidé dès l’été que le semestre d’automne, voire toute l’année, serait entièrement en ligne. En France, les valses-hésitations et les changements réguliers de protocole sanitaire épuisent les enseignants, les empêchent de se projeter, tandis que les étudiants peinent à s’adapter sur le plan matériel, certains se retrouvant contraints de payer le loyer d’un appartement devenu inutile, alors que tous les cours sont à distance.

      La situation est d’autant plus difficile à vivre que l’enseignement supérieur avance à deux vitesses. Hormis pendant le premier confinement, les élèves des classes préparatoires et des BTS, formations assurées dans des lycées, ont toujours suivi leurs cours en présentiel. En revanche, pour l’université, c’est la double peine. Non seulement les étudiants, généralement moins favorisés sur le plan social que ceux des classes préparatoires aux grandes écoles, sont moins encadrés, mais ils sont contraints de suivre les cours en ligne. Cette rupture d’égalité ne semble émouvoir ni la ministre ni le premier ministre, qui n’a pas eu un mot pour l’enseignement supérieur lors de sa conférence de presse, jeudi 7 janvier.

      Là encore, la pandémie agit comme un révélateur de faiblesses préexistantes. Les difficultés structurelles des universités ne sont que plus visibles. Ainsi, les établissements ne parviennent pas à assumer l’autonomie qui leur a été octroyée. Obligés d’accueillir chaque année davantage d’étudiants, soumis à des décisions centralisées, ils manquent de moyens, humains et financiers, pour s’adapter. Les dysfonctionnements techniques lors des partiels, reflet d’une organisation indigente ou sous-dimensionnée, en ont encore témoigné cette semaine.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/09/covid-19-des-universites-en-souffrance_6065728_3232.html

    • Hebdo #96 : « Frédérique Vidal devrait remettre sa démission » – Entretien avec #Pascal_Maillard

      Face au danger grave et imminent qui menace les étudiants, Pascal Maillard, professeur agrégé à la faculté des lettres de l’université de Strasbourg et blogueur de longue date du Club Mediapart, considère que « l’impréparation du ministère de l’enseignement et de la recherche est criminelle ». Il appelle tous ses collègues à donner leurs cours de travaux dirigés (TD) en présentiel, même si pour cela il faut « boycotter les rectorats » !

      C’est comme si l’on sortait d’une longue sidération avec un masque grimaçant au visage. D’un cauchemar qui nous avait enfoncé dans une nuit de plus en plus noire, de plus en plus froide, sans issue. Et puis d’un coup, les étudiants craquent et on se dit : mais bon sang, c’est vrai, c’est inhumain ce qu’on leur fait vivre ! Nous abandonnons notre jeunesse, notre avenir, en leur apprenant à vivre comme des zombies.

      Depuis le début de la crise sanitaire, ils sont désocialisés, sans perspective autre que d’être collés à des écrans. Une vie numérique, les yeux éclatés, le corps en vrac et le cœur en suspens. Le mois de décembre avait pourtant redonné un peu d’espoir, Emmanuel Macron parlait de rouvrir les universités, de ne plus les sacrifier. Et puis, pschitt ! plus rien. Les fêtes sont passées et le discours du 7 janvier du premier ministre n’a même pas évoqué la question de l’enseignement supérieur. Un mépris intégral !

      Dans le Club, mais aussi fort heureusement dans de nombreux médias, la réalité catastrophique des étudiants a pris la une : ils vont mal, se suicident, pètent les plombs et décrochent en masse. De notre côté, Pascal Maillard, professeur agrégé à la faculté de lettres de l’université de Strasbourg, et blogueur infatigable depuis plus de 10 ans chez nous, a sonné la sirène d’alarme avec un premier billet, Sommes-nous encore une communauté ?, suivi quelques jours plus tard de Rendre l’Université aux étudiants, sans attendre les « décideurs », qui reprend une série de propositions formulées par le collectif RogueESR.

      Pour toucher de plus près ce qui se passe dans les universités, aux rouages souvent incompréhensibles vu de l’extérieur, mais aussi pour imaginer comment reprendre la main sur cette situation (car des solutions, il y en a !), nous lui avons passé hier soir un long coup de fil. Stimulant !

      Club Mediapart : Dans votre dernier billet, Rendre l’Université aux étudiants, sans attendre les « décideurs », vous publiez une série de propositions formulées par le collectif RogueESR pour améliorer la sécurité en vue d’une reprise des cours. Certaines exigeraient surtout du courage (réaménagement des locaux, organisation intelligente des travaux dirigés en présentiel, etc.), mais d’autres demandent des investissements matériels et financiers substantiels. Quels sont, d’après vous, les leviers possibles pour que ces propositions soient prises en compte par les instances dirigeantes ?

      Pascal Maillard : Les leviers sont multiples. Ces dernières semaines, il s’est passé quelque chose de très important : il y a eu une prise de conscience générale que l’État a abandonné l’université, les étudiants, ses personnels, alors que, dans le même temps, il subventionne l’économie à coups de milliards. Aujourd’hui, même les présidents d’université se manifestent pour dire qu’il faut en urgence faire revenir les étudiants parce que la situation est dramatique ! Je crois qu’il faut un mouvement collectif, un mouvement de masse de l’ensemble des étudiants et de la communauté universitaire pour dire : « Maintenant, ça suffit ! » L’État a aussi abandonné la culture, et c’est scandaleux car on ne peut pas vivre sans culture, mais au moins il l’a subventionnée. En revanche, pour l’université, aucune aide. On n’a rien vu, sinon !

      Club Mediapart : Avez-vous avez fait une évaluation de ces investissements et renforts humains ?

      PM : C’est vraiment très peu de moyens. Quelques dizaines de millions permettraient de financer des capteurs de CO2 (un capteur coûte 50 euros) et des filtres Hepa pour avoir une filtration sécurisée (une centaine d’euros). On peut installer également, c’est ce que préconise le collectif RogueESR (collectif informel composé d’une cinquantaine de collègues enseignants-chercheurs très actifs), des hottes aspirantes au-dessus des tables dans les lieux de restauration. Ces investissements seraient plus importants, mais ne dépasseraient pas 200/300 euros par unité. Le problème, c’est que l’État ne prend pas la décision de financer ces investissements qui permettraient de rouvrir les universités de façon plus sécurisée. Par ailleurs, il faut rappeler que certains amphithéâtres peuvent accueillir au-delà de la jauge de 50 % car ils sont très bien ventilés. Il est urgent aujourd’hui de calculer le taux de CO2, on sait le faire, on a les moyens de le faire. Ce que le collectif RoqueESR dit dans son texte et avec lequel je suis complètement d’accord, c’est que comme l’État ne veut rien faire, il faut que l’on prenne en charge ces décisions nous-mêmes.

      Club Mediapart : Dans ce billet, vous mettez le gouvernement et la bureaucratie universitaire sur le même plan. N’y a-t-il pas quand même des différences et des marges de manœuvre du côté des présidents d’université ?

      PM : Non, je crois que la grande majorité des présidents ont fait preuve de suivisme par rapport à la ligne définie par le gouvernement et Frédérique Vidal, à savoir le développement et l’exploitation maximum des ressources numériques. On n’a pas eu de filtre Hepa, mais on a eu des moyens importants pour l’informatique, les cours à distance, le développement de Moodle et des outils de visioconférence. Là, il y a eu des investissements lourds, y compris de la part du ministère, qui a lancé des appels à projets sur l’enseignement et les formations numériques. Frédérique Vidal pousse depuis de nombreuses années au tout numérique, ce n’est pas nouveau.

      Club Mediapart : Peut-on quand même attendre quelque chose de la réunion prévue ce vendredi entre les présidents d’université et Frédérique Vidal ?

      PM : Je crois que ce sont les impératifs sanitaires qui vont l’emporter. Frédérique Vidal, qui a fait preuve non seulement d’indifférence à l’égard des étudiants mais aussi d’une grande incompétence et d’un manque de fermeté pour défendre l’université, n’est plus crédible.

      Club Mediapart : Dans le fil de commentaires du dernier billet de Paul Cassia, qui montre bien comment les articles et les circulaires ministérielles ont « coincé » les directions d’université, vous proposez la réécriture de l’article 34 du décret du 10 janvier pour assouplir l’autorisation de retour en présentiel dans les universités. Cette modification ne risque-t-elle pas de reporter la responsabilité vers les présidents d’université au profit du gouvernement, qui pourrait se dédouaner encore plus de tout ce qui va se passer ?

      PM : Depuis le début, la stratégie du gouvernement est la même que celle des présidents d’université : la délégation au niveau inférieur. La ministre fait rédiger par sa bureaucratie des circulaires qui sont vagues, très pauvres, qui n’ont même pas de valeur réglementaire et qui disent en gros : c’est aux présidents de prendre leurs responsabilités. Mais que font les présidents, pour un grand nombre d’entre eux ? Afin de ne pas trop engager leur responsabilité juridique, que ce soit pour les personnels ou les étudiants, ils laissent les composantes se débrouiller. Mais les composantes ne reçoivent pas de moyens pour sécuriser les salles et pour proposer des heures complémentaires, des créations de postes, etc. Les seuls moyens qui sont arrivés dans les établissements sont destinés à des étudiants pour qu’ils aident d’autres étudiants en faisant du tutorat par groupe de 10. À l’université de Strasbourg, ça s’appelle REPARE, je crois (raccrochement des étudiants par des étudiants). Ce sont des étudiants de L3 et de masters qui sont invités à faire du tutorat pour soutenir des étudiants de L1/L2. Cela permet à des étudiants qui sont désormais malheureusement sans emploi, sans revenu, d’avoir un emploi pendant un certain temps. Ça, c’est l’aspect positif. Mais ces étudiants, il faut 1/ les recruter, 2/ il est très important de les former et de les accompagner.

      Club Mediapart : la démission de Frédérique Vidal fait-elle débat parmi les enseignants et les chercheurs ?

      PM : Frédérique Vidal nous a abandonnés, elle a aussi laissé Blanquer, qui a l’oreille de Macron, lancer sa guerre contre les « islamo-gauchistes », et puis elle a profité de la crise sanitaire pour détruire un peu plus l’université. C’est elle qui a fait passer la LPR en situation d’urgence sanitaire, alors même qu’elle avait dit pendant le premier confinement qu’il était hors de question en période d’urgence sanitaire de faire passer des réformes. La version la plus radicale en plus ! La perspective est vraiment de détruire le Conseil national des universités.

      J’ai appris hier avec une grande tristesse que Michèle Casanova, une grande archéologue, spécialiste de l’Iran, est décédée le 22 décembre. Elle s’est battue pendant un mois et demi contre le Covid. Elle était professeure des universités à Lyon, elle venait d’être nommée à Paris-Sorbonne Université. Des collègues sont morts, pas que des retraités, mais aussi des actifs.

      La ministre n’a rien dit pour les morts dans l’université et la recherche. Pas un mot. Ils sont en dessous de tout. Ils n’ont plus le minimum d’humanité que l’on attend de responsables politiques. Ils ont perdu l’intelligence et la décence, ils ont perdu la compétence et ils ne sont plus que des technocrates, des stratèges qui ne pensent qu’à leur survie politique. Ce sont des communicants, sans éthique. La politique sans l’éthique, c’est ça le macronisme.

      Aujourd’hui, les universitaires ont à l’esprit deux choses. D’une part la mise en pièces du statut des enseignants-chercheurs avec la LPR qui conduit à la destruction du Conseil national des universités : nous avons appris cette semaine que la fin de la qualification pour devenir professeur des universités étaient effective pour les maîtres de conférences titulaires, là immédiatement, sans décret d’application. Des centaines de collègues ont envoyé leur demande de qualification au CNU. Ce pouvoir bafoue tous nos droits, il bafoue le droit en permanence. D’autre part, bien sûr, les conditions calamiteuses et l’impréparation de cette rentrée. Aujourd’hui, on ne sait pas si l’on va pouvoir rentrer la semaine prochaine. On ne sait rien ! Rien n’a été préparé et je pense que c’est volontaire. Cette impréparation est politique, elle est volontaire et criminelle. Je pèse mes mots et j’assume. C’est criminel aujourd’hui de ne pas préparer une rentrée quand des milliers d’étudiants et d’enseignants sont dans la plus grande souffrance qui soit !

      Club Mediapart : Avec en plus des inégalités entre étudiants absolument incompréhensibles…

      PM : Absolument ! Les BTS et les classes préparatoires sont restés ouverts et fonctionnent à plein. Aujourd’hui, les enseignants qui préparent aux grandes écoles, que ce soit dans les domaines scientifiques ou littéraires ou les préparations aux écoles de commerce, ont la possibilité de faire toutes leurs colles jusqu’à 20 heures, avec des dérogations… devant 40/50 étudiants. Ce que l’on ne dit pas aujourd’hui, c’est que les étudiants de classe préparatoire eux aussi vont mal. Ils sont épuisés, ils n’en peuvent plus. 40 heures de cours masqués par semaine. Comment ça se vit ? Mal. Il y a pour l’instant assez peu de clusters de contamination dans les classes prépas. Les conditions sanitaires dans ces salles, souvent exiguës et anciennes, sont pourtant bien plus mauvaises que dans les grandes salles et les amphis des universités. Ces classes, qui bénéficient de moyens plus importants – un étudiant de classe prépa coûte à l’État entre 15 000 et 17 000 euros, tandis qu’un étudiant coûte entre 5 000 et 7 000 euros –, ont le droit à l’intégralité de leurs cours, tandis que les étudiants, eux, sont assignés à résidence. Il est clair que ce traitement vient élever au carré l’inégalité fondatrice du système de l’enseignement supérieur français entre classes prépas (dont les élèves appartiennent, le plus souvent, à des classes sociales plus favorisées) et universités.

      Club Mediapart : Est-ce que l’on peut s’attendre à une mobilisation importante le 26 janvier ?

      PM : Le 26 janvier sera une date importante. L’intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche appelle à une journée nationale de grève et de mobilisation le 26, avec un mot d’ordre clair : un retour des étudiants à l’université dans des conditions sanitaires renforcées. Mais, à mon sens, il faut accompagner cette demande de retour aux cours en présence de moyens financiers, techniques et humains conséquents. L’intersyndicale demande 8 000 postes pour 2021. On en a besoin en urgence. Il y a donc une urgence à accueillir en vis-à-vis les étudiants de L1 et L2, mais ensuite progressivement, une fois que l’on aura vérifié les systèmes de ventilation, installé des filtres Hepa, etc., il faudra accueillir le plus rapidement possible les étudiants de tous les niveaux. J’insiste sur le fait que les étudiants de Licence 3, de master et même les doctorants ne vont pas bien. Il n’y a pas que les primo-entrants qui vont mal, même si ce sont les plus fragiles. Je suis en train de corriger des copies de master et je m’en rends bien compte. Je fais le même constat pour les productions littéraires des étudiants que j’ai pu lire depuis huit mois dans le cadre d’ateliers de création littéraire. En lisant les textes de ces étudiants de L1, souvent bouleversants et très engagés, je mesure à quel point le confinement va laisser des traces durables sur elles et sur eux.

      Club Mediapart : Ce sont les thèmes traités qui vous préoccupent…

      PM : Il y a beaucoup, beaucoup de solitude, de souffrance, d’appels à l’aide et aussi l’expression forte d’une révolte contre ce que le monde des adultes est en train de faire à la jeunesse aujourd’hui. Il y a une immense incompréhension et une très grande souffrance. La question aujourd’hui, c’est comment redonner du sens, comment sortir de la peur, enrayer la psychose. Il faut que l’on se batte pour retrouver les étudiants. Les incompétents qui nous dirigent aujourd’hui sont des criminels. Et je dis aujourd’hui avec force qu’il faut démettre ces incompétents ! Frédérique Vidal devrait remettre sa démission. Elle n’est plus crédible, elle n’a aucun poids. Et si le gouvernement ne donne pas à l’université les moyens de s’équiper comme il convient pour protéger ses personnels et ses étudiants, ils porteront une responsabilité morale et politique très très lourde. Ils ont déjà une responsabilité considérable dans la gestion d’ensemble de la crise sanitaire ; ils vont avoir une responsabilité historique à l’endroit de toute une génération. Et cette génération-là ne l’oubliera pas !

      Club Mediapart : En attendant, que faire ?

      PM : Comment devenir un sujet libre, émancipé quand on est un étudiant ou un enseignant assigné à résidence et soumis à l’enfer numérique ? C’est ça la question centrale, de mon point de vue. Je ne pense pas que l’on puisse être un sujet libre et émancipé sans relation sociale, sans se voir, se rencontrer, sans faire des cours avec des corps et des voix vivantes. Un cours, c’est une incarnation, une voix, un corps donc, ce n’est pas le renvoi spéculaire de son image face à une caméra et devant des noms. Je refuse de faire cours à des étudiants anonymes. Aujourd’hui, j’ai donné rendez-vous à quelques étudiants de l’atelier de création poétique de l’université de Strasbourg. On se verra physiquement dans une grande salle, en respectant toutes les règles sanitaires. J’apporterai des masques FFP2 pour chacune et chacun des étudiants.

      Club Mediapart : Vous avez le droit ?

      PM : Je prends sur moi, j’assume. Je considère que la séance de demain est une séance de soutien. Puisque l’on a droit à faire du soutien pédagogique…

      Club Mediapart : Pourquoi n’y a-t-il pas plus de profs qui se l’autorisent ? Le texte est flou, mais il peut être intéressant justement parce qu’il est flou…

      PM : Ce qu’il est possible de faire aujourd’hui légalement, ce sont des cours de tutorat, du soutien, par des étudiants pour des étudiants. Il est aussi possible de faire des travaux pratiques, mais ces TP, il y a en surtout en sciences de la nature et beaucoup moins en sciences humaines. On a des difficultés graves en sciences sociales et sciences humaines, lettres, langue, philo, parce que l’on a zéro TP. Pour ma part, je compte demander que mes cours de L1 et mes travaux dirigés soient considérés comme des TP ! Mais, pour cela, il faut réussir à obtenir des autorisations.

      Des autorisations d’ouverture de TP, il faut le savoir, qui sont soumises aux rectorats. Les universités sont obligées de faire remonter aux rectorats des demandes d’ouverture de cours ! L’université est autonome et aujourd’hui cette autonomie est bafouée en permanence par l’État. Donc, non seulement l’État nous abandonne, l’État nous tue, mais en plus l’État nous flique, c’est-à-dire restreint nos libertés d’enseignement, de recherche, et restreint aussi nos libertés pédagogiques. Or, notre liberté pédagogique est garantie par notre indépendance, et cette indépendance a encore une valeur constitutionnelle. Tout comme notre liberté d’expression.

      Un collègue qui enseigne en IUT la communication appelle à la désobéissance civile. Le texte de RogueESR n’appelle pas explicitement à la désobéissance civile mais il dit très clairement : c’est à nous de faire, c’est à nous d’agir, avec les étudiantes et les étudiants ! Nous allons agir, on ne peut pas, si on est responsables, écrire : « Agissons » et ne pas agir ! Je dis à tous les collègues : mettons-nous ensemble pour transformer les TD en TP, qui sont autorisés, ou bien boycottons les rectorats et faisons nos TD ! Et proposons aux étudiants qui le souhaitent de venir suivre les cours en présence et aux autres qui ne le peuvent, de les suivre à distance. Avec d’autres, je vais essayer de convaincre les collègues de Strasbourg de faire du présentiel. On aura du mal, mais je pense qu’il est aujourd’hui légitime et parfaitement justifié de refuser les interdictions ministérielles parce qu’il y a des centaines et des milliers d’étudiants en danger. On a un devoir de désobéissance civile quand l’État prend des décisions qui conduisent à ce que l’on appelle, dans les CHSCT, un danger grave et imminent.

      https://blogs.mediapart.fr/edition/lhebdo-du-club/article/140121/hebdo-96-frederique-vidal-devrait-remettre-sa-demission-entretien-av

    • À propos du #brassage. #Lettre à la ministre de l’enseignement supérieur

      On pouvait s’y attendre mais c’est enfin annoncé, les universités ne réouvriront pas pour le début du second semestre. Des centaines de milliers d’étudiants vont devoir continuer à s’instruire cloitrés dans leurs 9m2, les yeux vissés à quelques petites fenêtres Zoom. Alors que des centaines de témoignages d’élèves désespérés inondent les réseaux sociaux, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, a justifié ces mesures d’isolement par le « brassage » qu’impliquerait la vie étudiante avec ses pauses cafés et les « #bonbons partagés avec les copains ». Un étudiant lyonnais nous a confié cette lettre de réponse à la ministre dans laquelle il insiste sur le #stress, le #vide et l’#errance qui règnent dans les campus et auxquels le gouvernement semble ne rien vouloir comprendre.

      Madame la ministre,

      Aujourd’hui, je ne m’adresse pas à vous pour vous plaindre et vous dire que je comprends votre situation. Je ne m’adresse pas à vous pour vous excuser de votre manifeste #incompétence, pire, de votre monstrueuse #indifférence à l’égard de vos administré·e·s, nous, étudiant·e·s. Je m’adresse à vous parce que vous êtes responsable de ce qu’il se passe, et vous auto congratuler à l’assemblée n’y changera rien.

      Je suis en Master 2 de philosophie, à Lyon 3. Deux étudiant·e·s de ma ville ont tenté de mettre fin à leurs jours, dans la même semaine, et tout ce que vous avez trouvé à dire, c’est : « Le problème, c’est le brassage. Ce n’est pas le cours dans l’amphithéâtre mais l’étudiant qui prend un café à la pause, un bonbon qui traîne sur la table ou un sandwich avec les copains à la cafétéria »

      Je pourrais argumenter contre vous que ce que nous voulons, c’est un espace pour travailler qui ne soit pas le même que notre espace de sommeil, de cuisine ou de repos ; ce que nous voulons, c’est pouvoir entendre et voir nos professeurs en vrai, nous débarrasser de l’écran comme interface qui nous fatigue, nous brûle les yeux et le cerveau ; ce que nous voulons, c’est avoir la certitude que ça ira mieux et qu’on va pouvoir se sortir de cette situation. Et tant d’autres choses. Mais je ne vais pas argumenter là-dessus, beaucoup l’ont déjà fait et bien mieux que je ne pourrais le faire.

      Je vais vous expliquer pourquoi aujourd’hui, il vaut mieux prendre le risque du brassage, comme vous dites, que celui, bien d’avantage réel, de la mort d’un·e étudiant·e. Nous sommes tous et toutes dans des états d’#anxiété et de stress qui dépassent largement ce qu’un être humain est capable d’endurer sur le long terme : cela fait bientôt un an que ça dure, et je vous assure que pas un·e seul·e de mes camarades n’aura la force de finir l’année si ça continue comme ça.

      Parce qu’on est seul·e·s. Dans nos appartements, dans nos chambres, nos petits 10m2, on est absolument seul·e·s. Pas d’échappatoire, pas d’air, pas de distractions, ou trop de distractions, pas d’aide à part un numéro de téléphone, pas de contacts. Des fantômes. Isolé·e·s. Oublié·e·s. Abandonné·e·s. Désespéré·e·s.

      Pour vous c’est un problème, un danger, l’étudiant·e qui prend un café à la pause ? Pour beaucoup d’entre nous c’était ce qui nous faisait tenir le coup. C’était tous ces petits moments entre, les trajets d’une salle à l’autre, les pauses café, les pauses clopes. Ces moments de discussion autour des cours auxquels on vient d’assister, ces explications sur ce que l’on n’a pas compris, les conseils et le soutien des camarades et des professeurs quand on n’y arrive pas. Toutes ces petites respirations, ces petites bulles d’air, c’était tout ça qui nous permettait de tenir le reste de la journée.

      C’était aussi le sandwich entre amis, le repas à la cafétéria ou au CROUS, pas cher, qu’on était assuré·e·s d’avoir, tandis que là, seul·e·s, manger devient trop cher, ou bien ça parait moins important. Ces moments où l’on discute, on se reprend, on s’aide, on se passe les cours, on se rassure, on se motive quand on est fatigué·e·s, on se prévoit des sessions de révision. On se parle, on dédramatise, et on peut repartir l’esprit un peu plus tranquille. Nous avons toujours eu besoin de ces moments de complicité, d’amitié et de partage, nous qui ne sommes aujourd’hui réduit·e·s qu’à des existences virtuelles depuis le mois de mars dernier. Ça fait partie des études, de ne pas étudier. D’avoir une #vie_sociale, de se croiser, de se rencontrer, de boire des cafés et manger ensemble. Supprimer cette dimension, c’est nous condamner à une existence d’#errance_solitaire entre notre bureau et notre lit, étudiant·e·s mort·e·s-vivant·e·s, sans but et sans avenir.

      Le brassage c’est tous ces moments entre, ces moments de #vie, ces #rencontres et ces #croisements, ces regards, ces dialogues, ces rires ou ces soupirs, qui donnaient du relief à nos quotidiens. Les moments entre, c’est ce qui nous permettait aussi de compartimenter, de mettre nos études dans une case et un espace désigné pour, de faire en sorte qu’elles ne débordent pas trop dans nos vies. Ce sont ces délimitations spatiales et temporelles qui maintenaient notre bonne santé mentale, notre #intérêt et notre #motivation : aujourd’hui on a le sentiment de se noyer dans nos propres vies, nos têtes balayées par des vagues de stress incessantes. Tout est pareil, tout se ressemble, tout stagne, et on a l’impression d’être bloqué·e·s dans un trou noir.

      Tout se mélange et on se noie. C’est ce qu’on ressent, tous les jours. Une sensation de noyade. Et on sait qu’autour de nous, plus personne n’a la tête hors de l’eau. Élèves comme professeurs. On crie dans un bocal depuis des mois, et personne n’écoute, personne n’entend. Au fur et à mesure, les mesures tombent, l’administration ne suit pas, nous non plus, on n’est jamais tenu·e·s au courant, on continue quand même, parce qu’on ne veut pas louper notre année. Dans un sombre couloir sans fin, on essaye tant bien que mal d’avancer mais il n’y a ni lumière, ni sortie à l’horizon. Et à la fin, on est incapables de travailler parce que trop épuisé·e·s, mais incapables aussi d’arrêter, parce que l’on se sent trop coupables de ne rien faire.

      Aujourd’hui, je m’adresse à vous au lieu de composer le dernier devoir qu’on m’a demandé pour ce semestre. Je préfère écrire ce texte plutôt que de faire comme si de rien n’était. Je ne peux plus faire semblant. J’ai envie de vomir, de brûler votre ministère, de brûler ma fac moi aussi, de hurler. Pourquoi je rendrais ce devoir ? Dans quel but ? Pour aller où ? En face de moi il y a un #brouillard qui ne fait que s’épaissir. Je dois aussi trouver un stage. Qui me prendra ? Qu’est-ce que je vais faire ? Encore du télétravail ? Encore rester tous les jours chez moi, dans le même espace, à travailler pour valider un diplôme ? Et quel diplôme ? Puis-je encore vraiment dire que je fais des études ? Tout ça ne fait plus aucun sens. C’est tout simplement absurde. On se noie dans cet océan d’#absurdité dont vous repoussez les limites jour après jour.

      Nous interdire d’étudier à la fac en demi-groupe mais nous obliger à venir tous passer un examen en présentiel en plein confinement ? Absurde. Autoriser l’ouverture des lycées, des centres commerciaux, mais priver les étudiants de leurs espaces de vie sous prétexte que le jeune n’est pas capable de respecter les mesures barrières ? Absurde. Faire l’autruche, se réveiller seulement au moment où l’on menace de se tuer, et nous fournir (encore) des numéros de téléphone en guise d’aide ? Absurde. Vous ne pouvez pas continuer de vous foutre de notre gueule comme ça. C’est tout bonnement scandaleux, et vous devriez avoir honte.

      Vous nous avez accusés, nous les #jeunes, d’être irresponsables : cela fait des mois qu’on est enfermé·e·s seul·e·s chez nous, et la situation ne s’est pas améliorée. Et nous n’en pouvons plus. Nous n’avons plus rien à quoi nous raccrocher. Je vois bien que vous, ça a l’air de vous enchanter que la population soit aujourd’hui réduite à sa seule dimension de force productive : travail, étude, rien d’autre. Pas de cinéma, pas de musées, pas de voyage, pas de temps libre, pas de manifs, pas de balades, pas de sport, pas de fêtes. Boulot, dodo. Le brassage ça vous fait moins peur dans des bureaux et sur les quais du métro hein ? Et je ne vous parle même pas de mes ami·e·s qui doivent, en prime, travailler pour se nourrir, qui vivent dans des appartements vétustes, qui n’ont pas d’ordinateur, qui n’ont pas de connexion internet, qui sont précaires, qui sont malades, qui sont à risque. Je ne vous parle même pas de Parcoursup, de la loi sur la recherche, de la tentative d’immolation d’un camarade étudiant l’année dernière. Je ne vous parle pas de cette mascarade que vous appelez « gestion de la crise sanitaire », de ces hôpitaux qui crèvent à petit feu, de ces gens qui dorment dehors, de ces gens qui meurent tous les jours parce que vous avez prêté allégeance à l’économie, à la rentabilité et à la croissance. Je ne vous parle pas non plus du monde dans lequel vous nous avez condamné·e·s à vivre, auquel vous nous reprochez de ne pas être adapté·e·s, ce monde qui se meure sous vos yeux, ce monde que vous exploitez, ce monde que vous épuisez pour vos profits.

      Je m’adresse à vous parce que vous êtes responsable de ce qu’il se passe. Je m’adresse à vous pleine de colère, de haine, de tristesse, de fatigue. Le pire, c’est que je m’adresse à vous tout en sachant que vous n’écouterez pas. Mais c’est pas grave. Les étudiant·e·s ont l’habitude.

      Rouvrez les facs. Trouvez des solutions plus concrètes que des numéros verts. Démerdez-vous, c’est votre boulot.

      PS : Et le « bonbon qui traine sur une table » ? Le seul commentaire que j’aurais sur cette phrase, c’est le constat amer de votre totale #ignorance de nos vies et du gouffre qui nous sépare. Votre #mépris est indécent.

      https://lundi.am/A-propos-du-brassage

    • Le distanciel tue

      « Le distanciel tue ! », avait écrit hier une étudiante sur sa pancarte, place de la République à Strasbourg. Macron et Vidal ont répondu ce jour aux étudiant.es, par une entreprise de communication à Saclay qui nous dit ceci : Macron est définitivement le président des 20% et Vidal la ministre du temps perdu.

      Gros malaise à l’Université Paris-Saclay, où le président Macron et la ministre Frédérique Vidal participent à une table ronde avec des étudiant.es, bien sûr un peu trié.es sur le volet. Pendant ce temps bâtiments universitaires et routes sont bouclés, les manifestants éloignés et encerclés. Voir ci-dessous le communiqué CGT, FSU, SUD éducation, SUD Recherche de l’Université Paris-Saclay. Les libertés sont une fois de plus confisquées et dans le cas présent les otages d’une entreprise de com’ qui vire au fiasco, pour ne pas dire à la farce. Attention : vous allez rire et pleurer. Peut-être un rire nerveux et des pleurs de colère. La politique de Macron appartient à un très mauvais théâtre de l’absurde, qui vire à la tragédie. Ou une tragédie qui vire à l’absurde. Nous ne savons plus, mais nous y sommes.

      Il est 13h15. Je tente de déjeuner entre deux visioconférences et quelques coups de fil urgents au sujet de collègues universitaires qui ne vont pas bien. On m’alerte par sms : Macron et Vidal à la télé ! J’alume le téléviseur, l’ordinateur sur les genoux, le portable à la main. La condition ordinaire du citoyen télétravailleur. La ministre parle aux étudiant.es. On l’attendait à l’Université de Strasbourg ce matin avec son ami Blanquer, pour les Cordées de la réussite, mais le déplacement en province du ministre de l’Education nationale a été annulé. Une lettre ouverte sur la question a circulé. La ministre est donc à Saclay. Que dit-elle ? Je prends des notes entre deux fourchettes de carottes râpées :

      « Le moment où le décret sort, il faut que ce soit au moins la veille du jour où les choses sont mises en place. » Là, je manque de m’étouffer, mais dans un réflexe salutaire je parviens à appuyer sur la touche « Enregistrement ». L’aveu est terrible, magnifique. Du Vidal dans le texte. Je pense à Jarry. Je pense à Ionesco. Je pense surtout aux dizaines de milliers de personnels des universités qui, à dix reprises depuis le début de cette gestion calamiteuse et criminelle de cette crise, se sont retrouvés vraiment dans cette situation : devoir appliquer du jour au lendemain le décret ou la circulaire de la ministre. Samedi et dimanche derniers, des centaines de collègues à l’université de Strasbourg et des milliers partout en France ont travaillé comme des brutes pour « préparer » la rentrée du 18. Le décret date du 15 et a été publié le 16 ! Des centaines de milliers d’étudiants paniquaient sans information. Criminel !

      Mais la ministre continue :

      « Tout le monde sera ravi d’accélérer l’étape d’après ». Nous aussi, mais on ne sait pas comment faire.

      « Sur le calendrier, c’est difficile .. » Effectivement.

      « Moi, j’ai des débuts d’année - des débuts de second semestre, pardon - qui s’échelonnent quelque part … ». Quelque part … La ministre fait-elle encore ses cours à l’Université de Nice ?

      Là, Macron sent que ça dérape vraiment et coupe Frédérique Vidal. Il a raison. Tant qu’il y est, il ferait bien de lui demander sa démission. Il rendra service à l’université, à la recherche, à la jeunesse, au pays. Et il sauvera peut-être des vies. Après avoir accompli cette action salutaire, il nous rendra aussi service en tentant d’être président à plus de 20%. « 20% en présentiel, dit-il, mais jamais plus de 20%, l’équivalent d’un jour par semaine ». Le président est un peu déconnecté des réalités de la gestion d’une faculté au pays du distanciel, de l’Absurdistan et du démerdentiel. Pour bien comprendre les choses en étant "pratico-pratique" comme dit Macron, voilà de quoi il retourne : les enseignants et les scolarités (personnels administratifs dévoués et épuisés qui n’en peuvent plus et qu’on prend pour des chèvres) doivent organiser et gérer les TD de 1ère année à la fois en présence et à distance pour un même groupe, les CM à distance, et articuler le tout dans un emploi du temps hebdomadaire qui n’oblige pas les étudiants à entrer chez eux pour suivre un TD ou un CM à distance après avoir suivi un TP ou un TD en présence. Et désormais il faudrait entrer dans la moulinette les 20% en présence pour tous les niveaux : L1, L2, L3, M1, M2. Une pure folie. Mais pas de problème, Macron a la solution : « C’est à vos profs de gérer », dit-il aux étudiants. Le président en disant ceci pourrait bien devoir gérer quelques tentatives de suicide supplémentaires. Pour les étudiant.es cette folie se traduit par une résignation au "distanciel" et toutes ses conséquences pathologiques, ou un quotidien complètement ingérable dans l’éclatement entre la distance et l’absence. Dites à un individu qu’il doit être présent dans la distance et distant dans la présence, faites-lui vivre cela pendant des mois, et vous êtes assuré qu’il deviendra fou. L’Etat fabrique non seulement de la souffrance individuelle et collective, mais aussi de la folie, une folie de masse.

      La suite confirmera que Macron et Vidal ont le même problème avec le temps, un gros problème avec le temps. L’avenir est au passé. Le président dira ceci : « Evidemment il y aura des protocoles sanitaires très stricts » pour le second semestre. Le second semestre a débuté dans la majorité des universités. Mais, pas de problème : « Evidemment ce que je dis, c’est pour dans 15 jours à trois semaines ». Les 20 % et tout le tralala. Dans 15 jours on recommence tout et on se met au travail tout de suite pour préparer la 11ème révolution vidalienne ? Le président n’a pas compris que Vidal a fait de l’Université une planète désorbitée ...

      Nous sommes de plus en plus nombreux à penser et dire ceci : « Ils sont fous, on arrête tout, tout de suite ! On sauve des vies, on désobéit ! ». Dans certaines universités, il y des mots d’ordre ou des demandes de banalisation des cours pour la semaine prochaine. Lors de l’AG d’hier à l’Université de Strasbourg, étudiant.es et personnels ont voté cette demande. Il faut tout banaliser avant que l’insupportable ne devienne banal ! Il nous faut nous rapprocher, limiter le "distanciel". Il n’y a aucun ciel dans les capsules et les pixels. Nous avons besoin de présence et pour cela il faut des moyens pour améliorer la sécurité sanitaire des universités.

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/210121/le-distanciel-tue

    • –-> Comment la ministre elle-même découvre l’annonce du président de la République d’un retour à l’Université de tous les étudiants 1 jour /5 (et qui annule la circulaire qui faisait rentrer les L1) lors de sa visite Potemkine à Paris-Saclay...
      Le 21 janvier donc, quand le semestre a déjà commencé...


      https://twitter.com/rogueESR/status/1353014523784015872

      Vidal dit, texto, je transcris les mots qu’elle prononce dans la vidéo :

      « Là j’ai bien entendu la visite du président, donc si l’idée c’est qu’on puisse faire revenir l’ensemble des étudiants sur l’ensemble des niveaux avec des jauges à 20% ou 1/5 de temps, ou... les universités ça, par contre... je vais le leur... dire et nous allons travailler ensemble à faire en sorte que ce soit possible, parce qu’effectivement c’était l’étape d’après, mais je pense que tout le monde sera ravi d’accélérer l’étape d’après parce que c’était quelque chose que je crois c’était vraiment demandé »

      –---

      Circulaire d’Anne-Sophie Barthez du 22 janvier 2021

      Au Journal officiel du 23/1/2021, un #décret modifiant le décret COVID, qui entre en vigueur immédiatement, sans mention des universités, ni modification de l’article 34 34 du décret du 29 oct. 2020 au JO. La circulaire du 22 janvier 2021 de la juriste Anne-Sophie Barthez, DGSIP, ci-dessous est donc illégale.


      https://academia.hypotheses.org/30306

      –---

      On se croirait au cirque... ou dans un avion sans pilote.

    • Kévin Boiveau continue ainsi sur son thread :

      je cite encore @VidalFrederique :
      – « Les étudiants sont porteurs et symptomatiques et font forcément des écarts sur les gestes barrières »
      – « Des étudiants sont assis entre les cours sans masques »
      – « Des étudiants trop nombreux dans certains lieux »
      Mais c’est pas le pire
      – « Les photos et vidéos sur les réseaux sociaux ne sont pas la réalité du terrain » "les étudiants vont bien globalement"

      Mme la Ministre @VidalFrederique, avec votre discours, vous mettez la communauté universitaire à dos ! Écoutez les messages et les actes de détresse !

      https://twitter.com/Kevin_BOIVEAU/status/1354483952363466759

      C’est à partir de la minute 1:07:00 :
      http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10236533_60118ba7066e6.commission-des-affaires-cult

      –-> où Vidal reprend encore cette idée qu’un #campus n’est pas un #lycée, qu’il y a « #brassage » (elle l’a redit !!!) dans les universités, contrairement aux lycées.
      Qu’elle a été sur place et a vu que les étudiant·es font la fête car ielles se retrouvent...
      et autres idioties qu’il vaudrait la peine de transcrire, mais... voilà, ni le temps ni la force en ce moment !

    • Ne pas tirer sur l’ambulance, vraiment ? Débat « #Malaise_étudiant » au Sénat, 10 février 2021

      #Monique_de_Marco, sénatrice de Gironde, groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, vice-présidente de la Commission Culture, a demandé la tenue d’un #débat dans le cadre des #questions_au_gouvernement. Le thème — « Le fonctionnement des universités en temps de COVID et le malaise étudiant » — a inspiré les oratrices et orateurs inscrit·es après l’intervention initiale de la sénatrice qui rappelle les données de la fondation Abbé Pierre : ces derniers mois, 20% des jeunes ont eu recours à l’#aide_alimentaire ; la moitié des étudiant·es déclarent des difficultés à payer leurs #repas et leur #loyer, qui représente 70% de leur budget. Dans une enquête portant sur 70 000 étudiant·es, 43% déclaraient des troubles de #santé_mentale, comme de l’#anxiété ou de la #dépression. Face à cela, les mesures sont insuffisantes, inégalitaires — puisque les #classes_préparatoires sont restées normalement ouvertes — et les #services_universitaires complètement débordés. À quand une réponse structurelle au problème de la #pauvreté_étudiante, comme une #allocation_autonomie_étudiante ?

      Parmi les interventions, souvent prises, pointant les béances de la politique gouvernementale, citons un extrait du discours de #Pierre_Ouzoulias qui parle de #définancement assumé par le gouvernement des budgets « #Vie_étudiante » depuis le début du quinquennat, en dépit des alertes.

      "Je n’oublie pas qu’en novembre 2019, par la loi de finances rectificative, votre Gouvernement avait supprimé 35 millions d’euros de crédits du programme « Vie étudiante ». En 2018 et 2019, ce sont 100 millions d’euros de crédits votés par le Parlement qui n’ont finalement pas été affectés à la vie étudiante par votre Gouvernement.

      L’an passé, à l’occasion de la discussion des quatre lois de finances rectificatives, j’ai proposé des amendements pour apporter aux universités et au Centre national des œuvres universitaires et scolaires des moyens d’urgence pour leur permettre d’aider rapidement les étudiants. Par la voie de Monsieur #Darmanin, alors ministre du l’Action et des Comptes publics, le Gouvernement m’avait expliqué qu’il n’y avait pas besoin de #crédits_budgétaires supplémentaires. La politique du « Quoi qu’il en coûte » a ignoré les campus et la #détresse_estudiantine.

      Cet automne nous avons discuté d’une loi de programmation de la recherche que le Gouvernement nous a présenté comme le plus grand effort budgétaire depuis la Libération. L’Université n’a bénéficié, dans ce cadre, d’aucune #aide_budgétaire supplémentaire, comme si les étudiants d’aujourd’hui ne seraient pas les chercheurs de demain.

      J’entends aujourd’hui les déclarations compassionnelles du Gouvernement qui s’alarme du mal vivre des étudiants. Mais, la #pandémie n’en est pas l’unique cause. Dans les universités, comme à l’hôpital, la crise sanitaire est la révélatrice d’une situation de #sous-investissement_chronique qui a fragilisé tout le #service_public de l’#enseignement_supérieur."

      La messe est dite. Sans appel pour dénoncer le mépris dans lequel le gouvernement tient « les emmurés de vingt ans » (Max Brisson), les sénateurs et sénatrices n’ont pas évoqué l’embroglio de circulaires-décrets inapplicables : iels ont pourtant souligné la nécessité d’un cadre réglementaire clair et stable et une plus grande #décentralisation des décisions.

      Public Sénat a choisi deux extraits représentatifs du discours, désormais sans queue ni tête, sans perspective, et vide de sens, de la Ministre. En voici un :


      https://twitter.com/publicsenat/status/1359585785159315457

      Que faut-il en comprendre ? La meilleure explication tient dans les mots de l’universitaire Pierre-Yves Modicom : il s’agit ni plus ni moins de « nier l’évidence sanitaire pour ne pas avoir à assumer les investissements matériels et les recrutements que la reconnaissance des faits impliquerait. L’incohérence, c’est la marque du déni obstiné de la réalité ».

      Le doyen Gabriel Galvez-Behar résumait ainsi le point de vue des agents du supérieur :

      "Nous ne pouvons plus minimiser les séquelles de la crise, nous contenter d’un illusoire retour à la normale, ni nous satisfaire d’expédients. Tout cela réclame ce qui a tant manqué jusqu’à présent : de l’anticipation, de la cohérence et des moyens à la hauteur de l’enjeu."

      Madame Vidal — alors que l’ensemble des usagers et des agents de l’ESR s’enfoncent chaque jour davantage, dans une détresse et un découragement graves — pas plus que son équipe n’ont pris la mesure du problème ni esquissé un début de solution, bien au contraire. Les réponses qu’elle a apportée devant la représentation nationale en attestent et attestent également de la toxicité de son ministère pour l’ensemble des agents publics et des usagers de l’ESR.

      Si vous ne souhaitez pas tirer sur une ambulance, allez-vous laisser un cadavre piloter l’université ? C’est la question que nous pouvons légitimement nous poser ce soir.

      https://academia.hypotheses.org/30821

  • #Covid-19 : la chasse aux #super-propagateurs pour réussir le #déconfinement - Science & Vie
    https://www.science-et-vie.com/corps-et-sante/deconfinement-la-chasse-aux-super-propagateurs-du-covid-19-60268

    « Les pays occidentaux ont été obnubilés par le modèle de la grippe pandémique, alors que les démocraties asiatiques se sont appuyées dès le début de la #pandémie sur leur expérience du Sras, une analogie beaucoup plus pertinente », relève Antoine Flahault, directeur de l’institut de santé globale (université de Genève). Cette grande hétérogénéité de contagion du Covid-19 ne peut plus être ignorée. Tout comme il n’est plus possible de se fier aveuglément au fameux facteur R, ce taux moyen de reproduction du virus scruté par tous les décideurs, qui ne dit rien du rôle démesuré des super-infecteurs ; Même avec un R inférieur à 1, « un évènement de super-propagation peut à tout moment relancer brutalement la contagion », prévient Akira Endo, chercheur à l’école d’hygiène et médecine tropicale de Londres.

    [...]

    Aucun besoin de tousser, éternuer ou cracher pour infecter un grand nombre de personnes. Ni même de produire de gros postillons, qui retombent presque immédiatement au sol et ne franchissent pas plus de deux mètres de distance. L’étude détaillée de plusieurs #clusters montre que le « patient zéro » n’avait eu bien souvent aucun contact direct ou rapproché avec les nouveaux contaminés. « Tout indique que les #aérosols émis par les malades, lorsqu’ils respirent, parlent ou chantent, sont responsables de l’ensemble des superpropagations de Covid-19… », estime José-Luis Jimenez, biochimiste à l’université du Colorado.

    [...]

    « D’après nos calculs, une bonne #ventilation permettrait de diviser le taux d’infection par 5, contre un facteur 3 pour l’usage des #masques, lance Bruno Andreotti, physicien à l’université Paris-Diderot. Et pourtant, le gouvernement français a jusqu’ici très peu insisté sur ce point, contrairement à l’#Allemagne ». Ventilation mécanique poussée et systèmes d’épuration de l’air (filtres HEPA, UV…) pourraient avoir un grand impact. Mais, faute d’investissements et de directives claires, c’est la débrouille qui règne ; des scientifiques préconisent, par exemple, d’ouvrir les fenêtres des classes 3 minutes toutes les 30 minutes.

    [...]

    Et la situation redevenir vite incontrôlable, au vu des techniques de #traçage mises en place jusqu’à présent en Europe et aux Etats-Unis. Techniques qui consistent à retrouver les personnes ayant été en contact avec un malade… sachant que 70 % des gens ne contaminent personne, et que 10 ou 20 % en infectent un seul. « L’immense majorité des cas #contacts recherchés ne participe pas à la croissance exponentielle de l’#épidémie ! », cingle Antoine Flahault.

    Pour retrouver et étouffer les superpropagations, il faudrait entreprendre un « #traçage_inversé » visant à retrouver la personne – ou plus largement l’évènement- qui a contaminé notre malade quelques jours plus tôt. « Si une personne a réussi à me contaminer, la probabilité qu’elle ait contaminé d’autres personnes est élevée, continue le professeur de santé publique.

    [...]

    Une autre stratégie s’impose

    Cibler certains lieux stratégiques

    Miser sur un traçage inversé

    Former des bulles sociales

  • Covid-19 : « Il est probable que lors des deux vagues, les trajets domicile-travail ont largement contribué à la propagation du virus »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/12/covid-19-il-est-probable-que-lors-des-deux-vagues-les-trajets-domicile-trava

    Les consultants Joël Hazan et Ugo Deschamps notent les inconnues sur la mobilité des salariés, cruciale pour un déconfinement durable.

    Tribune De quoi les Français ont-ils le plus de mal à se priver pendant cette période de restrictions ? De se rendre sur leur lieu de travail… Tous les chiffres le confirment. Le 29 octobre, avant l’instauration du couvre-feu, la fréquentation des musées, magasins et restaurants était en baisse de 34 % en Ile-de-France par rapport au niveau précrise, alors que la fréquentation des bureaux ne reculait que de 17 %.

    Une fois le deuxième confinement engagé en novembre, cette fréquentation des lieux de travail baissait de seulement 31 %, alors qu’elle avait chuté de 56 % lors du premier confinement. Déjà, avant la crise, seuls 7 % des salariés français pratiquaient régulièrement le télétravail… alors même que l’amélioration de la productivité et de la satisfaction des employés a été maintes fois démontrée.

    Cet apparent besoin de se retrouver sur le lieu de travail aggrave-t-il la propagation du virus ? Très probablement. D’abord, tout le monde le reconnaît, à cause des contaminations entre collègues qui représentent plus d’un quart des clusters identifiés. Ensuite, et c’est moins largement admis, à cause des trajets domicile-travail.

    L’heure de pointe expose à un risque de contamination

    Si les images de quais et rames de métro bondés enflamment régulièrement les réseaux sociaux, certains, s’appuyant sur les rapports de Santé publique France, ont cru pouvoir annoncer que les transports n’avaient que peu d’impact : « Moins de 1 % des clusters sont détectés dans les transports en commun. » C’était sans compter que les #clusters identifiés ne représentent que 10 % des cas de contamination.

    Les entreprises et les rassemblements familiaux ne sont pas les principaux lieux de transmission : ils sont les seuls que nous savons retracer. Si rien ne peut être prouvé, tous les indices convergent cependant. En Ile-de-France, 65 % des trajets domicile-travail se font en transports en commun, durent en moyenne 1 heure 24 et continuent à s’effectuer à 71 % en heure de pointe malgré les risques afférents.

    Malgré une fréquentation moyenne en baisse de 30 % en octobre, la promiscuité de l’heure de pointe expose à un risque important de contamination, comme l’indique le professeur Yves Buisson, membre de l’Académie de médecine et responsable de la cellule de veille sur le Covid-19 : « Si vous restez plus de dix minutes entassés les uns sur les autres dans les transports en commun et qu’un porteur du virus se trouve au milieu, la contamination peut arriver. »

    Réduire de plus de 30 % les déplacements pendulaires

    Il est donc probable que lors des deux vagues, les trajets domicile-travail ont largement contribué à la propagation du virus. Et qu’il en sera probablement de même après le déconfinement à venir. Est-il possible de limiter la fréquentation des transports de telle sorte qu’ils ne contribuent pas à l’accélération de la diffusion du virus ? Et qu’ainsi nos voisins arrêtent de railler l’inconstance de nos politiques ?

    Les mesures évidentes n’ont pas suffi. Les invitations de la ministre du travail au télétravail n’ont convaincu ni les entreprises ni leurs salariés. Le télétravail forcé n’est, quant à lui, pas constitutionnel. Le développement de l’usage du vélo, pourtant très bien exécuté par la ville de Paris, ne peut pas suffire : son usage se révèle saisonnier et plus adapté aux loisirs qu’aux trajets professionnels. Des négociations sont engagées entre les organisations patronales et syndicales sur le télétravail ; elles prendront du temps.

    Reste qu’il faut résorber ce foyer de contamination, le plus vite possible et pour de bon. A court terme, seules les entreprises peuvent agir : inciter au télétravail, vérifier que cette incitation est respectée, décaler les horaires de travail…

    A moyen terme, il faut donner une incitation financière aux entreprises qui permettront à leurs employés d’éviter les transports aux heures de pointe. A long terme, nous devons rendre nos villes résilientes, grâce à des stratégies de coopération territoriale, de développement du coworking et d’échanges d’emplois. Ensemble, ces mesures ont le potentiel de réduire de plus de 30 % les déplacements pendulaires.

    Ugo Deschamps(Consultant au Boston Consulting Group/ BCG) et Joël Hazan(Directeur associé au Boston Consulting Group/ BCG et chercheur associé du BCG Henderson Institute)

    À la poursuite du #déconfinement_durable #covid-19 #transports #travail #télétravail

  • Covid-19 : Dans les Ehpad, une remontée des cas de contamination préoccupante
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/23/covid-19-dans-les-ehpad-une-remontee-des-cas-de-contamination-preoccupante_6

    Loin des chiffres vertigineux de la première vague, les établissements pour personnes dépendantes enregistrent néanmoins une hausse importante des infections depuis quelques semaines.

    « On est comme des vigies sur un bateau. On voit l’iceberg. Mais on ne sait pas à quelle vitesse il s’approche » : au CHU de Lille, « depuis une semaine » le professeur Eric Wiel voit « revenir doucement » les résidents de maisons de retraite parmi les malades du Covid-19 hospitalisés. « Il y a une augmentation des patients âgés, mais aucune modélisation mathématique ne peut dire si et quand une deuxième vague » touchera les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), affirme ce professeur de médecine, chef de pôle adjoint des urgences à l’hôpital.

    A ce stade, Santé publique France constate dans son bulletin épidémiologique hebdomadaire publié jeudi 22 octobre « une augmentation particulièrement importante » des nouveaux cas de contamination dans les Ehpad. L’agence recense 6 290 cas au 11 octobre, contre 3 635 le 8 octobre. Une hausse de plus de 73 %, la plus forte depuis la fin du confinement et qui « concerne toutes les régions » . Une semaine plus tôt, Santé publique France observait déjà la détérioration de la situation à travers la forte hausse des foyers de circulation du virus dans les établissements. 304 #clusters étaient répertoriés, soit 20 % de la totalité (1 496), avec en moyenne 15 cas confirmés par foyer actif.

    « On voit monter plus fortement le taux d’incidence chez les plus de 65 ans que pour le reste de la population » , avance Hélène Junqua, directrice générale adjointe de l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine. Une tendance inquiétante, selon elle, « même si le dépistage systématique dans les Ehpad, dès qu’un cas apparaît, peut expliquer cette augmentation » .

    « Turn-over du personnel »

    Pour autant, parmi ces clusters, un certain nombre disparaissent sans avoir entraîné de décès. « A ce jour, nous comptons 248 résidents porteurs du virus au sein de nos 225 établissements, dont 80 % sont asymptomatiques » , indique le groupe Orpea, qui déplore 39 morts du Covid-19 depuis le 1er septembre parmi ses 225 Ehpad. Korian répertoriait quant à lui, dans ses 300 établissements, 9 nouveaux décès liés au virus en août, 23 en septembre et 48 en octobre. Loin du tribut payé par le groupe fin avril, soit 606 décès sur 23 000 résidents.
    Au total, 15 041 résidents d’Ehpad sont morts du Covid-19 depuis le 1er mars. Soit 44 % des victimes du virus (33 885). « On ne peut pas dire que la situation dérape de nouveau dans les Ehpad , estime Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées. Elle est à ce stade encore sous contrôle. »

    De fait, la courbe des #décès a largement décru avant l’été, avant de reprendre doucement fin septembre. Du 24 septembre au 1er octobre, Santé publique France répertoriait 192 nouveaux décès, 142 du 5 au 11 octobre. Mais du 11 au 18 octobre, le nombre de morts a atteint 258. Soit près d’un tiers de l’ensemble des décès enregistrés la même semaine (764).

    Contrairement à la première vague, le virus frappe aujourd’hui autant les territoires ruraux que les métropoles. Fin septembre, 20 résidents sont morts du Covid-19 en l’espace d’un mois à l’#Ehpad Gloriande, à Séverac-le-Château (Aveyron). L’Ehpad de Notre-Dame-du-Bourg, à Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), a perdu 8 de ses pensionnaires, et la Résidence du Clair-Mont, à Roanne (Loire), 9. Même si la mort est loin de frapper comme au printemps, Santé publique France indique que « l’augmentation des nombres de cas de #Covid-19 parmi les résidents des Ehpad fait craindre une augmentation des décès dans les semaines à venir » .

    Comment expliquer ce regain de l’épidémie dans des établissements qui ont pour la plupart tiré les leçons de la première vague ? Santé publique France montre une reprise des contaminations en Ehpad à la fin du mois d’août, qui coïncide avec le retour des congés d’été et la rentrée scolaire . Pour Malika Belarbi, membre de la direction fédérale de la CGT, le virus circule du fait « du turn-over du personnel. On pallie le manque de personnel par des embauches de vacataires non ou peu formés aux mesures d’hygiène » .

    « On voit arriver la deuxième vague et on la craint même plus que la première : nos agents sont plus fatigués et nous n’avons pas le même vivier de renforts car les déprogrammations à l’hôpital sont moins nombreuses qu’au printemps » , s’inquiète Séverine Laboue, membre du bureau national de la Fédération hospitalière de France. En attendant, dès le premier cas de Covid, la plupart des directions d’Ehpad suspendent les visites des familles. Au risque – malgré elles – de mettre en péril la vie de leurs résidents qui parfois ne tient qu’à un fil, celui du lien avec leurs proches.

  • Covid-19 : les circonstances de #contamination chez les Français restent mystérieuses, voici pourquoi | Le HuffPost, 16/10/2020
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/covid-19-les-circonstance-de-contamination-chez-les-francais-sont-enc

    (...) les lieux des #clusters identifiés suite à ce #traçage “ne peuvent en aucun cas être considérés comme représentatifs des lieux de contamination en général” , alerte Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste à Santé Publique France. SPF le rappelle, les clusters ne servent qu’à analyser le niveau de “criticité des différents secteurs ”. En clair, de voir que dans un Ehpad, le risque de transmission et le risque de forme grave de Covid-19 sont plus élevés que dans les crèches. 

    “Il n’est pas surprenant de retrouver un nombre brut de clusters plus élevé dans les entreprises ou milieux scolaires, mais si vous le rapportez au nombre d’entreprises et d’établissements scolaires, la proportion par milieu sera beaucoup plus faible” , estime Patrick Rolland, coordonnateur interrégional chez Santé publique France, à l’origine du système de traçage des clusters développé par SPF.

    Enquête sur les contaminations

    De plus, le traçage de contact en général est à bout de souffle et débordé face à l’explosion des contaminations. Surtout, il n’est lui non plus pas très représentatif. On voit par exemple que seules 2,8 personnes-contacts sont identifiées par cas confirmé de Covid-19. En parallèle, 73% des personnes diagnostiquées positives par PCR n’étaient pas référencées comme cas contact. En clair, le traçage de contact passe à côté de 7 personnes sur 10.

    Pourquoi ? Les cas confirmés cachent-ils les personnes qu’elles ont pu voir dans le cadre privé ? Les contaminations sont elles majoritairement intraçables, car elles proviennent d’inconnus (transports en commun, lieux publics, bars et restaurants, etc.) ? Le système est-il simplement débordé ? Ici, impossible de le savoir, parce qu’encore une fois, nous ne savons pas comment les Français se contaminent. 

    “Les plateformes de traçage de contact ont pour vocation de contacter les personnes identifiées et ne peuvent pas enquêter sur les circonstances fines de contamination” , explique Daniel Lévy-Bruhl. Mais justement, SPF s’est associé à l’Institut Pasteur pour essayer d’en savoir plus.

    Une étude épidémiologique va bientôt démarrer sur un échantillon important de cas où on va investiguer les circonstances de contaminations ”, précise l’épidémiologiste. Si tout se passe bien, les résultats devraient être connus “dans les mois qui viennent”. À défaut de permettre de mieux gérer la deuxième vague, cela permettra peut-être de prévenir la troisième.

    #épidémiologie #enquête_épidémiologique #covid-19 #criminels #sans-vergogne #terrifiant

    • Clusters et chaînes de contamination, extrait de Corona virus update - Une traduction du podcast de Christian Drosten (NDR Info)
      https://inf-covid.blogspot.com/2020/10/allemagne-barrington-cluster-source.html
      Allemagne, Barrington, cluster-source, immunité, étude indienne, mutation D614G. Podcast #60 du 13 octobre 2020
      L’Allemagne va connaître la même évolution que le reste de l’Europe

      [...]
      La chose décisive est, et il faudrait vraiment le répéter encore et encore, car tout le monde ne l’a pas encore intégré, nous avons besoin de deux mesures combinées. Donc les règles AHA, c’est bien, mais je trouve cette formule presque un peu trop simple. Donc les règles AHA - distanciation, hygiène, masques grand public - c’est certainement une mesure généralement efficace et dont tout le monde se souvient. Et c’est bien. Mais nous avons besoin de quelque chose de plus, à savoir une mesure contre les clusters. C’est la règle de base pour ces maladies qui se propagent avec une sur-dispersion. Nous avons besoin de deux mesures à l’échelle de la société. La première est une mesure que tout le monde suit et qui n’a pas besoin d’être très intrusive, ni à être très efficace pour la propagation du virus. Elle doit être efficace à 20%. C’est certainement la combinaison de la distance, de l’hygiène et des masques. Quelque chose qui s’applique à tout le monde, qui s’applique dans toute la société, qui n’est pas drastique. Et puis, nous avons également besoin d’une mesure spécifique, qui prenne effet partout où des clusters apparaissent.

      Et c’est encore une faiblesse en Allemagne pour le moment, et aussi dans le système de reporting, et pas seulement en Allemagne. L’orientation spécifique de l’enregistrement des cas, l’enregistrement de l’activité infectieuse sur le cluster source, c’est-à-dire la question : Où avez-vous été infecté ? Nous sommes toujours très axés sur la poursuite des cas. En d’autres termes, nous demandons : ce patient qui a été infecté ici, qui aurait-il pu infecter, à la fois ces derniers jours, avec qui il était en contact, et aussi à l’avenir, il doit rester chez lui pour qu’il n’infecte plus personne.

      Mais le moment où nous remarquons cette infection est en fait un moment où la contagiosité est pratiquement terminée. Et les quelques personnes qu’il aurait pu infecter au cours des derniers jours ne sont pas à l’origine du processus d’infection, mais ce qui est vraiment à l’origine du processus d’infection, c’est le cluster source où il a contracté son infection. Car cette infection se propage par grappes. Même si les autorités sanitaires disent qu’il y a un processus d’infection de plus en plus diffus, on ne peut plus reconstituer les chaînes de contamination, alors ce n’est pas une description de la réalité de la propagation du virus, mais une description de l’impression qu’on a dans les services de santé car les gens ne peuvent pas dire où ils ont probablement été infectés il y a sept à dix jours.

      Nous avons cela avec d’autres rhumes également. Nous n’avons tout simplement pas cette mémoire. Nous ne pouvons pas nous souvenir dans quelles situations particulières, dangereuses, nous étions il y a sept à dix jours. Le problème, cependant, est que cette situation dangereuse dans laquelle nous avons été infectés il y a sept à dix jours est toujours là. Ce cluster couve toujours. Et sans que personne ne le sache, sans que les cas aient été signalés jusqu’à présent, nous avons ici un cluster source qui frémit. Nous sommes maintenant à ce moment où les remontées de chaînes deviennent de plus en plus difficiles, où les autorités sanitaires disent les unes après les autres : "Nous n’y arrivons plus, Bundeswehr, venez nous aider !" Nous voyons cela dans les médias maintenant. C’est maintenant le moment où cette méthode de travail sur les clusters source doit être mise en œuvre. Parce qu’en ce moment, d’après les statistiques, nous avons l’impression que cela vient des fêtes de famille, des ménages. Cela ne vient pas des situations de travail, des transports en commun, etc.

      Martini : D’aller au restaurant.

      Drosten : Exactement. Tous ces éléments ne figurent pas dans les statistiques des rapports pour le moment. Les autorités sanitaires disent que ce sont avant tout les situations privées, les fêtes de famille, la maison. Mais regardons maintenant de près ces statistiques de reporting. Et ce que nous constatons, c’est que plus de la moitié de toutes les nouvelles infection ne peuvent pas être résolues. [...] les chaînes de contamination reconstructibles sont minoritaires. [...] Les gens ne peuvent pas dire où ils se sont infectés. D’où cette proposition, que je fais depuis des semaines, que chaque citoyen tienne un journal des situations de cluster. Chaque soir, par exemple, vous pouvez écrire sur votre smartphone, dans votre bloc-notes ou sur n’importe quel morceau de papier, là où vous ne vous êtes pas sentis très à l’aise. Alors aujourd’hui, j’étais dans une situation où j’avais le sentiment qu’il y avait trop de monde, dans une pièce fermée, trop près les uns des autres, même si la plupart portaient des masques. En faisant cela, deux choses se produisent. Premièrement, [...] les gens pourraient se souvenir davantage et dire où ils ont été infectés. Les autorités sanitaires pourraient alors être en mesure d’identifier encore mieux les clusters source. Le suivi des cas serait amélioré. Le deuxième effet est que [chacun] réaliserait plus clairement qu’il se trouve régulièrement dans de telles situations et [qu’en y étant plus sensibilisé, il les évite à l’avenir].
      [Si je vais au restaurant] Est-ce que je m’en souviendrai dans dix jours ?

      Martini : Probablement pas.

      Drosten : Sérieusement. Donc si j’ai soudainement de la fièvre, [...] je dirais : « Je ne peux pas dire. » Ou je dirais aussi : « Eh bien, probablement à la maison, parce que mon conjoint a aussi de la fièvre. Donc, je me suis contaminé à la maison. » Mais je suis aussi allé manger avec mon conjoint, mais comme je ne l’ai pas noté, je ne m’en souviens pas. Je ne veux pas seulement me concentrer sur les restaurants. Il s’agit aussi d’autres situations, de situations quotidiennes, nombreuses dans le secteur du sport, dans le secteur des loisirs, mais aussi la vie professionnelle. Ces lacunes dans les listes seraient ainsi comblées. Par exemple dans la vie professionnelle, il y avait telle réunion [exceptionnelle], et il y avait 30 personnes dans la salle. Tous étaient assis à distance et portaient des masques. […] C’est quelque chose que nous pouvons tous faire. On ne peut pas simplement rester passifs et se dire que le département de la santé clarifiera tout ça si je tombe malade à un moment donné. [...]

      Martini : Cela voudrait dire que si nous notions ces contacts, nous serions un peu plus loin.

      Drosten : Alors nous serions certainement tous un peu plus impliqués. [...] Nous serions alors plus loin dans le processus de connaissance et d’évitement. Je pense que l’accent est mis ici sur l’évitement. Parce que les politiciens ne peuvent pas régler chaque petite situation de la vie quotidienne - de préférence séparément pour chaque Land- mais à un moment donné, la société doit passer à un mode de participation active.

      [...]
      Etude indienne sur les chaînes de contamination

      Martini : Si nous regardons de plus près une autre histoire qui nous intéresse encore et encore. En ce moment, il y a les vacances d’automne dans certains Länder, mais ensuite l’école reprend. Les chaînes de contamination. Nous en avons beaucoup parlé : les enfants sont-ils dangereux pour les générations plus âgées ? Oui ou non ? [...] Il y a maintenant des études qui examinent de plus près les modes de transmission. Une étude qui a évalué très précisément un ensemble de données en Inde. Qu’est-ce qui en est ressorti exactement ?

      Drosten : Oui, c’est aussi une étude [publiée] dans « Science ». C’est une étude intéressante car elle a été réalisée en Inde. Dans un pays où il n’est pas si facile de parvenir à un lockdown. [...] Il est donc probable que durant la période d’évaluation, qui était la première vague là-bas, nous aurons un aperçu de la propagation naturelle de ce virus […] L’étude a été menée dans l’Andhra Pradesh et le Tamil Nadu, deux États de l’Inde qui ont des systèmes de santé relativement bons, où la recherche des contacts a été effectuée avec beaucoup de personnel. Ici, bien sûr, à nouveau en fonction des symptômes. Autrement dit, si un cas survient dans un ménage, il s’agit du premier cas symptomatique. Ce qui s’est passé auparavant ne peut être dit. Mais lorsqu’un cas symptomatique survient, on a généralement tenté de tester tous les membres du ménage en laboratoire dans les 5 à 14 jours suivant le contact avec le cas index. De nombreux cas ont été examinés, du moins dans les statistiques. Il y a eu 263.000 cas index au Tamil Nadu et 172.000 dans l’Andhra Pradesh avec des infections principalement identifiées au Sras-2. Et ils avaient un total de plus de trois millions de contacts, dont chacun était inscrit sur des listes. Vous devez imaginer cela. Il s’agit d’un système de notification massif dans ces pays avec un grand nombre d’employés.

      L’étude s’est maintenant concentrée sur 575.000 contacts sur un total de près de 85.000 cas index, avec une documentation épidémiologique complète et des résultats de laboratoire. Un véritable chef-d’œuvre de l’épidémiologie de terrain [...] C’est juste intéressant ce qui en ressort. Par exemple, on peut souligner que le nombre de contacts par cas index (la première personne infectée) est de 7,3 en moyenne. C’est vraiment beaucoup, vous pouvez voir comment la société et les ménages y sont structurés différemment. Il s’agit d’une taille de ménage complètement différente de la nôtre. 0,2 % de tous les cas index avaient plus de 80 contacts. Ce sont de très grands cercles de contact qui ont été suivis ici. Il est également intéressant de souligner que dans le même temps, un peu plus de 70% de tous les cas index n’avaient aucun cas de contact positif dans la région. En d’autres termes, avec ces grands réseaux de contacts, chez 70% d’entre eux on n’a trouvé aucune infection dans les contacts. Cela souligne encore plus à quel point nous avons un effet de sur-dispersion avec cette maladie. À quel point, en Inde, cette maladie se propage en clusters, dans des événements de grande diffusion. Cela continuera d’être le cas en Allemagne. Cette maladie se propage par grappes, ce qui peut également être vu en Inde.

      Martini : Cela signifie que ce que nous pouvons apprendre ou voir pour nous de cette étude indienne est l’histoire du cluster. Faut-il vraiment accorder plus d’attention aux clusters ?

      Drosten : C’est certainement un message très important. Avec cette observation d’un processus d’infection peut-être plus naturel, incontrôlé, nous obtenons cette impression écrasante de la propagation par grappes. Et il y a aussi un contrôle interne intéressant dans les données. Dans cette situation, nous voyons un taux d’attaque secondaire de 11 %, c’est-à-dire combien sont infectés à partir d’un cas index confirmé. C’est la valeur que nous observons également dans nos contacts à haut risque, 15 minutes de contact en face à face. Et nous voyons 5 % pour des contacts à faible risque. Tout cela est très similaire aux nôtres. C’est pourquoi nous devons continuer à espérer que nous verrons également un comportement de propagation par clusters. C’est certainement l’un des messages les plus importants de cette étude. Et l’autre message très important est, tout simplement, que nous pouvons dire que la prévalence de cette maladie se situe principalement dans la même tranche d’âge. Donc, si vous regardez qui a infecté qui ici, [...] les groupes d’âge s’infectent les uns avec les autres parce qu’ils ont beaucoup de contacts sociaux les uns avec les autres.

      #épidémiologie_de_terrain #Great_Barrington_Déclaration

  • Covid-19 : on ne peut pas dire que « 60 % des contaminations ont lieu au travail ou à l’école »
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/10/15/covid-19-on-ne-peut-pas-dire-que-60-des-contaminations-ont-lieu-au-travail-o

    On ne peut donc pas extrapoler à partir des chiffres des clusters pour supposer que les contaminations au travail et en milieu scolaire seraient majoritaires, comme le fait Jean-Luc Mélenchon. Aucun indicateur chiffré ne permet de le faire en France à l’heure actuelle.

    Nananananèreuh. On peut pas. D’abord. Alors camembert. Tous ceux qui extrapolent depuis les clusters ils ont tort. Les clusters, c’est juste pour faire joli qu’on les relie à des lieux. Pas pour en tirer la moindre conclusion. Na. Mélenchon est un gros nul. Et même qu’il est borgne. Et Véran est un grand ministre. Pas aussi grand que "Moi Je" Macron, évidemment. Mais presque.

    • Pas le temps d’y réfléchir intelligemment. C’est pénible ces gens qui tartinent pour défendre un ministre.

      Donc là, ils nous expliquent que les clusters sont un sous-ensemble de la population.


      En gros, ils nous expliquent que les clusters, c’est un petit peu comme si on avait fait un sondage. 43000 contaminations examinées, sur 470000 contaminations au total. On a presque 10% de la population totale, et on en a fait une étude statistique. Théorie des sondages, tout ça... Les clusters et leur répartition géographique, c’est une estimation avec un intervalle de confiance. Et donc, les décodeurs, ils nous disent que la théorie des sondages, elle n’est pas applicable à ce cas particulier.

      Par contre, quand les instituts te brodent des théories fumeuses sur l’opinion des 66 millions de français à partir de questionnaires bancals, et de tailles d’échantillons qui ne dépassent même pas le millier, pas de problème.

    • Ce qu’ils montrent avant tout c’est la faillite absolue du traçage (rétrospectif https://seenthis.net/messages/881109 et prospectif), confié au solutionnisme techno. On sait depuis mars que réussir le traçage aurait supposé l’embauche de 20 à 30 000 CDD et des messages publiques clairs incitant à ce que le plus de gens possible notent au jour le jour leurs contacts et les lieux fréquentés. Une mobilisation collective sous diverses formes, reposant sur une compréhension la plus adaptée possible du virus, de l’épidémie, des mesures de prévention, des modalités variées d’implications dans cette « guerre » du grand nombre, et pas la logique des grands chefs de guerre, de service, de ceci ou de cela, et pas le choix de casser le thermomètre (école et emploi, cas contacts pas tracés, morts à domicile peu dénombrés, dès en ehpad occultés par intermittence, etc).
      On va de nouveau pouvoir regarder le chiffre des réas, une mise en lumière qui continuera à faire de l’ombre sur bien des aspects de l’abandon criminel de la population.
      #clusters #traçage

    • Mon préféré dans ce genre, c’est le billet de FranceInfo qui, tout en admettant qu’« il est néanmoins possible que d’autres personnes aient été contaminées à l’école, au sein de leur entreprise ou ailleurs, sans qu’un cluster ne soit détecté », parvient à estimer « selon les calculs de franceinfo », que le vrai chiffre est 3,1% (noter la décimale de pourcentage (donc du « pour-mille », gage de qualité du discours fact checké).

      VRAI OU FAKE. Covid-19 : 60% des contaminations ont-elles lieu dans les écoles et les entreprises, comme l’affirme Jean-Luc Mélenchon ?
      https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-60-des-contaminations-ont-elles-lieu-dans-les-ecoles-et-les-en

      Selon les calculs de franceinfo, les cas de Covid issus de clusters dans les entreprises et les écoles ne représentent finalement que 3,1% de tous les cas positifs détectés. Bien loin des 60% de contaminations évoqués par Jean-Luc Mélenchon.

      Demain, l’article titré : « VRAI OU FAKE. Covid-19 : 3,1% des contaminations ont-elles lieu dans les écoles et les entreprises, comme l’affirme France Info ? »

  • #COVID research updates: Teenager spreads coronavirus on family holiday
    https://www.nature.com/articles/d41586-020-00502-w

    A 13-year-old girl gave the new #coronavirus to her grandparents and 9 other relatives who occupied the same holiday house for up to 3½ weeks, confirming that adolescents can seed #clusters of COVID-19 cases.

    https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/69/wr/mm6940e2.htm?s_cid=mm6940e2_w

  • COVID-19 : point épidémiologique du 24 septembre 2020
    https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-24-septembre-2020

    Dans le PDF, page 15, ce tableau sur les clusters depuis le 9 mai :

    On voit que le type « Milieu scolaire et universitaire » représente un tiers (32% !) des « clusters en cours d’investigation ». Je suppose que c’est parce que ce sont les clusters récents (et la rentrée c’est début septembre), et possiblement parce que le services enquêtent en priorité sur ce type de milieux sensibles.

  • Covid-19 : face au risque de rejet, Macron refuse d’imposer des mesures trop contraignantes
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/16/covid-19-face-au-risque-de-rejet-macron-refuse-d-imposer-des-mesures-trop-co

    En face de lui, le ministre de la santé, Olivier Véran, et le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, venaient de plaider en faveur d’une fermeture des bars et des restaurants à Bordeaux et à Marseille, où l’évolution des contaminations est jugée « préoccupante ». Une proposition rejetée par le locataire de l’Elysée, soucieux de l’acceptabilité sociale de ces mesures, mais aussi d’en partager la responsabilité avec les élus locaux.

    « Macron est convaincu qu’il faut laisser les gens vivre, tout en protégeant les personnes fragiles. Il a viré sa cuti », décrypte un familier de la Macronie. « La cohérence de la politique gouvernementale, elle est simple : elle s’appelle vivre avec le virus », a affirmé, pour sa part, le premier ministre, Jean Castex, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, mardi 15 septembre.

    Laisser les gens vivre, tout en protégeant les plus fragiles ? Hum. On repart sur cette histoire d’immunité du troupeau ?

    • La proportion de personnes positives a sensiblement augmenté sur la période, passant d’environ 1 % par semaine en moyenne à la fin du mois de juin à plus de 3 % à la fin du mois d’août. La multiplication des tests ne suffit donc pas à expliquer l’augmentation des cas.

      Le virus circule davantage chez les plus jeunes, moins vulnérables

      Pour Ségolène Aymé, directrice de recherche émérite à l’Inserm, la clé de compréhension de la situation actuelle est là : « Il n’y a pas à chercher des explications compliquées à ce décalage entre les courbes. Le virus circule sans doute à un niveau élevé, mais la dynamique est aujourd’hui chez les plus jeunes : c’est pour ça qu’il y a relativement peu de cas graves. Les personnes les plus à risques, notamment les plus âgées, se protègent mieux. »

      [...]

      ... les cas reliés à des « #clusters » (des foyers de contamination identifiés) sont très largement minoritaires, selon les données de Santé publique France : la plupart des contaminations ne sont donc pas suivies par les autorités sanitaires. « Cela veut dire que le virus n’est pas maîtrisé et cela ressemble à une épidémie partie pour s’installer dans la durée. C’est quand même très dangereux », observe Ségolène Aymé.

  • #Coronavirus : un million de cas ces six derniers jours, des reconfinements partiels
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/29/coronavirus-un-million-de-cas-ces-six-derniers-jours-des-reconfinements-part

    La campagne de tests expérimentale à grande échelle destinée à identifier des « #clusters dormants » a débuté lundi en Ile-de-France, a annoncé l’agence régionale de santé. Dans le cadre de cette opération, 1,3 million de personnes vont recevoir des bons de l’Assurance-maladie leur proposant d’aller faire un test de #dépistage virologique.

    Ces tests pourront être réalisés dans n’importe quel laboratoire, public ou privé. Et, en cas de résultat positif, des tests sérologiques seront proposés afin de déterminer si la contamination est ancienne ou récente.

  • Are slaughterhouses turning into #coronavirus factories? | Euronews
    https://www.euronews.com/2020/06/24/are-slaughterhouses-turning-into-coronavirus-factories

    Experts say meat processing plants are ripe for the virus to spread, as they’re often cold, damp, and keep employees in close contact. But much of the #transmission of the virus may occur away from work: where employees live and share meals.

    “It’s very important to realise that workers in these plants – and this is unpopular work – are often #migrant workers, foreign workers who will live in dormitories. And they live and travel very closely together,” Professor James Wood, the head of Cambridge University’s Veterinary School, told Euronews.

    “So transmission, where #clusters occur, maybe occurring both in the home environment from travelling to work, as well as actually in the workplace itself.”

    #migrants #dortoirs

  • #Covid-19 : point sur la situation épidémique et pourquoi rester prudents
    https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/covid-19-point-situation-epidemique-pourquoi-rester-prudents

    Que sait-on de l’épidémie de Covid-19 le 16 juin 2020 ?

    En France, la circulation du coronavirus #SARS-CoV-2 (responsable de la maladie Covid-19) est faible, mais pas nulle : entre 500 et 1000 infections par jour ; et 4 à 5 nouveaux #clusters par jour (c’est-à-dire des foyers épidémiques isolés).
    Dans le monde, la circulation du virus a également beaucoup diminué dans les pays ayant contrôlé leur première vague, mais avant tout parce que les mesures de contrôle sur le virus ont été très fortes partout et sont toujours maintenues. L’épidémie s’est depuis déplacée vers l’Amérique Centrale, l’Amérique du Sud, l’Asie Centrale et l’Asie du Sud. 
    Un ralentissement de la circulation du virus en période estivale (hémisphère nord) est attendu car il y a moins de transmission du virus entre personnes en milieu extérieur et le virus pourrait être sensible à la température (il n’y a pas encore de certitude scientifique à ce sujet).

    Le virus SARS-CoV-2 ne va pas disparaître car :

    Si le virus veut bien faire une pause estivale dans l’hémisphère nord, il se déplacera alors dans l’hémisphère sud où les températures baissent avec l’arrivée de l’hiver, comme le font les autres virus respiratoires qui sont saisonniers.
    Et il continuera d’y avoir des hivers en France, donc tant que le virus circulera dans le monde, il peut revenir…
    Il est peu vraisemblable qu’une action conjuguée de TOUS les pays puisse faire disparaître SIMULTANEMENT le virus partout :
    la comparaison avec le SRAS de 2003 (causé par un autre coronavirus) n’est pas valide car la pandémie de Covid-19 est d’une ampleur sans aucune mesure avec celle du SRAS : plusieurs dizaines de millions d’infections Covid-19 comparées à 8000 pour le SRAS ;
    le virus va continuer à circuler chez des personnes pauci-symptomatiques ; sans parler de sa réintroduction éventuelle à partir du monde animal, même si ce risque-là est faible…
    Avec environ 5% de personnes immunisées en France au décours de la première vague, on est loin de l’immunité collective (50 % à 70 % des adultes immunisés, selon les hypothèses), et donc les Français ne sont pas protégés.

    Pourquoi faut-il rester prudents ?

    Il faut donc rester extrêmement prudents en maintenant les gestes barrières et le port du masque en milieu public, et se faire tester si on a des symptômes : c’est le prix de la « liberté » partiellement retrouvée. Le respect de ces mesures de prudence sera d’autant plus vrai à l’automne, si on a bénéficié d’une pause estivale. L’exemple passé des pandémies grippales, y compris celle de la grippe A (H1N1) en 2009, nous a montré qu’en l’absence de mesures de contrôle, il y avait plusieurs vagues épidémiques. 

    L’enjeu est de trouver le niveau de mesures suffisant pour maintenir la circulation du virus sous contrôle tout en retrouvant une activité sociale et économique nécessaires au bien-être de tous.

  • How ’Superspreading’ Events Drive Most #COVID-19 Spread - Scientific American
    https://www.scientificamerican.com/article/how-ldquo-superspreading-rsquo-events-drive-most-covid-19-spread

    When describing how the #SARS-CoV-2 virus spreads, epidemiologists not only use the average number of other people that one individual infects but also employ another key value called the dispersion factor, or “k.” This number describes how much a disease clusters. A small k generally means that a relatively small number of cases are responsible for #transmissions, while a larger k indicates that transmissions are more evenly spread. In Hong Kong, researchers calculated that in more than 1,000 COVID-19 cases they examined, the value for k was 0.45. That value was higher than that of SARS or MERS—two previous viral outbreaks that featured superspreading—but much lower than that of the 1918 flu pandemic. In other words, SARS-CoV-2’s transmission is not as reliant on superspreading as SARs and MERS were but is far more dependent on it than influenza, Scarpino says.

    [...]

    The evidence about superspreadering activities has led researchers to believe they are responsible for much of the new coronavirus’s transmission. “All of the data I’m seeing so far suggest that if you tamp down the superspreader events, the growth rate of the infections stops very, very quickly,” Scarpino says. “We saw in Seattle that there were at least a couple of introductions that did not lead to new cases”—implying that the virus can fade out if it is denied circumstances for spreading.

    #Coronavirus : les « supercontamineurs », clé de la propagation de l’épidémie ?
    https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-coronavirus-supercontamineurs-cle-propagation-epidemie-

    La plupart des épidémiologistes se concentrent sur le taux de reproduction (R0) qui définit le nombre moyen de personnes infectées par une personne malade. Ce taux est d’environ 1,5 pour la grippe, entre 1,5 et 3 pour le Sars-Cov-2, entre 10 et 12 pour la varicelle et jusqu’à 18 pour la rougeole. Mais cette moyenne est en fait très peu représentative de la réalité : « La norme, c’est que ce taux de reproduction est de zéro. La plupart des gens ne transmettent pas le virus », explique Jamie Lloyd-Smith, virologue à l’Université de Californie dans le magazine Science. Les scientifiques ont donc établi un autre indicateur, le #facteur_de_dispersion, noté #k. Plus k est petit, plus la propagation de la maladie s’effectue via un faible nombre de personnes.

    [...]

    Le Sars-Cov-2 semble particulièrement enclin à se propager à partir de #clusters.

  • What COVID-19 case clusters reveal about how #coronavirus spreads | Science News
    https://www.sciencenews.org/article/coronavirus-covid-19-case-clusters-lessons-warnings-reopening

    Studying these kinds of transmission #clusters as well as common environments where #COVID-19 moves easily from person to person provides a glimpse of how to avoid the U-turns. To that end, epidemiologist Gwenan Knight and her colleagues at the London School of Hygiene and Tropical Medicine compiled a massive database of worldwide COVID-19 case clusters based on media accounts, published scientific studies and government health department reports.

    What settings have been linked to #SARS-CoV-2 #transmission clusters? [version 2; peer review: 1 approved] | Wellcome Open Research
    https://wellcomeopenresearch.org/articles/5-83

    #infographie #interactif #data #données

  • « On est traités comme des animaux » : à Beaucaire, les saisonniers étrangers, entre conditions de vie difficiles et crainte du coronavirus, Sofia Fischer
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/13/a-beaucaire-les-saisonniers-etrangers-entre-conditions-de-vie-difficiles-et-


    Photos, ARNOLD JEROCKI / DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

    Début juin, des clusters de Covid-19 ont été découverts parmi les ouvriers agricoles, venus majoritairement d’Amérique du Sud, qui circulent entre Gard, Vaucluse et Bouches-du-Rhône. Le dépistage révèle les pratiques douteuses de la filière.

    Dans la longue file d’attente qui s’étend devant le gymnase de Beaucaire (Gard) transformé en centre de dépistage, les accents de Colombie et de l’Equateur se mêlent à ceux, plus hachés, des membres de la Croix-Rouge. Un homme s’inquiète auprès de son voisin, en espagnol : « Est-ce qu’il faut une carte Vitale ? Parce que je n’en ai pas. »

    Sur ces terres fertiles, limitrophes des Bouches-du-Rhône et proches du Vaucluse, beaucoup d’ouvriers agricoles, provenant majoritairement d’Amérique du Sud et transitant par l’Espagne, arrivent tous les ans par bus entiers au printemps. Très dépendants de cette main-d’œuvre, d’autant plus en période de crise sanitaire, les agriculteurs membres de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône avaient manifesté le 20 mai à Arles et Aix pour s’assurer de leur venue. Alors, à la réouverture des frontières, ils sont arrivés. Avec, a priori, plusieurs cas de Covid-19 à bord.

    A quelques kilomètres de Beaucaire, de l’autre côté du Rhône, plusieurs foyers du virus sont apparus début juin. Une trentaine de cas ont été découverts dans un camping de travailleurs installé au milieu des champs à Noves et chez un producteur de fraises à Maillane, au nord des Bouches-du-Rhône. Une opération de dépistage a depuis été lancée. Les derniers bilans attestent 158 cas dans le département, 53 autres dans le Gard et 39 autres dans le Vaucluse. Des chiffres qui devraient augmenter au début de la semaine du 16 juin.


    Dépistage de travailleurs étrangers, le 10 juin à Beaucaire (Gard).

    Dans le complexe sportif, jeudi 11 juin, on s’active. Des entraîneurs de football, des professeurs et même une boulangère se sont proposés pour faire office de traducteurs, rassurer les parents inquiets et répondre aux questions. Pour faire venir au gymnase les saisonniers étrangers, qui sont parfois en situation irrégulière et ne parlent pour la plupart pas le français, l’agence régionale de santé (ARS) a dû innover. En utilisant, par exemple, les réseaux paroissiaux : David Flores, le prêtre équatorien de la ville, a fait circuler le message quotidiennement à ses fidèles par la messagerie WhatsApp.

    « Bouche-à-oreille »

    Les communiqués annonçant les dépistages gratuits pendant trois jours ont été traduits en espagnol et placardés sur les épiceries latinos du centre-ville. « On compte beaucoup sur le bouche-à-oreille pour rassurer les gens qui auraient peur de venir », explique Claude Rols, délégué de l’ARS dans le Gard.

    Pour l’ARS, qui, face à ce genre de situation, met en place un dispositif de traçage des contacts permettant d’enquêter sur les déplacements et les échanges entre individus, la tâche s’annonce ardue. Car ces ouvriers agricoles, souvent accueillis dans des chambres ou des mobile-homes collectifs, travaillent sur plusieurs lieux à la fois. Les risques de contamination deviennent donc importants au gré des déplacements, souvent effectués dans des véhicules collectifs. « Sans compter que tous les magasins latinos sont à Beaucaire » , explique Angel (certains prénoms ont été modifiés), 48 ans. L’Equatorien, qui ramasse les abricots en ce moment, l’assure : « Tout le monde se retrouve là-bas le week-end. »


    Un dispositif de traçage de contacts mis en place par l’agence régionale de santé pour enquêter sur les déplacements et les échanges entre individus.

    A la sortie du centre, Pablo, 22 ans, et Nathaly, 21 ans, font un signe de croix. « J’ai un bébé en Espagne, explique le jeune Colombien. Si je suis positif, je ne sais pas ce que je vais faire. Je suis venu ici pour travailler. » Nathaly, elle, a tenté de convaincre celle qui partage sa chambre sur l’exploitation de concombres où elle travaille de venir elle aussi se faire dépister. « Impossible : elle a beaucoup trop peur. Soit de la police de l’air et des frontières, soit d’être renvoyée en Espagne sans son salaire », explique-t-elle.

    Depuis les Bouches-du-Rhône voisines, où les campagnes de dépistage ont démarré début juin, beaucoup de saisonniers disent avoir appris leurs résultats par l’entreprise d’intérim qui les emploie et non par un médecin. Ils attendent toujours un document médical. Une vidéo montrant des chambres surpeuplées dans un domaine près d’Arles où plusieurs cas de Covid-19 ont été détectés circule sur les réseaux sociaux. Un Equatorien sur place raconte que des vigiles mèneraient la garde à l’entrée de la ferme.

    Dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 juin, sept employées saisonnières qui auraient testé positives au Covid-19, dispersées dans plusieurs fermes autour d’Arles (Bouches-du-Rhône), ont été transportées dans un centre d’isolement à Miramas. Elles disent avoir appris qu’elles étaient porteuses du virus par leur employeur début juin et n’avoir reçu aucun document médical. Elles refusaient de bouger sans de plus amples informations.

    « Esclaves du XXIe siècle »

    « C’est le chauffeur de la boîte d’intérim pour laquelle je travaille qui m’a dit que j’étais positive, explique Liliana qui, affolée, a contacté Le Monde pendant l’opération, tout en tentant de s’isoler tant bien que mal dans le domaine où elle se trouvait. Je n’ai jamais reçu de SMS, de mail, ou de courrier officiel. Et là, on nous embarque, je ne sais même pas où. Ils menacent d’appeler la police. » La préfecture des Bouches-du-Rhône, contactée samedi, parle de départs « volontaires », pour une mise à l’isolement plus « confortable ». « Il y a eu un moment de panique ou d’incompréhension, admet-elle, mais des informations devraient remonter très vite sur ce qui s’est passé. »

    Le fonctionnement opaque des entreprises, très lucratives, dont dépendent les saisonniers est souvent en cause. La plus connue d’entre elles, Terra Fecundis, devait être jugée pour près de 112 millions d’euros de fraude sociale début mai à Marseille. Mais l’audience de la plus grosse affaire de dumping social en France a été reportée pour cause de crise sanitaire. Les syndicats dénoncent depuis des années leurs conditions de travail, n’hésitant pas à parler « d’esclaves du XXIe siècle ».

    Parmi les ouvriers, beaucoup témoignent d’heures supplémentaires non payées, de retenues sur salaire non justifiées, de malaises, et parfois mêmes de violences. Javier, carrure large et voix chancelante, raconte « qu’on lui jette des pommes » sur la tête régulièrement. « On est traités comme des animaux. La cheffe de file a déjà fait pleurer plusieurs ouvriers. » Un autre dit avoir été renvoyé pour avoir publié une vidéo des conditions déplorables dans lesquelles il était confiné dans une ferme des Bouches-du-Rhône.

    Alberto, 36 ans, aujourd’hui sédentarisé en France, raconte ses débuts « avec des sociétés espagnoles » : des saisons « terribles », où il n’était payé « qu’un tiers des heures vraiment faites ». « Si votre tête de leur revenait pas, où qu’ils estimaient que vous ne travailliez pas assez vite, ils vous demandaient de ne pas revenir l’après-midi, explique-t-il. Parfois, si on avait déjà fait une semaine, ils ne la payaient pas. » Alors, selon ce père de famille, « c’est évident que si j’étais encore avec eux, je ne voudrais pas me faire tester ».


    Des travailleurs saisonniers, le 11 juin à Beaucaire (Gard).

    « On va devoir tirer les conclusions de ce qui s’est passé », admet Patrick Lévêque, patron de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône. S’il se serait bien passé de l’annonce des multiples clusters dans le monde agricole, il assure n’être pas surpris : « Nous avons continué de bosser pour nourrir la France pendant tout le confinement. C’était un risque, évidemment. »

    « On ne nous dit rien »

    A quelques encablures du centre de dépistage, on retrouve l’épicentre de cette immigration : l’intérieur des remparts de la ville musée de Beaucaire. Le maire Rassemblement national (ex-Front national), Julien Sanchez, a été réélu dès le premier tour le 15 mars. Dans les épiceries latinos, entre les bananes plantain et les bonbons au dulce de leche, des agriculteurs ont épinglé des annonces traduites en espagnol. « Cherche bras pour travailler dans la vigne. Cotisations en Espagne. »

    Une femme demande si elle peut être renvoyée si jamais le résultat était positif. Une autre s’inquiète pour un ami confiné chez son employeur, dans un dortoir avec plusieurs cas de Covid-19. Un couple à qui on a imposé une quarantaine après avoir covoituré avec un collègue testé positif s’inquiète : seront-ils payés quand même à la fin du mois ? « On ne nous dit rien », confie le mari.

    Dans les rues de Beaucaire, la nuit tombe. Les terrasses se remplissent doucement. Sur les tables, les « unes » des journaux locaux avec le nombre de cas qui grimpe dangereusement. Les riverains s’inquiètent. « Avec les conditions dans lesquelles ils vivent, ce n’est pas étonnant qu’il y ait autant de Covid chez les Latinos » , estime Alain, bière à la main.« Avec cette histoire, raconte Alberto, les gens nous regardent un peu bizarrement. Il y en a qui changent carrément de trottoir. »


    Les épiceries latinos du centre-ville ont été des relais dans la campagne de dépistage gratuit.

    #saisonniers #sans_papiers #ouvriers_agricoles #intérim #agriculture #clusters #Terra_Fecundis #fraude_sociale #Covid-19

    • Haaa le fameux : « Nous avons continué de bosser pour nourrir la France pendant tout le confinement. C’était un risque, évidemment. »

    • Le travail détaché en agriculture condamné… avec sursis
      https://www.sante-et-travail.fr/travail-detache-agriculture-condamne-sursis

      Si le procès engagé contre l’entreprise de travail temporaire Terra Fecundis a permis de sanctionner certains abus autour du détachement de travailleurs agricoles, ce système de prêt de main-d’œuvre demeure légal et source de dérives graves concernant les conditions de travail. [paywall]

      Communiqué de presse (12/7/21) de la Confédération paysanne, partie civile dans ce procès :
      https://confederationpaysanne.fr/rp_article.php?id=11630

      La Confédération paysanne se félicite des condamnations prononcées le 8 juillet par le tribunal correctionnel de Marseille dans le dossier de la société espagnole Terra Fecundis, poursuivie pour détournement du cadre européen du travail détaché et délits de marchandage en bande organisée.

      Les dirigeants de cette entreprise de travail temporaire ont notamment été condamnés à des peines de 4 ans de prison avec sursis et à une interdiction définitive d’exercer cette activité.

      Terra Fecundis est aussi condamnée à 500.000 euros d’amende et à l’interdiction d’exercer l’activité de travail temporaire en France, quand Terra Bus Mediterraneo se voit interdite d’exercer le transport de personnes et condamnée à une amende de 200.000 euros.

      En condamnant ainsi les acteurs de ce vaste trafic de travailleurs.euses agricoles, la justice a pris la mesure des enjeux humains, sociaux et économiques de ce dossier. Nous regrettons cependant qu’ aucune entreprise ayant utilisé la main d’œuvre proposée par Terra Fecundis en France n’ait été poursuivie
      La Confédération paysanne s’est vue reconnaître la légitimité à agir, puisque sa demande de constitution de partie civile a été acceptée par le tribunal. L’audience relative au montant des dommages et intérêts aura lieu le 19 novembre prochain.

      Notre syndicat défend un modèle agricole, l’agriculture paysanne, qui passe par le respect des salarié.es et des droits sociaux. Des entreprises comme Terra Fecundis sont les chevilles ouvrières d’un système de concurrence déloyale, fondé sur une main d’œuvre exploitée, auquel doivent faire face celles et ceux qui emploient et rémunèrent correctement leurs salarié.es dans le respect des droits sociaux et du droit du travail. Il est inadmissible qu’ils se trouvent pénalisés par ces pratiques qui ont cours dans la filière fruits et légumes.

      La Confédération paysanne dénonce encore une fois ce système d’exploitation de travailleurs.euses et sera partie prenante des procédures qui se présenteront, en cohérence avec notre exigence de conditionnalité sociale des aides publiques.

      #marchands_d'esclaves

    • Saisonniers en servage N° 78 de Plein droit, la revue du #Gisti (octobre 2008)
      https://www.gisti.org/spip.php?article1237

      Dans la vallée du Rhône, en Andalousie, dans la région des Pouilles en Italie, la transformation totale des modes de culture des fruits et légumes s’est accompagnée d’une précarisation encore accrue, et aujourd’hui extrême, de la main-d’œuvre, majoritairement étrangère, de ce secteur. Contrats courts voire emploi illégal, dépendance totale vis-à-vis d’employeurs imposant des conditions de travail et d’hébergement indignes, invisibilisation des atteintes à la santé, tout un système d’exploitation et de déréglementation du droit du travail s’est développé contre lequel les saisonniers étrangers tentent depuis quelques années de se mobiliser.

      CODETRAS – Collectif de défense des travailleur.euse.s étranger.ère.s dans l’agriculture
      http://www.codetras.org
      #codetras #agro_industrie

  • Covid-19, la #frontiérisation aboutie du #monde

    Alors que le virus nous a rappelé la condition de commune humanité, les frontières interdisent plus que jamais de penser les conditions du cosmopolitisme, d’une société comme un long tissu vivant sans couture à même de faire face aux aléas, aux menaces à même d’hypothéquer le futur. La réponse frontalière n’a ouvert aucun horizon nouveau, sinon celui du repli. Par Adrien Delmas, historien et David Goeury, géographe.

    La #chronologie ci-dessus représente cartographiquement la fermeture des frontières nationales entre le 20 janvier et le 30 avril 2020 consécutive de la pandémie de Covid-19, phénomène inédit dans sa célérité et son ampleur. Les données ont été extraites des déclarations gouvernementales concernant les restrictions aux voyages, les fermetures des frontières terrestres, maritimes et aériennes et des informations diffusées par les ambassades à travers le monde. En plus d’omissions ou d’imprécisions, certains biais peuvent apparaitre notamment le décalage entre les mesures de restriction et leur application.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=64&v=mv-OFB4WfBg&feature=emb_logo

    En quelques semaines, le nouveau coronavirus dont l’humanité est devenue le principal hôte, s’est propagé aux quatre coins de la planète à une vitesse sans précédent, attestant de la densité des relations et des circulations humaines. Rapidement deux stratégies politiques se sont imposées : fermer les frontières nationales et confiner les populations.

    Par un processus de #mimétisme_politique global, les gouvernements ont basculé en quelques jours d’une position minimisant le risque à des politiques publiques de plus en plus drastiques de contrôle puis de suspension des mobilités. Le recours systématique à la fermeture d’une limite administrative interroge : n’y a-t-il pas, comme répété dans un premier temps, un décalage entre la nature même de l’#épidémie et des frontières qui sont des productions politiques ? Le suivi de la diffusion virale ne nécessite-t-il un emboîtement d’échelles (famille, proches, réseaux de sociabilité et professionnels…) en deçà du cadre national ?

    Nous nous proposons ici de revenir sur le phénomène sans précédent d’activation et de généralisation de l’appareil frontalier mondial, en commençant par retrouver la chronologie précise des fermetures successives. Bien que resserrée sur quelques jours, des phases se dessinent, pour aboutir à la situation présente de fermeture complète.

    Il serait vain de vouloir donner une lecture uniforme de ce phénomène soudain mais nous partirons du constat que le phénomène de « frontiérisation du monde », pour parler comme Achille Mbembe, était déjà à l’œuvre au moment de l’irruption épidémique, avant de nous interroger sur son accélération, son aboutissement et sa réversibilité.

    L’argument sanitaire

    Alors que la présence du virus était attestée, à partir de février 2020, dans les différentes parties du monde, la fermeture des frontières nationales s’est imposée selon un principe de cohérence sanitaire, le risque d’importation du virus par des voyageurs était avéré. Le transport aérien a permis au virus de faire des sauts territoriaux révélant un premier archipel économique liant le Hubei au reste du monde avant de se diffuser au gré de mobilités multiples.

    Pour autant, les réponses des premiers pays touchés, en l’occurrence la Chine et la Corée du Sud, se sont organisées autour de l’élévation de barrières non-nationales : personnes infectées mises en quarantaine, foyers, ilots, ville, province etc. L’articulation raisonnée de multiples échelles, l’identification et le ciblage des clusters, ont permis de contrôler la propagation du virus et d’en réduire fortement la létalité. A toutes ces échelles d’intervention s’ajoute l’échelle mondiale où s‘est organisée la réponse médicale par la recherche collective des traitements et des vaccins.

    Face à la multiplication des foyers de contamination, la plupart des gouvernements ont fait le choix d’un repli national. La fermeture des frontières est apparue comme une modalité de reprise de contrôle politique et le retour aux sources de l’État souverain. Bien que nul dirigeant ne peut nier avoir agi « en retard », puisque aucun pays n’est exempt de cas de Covid-19, beaucoup d’États se réjouissent d’avoir fermé « à temps », avant que la vague n’engendre une catastrophe.

    L’orchestration d’une réponse commune concertée notamment dans le cadre de l’OMS est abandonnée au profit d’initiatives unilatérales. La fermeture des frontières a transformé la pandémie en autant d’épidémies nationales, devenant par là un exemple paradigmatique du nationalisme méthodologique, pour reprendre les termes d’analyse d’Ulrich Beck.

    S’impose alors la logique résidentielle : les citoyens présents sur un territoire deviennent comptables de la diffusion de l’épidémie et du maintien des capacités de prise en charge par le système médical. La dialectique entre gouvernants et gouvernés s’articule alors autour des décomptes quotidiens, de chiffres immédiatement comparés, bien que pas toujours commensurables, à ceux des pays voisins.

    La frontiérisation du monde consécutive de la pandémie de coronavirus ne peut se résumer à la seule somme des fermetures particulières, pays par pays. Bien au contraire, des logiques collectives se laissent entrevoir. A défaut de concertation, les gouvernants ont fait l’expérience du dilemme du prisonnier.

    Face à une opinion publique inquiète, un chef de gouvernement prenait le risque d’être considéré comme laxiste ou irresponsable en maintenant ses frontières ouvertes alors que les autres fermaient les leurs. Ces phénomènes mimétiques entre États se sont démultipliés en quelques jours face à la pandémie : les États ont redécouvert leur maîtrise biopolitique via les mesures barrières, ils ont défendu leur rationalité en suivant les avis de conseils scientifiques et en discréditant les approches émotionnelles ou religieuses ; ils ont privilégié la suspension des droits à grand renfort de mesures d’exception. Le risque global a alors légitimé la réaffirmation d’une autorité nationale dans un unanimisme relatif.

    Chronologie de la soudaineté

    La séquence vécue depuis la fin du mois janvier de l’année 2020 s’est traduite par une série d’accélérations venant renforcer les principes de fermeture des frontières. Le développement de l’épidémie en Chine alarme assez rapidement la communauté internationale et tout particulièrement les pays limitrophes.

    La Corée du Nord prend les devants dès le 21 janvier en fermant sa frontière avec la Chine et interdit tout voyage touristique sur son sol. Alors que la Chine développe une stratégie de confinement ciblé dès le 23 janvier, les autres pays frontaliers ferment leurs frontières terrestres ou n’ouvrent pas leurs frontières saisonnières d’altitude comme le Pakistan.

    Parallèlement, les pays non frontaliers entament une politique de fermeture des routes aériennes qui constituent autant de points potentiels d’entrée du virus. Cette procédure prend des formes différentes qui relèvent d’un gradient de diplomatie. Certains se contentent de demander aux compagnies aériennes nationales de suspendre leurs vols, fermant leur frontière de facto (Algérie, Égypte, Maroc, Rwanda, France, Canada, entre autres), d’autres privilégient l’approche plus frontale comme les États-Unis qui, le 2 février, interdisent leur territoire au voyageurs ayant séjournés en Chine.

    La propagation très rapide de l’épidémie en Iran amène à une deuxième tentative de mise en quarantaine d’un pays dès le 20 février. Le rôle de l’Iran dans les circulations terrestres de l’Afghanistan à la Turquie pousse les gouvernements frontaliers à fermer les points de passage. De même, le gouvernement irakien étroitement lié à Téhéran finit par fermer la frontière le 20 février. Puis les voyageurs ayant séjourné en Iran sont à leur tour progressivement considérés comme indésirables. Les gouvernements décident alors de politiques d’interdiction de séjour ciblées ou de mises en quarantaine forcées par la création de listes de territoires à risques.

    Le développement de l’épidémie en Italie amène à un changement de paradigme dans la gestion de la crise sanitaire. L’épidémie est dès lors considérée comme effectivement mondiale mais surtout elle est désormais perçue comme incontrôlable tant les foyers de contamination potentiels sont nombreux.

    La densité des relations intra-européennes et l’intensité des mobilités extra-européennes génèrent un sentiment d’anxiété face au risque de la submersion, le concept de « vague » est constamment mobilisé. Certains y ont lu une inversion de l’ordre migratoire planétaire. Les pays aux revenus faibles ou limités décident de fermer leurs frontières aux individus issus des pays aux plus hauts revenus.

    Les derniers jours du mois de février voient des gouvernements comme le Liban créer des listes de nationalités indésirables, tandis que d’autres comme Fiji décident d’un seuil de cas identifiés de Covid-19. Les interdictions progressent avec le Qatar et l’Arabie Saoudite qui ferment leur territoire aux Européens dès le 9 mars avant de connaître une accélération le 10 mars.

    Les frontières sont alors emportées dans le tourbillon des fermetures.

    La Slovénie débute la suspension de la libre circulation au sein de l’espace Schengen en fermant sa frontière avec l’Italie. Elle est suivie par les pays d’Europe centrale (Tchéquie, Slovaquie). En Afrique et en Amérique, les relations avec l’Union européenne sont suspendues unilatéralement. Le Maroc ferme ses frontières avec l’Espagne dès le 12 mars. Ce même jour, les États-Unis annonce la restriction de l’accès à son territoire aux voyageurs issu de l’Union européenne. La décision américaine est rapidement élargie au monde entier, faisant apparaitre l’Union européenne au cœur des mobilités planétaires.

    En quelques jours, la majorité des frontières nationales se ferment à l’ensemble du monde. Les liaisons aériennes sont suspendues, les frontières terrestres sont closes pour éviter les stratégies de contournements.

    Les pays qui échappent à cette logique apparaissent comme très minoritaires à l’image du Mexique, du Nicaragua, du Laos, du Cambodge ou de la Corée du Sud. Parmi eux, certains sont finalement totalement dépendants de leurs voisins comme le Laos et le Cambodge prisonniers des politiques restrictives du Vietnam et de la Thaïlande.

    Au-delà de ces gouvernements qui résistent à la pression, des réalités localisées renseignent sur l’impossible fermeture des frontières aux mobilités quotidiennes. Ainsi, malgré des discours de fermeté, exception faite de la Malaisie, des États ont maintenus la circulation des travailleurs transfrontaliers.

    Au sein de l’espace Schengen, la Slovénie maintient ses relations avec l’Autriche, malgré sa fermeté vis-à-vis de l’Italie. Le 16 mars, la Suisse garantit l’accès à son territoire aux salariés du Nord de l’Italie et du Grand Est de la France, pourtant les plus régions touchées par la pandémie en Europe. Allemagne, Belgique, Norvège, Finlande, Espagne font de même.

    De l’autre côté de l’Atlantique, malgré la multiplication des discours autoritaires, un accord est trouvé le 18 mars avec le Canada et surtout le 20 mars avec le Mexique pour maintenir la circulation des travailleurs. Des déclarations conjointes sont publiées le 21 mars. Partout, la question transfrontalière oblige au bilatéralisme. Uruguay et Brésil renoncent finalement à fermer leur frontière commune tant les habitants ont développé un « mode de vie binational » pour reprendre les termes de deux gouvernements. La décision unilatérale du 18 mars prise par la Malaisie d’interdire à partir du 20 mars tout franchissement de sa frontière prend Singapour de court qui doit organiser des modalités d’hébergement pour plusieurs dizaines de milliers de travailleurs considérés comme indispensables.

    Ces fermetures font apparaitre au grand jour la qualité des coopérations bilatérales.

    Certains États ferment d’autant plus facilement leur frontière avec un pays lorsque préexistent d’importantes rivalités à l’image de la Papouasie Nouvelle Guinée qui ferme immédiatement sa frontière avec l’Indonésie pourtant très faiblement touchée par la pandémie. D’autres en revanche, comme la Tanzanie refusent de fermer leurs frontières terrestres pour maintenir aux États voisins un accès direct à la mer.

    Certains observateurs se sont plu à imaginer des basculements dans les rapports de pouvoirs entre l’Afrique et l’Europe notamment. Après ces fermetures soudaines, le bal mondial des rapatriements a commencé, non sans de nombreuses fausses notes.

    L’accélération de la frontiérisation du monde

    La fermeture extrêmement rapide des frontières mondiales nous rappelle ensuite combien les dispositifs nationaux étaient prêts pour la suspension complète des circulations. Comme dans bien des domaines, la pandémie s’est présentée comme un révélateur puissant, grossissant les traits d’un monde qu’il est plus aisé de diagnostiquer, à présent qu’il est suspendu.

    Ces dernières années, l’augmentation des mobilités internationales par le trafic aérien s’est accompagnée de dispositifs de filtrage de plus en plus drastiques notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les multiples étapes de contrôle articulant dispositifs administratifs dématérialisés pour les visas et dispositifs de plus en plus intrusifs de contrôle physique ont doté les frontières aéroportuaires d’une épaisseur croissante, partageant l’humanité en deux catégories : les mobiles et les astreints à résidence.

    En parallèle, les routes terrestres et maritimes internationales sont restées actives et se sont même réinventées dans le cadre des mobilités dites illégales. Or là encore, l’obsession du contrôle a favorisé un étalement de la frontière par la création de multiples marches frontalières faisant de pays entiers des lieux de surveillance et d’assignation à résidence avec un investissement continu dans les dispositifs sécuritaires.

    L’épaisseur des frontières se mesure désormais par la hauteur des murs mais aussi par l’exploitation des obstacles géophysiques : les fleuves, les cols, les déserts et les mers, où circulent armées et agences frontalières. À cela s’est ajouté le pistage et la surveillance digitale doublés d’un appareil administratif aux démarches labyrinthiques faites pour ne jamais aboutir.

    Pour décrire ce phénomène, Achille Mbembe parlait de « frontiérisation du monde » et de la mise en place d’un « nouveau régime sécuritaire mondial où le droit des ressortissants étrangers de franchir les frontières d’un autre pays et d’entrer sur son territoire devient de plus en plus procédural et peut être suspendu ou révoqué à tout instant et sous n’importe quel prétexte. »

    La passion contemporaine pour les murs relève de l’iconographie territoriale qui permet d’appuyer les représentations sociales d’un contrôle parfait des circulations humaines, et ce alors que les frontières n’ont jamais été aussi polymorphes.

    Suite à la pandémie, la plupart des gouvernements ont pu mobiliser sans difficulté l’ingénierie et l’imaginaire frontaliers, en s’appuyant d’abord sur les compagnies aériennes pour fermer leur pays et suspendre les voyages, puis en fermant les aéroports avant de bloquer les frontières terrestres.

    Les réalités frontalières sont rendues visibles : la Norvège fait appel aux réservistes et retraités pour assurer une présence à sa frontière avec la Suède et la Finlande. Seuls les pays effondrés, en guerre, ne ferment pas leurs frontières comme au sud de la Libye où circulent armes et combattants.

    Beaucoup entretiennent des fictions géographiques décrétant des frontières fermées sans avoir les moyens de les surveiller comme la France en Guyane ou à Mayotte. Plus que jamais, les frontières sont devenues un rapport de pouvoir réel venant attester des dépendances économiques, notamment à travers la question migratoire, mais aussi symboliques, dans le principe de la souveraineté et son autre, à travers la figure de l’étranger. Classe politique et opinion publique adhèrent largement à une vision segmentée du monde.

    Le piège de l’assignation à résidence

    Aujourd’hui, cet appareil frontalier mondial activé localement, à qui l’on a demandé de jouer une nouvelle partition sanitaire, semble pris à son propre piège. Sa vocation même qui consistait à décider qui peut se déplacer, où et dans quelles conditions, semble égarée tant les restrictions sont devenues, en quelques jours, absolues.

    Le régime universel d’assignation à résidence dans lequel le monde est plongé n’est pas tant le résultat d’une décision d’ordre sanitaire face à une maladie inconnue, que la simple activation des dispositifs multiples qui préexistaient à cette maladie. En l’absence d’autres réponses disponibles, ces fermetures se sont imposées. L’humanité a fait ce qu’elle savait faire de mieux en ce début du XXIe siècle, sinon la seule chose qu’elle savait faire collectivement sans concertation préalable, fermer le monde.

    L’activation de la frontière a abouti à sa consécration. Les dispositifs n’ont pas seulement été activés, ils ont été renforcés et généralisés. Le constat d’une entrave des mobilités est désormais valable pour tous, et la circulation est devenue impossible, de fait, comme de droit. Pauvres et riches, touristes et hommes d’affaires, sportifs ou diplomates, tout le monde, sans exception aucune, fait l’expérience de la fermeture et de cette condition dans laquelle le monde est plongé.

    Seuls les rapatriés, nouveau statut des mobilités en temps de pandémie, sont encore autorisés à rentrer chez eux, dans les limites des moyens financiers des États qu’ils souhaitent rejoindre. Cette entrave à la circulation est d’ailleurs valable pour ceux qui la décident. Elle est aussi pour ceux qui l’analysent : le témoin de ce phénomène n’existe pas ou plus, lui-même pris, complice ou victime, de cet emballement de la frontiérisation.

    C’est bien là une caractéristique centrale du processus en cours, il n’y a plus de point de vue en surplomb, il n’y a plus d’extérieur, plus d’étranger, plus de pensée du dehors. La pensée est elle-même confinée. Face à la mobilisation et l’emballement d’une gouvernementalité de la mobilité fondée sur l’entrave, l’abolition pure et simple du droit de circuler, du droit d’être étranger, du droit de franchir les frontières d’un autre pays et d’entrer sur son territoire n’est plus une simple fiction.

    Les dispositifs de veille de ces droits, bien que mis à nus, ne semblent plus contrôlables et c’est en ce sens que l’on peut douter de la réversibilité de ces processus de fermeture.

    Réversibilité

    C’est à l’aune de ce constat selon lequel le processus de frontiérisation du monde était à déjà l’œuvre au moment de l’irruption épidémique que l’on peut interroger le caractère provisoire de la fermeture des frontières opérée au cours du mois de mars 2020.

    Pourquoi un processus déjà enclenché ferait machine arrière au moment même où il accélère ? Comme si l’accélération était une condition du renversement. Tout se passe plutôt comme si le processus de frontiérisation s’était cristallisé.

    La circulation internationale des marchandises, maintenue au pic même de la crise sanitaire, n’a pas seulement permis l’approvisionnement des populations, elle a également rappelé que, contrairement à ce que défendent les théories libérales, le modèle économique mondial fonctionne sur l’axiome suivant : les biens circulent de plus en plus indépendamment des individus.

    Nous venons bien de faire l’épreuve du caractère superflu de la circulation des hommes et des femmes, aussi longtemps que les marchandises, elles, circulent. Combien de personnes bloquées de l’autre côté d’une frontière, dans l’impossibilité de la traverser, quand le moindre colis ou autre produit traverse ?

    Le réseau numérique mondial a lui aussi démontré qu’il était largement à même de pallier à une immobilité généralisée. Pas de pannes de l’Internet à l’horizon, à l’heure où tout le monde est venu y puiser son travail, ses informations, ses loisirs et ses sentiments.

    De là à penser que les flux de data peuvent remplacer les flux migratoires, il n’y qu’un pas que certains ont déjà franchi. La pandémie a vite fait de devenir l’alliée des adeptes de l’inimitié entre les nations, des partisans de destins et de développement séparés, des projets d’autarcie et de démobilité.

    Alors que le virus nous a rappelé la condition de commune humanité, les frontières interdisent plus que jamais de penser les conditions du cosmopolitisme, d’une société comme un long tissu vivant sans couture à même de faire face aux aléas, aux zoonoses émergentes, au réchauffement climatique, aux menaces à même d’hypothéquer le futur.

    La réponse frontalière n’a ouvert aucun horizon nouveau, sinon celui du repli sur des communautés locales, plus petites encore, formant autant de petites hétérotopies localisées. Si les étrangers que nous sommes ou que nous connaissons se sont inquiétés ces dernières semaines de la possibilité d’un retour au pays, le drame qui se jouait aussi, et qui continue de se jouer, c’est bien l’impossibilité d’un aller.

    https://blogs.mediapart.fr/adrien-delmas/blog/280520/covid-19-la-frontierisation-aboutie-du-monde
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    • Épisode 1 : Liberté de circulation : le retour des frontières

      Premier temps d’une semaine consacrée aux #restrictions de libertés pendant la pandémie de coronavirus. Arrêtons-nous aujourd’hui sur une liberté entravée que nous avons tous largement expérimentée au cours des deux derniers mois : celle de circuler, incarnée par le retour des frontières.

      https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/droits-et-libertes-au-temps-du-corona-14-liberte-de-circulation-le-ret

    • #Anne-Laure_Amilhat-Szary (@mobileborders) : « Nous avons eu l’impression que nous pouvions effectivement fermer les frontières »

      En Europe, les frontières rouvrent en ordre dispersé, avec souvent le 15 juin pour date butoir. Alors que la Covid-19 a atteint plus de 150 pays, la géographe Anne-Laure Amilhat-Szary analyse les nouveaux enjeux autour de ces séparations, nationales mais aussi continentales ou sanitaires.

      https://www.franceculture.fr/geopolitique/anne-laure-amilhat-szary-nous-avons-eu-limpression-que-nous-pouvions-e

    • « Nous sommes très loin d’aller vers un #repli à l’intérieur de #frontières_nationales »
      Interview avec Anne-Laure Amilhat-Szary (@mobileborders)

      Face à la pandémie de Covid-19, un grand nombre de pays ont fait le choix de fermer leurs frontières. Alors que certains célèbrent leurs vertus prophylactiques et protectrices, et appellent à leur renforcement dans une perspective de démondialisation, nous avons interrogé la géographe Anne-Laure Amilhat Szary, auteure notamment du livre Qu’est-ce qu’une frontière aujourd’hui ? (PUF, 2015), sur cette notion loin d’être univoque.

      Usbek & Rica : Avec la crise sanitaire en cours, le monde s’est soudainement refermé. Chaque pays s’est retranché derrière ses frontières. Cette situation est-elle inédite ? À quel précédent historique peut-elle nous faire penser ?

      Anne-Laure Amilhat Szary : On peut, semble-t-il, trouver trace d’un dernier grand épisode de confinement en 1972 en Yougoslavie, pendant une épidémie de variole ramenée par des pèlerins de La Mecque. 10 millions de personnes avaient alors été confinées, mais au sein des frontières nationales… On pense forcément aux grands confinements historiques contre la peste ou le choléra (dont l’efficacité est vraiment questionnée). Mais ces derniers eurent lieu avant que l’État n’ait la puissance régulatrice qu’on lui connaît aujourd’hui. Ce qui change profondément désormais, c’est que, même confinés, nous restons connectés. Que signifie une frontière fermée si l’information et la richesse continuent de circuler ? Cela pointe du doigt des frontières aux effets très différenciés selon le statut des personnes, un monde de « frontiérités » multiples plutôt que de frontières établissant les fondements d’un régime universel du droit international.

      Les conséquences juridiques de la fermeture des frontières sont inédites : en supprimant la possibilité de les traverser officiellement, on nie l’urgence pour certains de les traverser au péril de leur vie. Le moment actuel consacre en effet la suspension du droit d’asile mis en place par la convention de Genève de 1951. La situation de l’autre côté de nos frontières, en Méditerranée par exemple, s’est détériorée de manière aiguë depuis début mars.

      Certes, les populistes de tous bords se servent de la menace que représenteraient des frontières ouvertes comme d’un ressort politique, et ça marche bien… jusqu’à ce que ces mêmes personnes prennent un vol low-cost pour leurs vacances dans le pays voisin et pestent tant et plus sur la durée des files d’attentes à l’aéroport. Il y a d’une part une peur des migrants, qui pourraient « profiter » de Schengen, et d’autre part, une volonté pratique de déplacements facilités, à la fois professionnels et de loisirs, de courte durée. Il faut absolument rappeler que si le coronavirus est chez nous, comme sur le reste de la planète, c’est que les frontières n’ont pas pu l’arrêter ! Pas plus qu’elles n’avaient pu quelque chose contre le nuage de Tchernobyl. L’utilité de fermer les frontières aujourd’hui repose sur le fait de pouvoir soumettre, en même temps, les populations de différents pays à un confinement parallèle.

      Ne se leurre-t-on pas en croyant assister, à la faveur de la crise sanitaire, à un « retour des frontières » ? N’est-il pas déjà à l’œuvre depuis de nombreuses années ?

      Cela, je l’ai dit et écrit de nombreuses fois : les frontières n’ont jamais disparu, on a juste voulu croire à « la fin de la géographie », à l’espace plat et lisse de la mondialisation, en même temps qu’à la fin de l’histoire, qui n’était que celle de la Guerre Froide.

      Deux choses nouvelles illustrent toutefois la matérialité inédite des frontières dans un monde qui se prétend de plus en plus « dématérialisé » : 1) la possibilité, grâce aux GPS, de positionner la ligne précisément sur le terrain, de borner et démarquer, même en terrain difficile, ce qui était impossible jusqu’ici. De ce fait, on a pu régler des différends frontaliers anciens, mais on peut aussi démarquer des espaces inaccessibles de manière régulière, notamment maritimes. 2) Le retour des murs et barrières, spectacle de la sécurité et nouvel avatar de la frontière. Mais attention, toute frontière n’est pas un mur, faire cette assimilation c’est tomber dans le panneau idéologique qui nous est tendu par le cadre dominant de la pensée contemporaine.

      La frontière n’est pas une notion univoque. Elle peut, comme vous le dites, se transformer en mur, en clôture et empêcher le passage. Elle peut être ouverte ou entrouverte. Elle peut aussi faire office de filtre et avoir une fonction prophylactique, ou bien encore poser des limites, à une mondialisation débridée par exemple. De votre point de vue, de quel type de frontières avons-nous besoin ?

      Nous avons besoin de frontières filtres, non fermées, mais qui soient véritablement symétriques. Le problème des murs, c’est qu’ils sont le symptôme d’un fonctionnement dévoyé du principe de droit international d’égalité des États. À l’origine des relations internationales, la définition d’une frontière est celle d’un lieu d’interface entre deux souverainetés également indépendantes vis-à-vis du reste du monde.

      Les frontières sont nécessaires pour ne pas soumettre le monde à un seul pouvoir totalisant. Il se trouve que depuis l’époque moderne, ce sont les États qui sont les principaux détenteurs du pouvoir de les fixer. Ils ont réussi à imposer un principe d’allégeance hiérarchique qui pose la dimension nationale comme supérieure et exclusive des autres pans constitutifs de nos identités.

      Mais les frontières étatiques sont bien moins stables qu’on ne l’imagine, et il faut aujourd’hui ouvrir un véritable débat sur les formes de frontières souhaitables pour organiser les collectifs humains dans l’avenir. Des frontières qui se défassent enfin du récit sédentaire du monde, pour prendre véritablement en compte la possibilité pour les hommes et les femmes d’avoir accès à des droits là où ils vivent.

      Rejoignez-vous ceux qui, comme le philosophe Régis Debray ou l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, font l’éloge des frontières et appellent à leur réaffirmation ? Régis Débray écrit notamment : « L’indécence de l’époque ne provient pas d’un excès mais d’un déficit de frontières »…

      Nous avons toujours eu des frontières, et nous avons toujours été mondialisés, cette mondialisation se réalisant à l’échelle de nos mondes, selon les époques : Mer de Chine et Océan Indien pour certains, Méditerranée pour d’autres. À partir des XII-XIIIe siècle, le lien entre Europe et Asie, abandonné depuis Alexandre le Grand, se développe à nouveau. À partir du XV-XVIe siècle, c’est l’âge des traversées transatlantiques et le bouclage du monde par un retour via le Pacifique…

      Je ne suis pas de ces nostalgiques à tendance nationaliste que sont devenus, pour des raisons différentes et dans des trajectoires propres tout à fait distinctes, Régis Debray ou Arnaud Montebourg. Nous avons toujours eu des frontières, elles sont anthropologiquement nécessaires à notre constitution psychologique et sociale. Il y en a même de plus en plus dans nos vies, au fur et à mesure que les critères d’identification se multiplient : frontières de race, de classe, de genre, de religion, etc.

      Nos existences sont striées de frontières visibles et invisibles. Pensons par exemple à celles que les digicodes fabriquent au pied des immeubles ou à l’entrée des communautés fermées, aux systèmes de surveillance qui régulent l’entrée aux bureaux ou des écoles. Mais pensons aussi aux frontières sociales, celles d’un patronyme étranger et racialisé, qui handicape durablement un CV entre les mains d’un.e recruteur.e, celles des différences salariales entre femmes et hommes, dont le fameux « plafond de verre » qui bloque l’accès aux femmes aux fonctions directoriales. Mais n’oublions pas les frontières communautaires de tous types sont complexes car mêlant à la fois la marginalité choisie, revendiquée, brandie comme dans les « marches des fiertés » et la marginalité subie du rejet des minorités, dont témoigne par exemple la persistance de l’antisémitisme.

      La seule chose qui se transforme en profondeur depuis trente ans et la chute du mur de Berlin, c’est la frontière étatique, car les États ont renoncé à certaines des prérogatives qu’ils exerçaient aux frontières, au profit d’institutions supranationales ou d’acteurs privés. D’un côté l’Union Européenne et les formes de subsidiarité qu’elle permet, de l’autre côté les GAFAM et autres géants du web, qui échappent à la fiscalité, l’une des raisons d’être des frontières. Ce qui apparaît aussi de manière plus évidente, c’est que les États puissants exercent leur souveraineté bien au-delà de leurs frontières, à travers un « droit d’ingérence » politique et militaire, mais aussi à travers des prérogatives commerciales, comme quand l’Arabie Saoudite négocie avec l’Éthiopie pour s’accaparer ses terres en toute légalité, dans le cadre du land grabbing.

      Peut-on croire à l’hypothèse d’une démondialisation ? La frontière peut-elle être précisément un instrument pour protéger les plus humbles, ceux que l’on qualifie de « perdants de la mondialisation » ? Comment faire en sorte qu’elle soit justement un instrument de protection, de défense de certaines valeurs (sociales notamment) et non synonyme de repli et de rejet de l’autre ?

      Il faut replacer la compréhension de la frontière dans une approche intersectionnelle : comprendre toutes les limites qui strient nos existences et font des frontières de véritables révélateurs de nos inégalités. Conçues comme des instruments de protection des individus vivant en leur sein, dans des périmètres où l’Etat détenteur du monopole exclusif de la violence est censé garantir des conditions de vie équitables, les frontières sont désormais des lieux qui propulsent au contraire les personnes au contact direct de la violence de la mondialisation.

      S’il s’agit de la fin d’une phase de la mondialisation, celle de la mondialisation financière échevelée, qui se traduit par une mise à profit maximalisée des différenciations locales dans une mise en concurrence généralisée des territoires et des personnes, je suis pour ! Mais au vu de nos technologies de communication et de transports, nous sommes très loin d’aller vers un repli à l’intérieur de frontières nationales. Regardez ce que, en période de confinement, tous ceux qui sont reliés consomment comme contenus globalisés (travail, culture, achats, sport) à travers leur bande passante… Regardez qui consomme les produits mondialisés, du jean à quelques euros à la farine ou la viande produite à l’autre bout du monde arrivant dans nos assiettes moins chères que celle qui aurait été produite par des paysans proches de nous… Posons-nous la question des conditions dans lesquelles ces consommateurs pourraient renoncer à ce que la mondialisation leur offre !

      Il faut une approche plus fine des effets de la mondialisation, notamment concernant la façon dont de nombreux phénomènes, notamment climatiques, sont désormais établis comme étant partagés - et ce, sans retour possible en arrière. Nous avons ainsi besoin de propositions politiques supranationales pour gérer ces crises sanitaires et environnementales (ce qui a manqué singulièrement pour la crise du Cocid-19, notamment l’absence de coordination européenne).

      Les frontières sont des inventions humaines, depuis toujours. Nous avons besoin de frontières comme repères dans notre rapport au monde, mais de frontières synapses, qui font lien en même temps qu’elles nous distinguent. De plus en plus de personnes refusent l’assignation à une identité nationale qui l’emporterait sur tous les autres pans de leur identité : il faut donc remettre les frontières à leur place, celle d’un élément de gouvernementalité parmi d’autres, au service des gouvernants, mais aussi des gouvernés. Ne pas oublier que les frontières devraient être d’abord et avant tout des périmètres de redevabilité. Des espaces à l’intérieur desquels on a des droits et des devoirs que l’on peut faire valoir à travers des mécanismes de justice ouverts.

      https://usbeketrica.com/article/on-ne-va-pas-vers-repli-a-interieur-frontieres-nationales

  • Penser la pandémie

    Le déconfinement relève d’une décision politique. Cette décision, en démocratie, doit pouvoir être prise après un débat contradictoire. Elle doit se fonder sur la compréhension des phénomènes épidémiques par les sciences, toutes les sciences : virologie, épidémiologie et infectiologie, mais aussi sciences humaines et sociales. Si l’on pense aux errements politiques qui ont conduit au confinement pour tous au même moment et aux conséquences économiques, sociales, individuelles d’un tel choix, encore difficiles à mesurer, si l’on observe que suivre l’expérience chinoise signifierait pour la France un déconfinement entre mi-juin et fin juillet, on voit l’intérêt de discuter les stratégies possibles de déconfinement en mobilisant des disciplines et des savoirs complémentaires.

    https://www.youtube.com/watch?v=iVH9GJzkxGs&feature=emb_logo

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    Les sources figurent sur la page dédiée du séminaire :
    https://pds.hypotheses.org/2840

  • The #Sydney suburbs with #COVID-19 #clusters

    Sydney’s eastern suburbs have become the epicentre of the battle to contain the spread of coronavirus in NSW, with Waverley and Woollahra local government areas accounting for nearly 15 per cent of confirmed cases in the state.

    NSW Health has revealed that Waverley has 105 cases and Woollahra 66 cases. Sydney City has 69, the Northern Beaches 68 and the Central Coast has 44.


    https://www.smh.com.au/national/nsw/the-sydney-suburbs-with-covid-19-clusters-20200326-p54e5t.html
    #coronavirus #Australie #épidémiologie #cartographie #visualisation

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