[Pierre Bourdieu] nous livre ici un grand secret sur la honte. Sentiment individuel par excellence, la honte dissimule toujours à celui qui en souffre, celui qui en a fait les frais, la part qu’y a pris l’organisation sociale, qui l’entoure.
La honte fonctionne ainsi comme un contre feu : elle replie sur soi même, invite au découragement, à l’abandon de toute lutte et revendication. Elle pousse à se retrancher , se cacher… celui qui serait d’abord fondé à réclamer des comptes à son entourage.
Serge Tisseron, dans La Honte décrit cette même réalité sous un aspect plus psychologique et individuel : celui qui ressent la honte n’est jamais celui qui a eu le comportement honteux ; mais plutôt celui qui en a été victime : sali, humilié, ignoré, renvoyé.
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Mais Bourdieu va plus loin, il nous indique la issue seule possible : le renvoi et le partage de toutes ces hontes d’enfants vers le collectif, vers la société.
Nous ne sortirons pas des situations honteuses de maltraitances, négligences, déscolarisations, errances, solitudes, absences et refus de soins tant que ceux qui sont chargés de les prodiguer, de les assurer ne dénonceront pas aussi la honte à laquelle ils contribuent malgré eux.
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C’est sur le terrain que nous apprenons et découvrons où se tiennent les vraies racines de la honte.