• L’artificialisation des #sols : qui pour lutter contre ?
    https://metropolitiques.eu/L-artificialisation-des-sols-qui-pour-lutter-contre.html

    Depuis son adoption en 2021, l’objectif de limiter puis de compenser l’artificialisation des sols en France à l’horizon 2050 est sujet à de vifs débats. Jugé inatteignable par certains tandis que d’autres y voient l’opportunité de changer radicalement notre manière d’aménager, le ZAN est encore aujourd’hui une politique controversée et incertaine. Plus de deux ans après l’adoption de la loi climat et résilience, le cadre réglementaire relatif à la mise en œuvre de l’objectif du « zéro artificialisation #Essais

    / #droit, #droit_de_l'urbanisme, #gouvernance, #collectivités_territoriales, sols, #État

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met-desrousseaux.pdf

  • #Loi contre le « #démembrement » d’#EDF : la gauche met un pied dans la porte

    Lors de la niche parlementaire du Parti socialiste, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de loi pour « protéger le groupe EDF d’un démembrement ». Le texte a fait l’objet d’un compromis avec le gouvernement, mais constitue une première victoire symbolique.

    C’est l’épilogue d’un véritable marathon parlementaire : l’#Assemblée_nationale a adopté en troisième lecture à l’unanimité, jeudi 29 février, la proposition de loi défendue par le rapporteur socialiste Philippe Brun pour « protéger le groupe EDF d’un démembrement ». « On est allés à la limite de ce que pouvait faire l’opposition dans la Ve République », se félicitait Philippe Brun, salle des Quatre Colonnes, après le vote.

    Derrière ce résultat apparemment consensuel se cache en effet une longue lutte politique enclenchée il y a plus d’un an. Le Parti socialiste (PS), dans le cadre de sa niche parlementaire (où il décide de l’ordre du jour une fois par an, comme ce jeudi), avait alors fait adopter pour la première fois, contre l’avis du gouvernement, cette proposition de loi comprenant un #bouclier_tarifaire censé profiter aux petites entreprises « afin de faire face à la hausse des prix de l’énergie ».

    Depuis, le texte a navigué plusieurs fois entre l’Assemblée nationale et le Sénat et a obtenu à chaque fois la majorité des voix, contraignant le gouvernement à « plier le genou devant le Parlement », selon la formule du député socialiste Philippe Brun. Mais si le texte a été adopté dans une démarche constructive entre tous les groupes, c’est que les socialistes ont accédé aux compromis proposés par le gouvernement, qui menaçait de saisir le Conseil constitutionnel pour faire tomber des amendements (il n’est ainsi plus question d’actionnariat salarié dans le texte).

    La #privatisation d’EDF rendue impossible

    Ce n’est donc plus une proposition de loi aussi ambitieuse qu’au départ qui a été votée. « Personne n’a souhaité nourrir l’illusion que c’était un texte révolutionnaire pour construire un véritable pôle public de l’#énergie. Cette grande loi de #nationalisation actualisée devra être à l’ordre du jour quand nous serons aux responsabilités », a souligné le communiste Sébastien Jumel, corapporteur du texte, en conclusion des débats.

    Le texte comprend principalement une mesure d’extension des #tarifs_réglementés_de_vente_d’électricité (#TRVE) qui bénéficiera aux entreprises de moins de dix salarié·es (2,5 millions d’entreprises) et aux petites #collectivités_territoriales (10 000 communes). Les agriculteurs et agricultrices ainsi que les boulangers et boulangères qui, jusqu’à présent, ne pouvaient pas en bénéficier en raison de la puissance consommée, vont donc désormais en bénéficier. La droite sénatoriale a toutefois détricoté le texte en excluant notamment de cette extension les #bailleurs_sociaux.

    En outre, le texte inscrit l’incessibilité du capital d’EDF dans la loi, obligeant à l’avenir toute décision en la matière à être soumise au Parlement. La gauche y tenait particulièrement, s’étant battue contre le projet #Hercule qui visait à démanteler l’électricien public et à vendre les parties les plus rentables, notamment #Enedis. « La privatisation d’EDF est désormais impossible », explique #Philippe_Brun.

    Si, à plusieurs reprises, les député·es des groupes de gauche se sont félicité·es d’avoir « gagné une bataille politique », c’est qu’en un peu plus d’un an, la majorité présidentielle s’est rangée à la nécessité d’une régulation du marché de l’électricité. « Nous nous réjouissons que le gouvernement ait finalement trouvé de l’intérêt à notre proposition. Il y a un an, il combattait les tarifs réglementés : c’était la ruine, c’était démagogique, c’était contraire au droit européen. Ils y sont désormais favorables », note Philippe Brun. Une inconstance que sa collègue de La France insoumise (LFI) Alma Dufour a raillée dans l’hémicycle d’une formule imagée : « Vous retournez tellement votre veste sur le sujet que vous êtes sur le point de réinventer le courant alternatif. »

    Le dilemme du marché européen

    Le triomphalisme affiché par le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure, et le député Renaissance Emmanuel Lacresse, qui ont transformé cette loi en « un acquis du groupe Renaissance et de la majorité », a donc fait grincer des dents à gauche.

    Néanmoins, comme le souligne un communiqué du groupe LFI, si cette proposition de loi, que le gouvernement s’est engagé à faire adopter par le Sénat le 3 avril, met un coup d’arrêt à la #libéralisation, « la gauche n’a pas gagné la guerre des prix de l’électricité » pour autant. Sans réforme du marché européen de l’électricité, elle n’est qu’un premier pas. « La réforme européenne va dans le très mauvais sens : elle n’a pas touché à l’indexation sur les cours du gaz du prix de l’électricité, et en 2025, la Commission européenne est même censée demander la fin de tout #tarif_réglementé pour les ménages et les TPE », prévient la députée LFI Alma Dufour.

    Le député socialiste Philippe Brun, qui se dit « favorable à sortir du marché européen de l’électricité », convient bien d’une « loi plus défensive qu’offensive », donc, mais qui permet d’ouvrir un front. Avec le passage de cette proposition de loi, la gauche met un pied dans la porte, ce qui laisse présager d’un débat parlementaire autrement plus houleux lors de la réforme à venir de la loi Nome sur le marché de l’électricité.

    https://www.mediapart.fr/journal/politique/290224/loi-contre-le-demembrement-d-edf-la-gauche-met-un-pied-dans-la-porte

    #agriculture #boulangeries #service_public #tarif #prix

  • Décembre 2021, le retour de #Klaus_Kinzler dans les médias...

    Klaus Kinzler, enseignant : « #Sciences_Po_Grenoble est devenu un camp de rééducation »

    « On entend désormais dans les amphis des profs remettre en cause tout le système dans ses bases universalistes, démocratiques, laïques. C’est fait sans aucun complexe »

    Professeur d’allemand et de civilisation allemande à l’Institut d’études politiques de Grenoble, Klaus Kinzler est au centre d’une polémique qui empoisonne l’établissement depuis un an. Accusé d’être islamophobe dans une campagne lancée par des étudiants sur les réseaux sociaux, il a vu son nom et celui d’un de ses collègues placardés sur les murs de l’établissement avec la mention : « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue ». Klaus Kinzler n’est pas retourné à l’IEP depuis les faits. En mars, il publiera le récit de cette affaire aux Editions du Rocher.
    Vous avez été, selon vous, la cible d’une « cabale » instrumentalisée par un syndicat étudiant (l’Union syndicale) de l’IEP de Grenoble, avec le silence complice de la direction et du corps enseignant. Pourquoi les choses se sont-elles envenimées à ce point  ?

    Tout a commencé par des échanges de mails avec une collègue historienne en décembre 2020. Je contestais le titre d’une journée de débats dans lequel « racisme, antisémitisme et islamophobie » étaient mis sur le même plan. Cela me paraissait un scandale alors qu’existe un vrai débat sur la pertinence du terme islamophobie. La discussion s’est vite envenimée, ma collègue affirmant la « scientificité » du mot. Les ennuis ont débuté. Dès janvier, la campagne s’était déjà déchaînée sur Facebook. On nous accusait d’être « islamophobes » et on exigeait notre démission, tout en lançant des appels à témoignages anonymes contre nous. En mars dernier, mon nom, ainsi que celui d’un collègue politologue, spécialiste de l’islam en France, ont été placardés sur la façade de l’établissement. J’ai été mis sous protection policière pendant un mois.

    (#paywall)
    https://www.lopinion.fr/politique/klaus-kinzler-enseignant-sciences-po-grenoble-est-devenu-un-camp-de-reeduca

    Toute l’affaire, dans ce fil de discussion :
    https://seenthis.net/messages/905509

    #grenoble #Sciences_po #affaire_de_Grenoble

    • L’enseignant qui accusait Sciences Po Grenoble d’être un institut de « #rééducation_politique » suspendu pour #diffamation

      Un professeur de Sciences Po Grenoble, accusé d’ « islamophobie » au début de l’année, a été suspendu de ses fonctions par la direction, qui lui reproche d’avoir tenu, depuis, des « #propos_diffamatoires » , a-t-on appris lundi 20 décembre.

      L’arrêté de la directrice de l’institut d’études politiques (IEP), Sabine Saurugger, révélé par Le Figaro (https://www.lefigaro.fr/actualite-france/klaus-kinzler-l-enseignant-qui-avait-denonce-une-chasse-ideologique-suspend), vise des interviews accordées au début de décembre par l’enseignant, Klaus Kinzler, au site de l’hebdomadaire Marianne , au quotidien L’Opinion et à la chaîne CNews. Le professeur d’allemand a, selon la directrice, « gravement méconnu plusieurs obligations » , notamment en matière de « #discrétion_professionnelle » . « Il y a lieu à saisir le #conseil_de_discipline » , ajoute-t-elle dans l’arrêté qui le suspend pour quatre mois.

      Une « #chasse_aux_sorcières », selon l’enseignant

      Dans ses interviews, l’enseignant a décrit l’#IEP comme un institut de « rééducation politique » , accusant un « #noyau-dur » de collègues, adeptes, selon lui, des théories « #woke » , d’endoctriner les étudiants, et la direction de l’IEP de laisser faire.

      Pour ses avocats, qui dénoncent une « chasse aux sorcières » , M. Kinzler « a été contraint de prendre la parole afin de se défendre », après avoir été mis en cause « sur la place publique » . « Ça empoisonne ma vie, mais il faut peut-être aller jusqu’au bout pour savoir qui a le droit de dire quoi et dans quelle situation » , a déclaré l’enseignant, évoquant un possible recours devant le tribunal administratif.

      Contactée, la direction de l’IEP de Grenoble n’a pas souhaité réagir à « une mesure interne » . Le 13 décembre, dans un entretien donné à Marianne , Mme Saurugger avait pris la défense de l’établissement. « M. Kinzler reproche un certain nombre de faits qui ne sont pas exacts. Il dit notamment que la direction ne l’a jamais protégé. Sciences Po Grenoble est un établissement où la #liberté_d'expression et la #liberté_d'enseignement se trouvent au cœur du projet académique » , avait-elle déclaré.

      Seize étudiants sur dix-sept relaxés

      A l’origine de l’affaire, à la fin de 2020, M. Kinzler et une collègue historienne avaient échangé des courriels véhéments à propos d’une journée de débats intitulée « racisme, antisémitisme et islamophobie » , termes dont il contestait le caractère scientifique, tout en critiquant l’islam.

      Le 4 mars, M. Kinzler et un autre enseignant avaient été la cible d’affichettes placardées par des étudiants, relayées sur les réseaux sociaux par des syndicats. « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue » , pouvait-on lire sur ces affiches. La directrice de l’IEP avait condamné « très clairement » ces affiches, tout en estimant que la façon dont M. Kinzler parlait de l’islam était « extrêmement problématique » .

      Le 26 novembre, seize des dix-sept étudiants de l’IEP poursuivis devant une instance disciplinaire ont été relaxés, tandis que la ministre de l’enseignement supérieur avait préconisé des sanctions à leur encontre. Un seul a fait l’objet d’une exclusion temporaire avec sursis.

      Dans un message publié sur Twitter, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, #Laurent_Wauquiez, a cependant fait savoir qu’il suspendrait les financements régionaux – environ 100 000 euros par an hors investissements sur projets – à l’IEP de Grenoble, du fait de la « longue dérive idéologique et communautariste » , qui vient de « franchir un nouveau cap » avec la suspension de l’enseignant. Selon lui, « une minorité a confisqué le débat » au sein de l’établissement, « sans que la direction prenne la mesure de cette dérive préoccupante » .

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/20/l-enseignant-qui-accusait-sciences-po-grenoble-d-etre-un-institut-de-reeduca

      #suspension #Wauquiez

    • Sciences Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une dérive idéologique et communautariste inacceptable. Ce n’est pas ma conception de la République : la Région @auvergnerhalpes suspend donc tout financement et toute coopération avec l’établissement.


      https://twitter.com/laurentwauquiez/status/1472950277028392965
      #financement #dérive_idéologique #communautarisme #dérive_communautariste #Région_Auvergne_Rhône-Alpes

      –—

      Laurent Wauquiez a parfaitement compris comment couper court à l’infiltration de nos grandes écoles par l’islamo-gauchisme : en commençant par fermer le robinet du financement public.


      https://twitter.com/ZemmourEric/status/1472969682567241736

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      #Valérie_Pécresse :


      https://twitter.com/vpecresse/status/1473032185418551303
      #Pécresse

    • #Richard_Malka sur FB, 21.12.2021 :

      Je suis en vacances. Après quelques mois éreintants à défendre, autant que je le pouvais, le droit d’emmerder Dieu, j’ai décidé d’offrir à mes neurones une cure de désintoxication. Oubliée la liberté d’expression, plus rien à faire du blasphème, du Wokisme ; laissez-moi tranquille avec l’islamo-gauchisme…je veux lire ma pile de livres en retard, regarder la mer, marcher, la tête vide, sur des sentiers douaniers, me plaindre de mes courbatures en m’en délectant, avoir pour seule préoccupation la raréfaction des nouvelles séries de qualité sur Netflix.
      Mais patatras, j’ai commis l’erreur de lire la presse ce matin. J’essaie d’oublier ce que j’ai lu, d’enfouir mon cerveau sous ma couette comme si cela pouvait l’anesthésier, de laisser à d’autres le soin de réagir mais je sens bien que c’est foutu ; ça bouillonne dans mon ventre.
      Il y a donc, sur notre territoire, un petit Pakistan situé dans cette bonne ville de Grenoble. Un laboratoire de la pensée stalinienne dirigé par une certaine Sabrine Saurugger qui, en moins d’un an et demi, depuis sa nomination à la tête de Science Poe Grenoble, aura réussi l’exploit d’anéantir la réputation de cette école et de porter préjudice à des centaines d’étudiants qui auront bien du mal à réaliser leurs rêves quand ils inscriront sur leur cv le nom de cette école de la honte. Mais cela, Madame Saurugger n’en a probablement cure…quelques sacrifiés innocents n’ont jamais fait peur aux idéologues qui pensent le bien.
      Je résume : Le 4 mars dernier, un professeur d’allemand, Klaus Kinzler, est victime d’une campagne de lynchage sur les réseaux d’un syndicat étudiant, son nom étant par ailleurs placardé sur les murs de Science Po Grenoble, affublé des qualificatifs de fasciste et d’islamophobe. Son seul crime consiste à avoir contesté le concept d’islamophobie, ce qui fait débat, quoi que l’on en pense, depuis des décennies et ce dont on devrait pouvoir discuter, même à l’université. Rien qui ne justifie d’être qualifié de fasciste et voué aux gémonies, voire pire. Le professeur s’en émeut, de même que du manque de soutien évident de sa direction, dont on sent bien qu’elle a plutôt tendance à se ranger du coté de la terreur intellectuelle, parce que c’est pour la bonne cause. L’affaire aurait pu en rester là mais non, il faut réduire au silence pour que plus aucun professeur, jamais, partout en France, n’ose contester le dogme naissant. C’est alors que Madame Saurugger a une idée géniale qui a fait ses preuves pour éliminer toute velléité de contestation : innocenter les coupables et condamner leur victime au seul motif qu’elle a osé parler à des journalistes, ce qui ne se fait pas. Manquerait plus que la liberté d’expression soit un droit constitutionnel qui permette de se défendre et de dénoncer l’instauration d’une petite dictature de la pensée. L’université va s’atteler méticuleusement à cette tâche sacrée. D’abord, relaxer 16 des 17 étudiants poursuivis disciplinairement en dépit des conclusions d’un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale. Puis, et c’est le chef d’œuvre de la direction de Science Po Grenoble, prendre un arrêté le 14 décembre dernier, en espérant surement que les journalistes ne tarderont pas à être en vacances autour d’une dinde, pour suspendre le Professeur insulté qui avait eu l’audace de s’en plaindre. Le suspendre avant même que ne soit engagée à son encontre une procédure disciplinaire pour avoir osé parler.
      Passons sur le soutien apporté par le groupe écologiste de la région Rhône-Alpes qui, au prétexte de s’insurger de la décision de Laurent Wauquiez de supprimer la subvention de la Région à l’IEP, apporte son soutien à la direction de l’école. Ceci dit, on aimerait bien savoir, en passant, si dans le package du vote écolo, auquel chacun pourrait adhérer, figure obligatoirement la cancel culture dont je ne vois pas bien ce qu’elle a d’écolo.
      Cette affaire est cruciale pour l’avenir. Le message véhiculé par Madame Saurugger est simple : c’est celui de la violence symbolique adressée aux enseignants qui se résume par : taisez-vous, courbez l’échine devant la terreur intellectuelle ; osez la dénoncer et vous serez exclus. Relevez la tête et vous serez suspendus.
      Peut-être n’est-ce pas Monsieur Kinzler qui devrait être sanctionné mais Madame Saurugger, à défaut de prendre conscience elle-même, dans un sursaut, du mal qu’elle fait à son école et à ses étudiants. Au demeurant et en ce qui les concerne, ils gagneraient beaucoup à se révolter contre cette décision, pour ne pas se laisser sacrifier par une direction qui a sombré dans la faillite morale.

      https://www.facebook.com/richardmalka.avocat/posts/334513131820151

    • Samuel Hayat, 21.12.2021

      Je remets ça là à propos de Sciences Po Grenoble. Ce n’est pas un hasard si c’est cette institution qui est accusée. Car Sciences Po Grenoble n’est pas DU TOUT gauchiste. Et sa directrice encore moins. On est vraiment dans le pôle le plus positiviste et « centriste » du champ.
      Une fois de plus, les réactionnaires, en voie de fascisation rapide, ne se déchaînent pas contre les gauchistes - car nous, on ne prétend pas à l’impartialité, et on sait qui vous êtes, donc si LW nous juge, OSEF, ça ne nous fait rien. « Pratiquement, je l’emmerde », écrivait Fanon
      Ils se déchaînent sur les gens et les institutions qui jouent le plus le jeu de la scientificité, de la neutralité axiologique, qui jamais de leur vie n’iront porter la moindre parole militante dans l’espace public. Et ils espèrent ainsi les tétaniser, et nous tétaniser tou.te.s.
      Evidemment, ça ne marchera pas, dans l’immédiat. C’est trop gros. Sciences Po Grenoble va continuer à produire de la science et des diplômes. Mais ça installe une ambiance, ça fait grossir la meute, ça rend la proie plus floue, plus fantasmée. Bref, ça prépare le fascisme.

      https://twitter.com/SamuelHayat/status/1473310750194257920

      #scientificité #neutralité_axiologique #fascisme

    • Sciences Po Grenoble : « L’intrusion politique de Wauquiez est inédite »

      #Frédéric_Sawicki, professeur de science politique et président du comité d’éthique de l’AFSP, souligne la gravité de la décision de Laurent Wauquiez de couper le soutien financier de la #région_Auvergne-Rhône-Alpes à Sciences-Po Grenoble. Il dénonce un climat délétère contre l’#université et la #recherche.

      Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a affirmé que cette dernière mettait fin à sa coopération et à son soutien financier à l’#Institut_d’études_politique de Grenoble. L’ancien ministre et ex-dirigeant des Républicains (LR) met en avant, comme raison de cette soudaine décision annoncée sur Twitter, la mise à pied d’un enseignant, conséquence d’une polémique ayant éclaté au printemps dernier (lire le récit de David Perrotin).

      Quelques heures plus tard, la candidate LR à la présidentielle, Valérie Pécresse, partageait le même article du Figaro et s’indignait que « la liberté d’expression ne soit plus assurée à l’IEP de Grenoble », prenant pour argent comptant l’affirmation de l’enseignant en question, Klaus Kinzler, selon laquelle l’établissement serait devenu « un camp de rééducation ». Laurent Wauquiez se voyait félicité dans la foulée par le candidat d’extrême droite Éric Zemmour, estimant que le président de région avait « parfaitement compris comment couper court à l’infiltration de nos grandes écoles par l’islamo-gauchisme : en commençant par fermer le robinet du financement public ».

      Pour comprendre la gravité de cette annonce et son contexte, Mediapart a interrogé Frédéric Sawicki. Professeur de science politique à l’université Paris I, il préside également le comité d’éthique de l’Association française de science politique (AFSP). Il dénonce une décision qui laisse la porte ouverte à toutes sortes d’#abus, et souligne la #responsabilité de la ministre de l’enseignement supérieur, #Frédérique_Vidal, dans le climat délétère ayant encouragé une telle offensive.

      Est-ce que la coupure de fonds publics, pour des motifs politiques, est une première en France ?

      Frédéric Sawicki : Les relations entre les établissements d’enseignement et de recherche et les #collectivités_territoriales, notamment les régions, sont contractualisées. On peut imaginer qu’à l’issue d’une évaluation scientifique, et au regard d’objectifs connus et précis, certains financements soient remis en cause. Mais cela n’a rien à voir avec le fait de plaire ou déplaire au président d’une région. Où irait-on, dans ce cas ? Selon sa sensibilité, un ou une présidente déciderait de sanctionner financièrement des propos qui l’indisposeraient ?

      On a clairement affaire à une #intrusion_politique dans la procédure interne d’un établissement de recherche, et ceci, en effet, est complètement inhabituel. Laurent Wauquiez utilise sa position institutionnelle pour punir un établissement de façon collective. Cela s’appelle une #sanction_politique.

      Il s’agit d’une atteinte aux #libertés_académiques. Comment celles-ci se sont-elles construites, et quelles sont leurs limites ?

      Les libertés académiques concernent la liberté totale d’enseigner et de faire des recherches dans le cadre de l’université. Mais elles renvoient également à une réalité qui remonte au Moyen Âge, les « #franchises_universitaires » : le principe en est que les universités se gèrent elles-mêmes, en dehors de l’intrusion des pouvoirs politiques. Cela signifie qu’elles ont un pouvoir de discipline pour arbitrer et sanctionner les comportements déviants qui auraient été commis en leur sein. Ceci vaut pour les comportements liés à l’activité professionnelle, mais évidemment pas pour les crimes et délits d’ordre pénal ou civil.

      Les universités ont ainsi leurs instances de jugement, avec des possibilités d’appel et de se défendre. La jouissance de libertés académiques s’accompagne donc de procédures d’arbitrage bien définies, avec des tribunaux internes. Non seulement les universitaires sont soumis au droit général, mais ils peuvent faire l’objet de #sanctions devant leurs universités. Cela s’est par exemple produit dans le cas de Bruno Gollnisch (ex-cadre du Front national), qui fut suspendu de Lyon III pour des propos qui portaient préjudice à son établissement.

      En réalité, il y a des affaires tout le temps, dans lesquelles le pouvoir politique ne s’immisce pas – et n’a pas à le faire. De l’extérieur, en lisant certains médias ou responsables politiques, on peut avoir l’impression que l’enseignant mis à pied par la direction de l’IEP de Grenoble est victime d’un règlement de comptes politique. Mais il s’agit avant tout d’une décision émise contre une personne ayant sciemment jeté de l’huile sur le feu en diffamant son établissement.

      Ce genre de sanction politique et financière est inhabituel. Est-ce qu’il faut le rapprocher d’un contexte plus général, à l’international, d’attaque contre la liberté d’enseigner et de chercher ?

      Les pressions et les sanctions sont indéniablement plus féroces dans des démocraties subissant des involutions autoritaires, notamment au Brésil, en Turquie, en Pologne ou en Hongrie. Dans ce dernier pays, l’université privée financée par George Soros a ainsi été contrainte au départ. De manière générale, les présidents d’université font l’objet d’une tutelle directe par le pouvoir politique. On n’en est pas là en France, mais il faut prendre au sérieux la prétention de plus en plus intrusive du pouvoir politique.

      Comment ne pas penser, ici, aux attaques de la ministre Frédérique Vidal contre « l’islamo-gauchisme » qui sévirait dans les établissements d’enseignement et de recherche (lire notre article : https://www.mediapart.fr/journal/france/170221/islamo-gauchisme-vidal-provoque-la-consternation-chez-les-chercheurs) ? D’un côté, on encourage l’#autonomie, mais de l’autre, sur la liberté de ce qui s’enseigne, on exerce une forme de #pression pour qu’aucune tête ne dépasse. Les attaques se répètent contre des cibles mouvantes et toujours mal définies, puisque la même ministre a récidivé récemment devant les sénateurs, en brandissant les dangers supposés du « #wokisme ».

      Dans ce contexte, Laurent Wauquiez vient de faire un pas en direction de Viktor Orbán [le premier ministre hongrois – ndlr]. Pour la première fois en France, des attaques verbales et symboliques se transforment en #rétorsion_financière, en dehors de toute évaluation qui aurait mis en évidence des faits coupables de l’établissement. Pour le président de région, tout semble bon pour faire de l’#agitation. Sauf qu’il s’agit d’#argent_public et de la vie des étudiants et de l’établissement, avec des collègues qui essaient de faire leur travail dans un contexte difficile, lié à la pandémie et à des dotations en berne.

      À l’heure où l’on se parle, Frédérique Vidal n’a pas réagi à la décision de Laurent Wauquiez. Pour vous, elle ne remplit pas son rôle ?

      Des responsables politiques, et elle en fait partie, sont en train de discréditer la seule institution où on essaie de penser le monde comme il va, avec le moins de pression possible de l’extérieur. J’espère que cette affaire va faire prendre conscience que l’université ne devrait pas être un punching-ball, un objet d’#instrumentalisation à des fins électoralistes.

      Frédérique Vidal, au lieu de protéger l’autonomie des universités au sens traditionnel du terme, s’y est déjà attaquée de manière frontale. L’« islamo-gauchisme », le « wokisme »… sont autant de #chimères_conservatrices auxquelles elle a donné crédit. Quoi qu’il en soit, l’université doit être un lieu où l’on peut débattre de courants d’idées nouveaux, sans devoir le justifier devant des autorités politiques. Bientôt, faudra-t-il des autorisations sur les livres et les idées sur lesquelles on peut échanger ? Cela nous mènerait à un régime politique d’une autre nature.

      Après plusieurs décennies en poste dans l’enseignement et la recherche, que pouvez-vous dire de Sciences-Po Grenoble, aujourd’hui visé par Laurent Wauquiez comme un foyer de « dérive idéologique et communautariste » ?

      L’établissement est connu pour ses travaux sur les politiques publiques territoriales, ses enquêtes quantitatives sur les valeurs des Français et des Européens, ses travaux socio-historiques, ou encore ses publications sur les politiques de sécurité. La production des enseignants-chercheurs n’a rien à voir avec celle de gens obsédés par des idéologies « déconstructionnistes ».

      Quand on connaît leur production et ce milieu, les attaques dont ils font l’objet apparaissent encore plus hallucinantes. On ne peut qu’être étonné et indigné de la montée en épingle d’une affaire malheureuse mais ponctuelle et locale, sur laquelle se sont appuyés certains polémistes et responsables politiques pour transformer cet établissement en Satan idéologique.

      Cela fait penser au roman La Plaisanterie de Milan Kundera : dans un contexte d’extrême politisation et d’obligation de #conformisme, n’importe qui semble pouvoir être accusé de n’importe quoi, sans le moindre fondement. Cela est pratique pour régler des comptes, puisqu’on trouvera toujours des gens pour soutenir des #croisades_morales. Il y a un moment où il faudra dire « stop ». Ce devrait être le rôle de Frédérique Vidal.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/211221/sciences-po-grenoble-l-intrusion-politique-de-wauquiez-est-inedite

    • Tweet de Simon Persico, enseignant-chercheur à Sciences Po Grenoble, 21.12.2021 :

      Les messages de soutien à @SciencesPo38, à sa directrice @SSaurugger et aux milliers d’étudiants et enseignants, anciens comme actuels, font chaud au cœur. Autant de bouées qui nous aident à nager dans le torrent de boue qui continue de se déverser sur notre bel IEP.
      Cette fois, c’est Laurent Wauquiez qui décide de couper les bourses de mobilité et l’accompagnement des étudiants les plus éloignés. A partir d’un diagnostic aussi mensonger qu’infamant, celui d’une prétendue dérive « communautariste et idéologique ».
      Une manière pour lui, ce n’est pas nouveau, de hurler avec les loups. Comme de trop nombreux responsables politiques, il surfe sur la vague entretenue par un collègue en perdition, avec l’aide d’une presse complaisante et dépourvue de toute rigueur factuelle.
      Ce thread a donc pour principal objectif de rappeler des faits. Un petit pense-bête sur ce qu’est Sciences Po Grenoble, pour bien comprendre ce qu’il n’est pas.
      Si vous voulez une version courte et synthétique, vous pouvez lire ce communiqué de notre direction. Il dit très bien tout ce qu’il y a à dire : http://www.sciencespo-grenoble.fr/communique-mise-au-point-de-la-direction-de-sciences-po-grenoble
      Si vous voulez une idée plus précise des enseignements et de leur contenu, allez faire un tour sur le site (http://sciencespo-grenoble.fr/formations). Vous y trouverez tous les intitulés de cours et la focale de nos nombreux parcours de Master. Du communautarisme idéologique en barre.
      Si vous voulez une idée de nos recherches, vous pouvez aller sur les sites de nos labos @PACTE_grenoble @CesiceUpmf et @cerdap2. Vous pouvez aussi lire le blog de l’IEP, et notamment cette série sur notre rapport à l’objectivité et à la neutralité : http://blog.sciencespo-grenoble.fr/index.php/category/objectivite-en-sciences-sociales
      Vous y lirez la richesse des objets, la robustesse des résultats et la diversité des perspectives qui nous guident. Je dis « nous » parce que nous formons une communauté très diverse, mais soudée sur l’essentiel : le respect de la rigueur scientifique et du pluralisme.
      Si vous voulez vous faire une idée des types d’évènements qui se tiennent chez nous en dehors des cours, voici les trois principaux du mois de décembre :
      –une journée d’hommage au grand constitutionnaliste et serviteur de l’Etat, Jean-Louis Quermonne.
      –une conférence sur les violences sexistes et sexuelles en présence des plus hautes autorités judiciaires et policières grenobloises
      –une conférence sur la « gestion de crise » par le Ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation, Marc Fesneau
      Si vous voulez vous remémorez les faits qui ont mené à cette affaire, vous pouvez lire le rapport de l’Inspection générale (vous noterez que le rapport s’arrête au moment des affichages, avant que notre collègue KK ne déclenche sa guerre médiatique) : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/la-situation-l-iep-de-grenoble-en-mars-2021-47481
      Ce rapport, comme les excellents articles de @davidperrotin (https://www.mediapart.fr/journal/france/110321/accusations-d-islamophobie-la-direction-de-sciences-po-grenoble-laisse-le-) et de @FrancoisCarrel (https://www.liberation.fr/societe/sciences-po-grenoble-une-semaine-de-tempete-mediatique-sur-fond-dislamo-g) montrent bien la gravité du comportement de KK au démarrage de cette affaire.
      Ils rappellent aussi le soutien dont il a bénéficié de la part de notre direction, d’une part, mais aussi de tous nos collègues, profondément choqués par les affichages.
      Nous avions assez rapidement écrit une tribune à de très nombreuses mains pour rappeler ce soutien, inviter notre collègue à ne pas envenimer les choses, et dénoncer les pressions politiques dont cette affaire était la manifestation : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/17/professeurs-accuses-d-islamophobie-cette-affaire-est-une-illustration-des-pr
      Progressivement cette affaire commençait à passer, bon an mal an, même si elle avait laissé des traces. Jusqu’au dernier tour de piste de KK dans les médias, en décembre. Un tour de piste qui va mener Laurent Wauquiez à prendre cette décision honteuse.
      Si KK se décide à nous agoniser d’injure par voie d’interview, c’est que KK n’a pas supporté la relaxe de 17 étudiants renvoyés devant un Conseil de discipline délocalisé à l’Université de Clermont-Ferrand. Décision totalement indépendante de Sciences Po Grenoble.
      Lors de ce dernier tour de piste, KK dépasse toutes les limites. Il accuse notre institut d’être devenu un « camp de rééducation politique » et ses enseignants, surtout ceux qui sont arrivés récemment, d’endoctriner les étudiants avec les thèses woke et anticapitalistes.
      Ces propos nuisent gravement à la réputation de l’IEP sur des bases mensongères. Je suis reconnaissant à notre direction d’avoir engagé une procédure disciplinaire contre lui. Je remercie du fond du cœur @SSaurugger pour son courage et son sang-froid !
      Nous réussirons à en sortir renforcés. Car nous montrerons que le pluralisme et le souci du débat argumenté, rigoureux et respectueux sont plus forts que l’instrumentalisation et la mise au pas politique. On le doit à notre institution. On le doit au débat public.
      Et une dernière question à @laurentwauquiez : on en fait quoi du panneau bleu à l’entrée du bahut ? C’est vrai qu’il prend de la place, mais on commençait à s’y faire. Aucun problème pour le garder. Vous nous dites.

      https://twitter.com/SimPersico/status/1473298938602135555

    • Sciences-Po Grenoble : les mêmes intox pour un nouvel emballement

      Après l’annonce de la suspension d’un professeur accusé d’islamophobie à l’IEP de Grenoble, de nombreux politiques dénoncent une attaque contre la liberté d’expression. Mediapart revient sur les nombreuses #contrevérités relayées depuis.

      Il aura fallu attendre neuf mois pour qu’une nouvelle polémique éclate à propos de Sciences-Po Grenoble. L’Institut d’étude politique (IEP) fait de nouveau parler de lui depuis que Le Figaro a révélé que Klaus Kinzler, le professeur d’allemand qui dénonce une supposée « chasse idéologique » au sein de l’école, a été suspendu le 14 décembre pour quatre mois. Sabine Saurugger, directrice de l’institution, a pris cette mesure par #arrêté, avant de « saisir le conseil de discipline dans les meilleurs délais ». Cette suspension n’est toutefois pas une #sanction et l’enseignant conserve son traitement et ses indemnités le temps de la procédure.

      Selon le quotidien, la directrice lui reproche d’avoir tenu « des propos diffamatoires dans plusieurs médias contre l’établissement d’enseignement supérieur dans lequel il est en poste, ainsi que contre la personne de sa directrice », d’avoir en outre « gravement porté atteinte à l’#intégrité_professionnelle de ses collègues de travail », après une interview donnée sur CNews. Enfin, l’enseignant est aussi accusé d’avoir « gravement méconnu plusieurs obligations liées à son statut de fonctionnaire », comme « son obligation de #discrétion_professionnelle » et « son #obligation_de_réserve ».

      Il n’en fallait pas plus pour que l’emballement reprenne et que la direction de l’IEP soit accusée de « chasse aux sorcières ». De Marine Le Pen à Éric Zemmour, en passant par Valérie Pécresse ou Éric Ciotti, toutes et tous ont dénoncé cette décision qui serait une « grave atteinte à la liberté d’expression ». Plus étonnant encore, le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a décidé de couper les aides accordées à l’institution, sans même attendre des éclaircissements de Sciences-Po, lui qui n’hésitait pas à voter deux subventions à l’ONG libanaise Nawraj, partenaire d’une association d’extrême droite et dirigée par l’ancien chef de milices chrétiennes responsables de nombreux massacres pendant la guerre civile.

      Sauf que les articles relayant la décision de la direction de l’IEP et les messages de soutien reposent en majorité sur des contrevérités et des #intox largement entretenues par la droite et l’extrême droite, et par le professeur Klaus Kinzler lui-même.

      Rappel des faits. L’affaire débute en mars 2020 lorsque Klaus Kinzler est, avec un autre enseignant, la cible d’affiches placardées sur la façade de l’IEP : « Des fascistes dans nos amphis Vincent T. […] et Klaus Kinzler démission. L’islamophobie tue. » Le syndicat étudiant Unef relaie l’action sur les réseaux sociaux, avant de tout supprimer.

      Comme le racontait Mediapart, ce collage, condamné unanimement, venait après d’intenses tensions autour d’une journée de débats nommée « Racisme, antisémitisme et islamophobie » et organisée dans le cadre d’une « semaine pour l’égalité et la lutte contre les discriminations ».

      Le professeur d’allemand s’en était pris à Claire M., sa collègue et enseignante d’histoire, et exigeait que l’intitulé soit reformulé. Celui-ci ayant été décidé après un vote des étudiants, elle avait refusé et argumenté en précisant « qu’utiliser un concept ne dispense pas d’en questionner la pertinence, de se demander s’il est opérant ».

      Mediapart racontait alors comment l’affaire avait été récupérée avec omission de nombreux détails. Klaus Kinzler reconnaissait lui-même avoir pu être violent à l’endroit de sa collègue et avoir révélé son nom publiquement, la mettant ainsi en danger.

      Alors pourquoi reparle-t-on de l’IEP de Grenoble ? Comme le révèle Le Figaro, la direction, qui n’a pas souhaité répondre à Mediapart, reproche deux récentes interviews accordées par Klaus Kinzler. Dans celle publiée par Marianne, le journal revient sur la relaxe de 17 étudiants passés en conseil de discipline et entretient la confusion en laissant penser que ces élèves pourraient être les auteurs des affiches placardées sur l’IEP. « C’est un blanc-seing pour ceux qui voudraient placer une cible dans le dos des professeurs », affirme Klaus Kinzler, qui dénonce la relaxe de ces 17 étudiants en lien avec l’Union syndicale Sciences-Po Grenoble (US), un syndicat qui avait fustigé « l’islamophobie des deux enseignants ». Le syndicat avait aussi appelé la direction de l’établissement à « statuer » sur le « cas » du professeur.

      Aucun étudiant n’a révélé les noms de professeurs

      Les étudiants sont en effet passés devant une commission disciplinaire. Elle faisait justement suite à une saisine de la directrice qui avait appliqué les recommandations d’un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche diligenté en mars par la ministre Frédérique Vidal et rendu en mai.

      D’après la décision rendue par la section disciplinaire, consultée par Mediapart, les étudiants ont en effet été relaxés car « le seul appel à témoignage publié par l’US sur les réseaux sociaux (Facebook) ne peut être regardé comme constitutif d’une participation à la diffusion […] d’accusations de racisme et d’islamophobie à l’encontre des deux enseignants », Vincent T. et Klaus Kinzler.

      En effet, si les étudiants ont bien dénoncé le comportement des deux professeurs, ils n’ont jamais publié leurs noms publiquement. Par ailleurs, si la presse évoque le fait qu’un étudiant a été condamné par la section disciplinaire, cela n’a rien à voir avec cette affaire. D’après nos informations, une étudiante a fait l’objet d’une exclusion temporaire avec sursis pour dénonciation calomnieuse dans une affaire de violences sexuelles.

      Aucun nom d’enseignant n’a été révélé par le laboratoire Pacte

      Dans son interview à Marianne qui lui est aujourd’hui reprochée, Klaus Kinzler met également en cause le laboratoire de recherche affilié au CNRS et à l’IEP, #Pacte, qui l’aurait accusé publiquement de harcèlement à l’encontre de sa collègue. « Sans cette accusation publique de Pacte, les étudiants ne m’auraient jamais attaqué sur Facebook », précise-t-il.

      En réalité, le laboratoire, qui a effectivement affirmé « son plein soutien » à l’enseignante « attaquée personnellement », n’avait jamais nommé Klaus Kinzler et n’a pas non plus rendu public son communiqué. Il avait seulement été envoyé par mail aux personnes concernées et à la direction. Interrogé ce mardi, l’enseignant reconnaît que « le communiqué n’est pas public ». « Mais il était très maladroit et a quitté les murs de l’IEP », ajoute-t-il.

      Ce qu’aucun média ne précise en outre, c’est que Klaus Kinzler est le premier à avoir livré le nom de sa collègue Claire M. Après le communiqué de Pacte, il avait publié sur son site internet les échanges qu’il avait eus avec l’enseignante sans son accord. Comme lui, elle avait d’ailleurs reçu des menaces et bénéficié par la suite d’une protection policière.

      Lors d’une interview donnée sur Cnews et également dénoncée par la direction de l’IEP, Klaus Kinzler s’en était d’ailleurs pris, avec Pascal Praud, à la directrice de Pacte, Anne-Laure Amilhat. Elle avait ensuite reçu une vague de cyberharcèlement, avant de déposer différentes plaintes pour « diffamation et diffamation à caractère sexiste » contre le professeur et l’animateur, et pour « menace de mort » et « cyberharcèlement ».

      La direction de l’IEP a bien soutenu Klaus Kinzler

      Dans différents médias, Klaus Kinzler affirme aussi que la direction de l’IEP ne l’a « jamais protégé en un an » et qu’il n’a pas été soutenu.

      Là encore, les nombreux mails et documents consultés par Mediapart prouvent le contraire. Pour contester l’intitulé de la journée de débats, le professeur d’allemand a vivement attaqué Claire M., dans des mails-fleuves, en la traitant d’« extrémiste » ou en remettant en cause ses qualités scientifiques. Klaus Kinzler avait d’ailleurs reconnu lui-même sa violence, qu’il disait « regretter ». L’enseignante avait alors sollicité l’intervention de la direction, qui avait refusé de rappeler à l’ordre Klaus Kinzler, mettant en avant la liberté d’expression.

      Face à l’inaction de la direction, Claire M. avait même saisi le Défenseur des droits. Dans sa décision consultée par Mediapart, l’institution estimait que Klaus Kinzler et son collègue Vincent T. avaient « bafoué le droit au respect de Claire M. et que cette dernière n’a pas bénéficié du soutien de la direction ». Cette dernière avait seulement demandé à l’enseignant de s’excuser, alors que l’enseignante avait été placée en arrêt maladie.

      Interpellée par l’Union syndicale en janvier 2021, la direction de l’IEP avait encore rappelé l’importance de la liberté d’expression des enseignants et était par la suite accusée par l’Union syndicale de se cacher « derrière la liberté pédagogique pour défendre l’islamophobie ». Sollicité sur ce point, le professeur d’allemand le reconnaît là encore. « Vous avez raison, la direction m’avait d’abord soutenu en tentant un apaisement de la situation. Mais après, elle m’a abandonné en faisant le strict minimum. Elle aurait dû punir les étudiants immédiatement, sans attendre que les médias en parlent. »

      Les recommandations du rapport suivies à la lettre par la directrice

      En mars dernier, Klaus Kinzler envoie un mail à des étudiants qui avaient dénoncé le fait qu’il boive de l’alcool lors d’une réunion. Agacé, le professeur d’allemand avait signé : « Un enseignant “en lutte”, nazi de par ses gènes, islamophobe multirécidiviste ». Encore interpellée par l’Union syndicale, la direction de l’IEP n’avait pas réagi. Quatre jours après, les fameuses affiches le visant étaient placardées et la direction signalait les faits au procureur, avant de déposer plainte contre X.

      « C’est absurde de s’en prendre à la directrice de l’IEP, alors qu’elle a soutenu les deux enseignants depuis le début », s’agace un maître de conférences de l’IEP. Il rappelle en effet que #Sabine_Sarugger a suivi à la lettre les recommandations du rapport qui préconisait une action disciplinaire contre les étudiants de l’US. « Elle a saisi la commission de discipline. On ne peut pas aujourd’hui lui reprocher les relaxes alors que la commission a été dépaysée et est parfaitement indépendante », ajoute-t-il.

      Un rapport d’ailleurs salué par Klaus Kinzler. ​​« Je ne peux pas dire que je sois d’accord avec tout ce qui y est préconisé mais je dois reconnaître que les inspecteurs ont fait un travail d’enquête extraordinaire, interrogeant tous les protagonistes de l’affaire, soit des dizaines de personnes. Ils ont formulé de nombreuses recommandations extrêmement claires », juge-t-il dans Marianne.

      Dans ses conclusions, l’inspection estimait « que tous les acteurs de cette affaire ont commis des erreurs d’appréciation, des maladresses, des manquements et fautes, plus ou moins graves, plus ou moins nombreux ». Elle précisait aussi que Klaus Kinzler avait « porté atteinte à l’image et à la réputation du corps enseignant et, au-delà, de l’établissement, décrédibilisé une instance de l’Institut », et recommandait un rappel à l’ordre.

      Le professeur attaquait l’islam et « les musulmans »

      Dans ses différentes sorties, Klaus Kinzler vilipende une attaque contre la liberté d’expression et rappelle justement que la critique de l’islam doit être possible. « Je dois rappeler que, dans ces mails, je n’ai jamais critiqué les musulmans. J’ai même insisté assez lourdement sur ce point. Je n’ai parlé que du terrorisme et d’une vision archaïque de la femme qui ne me plaît pas dans l’islam », précise-t-il, toujours dans l’hebdomadaire.

      Si le professeur s’en prend vivement à l’islam et précise qu’il « préfère largement le Christ », les nombreux mails consultés par Mediapart montrent qu’il visait aussi les musulmans. C’est ce qui avait d’ailleurs choqué certains étudiants de cette religion. « Les musulmans ont-ils été des esclaves et vendus comme tels pendant des siècles, comme l’ont été les Noirs (qui aujourd’hui encore sont nombreux à souffrir d’un racisme réel) ? Non, historiquement, les musulmans ont été longtemps de grands esclavagistes eux-mêmes ! Et il y a parmi eux, encore aujourd’hui, au moins autant de racisme contre les Noirs que parmi les Blancs », écrivait-il. Il poursuivait sa mise en cause des musulmans en expliquant qu’ils n’ont pas jamais été « persécutés », « tués » ou « exterminés » comme l’ont été les juifs et qu’au contraire, on compterait parmi eux « un très grand nombre d’antisémites virulents ».

      « Sur les musulmans, ce sont un peu des évidences que je dis, 95 % des Français doivent être d’accord avec moi », justifie aujourd’hui Klaus Kinsler. « Vous revenez sur tous ces mails, mais je doute que cela intéresse les gens. Je ne me rappelle pas de tout. Aucun autre média ne retient des choses à me reprocher dans ces mails », finit-il par balayer.

      « Dans L’Opinion, Klaus parle de l’IEP comme d’un camp de rééducation. Ses interviews sont d’une violence inouïe et reposent sur de nombreux #mensonges complaisamment relayés par les médias qui l’interrogent », regrette l’un de ses collègues. Un autre confirme : « Non, l’IEP n’est pas un repère de “wokistes”. Quiconque vient ici s’apercevra qu’il n’y a aucune dérive communautariste. » Après la relaxe des étudiants, plusieurs professeurs de l’IEP avaient d’ailleurs vivement réagi par mail pour dénoncer cette décision. « Il y a des débats au sein de l’IEP mais ni pression idéologique ni chasse aux sorcières. »

      Dans un communiqué publié ce mardi, la direction de l’IEP réagit à la décision de Laurent Wauquiez et dénonce une décision politique. Elle rappelle également que « le soutien financier de la région […] ne consiste pas en des subventions mais essentiellement en l’attribution de bourses aux étudiants ».

      Klaus Kinzler, lui, se dit « fatigué par tout ça » et promet de « cesser les apparitions médiatiques dès demain ». Tout en regrettant que le débat « soit national plutôt que devant un tribunal », il insiste pour mettre en cause la directrice de l’IEP, qui a « voulu le faire taire » en l’empêchant de parler à la presse. Confronté aux nombreuses imprécisions ou contrevérités qu’il relaie lors de ses nombreuses interviews, il prévient : « On ne va pas refaire l’histoire du mois de mars. Un juge administratif tranchera. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/211221/sciences-po-grenoble-les-memes-intox-pour-un-nouvel-emballement

    • "Islamophobie" à l’IEP de Grenoble : « la chasse idéologique aux enseignants est ouverte »

      Au cœur d’une polémique pour s’être opposé au concept « d’islamophobie », un professeur de l’Institut d’études politiques de Grenoble, Klaus Kinzler, a vu son nom placardé sur les murs de l’établissement pendant qu’une association étudiante exigeait que la direction « statue sur son cas ». Ces mêmes étudiants ont récemment été relaxés par une commission disciplinaire. Un « blanc-seing » aux campagnes d’intimidation, estime, auprès de « Marianne », le professeur en question.

      Si Klaus Kinzler enseigne à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, il n’y a pas donné cours depuis mars, après que son année universitaire a été perturbée par une vive polémique. Sur les murs de l’IEP, des affiches mentionnant son nom et le qualifiant d’« islamophobe » ont fleuri en début d’année. En cause : une querelle entre professeurs lors d’un échange de mails qui a fait grand bruit dans la communauté enseignante et étudiante de l’établissement. Klaus Kinzler s’y opposait à l’utilisation du terme « islamophobie » dans l’organisation d’une semaine de lutte contre les discriminations.

      (#paywall)
      https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/islamophobie-a-liep-de-grenoble-la-chasse-ideologique-aux-enseignants-est-

    • La liberté académique est-elle en danger ?

      La liberté du chercheur serait aujourd’hui sérieusement menacée en France et aux Etats-Unis et, avec elle, la pratique même du métier. C’est la thèse d’#Olivier_Beaud, Professeur de droit public à l’université de Panthéon-Assas, auteur de l’ouvrage « Le savoir en danger » (PUF, 2021), et notre invité.

      https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/la-liberte-academique-est-elle-en-danger

    • Sciences-Po Grenoble : Laurent Wauquiez ou les ravages de la « #cancel_culture »

      Après qu’un professeur de l’IEP de Grenoble a été suspendu, Wauquiez a décidé de couper le financement que la région versait à l’établissement. La droite LR « cancel », l’extrême droite applaudit.

      La « cancel culture », c’est la droite qui la dénonce le plus mais c’est encore elle qui la pratique le mieux. Après qu’un professeur de Sciences-Po Grenoble, Klaus Kinzler, a été suspendu pour quatre mois de ses fonctions par la direction qui lui reproche d’avoir tenu des « propos diffamatoires », le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a annoncé vouloir suspendre les financements accordés à l’école par la collectivité.

      « Sciences-Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une #dérive_idéologique et communautariste inacceptable, a tweeté Laurent Wauquiez. Ce n’est pas ma conception de la République : la région Auvergne-Rhône-Alpes suspend donc tout financement et toute coopération avec l’établissement. » Soit un soutien financier - environ 100’000 euros par an hors investissements sur projets - qui consiste à attribuer des bourses aux étudiants, à soutenir des formations continue pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur et à l’emploi, ainsi que l’action sociale.

      L’affaire remonte à décembre 2020, quand Klaus Kinzler, professeur de civilisation allemande, s’oppose de manière virulente, dans un groupe de travail, à l’utilisation du mot « islamophobie » lors d’un futur colloque. Il obtient gain de cause. Deux mois plus tard, son nom et celui d’un de ses collègues sont placardés sur des affiches par des étudiants les accusant d’être islamophobes et « fascistes ».

      Un institut de « rééducation politique »

      Dans le contexte inflammable lié aux polémiques sur l’« islamo-gauchisme », l’événement prend une ampleur nationale. Frédérique Vidal émet le souhait de voir les colleurs d’affiches sanctionnés. Le 26 novembre, seize des dix-sept étudiants de l’IEP poursuivis devant la commission de discipline de l’université de Clermont-Auvergne sont finalement relaxés. Une décision prise à l’unanimité, relate le Monde. Un seul étudiant sera sanctionné, une exclusion temporaire avec sursis.

      C’est à la suite de cette décision que l’affaire est relancée. Dans une interview à l’Opinion, l’enseignant Klaus Kinzler décrit Sciences-Po Grenoble comme un institut de « rééducation politique » en accusant un « noyau dur » de collègues, adeptes selon lui du « wokisme » ». Ce qui pousse la directrice de l’établissement, Sabine Saurugger, a prendre un arrêté dans lequel elle reproche à Klaus Kinzler d’avoir « gravement méconnu plusieurs obligations », notamment en matière de « discrétion professionnelle ». Et de le suspendre de ses fonctions pour une durée de quatre mois tout en conservant son traitement et ses indemnités, comme le révèle le Figaro. D’où la décision de Wauquiez de priver l’école de subventions...

      La direction de l’IEP dit regretter dans un communiqué une décision qui semble motivée par « un motif politique, davantage que par la réalité au sein de l’institution, alors même que l’IEP Grenoble-UGA aurait gagné du soutien de tous ses acteurs soucieux de l’intérêt de ses étudiants et de la communauté universitaire ». D’autant plus dans un contexte de cruel manque de moyen, de précarisation des étudiants et d’un rebond pandémique du Covid-19.

      Deux subventions à l’ONG libanaise #Nawraj

      En revanche, l’annonce de Laurent Wauquiez, qui fut lui-même ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de juin 2011 à mai 2012, a été chaleureusement accueillie par l’extrême droite. Le candidat néo-pétainiste à la présidentielle Eric Zemmour a salué sa façon de « couper court à l’infiltration de nos grandes écoles par l’islamo-gauchisme ». Suivi d’un « bravo ! » de Marine Le Pen. La droite LR cancel. L’extrême droite applaudit.

      A noter qu’en septembre 2020, Mediapart révélait que la région Auvergne-Rhône-Alpes, présidée par Laurent Wauquiez, venait de voter deux subventions (36’000 euros et 70’000 euros) à l’ONG libanaise Nawraj. L’association étant dirigée par #Fouad_Abou_Nader, un ancien chef des #Phalanges, ces milices chrétiennes responsables de nombreux massacres pendant la guerre civile.

      Un discours convenu et abondamment relayé par une certaine presse (le Point, le Figaro, Valeurs actuelles...) attribue sans détour la « cancel culture » au répertoire militant d’étudiants de gauche et d’universitaires menant des travaux sur les discriminations systémiques. Laurent Wauquiez et l’extrême droite font l’implacable démonstration que cette pratique n’est pas l’apanage du progressisme, elle peut tout aussi bien être réactionnaire, conservatrice et antisociale.

      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/sciences-po-grenoble-laurent-wauquiez-ou-les-ravages-de-la-cancel-culture

    • Suspension de Klaus Kinzler à Sciences Po Grenoble : la lettre de 40 personnalités à Frédérique Vidal

      Dans une #lettre_ouverte, 40 personnalités, pour la plupart issues du monde universitaire, interpellent la ministre de l’Enseignement supérieur pour lui demander d’agir face à ce qu’ils perçoivent comme une censure imposée par un courant militant.

      Klaus Kinzler, enseignant à Sciences Po Grenoble, accusé d’islamophobie, s’est longtemps défendu en alertant les médias sur la dérive de son établissement et la chasse aux sorcières dont il se sentait victime. La direction vient de le suspendre au motif qu’il aurait bafoué son obligation de réserve et de discrétion.

      –-

      Lettre ouverte à Madame Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur

      Madame la ministre,

      La situation à l’IEP de Grenoble et les poursuites engagées contre notre collègue Klaus Kinzler démontrent, s’il en était besoin, que la liberté d’expression des universitaires, de même que leur liberté académique dans le cadre de leur enseignement et de leur recherche, libertés dont vous êtes la première garante, sont en péril dans notre pays.

      Depuis quelques années un courant militant -et se revendiquant comme tel- cherche à imposer, dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur, en particulier dans le domaine des sciences sociales, un discours exclusif. Or c’est une chose d’accueillir de nouveaux champs d’études et de nouveaux paradigmes ; c’en est une tout autre de leur laisser acquérir une domination voire une hégémonie institutionnelle, alors même que leur pertinence scientifique fait l’objet, comme vous le savez, d’un intense débat intellectuel.

       » LIRE AUSSI - Sciences Po Grenoble, au cœur d’une passe d’armes politique

      Vous vous étiez vous-même émue de l’extension dans l’Université de ce que vous avez nommé « l’islamo-gauchisme » - qui est l’une des manifestations de ces dérives - et aviez annoncé un rapport sur ce sujet en février de cette année. Force est de constater que, près d’un an plus tard, ce rapport, sans cesse promis et sans cesse reporté, n’a toujours pas vu le jour.

      De même, nous attirons votre attention sur le rapport de l’Inspection générale que vous avez missionnée à l’IEP de Grenoble, relevant qu’« au terme de ses travaux, il ne fait pas de doute […] que ce sont les accusations d’islamophobie qui sont la cause de la grave détérioration du climat de l’IEP » (p. 2) et « qu’un climat de peur s’était installé depuis plusieurs mois parmi les étudiants de l’IEP du fait de cette utilisation par l’U[nion] S[yndicale] d’accusations (graves, puisqu’il s’agit de délits, voire de crimes tels que le viol) diffusées sur les réseaux sociaux contre tous ceux qui ne lui semblent pas partager ses positions » (p. 3). Or, il s’avère que la personne désormais poursuivie est celle-là même qui a alerté sur ces agissements et qui, nous vous le rappelons avec gravité, est menacée de mort pour cette prétendue « islamophobie » : notre collègue Klaus Kinzler. Et ces poursuites ont lieu au rebours des traditions de l’université française comme de la jurisprudence de la CEDH.

      Dans ce contexte, où la liberté d’expression est menacée par des sanctions disciplinaires, voire pénales ; où le pluralisme de l’enseignement et de la recherche est contrecarré par des manœuvres d’intimidation, et donc par l’autocensure croissante de nos collègues, en particulier des plus jeunes, puisque leur carrière en dépend ; où, enfin, un nombre croissant d’étudiants font part de leur inquiétude devant ce qu’ils ressentent comme une entreprise de formatage et de propagande, notre question est simple : que comptez-vous faire précisément, Madame La ministre ?

      Avec nos salutations les plus respectueuses,

      À VOIR AUSSI - Science Po Grenoble : Faut-il dissoudre l’UNEF ?

      Liste des premiers signataires

      Michel Albouy, professeur émérite en sciences de gestion, Université Grenoble Alpes

      Claudine Attias-Donfut, sociologue

      Sami Biasoni, essayiste, docteur en philosophie

      Christophe Boutin, professeur de droit public, Université de Caen-Normandie

      Jean-François Braunstein, professeur de philosophie, Université Paris 1 Sorbonne

      Pascal Bruckner, essayiste et philosophe

      Joseph Ciccolini, professeur des Universités - Praticien Hospitalier

      Albert Doja, professeur d’anthropologie, Université de Lille

      Laurent Fedi, université de Strasbourg

      Monique Gosselin-Noat, professeur émérite de littérature

      Yana Grinshpun, linguiste, Paris 3

      Philippe Gumplowicz, professeur de musicologie Université Evry-Paris-Saclay

      Nathalie Heinich, sociologue

      Emmanuelle Hénin, professeur de littérature, Sorbonne Université

      Hubert Heckmann, maître de Conférence en Littérature médiévale, Université de Rouen

      Mustapha Krazem, linguiste, université de Lorraine

      Arnaud Lacheret, associate Professor

      Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes 1

      Andrée Lerousseau, maître de Conférence à l’université Lille 3 en Philosophie

      Samuel Mayol, maître de Conférence, Paris 13

      Michel Messu, professeur honoraire de philosophie

      Frank Muller, professeur émérite d’histoire moderne

      Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires

      Bernard Paqueteau, professeur en Sciences Politiques

      Rémi Pellet, professeur à la faculté de Droit Université de Paris et à Sciences Po Paris

      Gérard Rabinovitch, philosophe

      Pascal Perrineau, professeur émérite des universités à Sciences Po

      François Rastier, linguiste, Directeur de Recherche émérite au CNRS

      Philippe Raynaud, philosophe, Paris II

      François Roudaut, professeur (Université Montpellier III)

      Xavier-Laurent Salvador, linguiste, Sorbonne Paris Université

      Perrine Simon Nahum, historienne et philosophe

      Jean Paul Sermain, professeur émérite de Littérature

      Jean Szlamowicz, linguiste

      Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, Sorbonne-Université

      Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS

      Thibault Tellier, professeur des universités, Sciences Po Rennes

      Dominique Triaire, professeur émérite de littérature française, Université de Montpellier

      Pierre Vermeren, professeur d’Histoire, université Paris I

      Christophe de Voogd, historien

      Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’EPHE

      https://www.lefigaro.fr/vox/societe/suspension-de-klaus-kinzler-a-sciences-po-grenoble-la-lettre-de-40-personna

    • Sciences Po Grenoble : après l’éviction de Klaus Kinzler, Frédérique Vidal appelle à « la sérénité »

      La ministre de l’Enseignement supérieur, qui s’était émue de l’emprise de « l’islamo-gauchisme » à l’IEP de Grenoble, a été interpellée par des intellectuels.

      Alors que les réactions se succèdent, après la suspension par la directrice de l’IEP de Grenoble du professeur d’allemand Klaus Kinzler - dont le nom, en mars, avait été placardé sur les murs de l’école assortis d’accusation de « fascisme et d’islamophobie », la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, appelle « chacun à se remettre au travail dans la sérénité » . « Elle a demandé à l’inspection générale de renforcer son suivi et au recteur délégué de rester en contact avec la directrice pour accompagner l’établissement », expliquent ses services. Frédérique Vidal précise que cette suspension « n’entrait pas dans les préconisations » du rapport des inspecteurs généraux missionnés à l’IEP lors de la crise, mais que les relations entre un professeur et sa direction « sont du ressort des relations entre un employeur et un membre de son personnel » .

      Une réponse bien pâle, au vu des débats enflammés autour de l’affaire. Dans une tribune publiée mardi sur lefigaro.fr, 40 personnalités essentiellement issues du monde universitaire - dont le philosophe Pierre-André Taguieff, la sociologue Nathalie Heinich, le linguiste Xavier-Laurent Salvador, ou l’essayiste Pascal Bruckner- ont interpellé la ministre, dénonçant une censure imposée par un courant militant. « Vous vous étiez vous-même émue de l’extension dans l’Université de ce que vous avez nommé “l’islamo-gauchisme” et aviez annoncé un rapport sur ce sujet en février » , écrivent-ils, constatant que ce rapport n’est toujours pas venu. Ils rappellent aussi le rapport des inspecteurs généraux, rendu en mai, concluant que « les accusations d’islamophobie » étaient « la cause de la grave détérioration du climat » à l’institut et « qu’un climat de peur s’était installé ».

      Mercredi, c’est Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo et de Mila, qui a pris la plume dans L’Express , déplorant « une injonction à courber l’échine » de la part d’une direction de l’IEP pour laquelle « il faut réduire au silence pour que plus aucun professeur, jamais, partout en France, n’ose contester le dogme naissant », écrit-il, décrivant « sur notre territoire, un petit Pakistan situé dans cette bonne ville de Grenoble » , « un laboratoire de la pensée stalinienne ». Sur Twitter, Manuels Valls, premier ministre lors du quinquennat Hollande, a soutenu quant à lui la décision de Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de suspendre ses subventions à l’IEP.

      La ministre Frédérique Vidal s’en tient aux recommandations du rapport de l’inspection. « L’établissement a retrouvé le calme , explique-t-elle. Des rappels à l’ordre ont été faits aux enseignants qui avaient commis des maladresses. Une procédure à l’encontre des étudiants a été enclenchée devant la section disciplinaire de Clermont-Ferrand ». Celle-ci s’est soldée, en novembre, par la relaxe des étudiants poursuivis pour leur participation à la diffusion des accusations d’islamophobie. Après quoi Klaus Kinzler avait à nouveau pris la parole dans les médias, décrivant Sciences Po Grenoble comme un institut de « rééducation politique » et pointant une direction « otage » des « ultras ». Propos qui lui ont valu quatre mois de suspension et la convocation prochaine devant un conseil de discipline.

      https://www.lefigaro.fr/actualite-france/sciences-po-grenoble-apres-l-eviction-de-klaus-kinzler-frederique-vidal-app

    • Sciences Po Grenoble : « C’est Laurent Wauquiez qui porte atteinte à la liberté académique »

      Professeur à l’IEP Grenoble, le politologue #Yves_Schemeil dénonce un emballement médiatique autour de Klauz Kinzler, ce professeur d’allemand venant d’être suspendu.

      Et voilà l’IEP de Grenoble à nouveau au centre des polémiques. Le professeur d’allemand Klaus Kinzler a été suspendu par la directrice de l’institut d’études politiques, Sabine Saurugger, pour des « propos diffamatoires » contre l’établissement. L’enseignant avait été accusé d’ « islamophobie » par certains étudiants. Depuis, il dénonce dans les médias un climat de « terreur » et une « chasse idéologique » au sein de l’IEP. Laurent Wauquiez, président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé suspendre tout financement (100.000 euros par an) à l’IEP, en raison d’une « dérive idéologique inacceptable ». Dans une tribune publiée par l’Express, Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo et Mila, est allé jusqu’à qualifier Sciences Po Grenoble de « petit Pakistan » et « laboratoire de pensée stalinienne ».

      Le politologue Yves Schemeil, professeur émérite à l’IEP Grenoble et ancien directeur de l’institut, dénonce pour sa part un #emballement_médiatique entretenu par un professeur absent des lieux depuis une longue période. Selon lui, les accusations de « wokisme » ou « d’islamo-gauchisme » ne correspondraient nullement à la réalité. « En réalité, il n’y a à l’IEP ni recherches ni enseignements portant sur le post-colonialisme ou sur le genre » déclare-t-il, alors que les étudiants seraient, très majoritairement, bien plus préoccupés par leur avenir professionnel que par les batailles idéologiques. Entretien.

      L’Express : Klaus Kinzler a été suspendu en raison de propos jugés « diffamatoires » contre l’IEP de Grenoble. Qu’en pensez-vous ?

      Yves Schemeil : Klaus Kinzler est un #PRAG, autrement dit un professeur agrégé du secondaire détaché à l’IEP. N’étant pas universitaire, il a pour seule obligation d’assurer des cours de langue. Malheureusement, il a été souvent absent de l’IEP ces dernières années, ce qui ne l’empêche pas de critiquer publiquement l’institution. Quand on est responsable d’établissement public on doit faire respecter le droit. C’est justement ce que la directrice a fait. L’arrêté de suspension qu’elle a signé ne prive pas ce collègue de traitement ; il ne peut simplement plus s’exprimer dans les médias en tant que membre de l’institution sinon il s’exposerait à des sanctions disciplinaires.

      Dans Le Figaro, 40 personnalités se sont inquiétées des menaces sur la liberté académique...

      Comme l’a rappelé Olivier Beaud, professeur de droit et auteur d’un livre dénonçant les menaces sur la liberté académique, celle-ci repose sur la liberté d’expression, certes, mais aussi sur la liberté d’enseigner et aussi sur la liberté de recherche, alors que Klaus Kinzler n’en fait pas. Par ailleurs, l’IEP est un lieu où l’on est libre de dire ce que l’on veut car on n’y a jamais censuré personne. Celui qui s’est comporté en censeur c’est Klaus Kinzler lui-même en refusant que le concept d’"islamophobie" soit mis sur le même plan que l’antisémitisme et le racisme dans l’intitulé d’un débat public. Les membres du groupe de travail chargé de le préparer étaient pourtant prêts à en discuter avec lui, mais il a apparemment refusé de faire des concessions. La liberté académique n’est donc pas du tout en cause dans cette affaire.

      Klaus Kinzler dénonce une dérive idéologique et un « endoctrinement » à l’IEP Grenoble...

      J’ai dirigé l’IEP de Grenoble de 1981 à 1987. Je peux vous assurer que son idéologisation était forte à l’époque. Dans un contexte anticapitaliste, des syndicalistes pouvaient séquestrer des responsables ou interdire l’accès à des locaux. Aujourd’hui, je travaille dans des équipes de recherche de l’institut aux côtés des personnes implicitement visées par Klaus Kinzler. Je peux vous certifier que je n’ai rien constaté qui corresponde à ce qu’il décrit. Chaque année, 5000 jeunes, souvent avec une mention très bien au bac, candidatent pour intégrer l’IEP de Grenoble. Ils veulent obtenir une bonne formation et un diplôme doté d’une valeur sur le marché du travail leur permettant ensuite d’accéder à des secteurs d’activité très variés. C’est ça leur priorité.

      En tant que professeur il m’arrive parfois de regretter que les débats sur les questions d’actualité ne soient pas plus fréquents. C’est dû au fait que les jeunes arrivant à l’IEP sont souvent de bons élèves persuadés qu’ils devraient connaître suffisamment un sujet avant d’oser en parler dans une salle de cours, encore moins émettre des critiques « révolutionnaires ». Un collègue qui se dit lui-même très à gauche a déclaré le 21 décembre sur Twitter que nous serions « le pôle le plus positiviste de France », s’étonnant ainsi de l’accusation selon lui imméritée d’être une maison anticapitaliste. Il est vrai qu’à Sciences Po Grenoble il n’y a que très peu de militants qui cherchent à mobiliser leurs collègues étudiants.

      Le rapport de l’Inspection générale avait estimé que tous les acteurs avaient commis des erreurs d’appréciation et des maladresses dans cette affaire, mais il mettait aussi en avant un « climat de peur » de la part d’étudiants...

      Il y a eu des maladresses de tous les côtés, c’est vrai. Une série d’erreurs a produit des effets beaucoup plus importants que leur cause ne l’aurait objectivement justifié. En ce qui concerne les étudiants actuels, une minorité a probablement un agenda politique, sur les questions de genre ou de violences contre les femmes. Mais dans l’ensemble, les étudiants sont très peu activistes. Et puis est arrivée cette histoire : certains ont dû estimer que c’était un bon vecteur de mobilisation. Il faut distinguer cet activisme critiquable des affiches dénonçant Klaus Kinzler et un de ses collègues, sur lesquelles on pouvait lire « des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue ». On ne sait toujours pas qui en sont les auteurs, l’enquête policière ne semble pas avoir abouti, ce pourrait être n’importe qui. Au centre du campus, l’IEP a toujours attiré des groupes venant d’autres facultés, les responsables de cet affichage pourraient très bien venir d’ailleurs.

      Et que pensez-vous de la décision de Laurent Wauquiez de suspendre les financements de la région ?

      C’est une suspension, comme vous le dites. Pour l’instant, il s’agit plutôt d’un coup de menton qu’autre chose. Laurent Wauquiez ne peut pas couper du jour au lendemain les bourses régionales que perçoivent les étudiants. Il y a aussi des programmes de recherche en cours, qui ne sont pas soldés, leur financement n’étant complété qu’une fois qu’ils seront terminés. Concrètement, cette menace ne pourrait alors s’appliquer que l’an prochain, ou même ultérieurement. Pour l’instant, c’est seulement une déclaration destinée à montrer qu’on est ferme vis-à-vis d’une dérive supposée frapper l’université.

      Car la sortie de Laurent Wauquiez vise l’université dans son ensemble, où travaillent des personnes - étudiants et professeurs - dont il estime qu’elles ne lui sont pas favorables et qu’elles sont trop à gauche. Il a donc des motifs électoraux de saisir cette opportunité. Pour l’instant, cela ne m’inquiète pas, ce qui me préoccupe c’est qu’une autorité politique cherche à peser sur le contenu des enseignements et des recherches à l’université. Paradoxalement, ce sont donc Laurent Wauquiez et Klaus Kinzler qui portent atteinte à la liberté académique et non pas les membres de l’IEP de Grenoble.

      En défendant votre institution, n’êtes-vous pas dans le « pas de vague » ?

      Je n’ai aucun enjeu personnel ni conflit d’intérêts dans cette affaire, mais j’en connais bien les protagonistes et je travaille régulièrement dans les mêmes locaux qu’eux. Je constate simplement que le dossier de l’accusation est vide. Je suis de plus sidéré par l’ampleur que la polémique a pris. Je ne comprends pas que des éditorialistes considèrent, sans vérifier leurs sources, qu’il y aurait une proportion significative d’étudiants ou de professeurs adeptes de la culture dite « woke ». En réalité, il n’y a à l’IEP de Grenoble ni recherches ni enseignements portant sur le post-colonialisme ou sur le genre, ce qui pourrait être un jour un problème.

      L’islam, lui, est un sujet parmi d’autres, ni plus ni moins. Dans mes cours sur le Moyen-Orient j’ai dit des choses pour lesquelles j’aurais pu être critiqué si l’on était vraiment dans une situation où il ne faudrait pas discuter de ce qui touche à la conviction religieuse. En réalité, nous avons toujours eu sur ces sujets délicats des conversations très civiles, y compris avec des personnes de confession musulmane, françaises ou étrangères.

      Franchement, la situation décrite dans les médias ressemble tellement peu à ce que je connais ! Toute cette affaire est déconnectée de la réalité. Sur les plateaux de télévision c’est la course au buzz, on prend pour argent comptant tout ce que dit un homme qui sait parler aux médias et qui cherche peut-être à compenser ainsi ce qu’il perçoit comme une absence de reconnaissance à l’université. Mais l’histoire qu’il leur raconte est à dormir debout, c’est celle que les gens ont envie d’entendre, un récit selon lequel l’université serait noyautée d’islamistes ou de « décoloniaux ».

      Mais sur le fond, Klaus Kinzler n’a fait que protester contre l’usage d’un terme, « islamophobie », qui tend à assimiler la critique - légitime - d’une religion à l’hostilité contre un groupe de personnes, les musulmans. Cette notion est défendue par des groupes militants comme le CCIF...

      Je comprends les réticences vis-à-vis de ce terme. Dans le monde anglophone, la notion est utilisée pour décrire les discriminations contre les musulmans. En France, certains estiment qu’on ne peut pas associer ce terme à d’autres formes de racismes, d’autant que le CCIF ou d’autres activistes proches de l’islam radical cherchent à le placer au même niveau que l’antisémitisme. Le terme d’islamophobie n’est sans doute pas judicieux en français, mais en débattre était justement l’enjeu d’une discussion qui n’a finalement pu se dérouler jusqu’au bout, suite au retrait de Klaus Kinzler lui-même alors que le groupe avait choisi de mettre un point d’interrogation après le mot « islamophobie ». Le programme de recherche de la collègue à laquelle Klaus Kinzler s’est opposé porte sur l’antisémitisme musulman au Maghreb. Vous voyez qu’on est loin de l’islamophilie ! D’ailleurs, à cette époque les discussions au sein de l’IEP portaient sur toutes les discriminations et pas seulement envers des personnes de confession musulmane. Encore une fois, comme d’autres collègues, je n’ai jamais eu aucune difficulté de critiquer à l’IEP des décisions prises par des autorités arabes ou musulmanes. Et j’ai eu des étudiants de tous les pays.

      Pour résumer, l’utilisation d’un terme compris différemment dans le débat public français et dans les discussions académiques surtout anglo-saxonnes a engendré un faux problème. On ne doit pas en déduire qu’on ne peut plus discuter librement de l’islam à l’IEP. Klaus Kinzler se présente en lanceur d’alerte, mais l’institut qu’il dépeint ne ressemble pas à ce qu’il est vraiment. Il semble avoir perdu tout contact avec la réalité de Science Po.

      https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/sciences-po-grenoble-c-est-laurent-wauquiez-qui-porte-atteinte-a-la-liberte

    • Sciences-po Grenoble : 5 minutes pour comprendre l’affaire Klaus Kinzler

      L’établissement a décidé de suspendre son professeur, accusé d’avoir proféré des « propos diffamatoires » dans les médias. A quatre mois de la présidentielle, la classe politique s’en mêle.

      Voilà des mois que Sciences-po Grenoble s’invite régulièrement dans les médias. Il faut remonter à il y a plus d’un an maintenant pour comprendre comment la direction a fini par suspendre l’un de ses professeurs, accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires à son endroit.

      Klaus Kinzler, professeur d’allemand au sein de l’établissement, avait été nommément cité en mars dernier sur des affiches placardées sur les murs de l’IEP, accusé « d’islamophobie » et de fascisme.

      Comment a démarré cette affaire ?

      Tout a commencé en novembre 2020. En pleine deuxième vague Covid, se prépare à distance une « semaine pour l’égalité et la lutte contre les discriminations ». Plusieurs groupes de travail mêlant enseignants et étudiants sont constitués dans ce cadre. C’est dans l’un de ses groupes que vont se révéler des dissensions entre monsieur Kinzler et l’une de ses collègues au sujet de l’intitulé des débats dont leur groupe est en charge : « Racisme, antisémitisme et islamophobie ».

      Dans des échanges de courriels, Klaus Kinzler estime inadéquat le fait de classer au même rang la notion d’islamophobie avec le racisme et l’antisémitisme. Il confie notamment ne pas aimer « beaucoup » l’islam, qui lui fait franchement peur « comme elle fait peur à beaucoup de Français ». Sa collègue s’oppose à ses arguments.

      Leurs échanges, dont les étudiants du groupe sont également destinataires, finissent par dégénérer. La directrice de l’IEP, Sabine Saurugger demande à monsieur Kinzler de présenter ses excuses à sa collègue, ce qu’il fera par deux fois par mail. Le terme islamophobie est retiré de l’intitulé des débats.

      Mais la pression va rapidement remonter d’un cran. Le 7 décembre, entre deux courriels d’excuses de Klaus Kinzler, le directoire du laboratoire PACTE, auquel est rattachée l’enseignante, publie un communiqué (supprimé depuis). Sa directrice, Anne-Laure Amilhat Szary, tient à affirmer « son refus de tout comportement agressif et de tout argument d’autorité dans le débat scientifique ». Elle ajoute que « l’instrumentalisation politique de l’islam et la progression des opinions racistes dans notre société légitiment la mobilisation du terme islamophobie dans le débat scientifique et public. »

      Quelques semaines plus tard, des élus du syndicat étudiant de l’Union syndicale publient à leur tour un texte dans lequel ils dévoilent des extraits des courriels attribués au professeur. Le syndicat appelle la direction de l’établissement à « statuer sur son cas ». Il dépose plainte le 27 février pour discrimination syndicale. Elle sera classée sans suite.

      Pourquoi a-t-elle dégénéré ?

      Le 4 mars 2021, des collages sont placardés dans les locaux de l’IEP de Grenoble. Klaus Kinzler et l’un de ses collègues sont cités nommément. La tension monte d’un cran. « Sciences Porcs », « des fascistes dans nos amphis », « l’islamophobie tue », peut-on lire. Des étudiants publient des photos de ces écrits sur les réseaux sociaux. Le syndicat étudiant Unef relaie également l’opération sur les réseaux sociaux avant de se rétracter. Les noms des deux enseignants sont jetés en pâture. Ils sont placés sous protection policière. Une enquête est lancée.

      L’affaire prend alors une dimension médiatique. Klaus Kinzler est invité sur plusieurs plateaux de télévision pour livrer sa version des faits. Le 9 mars, il se montre notamment sur CNews dans l’émission de Pascal Praud. Le présentateur critique ouvertement Anne-Laure Amilhat Szary. Il dit voir en elle « le terrorisme intellectuel qui existe dans l’université ». Klaus Kinzler renchérit en la décrivant comme « un grand chercheur directeur de laboratoire de recherche [qui] se met en dehors de la science ». Qui « ne comprend pas la science ».

      À son tour, la directrice du laboratoire se retrouve harcelée sur les réseaux sociaux. Elle demande une protection fonctionnelle qui lui est rapidement accordée par sa tutelle, le président de l’université Grenoble-Alpes. Elle porte plainte en diffamation et diffamation à caractère sexiste contre son collègue et Pascal Praud. Mais aussi pour « menace de mort » et « cyberharcèlement ».

      Comment la direction a-t-elle réagi ?

      Après la diffusion des affiches, la directrice de l’IEP de Grenoble Sabine Saurugger avait estimé que ces dernières ont mis en danger « non seulement la vie des deux collègues, mais également l’ensemble des communautés étudiantes, enseignantes, personnel administratif ». Et de poursuivre, évoquant Klaus Kinzler : « Je pense qu’il y a un ton qui est extrêmement problématique dans ses propos, avec des idées qui sont développées parfois un peu rapidement, et donc un rappel à l’ordre et une incitation au dialogue ont été entrepris », par la direction.

      Sabine Saurugger estimait également que la demande faite par Klaus Kinzler aux étudiants de son groupe membres de l’Union syndicale de quitter ses cours était « clairement discriminatoire ».

      Frédérique Vidal, la ministre en charge de l’Enseignement supérieur, ne goûte alors que peu à ces déclarations. Plus tôt, elle avait demandé un rapport à l’inspection générale pour faire la lumière sur le déroulé des faits. Sur BFMTV, elle disait regretter l’attitude du syndicat étudiant, qui aurait dû selon elle se cantonner à son rôle, celui « d’être dans la médiation, pas de jeter les gens en pâture sur les réseaux sociaux ».

      Quelles sont les conclusions de l’inspection générale ?

      Dans ses conclusions, rendues le 8 mai dernier, l’inspection générale avançait « que tous les acteurs de cette affaire ont commis des erreurs d’appréciation, des maladresses, des manquements et fautes, plus ou moins graves, plus ou moins nombreux ». Une certaine inexpérience de la direction est relevée. Elle estime que Klaus Kinzler « a porté atteinte à l’image et à la réputation du corps enseignant et, au-delà, de l’établissement, décrédibilisé une instance de l’Institut ». L’inspection recommande de lui adresser un dernier rappel à l’ordre.

      Pour l’inspection, Anne-Laure Amilhat Szary aurait dû se voir notifiée « des fautes qu’elle a commises dans cette lamentable affaire ». Elle se trouve accusée d’avoir dramatisé la polémique dans son communiqué du 7 décembre. Mais aussi d’avoir contraint le corps enseignant à prendre position dans cette affaire et à choisir leur camp. « On se retrouve avec des agressés et des agresseurs renvoyés aux mêmes types de sanctions, c’est très problématique », commente-t-elle alors auprès de nos confrères du Monde. « La ministre a publiquement manifesté son indignation et son soutien quand le nom de mes collègues a été affiché, mais n’a pas réagi quand j’ai été à mon tour dangereusement menacée », poursuivait-elle.

      Une affaire devenue politique

      À moins de quatre mois de l’élection présidentielle, l’affaire Klaus Kinzler a pris une dimension politique. La direction de l’établissement vient de suspendre le professeur, accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires contre l’établissement lors de ses passages à la télévision. Lancé dans une véritable croisade contre les pratiques qui seraient en cours au sein de l’IEP de Grenoble depuis plusieurs moi, Klaus Kinzler avait notamment décrit l’école comme un institut de « rééducation politique », accusant un « noyau dur » de ses collègues d’endoctriner des étudiants à la culture du « wokisme », face à une direction impuissante. Dans son arrêté de suspension, la directrice Sabine Saurugger estime que l’enseignant a « gravement méconnu à plusieurs obligations », notamment en matière de « discrétion professionnelle ».

      Cette sanction a fait bondir plusieurs personnalités politiques. Dans une tribune publiée chez nos confrères de l’Opinion, le député François Jolivet demande la mise sous tutelle de l’établissement, ainsi que l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur la situation des universités françaises.

      Chez Les Républicains, Valérie Pécresse se dit inquiète « de ce que la liberté d’expression ne soit plus assurée à l’IEP de Grenoble » et demande à Frédérique Vidal de diligenter une nouvelle mission d’inspection sur la situation. Elle a été suivie par Éric Ciotti, l’eurodéputé François-Xavier Bellamy et le président de la région Rhône-Alpes Laurent Wauquiez. Dans un communiqué de presse, il a annoncé sa décision de suspendre l’ensemble des financements de la région à l’établissement. Une décision saluée par Marine Le Pen sur les réseaux sociaux.

      Cette suspension des financements a été soutenue, à demi-mots, par le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, qui voit dans la suspension de Klaus Kinzler une « erreur formelle » de la part de la direction de l’établissement. « Je pense qu’il faut bien entendu réagir », a-t-il affirmé mercredi sur LCI, au sujet de la décision de Laurent Wauquiez, estimant qu’il faut toutefois éviter « les mesures spectaculaires ».

      Dans un communiqué de presse, la direction de l’établissement voit de son côté dans la suspension des financements de la région une décision politique. Elle précise que « le soutien financier de la région (…) ne consiste pas en des subventions mais essentiellement en l’attribution de bourses aux étudiants ». Elle appelle Laurent Wauquiez à revenir sur sa décision dans l’intérêt des étudiants. « L’IEP de Grenoble-UGA fait désormais l’objet d’accusations ineptes de dérive idéologique et communautariste, de wokisme ou encore de cancel culture, qui n’ont aucun fondement », poursuit le communiqué.

      https://www.leparisien.fr/societe/sciences-po-grenoble-5-minutes-pour-comprendre-laffaire-klaus-kinzler-21-

    • Le management contre les libertés académiques

      texte (toxique) d’#Alain_Garrigou

      Un professeur a été suspendu par la directrice de Sciences Po Grenoble pour avoir dénoncé dans la presse la politisation de son établissement. Le motif est surprenant — intimer l’ordre de se taire à un universitaire — et la sanction exceptionnelle. Au départ, une controverse sur l’usage du terme « islamophobie » que deux enseignants ne voulaient pas assimiler au racisme comme le faisaient certains de leurs collègues. Une querelle sur un mot que d’aucuns pourraient juger « byzantine ». Cela se gâte quand des affichettes, collées sur les murs de l’établissement, traitent les premiers d’islamophobes. Les esprits s’échauffent à la suite d’échanges interminables de mails, où chacun s’offusque en se considérant pris à parti devant des destinataires divers et variés, le tout dans un contexte de travail distanciel. Un syndicat étudiant a relaté ces messages sur les réseaux sociaux. Les deux enseignants reçoivent alors des menaces physiques. Traduits devant le conseil de discipline, des étudiants impliqués sont relaxés malgré un rapport d’inspection sévère. Puis, un enseignant concerné, Klaus Kintzler, donne deux entretiens à des médias alors que la directrice lui a demandé de ne pas s’exprimer. Il y accuse l’établissement de ne plus offrir les conditions de liberté académique sous l’influence de ce qu’il qualifie de « wokisme ». La sanction tombe au nom d’une autorité qu’on peut dire patronale. Ce qui rompt avec des usages universitaires de collégialité et de règlement arbitré des conflits. Il faut donc comprendre ce qui a changé, notamment depuis la loi Libertés et Responsabilité des Universités (LRU) de 2008, portée par la ministre de l’époque Valérie Pécresse, qui a institué leur autonomie de gestion.

      Les directions universitaires sont issues d’élections auxquelles participent des représentants des enseignants, des personnels administratifs, des représentants syndicaux et des personnalités extérieures. Le temps du mandarinat qui concentrait tout le pouvoir entre les mains des professeurs est bien révolu. On ne s’en plaindra pas mais il faut savoir que les nouvelles règles de gouvernance amorcées par la loi d’orientation de l’enseignement supérieur de 1968 et renforcées par la LRU de 2008 ont introduit la politique dans l’université à deux titres au moins : les élections sont un processus politique de coalitions nouées dans des manœuvres plus ou moins opaques et les considérations partisanes peuvent y avoir une place plus ou moins forte. Tout cela n’est guère transparent. Le plus souvent, le compromis régnait entre des gens soucieux de ne pas mettre en danger une institution fragile et de préserver les conditions de vie commune. Les libertés académiques étaient une sorte de mantra que chacun savait ne pas devoir attaquer par intérêt réciproque. L’épisode de Grenoble est à cet égard une première.

      Il ne faut pas comprendre ce genre de conflit à l’aune des psychologies et des personnalités mais par le contexte délétère qui occupe de plus en plus l’université française (1) À plusieurs reprises, des colloques ou séminaires ont été annulés ou des invitations révoquées au motif que tel ou tel intervenant ne plaisait pas. . Les spécialistes de sciences sociales préfèrent appliquer l’objectivation à d’autres qu’eux mais s’ils prétendent au titre de scientifique, il faut bien qu’ils s’y soumettent. Autrement dit l’affaire n’est qu’un révélateur de tensions accumulées dans l’université : d’un côté une raréfaction des places ; de l’autre, une prolétarisation des conditions sociales. Il est de plus en plus difficile de faire carrière et on y est de moins en moins bien traité et payé. La solution professionnelle de la promotion passait en principe par l’excellence et l’investissement dans le métier. Si cela ne paie pas, ou mal, ou lentement, l’humeur se tourne vers la protestation politique déclarée ou masquée. Le schéma correspond à celui classique de l’inflation des titres scolaires et aux mécanismes de frustration relative. Sur une trajectoire classique d’affirmation, les nouvelles générations cherchent à se différencier. Les différents thèmes de l’intersectionnalité conjuguent cette tentative de renouvellement. En se combinant avec une politisation plus ou moins revendiquée qui, pour les plus engagés, soutient qu’il n’est pas de science qui soit politiquement neutre. Pour les plus anciens universitaires, cela a un parfum de Mai 68. Notre propos n’est pas ici d’évaluer ces ambitions et leurs résultats sauf sur le plan politique. Cette radicalisation s’accompagne d’une contre-radicalisation dont l’affaire Kintzler est un exemple.

      Ce n’est pas un hasard si elle survient dans un Institut d’études politiques (IEP), un type d’établissement particulièrement concerné par la dérive managériale des universités. Dans le sillage de Sciences Po Paris, les IEP de province se sont transformés en business schools. Plus ou moins selon les cas. Avec cette situation extraordinaire d’un droit de regard du pouvoir sur leur direction. On ne s’étonne même pas que la présidence de la République puisse inspirer le choix du directeur de Sciences Po Paris. La surveillance est moindre sur la province mais il reste l’exemple d’une gouvernance de plus en plus proche du privé avec une direction qui se comporte comme des patrons d’entreprise. Les termes mêmes de la directrice sont suffisamment éloquents lorsqu’elle évoque son « devoir d’intervenir lorsque la réputation de l’institution est prise pour cible (...) et lorsqu’on attaque personnellement le personnel de l’établissement » pour en conclure que « dans ce cadre, je joue mon rôle d’employeur face à un membre du personnel ». Ce n’était pas la tradition universitaire où le doyen, en tant que président ou directeur, discutait avec les professeurs sans véritablement exercer d’autorité hiérarchique. Une sorte de primus inter pares assurait une direction collégiale. Non point qu’il n’y ait pas de disputes, voire pire, mais nul n’osait exhiber des sanctions. Sauf à déclencher un éclat de rires ou une franche désapprobation collective (2).

      Ce sont des universitaires qui occupent ces fonctions de direction. Et, comme il se doit, ceux qui ont le moins de goût et de talent pour l’enseignement et la recherche — mes excuses aux exceptions — et bien sûr le plus d’appétit pour les fonctions politiques et bureaucratiques. Leur idéal n’est pas de publier mais de présider. On ne doit pas s’étonner de l’embarras de la ministre de l’université sur sanction grenobloise : une « erreur formelle » selon le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, la ministre Frédérique Vidal demandant que « chacun se remette au travail dans la sérénité » (3). Comment en serait-il autrement quand les ministres ont eux-mêmes mené une carrière d’apparatchiks d’université puis de ministère ? Ils se trouvent en quelque sorte en porte-à-faux, hostiles intellectuellement à certaines formes de radicalisation mais solidaires socialement de l’autorité bureaucratique. L’autre versant de cette autorité patronale ou managériale est la conversion salariale du statut d’universitaire. Les signes se sont accumulés depuis quelques années. Les professeurs subissent une relégation au statut de salarié qui les voue à une position défensive face à leur directeur ou président. Ces micros indicateurs témoignent des changements infimes qui, cumulés, font des universitaires des salariés comme les autres, tenus aux obligations de loyauté envers l’employeur et à l’obéissance. « Ne pas avoir de patron », un leitmotiv des anciens qui se consolaient ainsi dans les moments inévitables de doute. Que les prétendants d’aujourd’hui le sachent, il est peut-être trop tard.

      Depuis quand s’exprimer dans la presse est-il interdit aux universitaires ? Le coupable aurait mis en cause son établissement. S’agissant de liberté d’expression, la chose est assez importante pour la défendre dans la presse. Ayant subi pendant six ans des poursuites pour diffamation engagées par un conseiller d’un président de la République, Patrick Buisson, puis d’une entreprise de conseil financier (Fiducial), je n’imaginais pas que ce type d’action aurait pu venir de l’université. C’est une chose d’être attaqué en justice par des dirigeants politiques ou économiques qui défendent leurs intérêts contre la liberté d’expression, cela en est une autre de la part d’un corps professionnel qui perd alors sa raison d’être. La voie managériale peut amener à une autre solution. Avec ce nouvel épisode d’une crise où elle a montré qu’elle ne gérait pas « son » entreprise, la directrice de Sciences Po Grenoble aurait déjà dû démissionner. On a bien compris que son obstination était celle d’un chef d’équipe qui s’empare de principes de bon management pour s’en prendre aux autres plutôt qu’à soi-même. Au moins cela aura-t-il eu le mérite de rallier à la liberté académique des défenseurs qu’on ne soupçonnait pas comme Laurent Wauquiez, président du Conseil régional qui a supprimé une subvention à Sciences Po Grenoble. En réalité, faire de celui-ci et de ceux qui l’ont promptement applaudi, comme Marine Le Pen et Eric Zemmour, des défenseurs de la liberté académique est un tour de force comique.

      En sanctionnant, la directrice de Sciences Po Grenoble savait-elle ce qu’elle faisait ? Peut-on ignorer que chaque affaire de ce genre n’engage pas seulement des personnes mais le droit général de s’exprimer ? En ajoutant à la suspension l’annonce d’une plainte en diffamation, et indépendamment du fond de l’affaire, la directrice de Sciences Po Grenoble a engagé une poursuite bâillon contre l’un de ses enseignants (ce qui l’a aussitôt rendu célèbre dans les médias de droite et d’extrême droite). Forcément aux frais de l’institution. Il est probable que la direction agit comme n’importe quel politicien qui, accusé de malversation, répond immédiatement qu’il va porter plainte pour diffamation publique et… ne le fait pas quand son avocat lui explique qu’il n’a aucune chance. Sauf à se lancer dans une procédure qu’il sait perdue d’avance, mais qui aura valeur d’avertissement. Tout accusateur éventuel futur risque de payer cher ses divulgations. De fait il suffit d’être riche pour que l’intimidation fonctionne. Ou qu’une entreprise paie. Ce serait donc Sciences Po Grenoble qui paierait les frais de justice dans une plainte en diffamation avec constitution de partie civile ou non. Dans le premier cas, la plainte donne lieu automatiquement à une mise en examen, dans le second, à une simple incrimination. Dans les deux cas, cela occasionne des frais de justice (quelques milliers d’euros pour son avocat) et la menace d’une condamnation à payer les frais du plaignant et à lui verser des dommages et intérêts. La personne incriminée ou mise en examen a alors la base légale de la protection fonctionnelle. En l’occurrence, Klaus Kinzler devra faire une demande à la direction de son établissement pour obtenir la protection fonctionnelle (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, article 11). S’il s’agissait de repousser les limites du ridicule, c’est déjà réussi.

      https://blog.mondediplo.net/le-management-contre-les-libertes-academiques

    • cgt : Soutien aux personnels de Sciences Po Grenoble

      Nous dénonçons fermement la décision du Président de Région Laurent Wauquiez de suspendre tous les financements à Sciences Po Grenoble, et la surenchère politique qui s’en est suivie, notamment avec l’intervention du ministre de l’Éducation Nationale Jean-Michel Blanquer. Ces décisions unilatérales et cette surenchère, encourageant les préjugés de l’idéologie d’extrême droite sur une prétendue diffusion de « cancel culture » ou de « wokisme » ou encore d’« islamo-gauchisme » à l’Université, posent un grave problème remettant en cause l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, et la liberté académique, garante d’un service public d’ESR de qualité.

      Pour toutes ces raisons, ces décisions et cette instrumentalisation politico-médiatique doivent faire l’objet d’une réaction publique forte du Président de l’UGA pour permettre aux collègues de Sciences Po de travailler dans des conditions acceptables, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les collègues vivent une pression et une violence forte, c’est inacceptable. Cette prise de position de la Présidence a été demandée à plusieurs reprises, notamment lors du Conseil Académique du 14 octobre 2021.

      La CGT Université de Grenoble réaffirme toute sa solidarité envers les collègues de Sciences Po Grenoble qui travaillent aujourd’hui sous une pression particulièrement forte : outre cette pression médiatico-politique et les entraves aux libertés académiques qui les empêchent de travailler dans des conditions sereines, l’ensemble des personnels de Sciences Po, enseignant.es, enseignant.es-chercheurs.ses et personnels administratifs et techniques, subissent des conditions de travail particulièrement dures depuis des mois déjà, ayant conduit à de nombreuses alertes dont une alerte pour Danger Grave et Imminent, restées à ce jour sans réelle réponse.

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      Motion du conseil académique de l’UGA du 14 octobre 2021
      Adoptée à l’unanimité

      Le conseil académique de l’UGA apporte son soutien aux collègues du laboratoire Pacte soumis cette année à des menaces particulièrement violentes dans l’exercice de leur activité de recherche.

      Dans un contexte où certaines disciplines, notamment en sciences humaines et sociales, font face à des attaques médiatiques, politiques, ministérielles, qui mettent en danger la liberté académique, le conseil académique confirme la légitimité entière de ces disciplines et des collègues qui y inscrivent leurs travaux.

      Il appelle la présidence de l’UGA à s’associer publiquement à ce soutien et à la défense de la liberté académique contre tous ceux qui tentent de la remettre en cause.

      Le conseil académique réaffirme son attachement à l’article L141-6 du code de l’éducation : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. »

      https://academia.hypotheses.org/33761

    • « Anciens étudiants de Sciences Po Grenoble, nous souhaitons défendre la liberté académique »

      Un collectif regroupant 770 anciens étudiants de Sciences Po Grenoble déplore, dans une tribune au « Monde », la médiatisation dont fait l’objet leur école et regrette l’intervention de dirigeants politiques, tel Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a décidé d’arrêter de financer cette institution.

      Tribune. Depuis plusieurs mois, l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble est le centre de nombreuses polémiques, avec en point d’orgue, le 14 décembre 2021, la suspension pour quatre mois d’un professeur pour cause de manquements aux obligations liées au statut de fonctionnaire. Nous, anciens étudiants et anciennes étudiantes de l’IEP de Grenoble, provenant de tous horizons, observons avec désarroi les différentes prises de position venant de personnalités élues, de ministres, d’universitaires et d’une partie de nos camarades à l’encontre de notre école.

      Nous condamnons toutes les violences dont ont été victimes les enseignants et enseignantes, les chercheurs et chercheuses, et les étudiants et étudiantes. Des enquêtes sont en cours, et nous laissons aux personnes compétentes le soin de prendre les décisions qui seront nécessaires.

      Inquiétude

      Si nous tenons à prendre la parole aujourd’hui, c’est avant tout pour prendre du recul sur la situation et faire part de notre inquiétude concernant l’ingérence potentiellement dangereuse des pouvoirs publics dans les affaires académiques, et l’instrumentalisation politique de cette affaire dont nous sommes témoins et qui nous est profondément intolérable.

      L’IEP de Grenoble, à l’instar d’autres universités françaises, est accusé de dérive idéologique, et ce aux dépens de la pluralité de la recherche en sciences sociales. Ce type d’accusation témoigne non seulement d’une méconnaissance de la variété et de l’étendue des champs de recherche, mais aussi de la qualité de la recherche au sein des laboratoires Pacte de recherche en sciences sociales, Cerdap2 (Centre d’études et de recherche sur la diplomatie, l’administration publique et le politique), Cesice (Centre d’études sur la sécurité internationale et les coopérations européennes), et à l’IEP, dont les sujets mis en accusation ne forment d’ailleurs qu’une part marginale.

      Nous condamnons fermement la normalisation de termes conceptuellement infondés, empruntés à l’extrême droite, dans la presse, et le discours politique, qui mettent en cause la rigueur scientifique des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de notre école ; et nous apportons notre soutien à celles et à ceux qui travaillent sur les concepts de racisme, d’antisémitisme et d’islamophobie, et sur les sujets d’égalité et de lutte contre les discriminations en général.

      Nous nous insurgeons contre la décision annoncée du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, de mettre fin aux financements régionaux à destination de l’IEP de Grenoble. Pour rappel, le soutien financier de la région comprend l’attribution de bourses aux étudiants et étudiantes en difficulté, le soutien à l’action sociale et les projets de formation continue, notamment pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur et à l’emploi : ce sont donc les élèves qui sont le plus dans le besoin qui en pâtiront le plus.

      Récupération politique

      Nous souhaitons aussi alerter sur la gravité d’une telle décision politique, d’ailleurs soutenue par les candidats et les candidates d’extrême droite à l’élection présidentielle, et défendre la liberté académique. Nous sommes en désaccord avec celles et ceux qui souhaitent garantir la liberté académique « à la carte », utile pour diffamer l’IEP dans les médias, gênante lorsqu’elle aborde le sujet des discriminations. Nous tenons profondément à la diversité des idées et nous jugeons primordial que des débats pluriels puissent continuer à exister au sein de l’IEP dans le cadre prévu par la loi.

      Parce que nous tenons à notre école, celle qui a encouragé le développement et la consolidation de notre esprit critique et de notre conscience citoyenne, nous souhaitons alerter sur la dangerosité de telles pratiques, qui mettent en péril le pluralisme de la pensée. Nous craignons le fait qu’un pouvoir politique puisse prendre la décision unilatérale de couper les financements d’une université.

      A l’avenir, les différents acteurs publics (Etat ou collectivités territoriales) pourront-ils décider de façon discrétionnaire de supprimer des financements à chaque université qui ne promouvrait pas leur ligne politique ? Nous trouvons en outre inquiétant que certains appellent à ce que l’Etat intervienne, au-delà du cadre prévu par la loi, dans ce qui est enseigné et étudié à l’université.

      Enfin, nous déplorons ce battage médiatique autour de notre école, qui nuit aux étudiants et étudiantes, que la pandémie affecte déjà profondément. Cette récupération politique les rend inaudibles. A l’instar du rappel à la réalité des équipes pédagogiques de l’IEP du 4 janvier, ce sont bel et bien les étudiants et étudiantes qui sont le plus à même de décrire leur réalité quotidienne, et c’est leur parole qui doit primer pour témoigner de ce qu’est réellement notre IEP.

      Les rédacteurs de cette tribune sont : Annaïg Antoine (promotion 2012), cadre dans une association financière internationale ; Marianne Cuoq (promotion 2012), urbaniste, et Léa Gores (promotion 2015), cadre de la fonction publique territoriale.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/14/anciens-etudiants-de-sciences-po-grenoble-nous-souhaitons-defendre-la-libert

    • Sciences Po Grenoble se cherche un nouvel avenir

      L’institut d’études politiques fait face à d’incessantes polémiques depuis un an, érigé par la droite en symbole des « #dérives_communautaristes » dans l’enseignement supérieur.

      Parmi quinze candidats, cinq (dont trois anciens élèves) ont été conviés pour un entretien d’embauche, le 10 janvier, à l’institut d’études politiques (IEP) de Grenoble. L’enjeu est de taille : recruter la directrice ou le directeur de la communication, capable de contribuer à sortir de la crise un établissement passablement affaibli depuis un an.

      La dernière secousse est intervenue le 20 décembre 2021, quand Laurent Wauquiez, président (Les Républicains) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé dans un tweet qu’il suspendait les financements, soit 100 000 euros par an consacrés aux bourses et à la mobilité étudiante, en raison de la « longue dérive idéologique et communautariste » de l’école. Une « dérive » qui viendrait, selon lui, du franchissement « d’un nouveau cap » avec la suspension, pour une durée de quatre mois, d’un professeur d’allemand en poste depuis vingt-six ans à l’IEP : Klaus Kinzler.

      Agé de 62 ans, l’homme est devenu une personnalité très appréciée des médias pour sa verve à dénoncer l’idéologie et l’intolérance qui caractériseraient de jeunes collègues et surtout des étudiants activistes. En février 2021, il n’a pas hésité à qualifier – avec une forme d’« humour », plaide-t-il – ces étudiants d’« ayatollahs en germe » dans un mail signé « “Un enseignant en lutte”, nazi de par ses gènes, islamophobe multirécidiviste ».

      Le 8 décembre 2021, dans L’Opinion, il affirme que « Sciences Po Grenoble n’est plus un institut d’études politiques, mais d’éducation, voire de rééducation politique ». Une expression travestie en « camp de rééducation » lorsqu’elle est reprise en gras dans le titre de l’article. La référence implicite au régime des Khmers rouges au Cambodge est violente, et se répand comme une traînée de poudre à l’IEP comme dans la classe politique, notamment à droite, en plein combat contre la nébuleuse « woke » qui infiltrerait les universités françaises.

      Quelques jours plus tard, le 15 décembre, Sabine Saurugger, directrice de l’IEP, suspend le professeur, dans l’attente de la saisine d’un conseil de discipline : « Parler de “camp de rééducation” porte atteinte à l’intégrité de l’établissement et à la formation offerte par les enseignants », justifie-t-elle.

      Les propos de Klaus Kinzler sont « nuisibles à l’institution et basés sur beaucoup de mensonges, appuie Simon Persico, professeur de science politique. Les enseignants-chercheurs ressentent une lassitude et de profondes blessures. On attendait une réaction, elle est venue. » Klaus Kinzler « s’est exclu tout seul, ajoute Gilles Bastin, professeur de sociologie. Il se radicalise, et ses propos sont grotesques. Il nous utilise dans un combat politique qui n’a plus rien à voir avec nous. »

      « Petit bijou académique »

      Auprès du Monde, Klaus Kinzler dénonce le titre choisi par L’Opinion « puisqu’il ne s’agit pas des mots qui figurent dans l’entretien ». Néanmoins, il n’a fait parvenir aucun droit de réponse, préférant réserver ses prochaines interventions médiatiques à une échéance proche, le 2 mars, date de la publication de son ouvrage L’islamogauchisme ne m’a pas tué (éd. du Rocher).

      Cette sortie marquera une date anniversaire, un an après la découverte sur les murs de l’institut, le 4 mars 2021, des noms des professeurs Klaus Kinzler et Vincent Tournier, accolés à cette phrase : « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue. » Une photo des collages avait été brièvement diffusée en ligne par la section UNEF de Grenoble, avant d’être retirée, le syndicat national condamnant vigoureusement « tout lynchage public ». L’enquête de police est toujours en cours pour identifier les poseurs d’affiches. « Dans ma famille, au repas de Noël, on n’a parlé que de cela. Je n’en peux plus, lâche Théo (le prénom a été modifié), étudiant en master. Sur les réseaux sociaux, je me fais traiter de tous les noms, car je suis de Sciences Po Grenoble. »

      « On tape sur un petit bijou académique et d’enseignement, c’est tout à fait injuste ! regrette Sonja Zmerli, professeure de science politique, qui souligne l’enthousiasme de collègues étrangers à collaborer aux travaux scientifiques qui y sont menés. Ce sont des collègues soucieux de leur réputation académique qui ne viendraient pas s’ils avaient un quelconque doute. »

      Comment en est-on arrivé là ? Fondé en 1948, l’IEP grenoblois, l’un des plus anciens, a bénéficié d’une évaluation plus que favorable du Haut Conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) qui saluait, en mai 2020, « la grande qualité de l’accompagnement des étudiants » et ce, après avoir surmonté d’importantes difficultés financières.

      « On est tous un peu sur les nerfs »

      Tout remonte au 30 novembre 2020, lorsque éclate par mail – en plein confinement – un conflit sémantique entre Klaus Kinzler et Mme M. (qui n’a pas souhaité répondre aux sollicitations du Monde), enseignante-chercheuse en histoire, membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF). En cause : l’usage du mot « islamophobie » auprès des mots « racisme » et « antisémitisme », ces trois thèmes devant servir à définir le contenu d’une table ronde organisée en janvier 2021, à l’occasion d’une « semaine pour l’égalité ».

      L’historienne soutient que l’islamophobie est « un concept heuristique utilisé dans les sciences sociales » pour « désigner des préjugés et des discriminations liées à l’appartenance, réelle ou fantasmée, à la religion musulmane ». Le professeur d’allemand, lui, y voit une possible « arme de propagande d’extrémistes plus intelligents que nous », allusion notamment au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui vient de s’autodissoudre quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, après avoir été accusé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de diffuser une « propagande islamiste ».

      Un an plus tard, le sujet est loin d’être tranché à l’IEP, même si chacun s’accorde à dire que si cette dispute avait eu lieu dans une réunion classique, à l’oral, jamais elle n’aurait débouché sur une telle crise. « Mes collègues se sont chacun sentis agressés, car ils ne parlaient pas forcément de la même chose », décrypte Dorian Guinard, maître de conférences en droit.

      Du point de vue juridique, juxtaposer la critique d’un dogme – l’islamophobie – à deux délits pénaux – le racisme et l’antisémitisme – pose « un problème d’équilibre des notions », poursuit-il. « Mais une majorité de sociologues, notamment anglo-saxons, définissent l’islamophobie comme la haine des musulmans. En France, il existe un délit pénal pour cela, c’est la haine religieuse. Voilà ce que dit le droit, et je pense sincèrement que cela a manqué dans cette affaire. »

      Invités par la direction à ne pas s’exprimer publiquement pour protéger l’institution, nombre d’enseignants souhaitent désormais prendre la parole, « tant les médias ont brodé autour des faits », lâche l’un deux. Le 19 novembre 2021, la communauté a été prise de court par la relaxe, par la commission disciplinaire de l’université Clermont-Auverge, où l’affaire avait été dépaysée, des dix-sept étudiants poursuivis pour leur participation à la diffusion des accusations d’islamophobie visant Klaus Kinzler et Vincent Tournier. Par un « appel à témoignages » publié sur Facebook début 2021, l’Union syndicale (US) Sciences Po Grenoble invitait les étudiants à dénoncer anonymement les propos islamophobes qui auraient pu être tenus dans le cours sur l’islam et les musulmans de France dispensé par Vincent Tournier.

      Depuis, l’US a été dissoute, remplacée par l’Organisation universitaire pour la représentation syndicale étudiante (Ourse), majoritaire dans les instances. « Le travail de remontée d’information est normal pour un syndicat, même s’il y avait peut-être d’autres moyens qui auraient engendré moins de tensions que l’appel à témoignages sur Facebook », concède l’un des nouveaux élus, Nicolas Duplan-Monceau.

      « On est tous un peu sur les nerfs, confie l’historien Aurélien Lignereux. Il n’y a pas eu de sanction alors qu’il y a eu provocation. Cela favorise les préjugés défavorables sur l’établissement au risque de dissuader des candidats de se présenter au concours. »

      Le poison #sciencesporcs

      Mi-octobre 2021, l’UNI, syndicat de droite, a relancé la polémique en dénonçant « un nouvel acte de soumission à l’idéologie woke et à l’islamisme » lorsque l’association #Cafet’en_Kit a cru que son nouveau fournisseur lui livrait exclusivement des produits halal – en réalité 30 %. La direction avait alors rappelé à cette association que la distribution d’aliments « allant à l’encontre des principes de laïcité et de neutralité » était interdite.

      A cette confusion ambiante s’ajoute un autre sujet qui empoisonne l’IEP depuis bientôt un an : la vague #sciencesporcs, qui vise à dénoncer massivement sur les réseaux sociaux tout acte de violence sexiste, sexuel ou de harcèlement subi par des étudiants au cours de leur scolarité. La déferlante de témoignages a bouleversé les relations humaines, comme le relève dans son rapport publié en mai 2021 l’Inspection générale de l’éducation du sport et de la recherche, qui évoque un règne de la « terreur » pour amener à dénoncer de possibles coupables. Simon Persico a sondé ses étudiants, qui lui ont décrit « une ambiance un peu délétère liée aux nouvelles formes de radicalité. Pour une toute petite poche, la mobilisation est très vive, voire violente sur les réseaux sociaux », rapporte-t-il. Dans quelques jours, avec les première année, Dorian Guinard débutera son cours « par quelque chose qu’[il] ne fai[t] pas d’habitude : rappeler ce que sont les délits pénaux, notamment le harcèlement et le cyberharcèlement, car clairement il y a eu des dérapages », estime-t-il.

      Pour reprendre la main sur tous les fronts, Sabine Saurugger s’apprête à déployer une « stratégie » offensive, en organisant des controverses scientifiques précisément sur les sujets qui crispent le débat national. « Nous allons nous efforcer d’être plus visibles médiatiquement en invitant des intervenants qualifiés pour discuter de manière académique sur la liberté d’expression, la liberté académique, la religion, la laïcité…, annonce la directrice, qui a pris ses fonctions le 1er février 2020, un mois avant le confinement. L’important est de montrer que l’image qui est dépeinte dans les médias ne correspond pas à la réalité. »

      « Un peu désemparé » par cette folle année, le président du conseil d’administration, Jean-Luc Nevache, veut à tout prix éviter un duel « Sciences Po contre Klaus Kinzler » à l’occasion de la sortie de son livre. « Cela ne nous intéresse pas, cadre le président de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), ancien élève de l’IEP. Seuls nous importent les étudiants et leur avenir, les enseignants et les chercheurs qui soutiennent des débats universitaires sérieux et publient dans des revues à comité de lecture pour contribuer au débat international sur les sciences sociales. » Ce que semblerait ignorer l’un des membres du conseil d’administration qui n’y a jamais participé : Laurent Wauquiez.

      https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/01/17/sciences-po-grenoble-se-cherche-un-nouvel-avenir_6109738_4401467.html

  • Après un an de Covid, l’heure des choix pour les #finances_locales ?
    https://metropolitiques.eu/Apres-un-an-de-Covid-l-heure-des-choix-pour-les-finances-locales.htm

    La crise sanitaire a fortement pesé sur les budgets locaux en 2020. Françoise Navarre pointe ici les incertitudes auxquelles les collectivités sont confrontées, entre impératifs de « relance » et de « maîtrise » des dépenses publiques. Depuis le printemps 2020, les propos alarmistes prolifèrent : les difficultés résultant de la Covid provoqueraient un choc sans précédent pour les budgets locaux, suscitant leur dérapage, voire les conduisant dans une impasse. De fait, les finances de toutes les #Essais

    / finances locales, #collectivités_locales, #collectivités_territoriales, #investissement, #services_publics, (...)

    #dette
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met-navarre2.pdf

  • Un test à l’échelle mondiale
    https://laviedesidees.fr/Un-test-a-l-echelle-mondiale.html

    La pandémie du Covid-19 a donné lieu à travers le monde à des réponses sanitaires contrastées et à l’efficacité variable. Ces stratégies révèlent les structures des systèmes sanitaires et sociaux mais aussi la capacité des nations à la solidarité territoriale et à la coopération face à l’urgence.

    #International #solidarité #protection_sociale #crise #collectivités_territoriales #coopération_internationale
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/2020703_solidarite_scovid.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/2020703_solidarite_scovid.docx

    • En France, les décès causés par le Covid-19 atteignent des chiffres bien plus élevés. Le pays entier est soumis à un confinement strict et autoritaire pendant deux mois. Le président de la République et le gouvernement ont dénié, jusqu’à la mi-mars, les risques de la pandémie, en dépit des alertes de l’OMS et de la gravité de la situation en Italie voisine depuis plusieurs semaines déjà. Ces responsables ne sont pas parvenus à se détacher de leur agenda de réformes dans les domaines social, scientifique et éducatif (RogueESR et le séminaire Politique des sciences, 26-04-2020). La désorganisation institutionnalisée du système de santé publique a anéanti les chances de la fonction de veille sanitaire de jouer son rôle. La contestation des réformes de l’assurance-chômage et des retraites depuis décembre 2019 se conjugue, dans le domaine social et sanitaire, avec des mobilisations du personnel hospitalier, dénonçant le manque de moyens et du personnel et la marchandisation de la santé, puis des scientifiques devant l’agenda de réforme de la recherche publique annonçant plus de précarité (Eloire et al 2020). Par ailleurs, le tissu industriel français plus faible et entravé par le lean-management, restreint les possibilités de combler les manques d’équipement médical. Lourdeurs et incohérences de l’administration de la santé publique retardent les commandes de matériel indispensable et la délivrance des autorisations à produire tests et matériels. Enfin, les incohérences, errements et promesses non tenues dans la présentation politique des mesures sanitaires ont été suffisamment commentés.

  • Un test à l’échelle mondiale
    https://laviedesidees.fr/Un-crash-test-a-l-echelle-mondiale.html

    La pandémie du Covid-19 a donné lieu à travers le monde à des réponses sanitaires contrastées et à l’efficacité variable. Ces stratégies révèlent les structures des systèmes sanitaires et sociaux mais aussi la capacité des nations à la solidarité territoriale et à la coopération face à l’urgence.

    #International #solidarité #protection_sociale #crise #collectivités_territoriales #coopération_internationale
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/2020703_solidarite_scovid.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/2020703_solidarite_scovid.docx

    • #Avant-projet de LPPR : une gigantesque machine à précariser et à privatiser
      L’avant-projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche — 220 pages indigestes mêlant #novlangue, vernis idéologique pseudo-républicain et dispositions qulequefois très techniques — a enfin été diffusé, à cinq jours de la consultation obligatoire du #CNESER, et ce, alors que le texte est largement écrit depuis des mois. Le message à l’endroit du CNESER est clair : aucune considération n’est accordée à l’instance collégiale chargée de représenter la diversité des intérêts dans l’ESR. À ce niveau, on peut même parler de #mépris.

      Rappelons quelques points préalables, qui sont dénoncés depuis longtemps :

      - L’appellation de l’avant-projet de loi « de programmation pluriannuelle de la recherche » est trompeuse, car la question de la #programmation_budgétaire, si elle est cruciale, ne représente jamais que deux articles d’un projet de lui qui en compte 24.
      – Les engagements de programmation budgétaire (article 2) n’engagent en réalité à rien sur le plan juridique : le législateur des années suivantes en fera ce qu’il voudra. Qui plus est seuls 104 millions d’euros sont abondés pour cette année — la seule qui compte vraiment — soit un quart de ce que la Ministre annonce partout depuis plusieurs mois. La poudre de perlimpinpin a magiquement disparu, sauf dans les dépêches médiatiques qui continuent l’incantation de 25 Mds sur 10 ans1
      – Le texte qui circule depuis ce matin n’est pas encore celui qui sera examiné par le Parlement. Il est peu probable que son contenu bouge substantiellement à la suite de son examen par le CNESER (le 12 juin) et le comité technique ministériel (le 17 juin), à moins bien sûr que la communauté de l’ESR se mobilise massivement, ce à quoi nous appelons dès le 12 juin. Il est très probable, en revanche, que les échanges interministériels, sans doute encore en cours, et le Conseil d’État – obligatoirement consulté avant l’examen du projet en conseil des ministres (annoncé pour le 8 juillet) – conduiront à quelques évolutions du texte.

      Les quelques lignes qui suivent ne sont pas destinées à commenter la partie budgétaire du projet (titre I), mais tout le reste, autrement dit tout ce qui, normalement, ne devrait rien avoir à faire dans une loi de programmation budgétaire (titres I à V). Car ce « reste » a eu la main lourde : il contient des évolutions majeures du #droit_de_l’enseignement_supérieur, qu’il va nous falloir analyser en détails en cinq jours.

      1. Le #tenure-track ou la transformation des #statuts des enseignant·es-chercheur·ses

      Signalons un premier point majeur, qui, à lui seul, devrait justifier une très vive mobilisation de la communauté universitaire : l’article 3, qui met en place un système de « tenure-track » conforme à ce que l’on annonçait et craignait. Une « track » vers la « tenure » est créée, c’est-à-dire une procédure dérogatoire de #titularisation dans le corps des directeurs de recherche et de professeur des universités, qui se traduit par la reconnaissance d’un #privilège d’accès à ces corps au bénéfice d’individus ayant d’abord été recrutés par voie contractuelle par un établissement. Le schéma, plus précisément, est le suivant : un établissement (une université, par exemple) recrute par contrat un individu pour une période de trois à six ans, puis se voit reconnaître le droit de procéder à sa titularisation dans le corps des DR ou des PU (selon l’établissement), l’individu signant alors « un #engagement_à_servir » dont la durée n’est pas précisée.

      C’est évidemment une évolution très grave, pour de multiples raisons dont les principales sont les suivantes :

      - on court-circuite toute procédure de #qualification_nationale ;
      - les contrats préalables à l’éventuelle titularisation ne font l’objet d’aucun #encadrement_légal, si ce n’est un très vague renvoi à un décret en Conseil d’État dans lequel le ministère pourra mettre ce qu’il veut, ce qui ouvre grand la porte à une #modulation_des_tâches (et en particulier des services d’enseignements) ou encore à la variation des #rémunérations ;
      - aucun mécanisme de protection des #libertés_académiques n’est mentionné durant la période contractuelle ; au contraire, durant le contrat, l’aspiration DR ou PU se voit imposer des « objectifs à atteindre », forme sans précédent d’atteinte à la liberté de la recherche.

      En contrepoint, les « garanties » qui sont mises en place autour des tenure-tracks sont très légères : le recrutement doit se faire « à l’issue d’une sélection par commission constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et comportant des universitaires ou des chercheurs extérieurs à l’établissement dans lequel le recrutement est ouvert, et notamment étrangers ». C’est très vague, et laisse sans réponse des questions de première importance : quelle proportion d’EC exactement ? Quelle proportion de personnalités extérieures ? Qu’est-ce que signifie exactement la formule « à l’issue de » ? Est-ce une simple obligation de procédure ou signifie-t-elle que la commission décide seule de la personne sélectionnée ?…

      Pour le dire simplement, ce qui est établi ici est bien plus grave encore que les « contrats LRU », qui étaient déjà une ignominie. Avec les tenure tracks, en effet, ce n’est pas un mécanisme contractuel qui est établi à côté du statut ; c’est le statut lui-même qui est détricoté, dans une proportion potentiellement très importante : jusqu’à 25 % des recrutements de DR et PU pourront passer par cette voie. Un sur quatre !

      Tout cela, on l’aura compris, n’a rien à voir avec une programmation budgétaire pluriannuelle. Tout le projet de loi est du même acabit, et appelle une lecture très attentive. Citons quelques autres points très problématiques concernant les emplois :

      2. #Emploi dans l’ESR : la privatisation pour religion

      – Un « #contrat_doctoral » de #droit_privé (article 4, I) est créé, qui rompt avec la logique tripartite de la convention #CIFRE qui associe une entreprise, un doctorant et un laboratoire, au bénéfice d’une logique bilatérale dont le laboratoire est exclu. Un seuil est donc franchi, et nous voilà arrivés à une recherche doctorale totalement privatisée.
      – Dans la même veine, des #post-docs de droit privé sont créés (article 4, IV), sans aucun encadrement légal autre qu’un très vague renvoi à un décret en Conseil d’État et l’exigence que « l’activité de recherche proposée doit fournir au salarié une expérience professionnelle complémentaire au doctorat ». Pire encore, les quelques mesures d’encadrement des CDD prévus par le #code_du_travail sont rendues inapplicables à ces post-docs (« Les dispositions des articles L. 1243-13 et L. 1243-13-1 du code du travail ne sont pas applicables au contrat de travail »). Ne serait-ce que sur ce point, la LPPR s’annonce comme une gigantesque machine à précariser.

      - Le « CDI de #mission_scientifique », qui était annoncé, est bien mis en place (article 5), avec pour objet de contourner la règle de la transformation obligatoire en CDI des relations contractuelles d’une durée supérieure à six ans – une règle qui, il faut le rappeler, n’a été introduite en France en 2005 que parce qu’il s’agissait d’une obligation européenne (directive du 28 juin 1999). Dans la lignée du « CDI de chantier ou d’opération » d’ores et déjà applicable « dans les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la #recherche_publique » depuis la #loi_PACTE du 22 mai 2019 (cf. art. L. 431-4 du code de la recherche et décret du 4 octobre 2019 fixant la liste des établissements et fondations concernés : CEA, IFREMER, CNES, Institut Pasteur, Institut Curie, ), l’objectif n’est rien d’autre, autrement dit, que de créer un CDI – un CDI aux conditions de rupture particulièrement souples – permettant d’éviter d’avoir à cédéiser.

      3. Le #darwinisme vidalo-coulhonien en acte

      Par ailleurs, il est important de noter que la logique de #compétition et de #mise_en_concurrence ne se situe pas seulement au niveau des dispositifs d’emplois : elle est le fil-conducteur de tout le projet de loi, et transpire de chaque article. En voici quelques exemples :

      – Le principe d’#évaluation des établissements est encore accentué (article 9, avec une extension de l’évaluation à la totalité des missions des établissements), tout comme l’engagement des personnels de la recherche dans les #entreprises, au nom de « l’ouverture du monde académique vers les entreprises » (article 12 et 13, 17, …). Cela se traduit, en particulier, par une ouverture très large des possibilités de #cumul_d’activités à temps partiel entre les établissements de l’ESR et les entreprises.
      – Le système des #primes et des dispositifs d’intéressement est renforcé, en particulier entre les mains des chefs d’établissement (article 14).
      - De même, une part croissante du financement des établissement passera désormais par les #appels_à_projets de l’#Agence_nationale_de_la_recherche (article 11), qui devient une source importante de financement de besoins jusqu’ici considérés comme pérennes, et non soumis à la logique compétitive des appels à projets.
      – Sommet de ce dispositif, l’#HCERES dont la présidence est vacante depuis plus de six mois a sans douté trouvé preneur, puisqu’on prévoit « la présence dans le collège du HCERES d’une personne ayant participé à la création d’une entreprise » (article 9)

      4. Pot-pourri pourri

      On trouve à côté de cela tout un pot-pourri de mesures dont il va falloir faire dans les prochains jours une analyse serrée, afin de démasquer tous les loups éventuels. On remarque, par exemple, à l’article 18 une ouverture forte du recours à l’#enseignement_à_distance dont on peine encore à comprendre les implications exactes, à l’article 19 une simplification des modalités de changement des statuts des établissements dits « composantes » des #établissements_expérimentaux, à l’article 20 une mesure destinée à limiter les recours contentieux en matière de recrutements des personnels #enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, à l’article 21 une liste importante d’habilitations à légiférer par voie d’#ordonnances, en particulier s’agissant des établissements d’enseignement supérieur privés.

      Bref, c’est un nombre considérable de fronts qui se trouvent ainsi ouverts. La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont le CNESER est censé représenter les différentes composantes, a donc cinq jours pour en débattre, se faire une opinion, débusquer les loups, faire des contre-propositions, trouver des compromis. Cinq jours. CINQ JOURS. Devant un tel mépris, y-a-t-il vraiment quelque chose à débattre ?

      Liens – Documents touchant à l’avant-projet de loi LPPR

      – LPPR EXPOSE DES MOTIFS : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-EXPOSE-DES-MOTIFS.pdf
      - LPPR PROJET DE LOI-1 : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-PROJET-DE-LOI-1.pdf
      – LPPR RAPPORT ANNEXE : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-RAPPORT-ANNEXE.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE II-1 : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-II-1.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE III : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-III.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE IV : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-IV.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE V : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-V.pdf

      https://academia.hypotheses.org/24364
      #précarisation #privatisation #liberté_académique #ANR

    • LPPR : Le projet de loi

      Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPPR) se balade désormais dans les réseaux. Il sera présenté et éventuellement discuté en CNESER le 12 juin, CTMESRI le 17 juin et CTU le 22 juin, donc dans un temps trop court pour permettre une discussion collégiale. Contenant 23 articles sur 26 pages, de nombreux détails nécessiteront une analyse approfondie. Cependant, il confirme désormais ce que Mme. #Vidal qualifiait de « rumeurs » (https://twitter.com/VidalFrederique/status/1227250557535969280) et qui a suscité un nombre impressionnant de tribunes à charge au début de l’année : les tenure-tracks à la française, les #CDI_de_mission, le renforcement des #primes et de l’évaluation.

      Il s’agit ainsi simplement d’une pleine confirmation des nombreuses critiques adressées au ministère et dirigeants de l’ESR français, critiques qui n’ont donc absolument pas été écoutées.

      Analyse sur les #réformes_statutaires
      Chaires de #professeur_junior / Tenure-tracks à la française
      ARTICLE 3 : #Chaires_de_professeur_junior (#CPJ)

      « Un arrêté ministériel peut autoriser un établissement à recruter, afin de répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son #attractivité_internationale, dans des domaines de recherche qu’il justifie, des personnes titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent, en qualité d’#agent_contractuel_de_droit_public en vue d’une titularisation dans un corps de directeurs de recherche. » ou de « professeur »

      « dans la limite de 25% des recrutements autorisés dans le corps concerné. »

      « La durée de ces contrats ne peut être inférieure à trois ans et ne peut être supérieure à six ans. »

      « Ce recrutement est réalisé, après appel public à candidature, à l’issue d’une sélection par une commission »

      « Au terme de son contrat, l’intéressé est titularisé / sous réserve de la vérification par une commission de sa valeur scientifique et de son aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 441-1. »

      Les chaires de professeur juniors sont donc bien des tenure-tracks à la française. Elles sont situées exactement au même niveau que les Chargés de recherche (CR) et Maîtres de conférences actuels (MCF), mais pour un temps très limité (3 à 6 ans) et dans un cadre extrêmement dérégulées tant au niveau de la définition des postes que du recrutement et de titularisation.

      Seule précision nouvelle, la limite de 25% des recrutements (supérieure à l’annonce initiale de 10%). C’est cette limite qui place le curseur de la concurrence entre CR/MCF et CPJ pour l’accès à la #promotion. En effet, à l’heure actuelle, environ un tiers des MCF deviennent PR. Or, si un quart de ces MCF deviennent des CPJ bénéficiant d’un pré-recrutement PR, il ne restera pratiquement plus de postes PR pour les autres.

      Ainsi, MCF -et ses lourdeurs universitaires de recrutement- pourrait bien devenir une voie de garage, dont seuls certain.e.s se sortiront au prix d’immenses efforts et sacrifices. Il sera naturel de réserver cette voie à l’enseignement : les « excellents » ayant de toutes façons choisi une CPJ, dont le service n’est pas régulé et sera sans doute plus agréable. Si absolument rien ne prouve que les CPJ permettront d’« améliorer attractivité des métiers scientifiques », ils risquent fortement de diminuer l’attractivité des #MCF.

      CDI de mission
      ARTICLE 5 : CDI de mission scientifique

      « un agent peut être recruté, pour mener à bien des projets ou opérations de recherche, par un contrat de droit public dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération. » / « Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée. »

      « Le contrat prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance fixé par décret en Conseil d’Etat. Il peut être également rompu lorsque le projet ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser. »

      Il s’agit là encore d’un contrat extrêmement dérégulé, pouvant être rompu unilatéralement : potentiellement, le projet « ne peut pas se réaliser » pour des raisons budgétaires. Le financeur contrôle donc unilatéralement la durée du contrat, et pourra abandonner l’agent dès lors qu’il aura servi ou ne pourra plus servir, sans justification particulière.

      Evaluation

      L’évaluation est au cœur des chaires de professeur junior, pour le recrutement et la titularisation, et des CDI de mission, pouvant être arrêtés à tout moment en cas de bons ou mauvais résultats. Mais l’évaluation s’étend aussi sur les établissements :
      ARTICLE 9 : Évaluation et contractualisation

      « Evaluation et contrôle de la recherche et du développement technologique » devient « Evaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » / « procédures d’évaluation périodique, qui portent sur l’ensemble des objectifs et missions ».

      L’évaluation est étendue à toutes les missions, et non plus seulement la recherche et du développement technologique.

      #Primes
      ARTICLE 14 : Intéressement des personnels

      « Les chefs d’établissement des établissements publics à caractère scientifique et technologique sont responsables de l’attribution des primes aux personnels qui sont affectés à leur établissement »

      « Le conseil d’administration peut créer des dispositifs d’intéressement permettant d’améliorer la #rémunération des personnels. »

      Il devient possible pour chaque établissement de développer son propre #régime_indemnitaire, spécifique, fortement dérégulé, et contrôlé par la présidence.

      Conclusion

      Au niveau statutaire, le projet de loi est en tout point conforme aux recommandations des groupes de travail sur la LPPR, contre lesquelles la communauté s’est fortement engagée en ce début d’année.

      La #dérégulation adossée à l’évaluation est présentée comme seule et unique solution aux problèmes de l’ESR français. Premièrement, il convient de noter que les dérégulations renforcent mécaniquement les pouvoirs de ceux qui en ont déjà, dont font partie les membres des groupes de travail à l’origine de cette loi. C’est ce que l’on désigne traditionnellement par le « #Mandarinat ».

      Secondement, ce projet de loi confirme l’hypothèse formulée dans ce billet : en renforçant la pression sur des chercheurs dont la situation précaire dépend des résultats scientifiques, on augmente les #performances mais au prix d’une augmentation mécanique des #inconduites_scientifiques :

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/01/18/lppr-une-loi-de-programmation-de-linconduite-scientifique

      Un mot sur les #contrats_doctoraux et post-doctoraux
      ARTICLE 4 : Fixer un cadre juridique spécifique pour le #contrat_doctoral et le contrat post-doctoral

      Les contrats doctoraux devraient être désormais ouverts aux entreprises, au delà des CIFRES. Peut-être que cela permettra d’enrayer la chute des effectifs de doctorants sans pour autant augmenter les effets des universités.

      « Par dérogation à l’article L. 1221-2 du code du travail, un contrat de travail de droit privé à durée déterminée, dénommé « contrat doctoral », peut être conclu lorsque l’employeur : Confie des activités de recherche à un salarié inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur français en vue d’obtenir la délivrance d’un diplôme de doctorat »

      « La durée totale du contrat ne peut excéder cinq ans »

      Les contrats post-doctoraux est vaguement régulé.

      « Les établissements publics / dont les statuts prévoient une mission de recherche peuvent recruter des chercheurs, titulaires du diplôme de doctorat tel que prévu à l’article L. 612-7 du code de l’éducation, par un contrat de droit public dénommé « contrat post-doctoral ». »

      Le contrat post-doctoral doit être conclu au plus tard trois ans après l’obtention du diplôme de doctorat, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable une fois. »

      Un mot sur la « #démocratie_universitaire »

      Le projet de loi comporte de nombreux renforcement du pouvoir des présidences et mandarins.
      ARTICLE 16 : Mesures de simplification en matière d’organisation et de fonctionnement interne des établissements

      « Dans le cas où le / chef d’établissement /, pour quelque cause que ce soit, / les titulaires d’une délégation donnée par le chef d’établissement restent compétents pour agir dans le cadre de cette délégation »

      16-IV : Redéfinir le rôle de la commission de la recherche du conseil académique

      « Elle fixe les règles de fonctionnement des laboratoires et elle est consultée sur les conventions avec les organismes de recherche » devient « Elle est consultée sur les règles de fonctionnement des laboratoires. »

      16 -V Limitation des élections partielles en cas de vacance tardive

      « sauf si la vacance intervient moins de six mois avant le terme du mandat. »
      « sauf si la vacance intervient moins de huit mois avant le terme du mandat. »

      ARTICLE 19 Ratification de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux

      Extension des dérogations des établissements expérimentaux au livre VI du code de l’éducation « L’organisation des enseignements supérieurs » (en plus du livre VII « Les établissements d’enseignement supérieur »).
      ARTICLE 8

      « Lorsqu’ils sont, préalablement à la date à laquelle ils atteignent la limite d’âge, lauréats d’un appel à projets inscrit dans une liste fixée par décret, les professeurs / peuvent être autorisés à rester en fonctions au-delà de la limite d’âge jusqu’à l’achèvement du projet de recherche »

      Un mot sur les #fondations

      Le projet de loi comporte aussi de nombreux assouplissements pour la collecte de #fonds en hors de la dotation d’état.
      16-X Simplifier le régime des #fondations_partenariales

      « Par dérogation à l’article 19-7 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 précitée, les sommes que chaque membre fondateur, personne publique, s’engage à verser ne sont pas garanties par une caution bancaire. »

      « Par dérogation à l’article 19-3 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 précitée, la fondation peut acquérir ou posséder d’autres #immeubles que ceux nécessaires au but qu’elle se propose. »

      ARTICLE 16-XI

      « Les #dons et #legs avec charges dont bénéficient l’Institut ou les académies sont autorisés par décret en Conseil d’État. » -> « L’institut et les académies peuvent recevoir des dons et legs. Un décret fixe le montant au-delà duquel les dons et legs avec charges sont autorisés par décret en Conseil d’État. »

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/07/lppr-le-projet-de-loi

    • Sur le #financement de la LPPR : l’obole à Charon

      Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts-de-Seine, et membre de la Commission Culture du Sénat, a proposé sur Twitter (https://twitter.com/OuzouliasP/status/1269659992711475202) une analyse du volet budgétaire de la LPPR, en complément de notre billet d’analyse initiale de l’avant-projet. Nous la reprenons ici.


      Espérons qu’à la suite de Pierre Ouzoulias et de Gérard Larcher, son président, le Sénat défendra avec vigueur l’université française contre la fragilisation de l’emploi et contre l’affaiblissement continu de ses crédits.

      https://academia.hypotheses.org/24380

    • LPPR : lettre de 25 #sociétés_savantes à la Ministre

      Le gouvernement prépare une « Loi pour la programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR), qui sera présentée au Parlement dès juillet prochain.
      Le Président de la République et le gouvernement se sont récemment exprimés pour souligner l’importance de la recherche face à des crises comme celle du Covid-19 et se sont engagés à augmenter les budgets qui y sont consacrés, à la fois pour la recherche spécifiquement dédiée à la lutte contre le Covid-19 et pour la recherche en général.
      Dans ce contexte, plus de 25 sociétés savantes ont cosigné la lettre ci-dessous en vue d’alerter Madame la Ministre de L’Enseignement Supérieur et de la Recherche et de l’Innovation sur un certain nombre de points nous paraissant critiques

      Paris, le vendredi 5 juin 2020

      À l’attention de Madame la Ministre
      de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
      Madame la Ministre,
      Les sociétés savantes signataires prennent acte des annonces du Président de la République et de vous-même insistant sur l’importance de la recherche pour la société en ces temps difficiles et des annonces budgétaires s’y référant. Nous avons par ailleurs noté notre engagement à régler la question de laprolongation des contrats doctoraux et autres contrats courts du fait de l’épidémie. Nous souhaitons à ce sujet que l’Étatdéclare de la façon la plus claire son engagement à financer ce surcoût pour tous les contrats relevante sa compétence.
      Nous espérons quececi seramis en pratique au niveaudes personnes intéressées le plus rapidement possible.Nous souhaiterions attirer ici votre attention sur le fait qu’il serait extrêmement dommageable pour la recherche française que le budget supplémentaire envisagé vienne mettre en danger le nécessaire équilibre entre la recherche de base au long cours, principalement financée par les organismes nationaux et les Universités, et la recherche sur projets, principalement financée par l’ANR. La crise actuelle a encore une fois démontré la nécessité absolue d’un spectre le plus large possible de recherches au long terme, non seulement essentiellespour l’avancée générale des connaissances, mais également indispensablespour pouvoir être à même de répondre du mieux possible aux crises du futur dont nous ignorons tout encore et pour lesquelles la recherche sur projets ne pourra jamais fournir des réponses en temps utile.
      Cette indispensable recherche de base ne pourra se développer sans un accroissement significatif desmoyens humains et financiers des organismes nationaux et des Universités. Une augmentation du budget de l’ANR n’aura aucun effet sur les trois problèmes essentiels dont souffrent les laboratoires aujourd’hui ainsi que leurs directeurs et directrices viennent de vous l’écrire : le manque de personnel permanent, le manque de crédits récurrents et le manque de visibilité à moyen et long terme de leur stratégie de recherche. Ces problèmes sont liés car sans personnel permanent en nombre suffisant, sans perspectives attrayantes pour leur carrière, sans recrutement plus important de jeunes chercheuses et chercheurs, de jeunes enseignantes-chercheuses et de jeunes enseignants-chercheurs, sans attention particulière à la place des femmes dans l’ensemble du système, il n’y aura pas la possibilité de mettre en pratique une stratégie nationale de recherche à long terme. L’objectif d’augmenter le taux de succès des appels d’offres ANR est louable mais il ne doit pas être atteint par la seule augmentation mécanique du budget de l’ANR qui par nature ne poursuit pas une politique scientifique sur le long terme, à dix ans ou plus. Une répartition plus stratégique des ressources supplémentaires permettrait d’augmenter ce taux de succès en baissant le nombre de projets soumis, puisque nombre d’entre eux s’inscriraient alors dans les politiques scientifiques financées par les grands organismes nationauxet les universités.Ceci permettraiten outre de diminuer le temps beaucoup trop important passé aujourd’hui par les chercheuses et les chercheurs pour le montage, la gestion ou l’évaluation de projets à court termeau lieu de se consacrer à la recherche proprement dite.

      Dans le cadre de l’impulsion que le gouvernement a déclaré vouloir donner en faveur de la recherche, il nous paraît indispensable que ces remarquessoient prises en compte et nous serions heureux de pouvoir les développer directement avec vous.

      Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération distinguée.

      Association Française d’Ethnologie et d’Anthropologie
      Association des Historiens contemporanéistes de l’ESR
      Association des Professeurs d’Archéologie et d’Histoire de l’Art des Universités
      Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie
      Association Femmes et Sciences
      Association Française de Mécanique
      Association Française de Sociologie
      Comité d’Information et de Liaison pour l’Archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel
      Comité National Français de Géographie
      Société Botanique de France
      Société Chimique de France
      Société d’Etudes Anglo-Américaines des XVIIeet XVIIIesiècles
      Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique
      Société Française de Biologie du Développement
      Société Française de Biophysique
      Société Française d’Écologie et d’Évolution
      Société Française de Génétique
      Société Française de Microscopie
      Société Française de la Neutronique
      Société Française d’Optique
      Société Française de Physique
      Société Française de Psychologie
      Société desHistoriens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public
      Société Mathématique de France
      Société des Professeurs d’Histoire ancienne de l’Université
      Société Informatique de France
      Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles
      Société de Sociologie du Sport de Langue Française

      .Cette lettre a été envoyée en copie aux principaux acteurs de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ainsi qu’aux conseillers de l’Élysée et de Matignon:Philippe Baptiste (Conseiller Premier Ministre) Gilles Bloch (INSERM) Thierry Coulhon (Conseiller Président République) Frédéric Dardel (MESRI) François Jacq (CEA) Gérard Longuet (OPECST) Philippe Mauguin (INRA) AntoinePetit (CNRS) Gilles Roussel (CPU) Ali Saib (MESRI) Bruno Sportisse(INRIA) Cédric Villani (OPECST)AEF–CNESE

      https://academia.hypotheses.org/24390

    • Recherche : le gouvernement persiste sur sa ligne

      Le projet de loi de programmation pluriannuelle (LPPR) est enfin dévoilé. Le gouvernement n’a pas pris en compte les critiques émises avant le confinement.

      Les affaires reprennent. Le gouvernement reprend sa réforme de la recherche là où elle s’est arrêtée avant la crise du Covid-19.

      Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) a enfin été envoyé aux représentants siégeant au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). Ils doivent l’étudier en séance le 12 juin et la présentation au Conseil des ministres est prévue pour le 8 juillet, mais « aucune date d’inscription à l’agenda parlementaire n’est prévue pour les prochaines semaines », précise la ministre Frédérique Vidal dans son courrier au Cneser. « Le temps de concertation est réduit au minimum, ce qui est inacceptable pour une loi de cette importance », s’indigne Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT. L’exposé des motifs est ci-dessous, le texte de loi derrière ce lien.

      Ce projet de loi comprend un volet ressources humaines contenant des propositions dont l’évocation avait mis une partie de la communauté des chercheurs dans la rue cet hiver. Le Covid n’a pas rendu le gouvernement plus à l’écoute. « Les éléments qui faisaient un large consensus contre eux sont encore présents dans le projet. Alors que ce n’est pas ce qu’attendent nos collègues et encore moins ce dont a besoin la recherche française », regrette Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT.

      La première est la possibilité d’une nouvelle voie de recrutement de directeur de recherche ou professeur des universités. Le gouvernement veut proposer des contrats de trois à six ans à l’issue desquels la titularisation est possible sans passer par la case maître de conférences ou chargé de recherche.
      « Une gigantesque machine à précariser et privatiser »

      La deuxième proposition controversée est la création d’un CDI de mission scientifique. L’idée ici est de remplacer les CDD par un CDI qui prend fin à l’issue d’un projet. Une idée qui ne satisfait pas les jeunes chercheurs qui préféreraient voir une hausse des titularisations. Le site militant Université ouverte, animé par des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, résume sa lecture du projet de loi ainsi : « une gigantesque machine à précariser et privatiser ».

      Le dernier point, qui devait permettre à la communauté d’avaler ces pilules, est la fameuse programmation pluriannuelle de la loi. L’objectif, fixé par le président de la République par tweet mi-mars en pleine épidémie, est d’augmenter la dépense de recherche annuelle de l’Etat de 5 milliards d’euros en 2030. Elle est estimée à 17,9 milliards d’euros en 2017. Une promesse osée pour un gouvernement à moins de deux ans du terme de son mandat. Par ailleurs, selon le service statistique du ministère, cet effort de recherche publique a diminué de 2,21% à 2,20% du PIB en 2018, première année pleine de ce gouvernement…

      https://www.liberation.fr/france/2020/06/07/recherche-le-gouvernement-persiste-sur-sa-ligne_1790555

    • du Groupe JP Vernant (c’est moi qui graisse) :

      Selon l’adage bien connu, il ne faut jamais laisser se perdre une bonne crise.

      Le projet de loi pour la Recherche, qui sera présenté en conseil des ministres le 8 juillet, est enfin connu. On y trouve quelques changements par rapport à la version que nous nous étions procurée, mais le texte, dans son volet « Ressources Humaines » est conforme à nos analyses les plus pessimistes. Si nos analyses sur le volet budgétaire s’avèrent exactes, les premiers ballons d’essai pour un retour de la loi sur les retraites s’apprêtent à être lancés.

    • Emmanuel Macron veut bâtir du nouveau sur ce qui a été fait, sans renier ses réformes, y compris celle des retraites qu’il voudrait reprendre en partie, et sans renoncer à ses priorités économiques que sont l’amélioration de la compétitivité et la politique de l’offre.

      Tout cela s’annonce en effet, y compris sur la #réforme_de-L'État, selon un article « exclusif » des Échos (sans paywall , pas réservé aux patrons etc.)
      https://seenthis.net/messages/858823
      #précarisation #restructuration_permanente #économie #travail #État

    • Retour de la LPPR, rentrée universitaire : quelles priorités pour l’ESR ? - Communiqué de SLU, 7 juin 2020

      1. Quelles sont les priorités ?

      Les dernières semaines ont clairement montré que la hiérarchie des questions importantes n’est pas la même au ministère ou chez ses indéfectibles soutiens et dans la communauté universitaire. Alors qu’une réflexion s’imposerait sur les effets délétères des cours à distance, on entérine leur normalisation en lançant d’inquiétants appels à projet sur « l’hybridation des formations ». Alors que le premier des impératifs de l’ESR devrait être de ne laisser personne de côté dans ces temps d’urgence sanitaire, certains se préoccupent de pratiquer des coupes franches ou des renvois à une date indéterminée dans les paiements des heures complémentaires ; certain doyen à Reims entend vérifier systématiquement les horaires de cours de ses collègues en temps de confinement ; d’autres à Nanterre ou Paris 1, mettent toute leur énergie à imposer des formes de validation irréalistes et surtout structurellement inégalitaires ; certains CROUS enfin semblent avoir comme objectif premier de collecter les loyers d’étudiants qui ont quitté leur chambre (alors que, dans plusieurs université, ont dû être créées des caisses de solidarité pour tenter d’aider les étudiants qui ne pouvaient plus se nourrir [1]). Le souci d’une ministre qui se respecte et qui nous respecte, devrait être d’obtenir des moyens pour le service public de l’ESR, mais madame Vidal préfère soutenir une minorité de professeurs de Paris 1, commentant des décisions de justice à grand renfort de communiqués et de tweets sur la validation des examens. Un cadrage national serait utile pour une rentrée universitaire qui sera nécessairement différente des autres, mais la ministre reste silencieuse et même une part de ses habituels soutiens, les présidents d’université, commence à s’en inquiéter.

      2. Madame Vidal ressort du bois !

      C’est au point qu’on l’avait cru endormie, uniquement intéressée par la contestation des décisions de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU) de l’Université Paris I, tout occupée à avouer de façon répétée son incapacité à intervenir dans des communiqués lénifiants qui s’en remettent à l’inventivité de la communauté universitaire et à son sens du bien public. Et voilà qu’au débotté, et sans en avoir apparemment parlé à grand monde, la ministre de l’ESR décide de relancer en plein mois de juin (donc en un moment crucial pour la gestion des sessions d’examen et la préparation de la rentrée) l’examen du projet de LPPR. La proposition de passage devant les différentes instances consultatives dans le courant du mois de juin (un CNESER est fixé dans 5 jours !) puis dès le 8 juillet en conseil des ministres relève d’une accélération du processus parfaitement injustifiée à un triple titre. [2]
      D’abord parce qu’aucun élément nouveau sur le plan budgétaire ne le justifie : le gouvernement n’a pas l’intention d’aller au-delà des 400 millions annuels déjà promis (et pour l’instant se contente d’ailleurs d’un peu plus de 200 millions…), lesquels ne suffisent même pas à couvrir les effets budgétaires négatifs de la pandémie, sans parler de répondre aux nécessités de refinancement de l’ESR reconnues unanimement depuis des années (et évaluées entre 1,5 et 2 milliards par an).
      Ensuite, parce qu’on ne voit pas pourquoi la LPPR échapperait à la décision prise en mars par le président de la République de suspension et renvoi de toutes les réformes structurelles en cours.
      Enfin parce que cette précipitation vient empêcher toute discussion sur un texte de loi dont les éléments préparatoires ont été fortement contestés par la communauté universitaire et par l’ensemble de ses instances représentatives. Qu’en sera-t-il de la discussion parlementaire dont le calendrier est déjà très chargé ?
      En tout cas, malgré les bonnes paroles et certains rappels sur la situation matérielle dramatique de la science française (baisse du nombre de doctorants, niveau de salaire scandaleusement bas, conditions de travail délétères, budgets notoirement insuffisants et ne respectant aucune des promesses et des annonces faites depuis quinze ans), le #sous-financement chronique et la dégradation de l’emploi scientifique ne seront pas réglés par ce qu’annonce la LPPR.

      3. La loi et la rentrée

      Notre ministre de tutelle semble ainsi considérer que l’urgence du moment doit consister à soutenir les plus aveugles des présidences d’université et à relancer un débat législatif clos de fait depuis la mi-mars et qui avait suscité des réactions de rejet claires de la part de la communauté de l’ESR dans les mois précédents. Au lieu de tenter de penser les effets de la pandémie et de dégager de nouveaux moyens – ces fameux « arbitrages nécessaires à l’obtention des moyens financiers indispensables pour assurer cette rentrée » selon les présidents de l’AUREF –, la ministre s’en remet à « l’autonomie » des universités, tout en tentant d’imposer des évolutions structurelles par le haut, sans aucun débat préalable avec la communauté universitaire et en réduisant à quelques jours l’examen de son texte de loi par les instances paritaires.
      Le texte dévoilé ce week-end conforte la plupart des craintes que nous avions exprimées en janvier dernier [3] :
      – sous prétexte de développement de « l’#attractivité » de notre métier, le projet de loi ouvre de nouvelles voies pour effectuer sa carrière dans l’ESR – Chaires de professeur junior, les fameuses « tenure tracks » à la française, et CDI de mission – au détriment de l’existence de l’#HDR, du statut de fonctionnaire et de l’égalité au sein des corps ;
      – une multiplication de mesures exaltant « l’#innovation » permettent le contrôle par les entreprises de pans conséquents de la recherche, au détriment de la distinction entre #service_public de l’ESR et intérêts privés ;
      – le projet de loi accentue le règne des appels à projets sur le financement notamment par le rôle renforcé pour l’#ANR et par la concentration de l’essentiel des moyens sur un nombre restreint d’établissements ;
      – il étend l’#évaluation à toutes les missions des établissements universitaires, et non plus seulement à la recherche et au développement technologique ;
      – enfin, cette prétendue loi sur la recherche ne parle quasiment pas des universités et surtout pas de l’enseignement et de ses liens avec la recherche, comme si l’ESR se ramenait aux laboratoires, aux entreprises, aux cabinets présidentiels et aux grands organismes.

      Tout ce que la ministre avait présenté comme des rumeurs infondées se trouve donc présent dans ce projet de loi. Aucune largesse budgétaire ne fera passer la pilule de tels bouleversements : l’effort présenté (25 milliards sur une dizaine d’années) peut sembler important mais comme l’indique le tableau très utile de projection des dépenses annuelles sur dix ans, les engagements pour les trois prochaines années sont limités. Les vraies décisions en la matière dépendront d’autres gouvernements que celui de madame Vidal, les promesses n’engageant en l’occurrence que celles et ceux qui auraient la faiblesse d’y croire. Les universitaires vont-ils se laisser acheter par quelques délégations au CNRS et quelques CRCT de plus, puisque ce sont bien les seuls engagements à court terme qui soient pris ?

      Au bout de trois mois où l’on peut dire que le #MESRI a été un des ministères les plus passifs et les moins attentifs à aider celles et ceux sur lesquels sa tutelle est censée s’exercer – les enseignants-chercheurs, les chercheurs, les membres du personnel administratif et les étudiant.e.s –, Madame Vidal tente non sans un certain #cynisme d’exister politiquement en rouvrant le dossier d’un projet qui porte atteinte à plusieurs piliers du service public de l’ESR. On a vu durant la crise sanitaire ce qu’une telle politique avait fait à l’hôpital public. On a vu l’affaiblissement de la #recherche_fondamentale et les errements de la recherche financée par des intérêts privés. Que ne voit-on la déliquescence de l’université version LRU que ce projet de loi prolonge ?

      Sauvons l’Université !
      7 juin 2020

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8739

    • 19 organisations syndicales refusent le fait accompli de la LPPR

      Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)
      Nous refusons d’être mis devant le fait accompli

      Les organisations soussignées découvrent avec surprise que, alors que nous sommes à peine sortis du confinement, le gouvernement veut faire passer les projets de texte LPPR dans les instances au mois de juin : le 12 juin au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), le 17 au Comité Technique ministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche (CT-MESR) et le 22 au Comité Technique des personnels de statut universitaire (CT-U). Malgré des demandes répétées, les organisations syndicales n’ont eu le projet de texte que ce dimanche 7 juin.

      La crise sanitaire due à la COVID-19 a montré que la recherche et l’enseignement publics doivent être une priorité, mais un tel projet de loi ne peut être examiné dans la précipitation et tant que l’état d’urgence sanitaire entrave le droit à se rassembler et à manifester sur la voie publique. Une large partie du personnel et des étudiant·e·s de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), relayée par les organisations syndicales signataires et au travers de nombreuses motions, s’est déjà élevée contre les premières annonces orales qui avaient été faites avant le début du confinement. Le projet de loi diffusé ce dimanche, confirme ces annonces et conforte les inquiétudes exprimées. Alors que les universités et centres de recherche sont encore largement fermés, le Ministère entend passer en force et empêcher le personnel de l’ESR et les étudiant·e·s de prendre pleinement connaissance du projet de loi qui modifierait pourtant durablement leurs conditions de travail. De fait, d’autres choix sont possibles pour une programmation de la recherche qui soit à la hauteur des enjeux et des enseignements à tirer de la crise sanitaire.

      Par conséquent, les organisations soussignées refusent ce calendrier inacceptable et, demandent que la consultation de toutes les instances sur le sujet soit a minima reportée à la rentrée universitaire.

      Elles appellent d’ores et déjà le personnel et les étudiant·e·s à débattre et à se mobiliser pour refuser ce passage en force.

      Signataires : SNTRS-CGT, CGT FERC SUP, CGT-INRAE, SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNEP-FSU, SNASUB-FSU, FO-ESR, SUD RECHERCHE EPST-SOLIDAIRES, SUD EDUCATION, SOLIDAIRES ETUDIANT-E-S, UNEF, L’ALTERNATIVE, SNPTES, ANCMSP, A&I, ITRF-BiO, Sup’Recherche UNSA, fédération UNSA éducation, SGEN-CFDT RechercheEPST

      https://academia.hypotheses.org/24449

    • LPPR : Loi budgétaire peu ambitieuse pour un darwinisme social inégalitaire

      Le texte du projet de loi Recherche (ou LPPR, loi de programmation pluriannuelle pour la recherche) est disponible depuis dimanche. Il sera présenté par Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) en fin de semaine pour passer ensuite au conseil des ministres début juillet.
      Le temps long comme prétexte à un financement lent

      Édouard Philippe justifiait, lors de son annonce il y a un an et demi, le caractère pluriannuelle de ce projet de loi par le besoin de temps long de la science :

      « Parce que la science s’inscrit dans le temps long, le Gouvernement a souhaité inscrire l’effort de soutien à la recherche dans le cadre pluriannuel d’une loi de programmation ».

      Finalement, le temps long, c’est à lui même que le gouvernement le donne pour augmenter péniblement le budget de la recherche plutôt qu’aux chercheur·euses.

      Contrairement à ce qu’on aurait pu penser en écoutant le Premier ministre, l’idée du gouvernement n’est pas de financer de façon massive la recherche dès maintenant pour aider la recherche française à obtenir des résultats dans le long terme.

      Contrairement aux annonces faites en début d’année et au printemps, ce n’est pas le budget de la seule Recherche qui devrait augmenter de 5,8 milliards d’euros dans 10 ans mais le budget global du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et de l’innnovation (MESRI). En somme, le gouvernement prévoit une augmentation annuelle moyenne du budget du MESRI équivalente à celle de l’année 2020.
      Une ambition revendiquée… mais pour les quinquennats suivants

      Pire, comme vous pouvez le voir sur le graphique suivant, le projet de loi LPPR prévoit pour l’année 2021 une augmentation du budget total du ministère de 104 millions d’euros, c’est à dire cinq fois moins que pour l’année 2020 selon le Ministère lui-même.1

      Frédérique Vidal planifie de rattraper son retard à l’allumage en 2022, année électorale, avec une augmentation de 692 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Au final, la loi ferait peser les efforts budgétaires annoncés essentiellement sur les gouvernements suivants.

      Frédérique Vidal affirmait en février dernier :

      « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de programmation budgétaire, avec une trajectoire financière spécifiquement dédiée à l’investissement dans la recherche »

      En prévoyant une trajectoire financière si lente à l’allumage et en faisant peser sa programmation budgétaire sur ses successeuses et successeurs, le projet de loi pluriannuelle risque de perdre en crédibilité pour les quinquennats suivant. D’autant plus qu’une loi budgétaire pluriannuelle n’est pas légalement contraignante face aux lois de finance annuelles.
      Une ANR de plus en plus puissante

      Le projet de loi prévoient que les financements arrivent petit à petit mais aussi que les chercheur·euse·s devront se battre pour les obtenir.

      Car le gouvernement souhaite donner encore plus de place à l’Agence Nationale pour la Recherche dans la politique de la recherche française. Cette agence, qui sert à distribuer des financements selon des appels à projets, verrait son budget augmenter de 150 millions d’euros par an dès l’année prochaine. L’Agence va pouvoir enfin afficher des taux de succès à ses appels à projets un peu plus élevés que les 15% de 2018 et peut être rattraper les 30% de son homologue allemande.

      Mais cela signifie aussi que plus de la totalité de l’augmentation du budget 2021 du ministère passerait dans les mains de l’ANR si ce projet de loi était voté 2. Pour que leurs recherches profitent de ces financements, les chercheur·euse·s devraient alors prendre du temps pour remplir des dossiers et croiser les doigts pour espérer faire parties des projets sélectionnés par l’Agence et ne pas compter sur un budget inscrit dans le temps long.
      L’organisation d’un darwinisme social sans pitié

      Mais c’est finalement de façon structurelle que le monde français de la recherche risque d’être le plus affecté par cette loi, contrairement à la déclaration de la ministre.

      Comme annoncé ces derniers mois, la création de nouveaux types de contrats des tenure tracks à la française (rebaptisées Chaires de professeur junior) et des CDI-chantier (rebaptisés « CDI de mission scientifique ») est au programme.
      Tenure tracks à la française

      En parallèle des classiques postes de Maître·esse de conférence et de Chargé·e de recherche accessibles par concours, les tenure tracks à la française (rebaptisées Chaires de professeur junior) seraient des contrats à durée déterminée de 3 à 6 ans « en vue d’une titularisation dans un corps de directeurs de recherche [ou de professeurs] ».

      Le projet de loi prévoit que la création de Chaires de professeur junior pourrait aller jusqu’à 25% des créations de postes de directeur·trice·s de recherche et de professeur·e·s.
      CDI de mission scientifique

      Le projet de LPPR prévoit de généraliser l’utilisation des CDI-chantiers (rebaptisés « CDI de mission scientifique ») dans le monde de la recherche publique. Les institutions de recherche pourraient proposer des contrats sans en préciser la durée. Ces contrats prendraient fin avec la réalisation du projet mais pourraient être rompus si l’employeur considère que le projet n’est plus réalisable. Depuis février, certains établissements de recherche peuvent déjà utiliser ce genre de contrat.
      Un contrat doctoral dans le privé

      Alors que la plupart des changements engendrés par la LPPR avait été annoncée, l’article 4, qui crée un nouveau contrat doctoral à durée déterminée de droit privé, est une surprise. L’employeur devra confier des activités de recherche au salarié et participer à la formation à la recherche de son employé. Le projet de loi prévoit que ce contrat ne puisse pas dépasser cinq années.

      D’autres dispositions comme la participation des personnels de la recherche en qualité d’associé ou de dirigeant à une entreprise existante, des « mesures de simplifications » ou la création de « séjours de recherche » pour les chercheur·euse·s et doctorant·e·s étranger·ère·s sont prévu dans le projet de loi.
      Des revalorisations essentiellement pour les chercheurs

      Sur les rémunérations, il faut aller lire le rapport annexe qui devra être approuvé par l’article 1 du projet de loi pour comprendre quelle politique de revalorisation le ministère entend mener. Si le rapport indique que ces revalorisations toucheront tous les personnels, il précise que « le gain sera plus élevé pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs dont le niveau de rémunération est aujourd’hui loin des standards internationaux que pour les personnels ingénieurs, techniciens administratifs et bibliothécaires, dont la situation actuelle est proportionnellement moins favorable ».

      Ces différentes mesures de gestion des ressources humaines de la recherche publique française organisent encore un peu plus la compétition et la précarité des jeunes chercheur·euse·s qui devront attendre encore un peu plus longtemps pour avoir un poste stable.

      Le président du CNRS Antoine Petit avait imploré le gouvernement en novembre dernier dans les Echos :

      Cette loi doit être à la hauteur des enjeux pour notre pays. Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies.

      Pour ce qui est de l’inégalitaire et du « darwinisme social » (ou plutôt spencerisme puisque c’est Herbert Spencer qui a porté l’hypothèse du « darwinisme social » évoqué par Antoine Petit), ce projet de loi devrait satisfaire le président du CNRS.

      On peut avoir plus de doutes sur son côté vertueux et son ambition qui se reporte plus sur les gouvernements prochains que sur celui actuellement en place.

      Enfin, pour ce qui est de la mobilisation des énergies des chercheur·euse·s, pour l’instant, le projet de loi a l’air de résigner les quelques jeunes chercheur·euse·s qui espéraient une stabilité économique et sociale tout en mobilisant majoritairement contre lui.

      Sur Twitter, quelques jeunes chercheur·euse·s en postdoctocat expriment leur désarroi :

      https://twitter.com/SavannahSBay/status/1269925377599778816?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      https://twitter.com/Animula_tenera/status/1269879580749434880?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      https://twitter.com/alexandra_gros/status/1270098637918437377?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      L’année dernière déjà, les Conseils scientifiques du CNRS s’opposaient au « Darwinisme social » prôné par leur PDG.

      A rebours de la direction de ce projet de loi, des chercheurs et chercheuses comme la mathématicienne Claire Mathieu, médaille d’argent du CNRS 2019, partagent leurs préoccupations sur le manque de personnel et de crédits permanents de la recherche française :

      https://twitter.com/clairemmathieu/status/1269683541601853441?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Et la publication du projet de loi relance la mobilisation. Le collectif Université Ouverte, qui avait mis en place une première coordination nationale en début d’année, appelle à une nouvelle mobilisation en proposant des rassemblements partout en France les 12 et 17 juin.

      https://www.soundofscience.fr/2383

    • L’université allemande comme horizon de la LPPR ?

      En tant qu’universitaires inscrits dans des carrières entre France et Allemagne, nous exprimons notre vive inquiétude vis-à-vis du projet de loi LPPR. Nous sommes d’autant plus inquiets que cette réforme s’inscrit dans l’horizon des transformations mises en œuvre depuis plus de vingt ans en Allemagne et qui ont profondément dégradé le fonctionnement de l’université à l’Est du Rhin.

      Mis de côté pendant la pandémie, le projet de réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, dit « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) », très fortement contesté au sein de la communauté universitaire, fait son retour au pas de charge mais par la petite porte. La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a en effet décidé d’accélérer l’examen du projet de loi LPPR en annonçant début juin la discussion du texte devant les instances consultatives (le passage devant le CNESER est fixé au 12 juin) avant un passage en conseil des ministres le 8 juillet. Alors que le fonctionnement de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR), dont l’énergie a été consacrée à la « continuité pédagogique » et à la préparation de la prochaine rentrée universitaire, est encore très fortement perturbé par la pandémie, la ministre semble donc décidée à jouer le calendrier pour contourner la contestation.

      En tant qu’universitaires inscrits dans des carrières entre France et Allemagne ou dans des institutions académiques franco-allemandes, nous tenons à exprimer notre vive inquiétude vis-à-vis du projet de loi LPPR en cours de discussion en France. Nous doutons en effet profondément de la pertinence, jamais démontrée, des mesures proposées et contestons en particulier la remise en cause des emplois durables, le pilotage politique de l’évaluation, la mise en concurrence budgétaire des unités de recherche, l’assèchement des crédits récurrents des laboratoires et des universités, tout comme la généralisation des financements sur projets fléchés et les logiques managériales d’allocation des ressources. Nous sommes d’autant plus inquiets que cette réforme s’inscrit dans l’horizon des transformations mises en œuvre depuis plus de vingt ans en Allemagne et qui ont profondément dégradé le fonctionnement de l’ESR à l’Est du Rhin.

      Nous proposons dans ce qui suit un aperçu de la situation dans le monde académique allemand telle que nous la percevons à partir de notre expérience partagée entre les deux systèmes de recherche en sciences humaines et sociales. Les analyses critiques sur les évolutions du monde académique allemand (voir par exemple l’article de Kolja Lindner « Le modèle allemand : précarité et résistances dans l’enseignement supérieur et la recherche d’outre-Rhin » : https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02496377), ainsi que les mobilisations qui s’y déroulent actuellement, sont en effet particulièrement instructives du point de vue français. Il en va de même pour nos collègues allemand.e.s qui regardent la situation française avec beaucoup d’intérêt. Des ressources sont disponibles sur le blog « Réflexions sur les politiques de recherche en France et en Allemagne » (https://cmb-wispo.hypotheses.org/category/france) qui propose un espace de traduction, d’échange d’informations, et d’analyses sur les politiques de l’enseignement supérieur et de la recherche en France et en Allemagne, ainsi que la plateforme Mittelbau.net).

      Les mesures contenues dans la LPPR reflètent en effet celles qui ont été mises en œuvre depuis une vingtaine d’années en Allemagne. La question des statuts, notamment, laisse augurer une situation à l’allemande : la LPPR multiplie les nouveaux statuts dérogatoires, et crée notamment les chaires de « professeur.e.s junior » (tenure track) comme cela a été fait dans les universités allemandes dans le cadre de « Tenure-Track-Programme » que les Länderont développé à partir de 2002, notamment suite aux recommandations du ministère fédéral de la recherche en 2000, ainsi que les contrats de recherches, cyniquement nommés « CDI de mission scientifique » dans le projet de la LPPR. En 2007, la loi Wissenschaftszeitvertragsgesetz a réduit les possibilités d’embauche en CDD tout en favorisant des modes de financement encore plus précaires telles que les bourses ou les vacations. En Allemagne, trois conventions entre l’Etat fédéral et les Länder – le « #Pacte_pour_l’université_de_2020 », le « #Pacte_pour_la_recherche_et_l’innovation » et la « #Stratégie_d’excellence » -, structurent la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche privilégiant les « #investissements_spéciaux » destinés aux « #établissements_innovants » qui sont censés renforcer « la #recherche_de_pointe » et démontrer la « #compétitivité de l’Allemagne comme site scientifique » (#Wettbewerbsfähigkeit_des_Wissenschaftsstandorts_Deutschland). La libéralisation du marché de l’#emploi_académique s’est donc accompagnée de la mise en #concurrence_budgétaire des universités et des unités de recherche et de l’asséchement des #financements_pérennes au profit de la généralisation des #financements_sur_projet.

      A première vue, les performances scientifiques du système de recherche allemand pourraient avoir des raisons de séduire. Mesurée à l’aune des indicateurs quantitatifs qui pilotent désormais les politiques publiques de recherche, la qualité de la recherche en Allemagne est parvenue à se maintenir à un très haut niveau de #rayonnement_scientifique. En dépit d’une concurrence exacerbée entre les États sur les volumes d’articles publiés et de citations, et en dépit de l’arrivée de nouveaux acteurs comme la Chine, l’Allemagne maintient son rang. Et c’est sans doute ce qui motive la politique française à vouloir lui emboîter le pas. Ce succès, rappelons-le, est pourtant d’abord porté par une politique d’investissement important dans la #recherche_publique : même au plus fort des restrictions budgétaires des années 2000, le Ministère de la formation et de la recherche n’avait pas vu son budget baisser ; depuis les effectifs dans la recherche ont constamment augmenté. Mais cet accroissement repose avant tout sur des bataillons de « jeunes » chercheur.e.s précarisé.e.s. et ce choix est motivé par l’option idéologique selon laquelle la #concurrence_généralisée et un fort #turn-over chez les jeunes chercheur.e.s amélioreraient la « #performance » du système. On a pourtant de nombreuses raisons de penser que le même investissement dans des emplois stables donnerait de meilleurs résultats. En effet, ce que nous observons au quotidien dans l’ESR en Allemagne ressemble davantage à un grand #gâchis des compétences dans un contexte de profonde dégradation des #conditions_de_travail.

      Nous éprouvons et constatons en effet que les transformations de l’université depuis vingt ans ont été profondément préjudiciables aux conditions réelles de productions des savoirs. Si l’entrée dans les carrières de recherche est relativement aisée, grâce à une offre abondante de financements #post-doc, leur poursuite s’avère ensuite souvent un #piège à un âge où il devient difficile de changer de voie et de se reconvertir. A bien des égards, la situation actuelle de l’ESR en Allemagne, fruit de réformes engagées dès les années 1990, peut être considérée comme une forme radicale de #précarisation du #marché_du_travail_académique : généralisation de contrats en #CDD, enseignements délivrés gratuitement, part écrasante des « financements sur projet », fortes #inégalités dans l’attribution des fonds publics etc. Cette #néolibéralisation de l’université allemande repose en effet sur trois dynamiques conjointes : la concurrence généralisée, l’extension du #précariat et la gestion néomanagériale des ressources.

      Cette néolibéralisation de l’ESR allemand a considérablement aggravé les #inégalités d’emploi et de #statuts. Le clivage oppose les professeur.e.s qui, dans le système académique allemand, sont pratiquement les seul.e.s à être titulaires de leurs postes (les grades de MCF et PRAG n’existent pas en Allemagne), au personnel académique non titulaire, regroupé sous le terme de « #Mittelbau ». Dans l’université allemande en effet, on estime à plus de 85% la part du personnel scientifique employée sous contrat à durée déterminée (rappelons à titre de comparaison que dans le secteur privé, les CDD ne représentent en Allemagne que 7% des emplois). Parmi les non-professeur.e.s de moins de 45 ans, la part des emplois en CDD est évaluée à 93%, et pour la moitié d’entre eux pour des durées inférieures à un an.

      Dans une tribune publiée en 2018 dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung (https://www.faz.net/aktuell/feuilleton/akademischer-mittelbau-flexible-dienstleister-der-wissenschaft-15502492-p3.html), la chercheure Ariane Leendertz dresse le bilan sans appel de cette évolution de l’emploi académique : entre 2005 et 2015, la hausse déjà spectaculaire du nombre d’emplois en CDD qui avait été engagée au cours de la décennie précédente, s’est encore poursuivie en augmentant encore de 59,2% (de 91046 à 144928) alors que, sur la même période, le nombre des professeur.e.s a connu une hausse de seulement 17,7% (de 18649 à 21153). Le prestige persistant du statut professoral motive encore les vocations mais les chances réelles de pouvoir y accéder un jour ont diminué de manière drastique.

      La « jeune génération » est donc fortement dépendante d’un petit nombre de chaires de professeurs qui sont à la fois supérieurs hiérarchiques, superviseurs, évaluateurs et chefs de projet, gérant des budgets parfois considérables, et accaparés par leurs responsabilités managériales. Dans ce contexte, l’enseignement au sein de l’université allemande repose en grande partie sur des heures non rémunérées, ce #travail_gratuit étant la condition pour espérer un jour accéder au graal professoral. Du côté de la recherche, les « #collaborateurs_scientifiques » (#wissenschaftliche_Mitarbeiter) enchaînent les contrats courts au sein de projets de recherche. Cette obsédante quête d’emploi réduit évidemment drastiquement l’#autonomie des chercheur.e.s qui doivent se couler dans des projets conçus par d’autres ou se conformer aux modes thématiques pour répondre aux #appels_à_projets des agences et des fondations, pourvoyeurs des financements. À peine un financement est-il obtenu qu’il faut penser au suivant. On déménage au gré des postes ou des contrats décrochés ici ou là. Sur le moyen terme, ce fonctionnement a pour conséquence la multiplication des carrières sans issue pour un très grand nombre de « post-doctorant.e.s » habilités et précarisés (l’âge limite d’entrée dans le professorat étant fixé à 52 ans). Dans ce contexte d’absence de prévisibilité des carrières académiques, les inégalités de #genre se creusent puisque, comme le précise le rapport 2017 du Ministère fédéral de l’éducation et de la recherche (Bundesministerium für Bildung und Forschung), 49% des femmes engagées dans ces carrières renoncent à avoir des enfants, contre 35% des hommes. D’après une enquête sur la situation du « Mittelbau » conduite par l’hebdomadaire Die Zeit en 2015, 81% des répondant.e.s disaient regretter leur choix de carrière et chercher le moyen d’en sortir. Enfin, ces évolutions ont des conséquences préjudiciables sur la nature, la pérennité et la qualité des recherches menées – au détriment de la #recherche_fondamentale. La situation est d’autant plus paradoxale que la mise en concurrence suppose un appareil bureaucratique en charge de l’organiser : en pleine expansion au cours de ces dernières décennies, cette #bureaucratie de la recherche a absorbé une partie des chercheurs, et surtout d’ailleurs des chercheuses, qui finissent par préférer les emplois stables qu’elle propose. L’argent public finance ainsi des milliers d’ancien.e.s chercheur.e.s, retiré.e.s de la production scientifique.

      Détricotage des statuts, généralisation des CDD, mise en concurrence budgétaire des universités et des unités de recherche, assèchement des crédits récurrents au profit des financements sur projets fléchés, logiques managériales d’allocation des ressources et détérioration des conditions de vie des enseignant.e.s-chercheur.e.s : la situation de l’ESR en Allemagne préfigure à bien des égards le monde académique que promet la LPPR en France. Enfin, et comme le révèle notamment la crise provoquée par l’épidémie du Covid-19, la qualité du travail de recherche repose aussi sur le dépassement des cadres nationaux. Pourtant, à bien des égards, les orientations contenues dans les conventions entre l’État fédéral et les Länder en Allemagne, ainsi que dans la LPPR en France, privilégient la #compétition entre les pays plutôt qu’elles ne stimulent la #collaboration_internationale.

      https://blogs.mediapart.fr/jeremie-g/blog/120620/l-universite-allemande-comme-horizon-de-la-lppr
      #Allemagne #modèle_allemand

    • LPPR : l’#étude_d’impact et les conditions de son examen

      Un élu a fait connaître sa position au Ministère à propos de la LPPR examinée ce jour au #CNESER. Parmi les documents arrivés tardivement, le pompon revient à l’étude d’impact de 100 pages, datée et transmise le 11 juin, pour une réunion le 12. Nous reproduisons le courrier qu’il a adressé au secrétariat général du gouvernement.

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      « Compte tenu de l’impossibilité pratique de tenir compte de cette étude d’impact pour la séance du CNESER prévu ce jour, je souhaite donc de manière expresse et non équivoque son report pour pouvoir tenir compte de cette étude d’impact. Je ne prendrai(s) donc part à la séance de ce jour que si le quorum était réuni en dépit de ma volonté qu’il ne le soit pas pour la raison évoquée ci-dessus.
      Et si je devais être conduit à prendre part à cette séance, c’est-à-dire si le quorum était réuni, mon intervention orale contrairement à ce que j’avais prévu, se limiterait à stigmatiser la tardiveté relative à cette étude d’impact et à l’évocation de quelques aspects absents du projet de loi LPPR et qui devraient y figurer (il faut que les autres membres du CNESER qui n’en sont pas encore informés découvrent la désinvolture dont le CNESER fait l’objet, de la part d’un intervenant dont l’indépendance et la liberté d’expression sont garanties légalement), réservant la plénitude de nos analyses et contre propositions à une intervention ultérieure, après avoir pu y intégrer ce qui figure dans l’étude d’impact.
      Je suis très déçu de cette #parodie_de-consultation du CNESER totalement indigne, et je considère que cette #indignité s’attache plus à ses auteurs qu’à ceux qu’ils traitent ainsi.
      Merci de transmettre à qui de droit. »
      #Denis_Roynard

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      L’étude d’impact, document d’anthologie, a été analysée hier par Julien Gossa sur Twitter (https://twitter.com/JulienGossa/status/1271010159528153088?s=20) : un document entre fraude et bêtise intersidérale.

      L’ensemble des documents se trouvent désormais ici (https://academia.hypotheses.org/24502), pour le projet de loi consolidée et l’étude d’impact, et là (https://academia.hypotheses.org/24364), pour l’ensemble des documents et l’avant projet.

      https://academia.hypotheses.org/24552

    • Falsifier la #démocratie : l’étude d’impact de la LPPR

      L’étude d’impact du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 a donc été divulguée jeudi 11 juin. 187 pages de texte, que les membres du CNESER – devant lequel le projet était présenté le lendemain, vendredi après-midi – étaient censés avoir lu, soupesé et critiqué en quelques heures à peine.

      Julien Gossa en a déjà proposé une lecture serrée, à la fois sur Twitter et sur son blog, qui met désormais en regard le projet de loi et l’étude d’impact Il faut saluer son courage, tant l’analyse de ce document suppose un travail de titan. C’est bien simple, en effet : à chaque phrase de chacune de ces 187 pages de néoparler, il y aurait à redire. Les efforts conjugués de toute la rédaction d’Academia n’y suffiraient pas pour remettre à l’endroit le sens renversé des mots et le contenu inversé des démonstrations qui y sont à l’oeuvre.
      Détournement de l’étude d’impact

      Nous ne sommes pas sûr·es, cependant, que la communauté de l’ESR ait tout à fait pris conscience de la gravité de ce que le ministère vient d’accomplir avec cette étude d’impact. Une étude d’impact — qui est une obligation d’origine constitutionnelle depuis 2008 — n’est pas un dossier de presse vantant les mérites d’une réforme : falsifier une étude d’impact, que ce soit avec des manipulations de chiffres ou des biais argumentaires, comme Julien Gossa a pu en identifier un certain nombre, c’est falsifier tout le processus démocratique d’adoption d’une loi.

      Comme le rappelle le très officiel Guide de légistique du Conseil d’État et du Secrétariat général du gouvernement, en effet, l’étude d’impact

      « s’attache a fournir une évaluation préalable de la réforme envisagée, aussi complète, objective et factuelle que possible », « destinée a éclairer les choix possibles, en apportant au Gouvernement et au Parlement les éléments d’appréciation pertinents » (p. 14). Elle « ne doit être ni un exercice formel de justification a posteriori d’une solution prédéterminée, ni une appréciation technocratique de l’opportunité d’une réforme qui viendrait se substituer a la décision politique ».

      Une étude d’impact, autrement dit, ce n’est pas un discours de propagande : si elle est biaisée, c’est tout le processus de discussion de la loi qui se trouve détourné. Et c’est cela que le ministère vient de faire.

      Avec l’étude d’impact du projet de LPPR, nous voilà tout simplement revenu.e.s six mois en arrière, au moment du désastreux épisode de l’avis du Conseil d’État sur la réforme des retraites. Souvenons-nous que dans cet avis des 16 et 23 janvier 2020, le Conseil d’État avait dénoncé, dans des termes d’une rare vigueur chez lui, les documents de l’étude d’impact, rappelant qu’ils ne répondaient pas « aux exigences générales d’objectivité et de sincérité des travaux procédant à leur élaboration » (p. 1). Rappelons aussi, au passage, que dans ce même avis, le Conseil d’État s’inquiétait des délais très restreints dans lesquels les consultations obligatoires avaient été faites, signalant avec euphémisme que

      « si la brièveté des délais impartis peut être sans incidence sur les avis recueillis lorsqu’ils portent sur un nombre limité de dispositions, il n’en va pas de même lorsque la consultation porte sur l’ensemble du projet de loi, tout particulièrement lorsque le projet de loi, comme c’est le cas en l’espèce, vise à réaliser une réforme de grande ampleur » (p. 2).

      De ce point de vue, la LPPR présente donc un air de déjà-vu, en forme de confirmation des pires pratiques de fabrication de la loi.
      La réduction des inégalités hommes-femmes selon l’étude d’impact

      Un seul paragraphe concerne un objet majeur des politiques de recherche aujourd’hui : l’égalité hommes-femmes

      Rions un peu : le MESRI qui traîne déjà la patte à établir des données correctes sur les inégalités hommes-femmes, les inégalités salariales, de promotion, d’écarts de rémunération à la retraite, d’inégal accès aux financements de la recherche et aux responsabilités de l’ESR. Dans un accès de bêtise crasse, le Ministère réduit donc celles-ci aux différences de capacités reproductives et de nourrissage ; bien pire, il concocte une politique à l’endroit des seules femmes, en aggravant leur précarisation en début de carrière. Academia lui tire son chapeau.

      Ce que nous apprend l’étude d’impact : l’exemple des tenure tracks

      Que l’étude d’impact soit un vaste tissu de mensonges et d’omissions, c’est une chose, et il faut en prendre acte tout en le dénonçant. Mais cela ne signifie pas, pour autant, que l’on n’apprend rien à sa lecture, et c’est à ce travail qu’il faut s’atteler pour préparer le débat parlementaire à venir. Prenons un seul exemple, à ce stade — en attendant que nous nous organisions collectivement pour produire enfin un contre-discours à la LPPR, qui se traduise lui-même dans un vrai projet législatif. Cet exemple, ce sont les tenure tracks (article 3 du projet de loi).

      Pour mémoire, le mécanisme envisagé est le suivant : une procédure dérogatoire de titularisation dans les corps de directeurs de recherche et de professeurs des universités est créée, qui se traduit par la reconnaissance d’un privilège d’accès à ces corps au bénéfice d’individus ayant d’abord été recrutés par voie contractuelle par un établissement, ce que l’étude d’impact nomme des « pré-recrutements conditionnels dans un cadre contractuel » ou « pré-titularisations ». Le schéma, plus précisément, est le suivant : un établissement (une université, par exemple) recrute par contrat un individu pour une période de trois à six ans, puis se voit reconnaître le droit de procéder à sa titularisation dans le corps des DR ou des PU, l’individu signant alors « un engagement à servir » dont la durée n’est pas précisée. Comme Academia a déjà pu l’expliquer, ce qui est établi ici est bien plus grave encore que les « contrats LRU », qui étaient déjà une ignominie : avec les tenure tracks, en effet, ce n’est pas un mécanisme contractuel qui est établi à côté du statut ; c’est le statut lui-même qui est détricoté, dans une proportion potentiellement très importante, puisqu’un recrutement de DR et PU sur quatre pourra passer par cette voie.

      Qu’apprend-on de plus à propos des tenure tracks après lecture de l’étude d’impact ?

      1° Un premier point d’ordre technique doit être signalé, qui n’a pas forcément été encore suffisamment aperçu : l’étude d’impact produit tout un argumentaire destiné à justifier la principale conséquence des tenure tracks, à savoir le contournement des concours pour le recrutement et la titularisation de DR et de PU. Ce souci argumentaire s’explique de manière simple : les tenure tracks ne posent pas seulement problème au regard de l’ESR ; elles sont un coin enfoncé dans le droit de la fonction publique en général, faisant de l’ESR un poste particulièrement avancé de remise en cause du statut général des fonctionnaires.

      Quelques explications s’imposent à ce sujet : seules deux hypothèses de « pré-recrutements » par contrat suivis (ou non) d’une titularisation de l’agent dans la fonction publique existent à ce jour en droit français, pour deux hypothèses très particulières, toutes deux présentées comme exceptionnelles et non-généralisables lorsqu’elles avaient été instituées en 2005 :

      d’une part, les contrats dits « PACTE » (comme Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État), réservés à des jeunes de moins de 29 ans, qui n’ont ni diplôme, ni qualification professionnelle reconnue ;
      d’autre part, les contrats spéciaux de recrutement de certaines personnes en situation de handicap.

      Les tenure tracks seraient donc la troisième de ces hypothèses.

      Si ces hypothèses étaient jusqu’ici si contenues, c’est parce que c’est rien moins que le principe de l’égal accès des citoyens aux emplois publics, tel que proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui se trouve mis en jeu. Réserver un poste de fonctionnaire à un individu en particulier, c’est porter atteinte au principe selon lequel

      « tous les Citoyens […] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

      Et c’est précisément pour lever ce risque d’inconstitutionnalité que l’étude d’impact produit une série d’arguments destinée à démontrer que les tenure tracks sont, au contraire, l’outil idoine pour respecter l’article 6 de la Déclaration : non seulement elles permettent de « sortir des logiques disciplinaires » et de mieux prendre en compte « la variété des mérites des jeunes chercheurs » ; mais aussi elles ont pour conséquence de mieux tenir compte des « besoins du service public de la recherche ».

      Ce débat, on l’a peu entendu jusqu’ici, et c’est vrai que le ministère a tout intérêt à ce que les tenure tracks soient conçues comme une question propre à l’ESR. Il faut lutter contre cet enfermement : il est important, au contraire, de rappeler que les tenures tracks feraient de l’ESR une des avant-gardes de la nouvelle étape de la remise en cause du modèle de la fonction publique en général, celle qui consiste non plus à contourner le statut par le recours à la voie contractuelle, mais à contractualiser le statut même. C’est pourquoi, sur ce point particulièrement, un argumentaire structuré doit émerger, qui établisse qu’au contraire, les tenure tracks, par la fragilisation considérable de la position des jeunes chercheurs et plus encore des jeunes chercheuses qu’entraîne la précarisation, ouvrent grand la porte aux passe-droits et autres privilèges, attentent au respect des principes de neutralité et d’impartialité, et portent donc une atteinte grave au principe du recrutement « sans autre distinction que celle [des] vertus et [des] talents ».

      2° De manière plus discrète, l’étude d’impact tente d’apporter des réponses à une autre immense question juridique. Cette question, nous pouvons d’ores et déjà l’annoncer, montera en puissance dans les prochaines semaines, à mesure que le débat sur la LPPR se déplacera toujours plus sur le terrain de la technique juridique – ce qui est un effet mécanique subi par tout projet de loi qui entre dans sa dernière phase, du fait de l’intervention du Conseil d’État — en amont de l’examen du projet de loi en Conseil des ministres — puis du Conseil constitutionnel (en aval de son adoption par le Parlement). Cette immense « autre » question juridique, c’est celle qui consiste à savoir si les tenure tracks sont contraires au principe constitutionnel d’indépendance des enseignant·es-chercheur·ses et des chercheur.·ses.
      Or, si ce point sera central dans le débat au Conseil d’État, au Parlement et au Conseil constitutionnel, la très grande médiocrité de la réponse qu’y apporte l’étude d’impact surprend. Elle se résume à une courte phrase, sous forme de rappel : « tout professeur recruté dans le cadre d’un pré-recrutement conditionnel bénéficiera dès sa titularisation dans son corps d’accueil des garanties d’indépendance des enseignants-chercheurs […] » (p. 39). On se frotte les yeux pour y croire, tant c’est maladroit et contre-productif de la part du ministère : qu’un.e PU ou un.e DR bénéficie des garanties constitutionnelles d’indépendance, c’est une évidence, puisque le bloc de constitutionnalité l’impose ; mais c’est dire, dans le même temps, qu’avant sa titularisation, un individu recruté contractuellement dans le cadre d’une tenure track n’en bénéficiera pas, à la différence, rappelons-le, des maître.sse.s de conférences, auxquelles les garanties d’indépendance des PU et DR ont été étendues par le Conseil constitutionnel.

      La question du respect de l’indépendance des personnes recrutées sous tenure track est donc traitée avec une grande désinvolture dans l’étude d’impact. Elle est pourtant l’une des plus importantes du projet de loi, dans la mesure où les personnes concernées seront dans une situation structurelle d’immense vulnérabilité, sur tous les plans : vulnérabilité du fait de l’incertitude quant à leur titularisation ; vulnérabilité du fait de l’imposition d’« objectifs à atteindre », auxquels le renouvellement des contrats est subordonné ; vulnérabilité du fait des contenus très variables des tenures tracks, aussi bien en termes de rémunération, d’obligations d’enseignement, ou de responsabilités administratives ; vulnérabilité du fait des cofinancements par les entreprises des « dotations de démarrage » dont les tenure tracks bénéficieront ; vulnérabilité du fait des passages dans le secteur privé, qui sont encouragés (p. 45) ; etc.

      Que le ministère ait ressenti le besoin de recourir à la métaphore virile du « chasseur » (p. 42) en dit d’ailleurs long sur la psychologie qui domine les rédacteurs de l’étude d’impact : les jeunes enseignant·es et chercheur.e.s sont donc conçu·es comme des proies. Une proie, ça se domine ; c’est l’antithèse du pair, dont on respecte et défend l’indépendance.

      3° L’étude d’impact, par ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas, permet donc d’avancer dans l’anticipation des débats juridiques qui se développeront devant le Conseil d’État, le Parlement et le Conseil constitutionnel – tâche indispensable qu’il nous faut à présent engager, quand bien même elle ne doit pas se substituer aux manifestations de rue et autres actions qui restent les manières les plus efficaces d’agir à notre échelle.

      À côté des deux points de principe précités, l’analyse serrée de l’étude d’impact permet d’avoir une vision plus précise des tenure tracks envisagées. Citons trois points à cet égard, qui n’ont pas encore suffisamment été dénoncés, et qui, tous trois, ont pour point commun de nous ramener à la loi de la jungle :

      Contrairement à ce qui a parfois été annoncé, les individus recrutés sous tenure tracks ne seront pas mieux rémunérés : « la rémunération sera sensiblement la même que celle des enseignants-chercheurs sous statut » (p. 45). Si « le contrat propose une rémunération globale compétitive au plan internationale » (p. 43), ce n’est donc pas du fait du salaire de la personne recrutée, mais de la « dotation de démarrage » (estimée à 250 000€ par personne, pour trois ans) dont cette personne bénéficiera. L’esprit des tenure tracks s’exprime crûment ici, sous ses deux facettes : d’une part, l’explosion des inégalités entre les collègues en début de carrière, dont le critère sera d’abord et avant tout le thème de recherche imposé par les « objectifs » fixés dans le contrat de recrutement ; d’autre part, la démultiplication des situations de précarité et de domination, dans la mesure où la dotation de démarrage permettra à la personne recrutée, sous forte pression des objectifs à atteindre pour sa titularisation, de recruter elle-même un ou deux précaires de la recherche, qu’elle mettra au service de son propre objectif de titularisation…
      Le nombre de recrutement ouvert chaque année en tenure tracks est limité à 25 % des recrutements de PU et de DR. Une précision importante doit être signalée à cet égard : il s’agit de 25 % des recrutements par « corps concerné », et non 25 % des recrutements par établissement recruteur, à la différence, par exemple, de la limitation légale qui était prévue pour les contrats LRU dans la loi de 2007 (pourcentage maximum de la masse salariale qu’un établissement peut consacrer au recrutement par la voie des contrats LRU). La différence est radicale : une université vertueuse qui n’ouvrirait aucun recrutement sous la forme de tenure tracks libérera des « places » pour des recrutements de ce genre par d’autres universités, qui, elles, pourront alors recruter massivement, voire exclusivement, sous cette forme. Il est assez simple d’imaginer quelles sont les présidences d’université qui, en bonnes « chasseuses », se lèchent d’ores et déjà les babines.
      On observe que l’étude d’impact, fort bavarde sur certains points, se garde bien de donner la moindre précision sur les conditions du passage de la phase contractuelle à la phase de titularisation. C’est pourtant la charnière du système : si ce point de passage est peu balisé (qui exactement en décide et à quelles conditions ?), et s’il est complexe à franchir (quels sont les mécanismes qui offrent des garanties contre les non-titularisations abusives ?), alors toutes les craintes d’explosion de la précarité et de résurgence des formes de mandarinat se réaliseront. Que le ministère n’ait pas ressenti le besoin d’apporter le moindre éclaircissement sur ce point dans l’étude d’impact en dit très long sur le peu de cas qu’il fait de la titularisation de ces nouveaux personnels précaires.

      Nous n’insisterons pas davantage : pour chacun des articles du projet de LPPR, il est désormais urgent d’opérer une lecture serrée des quelques documents dont nous disposons, à l’instar des quelques lignes qui précèdent s’agissant des tenure tracks. C’est la condition pour anticiper au mieux les combats à venir qui, en plus des indispensables mobilisations de rue, vont très rapidement se déplacer sur le terrain de la technique juridique. Et ce déplacement, à en croire le calendrier qui se dessine, risque de s’exécuter à un moment bien particulier : dans la torpeur de l’été.

      https://academia.hypotheses.org/24589

    • Passage en force soudain de la loi de programmation de la recherche

      De décembre à mars, le projet de loi sur la recherche avait suscité un mouvement massif de forte contestation dans la communauté des chercheur.e.s, largement repris dans les médias. Alors que nous ne sommes même pas sortis ni de la crise sanitaire ni de ses lourds effets sur les universités, le gouvernement relance en urgence son projet de loi... sans y avoir rien changé.

      Vendredi 6 juin, les organisations représentatives des personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), et les élues aux instances nationales de l’ESR, ont reçu une convocation inattendue pour examiner le Projet de Loi Pluriannuel pour la Recherche (LPPR) : le 12 juin pour le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER), 17 juin pour le Conseil Technique Ministériel l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CTMESR), le 22 au Comité Technique des Personnels Universitaires (CTU), le 24 au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) et au plus tard le 2 juillet au Conseil d’État. Le tout pour un passage du texte au Conseil des Ministres le 8 juillet et un vote parlementaire dans la foulée dont la date n’est pas encore précisée.

      Le samedi soir 7 juin et le dimanche 7 juin, le texte du projet de loi, accompagné de documents de présentation pour un total d’environ 1560 pages, a été diffusé. Pour un examen 5 jours plus tard, dimanche inclus.

      Que la recherche soit enfin devenue une priorité nationale, soit, mais pourquoi une telle précipitation, alors même que le texte du projet était réclamé à cors et à cris, et en vain, avant le confinement et qu’il n’était connu que par des fuites et des déclarations ponctuelles de la ministre ? Les universités sont encore semi-fermées, les instances (y compris CNESER, etc.) ne se tiennent qu’en mode dégradé par visioconférence. Personne n’aura le temps d’examiner le texte, d’en débattre, d’élaborer d’éventuelles propositions, voire de se mobiliser pour s’y opposer. On peut d’ailleurs légitimement se demander si ce n’est pas pour profiter de la situation de quasi-paralysie de la vie scientifique, syndicale, démocratique que ce texte si controversé est présenté dans ces conditions inacceptables. Ce à quoi s’ajoute peut-être une urgence pour la ministre qu’on dit partante au très prochain remaniement du gouvernement... Une loi présentée comme si importante présentée de façon aussi précipitée, c’est forcément troublant.

      Le 9 juin, c’est plus de vingt organisations syndicales réunies, dont toutes les grandes organisations de la CGT et SUD au SGEN-CFDT et à l’UNSA en passant par la FSU et le SNPTES, qui publie un communiqué lapidaire intitulé « Nous refusons d’être mis devant le fait accompli » :

      « (...) Le Ministère entend passer en force et empêcher le personnel de l’ESR et les étudiant·e·s de prendre pleinement connaissance du projet de loi qui modifierait pourtant durablement leurs conditions de travail. De fait, d’autres choix sont possibles pour une programmation de la recherche qui soit à la hauteur des enjeux et des enseignements à tirer de la crise sanitaire. Par conséquent, les organisations soussignées refusent ce calendrier inacceptable et, demandent que la consultation de toutes les instances sur le sujet soit a minima reportée à la rentrée universitaire. Elles appellent d’ores et déjà̀ le personnel et les étudiant·e·s à débattre et à se mobiliser pour refuser ce passage en force »

      Le projet final reste identique au projet très contesté du départ

      On s’en souvient : le projet en préparation était su si choquant pour la communauté scientifique qu’il n’a jamais été ouvertement présenté, et ceci jusqu’au 7 juin 2020. C’est uniquement à partir des rapports préparatoires publiés fin septembre 2019, des déclarations publiques du directeur du CNRS Antoine Petit, des déclarations (contradictoires) de la ministre, puis par des fuites (organisées ?) le 9 janvier et le 11 mars, qu’on a pu se faire une idée, de plus en plus précise, des grands tendances et des mesures concrètes de cette loi.

      Pour dire les choses simplement, car elles ont été abondamment analysées et médiatisées entre octobre 2019 et mars 2020, ce projet de loi est accusé d’accélérer les mesures néolibérales de ces vingt dernières années qui détruisent l’université et la recherche scientifique publiques. Une comparaison avec l’hôpital public, qui aussi souvent universitaire, a été plusieurs fois affirmée. On allait droit dans le mur ou vers le précipice, cette loi nous y fait aller à grande vitesse, telles sont les expressions couramment employées à ce sujet.

      Effectivement, le projet de loi diffusé en juin est très proche de ce que l’on en supposait. Les cinq titres sont presque identiques. Il maintient la totalité des dispositions qui avaient fuité et provoqué un rejet massif du projet. Il ajoute même la ratification de l’ordonnance de décembre 2018 relative à la création d’établissements expérimentaux dérogeant aux garanties statutaires légales : or cette ordonnance avait fait l’objet d’un rejet unanime par les instances représentatives. De plus, il autorise, au passage, le gouvernement à prendre toute une série de mesures très variées par ordonnance.

      Bref, comme l’a aussitôt déclaré Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT, syndicat pourtant réputé proche du gouvernement, « les éléments qui faisaient un large consensus contre eux sont encore présents dans le projet. Alors que ce n’est pas ce qu’attendent nos collègues et encore moins ce dont a besoin la recherche française » (https://www.liberation.fr/france/2020/06/07/une-gigantesque-machine-a-precariser-et-privatiser_1790573).

      De mauvaises réponses aux besoins et une transformation structurelle qui poursuit la destruction de la recherche publique en France

      Que propose donc cette loi ? Il n’est pas possible de reprendre ici toutes les dispositions, y compris des dispositions techniques très ponctuelles, de ce texte de 26 pages. Il contient peut-être quelques dispositions éventuellement positives quoique pas claires du tout dans leur mise en œuvre concrète : création de postes (mais lesquels ?) et augmentation (mais laquelle ?) des salaires des titulaires débutant.e.s, libération de temps universitaire pour la recherche dans certains cas (pas généralisée), certaines simplifications administratives (parfois au bénéfice du privé), objectif d’égalité femme-homme. Il contient aussi et surtout des mauvaises réponses aux besoins et des transformations structurelles profondes et graves.

      Institutionnalisation de la précarisation des chercheur.e.s et du contournement du statut protecteur de fonctionnaire et du statut particulier d’enseignant.e—chercheur.e

      La loi institue des postes de « pré-titularisation conditionnelle » (traduction de « tenure track ») sur des contrats de 3 à 6 ans et jusqu’à 25% du nombre de postes à pourvoir de professeur.e des universités ou de directeur/-trice de recherche (rang A) dans les organismes de recherche (CNRS, INSERM, etc.). La titularisation finale (ou non) de ces chercheur.e.s, directement au plus haut grade et sans passer par le grade précédent (maitre de conférences ou chargé.e de recherche, rang B) se ferait par une commission ad hoc, sans avis du Conseil National des Université (CNU). Outre le caractère précaire de ces emplois, et l’absence des protections statutaires dont bénéficient les titulaires, ils posent un problème d’égalité de traitement puisqu’ils échappent à la fois aux modalités très strictes du recrutement national des titulaires et permettent de « doubler » les "rang B" titulaires dont les promotions deviendraient encore plus difficiles pour l’accès au "rang A".

      La loi crée également des « contrats à durée indéterminée » (CDI) dits « de mission scientifique » dont la durée coïncide avec celle du projet de recherche pour lequel les personnes sont recrutées, c’est-à-dire en fait un contrat à durée déterminéedépassant les durées légales maximales actuelles et sans obligation de reconduction ni de titularisation au bout de 6 ans.

      Elle crée, enfin, des « contrats post-doctoraux », de 4 ans maximum (c’est beaucoup) dont les modalités et les garanties sont très floues, qui pourraient présenter des aspects positifs, mais qui, pour le moins, participe à la multiplication des emplois précaires au détriment de l’entrée dans une carrière de titulaire. D’autant que ces emplois dérogent explicitement au Code du travail.

      Privatisation progressive de la recherche

      La loi met en place une facilitation incitative des mobilités du public vers le privé, avec possibilité de mise à disposition de chercheur.e.s du public auprès d’entreprises privées (maintien du déroulement de carrière dans le public pendant les périodes dans le privé, valorisation de l’engagement des universitaires auprès d’entreprises privées pour accéder à l’Institut Universitaire de France, etc.) et facilité pour les chercheur.e.s du public de créer des entreprises privées. Elle crée un contrat doctoral en entreprise. Elle développe enfin les financements privés de la recherche en facilitant les conventions avec le privé et les apports du privé via des fondations.

      Maintien de la suprématie de la course aux financements

      Pour toute réponse à la demande pressante du corps professionnel de rééquilibrer la place des financements stables de la recherche afin de soutenir de la recherche fondamentale et à long terme et de libérer du temps de chercheur.e.s en réduisant le montage de dossiers, la LPPR renforce... les financements sur projets. Ainsi, les établissements obtiendront des financements complémentaires à hauteur de 40%, destinés à être répartis (à leur bon vouloir) entre leurs unités de recherche, mais uniquement comme compléments à des financements de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) obtenus sur projets (ce « prélèvement » porte le nom barbare de « préciput »). Tout continue donc à passer par la compétition sur projets déposés auprès de l’ANR, en créant une compétition délétère supplémentaire à la fois entre les unités d’un même établissement pour la répartition de ces moyens complémentaires et entre celles qui « rapporteront » de l’argent aux autres qui leur seront redevables, voire assujetties.

      En ce qui concerne les personnels, le rattrapage de leurs salaires, reconnus très inférieurs à la moyenne et à ceux de pays comparables, si l’on excepte les "rang B" débutant.e.s, se fera par une revalorisation des primes (pas nécessairement attribuées à tous et à toutes) et par un « intéressement financier » pour valoriser les personnels qui s’impliquent dans des missions de recherche partenariale avec des entreprises, le tout selon la volonté des établissements. Il ne s’agit ni de revaloriser le point d’indice, gelé depuis 12 ans, qui sert de base au calcul des salaires, ni d’augmentation généralisée des salaires des personnels de la recherche, dont les personnels administratifs et techniques.

      Bref, comme l’a déclaré le FERC-SUP-CGT dans son communiqué suite à la diffusion de ce projet : « La loi de programmation pluriannuelle de la recherche va à l’encontre des besoins de l’enseignement supérieur et la recherche ! ».

      Pourtant, des propositions claires et simples ont été faites à la ministre par une large majorité des chercheur.e.s

      Les demandes très convergentes faites par une grande partie de la communauté des chercheur.e.s peuvent être résumées en quatre grands axes :

      des moyens stables et suffisants en budgets et en personnels pour garantir à tous et à toutes de travailler sereinement sur la durée en se projetant dans l’avenir, chacun.e sur son champ de compétences (et arrêter les financements rares à court terme obtenus par compétition, concentrés sur les secteurs déjà les plus dotés, dont la « performance » est cotée par une évaluation bureaucratique permanente[1]— et qui laissent la majorité se débattre sans moyens entre des surcharges de tâches multiples, au détriment de la recherche) ;
      l’indépendance statutaire de la recherche[2], donc l’indépendance des établissements, autogérés par des universitaires et autres chercheur.e.s indépendant.e.s, car la recherche doit suivre sa propre logique scientifique de façon libre et diversifiée (et non pas dépendre de pressions ou d’intérêts politiques, idéologiques ou économiques), y compris pour favoriser les découvertes inattendues hors des sentiers battus ;
      la mission de service public désintéressé d’élaboration, d’enseignement et de diffusion de connaissances scientifiques actualisées et éventuellement critiques, dans tous les domaines, y compris quand cela dérange les systèmes et les pouvoirs en place — on pense aux questions écologiques ou sociales par exemple (et non l’assujettissement à des intérêts privés ou l’étranglement de certaines disciplines gênantes y compris par le jeu des financements) ;
      le respect des personnels de l’ESR et la confiance méritée par leurs (trop) difficiles parcours de formation, de recrutement, de carrière, d’engagement au service du bien commun (et non pas la suspicion par l’évaluation permanente et l’imposition de décisions politiques non concertées voire massivement refusées).

      Il ne suffit pas d’annoncer des financements augmentés à coups de millards dans les dix ans à venir, que rien ne permet d’assurer aujourd’hui. Ni de promettre une façon d’appliquer la loi que rien ne garantit surtout sous d’autres ministres à venir. Il faut utiliser cet argent pour répondre à ces quatre grandes attentes et inscrire dans la loi des mesures sures, stables et précises.

      Mais le gouvernement n’écoute pas, n’entend pas, ne comprend pas...

      Aussi sidérant que cela puisse paraitre ou ne pas paraitre selon l’idée que l’on se fait aujourd’hui de ce gouvernement, l’ensemble des propositions portées par la vaste mobilisation de l’ensemble du monde de la recherche n’a été ni entendu, ni repris. Pire, le projet va clairement à l’encontre des besoins, des attentes et des propositions qui ont été exprimés.

      La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et avec elle son cabinet, réussissent une fois de plus à dresser contre ses projets la grande majorité de la profession et des étudiant.e.s qui y sont lié.e.s. On a l’impression que ce ministère n’a dans la tête que quelques mots-clés devenus des dogmes (compétition, privatisation, management...) dont ils ne sont pas en mesure de se libérer et qui les rendent imperméables à d’autres mots-clés (égalité, service public, libertés académiques...). Ils et elles feront sans doute cette fois-ci comme les autres fois : passeront outre les avis très majoritairement voire unanimement négatifs des instances consultatives comme le CNESER ou les CT, des instances ou organismes représentatifs (CNU, syndicats, sociétés savantes, associations professionnelles, conseils et composantes des établissements, etc.), et des personnes directement concernées. Au mieux ils et elles feront passer des projets mal votés, grâce aux abstentions ou aux absences, si fréquentes en période de crise sanitaire d’ailleurs. Mais il est probable qu’ils et elles s’en fichent éperdument, tellement ils et elles sont sur.e.s d’avoir raison.

      Le CNESER a d’ailleurs appris le 10 juin qu’il pourrait se tenir le 12 en mode hybride : mi-présenciel mi-distanciel et qu’il fallait s’inscrire à l’avance pour un tour de parole. Curieuse conception des débats...

      Le SGEN-CFDT et la FAGE ont demandé au ministère de ne pas présenter la loi pour vote au CNESER du 12 juin, vu les délais, mais seulement de la présenter et de la soumettre au vote d’un avis les 18 et 19 juin. Le ministère a accepté. On ne voit vraiment pas, hélas, ce qu’une semaine de plus va changer quand il est clair que ce n’est pas d’amendements dont ce texte à besoin, mais d’un retrait et de la rédaction d’un tout autre projet de loi, indispensable et urgent, inspiré par de tout autres principes.

      [1] Ce système est régulièrement accusé de favoriser le conformisme des projets (pour obtenir les financements selon les critères imposés ou valorisés) et la tricherie dans les publications (pour augmenter artificiellement son nombre de publications, dans les disciplines qui ont recours à la bibliométrie et au classement des revues, surtout en sciences naturelles et formelles, moins en SHS).

      [2] Cette indépendance est un principe très ancien et général de protection de la recherche scientifique. Voir mon texte « Le projet de LPPR poursuit les attaques contre le statut particulier des universitaires pour s’emparer de l’Université » en ligne sur https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2020-1-page-III.htm

      https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/110620/passage-en-force-soudain-de-la-loi-de-programmation-de-la-recherche

    • Message reçu par mail de la rédaction du blog « Academia » (https://academia.hypotheses.org), le 15.06.2020 :

      Vous étiez nombreux et nombreuses à souscrire à notre appel solennel (https://academia.hypotheses.org/22438) remis le 21 avril à la Ministre et lui demandant de ne pas prendre de mesures non-urgentes pendant le confinement. Si le confinement obligatoire est terminé, pour autant l’état d’urgence continue, avec des mesures anti-rassemblement, et la fermeture des universités à ses étudiant∙es. C’est cette période que le gouvernement a choisi pour présenter son projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche devant les instances nationales, en vue de sa présentation en Conseil des ministres le 8 juillet et vraisemblablement de son vote au cours de l’été. Parallèlement, la Commission Culture du Sénat rendait un rapport accablant (https://academia.hypotheses.org/24538) sur le système de recherche pendant la pandémie.

      Après la saisine du Conseil économique, social et environnemental le 5 juin, la diffusion de l’avant-projet de loi par le SGEN dimanche 7 juin 2020, Academia a rapidement fourni des éléments sur l’avant-projet de loi (https://academia.hypotheses.org/24364), mais aussi sur le projet de loi (https://academia.hypotheses.org/24502) transmis au Conseil d’État — texte prêt « depuis le mois de mars » selon la Ministre (https://academia.hypotheses.org/24568), rattrapée par une affaire de fraude scientifique (https://academia.hypotheses.org/24479) — et son étude d’impact.

      Disons-le simplement : ce projet de loi détruit méthodiquement le cadre légal de l’Université, approfondit les dérogations créées par la loi PACT (https://academia.hypotheses.org/7164), et impute les maigres augmentations de budget (https://academia.hypotheses.org/24380) à la seule Agence nationale de la Recherche. Les jeunes collègues ne s’y sont pas trompé·es : cette loi ne vise nullement à améliorer le sort des jeunes chercheurs et chercheuses, mais à précariser davantage leur situation ; elle met au jour le simple fait que la transmission des savoirs — auprès de celles et de ceux qui feront l’élite de demain — n’intéresse aucunement le Ministère de l’Enseignement supérieur. La pilule est très amère (https://academia.hypotheses.org/24413).

      La parution de l’étude d’impact de près de 200 pages, la veille de la réunion du CNESER, est un modèle du genre : manipulation de chiffres, biais argumentaires, et autres paragraphes en novlangue. Explicitant le rôle législatif de l’étude d’impact, Academia en a analysé deux dispositions (https://academia.hypotheses.org/24589) :

      - la lutte contre les inégalités hommes-femmes ;
      – l’adoption des tenure tracks, nouvelle voie d’accès hors concours aux statuts de professeures des universités et des directions de recherche.

      Compte tenu du mépris dans lequel le Ministère tient les élu∙es∙des instances, plusieurs organisations syndicales ont boycotté la séance du CNESER du 12 juin 2020 (https://academia.hypotheses.org/24573) à l’exception notable de la CPU qui s’est félicitée du texte. La communauté universitaire s’est mobilisée (https://academia.hypotheses.org/24556), syndicats, Facs et labo en lutte, Revues en lutte en tête (https://academia.hypotheses.org/24465), relayée dans la presse (https://academia.hypotheses.org/24577). Le vote n’aura lieu que jeudi 18, précédant celui du CTMESR le vendredi 19 juin. L’examen du texte en Conseil des ministres est prévu le 8 juillet 2020. Nous entrons dans la dernière phase du processus législatif, avec un projet qui n’est pas encore inscrit au calendrier parlementaire, mais qui pourrait être passé après l’été, vraisemblablement à la fin de l’année 2020 ou au tout début 2021.

      Il nous faut désormais nous interroger sur les moyens dont nous disposons pour que ce projet ne devienne pas loi. Un chercheur a suggéré qu’il ne fallait désormais prendre la parole auprès des médias que pour dénoncer la future loi (https://academia.hypotheses.org/24427). Un élu CNESER a esquissé quelques pistes de moyens juridiques pour le contrer (https://academia.hypotheses.org/24552). Plusieurs manifestations sont prévues : unitaire avec les soignantes le 16, puis le 18 et le 19. Il y a aussi l’envoi en masse de propositions de « dérégulation » auprès du MESRI (https://academia.hypotheses.org/24300), sans oublier d’interpeler les présidences d’université sur le contenu inique de la LPPR.

      Alors que nous vivons depuis plusieurs semaines un magnifique mouvement en faveur des droits civiques (https://academia.hypotheses.org/24472) et de la justice, notons que le droit constitutionnel de manifester vient d’être sérieusement entravé (https://academia.hypotheses.org/24609) dans un régime de plus en plus nauséabond.

      Contre la LPPR, il nous faut toutes les forces sur le pont et beaucoup d’imagination : nous comptons sur vous !

    • LPPR : le ministère change les règles du jeu, deux jours avant la tenue d’un CNESER qui n’aurait par ailleurs jamais dû être convoqué !

      En plein état d’urgence sanitaire, alors que le gouvernement a été désavoué par le Conseil d’État sur l’interdiction des rassemblements, que les universités demeurent fermées aux usager·es et leur accès très limité aux personnels, le CNESER, le CTMESR et le CTU sont convoqué·es pour débattre et soumettre des avis sur le projet de LPPR très largement contesté. Ces convocations, dans le contexte actuel, constituent une provocation et manifestent le mépris du ministère pour les personnels de l’enseignement supérieur.

      Sur le fond, en renforçant le financement sur projet via l’agence nationale de la recherche, le projet de loi ne tire aucun enseignement de la crise sanitaire. En ne permettant pas à la recherche publique d’atteindre 1 % du PIB en 2030, il poursuit le sous-financement de l’enseignement supérieur et de la recherche. La loi envisagée contourne et casse les statuts des chercheur·es et des enseignant·es-chercheur·es en accélérant les recrutements contractuel·les du secteur déjà le plus précaire de toute la fonction publique d’État. En favorisant les passages du public au privé et réciproquement, elle organise les conflits d’intérêt et la subordination de la recherche publique aux intérêts privés. Le projet de LPPR remet également en cause fortement l’indépendance des personnels de la recherche, à travers la concurrence généralisée, l’extension du précariat et la gestion néo-managériale des ressources, il conduit au rétrécissement des domaines de la recherche et des bénéficiaires de moyens alloués.

      Alors que les universitaires sont submergé·es et mobilisé·es au delà du maximum pour conduire à leur terme deux semestres particulièrement pénibles, alors qu’ils/elles sont en pleine incertitude quant aux conditions de la rentrée, le ministère a d’abord imposé à ses membres élu·es au CNESER une séance consacrée au projet de LPPR le 12 juin, avec envoi des documents le dimanche 4 juin, après que la presse les ait déjà diffusés.

      Cette séance du 12 juin s’est déroulée sans la FSU, dans des conditions d’obtention du quorum particulièrement douteuses sur le plan juridique : confirmation de la présence obtenue par téléphone, aucune vérification d’identité, procurations possibles à distance par simple envoi des codes à qui le demandait… l’étude de la loi LPPR par les instances mérite davantage de respect et de rigueur.

      Et puis, alors que la deuxième partie du CNESER avait été annoncée en modalité “hybride” le 10 juin, soudain, lundi 15 juin en fin d’après-midi, à deux jours de l’échéance devant déboucher sur un vote, nous apprenons que la séance se tiendra finalement en présentiel le jeudi 18 juin ! En l’absence de quorum elle aura lieu le lendemain cette fois-ci sans condition de quorum. Dans les conditions de transports et d’hébergement que l’on connaît, sans parler des questions d’agenda des personnels pleinement mobilisé·es, il s’agit d’une véritable provocation ! Le MESRI continue d’humilier la communauté universitaire et scientifique et n’hésite pas à envisager la discussion sur une loi de programmation, dont on connaît l’importance pour l’avenir, sur des bases largement discutables juridiquement.

      Le SNESUP-FSU, le SNASUB-FSU, le SNCS-FSU le SNEP-FSU qui ont déjà demandé le report à la rentrée de la consultation en présence de toutes et tous, dans des conditions permettant véritablement les échanges, réitèrent leur demande. Il en va de la démocratie et de notre avenir commun. Les conditions dans lesquelles sont organisés les débats sont indignes et inacceptables. Nous ne cautionnerons pas cette mascarade.

      Reçu par email, le 16.06.2020

    • La loi Recherche à la lumière de la crise sanitaire

      Emmanuel Macron et Frédérique Vidal ont décidé de concurrencer les Shadoks. Quant un truc ne marche pas, il faut persévérer dans l’erreur car c’est en essayant longtemps de se tromper que l’on pourra réussir, se disent-ils manifestement… Donc, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche, telle que conçue et préparée avant la COVID-19, est remise en selle avec le maximum de précipitation possible (convocation en urgence absolue des instances de discussion avec les personnels, passage en conseil des ministres prévu le 8 juillet) afin d’être bien certains de ne pas tenir compte des enseignements de cette crise sanitaire pour la politique de recherche du pays.

      Quelles sont, en réalité, ses principales dispositions ?

      1- Des sous, il n’y en aura pas plus.

      Frédérique Vidal a beau abuser, comme Valérie Pécresse et Généviève Fioraso, des formules publicitaires et des affichages en trompe-l’œil, le volet programmation financière de la LPPR promet… de compenser l’inflation future. Cette décision politique fondamentale poursuit la politique budgétaire menée par Hollande, puis par Macron depuis trois ans. Les moyens des laboratoires publics sont au mieux stagnants, avec des perdants ici, des gagnants là, mais au total une enveloppe qui ne décolle pas. Autrement dit, après avoir promis, depuis l’adoption de la Stratégie de Lisbonne en 2000, d’augmenter sensiblement l’effort de recherche, aucun gouvernement français n’a tenu cette promesse. Et Emmanuel Macron se propose de continuer. Avec une trajectoire budgétaire de plus 500 millions d’euros par an – dont il laisse le soin à ses successeurs de la réaliser après avoir mis les laboratoires au régime sec depuis son élection – la LPPR est très loin de simplement parvenir à l’objectif fixé en 2000 – soit 1% du PIB pour la recherche publique – … sauf à compter sur la récession brutale provoquée par la crise sanitaire.

      Bref : la crise sanitaire a montré que nous avions besoin de plus de connaissances scientifiques pour affronter les défis du siècle – sanitaires, climatiques, énergétiques, sociaux… – on va compter sur la chance pour les construire et non sur des moyens supplémentaires.

      Information précieuse pour comprendre le sens des « annonces » mirifiques : toutes celles concernant les « millions » mis sur la table pour les recherches sur le coronavirus Sars-Cov-2 se sont réalisées avec… 0€ de plus versés aux laboratoires, mais un déshabillage de Pierre au profit de Paul, par redéploiement de crédits déjà votés à l’Assemblée Nationale et déjà ou pas encore affectés. Quant aux prolongations de contrats pour les thèses ou les post-doctorats interrompus par le confinement… ils doivent se faire à budget constant, donc en diminuant le nombre des nouveaux contrats.

      2- Les sous, tu les distribuera par appels d’offre en mettant les scientifiques en compétition entre eux.

      Parmi les leçons de la crise sanitaire, on peut relever ce propos d’un tout récent rapport de la Commission des Affaires culturelles du Sénat, et donc pas vraiment écrit par des syndicalistes sortis en colère de leur laboratoire (1) :

      Ce rapport, à la suite des trois Académies concernées (des Sciences, de Médecine et de Pharmacie) déplore lui aussi le manque de coordination des recherches thérapeutiques contre la Covid-19, provoquée notamment par un mode de financement par appels d’offre et non par une concertation organisée entre les véritables acteurs de la recherche.

      Bref : puisqu’on a la preuve – une nouvelle preuve après tant d’autres – que l’allocation des ressources prioritairement par des appels d’offres compétitifs, où les taux de succès sont si bas que l’écrasante majorité des demandes des scientifiques sont rejetées, ne fonctionne pas… continuons dans cette voie suivant le principe shadokien.

      3 La précarisation des personnels tu accentueras.

      Ces dernières années, les effectifs des personnels de la recherche ont subi un double mouvement. Moins de personnels scientifiques sur des emplois stables – par exemple moins 10% pour le principal établissement, le CNRS – et des milliers d’emplois précaires, y compris pour des fonctions pérennes au services d’équipements techniques. Des emplois précaires censés servir de tremplins à des jeunes très qualifiés… mais qui aboutissent beaucoup trop souvent à l’éviction finale de la recherche par manque de postes.

      Ce système très efficace pour gâcher les talents, éloigner les meilleurs et désorganiser l’activité des laboratoires a montré son caractère néfastes ? Accentuons-le donc, en décrétant que jusqu’à 25% des postes pérennes des organismes de recherche et des universités, y compris pour des seniors (directeurs de recherche, professeurs) pourront se transformer en contrats à durée déterminée dits « de missions » et en « tenure tracks » de 3 à 6 ans pour l’Université.

      4 Pour la promesse de Lisbonne, tu pratiqueras l’enfumage.

      Il n’est pas très compliqué de mesurer l’écart abyssal entre la LPPR et la simple mise en oeuvre de la promesse faite il y a 20 ans à Lisbonne, fondée sur une analyse jamais remise en cause sur l’importance de la recherche scientifique pour l’avenir des pays européens. Pour parvenir à 1% du PIB de la France consacré à la recherche publique, contre 0,76% en 2019, (un niveau historiquement bas puisqu’il faut remonter à avant les augmentations de 1981 pour le retrouver), il manquait près de 5 milliards d’euros en 2019. Pour combler l’écart, progressivement en dix ans soyons réalistes, il faudrait créer 60 000 postes pérennes dans l’Enseignement supérieur et la recherche dans les dix ans à venir, augmenter à 20.000 par an le nombre de docteurs formés et augmenter d’un milliard par an les dotations de recherche aux établissements (universités et organismes de recherche).

      Là encore, nul besoin d’aller chercher un scientifique en colère, le rapport du Sénat y suffit :

      Le graphique ci-dessous permet de mesurer l’enfumage qui consiste à annoncer des « milliards en plus » sans tenir compte de l’inflation sur la durée envisagée, en réalité, la LPPR ne prévoit aucune augmentation sérieuse de l’effort de recherche public.

      Juste avant le confinement, la contestation de la LPPR avait vue le jour. Plusieurs organisations syndicales ont démarré des mobilisations pour alerter les citoyens et infléchir la politique gouvernementale. Le calendrier de la LPPR n’est pas encore complètement connu puisque aucune date d’examen parlementaire n’est encore décidée. Il pourrait avoir lieu à l’automne.

      Sylvestre Huet

      https://www.lemonde.fr/blog/huet/2020/06/15/la-loi-recherche-a-la-lumiere-de-la-crise-sanitaire

    • L’appel du 18 juin contre la LPPR !

      Ce jeudi 18 juin l’avant-projet de LPPR était examiné par le CNESER, dans un calendrier de pseudo-concertation menée à marche forcée par Frédérique Vidal.

      Les Facs et Labos en Lutte étaient là, pour dire une fois encore leur refus de la LPPR, leur refus de la précarisation et de la privatisation des services publics de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons besoin de postes et de financements, maintenant !

      Retour en images sur les interventions.

      https://www.youtube.com/watch?v=vkuS6kBp1pI&feature=emb_logo

      Ce jeudi 18 juin l’avant-projet de LPPR était examiné par le CNESER, dans un calendrier de pseudo-concertation menée à marche forcée par Frédérique Vidal.

      Les Facs et Labos en Lutte étaient là, pour dire une fois encore leur refus de la LPPR, leur refus de la précarisation et de la privatisation des services publics de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons besoin de postes et de financements, maintenant !

      Retour en images sur les interventions.
      Que faut-il de plus pour que nous soyons entendu·es ?

      Début mars, contre la précarité, contre la LPPR et contre la casse des retraites, on dénombrait plus de 108 établissements universitaires et 268 labos mobilisés ; 35 collectifs de précaires ; 134 revues ; 16 sociétés savantes ; 46 séminaires ; 35 sections du CNU et une cinquantaine d’évaluateur·trices de l’HCERES. Plus de 700 directeurs et directrices de laboratoire ont exprimé leur opposition au projet de loi LPPR. Le 5 mars nous étions des milliers de manifestant·es partout en France, dont 25 000 personnes à Paris.
      Cette mobilisation est tout simplement historique ! Comment le Ministère ose-t-il accélérer le calendrier et passer en force, alors même qu’il n’y a pas la place à l’agenda parlementaire pendant l’été ?

      Que faut-il de plus pour que nous soyons entendu·es ?

      Pour les rares personnes de ma génération qui sont entrées en poste ces dernières années, nous nous considérons comme des miraculées. La quasi-totalité de nos camarades, de nos collègues, avec qui nous avons envie de travailler pour proposer les meilleures formations possibles aux étudiant·es, sont au chômage, au RSA, donnent des charges de cours pour lesquelles ielles sont payé·es au bout de six mois au mieux et en dessous du SMIC horaire, et entre deux post-docs, ils passent leur temps à faire des candidatures et des auditions dans la plus totale incertitude sur leur avenir.

      Ceux et celles qui ont des postes sont épuisé·es, surchargé·es et n’ont parfois pas les moyens de faire leur métier correctement. L’ESR est un secteur qui a tout simplement institutionnalisé le travail gratuit, avec la raréfaction des postes.
      Et face au constat de cette précarité de l’emploi, la réponse serait donc cette LPPR qui promet plus de compétition, plus de précarité, des CDI de chantiers ou des CDD d’enseignant·e-chercheur·se !

      Depuis trois ans donc que je suis en poste à la fac, il y a eu d’abord au ParcourSup puis la hausse des frais d’inscription pour les étrangèr·es qu’ils ont osé appelée « Bienvenue en France ». Une sélection à l’entrée de l’université et une augmentation des frais d’inscriptions sur des critères de nationalité, ce qui constitue une rupture d’égalité contraire à la constitution. Et maintenant cette LPPR, encore une nouvelle étape vers la marchandisation et la précarisation de l’enseignement supérieur et de la recherche publique.

      Nous sommes épuisées par la brutalité et l’aveuglement de ce gouvernement.

      Nous ne devrions pas avoir à exiger une énième fois le retrait de cette loi, après tout ce qui s’est passé, et quatre semaines seulement après le déconfinement. Nous devrions être en train de réfléchir collectivement et sur le long terme à un monde plus solidaire et plus juste face à la crise sanitaire, sociale et écologique.

      Pour commencer, quand est-ce que nous ferons objectivement le bilan désastreux de l’impact de cette crise dans les universités ?
      Mme la Ministre se félicite que des aides d’urgence aient été distribuées ? Nous, nous ne nous remettons pas d’avoir vu les étudiant·es tomber dans les pommes en venant chercher des colis alimentaires, parce qu’ielles n’avaient pas mangé depuis trois jours. La Ministre se félicite de la « continuité pédagogique » ? Le décrochage n’a jamais été aussi fort et l’acharnement évaluatif a mené à des situations insupportables.
      Le Ministère s’est empressé de faire un appel à projets ANR pour penser des enseignements à distance ! Personne ne demande cela Mme la Ministre, personne ne veut étudier ou enseigner derrière un écran. Les universités sont des lieux d’échanges, de vie, d’émancipation et de construction.

      Aujourd’hui si les universités craquent, c’est parce qu’elles souffrent d’un sous-emploi structurel et parce qu’elles sont paupérisées par des politiques de marchandisation successives, et par ce gouvernement qui fait le choix délibéré d’en restreindre l’accès et de sous-financer l’enseignement supérieur.

      Alors Mme Vidal, non seulement nous exigeons le retrait de cette loi, mais on ne s’arrêtera pas là !

      Nous refusons une fois encore toute forme de discrimination sociale, raciale et sur des critères de nationalité à l’entrée à l’université.
      Nous exigeons que les conditions de vie et d’études soient garanties par un salaire étudiant.
      Nous exigeons au moins 60 000 postes de titulaires pour que nos collègues précarisé·es arrêtent de travailler gratuitement pour la recherche française et d’enseigner dans des conditions qui relèvent de l’exploitation.
      Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas plus de collègues titulaires, des enseignant·es et des agent·es administratif·ves, car il y a bien du travail dans les universités et dans les laboratoires !

      Alors M. Macron, cessez votre destruction des services publics, cessez vos attaques de l’enseignement supérieur et de la recherche.

      Ce ne sont pas les universitaires qui cassent la République en deux, ce sont vos politiques inégalitaires qui brutalisent, qui précarisent et qui compromettent l’avenir de la jeunesse.

      La LPPR et la #précarité aggravent les #inégalités_de_genre !

      https://www.youtube.com/watch?v=APTlUrAhi2M&feature=emb_logo

      Cette analyse féministe de la LPPR, qui met KO le patriarcat abject que le gouvernement veut perpétuer au sein de l’ESR, a été publié sur le Academia. En voici un extrait :

      Dès lors, ce ne sont pas seulement sept petites lignes rapidement rédigées qui soldent la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les 187 pages du texte de l’Étude d’impact de la LPPR, c’est bien un positionnement sur la condition féminine dans l’ESR et au-delà qui est révélé. La question de la place des femmes dans la recherche est abordée en considérant leur maternité potentielle, c’est tout. Les disparités salariales à grade égal, la diminution du nombre de femmes dès l’inscription en thèse alors qu’elles sont majoritaires auparavant, les freins à la carrière qui conduisent à une très moindre proportion de femmes parmi les professeurs des universités ou les directeurs de recherche, le moindre nombre de femmes déposantes et lauréates, logiquement mais pas seulement, aux appels à recherche ANR ou H2020 ne sont pas même évoqués.

      Comment ne pas lire dans ces lignes un propos réactionnaire sur les femmes et les moyens mis en œuvre pour atteindre l’égalité entre femmes et hommes ?

      L’émancipation est incompatible avec la précarité subie.

      La LPPR est injuste pour tous et toutes mais avec ces sept petites lignes, on a bien compris qu’elle se préoccupait encore moins de l’être avec toutes qu’avec tous. Alors on va le dire calmement mais fermement : on n’écrit pas une thèse avec son utérus, nos recherches ne sont pas plus dépendantes de notre désir de procréer ou non que celles des hommes, il n’existe aucune justification aux inégalités entre femmes et hommes dans l’ESR si ce n’est les résidus rances d’un patriarcat qui ne l’est pas moins. La précarité subie fragilise, pour l’heure la place des femmes dans l’ESR doit être renforcée. Ce texte est plein d’effluves irrespirables d’une conception hors d’âge de l’emploi des femmes, rejoignons alors Virginie Despentes : c’est terminé. On se lève. On gueule.
      On prend notre place.

      LPPR : Loi de Précarisation et de Privatisation de la Recherche

      https://www.youtube.com/watch?v=bHLuW-URllY&feature=emb_logo

      Une intervention conclusive, qui revient sur les principaux éléments de la LPPR. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter nos articles qui lui sont consacrés !
      TWEETStorm

      Pendant que nos camarades criaient leur indignation devant le ministère, de nombreux·ses autres exprimaient leur refus de la LPPR sur Twitter, plaçant nos hashtags #StopLPPR #StopPrécarité et #FacsEtLabosEnLutte parmi les plus utilisés en France aujourd’hui !

      Voici quelques unes des images créées et partagées à cette occasion.

      https://universiteouverte.org/2020/06/18/lappel-du-18-juin-contre-la-lppr

    • LPPR : le flowchart

      Le rapport annexe comme l’étude d’impact étant particulièrement nébuleux, il est très difficile de comprendre les raisonnements qui supportent les mesures envisagées dans la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Heureusement, Frédérique Vidal donne plus de précisions sur la logique qui sous-tend cette loi dans un entretien. Une modélisation de cette logique sous forme de flowchart permet d’identifier certaines décisions critiques, conduisant à l’étonnante mise à l’écart des solutions les plus simples, et le développement de solutions complexes et imparfaites.

      https://twitter.com/VidalFrederique/status/1273985042637783040?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      L’argumentaire de la Ministre dans cet entretien part de quatre constats : l’augmentation des #rémunérations, le besoin de #réinvestissement massif, le #temps_long de la recherche, et la perte de #compétences. A partir de là, plusieurs choix conduisent aux mesures de la LPPR : augmentation des primes, chaires de professeur junior, CDI de mission, augmentation de l’ANR et de son préciput, et développement du dialogue stratégique.

      On observe d’abord que les mesures proposées sont des solutions partielles, globalement insatisfaisantes puisque chacune renforce au moins un des constats d’origine. Ensuite, on observe que des solutions beaucoup plus globales sont déjà disponibles sans besoin de légiférer : améliorer l’#indiciaire, ouvrir des #postes au concours, et augmenter les #subventions pour charge de service public.

      La Ministre développe un argumentaire étonnant quant à l’exclusion de ces trois #mesures.

      Exclusion des trois mesures les plus évidentes
      Améliorer l’indiciaire

      L’indiciaire est la manière traditionnelle de fixer les rémunérations des fonctionnaires. C’est la manière la plus simple, puisqu’il s’agit d’une simple multiplication d’un point par un indice se trouvant dans une grille. C’est aussi la manière la plus égalitaire puisqu’elle ne dépend que de l’ancienneté, et la plus collective puisque point et grilles sont communs aux fonctionnaires et aux corps/classe.

      C’est donc un système de #rémunération particulièrement bien adapté aux missions d’enseignement et de recherche, pour lesquelles il est difficile d’évaluer la performance, imprédictible par nature, surtout de façon individuelle puisque ces missions sont collectives par nature.

      Pour exclure cette possibilité, Frédérique Vidal déclare « Je ne fixe pas les grilles indiciaires de la fonction publique ». Cet argument est particulièrement étonnant : personne ne demande à la Ministre elle-même de fixer ces grilles. D’ailleurs, l’Etat est justement engagé depuis 2017 dans un protocole de revalorisation des grilles indiciaires, le PPCR, notoirement peu abouti pour les Enseignants-chercheurs, ce qui démontre que c’est parfaitement possible. Cet argument doit être écarté.

      Très étonnamment aussi, l’Etude d’impact de la loi ignore totalement cette possibilité dans les « options possibles », qu’elle doit pourtant présenter de façon « aussi complète, objective et factuelle que possible ».

      En se dispensant ainsi de considérer le moyen le plus évident, les rédacteurs limitent leur champ des possibles à des solutions forcément plus compliquées, plus coûteuses, plus individuelles et plus inégalitaires.
      Ouvrir des postes au concours

      Là encore, il s’agit de la manière la plus simple de conserver les compétences : ouvrir des postes au concours avec les statuts existants, très attractifs compte tenu des taux de pression actuels (1 poste pour 7 candidats : 85% n’auront rien).

      Frédérique Vidal commence par justifier la baisse de ces postes ainsi : « Le problème, c’est qu’on a vu le nombre de postes mis au concours diminuer parce que l’augmentation mécanique du coût de la masse salariale absorbait une partie des moyens disponibles. ». Mme Vidal oublie de rappeler que cette situation résulte notamment d’une de ses propres décisions politiques : ne plus compenser du tout cette augmentation mécanique.

      Elle indique ensuite que « Le réinvestissement prévu a vocation à inverser la tendance. On aura une augmentation du nombre de postes mis au concours ». Mais cette affirmation est explicitement contredite par l’Etude d’impact : « Compte tenu de l’évolution des départs à la retraite sur les prochaines années, il serait possible de maintenir en flux le nombre actuel de postes mis aux concours et de consacrer tout ou partie du solde à cette nouvelle voie d’accès aux corps de professeurs et de directeurs de recherche ».

      D’après l’étude d’impact, l’investissement n’est donc pas pour ouvrir postes au concours, et les effectifs devraient baisser puisque la hausse des départs à la retraites devra servir à financer les nouveaux statuts. La hausse des concours avec les statuts actuels est de plus absente des « options possibles ».

      Encore une fois, les rédacteurs se dispensant de considérer le moyen le plus évident pour atteindre leur objectif.
      Augmenter les subventions pour charge de service public

      L’amélioration de l’indiciaire et l’ouverture des postes nécessitent évidemment une augmentation des subventions pour charge de service public (SPCSP), qui est la source principale et normale de financement pour les laboratoires et universités.

      Autre avantage des SPCSP : elles sont naturellement inscrites dans le temps long, abondent presque automatiquement les dotations de base, et sont surtout extrêmement simples à augmenter.

      Pour exclure cette possibilité, Frédérique Vidal affirme « La subvention pour charge de service public a été définie il y a plus de dix ans en fonction de comment les universités se présentaient elles-mêmes. Certaines ont mal estimé leur masse salariale à l’époque et se trouvent aujourd’hui en difficulté. Si je continuais dans ce système, alors je donnerais en effet plus à celles qui sont déjà mieux dotées. ». On ne pourra que s’en étonner : les SPCSP sont réévaluées chaque année, 10 ans semble un délais raisonnable pour corriger d’éventuelles erreurs d’appréciation, et rien n’empêche la ministre d’arbitrer en faveur d’un rééquilibrage avec le système actuel. L’argument doit être écarté.

      Là encore, l’étude d’impact, ainsi que tous les documents relatifs à la LPPR, traitent les questions de financement en ignorant purement et simplement le moyen principal de financement. En conséquence, la suite est un argumentaire en cascade, imparfait et peu convainquant.
      Conséquence : un argumentaire en cascade peu convainquant

      Le refus d’augmenter les SPCSP déclenche de nombreux problèmes subsidiaires. La Ministre note par exemple que « les établissements ne peuvent pas titulariser », or « il faut pouvoir proposer quelque chose d’attractif aux chercheurs ».

      La ministre propose donc de créer des Chaires de professeurs junior, mais qui représentent une augmentation des coûts, et renforce donc le besoin d’investissement, et par ricochet diminuent le nombre de postes, donc font perdre in fine des compétences.

      Elle propose également d’augmenter les budgets de l’ANR. Mais ceux-ci sont par nature temporaires, et ne permettent donc que des « CDD très courts ». La Ministre propose donc un nouveau « contrat qui correspond à la durée du financement », ce qui est contraire à l’inscription de la recherche dans le temps long, et ne résout pas le problème de la perte de compétences.

      De plus, l’ANR est par nature distincte des dotations de base. C’est pourquoi la Ministre propose d’augmenter le préciput. Mais cette augmentation déséquilibre les financements entre établissements, allant plus à ceux qui décrochent le plus d’ANR. Pour « rééquilibrer les financements », la Ministre propose alors d’user du « dialogue stratégique », mais ce dialogue dépend de la performance et non des charges de service public. Il faudra donc le dénaturer pour répondre au problème posé.
      Conclusion

      Cette analyse de l’argumentaire de la Ministre aboutit à la conclusion qu’en se privant des mesures les plus évidentes (indiciaire, ouverture de postes au concours et augmentation des subventions pour charge de service public), la loi est amenée à déployer des mesures beaucoup plus complexes et coûteuses. Surtout, ces mesures ne répondent qu’imparfaitement aux problèmes posés, et en renforcent même certains.

      La Ministre refusant de fournir des réponses raisonnables à propos de cette mise à l’écart des solutions les plus simples, nous n’avons d’autres choix que dresser une hypothèse. Le point commun de ces trois mesures est qu’elles renforcent l’autonomie académique : les SPCSP représentent la liberté maximale pour les établissements, et les postes titulaires accompagnés de dotations de base représentent la liberté maximale pour les enseignants et/ou chercheurs.

      Ces solutions vont donc objectivement à l’encontre des intérêts d’un ministère qui souhaiterait renforcer son contrôle sur l’appareil d’enseignement supérieur et de recherche. Cette hypothèse est au moins cohérente avec le constat dressé par le Sénat à propos de la mise en œuvre de la loi LRU : il y a « une part de responsabilité évidente de l’État dans l’incapacité des universités à assumer leurs nouvelles responsabilités dans des conditions optimales ».
      Un mot sur l’Etude d’impact

      Comme le pointent les confrères d’Académia :

      une étude d’impact « s’attache a fournir une évaluation préalable de la réforme envisagée, aussi complète, objective et factuelle que possible », « destinée a éclairer les choix possibles, en apportant au Gouvernement et au Parlement les éléments d’appréciation pertinents ». Elle « ne doit être ni un exercice formel de justification a posteriori d’une solution prédéterminée, ni une appréciation technocratique de l’opportunité d’une réforme qui viendrait se substituer a la décision politique ».

      En ignorant purement et simplement les solutions les plus simples et les plus utilisées pour résoudre les problèmes qu’il se pose, le document accompagnant la LPPR et signé par Marie-Anne Lévêque ne peut être considéré comme une étude d’impact.

      Plus généralement, ce document impressionne par le nombre des imprécisions et incohérences, conduisant à se demander s’il est simplement bâclé, s’il relève d’une manipulation consciente, ou si défendre les mesures de la LPPR est une tâche en réalité impossible.

      Pour seuls exemples, en plus de l’ignorance des solutions existantes aux problèmes présentés :

      L’argumentaire des Chaires professeur junior s’appuie essentiellement sur l’exemple des carrières allemandes, sans décrire la réalité de ces carrières : « 81% des répondant.e.s disaient regretter leur choix de carrière et chercher le moyen d’en sortir ».
      L’argumentaire pour les CDI de mission scientifique tient sur un seul argument : « il est plus facile lorsqu’on dispose d’un CDI de contracter un bail locatif ou un emprunt immobilier que lorsqu’on relève d’un contrat à durée déterminée ». Ce n’est pourtant pas ce qu’on constate.
      De façon plus éclatante encore : les valeurs cibles ne sont même pas des valeurs, mais des images collées sans aucun soin.

      Pour d’autres détails, vous pouvez vous référer à ce (très long) thread :
      https://twitter.com/JulienGossa/status/1271010159528153088

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/21/lppr-le-flowchart

      –----

      Commentaire de Marc Aymes, reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 22.06.2020 :

      Merci à Julien Gossa pour cette synthèse si utile.

      L’hypothèse d’une LPPR visant à confiner l’autonomie académique, en limitant au maximum les libertés des établissements comme des enseignants et/ou chercheurs, est forte.

      Toutefois, en réécoutant les propos du candidat Macron en 2017, on pourrait également être tenté d’envisager une seconde lecture possible.

      Il faut, disait-il :
      – réduire la part du MESRI en central,
      – mener une vraie réforme voire une suppression de l’organisation du recrutement des professeurs d’université,
      – développer de vraies filières sélectives.

      On pourrait lire à l’aune de ce triple projet les trois non-mesures aujourd’hui sous-jacentes au projet de LPPR :
      1/ Ne pas améliorer l’indiciaire, privilégier l’indemnitaire et l’intéressement : on confie les décisions de revalorisation aux bons soins des accords d’entreprise... pardon, d’établissement.
      2/ Ne pas ouvrir des postes au concours : avec les chaires de prof junior commence aujourd’hui la grande « réforme voire suppression » du recrutement de demain.
      3/ Ne pas augmenter les subventions pour charges de service public : car qui dit filière sélective (et « performante ») dit financement sur fonds propres.

      Sources :
      https://t.co/bcsCWu8fHj?amp=1
      https://twitter.com/adirlabos/status/1270111667750404099

    • D’une LPPR à l’autre : 14 ans de promesses inchangées

      En 2004, le gouvernement Jean-Pierre Raffarin de Jacques Chirac préparait la Loi programme pour la recherche (LPPR) de 2006, avec Luc Ferry pour ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche.

      En 2020, le gouvernement Edouard Philipe d’Emmanuel Macron prépare la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) de 2021, avec Frédérique Vidal pour ministre lʼEnseignement supérieur, de la recherche et de lʼinnovation.

      En 2004, « nous voulons tenir les #objectifs_de_Lisbonne / Je crois que c’est possible ; les 3 % en 2010, il faut que ce soit possible ». En 2020, la LPPR « prévoit, avant toutes choses / d’aller vers l’objectif d’un effort national de recherche atteignant 3 % du PIB ».

      En 2004, c’est « 70 milliards d’euros consacré à l’intelligence, Education et recherche. 70 milliards ! ». En 2020, c’est « un effort budgétaire supplémentaire de 25 milliards d’euros pendant les dix prochaines années, ce qui est sans précédent depuis plusieurs décennies ».

      En 2006 « Le futur projet de loi prévoit une très forte augmentation des crédits de cette agence qui pourraient atteindre 1,5 Md€ en 2010 ». En 2018, l’ANR a consacré 518M€ aux appels à projets de recherche. En 2020, Il faut « Accroître de 1 Md€ les financements compétitifs de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour être au niveau des standards internationaux »… Pour atteindre donc 1,5 Md€.

      En 2004, « il ne sert à rien d’opposer les différents types de recherche, notamment la recherche publique et la recherche privée ». En 2020, il y a « La nécessité de financer la recherche publique et de soutenir la recherche privée ».

      En 2004, il faut « mettre en place un dispositif pour clarifier la responsabilité des différentes institutions publiques de recherche ». En 2020, il faut « clarifier et d’unifier la place de ces unités dans l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche »

      En 2004, il faut « renforcer l’évaluation de leurs formations, de leur recherche ». En 2020, faut « une évaluation de façon harmonisée sur la totalité de leurs missions ».

      En 2004, il faut « pouvoir mener des politiques qui leur soient propres, avec leurs partenaires territoriaux ». En 2020, il faut « renforcer les politiques de site de l’ESRI et l’ancrage de chaque site dans son territoire ».

      En 2004, on discute de « La création d’un contrat de mission, intermédiaire entre contrat à durée indéterminée (CDI) et déterminée (CDD) ». En 2020, il faut un « un contrat à durée indéterminée de mission scientifique sera créé qui permettra d’allonger les contrats actuels ».

      En 2004, on voit « le pays douter de la recherche, ou douter des capacités qu’a la société à résoudre les problèmes qui lui sont actuellement posés ». En 2020, « la société française est traversée par des courants d’irrationalité et de doutes sur les progrès et les connaissances ».

      En 2004, « ce qui est préoccupant dans le développement de la Chine, c’est le développement des centres de recherche qui s’y développent ». Mais « Entre 2000 et 2016, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Allemagne, les Etats-Unis, l’UE-28 et le Royaume-Uni ont augmenté leur DIRDA significativement plus que la France ». En 2020, donc, « il est évident que, sur de nombreux sujets, c’est uniquement à l’échelle de l’Europe que nous pouvons espérer rivaliser avec les géants de la recherche que sont les Etats-Unis et la Chine ».

      En 2004, Bernard Larrouturou était PDG du CNRS. En 2020, l’auteur du rapport annexe de la LPPR est « blarrout ».

      En 2004, le gouvernement était « dans l’impasse des retraites ». En 2020 aussi.

      En 2004, le gouvernement annonçait « des réformes qui, dès cet été, seront en place pour les 20 ans qui viennent ».

      En 2020, « Une loi de programmation est nécessaire » car « La dernière loi de programmation de la recherche est la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006. L’absence de loi de programmation de la recherche depuis cette date est sans doute un des facteurs ayant conduit à l’état des lieux détaillé ci-dessus. »

      En 2004, peut-être pouvait-on y croire. En 2020, le peut-on encore ?

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/18/dune-lppr-a-lautre-14-ans-de-promesses-inchangees

    • Depuis le #CNESER, point de vue sur les négociations

      par Nicolas Holszchuch, directeur de recherche INRIA, élu SGEN

      Je suis nouvellement élu au CNESER ; je n’ai pas encore terminé la première année de mon premier mandat. Je ne suis encore qu’un débutant sur cette instance,malgré mon âge avancé.

      Je me rappelle encore mon enthousiasme en étant élu ; je pensais pouvoir avoir une influence à l’échelle nationale sur la recherche française. J’étais bien naïf…
      Une instance purement consultative

      Le CNESER n’est qu’une instance consultative. Et purement consultative : même si l’ensemble du CNESER vote, unanimement, contre un texte, le ministère peut toujours passer outre. Dans les Comités Techniques, en cas de vote unanime contre (et sans abstention), la direction est obligée de revenir une semaine plus tard avec un projet différent. Cette possibilité n’existe pas pour le CNESER.

      Une autre caractéristique du CNESER est sa composition : il y a des représentants des syndicats des chercheurs et enseignants-chercheurs, des représentatns des syndicats d’étudiants (UNEF, FAGE, ANDÈS,…), mais aussi des représentants du MEDEF ou des présidents d’université (CPU). Et, ce qui est important pour le fonctionnement de l’institution, personne n’a la majorité absolue. Non seulement aucun syndicat n’a la majorité absolue, mais en plus, même si vous regroupez tous les syndicats d’opposition (disons, par exemple, une alliance Sud + CGT + SNESUP), vous n’arrivez pas à la majorité absolue. C’est pareil si on regroupe tous les syndicats de négociation (une alliance, par exemple, CFDT + UNSA + FO), il n’y a pas la majorité. Pour faire adopter un texte ou une motion, il faut nécessairement rassembler au delà de son propre camp, ce qui implique une certaine capacité de négociation et de savoir tenir compte des avis des autres. Je ne porte pas de jugement sur ce fonctionnement, mais en conséquence c’est une instance où on est souvent dans la recherche de compromis.

      Les grands centrales syndicales nationales sont bien entendu représentées (CFDT, CGT, FO, Sud…). Et pour elles, il faut aussi prendre en compte l’impact du vote sur l’ensemble des travailleurs. Un vote au CNESER, c’est une position publique du syndicat, il faut que ça soit cohérent avec la politique nationale, ou au minimum explicable au conseil fédéral. Un amendement qui propose de supprimer toute la métallurgie française et de redonner les crédits à la recherche, ça serait probablement populaire auprès de la base, mais ça passerait moyen ensuite en conseil fédéral avec le représentant des syndicats métallurgistes. C’est pareil avec un amendement qui réforme le code du travail : il faut avoir une position cohérente au niveau national. Là encore, sans porter de jugement, ça a une influence sur le fonctionnement de l’instance : il faut non seulement rassembler au delà de son propre camp, mais aussi avoir une proposition acceptable pour une large part de la société.

      Même si le ministère peut passer outre un vote négatif du CNESER, le poids médiatique d’un vote « pour » est important (comme on le voit bien depuis vendredi dernier). Pour l’obtenir, le ministère négocie aussi en amont de la réunion avec les représentants des syndicats. C’est en partie là que se joue l’importance des élections professionnelles : les syndicats sont écoutés aussi en fonction de leur poids aux élections (et les listes non-syndicales ne sont souvent pas écoutées du tout).

      Racontons maintenant le CNESER sur la LPPR…

      Une session peu ordinaire

      J’essaie de faire abstraction de l’organisation matérielle du CNESER, mais disons que ça a duré 21h, de 10h du matin à 7h du matin le lendemain et que ça n’est pas raisonnable. Je ne vais pas vous faire un : « moi conseiller du ministre, ça ne se passera pas comme ça » (d’abord parce que je ne suis pas candidat), mais quand même…

      Une fois le projet de loi dévoilé, les organisations syndicales avaient jusqu’à mardi soir pour déposer des amendements. Il y en avait au total 300, et 225 après regroupement des amendements identiques, si je me souviens bien (dont 185 déposés par la seule UNEF).

      Le CNESER étant un organe consultatif, le fonctionnement général était : d’abord on vote un amendement, et ensuite (si vote favorable), la ministre nous dit si elle compte le retenir. Si le vote est défavorable, la question ne se pose bien sûr pas. Pour ne pas influencer les débats, la ministre n’est pas censée nous dire avant le vote si elle compte retenir ou pas un amendement, même si on se doute souvent de son avis.

      Sur tous les points controversés du projet de loi : chaires de professeur junior, CDI de mission, contrats de post-doc long… les syndicats avaient déposé des amendements de suppression, c’est à dire que si l’amendement est adopté, l’article du projet de loi est supprimé. Tous ces amendements ont été adoptés à une large majorité. Mais, sans surprise, la ministre nous a informé qu’elle ne comptait pas retenir ces amendements.

      Tous les syndicats avaient préparé à l’avance des amendements de repli. L’idéal serait qu’il n’y ait pas de CDI de mission, on est d’accord. Mais comme la ministre a le ministère et la majorité pour elle à l’assemblée, il y en aura. Donc, qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça ne soit pas insupportable pour les personnes concernées ? On a voté et accepté des amendements sur la durée minimum du contrat (3 ans), sur une durée minimum de préavis avant la fin du contrat (3 mois), sur l’obligation de justifier la fin du CDI de mission, sur l’impossibilité de ré-embaucher quelqu’un d’autre tout de suite après la fin du CDI de mission pour faire le même travail… Tous ces amendements ont été proposés, souvent par plusieurs syndicats, votés et acceptés. Et — ce qui est important — la ministre s’est engagée à les retenir dans le projet de loi.

      On peut voir le verre à moitié vide : ce sont des choses tellement évidentes qu’elles auraient dû être dans le projet initial. On peut voir le verre à moitié plein : elles seront dans le projet de loi final. Le CDI de mission commence à ressembler à un CDI.

      C’est pareil avec les autres points controversés (mais je n’étais plus dans la salle au moment du vote) : amendement de suppression voté mais rejeté par la ministre, amendements de modification votés et acceptés.

      À la fin de la nuit, le CNESER a voté sur l’ensemble du projet de loi. Si j’ai bien compris, le vote porte sur le projet de loi « en supposant qu’il intègre tous les amendements que la ministre s’est engagée à retenir », pas le projet de loi initial ni (hélas) le projet de loi avec tous les amendements adoptés par le CNESER (en même temps, il ne resterait plus grand chose, dans cette hypothèse)1.

      Sur la négociation, on peut se poser la question : « est-ce qu’on a obtenu tout ce qu’on voulait ? ». La réponse est évidemment non. Mais on n’a pas non plus rien obtenu. On a obtenu pas mal de points positifs, qui auront un impact concret sur des personnes concrètes.
      Est-ce qu’on a obtenu assez pour justifier un vote pour ? Je ne le pense pas, mais je n’étais pas présent à 6h du matin au moment du vote crucial. Un négociateur se demande aussi : « est-ce qu’on a obtenu tout ce qu’on pouvait obtenir ? », et sur ce point là je penche vers l’affirmative.

      https://academia.hypotheses.org/24791

    • LPPR : 25 Md€ d’ici 2030 dont 104 M€ pour 2021 ; détail des trois programmes de la Mires impactés

      Une hausse des moyens alloués à la recherche de 23,776 Md€ sur la période 2021-2030, dont +104 M€ pour l’année 2021. Tels sont les deux principaux chiffres à retenir du titre 1er du « Projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 » qui sera présenté par le gouvernement aux membres élus et personnalités qualifiées membres du Cneser le 12/06/2020 et dont News Tank a obtenu copie le 07/06.

      Dans le détail, l’évolution cumulée des crédits de paiements, entre la loi de finances initiale 2020 et celle de 2030, des trois programmes de la #Mires concernés par l’article 2 du projet de loi doit être de :

      • +16,555 Md€ pour le programme 172 « #Recherches_scientifiques_et_technologiques_pluridisciplinaires »,
      • -1,038 Md€ pour le 193 « #Recherche_spatiale », une baisse liée à « un effort particulier et conjoncturel en 2019 et encore plus en 2020, pour rembourser la dette que [la France] avait contractée au cours des années précédentes vis-à-vis de l’#ESA » ;
      • +8,259 Md€ pour le 150 « #Formations_supérieures_et_recherche_universitaire » (hors contribution du titre 2 au compte d’affectation spéciale « pensions »).

      L’objectif est de prévoir un « #réinvestissement massif dans la #recherche_publique, dont l’effet de levier doit permettre d’aller vers l’objectif d’un #effort_national_de_recherche atteignant 3 % du PIB » et « vient consolider les outils actuels de #financement et de #pilotage de la recherche avec un #effort_budgétaire supplémentaire de 25 Md€ pendant les dix prochaines années, ce qui est sans précédent depuis plusieurs décennies ».

      La somme des crédits supplémentaires par année pour chaque programme tels qu’annoncés par le texte, et calculée par News Tank, montre toutefois une différence de 1,33 Md€ par rapport aux 25 Md€ annoncés. Interrogée sur ce point le 08/06, Frédérique Vidal indique : « les marches qui sont prévues aboutissent bien à 25 Md€, mais de la même façon qu’il va y avoir extinction de la dette de l’ESA cette année, il y a aura extinction d’autres dettes au fur et à mesure de la programmation budgétaire telle qu’elle a été faite ».

      « Le président de la République a fixé un cap, qui porterait enfin l’effort de recherche de la nation à 3 % de notre PIB », indique le rapport annexé au projet de loi, ajoutant que : « les difficultés économiques que nous traversons à la suite de la crise sanitaire rendent d’autant plus important un réinvestissement massif dans la recherche pour éviter qu’elles ne se traduisent par une forte baisse des budgets de #R&D qui obérerait durablement notre avenir ».

      L’analyse des budgets alloués à l’ANR et des mesures liées à son fonctionnement feront l’objet d’un prochain article de News Tank dédié à ce sujet.

      La #ventilation globale sur 2021-2030

      Selon l’article 2 du projet de loi, les #crédits supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale 2020 pour les programmes « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (P172), « Recherche spatiale » (P193) et « Formations supérieures et recherche universitaire » (P150 hors contribution du titre 2 au compte d’affectation spéciale « pensions ») évolueront entre 2021 et 2030, à périmètre constant, comme suit (les colonnes 2023 à 2026 sont masquées par défaut) :

      « #Revalorisation de tous les métiers »

      « L’ensemble des moyens ainsi programmés doit permettre une revalorisation significative de tous les métiers scientifiques, qu’il s’agisse des enseignants-chercheurs, des chercheurs, des ingénieurs, des administratifs, des bibliothécaires ou des techniciens », indique l’exposé des motifs du projet de loi.

      « Cette revalorisation a vocation à porter de façon prioritaire sur les débuts de carrières des enseignants-chercheurs et des chercheurs, où apparaît le différentiel le plus net, tant avec les salaires de chercheurs observés dans d’autres grands pays scientifiques qu’avec les autres métiers publics ou privés auxquels peuvent aspirer les jeunes docteurs ».

      Évolution des #effectifs

      Selon le rapport annexé au PdL, l’incidence de la LPPR sur les effectifs sous plafond de l’État et des opérateurs des trois programmes budgétaires 150,172 et 193 est le suivant :

      92 M€ de revalorisation indemnitaire dès 2021 confirmés

      Pour faciliter les mobilités entre universités et organismes, l’objectif sera de faire converger les montants moyens de primes entre les différents types de personnels « afin de remédier à [d]es disparités historiques, mais peu justifiées aujourd’hui », indique le rapport annexe. « À cette fin, dès l’année 2021, 92 M€ supplémentaires y seront consacrés ainsi que des montants analogues les années suivantes dans le cadre de la programmation pluriannuelle de la recherche. »

      Dotation de démarrage de 10 k€

      Toujours selon le rapport annexé au projet de loi « tous les nouveaux recrutés comme chargés de recherche et maîtres de conférences se verront allouer une #dotation_de_démarrage pour lancer leurs travaux ».

      « Nous maintenons les modes de recrutement traditionnels des maîtres de conférences, chargés de recherche, concours d’agrégation et l’on y ajoute la possibilité pour tous les jeunes recrutés de bénéficier d’une #prime à l’entrée de 10 k€ pour démarrer leurs recherches, sans avoir à chercher de financements », précise Frédérique Vidal, ministre de l’Esri, le 08/06/2020.

      Trajectoire des crédits de paiement des programmes 172 (+16,555 Md€ sur dix ans)

      Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est donc le principal bénéficiaire de l’effort budgétaire inscrit dans l’article 2 de la loi de programmation :

      Selon le rapport annexé au PdL, cette augmentation des crédits du programme 172 bénéficiera non seulement aux organismes nationaux, dont les subventions pour charges de service public sont intégrées dans ce programme, mais aussi aux universités et aux écoles « puisque la hausse des crédits de ce programme inclut notamment le fort accroissement du budget d’intervention de l’#ANR et l’augmentation des financements en faveur de l’#innovation, qui concernent l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ».

      Trajectoire des CP du programme 150 (+8,259 Md€ sur dix ans)

      Si la programmation budgétaire inscrite à l’article 2 de la LPPR inclut la totalité des crédits inscrits aux programmes 172 et 193, « elle ne concerne, pour le programme 150 “Formations supérieures et recherche universitaire”, que les incidences budgétaires des mesures de la présente loi sur ce programme ».

      Il s’agit des crédits qui financeront, dans les établissements d’enseignement supérieur sous tutelle du Mesri :

      - les #revalorisations_indemnitaires destinées aux personnels des établissements d’enseignement supérieur financés par le programme 150 ;
      – les divers dispositifs relatifs à la valorisation ou au recrutement d’#enseignants-chercheurs : revalorisation de la rémunération des #maîtres_de_conférences nouvellement recrutés, revalorisation du montant et accroissement du nombre des #contrats_doctoraux, environnement des « chaires de #professeur_junior », etc. ;
      – l’attribution de moyens aux établissements d’enseignement supérieur dans le cadre du dialogue contractuel et du dialogue stratégique et de gestion.

      « Ceci signifie notamment que les mesures budgétaires inscrites à l’article 2 de la LPPR n’incluent pas les moyens des universités dont les évolutions sont affectées par la démographie étudiante : ces moyens ne sont pas programmés dans le cadre de la LPPR, et leur évolution sera examinée chaque année dans le cadre du projet de #loi_de_finances ».

      Trajectoire des CP du programme 193 (-1,038 Md€ sur dix ans)

      Si sur le programme 193 « Recherche spatiale », la programmation budgétaire inscrite à l’article 2, en écart à la loi de finances 2020, « peut apparaître en retrait, la réalité est bien celle d’un accroissement structurel de l’investissement dans ce domaine », indique le rapport annexé au PdL.

      « La France a réalisé un effort particulier et conjoncturel en 2019 et encore plus en 2020, pour rembourser la dette qu’elle avait contractée au cours des années précédentes vis-à-vis de l’#Agence_spatiale_européenne, si bien que le montant budgétaire 2020 des crédits de ce programme est un point historiquement haut qui n’est pas réellement significatif.

      Le graphique suivant montre que, si l’on met à part les années 2019 et 2020, les crédits de ce programme sont en croissance régulière sur la période 2017-2030 ce qui témoigne de l’effort structurel de l’État pour la recherche spatiale dans la durée ».

      Des moyens complémanetaires pour les #laboratoires

      En complément des moyens budgétaires dont les évolutions sont fixées à l’article 2 de la LPPR, « les laboratoires bénéficieront également d’autres accroissements de leurs ressources », indique encore le rapport annexé au PdL :

      « En particulier, les programmes d’investissement d’avenir continueront d’apporter un soutien aux écosystèmes de l’Esri. Le gouvernement prévoit que les prochains #PIA permettent de maintenir le niveau de financements additionnels attribués aux établissements de l’Esri. Ce nouveau PIA permettra notamment de financer des #programmes_prioritaires_de_recherche et de soutenir des actions ciblées de #formation, de #recherche et d’innovation liées aux axes prioritaires qui seront retenus pour répondre aux enjeux de #transition de notre économie et de notre société.
      Les laboratoires publics bénéficieront aussi d’une augmentation sensible des #financements_européens, notamment dans le cadre du programme #Horizon_Europe et du fait des efforts de mobilisation accrus de l’ensemble des établissements de l’Esri pour accroître leur participation.
      Enfin, il est attendu que, outre l’accroissement important des financements attribués par l’ANR, les établissements publics de l’Esri continueront à augmenter leurs autres #ressources_propres mobilisées pour financer des travaux de recherche, provenant notamment des #entreprises, des #collectivités_territoriales, ou de tout autre financeur français ou étranger ».

      Concernant ce dernier point, le projet de LPPR prévoit un effort budgétaire cumulé de 7,03 Md€ sur 2021-2030, dont 149 M€ en 2021 et 293 M€ en 2022. L’analyse détaillée de l’évolution du budget alloué à l’ANR via le projet de LPPR fera l’objet d’un article de News Tank dédié.

      Atteindre 3 % du PIB pour la recherche

      À l’article 1 du PdL est approuvé « le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de recherche et les moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2021-2030 en prenant en compte l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises à 3 % du produit intérieur brut au cours de la décennie suivante ».

      Selon le rapport annexé au projet de loi, « les grands espoirs que nous plaçons en la recherche et notre volonté de porter une loi ambitieuse s’inscrivent dans un contexte où l’effort de recherche global — public et privé — mesuré par le ratio entre les dépenses intérieures de R&D et le PIB :

      - avoisine 2,2 % en France ;
      – et régresse légèrement depuis plusieurs années : 2,28 % en 2014, 2,23 % en 2015, 2,22 % en 2016, 2,19 % estimés en 2017.

      Cette trajectoire éloigne la France de « l’#objectif_de_Lisbonne », fixé à 3 %. En valeur relative, la Dird française est supérieure à la moyenne de l’UE28, mais inférieure à la moyenne de l’OCDE (2,37 %).

      « L’écart entre la France et les pays les plus ambitieux en matière de R&D s’accroît : en Allemagne, l’objectif de 3 % est désormais atteint et le gouvernement a fixé une nouvelle cible à 3,5 %. Au Japon, le niveau actuel est à 3,2 % et la cible à 4,0 % ; en Corée du Sud, la Dird représente 4,5 % du PIB et la cible est à 5,0 % ».

      Un « #déficit_chronique d’investissement »

      Selon l’exposé des motifs du PdL, ce « déficit chronique d’investissement fragilise l’ensemble de notre système de recherche et a des répercussions immédiates sur les chercheurs et les enseignants-chercheurs en France : la rémunération en début de carrière des scientifiques, recrutés à partir de 1,4 Smic à l’âge moyen de 33 ou 34 ans, est inférieure de 37 % à la moyenne des pays de l’OCDE.

      Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les #carrières_scientifiques attirent de moins en moins les étudiants de sorte qu’en un peu moins de 20 ans, le nombre d’admissions en cycle doctoral est passé de près de 20 000 à 17 000 aujourd’hui ».

      Impact sur la #Dirde

      Selon le rapport annexé au PdL, la LPPR « entraînera cependant une hausse de la Dirde, car elle fait du développement de l’innovation et de l’accroissement des relations des laboratoires publics avec les entreprises une priorité majeure, et porte de nombreuses actions en ce sens.

      Qu’il s’agisse de :

      – celles qui concernent les #doctorants — notamment ceux qui préparent leurs #thèses dans le cadre d’une entreprise — et leur insertion dans les entreprises ;
      - des mesures en faveur de la création et de la croissance des #start-up, notamment les start-up de haute technologie ;
      – de l’amélioration du #transfert vers les entreprises des connaissances et des technologies ;
      – du renforcement de la #recherche_partenariale et de la mobilité entre la recherche publique et la #R&D_privée ;
      – de la mobilisation des acteurs français, publics et privés, dans les programmes de recherche et d’innovation européens ;
      – ou, sur le moyen et long terme, indirectement, de l’accroissement de l’#attractivité et du #rayonnement de la recherche publique française : toutes ces actions, articulées avec celles qui seront menées dans le cadre du #Pacte_productif, des #programmes_d’investissement_d’avenir et par #Bpifrance, contribueront à l’accroissement de la Dirde ».

      CIR : un outil « central »

      Selon le rapport annexé au PdL, « cet effort est particulièrement bienvenu dans le contexte actuel de sortie progressive de crise sanitaire. En effet, la mauvaise conjoncture économique à venir dans les prochains mois pourrait se traduire par une baisse significative du financement privé de la R&D ce qui fragiliserait pour les prochaines années notre potentiel de croissance économique.

      Au-delà des mesures déjà citées, le #CIR (#crédit_impôt_recherche) constituera pendant cette période un outil central de soutien à la Dirde. La dépense fiscale sera amenée à croître afin d’accompagner le réinvestissement des entreprises dans la recherche aussi bien que l’emploi des jeunes chercheurs dans le secteur marchand afin de contribuer à la reprise de l’activité économique ».

      https://education.newstank.fr/fr/tour/news/185191/lppr-25-md-ici-2030-104-2021-detail-trois-programmes-mires-impact
      #budget

    • La loi de programmation de la recherche (LPPR) est tout le contraire de ce que nous voulons

      « Les chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses sont devenus des chercheur·ses d’argent », déplorent trois représentants syndicaux. Face à la précarisation des chercheurs et à la généralisation des recherches de court terme, elles et ils refusent l’austérité imposée par la LPPR et formulent un ensemble de propositions pour le financement de la recherche, « un choix de société ».

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) est tout le contraire de ce que nous voulons : un enseignement supérieur et une recherche au service de toutes et tous avec des moyens humains et matériels garantis et pérennes.

      La violence de la crise sanitaire et l’impact économique et social du confinement révèlent la vulnérabilité de sociétés qui reposent sur un capitalisme mondialisé, mis en œuvre par des politiques néolibérales. Depuis maintenant bien trop longtemps, ces politiques se sont employées à soutenir les marchés et la rentabilité des entreprises sans se soucier de l’impact de leur production sur l’emploi et les besoins des populations. Elles conduisent au désengagement de l’État en matière d’orientation de l’économie, de cohésion sociale et de protection des populations. La crise sans précédent que nous traversons montre à quel point un service public fort est indispensable pour maintenir le cap dans la tempête. L’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) n’échappe pas à ce constat. L’ESR a besoin d’un vrai service public national avec des actrices et des acteurs ayant les moyens de travailler sur le long terme en toute indépendance des pouvoirs politiques et économiques. Nous avons vu les limites d’une recherche sur appel à projet, des chercheur·es ayant dû arrêter par le passé leurs recherches sur les coronavirus faute de moyens. Des conflits d’intérêts entre chercheur·ses et des grandes entreprises dans les domaines pharmaceutiques sont apparus à la faveur des recherches thérapeutiques contre la COVID-19. La période que nous traversons souligne l’importance des Comités d’Hygiène, de Sécurité et de Conditions de travail (CHSCT). Leur intervention a permis dans beaucoup d’établissements de protéger les travailleur·ses, que ce soit en améliorant sensiblement l’évaluation des risques et l’organisation du travail, ou à défaut en empêchant les sites de ré-ouvrir dans des conditions dangereuses... Ce sont pourtant ces instances précieuses que la loi Dussopt sur la Fonction Publique entend supprimer.

      Dans ce contexte, nous aurions pu espérer un sursaut de prise de conscience de l’impasse où nous conduisent ces politiques de la part du pouvoir en place, donnant aux personnels du service public de l’ESR des moyens permettant d’assurer leur travail et aux étudiant.es, des conditions de vie et d’études satisfaisantes. Mais la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) annoncée par Mme Vidal accélère au contraire la destruction de ce service public. Dénoncée par les personnels et les étudiant·es mobilisés contre ce projet de loi, la LPPR ne répond non seulement à aucun des enjeux faute de moyens suffisants, mais pire elle accentuerait les défauts du système actuel, notamment en renforçant la précarité des personnels comme du financement des unités et des établissements. Cette loi ne revient pas non plus sur la limitation d’accès aux études supérieures (ParcourSup et hausse des droits d’inscription), la réduction de l’offre de formation, qui accélèrent la marchandisation des savoirs.

      La recherche et l’enseignement supérieur sont malades de l’austérité que subit la Fonction Publique depuis des décennies, mais aussi malades de la succession des lois de démantèlement, marchandisation et désengagement de l’état (Pacte pour la recherche, lois LRU 1& 2, RCE, loi ORE…) ; malades également du management néolibéral, qui promeut toujours plus de compétition avec comme corollaire toujours plus de bureaucratie.

      Les chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses de la Fonction Publique sont devenus des chercheur·ses d’argent, contraints à travailler toujours davantage sur des recherches de court terme financées par appel à projets générateur d’embauches de précaires sous-payés et largement exploités en lieu et place de recrutement sur postes pérennes. Le travail des personnels bibliothécaires, ingénieurs, administratifs et techniques (BIATSS et IT) se réduit trop souvent à former ces jeunes précaires qui se succèdent rapidement faute de perspectives, sans plus aucune implication intellectuelle dans les projets développés. À la perte d’avancées scientifiques faute de financement à long terme, à la déstabilisation des équipes liée à un turn-over accru du personnel et à la mise à mal de l’indépendance de la recherche publique, s’ajoutent une perte de sens et une généralisation de la souffrance au travail. À bien des égards, le diagnostic est proche de celui fait par nos collègues des hôpitaux. Le néolibéralisme tue le service public à petit feu.

      Pour la FERC CGT, il s’agit d’abord de rompre avec l’austérité en donnant enfin des moyens, matériels, financiers et en personnels, au système. Mais, il faut aussi un changement complet de paradigme pour une production de connaissance scientifique et un partage du savoir qui soient à la hauteur des enjeux sociaux et écologiques auxquels nous devrons répondre dans les années qui viennent. La FERC CGT met sur la table un certain nombre de propositions pour exiger la mise en place d’une autre politique :

      Le statut de fonctionnaire est la garantie de l’indépendance des personnels de l’ESR, vis-à-vis des pouvoirs économiques, mais aussi du pouvoir politique. Nous revendiquons que l’emploi statutaire passe par l’embauche de fonctionnaires. La FERC CGT est donc opposée à la généralisation de la précarité, avec notamment les CDI de mission ou des CDD « tenure track » prévus dans la LPPR. Pour cette même raison, la loi de la Transformation de la Fonction Publique qui organise le démantèlement du statut de fonctionnaire et des droits des salariés avec la suppression des CHSCT et des CAP doit être abrogée.

      Les personnels de l’ESR sont très largement sous-payés par rapport à ceux des autres pays de l’OCDE, mais aussi en deçà du reste de la Fonction Publique d’État à niveau de qualification équivalente. Le ministère propose des primes au mérite pour rattraper ce retard. Ces primes ne sont pas la solution, car distribuées de manière différenciée, elles augmenteraient la compétition entre les agent·es et génèreraient un climat délétère sans régler le problème de fond. Pour la FERC CGT, il faut revaloriser les salaires et les carrières, cette revalorisation doit s’accompagner d’une augmentation de 18 % du point d’indice, ce qui correspond à la perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires depuis 2000. Les salaires des fonctionnaires sont devenus miséreux à cause du gel du point d’indice ! Nous le répétons, la FERC CGT est contre le morcellement des 3 Fonctions publiques et n’acceptera pas des différences dans la valeur du point d’indice, selon qu’il s’agisse de la Fonction publique d’État, de la Fonction publique territoriale, de la Fonction publique hospitalière.

      L’emploi statutaire s’érode depuis des années avec une explosion concomitante de la précarité. Après l’échec de la loi Sauvadet dans l’ESR, nous revendiquons un vaste plan de titularisation de tous les précaires actuellement employés sur emplois pérennes. En 2017, la France comptait 23.618 enseignant·es-chercheur·ses (EC), 5116 chercheur·ses, et 31.675 BIATSS ou IT contractuel·les précaires employés sur missions permanentes. Ce plan de titularisation ne suffira pas à lui seul à compenser les suppressions d’emplois dans la recherche et le retour d’un taux d’encadrement des étudiant·es acceptable. De la même façon, les personnels des CROUS, maillon essentiel à l’accueil et accompagnement des populations étudiantes doivent relever du statut de fonctionnaire et il est donc essentiel de lancer une campagne de concours de titularisation conforme aux engagements pris par l’État. La FERC CGT propose un plan de titularisation des personnels précaires et la mise en œuvre d’un plan pluriannuel de création d’emplois de fonctionnaires dans tous les corps. Il faut au moins l’équivalent de 70.000 emplois titulaires à temps plein supplémentaires sur 4 ans.

      La recherche contractualisée en mode projet nous conduit droit dans le mur. Fondée sur le court terme (projets à 3-4 ans) et des « livrables » prédéfinis, elle limite le développement d’une libre recherche, suivant sur du long terme toutes les pistes possibles. Elle est aussi un véritable gaspillage de temps et d’argent. Si l’on tient compte du temps passé pour monter les projets, les évaluer et en assurer le suivi organisationnel, les frais de gestion du projet s’élèvent à près de 50% de son montant total : 2,3 Mds € sont ainsi perdus en pure perte, au prétexte de ne donner des moyens qu’à des soi-disant « excellents », et en ayant créé de toutes pièces un mille-feuille administratif et bureaucratique. La FERC CGT revendique la suppression de l’ANR, des initiatives d’excellence, ainsi que du Crédit Impôt Recherche (CIR) et propose à l’inverse la redistribution des moyens aux unités et établissements sous forme de dotations pérennes. Les budgets d’État des CROUS doivent être augmentés et pérennes, et les CROUS doivent disposer d’une rallonge financière d’urgence de 230 M€ de crédits d’État au moins.

      Les personnels souffrent de logiques managériales. Ces logiques libérales usent les personnels, provoquent une perte du sens du travail et empêchent la réalisation des missions de service public. La FERC CGT est pour la suppression de l’HCERES et demande le retour des prérogatives du CoNRS et de la CNU. Elle s’oppose à l’évaluation individuelle des EC dont le renforcement est prévu dans la LPPR. Nous sommes aussi pour mettre un terme aux fusions et autres ré-organisations d’universités qui ne font qu’accentuer les inégalités sur le territoire et préparent la marchandisation de grandes « universités de recherche ». La FERC-CGT demande le renforcement des organismes nationaux de recherche et des universités dans leurs missions de développement des connaissances dans toutes les disciplines.

      Nous devons reconstruire un service public de la publication scientifique. L’édition scientifique a été préemptée par des grands groupes privés qui génèrent des profits importants (plus de 20% de marge) sur le dos des scientifiques et de nos impôts. Ce système alimenté par le management selon le « publish or perish » a fait exploser le nombre de publications, mais aussi le nombre de fraudes scientifiques. Nos publications et données doivent redevenir gratuites et accessibles à toutes et tous.

      L’enseignement à l’université doit être repensé, pour lui restituer ce qui en fait un système riche et original de « formation à et par la recherche », de formation à l’esprit critique et à la citoyenneté. Le statut des enseignant·es du supérieur doit rester un statut d’enseignant·e-chercheur·se et la formation dispensée doit rester adossée à la recherche à tous les niveaux ou cycles de formation. Elle doit également contribuer au développement et à la diffusion des connaissances pour l’ensemble de la société. Des moyens pérennes (financiers et humains) sont nécessaires pour cela. La FERC CGT dénonce aussi la tentative de généralisation de l’enseignement à distance, avec l’université « dématérialisée », sans contact humain et sans expérience du collectif, que Mme Vidal voudrait mettre en place pour la rentrée 2020. Le Lien pédagogique assuré durant le confinement grâce à l’implication exceptionnelle des personnels est forcément un pis-aller qui ne permet pas les interactions directes étudiant·es-enseignant·es qui sont irremplaçables. Les classes virtuelles ne sauraient en effet remplacer l’indispensable socialisation estudiantine qui se noue sur les bancs des universités (amphithéâtre, groupes de travaux dirigés…). Comment former des étudiant·es qu’on ne connait pas ? Comment savoir leur degré d’implication ? Comment éviter la sélection sociale, que ce soit par l’accès privilégié aux ressources numériques, l’accès au logement étudiant décent ? Quelle va être la situation pour les enseignant·es et les étudiant·es qui se retrouvent isolés et dépassés par cette « nouvelle » pédagogie ? Comment faire face à un métier qui exige et se nourrit du contact direct et des échanges avec pour objectif l’acquisition de l’autonomie, de la méthodologie et de l’esprit critique dans l’acquisition des savoirs. Le télé-enseignement et plus généralement le travail à domicile doivent demeurer l’exception et non la règle.

      Les étudiants doivent avoir les moyens d’étudier dans de bonnes conditions. La FERC CGT est pour la création d’un véritable service public du logement étudiant, de restauration universitaire et du service social pour la vie étudiante, avec des moyens renforcés pour les CROUS. Vivement opposés à toute hausse des frais d’inscription, nous proposons aussi la suppression des frais d’inscription, qui ne représentent qu’une part infime du budget des universités. L’université publique comme l’école doit être gratuite et accessible à toutes et tous.

      Toutes ces mesures ont un coût, mais les moyens existent. C’est un choix de société. Avec la mise en œuvre de ce plan alternatif ambitieux, l’investissement dans la recherche publique dépasserait à peine les 1% du PIB et l’investissement global dans la recherche serait encore très loin des 3% préconisés par l’Union Européenne. Par ailleurs, la remise à plat de tout le millefeuille bureaucratique de la recherche sur appels à projets (ANR : 672 M€, PIA3, 1 Mds € en 2019) et la suppression du CIR (6 Mds €) qui a démontré son inefficacité, ainsi que le redéploiement des crédits du Service National Universel permettraient de débloquer des moyens.

      Ces propositions sont largement incompatibles avec le projet de loi actuel. Nous demandons l’abandon du projet de LPPR, l’allocation de moyens à la hauteur des besoins du service public d’ESR, et l’ouverture de vraies négociations avec les organisations syndicales sur la base des revendications largement partagées par les personnels de l’ESR. Les propositions que nous faisons sont de nature à libérer les acteurs de l’ESR des contraintes bureaucratiques dans lequel le néolibéralisme les a enfermés, pour produire plus de connaissances scientifiques à travers une recherche de qualité et les partager le plus sereinement possible au plus grand nombre d’étudiants au sein de l’université et participer à l’essor et l’avenir de la société.

      En conclusion, le courrier de Madame Vidal aux membres de la communauté de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ne dit en réalité qu’une chose : malgré le rejet massif de la communauté scientifique, le gouvernement entend continuer et même aggraver la politique mise en œuvre depuis des années à l’encontre du service public national de l’ESR.

      Pour faire face aux enjeux sociaux et environnementaux, nous avons plus que jamais besoin d’une recherche de qualité et de citoyens formés par un enseignement supérieur public correctement financé. C’est le sens de nos propositions, que nous mettons en débat.

      Signataires :

      Cendrine Berger (Secrétaire de la CGT FERC Sup) ;
      Hendrik Davi (Secrétaire de la CGT INRAE) ;
      Josiane Tack (Secrétaire du SNTRS-CGT).

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/240620/la-loi-de-programmation-de-la-recherche-lppr-est-tout-le-contraire-d

    • Une université ouverte, combien ça coûte ?

      Après des mois de refus de mettre en discussion le contenu de la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), la Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche (ESR) entend la faire voter à marche forcée. Nous présentons ici les revendications chiffrées des Facs et Labos en Lutte. Elles correspondent largement à l’avis du Coneil Economique, Social et Environnemental, très défavorable à la LPPR.

      Le projet de loi présenté aux élu·es du Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER, le 18 juin 2020) confirme son manque d’ambition budgétaire et, surtout, poursuit une logique néolibérale de l’ESR fondée sur la précarisation des ressources financières (recherche en mode projet) et des personnels (Chaires de professeur junior, CDD Tenure Track, CDI de mission).

      La future loi prévoit ainsi une augmentation du budget de l’ANR (Agence nationale de la recherche) et le maintien des dispositifs renforçant la concentration des moyens sur une minorité d’unités et de chercheur·ses, comme les initiatives d’excellence, alors même que la crise sanitaire a montré les graves limites de ce modèle, qui a empêché la poursuite de recherches sur les coronavirus en coupant les financements récurrents.
      Ensuite, la création de CDI de mission et de CDD de type Tenure Track en lieu et place du recrutement de fonctionnaires ne feront qu’accroître la précarité. La possibilité de recruter jusqu’à 25% du flux annuel de directeur·trices de recherche et de professeur·es sous cette forme menace à terme l’existence même des statuts de maitre·sses de conférence et de chargé·es de Recherche.
      Par ailleurs, les annonces budgétaires prévues dans la loi sont très en deçà des promesses faites par le président de la République, et encore plus des besoins réels, si l’on prend en compte l’augmentation du nombre d’étudiant·es (+30 000/an) et le volume de recherche nécessaire pour répondre aux enjeux sociaux, de santé et de connaissance. Au mieux, le gouvernement propose une croissance équivalente à celles des années précédentes, et l’essentiel des promesses budgétaires porte sur les gouvernements futurs, qui ne seront nullement engagés par la loi.

      Une augmentation massive des effectifs de fonctionnaires est nécessaire dès à présent du fait de l’accroissement du nombre d’étudiant·es, pour une meilleure qualité d’enseignement et pour mettre en oeuvre les mesures de distanciation physique, tout en maintenant les activités de recherche.

      Contre la marchandisation des savoirs et face aux crises écologiques, sociales et sanitaires, nous exigeons toujours le retrait de ce projet de loi. Par ailleurs, nous proposons un contre-projet défendant les ressources collectives de la production des connaissances qui consiste en un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires, et qui assure un revenu garanti pour les étudiant·es et une redistribution plus égalitaire des moyens fondé·es sur deux principes :

      l’emploi de fonctionnaires pour résorber la précarité et assurer l’indépendance des chercheur·ses dans la poursuite de leurs travaux sur le temps long ;
      des dotations pérennes aux unités de recherche, à la hauteur des enjeux.

      Sur la base de ces revendications portées par les organisations syndicales et les travaux d’une commission du comité de mobilisation, qui s’est réunie lors des coordinations nationales de la recherche de février et mars 2020, voici les différents éléments de chiffrage à même de constituer la base d’un véritable projet alternatif.
      Une hausse des budgets

      En France, l’ensemble des activités de recherche et développement (R&D), dans les domaines public et privé, atteint 2,19 % du PIB en 2017. C’est en-deçà de l’objectif de l’UE, fixé à 3% dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », ainsi que de l’objectif français établi par la stratégie nationale de la recherche (SNR). Ce chiffre place la France à la 5ème et avant-dernière place des six pays de l’OCDE les plus importants en termes de volume de dépense intérieure de recherche et développement (DIRD). Dans le projet de loi de Finance 2020, le budget du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) était de 25,5 Milliards d’euros. De nombreuses estimations basées sur le PIB ont souvent été mises en avant par les organisations syndicales : 1% pour la recherche publique civile, 2% pour l’enseignement supérieur par exemple. Cependant, si ces estimations sont intéressantes pour donner des ordres de grandeur, elles ont plusieurs défauts : elles ne prennent pas en compte la nécessaire décroissance de la production de certains biens ou services pour réduire notre impact écologique – ce qui peut aller de pair avec une réduction du PIB ; elles ne se sont pas révélées robustes ni dans le contexte de crise économique de 2008, ni dans celui de la crise sanitaire d’aujourd’hui. Ici, nous préférons donc mettre en avant une autre démarche qui parte des besoins dans la recherche et l’enseignement supérieur. Nous listons donc une série de propositions qui doivent être mises en place dans les 5 ans à venir avec les budgets correspondants. Certaines de ces revendications ne concernent pas directement le MESRI (comme le revenu étudiant), mais toute la politique gouvernementale.

      Titularisation de tou·tes les précaires sur fonctions pérennes

      Les personnels au statut précaire occupant des fonctions pérennes représentent une ressource considérable et permanente étant donné les besoins non satisfaits de l’ESR ; cela a encore été démontré lors de la crise sanitaire de la COVID-19. En 2017, la France comptait 23 618 enseignant·es-chercheur·ses non permanent·es, 19 901 agents contractuel·les hors enseignant·es employé·es sur missions permanentes. Il y avait 5 116 chercheur·ses non permanent·es et 11 774 Ingénieur·es et personnel·les Techniques de Recherche et de Formation (ITRF) contractuel·les sur missions permanentes. Tou·tes ces agents sont déjà payé·es en grande partie par des crédits publics, souvent dans le cadre de projets financés par l’ANR, les régions, l’Europe ou les initiatives d’excellence. La titularisation de tou·tes ces précaires ne correspond pas à une augmentation budgétaire nette, mais, à terme, elle présente un coût, car ces précaires sont évidemment moins bien payé·es que les titulaires. Pour estimer le différentiel, il suffit d’utiliser les coûts salariaux donnés pour les appels à projet. Nous avons pris en première approximation pour les enseignant·es-chercheur·ses et les chargé·es de recherche (CR), le coût des CDD CR et pour les Ingénieur·es et technicien·nes qui peuvent avoir des rémunérations très variées, celui des CDD IE2. Notons que ce plan de titularisation ne tient pas totalement compte des heures supplémentaires des maître·sses de conférences et du travail des 130 000 vacataires.
      Mise en place d’un plan pluriannuel de création d’emplois pérennes

      Le SNESUP revendique le recrutement de 6 000 enseignant·es-chercheur·ses par an, pendant 5 ans. Sachant que selon les projections, il y aura 350 000 étudiant·es de plus en 2025, le ratio enseignant·es/étudiant·es passerait ainsi de 35 à 41/ 1000 étudiant·es. En 2019, le Comité National de la Recherche Scientifique déclarait qu’il fallait recruter, en plus de la compensation des départs, 3 000 chercheur·ses et 2 000 BIATOSS (personnel·les de bibliothèque, ingénieur·es, administratif·ves, techniques, ouvrier·es de service, sociaux·les et de santé) par an au CNRS. Lors de son congrès de 2019 la CGT INRAE estimait qu’il fallait un recrutement de 300 chercheur·ses- ingénieur·es et 600 technicien·nes. Pour les autres EPST (Etablissements publics à caractère scientifique et technologique), nous avons extrapolé les chiffres du CNRS.
      Augmenter le financement de l’université par étudiant·e et garantir un revenu étudiant

      Notre projet inclut aussi un plan de lutte contre la précarité étudiante. Nous demandons l’annulation des baisses de budget des CROUS et autres coupes budgétaires nuisant à l’activité d’enseignement ou d’étude. Notre plan est motivé par une exigence d’égalité entre tou·tes les étudiant·es. En 2017, la dépense moyenne par étudiant·e était de 12 820 euros, alors qu’elle est de 15 760 euros pour un·e élève de CPGE. Si l’on veut atteindre une dépense moyenne par étudiant·e équivalente pour la totalité des 2,6 millions d’étudiant·es, 7,6 Mds € sont nécessaires, auxquels il faut retrancher les mesures précédentes qui augmentent déjà cette dépense (revalorisation salariale, résorption de la précarité et plan pluriannuel d’emplois). Ces moyens supplémentaires doivent être fléchés essentiellement vers la licence et vers les universités laissées pour compte des politiques dites d’excellence, alors qu’elles accueillent des publics moins bien dotés économiquement que les classes préparatoires, les grandes écoles et les universités lauréates d’une Idex (Initiative d’excellence). Par ailleurs, il est urgent de garantir le droit au logement en augmentant le nombre de places dans les Cités Universitaires, en baissant les loyers et en revalorisant les bourses et en mettant en place un revenu étudiant. C’est l’ensemble de ces mesures qui garantira la réussite de tou·tes ! Il est aussi nécessaire de supprimer tous les frais afférents aux démarches administratives demandées aux étudiant·es étranger·es.
      Une meilleure répartition des moyens

      Les chercheur·ses doivent cesser d’être chercheur·ses de moyens et doivent pouvoir se concentrer sur la recherche scientifique. Pour cela, il faut remettre à plat tout le millefeuille indigeste et bureaucratique de la recherche sur appels à Projets (AAP) : suppression de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR : 672 M€), des Initiatives d’excellence (PIA3, 1 Md € en 2019) et du Crédit Impôt Recherche (CIR : 6 Mds €). Si l’on tient compte du temps passé pour monter les projets, les évaluer et assurer le suivi organisationnel de ces projets, le coût réel d’un projet (montage et mise en œuvre) équivaut à près de 150% du montant alloué pour ce projet. La recherche sur contrat étant financée à hauteur de 4,6 Mds €, ce sont donc 2,3 Mds € dépensés en pure perte pour des raisons bureaucratiques, au prétexte de ne donner des moyens qu’aux prétendument excellent·es.

      Si l’on raisonne sur les frais de fonctionnement (hors salaires et immeubles), les dotations de fonctionnement des tutelles (universités + EPST) représenteraient actuellement environ 21% du financement total contre 79% pour les AAP. Il faut donc revenir à des dotations pérennes. Une bonne estimation consiste à diviser le budget actuel de fonctionnement des unités par le nombre d’agents présent·es. Un travail de ce type fait dans un grand nombre d’unités serait utile pour estimer les dotations pérennes requises par discipline. À titre d’exemple, pour l’INRAE, une première estimation était de 14 000 euros par an et par agent présent·e dans l’unité. Ce nouveau mode de redistribution des crédits permettrait un rééquilibrage entre les crédits récurrents et les ressources sur contrat, qui devraient être limitées à l’acquisition de grands équipements ou de nouveaux projets d’ampleur décidés collectivement. Cette revendication va de pair avec la suppression de l’ANR et des primes au mérite, les EPST et les universités pouvant recouvrer toutes leurs prérogatives quant à l’usage des ressources sur projets. Mais pour éviter un retour au mandarinat, cette revendication doit s’accompagner d’un fonctionnement plus démocratique des unités avec plus de transparence dans la répartition des budgets dans les équipes (avec une AG financière annuelle avec bilans et projets, des comptes rendus mensuels pour toute l’équipe de la répartition budgétaire, vote en AG des règles de répartition budgétaire, etc.).

      La Loi de Programmation Pluriannuelle pour la Recherche (LPPR), rendue publique la semaine dernière, est aussi destructrice pour le service public de l’ESR que nous ne le craignions depuis le début de notre mobilisation en décembre 2019. Nous continuerons autant que nécessaire à nous mobiliser pour que le gouvernement retire ce projet qui va totalement à l’encontre des nécessités que la crise sanitaire a largement révélées, à savoir un service public de l’enseignement et de la recherche, gratuit et ouvert, des recherches bénéficiant de financement d’État pérennes, sur le long terme, et menées avec des personnels titulaires et correctement rémunérés.

      https://universiteouverte.org/2020/06/25/une-universite-ouverte-combien-ca-coute
      #coût #prix #budget #titularisation

    • Message de la CGT Université de Grenoble du 01.07.2020 :

      Après la séance du CNESER qui s’est tenue dans des conditions déplorables (séance nocturne 20 heures durant, refus de l’administration de le reporter, vote à 6h45 du matin), après le rejet par le Conseil supérieur de la Fonction publique d’État (CSFPE : contre : CGT, FO, FSU, pour : UNSA, abstention : CFDT), et après le vote de l’avis au Conseil économique et social environnemental (CESE : 92 votant·es, 81 pour l’avis et 11 abstentions) , très critique contre le projet de loi, après le boycott du premier CT-MESR, le Comité technique du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (CT-MESR) du 25 juin 2020 vote contre le projet de « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) : 7 contre (CGT, FSU, FO, SUD), 5 pour (SNPTES, UNSA) et 3 abstentions (CFDT).

    • L’Université à bout de souffle

      Après la loi ORE en 2018, le décret « Bienvenue en France » et l’augmentation des frais d’inscription pour une partie des étudiants étrangers hors-UE en 2019, l’année universitaire qui vient de s’achever a vu une nouvelle réforme menacer les principes fondateurs de l’Université française. Le projet de loi LPPR, ou Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, est un texte qui propose, en principe, une évolution du budget de la recherche jusqu’en 2030. Dans les faits, la LPPR s’accompagne également de plusieurs mesures vivement contestées par la communauté scientifique : des « CDI de mission » (contrats appelés à se terminer à la fin d’un projet de recherche), des tenures tracks (recrutement accru de professeurs assistants temporaires), ou encore le renforcement d’un système de financement de la recherche basé sur des appels à projets et des évaluations prospectives.

      Maître de conférence, chercheur en Études cinématographiques à l’Université Paris Sorbonne Nouvelle depuis 2006 et codirecteur du Master Cinéma et Audiovisuel depuis 2019, Antoine Gaudin est en première ligne face à cette nouvelle mesure qui menace le monde, déjà fragile, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons voulu nous entretenir longuement avec lui pour faire le point sur les conséquences de la LPPR sur son travail, sur les dernières réformes du quinquennat Macron à l’encontre de l’Université, mais aussi sur les formes possibles de contestation.

      Avant d’entrer dans le vif du sujet, il serait intéressant de commencer par évoquer les différents statuts que l’on peut trouver dans l’enseignement supérieur : Professeur, Maître de conférences, chargé de cours, BIATSS, etc. Tout ceci n’est pas forcément évident pour qui n’aurait pas un pied à l’université. Comment s’organise et se répartit le travail dans l’enseignement supérieur ?

      C’est bien de commencer par là, car le problème avec les réformes de l’Université, c’est que personne, à l’extérieur, ne semble les comprendre. Le fonctionnement des universités n’est pourtant pas si opaque, mais les médias grand public s’en désintéressent, parce qu’ils jugent cela trop compliqué pour leur public, pour lequel ils n’ont pas une grande considération. Pour résumer, derrière le terme générique de « profs », se cache un certain nombre de statuts. Il y a d’abord les titulaires, c’est-à-dire ceux qui occupent un emploi statutaire : Professeurs et Maîtres de conférences. Maître de conférences est le premier grade d’enseignant-chercheur titulaire. On y accède au niveau bac+8, après avoir rédigé et soutenu avec succès une thèse de doctorat de plusieurs centaines de pages, être devenu expert dans un ou plusieurs champs, et avoir obtenu une qualification de la part du CNU (Conseil National des Universités) sur la base d’une production conséquente et régulière d’articles et de conférences scientifiques ; le tout, en donnant plusieurs centaines d’heures de cours sous des contrats précaires et mal payés, et en s’impliquant, souvent à titre gratuit, dans des tâches d’organisation de la recherche, sur un grand nombre d’années pendant et après la thèse.

      Cela suffit-il pour être recruté ?

      Loin de là. Si l’on a fait tout cela et si on a un talent reconnu, une grosse force de travail, un bon réseau et de la chance, on sera peut-être recruté un jour, à un âge compris entre trente et quarante ans, et parfois même plus tard, sur un des rares postes mis au concours, face à une centaine de candidats d’un niveau comparable. Une fois en poste, on continuera à travailler au moins 50 heures par semaine toute l’année (même hors des périodes de cours), souvent soirs et week-ends compris, pour mener de front activités de recherche, activités d’enseignement et activités administratives – ces dernières étant de plus en plus nombreuses et chronophages au fur et à mesure que la situation des universités se détériore. La fonction de Professeur est assez similaire à celle de Maître de Conférences, c’est simplement le grade au-dessus, avec la différence qu’à ce niveau on dirige des thèses de doctorat. On y accède en moyenne au bout de 10 ou 20 ans de Maîtrise de conférences, après avoir passé un nouveau diplôme, l’HDR (Habilitation à Diriger des Recherches) et un nouveau concours de recrutement.

      Ça, c’est pour les titulaires, mais la majeure partie des enseignants-chercheurs de l’Université française sont en réalité des précaires…

      En effet, les universités ne pourraient aujourd’hui pas fonctionner sans la vaste cohorte des enseignants non-titulaires : contractuels en CDD (ATER, PRAG, PAST, PRCE), et surtout chargés de cours payés à l’heure, pour la plupart des doctorants ou docteurs bac+8 qui sont engagés au petit bonheur la chance selon les besoins des formations, sans garantie de reconduction d’une année à l’autre ou d’un semestre à l’autre, qui ne bénéficient d’aucun contrat digne de ce nom et d’aucune couverture sociale, qui sont payés en dessous du SMIC horaire si on prend en compte le total de leurs heures de travail, et qui ne touchent leur argent que plusieurs mois après la fin de leurs prestations. Du fait de l’asphyxie budgétaire des universités, la plupart des cours dispensés aux étudiants de Licence le sont ainsi aujourd’hui par des personnes fragilisées socialement, dépensant parfois en billets de train pour rejoindre une université lointaine tout ce qu’elles y gagnent en y donnant cours, obligées de recourir à des petits boulots alimentaires pour survivre, et même pour avoir simplement le droit d’enseigner, car l’Université ne paie pas de charges sociales sur leurs contrats et exige qu’ils soient employés ailleurs. Je connais ainsi des gens qui sont bac+8 et qui, pour avoir le droit d’enseigner à l’Université, sont agents d’entretiens, caissiers, travaillent dans des pressings, etc. Des métiers éminemment utiles et respectables, mais qui ne correspondent pas à leurs compétences et à leurs qualifications. Rappelons qu’en parallèle de cet investissement passionnel, voire sacrificiel, dans l’enseignement, un grand nombre de chargés de cours contribuent gratuitement à la recherche française, en assurant tant bien que mal une production scientifique, par intérêt pour cette activité, mais aussi afin de continuer à exister dans le milieu universitaire, et ainsi nourrir l’espoir de faire un jour parti des rares heureux élus qui décrocheront un poste de Maître de conférences. Du fait de la rareté des postes de MCF mis au concours, ce dernier statut est aujourd’hui vu comme le Graal, c’est-à-dire comme un privilège, alors qu’il devrait simplement être une norme pour les travailleurs de l’Université.

      La réalité de l’Université française aujourd’hui, c’est cela : un système d’exploitation généralisé, qui s’étend également à la situation des personnels techniques et administratifs, les BIATSS, dont les missions sont tout aussi essentielles au bon fonctionnement logistique des établissements. Eux aussi sont en sous-effectif et en surcharge quasiment partout. Faute de budget suffisant pour des CDI pérennes, ils sont le plus souvent recrutés sur des postes temporaires et sous-payés. Cela les empêche de s’inscrire dans la durée sur lesdits postes, ce qui entraîne un important turn-over, avec tout le gâchis de compétences et tous les dysfonctionnements qui accompagnent chaque transition, et qui, évidemment, impactent négativement les étudiants. À tous les niveaux de ce système, on retrouve donc surcharge, pénurie, sous-rémunération et souffrance au travail. Même les plus « privilégiés » en apparence, les Maîtres de conférences et les Professeurs, en pâtissent. Le nombre de postes de MCF mis au concours a chuté de 40 % ces quinze dernières années, alors que le nombre d’étudiants accueillis par l’Université ne cesse d’augmenter. Leur rémunération est de 40 % inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE, ce qui veut dire que la France est, parmi les pays développés, un de ceux qui traitent le plus mal ses enseignants-chercheurs. Comme ces derniers sont les seuls à pouvoir occuper certaines fonctions d’encadrement administratif, qu’ils sont de moins en moins nombreux pour les assurer, et que lesdites tâches sont de plus en plus chronophages tout en étant assorties de décharges horaires absolument ridicules, les enseignants-chercheurs titulaires se retrouvent souvent dans l’impossibilité matérielle de remplir à bien toutes leurs missions, notamment celles pour lesquelles ils sont recrutés, à savoir l’accompagnement pédagogique des étudiants et la production de recherche.

      Justement, la spécificité des enseignants du supérieur, par rapport à ceux du primaire et du secondaire, c’est d’être aussi des chercheurs. Quelle est la situation du côté de la recherche française ?

      Il faut en effet rappeler que les universités ne sont pas seulement des lieux d’enseignement, mais également des lieux de recherche, les deux activités se nourrissant mutuellement. C’est pourquoi nos cours, notamment, changent continuellement, car ils sont en permanence nourris ou réactualisés d’éléments nouveaux issus de nos activités de chercheurs. Cette relation d’enrichissement mutuel entre l’enseignement et la recherche est au cœur du principe de l’Université, elle définit sa fonction première dans une société développée. Or aujourd’hui, quel que soit notre statut, la recherche est devenue un luxe, une activité pour laquelle il faut apprendre à « voler du temps », sur la charge pédagogico-administrative devenue de plus en plus lourde, ou bien, le plus souvent, sur la vie privée et les congés. Beaucoup de collègues n’arrivent même plus à assurer convenablement leur veille scientifique, c’est-à-dire le fait de lire les publications qui paraissent dans un champ donné dont ils sont experts, alors qu’il s’agit de l’activité de base d’un chercheur pour rester à niveau dans son champ. La recherche est également devenue une activité plus difficile à exercer parce qu’elle coûte souvent de l’argent – par exemple quand il s’agit de mener une expérience, d’utiliser du matériel coûteux, d’organiser ou de se rendre à des colloques scientifiques dans d’autres villes ou d’autres pays, etc. Or les financements récurrents ont fondu comme neige au soleil, l’État français étant très loin de tenir ses engagements internationaux de 1 % du PIB alloués à la recherche publique. Cela n’empêche pas les gouvernements successifs de clamer l’importance que la recherche aurait pour eux. Il est vrai que ces déclarations ne leur coûtent pas cher, puisqu’elles ne sont jamais suivies des actes. Au contraire, la recherche n’a jamais été aussi abandonnée par les pouvoirs publics. Les seuls laboratoires qui parviennent aujourd’hui à faire convenablement de la recherche sont ceux qui ont obtenu des financements supplémentaires en passant par des appels à projet, qui sont des procédures très coûteuses en temps, et très sélectives : moins de 20 % des projets présentés à l’ANR, l’Agence Nationale de la Recherche, débouchent sur un financement. Cela veut dire qu’une partie importante des chercheurs français, au lieu d’effectuer leurs recherches et d’en faire profiter la société, passent leurs temps à chercher… de l’argent, et à n’en pas trouver – donc, tout s’arrête là.

      Au-delà de sa sélectivité, le financement de la recherche par les appels à projets est également critiqué pour ses effets sur la recherche elle-même…

      En effet, cette concentration des ressources sur les quelques laboratoires ayant triomphé dans les appels à projets est à l’origine de plusieurs problèmes. D’abord, une logique de concurrence entre les labos qui, au lieu de coopérer pour avancer ensemble sur un sujet, se font la guerre pour devenir les « meilleurs » et obtenir les subsides. Ensuite, une logique d’opportunisme, puisque la prime va souvent aux projets « dans l’air du temps », au détriment de la recherche fondamentale au long cours. Enfin une intensification du népotisme, puisque dans l’examen des projets et la sélection de ceux qui auront le droit de se développer, les relations interpersonnelles et la réputation des différentes équipes prennent souvent le pas sur l’expertise objective. Tout cela est complètement contraire à ce qu’il faudrait pour le développement d’une recherche française forte et innovante. Or, en ne se basant que sur les financements récurrents, un laboratoire ne peut plus fournir à ses chercheurs les moyens nécessaires pour assurer convenablement leurs missions et produire leurs résultats.

      Je prends brièvement mon exemple personnel, pour que ce soit plus parlant. Pour un des derniers colloques internationaux auxquels je me suis rendu, en tant que spécialiste du domaine traité, j’ai dû financer en partie mon voyage et, sur place, dormir sur le canapé d’une amie, car mon labo m’avait déjà payé un autre déplacement international la même année, j’avais donc épuisé mon « crédit ». Mon prochain livre, sur mon autre champ de spécialité, si je veux le publier chez un éditeur universitaire, il va falloir que j’y aille de ma poche à hauteur de 1000 ou 2000 euros, parce que mon labo n’a pas les ressources pour m’aider. Du coup, il est possible que j’y renonce, et que je passe par un éditeur commercial, qui va sans doute m’imposer certaines contraintes de vulgarisation, allant dans le sens de l’atténuation d’une recherche avancée par définition moins accessible au grand public. Dans les deux cas, on parle de champs dans lesquels mon expertise est attestée, ce que je me permets de préciser pour dire que je n’y débarque pas de façon intempestive, au petit bonheur la chance. Quand je vais à l’étranger pour un colloque, c’est pour faire connaître mes travaux et connaître ceux des chercheurs venus d’autres pays, ce qui m’est essentiel ; ce n’est pas pour faire du tourisme, comme si c’était un luxe ou un privilège dont il ne faudrait pas abuser. Dans quel autre métier doit-on ainsi assumer soi-même, sur son argent personnel, ses frais de mission et de fonctionnement ? Difficile, dans ces conditions, pour un chercheur français, de « rayonner » internationalement, comme nos dirigeants ne cessent pourtant de nous enjoindre à le faire.

      Cette situation de pénurie des ressources résulte directement des différentes réformes ayant eu lieu ces quinze dernières années. Et après, nos gouvernants s’étonnent que la recherche française soit en décrochage au niveau international, alors qu’ils ont créé et maintenu toutes les conditions pour qu’elle le soit. Le plus absurde, c’est lorsqu’ils proposent, comme aujourd’hui, d’y remédier en appliquant les mêmes recettes qui ont conduit à ce décrochage. Comme s’ils pensaient qu’en intensifiant leurs logiques managériales nocives, cela finira un jour, magiquement, par fonctionner. C’est ce qui se passe actuellement avec le projet de loi LPPR.

      Cette réforme arrive donc à un moment où l’Université publique ne semble pas dans un très bon état.

      Elle se trouve dans un état catastrophique. Il s’agit d’un service public sinistré, où les conditions de vie et de travail se sont considérablement dégradées : classes de TD surchargées dans lesquelles les étudiants s’entassent, parfois sans y trouver assez de chaises, et au mépris des consignes de sécurité incendie, faute de locaux et de recrutements d’enseignants suffisants (les classes à 50 étudiants dans des salles où il est en théorie interdit d’être à plus de 40 sont aujourd’hui notre lot quotidien) ; matériel de cours défectueux et impossible à remplacer, faute de budget suffisant (en cinéma-audiovisuel, si le vidéoprojecteur de la salle donne une image verdâtre au premier cours, on sait qu’on l’aura tout le semestre, sauf si l’on amène en cours son propre matériel de projection) ; nombreux dysfonctionnements techniques, pédagogiques et administratifs, dont les étudiants se plaignent quotidiennement, et dont ils nous rendent responsables, alors qu’ils sont directement dus au sous-effectif et au sous-équipement ; insalubrité et pénurie dans les lieux de vie, faute de recrutements suffisants de personnel qualifié pour les maintenir (par exemple, des toilettes sans papier et sans savon, même en plein Covid) ; etc.

      Pourquoi cette dégradation en particulier sur les quinze dernières années ? Quelle était l’inspiration des précédentes réformes ?

      Depuis une quinzaine d’années, l’Université a connu une épuisante avalanche de réformes (lois LRU / Pécresse, Fioraso, ORE / Parcoursup, etc.), qui ont lessivé les personnels, lesquels ont dû à chaque fois réadapter toutes leurs procédures, et qui sont toutes allées dans le même sens : celui d’un new public management d’inspiration néolibérale, qui entend assécher les budgets des services publics, et leur imposer les critères de fonctionnement d’une entreprise privée : « flexibilité », c’est-à-dire précarisation maximale des salariés ; concurrence, c’est-à-dire que les financements normaux ou les conditions de travail normales ne sont plus qu’un privilège accordé aux « meilleurs » (ou jugés comme tels) ; et « rentabilité » économique, c’est-à-dire principe des économies de bout-de-ficelle à tous les étages érigé en loi générale de fonctionnement. Car lorsqu’on dit que l’idée, c’est d’aller de plus en plus vers la logique de fonctionnement d’une entreprise privée, il faudrait ajouter, pour être plus exact : d’une entreprise « privée » de moyens. Car les budgets des établissements ont gravement chuté, en conséquence directe de ces réformes, notamment celles de la fin des années 2000, qui ont instauré « l’autonomie » des Universités.

      En quoi consistait cette « autonomie » des Universités ?

      Cette question permet de souligner un autre point commun entre toutes les récentes réformes que je viens d’évoquer. C’est le fait qu’elles ont systématiquement été accompagnées d’une novlangue ronflante qui dissimulait aux non-avertis leur caractère punitif. Qui ne voudrait pas être autonome ? Mais le mot-magique « autonomie » signifiait en fait : asphyxie budgétaire, désengagement continu de l’État, universités livrées pieds et poings liés, sans moyens, à une logique de marché. D’où le gel des postes mis au concours et des rémunérations, d’où le sous-encadrement humain et matériel érigé en principe de fonctionnement, par des établissements qui ont quasiment tous des comptes dans le rouge. Aujourd’hui, en France, les universités ne cherchent plus à assurer un bon niveau de service public, elles cherchent seulement à éviter la faillite en faisant des économies par tous les moyens.

      On arriverait donc à un point de confrontation aigu entre les principes fondamentaux des services publics et l’agenda d’un pouvoir néolibéral.

      À défaut de pouvoir complètement détruire un service public, l’idéologie néolibérale commande en effet de toujours atteindre le point le plus dégradé où il « fonctionne quand même à peu près », c’est-à-dire où il ne coule pas complètement, avec le moins de budget possible. Le but n’est donc plus d’assurer une bonne mission de service public, mais de faire faire des économies à un État qui, lui, peut ainsi distribuer ses faveurs aux grandes fortunes et aux grandes entreprises du pays. Ces dernières sont de leur côté fantasmées comme des modèles de développement harmonieux et efficace, dont les principes devraient valoir dans tous les secteurs, et comme les garants de la prospérité nationale, selon la fameuse théorie du « ruissellement », qui promet que l’enrichissement des plus riches bénéficiera in fine à tous. Évidemment, cette théorie ne fonctionne pas du tout, puisqu’elle n’a eu qu’un seul effet visible sur les quarante dernières années, celui de renforcer les inégalités sociales. Les milliardaires français ont vu leurs revenus et leurs patrimoines exploser, tandis que de l’autre côté de l’échelle sociale, le sentiment de précarité et d’insécurité a augmenté pour une large partie des Français.

      Mais cela va au-delà des privilèges toujours plus grands accordés à une petite catégorie de possédants au détriment de l’ensemble de la population. Dans les attaques continues dont ils sont l’objet, ce qui est perdu, c’est la nature même de ce que sont les services publics, c’est-à-dire des biens communs, une richesse collective, dont tout le monde devrait pouvoir profiter dans une société. L’erreur fondamentale du discours des néolibéraux sur le caractère coûteux des services publics, c’est d’occulter tout ce que ces derniers peuvent faire gagner au pays, dès lors qu’ils sont dignement financés et fonctionnent correctement. Et cela, non seulement en vertu d’idéaux humanistes de partage, de solidarité, de lien social, de savoir et de connaissance, dont on sait que les dirigeants néolibéraux n’ont que faire. Non, même au niveau économique, on peut y gagner, car une population sécurisée, ayant accès quasi-gratuitement à des biens publics fondamentaux qui fournissent des prestations satisfaisantes en termes de santé, d’éducation, c’est aussi une population qui a plus de latitude pour consommer et pour investir, et donc pour faire tourner l’économie. Mais pour s’en rendre compte, il faudrait sortir du paradigme néolibéral érigé en incarnation de la raison et de la « nécessité », et se rendre compte, collectivement, que d’autres solutions sont possibles pour arbitrer les dépenses et les recettes d’un État et pour réguler le fonctionnement du marché capitaliste – dans la perspective keynésienne que je viens de décrire à gros traits, par exemple.

      Tu parlais à l’instant d’une « novlangue » enrobant les réformes anti-sociales, j’imagine que le récent décret « Bienvenue en France », une des dernières réformes tombées ces dernières années, en constitue un exemple saillant.

      Je n’en vois pas de plus révélateur, à vrai dire. À partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui nomment « Bienvenue en France » une mesure ouvertement xénophobe, une mesure qui multiplie par quinze (!) les frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union Européenne, sans que cette hausse, délirante, ne soit assortie d’aucun avantage par rapport à leurs camarades étudiants français ou européens (ce qui constitue d’ailleurs un cas de discrimination de l’accès à un service public basée sur l’origine géographique), à partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui tordent le langage pour lui faire signifier tout simplement l’inverse ce qui est, vous n’êtes pas simplement face à la pratique de l’enrobage flatteur constituant le support traditionnel de la communication politique. À ce niveau-là, vous avez basculé dans un au-delà de la raison, que l’on appelle parfois post-vérité, que des responsables politiques de haut rang devraient s’interdire d’utiliser, et que des médias critiques et indépendants devraient dénoncer, étant donné le danger qu’il représente pour la démocratie.

      Abordons à présent frontalement la question de la LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche). Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur cette réforme en cours ? En quoi consiste-t-elle précisément ?

      Il s’agit d’abord d’une attaque en règle contre l’enseignement universitaire. Le projet prévoit la suppression d’un quart environ des postes de Maître de conférences titulaire, déjà beaucoup trop rares, pour y substituer de nouveaux contrats précaires à durée déterminée : « CDI (sic) de mission » et tenure tracks. « À l’américaine », puisque les dirigeants français ont une certaine propension à importer ce qui se fait de pire dans les autres pays : au moment même où nous allons l’adopter, le système des tenure tracks est ainsi dénoncé massivement dans les pays qui l’ont expérimenté avant nous. Certes, certains de ces contrats précaires présenteront des caractéristiques qui peuvent passer pour des avantages pour leurs bénéficiaires – comme le fait de pouvoir être recruté sans qualification par le CNU (Conseil National des Universités) et de pouvoir diriger des recherches de thèses sans passer par l’habilitation qui l’autorise –, mais ils iront alors, sur ces points, à l’encontre des fondements de la vie universitaire, et notamment du principe des procédures d’évaluation et de recrutement par les pairs. Il s’agit donc d’une attaque énorme contre le statut des enseignants-chercheurs, qui est leur protection et la garantie de leur indépendance. Mais surtout, ce qui va découler de ces nouveaux contrats temporaires venant se substituer aux postes permanents, c’est une nouvelle augmentation de la proportion déjà proéminente des précaires, aux situations sociales souvent alarmantes, parmi les enseignants et les chercheurs. Cela va dans le sens d’une contractualisation toujours plus grande à l’intérieur de la fonction publique, signe d’une politique globale d’importation des méthodes de management du privé. Pour les personnes compétentes en attente de poste, l’âge moyen d’une éventuelle titularisation passerait de 35 ans à 42 ou 43 ans. Sans parler de tous ceux qui sortiront du système sans poste à cet âge-là… Quant aux titulaires, étant toujours moins nombreux, ils seront encore plus accablés par les heures supplémentaires d’enseignement et par les incontournables tâches d’encadrement administratif qui deviennent déjà, pour certains d’entre eux, l’essentiel de leur métier, au détriment de leurs missions d’enseignement et de recherche.

      Justement, il y a aussi un volet recherche dans la LPPR. Qu’en est-il de ce côté ?

      En effet, la LPPR est également une attaque en règle contre la recherche, par le fait qu’elle prévoit l’intensification de la logique du financement sur projets. Au lieu de garantir à toutes les équipes de recherche un financement régulier leur permettant de mener leurs projets et de produire des résultats, l’idée est de développer encore plus le système dans lequel on n’obtient un financement qu’après y avoir candidaté, dans un processus coûteux en temps et en énergie, où la plupart des projets sont rejetés. Encore plus qu’avant, les recherches seront évaluées et financièrement récompensées, non sur leurs résultats effectifs, mais sur leurs promesses de résultats. Encore plus qu’avant, les chercheurs passeront une grande partie de leur temps et de leur énergie à monter des projets qui, finalement, ne seront pas financés, et ne donneront donc lieu à aucun résultat. Encore plus qu’avant, à cause du développement des postes précaires, on va priver les chercheurs du temps long nécessaire à une recherche de qualité. Encore plus qu’avant, on privilégiera les projets que l’on estime immédiatement « rentables » à court-terme, dans des directions industrielles que l’État va en partie fixer lui-même, au détriment de la recherche fondamentale menée de façon indépendante par les chercheurs. Pourtant, l’histoire de nos sociétés nous a montré que la recherche fondamentale était celle qui aboutissait aux travaux les plus solides, aux découvertes les plus significatives, et in fine à la contribution la plus importante à la richesse économique et culturelle d’une nation. Bref, le projet LPPR va à l’encontre des principes de base de la recherche, qui se développe par collégialité et non par concurrence, sur le temps long et non dans la courte-vue, de façon indépendante et non pilotée par des intérêts extérieurs.

      Rappelons que l’on aurait sans doute beaucoup mieux maîtrisé l’émergence du virus Covid si les laboratoires qui travaillaient dessus avant l’épidémie avaient pu poursuivre leurs travaux, jugés « non-rentables » à l’époque, au lieu de les interrompre faute de crédits. Ce seul exemple devrait, dans le contexte actuel, suffire à mettre en lumière l’absurdité de cette idéologie de la rentabilité à court terme, fondée sur la course au profit et sur la précarité matérielle et intellectuelle érigées en principes. La recherche n’est pas une compétition sportive « darwinienne » dans laquelle il faut s’éliminer les uns les autres. La recherche, c’est une aventure collective, qui se nourrit avant tout de coopération : si un labo A progresse sur tel sujet de recherche, c’est à partir des travaux d’un labo B, qui lui-même a amélioré ses résultats grâce aux contre-études d’un labo C, etc. Ainsi, à la fin, tout le monde y gagne : les labos, et au-delà, l’ensemble de la société, bénéficient de ces travaux. À l’inverse, une mise en concurrence des labos pour obtenir les moyens de travailler, cela revient à ne permettre qu’à un seul des trois labos, A, B ou C, d’avancer significativement, et tout seul, sans l’apport de ce qu’auraient pu produire les deux autres qui restent à quai. Cela permet de souligner que les chercheurs ne sont pas opposés, par principe, à la concurrence et à l’évaluation. Ces dernières font partie du métier, mais il faut savoir où les placer. La concurrence, ce doit être de l’émulation entre labos qui ont des moyens comparables et suffisants, et qui vont chercher à s’illustrer en produisant les meilleurs travaux possibles, afin de compter dans leurs champs respectifs. On pourrait parler d’une compétition symbolique, ou de prestige, prenant en compte les travaux finis. Mais une « concurrence » pour obtenir les moyens de fonctionner normalement sur la base d’esquisses des travaux futurs est délétère et éminemment improductive. Nous ne sommes pas non plus, par principe, contre l’évaluation : un chercheur passe sa vie professionnelle à être évalué par ses pairs, avec un impact direct sur le déroulement de sa carrière. Mais l’évaluation-sanction avant travaux pour décider quelles recherches vont avoir le droit ou non d’exister, cela ne doit jamais devenir la base d’un système de financement.

      Ajoutons que la logique du financement sur projets, qui consiste à évaluer les recherches avant qu’elles ne se fassent sur la base de leurs « promesses » de résultats rapides, établies sur des « priorités » qui sont souvent fixées par l’ingérence du politique et de l’industriel, fait peser un certain risque sur les libertés académiques. L’idée de renforcer l’intervention stratégique de l’État dans ce domaine, et d’augmenter la recherche sur fonds privés vont dans ce sens, et promettent une concentration sur la recherche appliquée, ce qui fait peser une lourde menace sur l’ensemble des sciences humaines et sociales en particulier, dont les productions n’ont pas vocation à fournir des débouchés immédiatement rentables pour l’industrie.

      Recherche, enseignement… Ce que l’on comprend de ces explications, c’est que la LPPR ne semble pas être promulguée pour le bien de l’Université ?

      Si les promoteurs de cette réforme prétendent faire le bien de l’Université, c’est soit de la stupidité, soit de la malhonnêteté. Cela traduit dans tous les cas une absence d’écoute envers ce que leur disent aujourd’hui la quasi-totalité des gens qui y travaillent, et une absence de considération pour le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui sont très préoccupantes de la part de responsables politiques. Pourtant, ces derniers feraient mieux d’écouter les acteurs de terrain, car ce qu’ils veulent imposer par la LPPR ne va tout simplement pas fonctionner : les étudiants seront encore moins bien accueillis et encadrés, tandis que la recherche française va encore plus décrocher. La bêtise de nos dirigeants néolibéraux, ici, éclate au grand jour, car même si l’on s’accordait sur la vision réactionnaire qu’ils ont de l’Université-entreprise, les mesures qu’ils entendent imposer sans concertation aboutiront automatiquement à un échec, y compris sur leurs propres critères de « réussite », comme le redressement de la production quantitative de la recherche française, ou l’attractivité de la France pour les chercheurs et les étudiants étrangers. En somme, ils sont « contre-performants » non seulement du point de vue d’une vision humaniste et digne de l’Université, mais également sur leurs propres critères, strictement « économistes », de réussite et d’efficacité.

      N’y a-t-il pas certains aspects positifs, comme le plan d’investissement annoncé par le gouvernement en accompagnement de la LPPR ?

      En réalité, « l’investissement massif » dont on entend parler est dérisoire, bien en-dessous des engagements européens de la France, et de loin inférieur au minimum vital qui permettrait d’assurer un fonctionnement digne au service public de l’Université. Si on prend en compte l’inflation, on peut même dire que cette réforme ne s’accompagne en fait d’aucune amélioration au niveau budgétaire. Au niveau des moyens, ce sera au mieux le statu quo, au pire une nouvelle régression. Il en va de même des promesses de revalorisation salariale pour les titulaires. D’une part, parce que les revalorisations indiciaires, c’est-à-dire intégrées au traitement de base, ne doivent s’appliquer qu’aux débuts de carrière, ce qui a été jugé anticonstitutionnel par le Conseil d’Etat. D’autre part, parce que les revalorisations, lorsqu’elles ne se présentent que sous forme de primes, comme cela est prévu, nourrissent la course à la surcharge et au surmenage, que nous ne cessons de dénoncer, au détriment de la qualité de vie et de travail des personnels. De toute façon, l’enveloppe budgétaire annoncée pour ces « revalorisations » est inférieure à 100 millions, alors qu’il faudrait 2 milliards pour simplement remettre la France au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE… Donc, je crois qu’il faut vraiment relativiser cet effet d’annonce, d’autant plus qu’il n’est, pour l’essentiel, qu’une promesse n’ayant aucun aspect contraignant sur les prochains budgets de l’État, ce qui signifie qu’on n’en verra probablement jamais la couleur.

      Au-delà de son contenu, la LPPR crée actuellement la controverse à cause de sa procédure d’adoption. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet ? Pouvait-on s’attendre à ce que le projet de loi revienne aussi vite, juste après le déconfinement et alors que les les universités sont encore fermées au public ?

      Pendant les trois premiers mois de 2020 s’est mise en place une contestation massive de la LPPR, au niveau des enseignants/chercheurs, des personnels et des étudiants, couplée à la contestation de la réforme des retraites, puisque les deux projets relevaient de la même visée idéologique et impactaient aussi violemment qu’injustement toute la communauté. Durant ces trois mois, le mécontentement de la part du monde universitaire a pu prendre d’innombrables formes : manifestations, assemblées générales, tribunes, pétitions, motions, interventions médiatiques, vidéos explicatives, etc. Ce mouvement, qui battait son plein, a été bien sûr interrompu par la pandémie de Covid-19 et par le confinement général de la population. Par esprit de solidarité, les enseignants-chercheurs se sont alors concentrés sur le fonctionnement à distance des cours, des évaluations, des activités de recherche et d’administration. Ils ont notamment renoncé aux actions les plus offensives qu’ils préparaient pour lutter contre la LPPR, comme la rétention des notes du semestre et la démission des fonctions administratives qu’ils assurent quasi-bénévolement, auxquelles ils s’étaient résolus de recourir à cause de la surdité totale du ministère. Et alors que le semestre se boucle, que tout le monde est épuisé par une gestion à distance de la fin d’année très coûteuse en énergie, alors que les notes du semestre viennent d’être enregistrées, nous privant d’un de nos principaux moyens d’action, voici que le gouvernement ressort du chapeau sa LPPR, assortie d’un calendrier d’adoption à marche forcée au moment des vacances d’été, alors même que les principaux concernés, les enseignants et les étudiants, sont toujours privés du droit de se réunir sur leurs lieux d’activité afin de coordonner leur mouvement de contestation.

      Dans ce processus, tout est arraché par la violence. D’abord, l’étude d’impact fournie en précipitation par le ministère a été grossièrement manipulée afin de promouvoir le projet de loi. Ensuite, lors de la réunion du CNESER qui devait examiner le texte de loi avant son passage en Conseil des ministres, le ministère a imposé une séance marathon de vingt heures, au bout de laquelle le texte a été voté de justesse, en l’absence d’un grand nombre de responsables syndicaux qui avaient dû quitter l’assemblée pour attraper leurs trains de retour. Le ministère a misé sur un douteux système de procurations afin d’avoir quand même le quorum permettant le vote, et a refusé une nouvelle séance qui aurait permis d’étudier l’intégralité des amendements, dont un tiers seulement a pu être examiné avant que l’ensemble du texte ne soit voté en faisant fi des réserves exprimées sur plusieurs de ses aspects-clés. Bref, cela s’appelle un passage en force, comme au temps de la réforme qui a installé Parcoursup, et qui s’est faite en toute illégalité, les différentes étapes étant mises en place avant même le vote de la loi au Parlement, de sorte qu’il était ensuite impossible de revenir en arrière. Bref, nos dirigeants n’hésitent pas à recourir à tous les moyens, même les plus irréguliers, pour arracher l’adoption de cette loi de programmation de la recherche, à un moment où la pandémie n’est pas terminée et où les Français ont bien d’autres chats à fouetter.

      Peux-tu nous donner des nouvelles du front ? Comment s’organise actuellement la contestation contre cette réforme, avec l’impossibilité de se réunir ? Que va-t-il se passer à la rentrée, avec le risque que les universités demeurent encore fermées à l’automne à cause d’un éventuel regain de la pandémie de Covid-19 ?

      L’accablement et la colère sont à leur comble aujourd’hui dans la communauté universitaire. Les derniers sceptiques, qui avaient encore l’illusion que l’actuel gouvernement pouvait œuvrer pour le bien de cette dernière, comprennent désormais que nous avons en lui, non un allié, mais un adversaire, et que la LPPR n’est pas une réforme pour l’Université, mais une réforme contre elle. La confiance est donc totalement rompue. Sur le fond de la réforme, à part une infime minorité de ravis de la crèche qui, par naïveté, prennent pour argent comptant les déclarations mensongères de la ministre Mme Vidal, ou qui s’imaginent qu’ils pourraient tirer les marrons du feu dans le nouveau système, tout le monde est d’accord pour dire qu’il s’agit d’une catastrophe. Actuellement, les débats chez les enseignants-chercheurs ne portent pas sur le fait de savoir si oui ou non la LPPR est une bonne chose, mais bien plutôt sur les modalités de la mobilisation contre elle. Et c’est là que se situe l’enjeu pour la rentrée, car si tout le monde est d’accord pour dire que la LPPR est un désastre, tout le monde n’est pas prêt à aller dans le sens d’une mobilisation musclée contre elle. Cela, malgré le constat que toutes les formes de mobilisation douces employées durant l’hiver n’ont eu absolument aucun résultat, du fait de l’absence totale de considération et de concertation avec laquelle le gouvernement fonce, tête baissée, dans son projet absurde et contraire à l’intérêt général. Or, face à un pouvoir irresponsable qui ne comprend rien, n’apprend rien, n’écoute pas et ne négocie pas, la mobilisation musclée devient le dernier recours.

      Comment expliquer ces hésitations par rapport aux formes plus offensives de mobilisation ? De quoi s’agirait-il, d’ailleurs ?

      Si l’épidémie ne reprend pas et qu’un nouveau confinement n’est pas à l’ordre du jour, il faudrait d’abord refuser en bloc la rentrée autrement qu’en présentiel. Les cours donnés par écran interposé sont un pis-aller insupportable et inefficace, qui impacte très durement les enseignants comme les étudiants, il n’est pas normal d’y avoir recours alors que toutes les autres activités sociales reprennent. On peut supposer que le gouvernement souhaite couper l’herbe sous le pied du mouvement de contestation universitaire : lorsque tout le monde est cantonné chez soi, c’est tout de même bien plus facile d’atteindre cet objectif. Mais si on considère que tout rouvre, jusqu’aux transports urbains et aux boîtes de nuit, le « traitement de faveur » reçu par l’Université n’est plus tenable politiquement.

      Dans tous les cas, il s’agirait de dire : pas de retrait, pas de rentrée. Et d’interrompre toutes les activités de l’Université, tous les cours notamment, mais également nos charges administratives et nos activités de recherche, tant que nous n’aurons pas obtenu l’ouverture d’un dialogue digne de ce nom avec nos responsables politiques. Avec l’idée d’aller vers des facs mortes et un semestre blanc, sans délivrance de notes, si le gouvernement s’obstine dans sa voie autoritaire et butée. Ce serait évidemment une décision difficile à prendre, car nous aimons tous notre métier, et la prise en charge des étudiants est notre première préoccupation. Nous nous mettrions alors dans une situation où nous souffririons nous-mêmes considérablement. Hélas, les signaux envoyés par le pouvoir sont assez clairs : ce dernier n’est plus dans la rationalité, mais dans l’idéologie. Nous avons épuisé toutes les ressources du dialogue argumenté et sommes désormais contraints, acculés, à durcir le ton. Provoquer collectivement une perturbation majeure de notre service public, qui impacte provisoirement ses missions et ses usagers, sera sans doute le seul moyen d’être entendus, convenablement couverts par les médias, et d’avoir une chance d’éviter, pour les prochaines années, la nouvelle dégradation générale des universités qui suivra automatiquement la LPPR si elle est adoptée. Car on peut considérer que c’est cela, agir politiquement en tant que citoyens responsables : instaurer un rapport de force en relation avec l’attaque subie, afin de préserver les intérêts fondamentaux d’un service public ou d’une société. Être un citoyen responsable, c’est prendre la responsabilité de devenir le contre-pouvoir quand tous les autres ont lâché. Ce n’est pas laisser un pouvoir politique autoritaire et en roue libre faire n’importe quoi sous prétexte qu’il a été élu.

      Pour résister, la mobilisation devra donc être musclée et largement partagée. Mais cela n’est pas gagné, car chez les enseignants-chercheurs, beaucoup de personnes ont des résistances mentales vis-à-vis de cela : certains ont en horreur l’idée même de mobilisation ou de perturbation temporaire du service, d’autres pensent que ce n’est pas leur rôle d’intervenir politiquement pour aller contre un gouvernement élu, etc. Quelle Université veut-on, et jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour la défendre ? Est-il plus important d’assurer « normalement » le semestre, ou bien d’envoyer un message clair de résistance face à la nouvelle avanie qui se profile et qui nous impactera des années durant ? Les prochains mois nous le diront.

      On comprend bien l’impact qu’aurait la LPPR sur les conditions de travail des enseignants et des personnels administratifs, ainsi que sur la recherche. Et on comprend aussi que les étudiants étrangers hors-UE vont être priés de passer à la caisse à cause de « Bienvenue en France ! ». Mais les étudiants français pourraient se dire que tout cela les concerne assez peu. Quel sera l’impact de la LPPR pour eux spécifiquement ?

      Si la LPPR va en effet impacter au premier chef les travailleurs de l’Université, les étudiants en seront les victimes indirectes immédiates. Ils bénéficieront d’un encadrement encore plus dégradé, opéré par des enseignants surchargés, pour la plupart précaires, c’est-à-dire empêchés de s’inscrire dans la durée. Le turn-over toujours plus important des enseignants et des personnels administratifs entraînera un facteur supplémentaire affectant la cohérence et la continuité dans les offres de formation. Les étudiants en difficulté seront encore plus largués qu’avant, car il sera encore moins possible pour les enseignants de les accompagner convenablement durant leurs parcours. Quant à l’avenir, les universités seront tellement exsangues au niveau budgétaire que cela ouvre la voie à plusieurs évolutions. Faisons ici un peu d’anticipation. La première évolution possible serait la diminution des effectifs étudiants, qui permettrait aux universités de fonctionner malgré la pénurie de personnels. On en a déjà un peu pris le chemin avec la loi ORE de 2018, aussi nommée Parcoursup, qui a instauré le principe de la sélection à l’entrée de l’Université. Avec la fin d’un accès de droit à l’Université pour tous les bacheliers, on laisse un certain nombre de jeunes gens sur le carreau, en les empêchant d’accéder à un niveau d’études dans lequel ils auraient pu éventuellement se révéler. L’autre solution, pour pouvoir continuer à accueillir l’essentiel d’une classe d’âge chaque année, ce serait l’augmentation du coût des études, c’est-à-dire des frais d’inscription, afin de permettre aux universités devenues « autonomes » d’opérer les recrutements indispensables à un fonctionnement à peu près normal. On sait d’ailleurs, grâce aux MacronLeaks, que c’est globalement cela, le projet à terme, et que la multiplication par quinze des frais d’inscription des étudiants étrangers n’est qu’une façon d’amener ce qui sera sans doute la prochaine grande réforme de l’Université, si jamais la LPPR passe, c’est-à-dire la même hausse des frais d’inscription pour l’ensemble des étudiants. La plupart devront donc souscrire des emprunts bancaires pour faire face au coût de leurs études, ce qui signifie qu’ils passeront plusieurs années, au début de leur vie professionnelle, à rembourser un crédit.

      Bref, l’enseignement supérieur va sans doute à terme se transformer complètement en marché, et les étudiants en entrepreneurs d’eux-mêmes, dans un univers concurrentiel qui les forcera à rationaliser leurs parcours (adieu l’idée de se réorienter, de chercher sa voie, de se cultiver avant tout), afin d’être immédiatement « employables » dans la grande machine économique, et donc de ne pas trop pâtir de leur dette à rembourser. L’idée de l’Université, non seulement comme espace d’apprentissage et d’insertion professionnelle, mais surtout comme espace pour former des citoyens conscients, critiques et émancipés, prendrait alors un nouveau plomb dans l’aile. Quand bien même ce très probable scénario-catastrophe serait finalement abandonné au profit d’une plus grande sélection à l’entrée des facs, ou bien au profit d’une dégradation continue des conditions d’accueil et d’accompagnement, la LPPR nous fait foncer tête baissée vers une nouvelle remise en cause de l’accès à tous à des études gratuites de qualité. Si j’étais étudiant, je m’en inquiéterais et je refuserais cette perspective qui, associée aux réformes des retraites et de l’assurance-chômage, notamment, prépare un avenir bien sombre, où l’autonomie vis-à-vis des mécanismes tout-puissants du marché sera fortement réduite. Ce monde que nos dirigeants politiques sont en train de mettre en place pour eux, il faut que les étudiants disent maintenant, nettement et massivement, s’ils l’acceptent ou le refusent. Après, ce sera trop tard, car hélas on ne revient quasiment jamais sur des réformes de régression sociale une fois qu’elles ont été adoptées.

      Pour revenir sur la mission de formation des esprits qu’assure l’Université, très récemment, Emmanuel Macron jugeait les chercheurs coupables d’avoir « cassé la République en deux » à partir du moment où ils se sont mis à souligner les inégalités et les systèmes de domination qui sévissent dans nos sociétés. Des disciplines telles que la sociologie et les cultural studies sont pointées du doigt comme étant coupables des problèmes qu’elles soulèvent dans leurs recherches. Serait-il donc aussi question d’affaiblir les champs universitaires dont les recherches ne flatteraient pas l’unité et l’orgueil de la « République » ?

      Cette déclaration lunaire n’est peut-être qu’une petite phrase échappée au détour d’une interview. Mais elle est inquiétante par ce qu’elle révèle : d’une part de la méconnaissance totale du sujet abordé, c’est-à-dire de la réalité des fractures sociales et culturelles et de leur traitement par les enseignants-chercheurs spécialisés sur ces questions, d’autre part de la vision d’une Université qui serait dépendante du pouvoir politique et qui devrait œuvrer à consolider l’illusoire contrat social instauré par un gouvernement en place. Par ailleurs, l’idée que des chercheurs engagés en cultural studies auraient fait main basse sur l’Université française est un fantasme, surtout quand on compare avec d’autres pays. Le fait que certains de ces chercheurs produisent une recherche militante, ce qui leur est souvent reproché, n’est un problème en soi que si ladite recherche témoigne d’un irrespect des procédures intellectuelles et scientifiques qui assurent la viabilité du discours. On rappelle au passage à ceux qui trouveraient étrange le concept de recherche militante qu’il n’existe de toute façon pas de recherche totalement neutre et objective : le simple fait d’étudier un phénomène implique des choix, d’instruments de mesure, de méthodes, de corpus, de problématique, d’hypothèses, qui sont toujours des choix qui engagent et portent une position dans l’espace public. Enfin, contrairement au fantasme exprimé par notre président, les productions des enseignants-chercheurs qu’il met en cause sont loin d’être des dogmes intangibles que l’Université se serait mise à transmettre massivement et unilatéralement à ses publics. Ce sont au contraire des productions nouvelles qui posent des problèmes, qui sont discutées sur de nombreux points, parfois même contestées aux niveaux intellectuel et théorique, comme c’est l’usage au sein de cet espace critique de recherche et de confrontation d’idées qu’on appelle l’Université. Le fait que certains sujets, comme l’impact social de la couleur de peau, soit davantage étudiés qu’auparavant, devrait plutôt interpeller M. Macron sur sa gestion de la population multiculturelle qu’il administre, car si ces sujets n’étaient pas vécus comme de vrais enjeux sociaux et politiques aujourd’hui, la modeste vogue universitaire qui ambitionne de les examiner d’un point de vue critique et engagé n’existerait même pas. Dans tous les cas, il semble surestimer grandement leur impact, en reprenant une rhétorique paranoïaque que l’on a plutôt tendance à retrouver à l’extrême-droite du spectre politique.

      Côté étudiant, quand on envisage de s’orienter vers les métiers de l’enseignement et de la recherche, la perspective peut sembler décourageante. On a l’impression que ces différentes réformes ne servent qu’à transformer notre parcours en terrain miné. Qu’aurais-tu envie de dire actuellement à celles et ceux attiré(e)s par ces métiers ?

      Lorsque je suis face à un bon étudiant de Master qui est motivé pour poursuivre en thèse et viser le métier d’enseignant-chercheur, je commence par lui dire que je le comprends, car cela reste, malgré tout, un magnifique métier-passion, globalement encore autonome et libre, à l’accomplissement duquel on éprouve régulièrement de grandes joies, tout en ayant le sentiment, à mon avis assez juste, d’accomplir des missions d’une utilité sociale et culturelle indiscutable – à condition de ne pas ménager son énergie et de ne pas compter ses heures pour cela, évidemment. Ensuite, je lui parle de l’extrême difficulté du parcours, des sacrifices immenses auxquels il faut être prêt à consentir tout du long (y compris une fois en poste), de l’absence totale de garantie d’avoir un jour un poste, de la rémunération, très incertaine avant la titularisation, et qui, une fois cette dernière acquise, compensera très mal le niveau d’excellence atteint et l’importance des responsabilités occupées.

      En général, ce discours, qu’il serait malhonnête et même un peu criminel de ne pas tenir à quelqu’un de 25 ans avant qu’il ne s’engage pour un parcours d’une dizaine d’années avant une éventuelle titularisation, en décourage environ un sur deux. Il faut pourtant le tenir, afin de ne pas envoyer des gens au casse-pipe. Aujourd’hui, il y a facilement plus de 100 candidats sur chaque poste de Maître de conférences mis au concours, et parmi eux une trentaine d’excellents dossiers, de gens qui devraient déjà être en poste étant donné tout ce qu’ils ont déjà apporté à l’enseignement et à la recherche. Un type de trajectoire est désormais devenu la norme plutôt que l’exception : être recruté, quand on a la chance de l’être, sept ou huit ans après la fin de thèse, à l’âge de 40 ans après avoir sorti deux livres personnels, plusieurs autres en codirection, publié une trentaine d’articles scientifiques et organisé une demi-douzaine de colloques ou de journées d’études, parfois même après avoir assuré illégalement, à cause de sous-effectif, des missions dévolues aux titulaires comme la direction de mémoires de Master ou la responsabilité administrative d’une année de Licence. Et on évoque encore ici des personnes qui ont la chance d’obtenir un poste ! Le destin de celles, beaucoup plus nombreuses, qui n’y parviennent jamais (alors qu’elles avaient toutes les compétences pour), est encore plus tragique, et constitue un gâchis d’intelligence collective, qui serre le cœur quand on l’observe concrètement, et qui constitue une perte très dommageable de compétences de haut niveau pour notre pays.

      Quel serait ton souhait pour le futur de l’Université ?

      Idéalement, peut-être même illusoirement, on pourrait souhaiter avoir affaire à un personnel politique capable de gouverner, c’est-à-dire capable, non pas d’imposer brutalement, mais de prendre le temps de convaincre, et si cela ne marche pas, de prendre la mesure d’une contestation, d’écouter et de négocier, de lâcher du lest s’il le faut. Gouverner, ce n’est pas : « on est élus, on fait ce qu’on veut. » L’élection au suffrage universel n’est pas un blanc-seing. Gouverner, c’est aussi être capable de contrebalancer, d’équilibrer entre le bien collectif et les intérêts privés, et de ne pas systématiquement sacrifier le premier au profit des seconds. C’est respecter les règles fondamentales de la démocratie, ne pas recourir aux méthodes les plus violentes permises par une Constitution de nature monarchique pour balayer d’un revers de main tous les contre-pouvoirs. Quant à l’Université, il faudrait que les gouvernements français des années 2000 comprennent qu’elle n’est pas leur joujou. Il s’agit d’une institution millénaire et d’un bien public inaliénable. C’est à son service que nous sommes, et pas à celui de quelques politiciens de passage. Et c’est pour cela que nous allons tenter, collectivement, d’envoyer un grand « Non » à ce gouvernement irresponsable, qui, par son aveuglement idéologique, ses discours hypocrites et ses méthodes brutales, est en train de faire un mal considérable, non seulement à l’Université publique, mais également à notre pays et à notre démocratie.

      https://www.critikat.com/panorama/entretien/luniversite-a-bout-de-souffle

    • « Un #débat_public au sujet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche nous semble plus que jamais nécessaire »

      Plus de 180 chercheurs en sciences de gestion dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’obsession « gestionnaire » du projet de LPPR, qui ignore la réalité de son mode de gouvernance collective par les pairs.

      Tribune. Le 13 mai, la « communauté de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation » a reçu une lettre de la part de sa ministre de tutelle, Frédérique Vidal. Elle nous y remercie pour notre engagement tout au long de la crise sanitaire et se tourne également vers l’avenir, mentionnant la société « post-crise » que le monde universitaire va devoir contribuer à « penser ». Pour cela, elle compte sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), considérant ainsi comme acté un projet de réforme qui avait pourtant été suspendu à la veille du confinement, dans un contexte de mobilisation quasi unanime de la communauté universitaire contre lui.

      De fait, alors que les universités n’ont pas encore le droit d’ouvrir leurs portes aux étudiants, qu’il faut parvenir à boucler l’année universitaire tout en préparant, dans l’incertitude, la rentrée de septembre, le calendrier s’est brusquement accéléré. Comme si cette réforme, issue du monde d’avant, était urgente au point de devoir renoncer au débat public.

      A l’heure où l’on commence à reconnaître que les réformes conduites au cours des deux dernières décennies dans les services publics au nom d’une « meilleure gestion » ont échoué, un débat public au sujet de la LPPR nous semble au contraire plus que jamais nécessaire. Il nous semble également essentiel que nous, enseignants et chercheurs en sciences de gestion et en management, prenions la parole. Une fois de plus, notre discipline apparaît guider la réforme en cours, à travers, notamment, les notions d’« optimisation », de « performance », d’« efficience », de « changement » et de « compétition ». Pourtant, les orientations de cette réforme empruntent davantage à l’idéologie qu’aux sciences de gestion.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/03/un-debat-public-au-sujet-de-la-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-rech
      #paywall

    • Communiqué du #Comité_d’éthique_du_CNRS (#COMETS) portant sur les textes du projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, rendus publics en juin 2020.

      Le 24 février 2020, le COMETS avait publié une contribution aux discussions préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche. En juin 2020, le gouvernement a présenté aux organes consultatifs le projet de loi et les documents associés (exposé des motifs, annexe, étude d’impact).

      Le COMETS prend acte de l’accroissement substantiel de la part du budget de l’État consacré à la recherche à l’horizon 2030 figurant dans le projet de loi.

      Il prend aussi note que l’annexe au projet de loi adhère au préambule de la contribution du COMETS du 24 février en affirmant « La science est un des socles de notre modèle républicain et cette fonction lui confère les plus grandes responsabilités : elle suppose de porter la plus grande attention à l’exemplarité́ et l’impartialité́ de la communauté́ scientifique, ainsi qu’aux questions d’intégrité́ scientifique et de déontologie, sur lesquelles se noue le pacte de confiance entre la recherche et la société́. »

      Toutefois, le COMETS s’étonne que l’étude d’impact n’examine que de manière restreinte le projet de loi à la lumière de l’intégrité scientifique et de l’éthique. L’effet-loupe de la crise sanitaire actuelle met en évidence des risques de dérives tant dans les pratiques que dans la communication des résultats de la recherche, alors que le grand public et les décideurs politiques sont en attente de résultats fiables. Au-delà du contexte particulier d’urgence, ces dérives interrogent le fonctionnement de la recherche française hérité des précédentes lois la structurant. Ainsi, nous constatons que la crise stimule un foisonnement de réflexions au sein de la communauté scientifique dont la richesse plaide pour un projet de loi ambitieux qui laisse le temps à une large concertation s’inscrivant pleinement dans le « monde d’après ».

      Cependant, dans la perspective du maintien d’un calendrier accéléré, le COMETS renouvelle dès à présent ses inquiétudes et complète ses recommandations exprimées le 24 février 2020 découlant de ses précédents avis (voir https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-publies).

      Un équilibre entre compétences et moyens récurrents et contractuels est nécessaire pour garantir l’indépendance des chercheurs, stimuler la découverte de nouveaux objets d’étude et favoriser la recherche fondamentale sur le long terme.

      La domination de priorités thématiques dans le financement de la recherche a des conséquences négatives sur la diversité et la créativité de la production scientifique.

      De plus, la précarité programmée des personnels de la recherche, touchant notamment les femmes et les jeunes, n’est favorable ni à la recherche de base, qui nécessite le temps long, ni au travail dans une ambiance sereine, coopérative et productive.

      L’instauration de la compétition comme dynamique de la recherche est propice au développement de conduites inappropriées, telles la falsification des résultats ou l’obscurcissement des données et des sources. Par ailleurs, la pression s’exerçant sur le chercheur peut générer diverses formes de harcèlement. Là-aussi, la précarité des personnels n’est pas sans conséquence en risquant de favoriser de tels manquements à l’intégrité et à la déontologie. Une vigilance est requise pour accompagner l’ensemble du personnel et le former à une recherche intègre et responsable.

      L’incitation au recrutement et à l’évaluation des personnels principalement selon des critères bibliométriques ne garantit pas le développement d’une recherche de qualité, pas plus que l’embauche de « stars » selon ces mêmes critères. Le projet de loi permet une substitution jusqu’à un quart des recrutements comme maitre de conférence ou chargé de recherche par des postes contractuels de 3 à 6 ans avant une éventuelle titularisation. Or, la réduction des postes de fonctionnaires titulaires amplifiera le manque d’attractivité des filières des métiers de la recherche, menaçant ainsi les viviers tant pour la recherche publique que pour la recherche privée françaises.

      L’incitation à des activités contractuelles directes ou via des institutions, si elle peut aider à pallier le manque d’attractivité des métiers de la recherche et répondre à un objectif économique, génèrera une multiplication des liens d’intérêts qui pourrait exposer les chercheurs à des conflits d’intérêts. Elle devrait s’accompagner d’un renforcement de la sensibilisation des personnels à ces risques. Or, dans sa rédaction actuelle, la loi ne garantit pas que les employeurs publics auront les moyens d’un contrôle et d’un conseil efficaces en matière de déontologie.

      Pour répondre à ces nouveaux enjeux, le COMETS considère que la loi de programmation, dans son ensemble, doit faire sienne la promotion de l’intégrité et de la responsabilité scientifique de tous les acteurs de la recherche.

      https://comite-ethique.cnrs.fr/1932-2

    • Le Conseil d’État étrille la LPPR

      Jeudi 23 juillet, le #Conseil_d’État a rendu son avis sur la LPPR (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_avis-conseil-etat.pdf), et ce n’est pas brillant. Comme le souligne Libération (https://www.liberation.fr/direct/element/le-conseil-detat-aussi-est-reserve-sur-le-projet-de-loi-budgetaire-pour-l), les promesses budgétaires – qui sont supposément la raison d’être de cette loi – sont particulièrement peu crédibles. Comment en effet croire un gouvernement qui, à moins de deux ans de la fin de son mandat, promet que des fonds seront débloqués sur dix ans…et surtout après la fin dudit mandat ?

      Derrière cet écran de fumée budgétaire, qui ne trompe décidément plus personne, le Conseil d’État déplore le côté « bric-à-brac » de la loi, véritable cheval de Troie difforme, cadeau trop évidemment empoisonné pour que quelqu’un·e en veuille. Il faut donc, selon le Conseil d’État, renommer la loi : « Projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur » ce qui donne #LPRA2021A2030PDDRRES ou #LPRA2130PDDRRES en version simplifiée.

      Le Conseil d’État souligne à nouveau la médiocrité de l’étude d’impact, qui a dû être remaniée après saisine afin de sembler remplir a minima les prescriptions de la loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009. Il relève également des incohérences : « par exemple en ce qui concerne les financements sur appels à projets de l’#Agence_nationale_de_la_recherche (#ANR), critiqués pour la lourdeur de leurs modalités et leurs coûts, mais regardés comme un outil décisif et à privilégier pour la politique publique de la recherche. » On en revient toujours à cette grande idée présente dès les rapports préparatoires : soigner le service public de la recherche avec les outils de sa destruction.

      Pour le reste, le Conseil d’État tacle le texte sur la forme, tout en acceptant le pire. A propos des tenure track, il est est bien obligé de noter qu’il s’agit d’une attaque portée au statut des chercheur·es et enseignant·es-chercheur·ses et d’une forme de sortie du #fonctionnariat, mais il considère que « ça va, ça passe », puisque ce dispositif sera limité à « 25 % au plus des recrutements autorisés annuels dans chaque corps et, sur la suggestion du Conseil d’État, 50 % au plus des recrutements annuels de chaque établissement ». On retrouve là la rigueur si particulière du Conseil d’État, qui considérait au début du mois que des frais d’inscription s’élevant à 2770 ou 3770 euros sont « modiques » et de nature à garantir un libre accès à l’enseignement supérieur à tou·tes (https://universiteouverte.org/2020/07/03/le-conseil-detat-permet-au-gouvernement-de-fermer-luniversite).

      Bref : le Conseil d’État laisse une fois de plus passer une loi de casse du service public, mais la LPPR est si mal fichue qu’il est bien obligé de faire la moue.

      Pour retrouver tous les avis (tous plus ou moins négatifs) émis sur la LPPR par différentes institutions, vous pouvez consultez ce billet (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR) régulièrement mis à jour par le Groupe Jean-Pierre Vernant. C’est aussi l’occasion d’écouter les prises de paroles d’acteurs et d’actrices de l’université et de la recherche le 8 juillet dernier (https://universiteouverte.org/2020/07/09/le-8-juillet-des-facs-et-labos-en-lutte).

      Pour en savoir plus sur cet avis du Conseil d’État, un excellent fil de Julien Gossa, mais aussi un dossier complet consacré à la LPPR (http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/07/lppr-le-projet-de-loi).

      https://twitter.com/JulienGossa/status/1286217438393180161?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      https://universiteouverte.org/2020/07/24/le-conseil-detat-etrille-la-lppr
      #conseil_d'Etat

    • Scientists disappointed by plan to boost France’s research prowess

      National strategy will add €26 billion to the public research budget over 10 years — but many say it isn’t enough for the country to regain its place as a scientific leader.

      Scientists in France are divided over the creation of the nation’s first ever long-term strategy for research — a multibillion-euro plan designed to help the country to stand out in an increasingly competitive global research landscape. The strategy, which was detailed in a bill that was approved by the cabinet on 22 July and is expected to be passed into law by the end of the year, promises to boost the research budget, create thousands of research jobs, raise salaries and foster innovation. But many scientists agree that the initiative has failed to live up to expectations.

      “It marks the end of 20 years of research-budget stagnation and raises salaries at last, but it doesn’t go nearly far enough,” says Patrick Lemaire, a biologist at the University of Montpellier and president of the French Society of Developmental Biology.

      France’s leading scientists were optimistic about the plan when it was proposed in 2019, because it promised to address long-standing problems in research, by, for example, protecting budgets from politically driven fluctuations and raising the salaries of early-career scientists, who in France are paid 37% below the average for nations in the Organisation for Economic Co-operation and Development.

      The plan approved by the cabinet delivers on many of these commitments, and makes an unprecedented investment in science, says the government. It adds €26 billion (US$30 billion) to the public research budget over 10 years, raising annual public funding for research by €5 billion, from €16 billion in 2020 to €21 billion in 2030. Of the new funding, about €7 billion will go to the National Research Agency, France’s competitive funding organization, to raise the grant success rate from 11% in 2014 to 30% by 2027. Another €4.5 billion will go to improving wages, and most of the rest will pay for blue-skies research grants, new equipment, operating expenses and technology-transfer projects.

      But several scientists and research organizations say the plan lacks clarity and ambition, and complain that they weren’t given enough time to consult and feed back on the details, which were released only last month. The French Academy of Sciences in Paris acknowledges that the strategy will improve career prospects and pay. But it says that the €5-billion rise in the annual research budget is lower than the extra €7 billion needed to reach the European Union target of spending 3% of gross domestic product on research.

      Antoine Petit, head of the French National Centre for Scientific Research (CNRS), Europe’s largest basic-science agency, welcomes the plan overall. “It is an absolute necessity if France is to continue playing an international role in research,” he says. He points to a 13% drop in the CNRS’s investment and operating budget, from €288 million in 2010 to €266 million in 2020, as a key reason why greater investment is needed. “But all of us regret that the increases are greater at the end of the ten-year period than at the beginning. And although €25 billion is significant, we also would have liked to have [had] more,” he adds.

      Salaries for early-career scientists will rise from 1.3 or 1.4 times the minimum wage to double the minimum, adding 10%, or €2,600–2,800, to gross annual earnings. “It is still not much for scientists with ten or more years of higher education behind them,” notes Petit. “But it is a first step.”

      Lemaire adds that the appointment of another 5,200 long-term research staff at research agencies and universities, on top of the existing 170,000 staff, is only half of what is needed. He says that the way the funding will be disbursed will reinforce the research ministry’s grip on scientific strategy. “This is because the ministry will have to validate research agencies’ and universities’ research strategies before it allocates them funding. This is unusual for France,” he says. “It also means that research organizations will concentrate on their strengths, and minority disciplines in the humanities could well disappear.”

      This bill is the result of more than a year of consultations with the scientific community, French research minister Frédérique Vidal told Nature in a statement. “It is vital today to give fresh impetus to research to bolster the economic recovery and to face the challenges ahead, while enabling France to remain one of the world’s major scientific nations. For this, we need to make scientific careers attractive.”

      https://www.nature.com/articles/d41586-020-02217-4

    • Comment la LPPR entend financer la recherche par la baisse de nos cotisations #retraite, et autres questions

      La loi de programmation de la recherche repose sur un dispositif ternaire :

      L’article 18 de la loi sur les retraites prévoit la baisse des cotisations retraite payées par l’Etat comme part socialisée de nos salaires.
      Cet argent, prélevé de nos salaires socialisés, est reversé pour partie en “revalorisation” indemnitaire, pour partie en budget de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), et pour partie en Crédit d’Impôt Recherche (CIR).
      La narration faisant de ce financement de la recherche par nos cotisations retraite un investissement “historique” permet d’acheter l’adhésion nécessaire à faire passer l’accroissement de la précarité par le système de chaires de professeur junior (Tenure Track) et de CDI de mission, qui procèdent d’une dérégulation des statuts et des modalités de recrutement.

      Nous détaillons ici ce dispositif, sous forme de questions et de réponses.

      Billet ci-dessous à retrouver paginé ici :
      http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR

      Bon été à toutes et à tous.

      En guise de cadeau estival, cet article à lire sur la plage :
      Egocentric studies : a new paradigmin medical research

      I Quel est le calendrier prévisionnel de la LPpR ?

      Dès la mi-janvier, indépendamment de l’alerte épidémique donnée par la Chine, nous avons su que le calendrier parlementaire ne permettrait pas l’examen de la LPpR avant l’automne. Le projet de loi a été présenté en Conseil des Ministres le 22 juillet 2020. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée ce qui signifie qu’il n’y aura qu’une lecture par chambre du Parlement. Le projet de loi devrait être examiné à l’Assemblée Nationale la semaine du 14 septembre, en commission, et la semaine du 21 septembre, en séance publique.

      Ce créneau a été choisi afin que l’examen de la loi par le Parlement ait lieu avant le vote du budget 2021. En effet, ce budget fera apparaître explicitement l’absence de création de postes et d’augmentation du budget de l’Université et de la recherche pour la troisième année du quinquennat. Le mécanisme de vases communicants entre cotisations retraite et “revalorisations” sera alors apparent sans avoir à faire d’effort de compréhension. Rappelons qu’en 2019 et 2020, le nombre de postes pérennes mis au concours a fortement baissé et le budget n’a été augmenté que du montant de l’inflation (-150 millions € par an, en moyenne sur trois ans), ne permettant pas la compensation du Glissement Vieillesse Technicité.

      L’encombrement du calendrier parlementaire ne laisse guère de possibilité d’examen au Sénat avant janvier 2021. Le faible poids politique de Frédérique Vidal permet de supposer que l’examen de la loi donnera lieu à un travail d’amendement et de lobbying conséquent. D’après nos informations, le cabinet ministériel anticipe un possible redécoupage de la loi entre l’examen par les deux chambres, en séparant le volet “Ressources Humaines” du volet budgétaire. En effet, le Conseil d’Etat a prévenu qu’il pouvait s’avérer anticonstitutionnel de reporter les compensations de rémunération liées à la loi sur les retraites à une loi de programmation.

      II Quels sont les documents du projet de loi de programmation de la recherche 2021-2030 ?

      Le projet de loi :
      http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_projet-loi.pdf

      L’étude d’impact de la loi :
      http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_etude-impact.pdf

      L’avis du Conseil économique, social et environnemental :
      "Peut-on soigner un système avec les outils qui l’ont rendu malade ?"
      https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2020/2020_13_programmation_pluriannuelle_recherche.pdf

      L’avis du Conseil d’Etat :
      http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_avis-conseil-etat.pdf

      Les mesures indemnitaires :
      http://www.groupejeanpierrevernant.info/LPPR_Mesures_indemnitaires.pdf

      III Quel est le budget exceptionnel alloué à la recherche et à l’Université suite à la crise du coronavirus ?

      Le plan de relance européen a conduit à baisser le budget européen de la recherche (HorizonEU, planifié pour 7 ans) de 94,4 milliards € à 81 milliards €. Le rapport Lamy de 2017 recommandait une somme supérieure à 120 milliards €.

      Dans le projet de loi de finance rectificative de 2020, le Sénat a voté par amendement le transfert de 150 millions € à la recherche (programme 172). L’amendement a été supprimé en commission mixte paritaire. Il n’y a donc aucun budget exceptionnel alloué, ni à la recherche, ni à l’Université.

      IV Comment les crédits de la loi de programmation de la recherche seront-ils prélevés sur nos cotisations de retraite ?

      L’essentiel des sommes que la loi de programmation de la recherche prévoit de redistribuer proviennent de la baisse programmée de la part patronale dans les cotisations de retraite. Les crédits de recherche et la revalorisation des salaires promis proviennent donc de prélèvement dans notre salaire socialisé, sans augmentation budgétaire réelle.

      Le budget brut salarial pour l’Université et la recherche s’élève à 10,38 milliards € par an. La baisse de cotisation patronale de l’État de 74,3% à 16,9% sur 15 ans permettra à terme de redistribuer les 6 milliards € par an prélevés sur notre salaire socialisé — c’est le nom qu’il convient d’utiliser pour les “charges patronales”. Pour la période 2021-2030 couverte par la LPpR, l’article 18 conduira en cumulé à 21,8 milliards € de prélèvement dans nos cotisations de retraite [1].

      V Comment les crédits de la loi de programmation de la recherche seront-ils ventilés ?

      Les annonces budgétaires qui n’ont pas été tenues en temps normal, de l’aveu même de Frédérique Vidal (“Il y a de la défiance car de nombreuses promesses n’ont pas été tenues par le passé.”) ont des chances infimes d’être tenues pendant une crise économique. De fait, la crise de 2007-2008 nous a montré que les budgets des services publics servaient de variable d’ajustement pour sauvegarder la “confiance des marchés”.

      La LPpR porte essentiellement sur le programme 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires) auquel est rattaché le Crédit d’Impôt Recherche. La recherche spatiale (programme 193), passée sous la tutelle de Bercy pour accélérer les programmes de privatisation, est également mentionnée mais les chiffres ont été “retraités” (sic) pour escamoter le remboursement de la dette française à l’Agence spatiale européenne. Enfin, “l’incidence” (sic) sur le budget de l’Université (programme 150) est mentionnée, qui couvrira les “revalorisations indemnitaires” et les chaires de professeur junior (tenure track) : 150 millions € par an sur les trois dernières années.

      Selon le communiqué de presse [2], la loi était supposée augmenter les crédits du programme 172 par paliers de 400 millions € pendant le fin du quinquennat, puis plus vite pour atteindre 5 milliards € de plus par an en 2030. Le projet de loi propose une augmentation plus modeste, de 320 millions € par an, sauf… en 2021, où l’augmentation n’est que de 224 millions €. Or, le seul budget qui engage l’exécutif est justement celui de 2021. Par la suite, rien n’oblige le parlement à suivre les recommandations du plan de programmation lors des votes annuels des budgets. Du reste, le mot “pluriannuel” a disparu du titre de la loi. L’augmentation de 224 millions € sur le programme 172 en 2021 doit être comparée à celle réalisée pendant les premières années du quinquennat : +200 millions € par an, ce qui correspond à la croissance moyenne des dépenses fiscales en Crédit d’Impôts Recherche sur les cinq dernières années.

      Résumons nous. Sur dix ans, une fois l’inflation soustraite, l’effort consenti par Bercy dans le programme 172 (CIR, ANR, grands organismes) est de 10,5 milliards € (euros de 2020), à comparer au 17,63 milliards € (euros de 2020) prélevés sur nos cotisations de retraite. Une moitié, environ de ce transfert budgétaire se fera au profit l’ANR [3], soit un petit tiers des économies faites sur le salaire socialisé. Une large partie du reste devrait donc être destinée à augmenter l’aide directe aux entreprises par la niche fiscale du Crédit d’Impôt Recherche.

      VI Combien de postes statutaires sont planifiés dans la LPpR ?

      Les annonces budgétaires qui n’ont pas été tenues en temps normal, de l’aveu même de Frédérique Vidal (“Il y a de la défiance car de nombreuses promesses n’ont pas été tenues par le passé.”) ont des chances infimes d’être tenues pendant une crise économique. De fait, la crise de 2007-2008 nous a montré que les budgets des services publics servaient de variable d’ajustement pour sauvegarder la “confiance des marchés”.

      Aucun article du projet de loi n’est consacré à l’emploi statutaire. L’augmentation des moyens de l’ANR, la création (article 3) d’un système de chaires de professeur junior (tenure track) et la création (article 6) des CDI de mission participent d’un développement de l’emploi contractuel et d’un renforcement du contrôle bureaucratique de la recherche.

      VII Quel sera le montant des revalorisations compensant partiellement la baisse des cotisations retraite ?

      Que fera l’Etat de ce prélèvement sur le salaire socialisé, qui va croître pendant 15 ans ? En 2021, 77,7 millions € seront consacrés à aligner la cotisation salariale et à compenser la disparition de la retraite additionnelle de la fonction publique. La “revalorisation indemnitaire” sous forme de primes n’est donc rien d’autre qu’une compensation de baisses des revenus liés aux systèmes de solidarité nationale. En fait de revalorisation, il s’agit d’un alignement graduel de la partition entre salaire net et salaire socialisé sur le régime du privé, le salaire total baissant. De même, les mesures de “renforcement de l’attractivité” des postes précaires ne sont rien d’autre qu’un transfert entre salaire socialisé et salaire brut, rapprochant la partition de celle en usage dans les pays anglo-saxons.

      Le choix de “revalorisations” indemnitaires (primes) plutôt que de “revalorisations” salariales (augmentation du point d’indice) permet à l’Etat de ne pas payer de salaire socialisé (de “charges”) et d’accroître l’adhésion de la technostructure managériale. Le montant des enveloppes budgétaires, en million € (m€), pour chaque filière en 2021 est le suivant :

      EC : 45 m€ pour 48 793 bénéficiaires soit 77€ en moyenne/mois
      Chercheurs : 17,5 m€ pour 17 188 bénéficiaires soit 85€ en moyenne/mois
      ESAS : 3,6 m€ pour 12 755 bénéficiaires soit 24€ en moyenne/mois
      BIB : 0,3 m€ pour 4 237 bénéficiaires soit 6€25 en moyenne/mois
      ITRF : 1,8 m€ pour 39 129 bénéficiaires soit 3€80 en moyenne/mois
      ITA : 7,5 m€ pour 24 391 bénéficiaires soit 26€ en moyenne/mois
      Contractuels : 7,2 m€ (nombre de bénéficiaire non précisé ; probablement 19 000).

      La rémunération des 128 000 vacataires ne semble pas faire l’objet d’une “revalorisation” dans le cadre de la LPpR.

      Les autres questions à retrouver en ligne :

      VIII Qui soutient ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      IX Qui est à l’origine de ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      X Le “Pacte productif” de Bercy empiète-t-il sur le pilotage et le budget de la recherche ?

      XI Quelle est le montant des crédits exceptionnels annoncés par Emmanuel Macron à l’Institut Pasteur ?

      "Le vrai courage c’est, au-dedans de soi, de ne pas céder, ne pas plier, ne pas renoncer."

      Groupe Jean-Pierre Vernant

      Message reçu via la mailing-list ESR, le 24.07.2020
      #cotisations_retraite

    • Le Comité National Français de Géographie et 37 autres sociétés savantes, couvrant la majorité des domaines de la recherche publique, ont réalisé une analyse du projet de loi assortie de pistes d’amendements, dans l’espoir au moins d’améliorer le projet, à défaut d’obtenir plus de résultats après tant de tentatives de faire porter la voix du monde de la recherche. Vous trouverez ce document ici :
      https://societes-savantes.fr/wp-content/uploads/2020/08/Societes-savantes_Analyses-et-propositions-LPR_Assemblee_nationale

      Ce document a été envoyé officiellement aux rapporteur.e.s du projet de loi, aux présidents des commissions parlementaires concernées et à l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST).

      Message reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte

    • L’Arnaque

      Un #piège monumental est en train de se refermer sur les universitaires et le monde de la recherche. Alors que la LPPR passe au parlement en procédure accélérée, Frédérique Vidal conditionne un protocole d’accord sur la revalorisation des salaires et des primes à l’adoption de la LPPR, une loi de précarisation et de privatisation de la recherche qui est rejetée par la communauté universitaire.

      Ce billet de rentrée sur la LLPR est encadré par un coup de gueule et une vidéo. Le coup de gueule est le suivant, à triple détente :

      1. Alors que Frédérique Vidal disposait de tout l’été pour préparer une rentrée universitaire sous le signe de la prévention des risques, elle n’a pas été capable de proposer aux établissements d’enseignement supérieur un protocole sanitaire solide dans un calendrier décent. La rentrée avait déjà eu lieu dans de nombreuses universités quand la circulaire Covid est arrivée. Trop tard ! Résultat : 10 clusters.

      2. Alors que Frédérique Vidal fait reposer la gestion de la crise sanitaire sur la liberté et l’autonomie des établissements - et donc de leurs directions -, les présidents d’université se défaussent quant à eux sur les composantes et labos en leur refilant le bébé encombrant de la responsabilité. Dans le contexte d’insécurité juridique de la crise sanitaire, les présidences tentent évidemment de reporter sur les composantes et laboratoires la charge morale, administrative et financière de la gestion de la crise. Une fois de plus ce qui apparait dans le discours comme une proclamation de liberté et d’autonomie pour les composantes et les unités constitue dans les faits une stratégie de déresponsabilisation et une sournoise délégation. Résultats : 10 clusters supplémentaires, soit une vingtaine (situation actuelle au 14-09, selon des informations fiables. À Strasbourg 3 composantes au moins viennent de fermer leur accès aux étudiants).

      3. Alors que Frédérique Vidal promet à la Recherche des milliards - dont on ne verra jamais la couleur -, elle n’est pas fichue de dégager quelques dizaines de millions pour payer des masques aux étudiants, du gel aux établissements, des FFP2 aux personnels fragiles, des fenêtres qui s’ouvrent et quelques ventilations performantes pour les amphis bondés. Madame la Ministre, comme vos présidents d’université, vous vous défaussez, vous déléguez, vous proclamez notre autonomie, mais vous ne nous donnez jamais d’argent. Faudra-t-il que nous traversions la rue pour aller le chercher ? En attendant, vous ne compensez pas les dépenses faites par les établissements lors du confinement et vous ignorez les besoins urgents de la rentrée, alors que les présidents disent à leur composantes et labos : vous devez financer votre propre sécurité et celle de vos étudiants. Aujourd’hui les crédits de fonctionnement des facs et labos étant ce qu’ils sont, il n’y a pas assez de spray et de papier pour nettoyer les tables et bureaux. Résultat assuré : 50 clusters supplémentaires avant la fin de la semaine !

      Merci Frédérique Vidal ! Avec de tels choix, vous aurez bientôt plus de Covid sur les mains que votre collègue Buzyn. Passons à la LPPR, par laquelle vous nous promettez un siècle de précarité.

      –-------------.

      L’État macronien est en passe de devenir le plus grand Arnaqueur des fonctionnaires. Les néolibéraux de droite et de gauche ont fait très fort ces 20 dernières années, mais Macron les surpasse en rapidité et en efficacité. Ses ministres excellent en tromperies en tous genres, en mensonges savamment distillés et en enfumages discrets ou massifs qui leur permettent de progresser rapidement dans leur entreprise de « défonctionnarisation » et de privatisation des services encore un peu « publics ». Mensonges et enfumages n’ont pas non plus manqué dans la gestion calamiteuse de la crise sanitaire. Mais l’une des tromperies les plus manifestes se déroule en ce moment-même, sous nos yeux, sans qu’elle soit dénoncée avec la vigueur qui s’impose : Frédérique Vidal tente d’utiliser le miroir aux alouettes d’un protocole d’accord sur la revalorisation des primes des agents de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) pour faire des organisations syndicales les plus grands dindons de l’histoire des négociations dans la fonction publique. Le SGEN-CFDT, l’UNSA et le SNPTES négocient. Sud, la CGT et FO ne mettent pas le doigt dans l’engrenage et demandent le retrait du protocole. La FSU est retenue d’y aller par le SNESUP - majoritaire chez les enseignants-chercheurs et premier syndicat de la FSU dans l’ESR- qui « s’oppose à la signature d’un accord qui pose comme préalable l’acceptation de la LPPR ». Je rappelle les enjeux de la LPPR pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi les mésaventures de cette loi et je procède à la description de l’arnaque.

      Après l’adoption en août 2019 de la Loi de transformation de la Fonction publique (voir ici pour une critique des principales dispositions), le terrain était préparé pour le passage rapide d’une loi de transformation de la recherche, ce que le gouvernement a lancé dès l’automne 2019 avec la réunion de groupes de travail, en vue de préparer la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dite LPPR. Parmi les nombreuses sources documentaires sur la LPPR, on pourra consulter le dossier conçu par Julien Gossa ou les textes rassemblés sur le site du SNESUP. Dénoncée depuis l’automne 2019, dévoilée partiellement en janvier 2020 (voir les premières analyses de Rogue-ESR ici et là le travail de « Désenfumage » du Groupe Jean-Pierre Vernant), fortement critiquée par la majorité des organisations syndicales, mise au placard pendant le confinement mais relancée par Frédérique Vidal dès la sortie du confinement, rejetée par les instances nationales consultatives en juin, étrillée en juillet par le Conseil d’État (voir ici), faisant l’objet d’une étude d’impact tout à la fois ubuesque et instructive, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche est, avec la réforme des retraites, le projet gouvernemental qui a provoqué la contestation la plus forte dans l’ESR depuis une dizaine d’années. Nous n’oublions pas que le 5 mars 2020 l’Université française s’est arrêtée (voir ici ou là), que la crise sanitaire n’a pas réduit les opposants au silence (« La LPPR est de retour ? Eh bien nous aussi, et plus déterminés que jamais ! »), et que, tout au contraire, cette crise a mis cruellement en évidence l’urgence à Refonder l’Université et la recherche, un appel signé par plus de 7000 personnes, dont une très grande majorité de chercheurs.

      C’est que la LPPR contient tous les éléments nécessaires au parachèvement de la grande entreprise de privatisation de l’ESR entamée en 2007 par Pécresse et Sarkozy avec la loi LRU : aggravation de la part des financements de la recherche sur appels à projet au détriment des crédits récurrents, renforcement et généralisation des pratiques bureaucratiques de l’évaluation, contrats doctoraux de droit privé, CDI de mission calqués sur les CDI de chantier du privé, tenure tracks à la française créant une voix d’accès au corps de Directeur de recherche et des Professeur d’université par la contractualisation et conduisant ainsi au contournement du CNU, à l’affaiblissement du cadre national des concours, à l’avivement de la concurrence entre collègues au détriment de la collégialité, et surtout - pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore compris - à la remise en cause la plus grave qui soit du statut général des fonctionnaires et de l’égalité des Citoyens devant l’accès à l’emploi public. Voir sur ce point la démonstration implacable dee la rédaction d’Academia. Il n’est donc pas étonnant que 81 % des 2500 collègues qui ont répondu à l’enquête de Rogue-ESR rejettent expressément "le volet managérial et statutaire de la LPPR".

      Afin de faire passer cette loi continument et massivement contestée, Frédérique Vidal et ses conseillers ont mis en place un dispositif ingénieux. D’autres diraient qu’ils ont ourdi un plan retors qui est en passe de produire les résultats escomptés. En fait, la recette est assez simple : emboitez un protocole de revalorisation des carrières et des primes dans la loi, et vous aurez plus de chances de faire passez la loi. C’est écrit noir sur blanc à la page 12 du protocole : « Les engagements pris dans le présent protocole d’accord nécessitent pour leur mise en oeuvre l’adoption des mesures budgétaires et des dispositions législatives qui figurent dans le projet de loi de programmation pour la recherche pour les années 2021 à 2030. » Un message clair est envoyé aux parlementaires : si vous ne votez pas la loi vous refusez aux personnels de l’ESR la revalorisation de leur carrière et de leurs primes.

      En amont il convient de s’assurer que des organisations syndicales seront bien signataires. Vidal et ses petits diables ont mis le paquet, au moyen d’un triple chantage : transmis le 31 août le protocole devait être signé par les syndicats avant le 8 septembre, une date tellement scandaleuse que le ministère a dû accepter un peu de souplesse : le 15 septembre pour amender une version N°2. Par ailleurs l’accord sera validé sans majorité. Vidal l’a écrit. Enfin, le sommet de la pression, dont il faudra tirer toutes les conséquences : seules les organisations syndicales signataires du protocole feront partie du comité de suivi dont le rôle est présenté comme déterminant. En effet, c’est lui qui actera bien des choses et suivra la progression du dispositif jusqu’en 2027. Plus précisément, plusieurs étages du protocole seront définis après la signature de celui-ci. Deux exemples :

      « S’agissant des enseignants-chercheurs et des chercheurs, dont les régimes indemnitaires sont disparates et parfois particulièrement anciens, le comité de suivi réunissant les organisations syndicales signataires du présent accord sera réuni avant la fin 2020 pour définir une nouvelle architecture des primes des enseignants-chercheurs et des chercheurs. »

      « L’objectif est de définir en concertation avec les organisations signataires ce nouveau régime indemnitaire au premier semestre 2021 afin qu’il soit juridiquement adopté au plan interministériel a` l’été 2021 pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2022. »

      La logique est la suivante : vous signez d’abord et vous aurez le droit de négocier après. Autrement dit le gouvernement entend acter par cet accord la fin des règles de base du paritarisme et du dialogue social : la négociation et l’établissement de l’accord précèdent la signature. Par un jeu pervers de distribution des décisions avant et après la signature, Vidal entend gagner sur toute la ligne. Les organisations qui signent – lesquelles auront l’honneur insigne de présider en continu à l’amélioration des carrières et jouiront du privilège de communiquer régulièrement à leurs adhérents la quantité de biftons supplémentaires - seront bien sûr affaiblies quand la bise sera venue : augmenter les primes de 300 euros par an n’engage aucun gouvernement à venir. Celles qui ne signent pas seront exclues du cercle des négociations infinies. Mais elles auront un peu sauvé l’honneur de la recherche en refusant des primes - par nature inégalitaires - pour les seuls titulaires, en refusant l’inflation d’emplois contractuels au détriment des postes de fonctionnaire, en refusant l’évaluation permanente qui est destructrice des collectifs de travail, et en refusant de refermer le piège de la LPPR sur les générations de chercheurs à venir et sur plusieurs génération de précaires.

      –-----------

      Ce scénario d’imposition de la LPPR ressemble étrangement aux quatre étapes décrites dans le trailer du film de 1973 de George Roy Hill, L’Arnaque (The Sting) : « D’abord on monte le coup (la LPPR) , … ensuite on met l’appât (le protocole), … puis on fait un court-circuit (division des syndicats par les chantages multiples), … enfin l’arnaque est prête (la signature d’un faux protocole ouvrant le droit à négocier) ».

      https://www.youtube.com/watch?v=QUhAwqvHZnk&feature=emb_logo

      La LPPR comme le protocole d’accord constituent une seule et même escroquerie, exemplaire d’un néolibéralisme cynique qui a remplacé la carotte et le bâton par le masque et les fumigènes. Mais les masques tombent et la fumée se dissipe.

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/140920/l-arnaque
      #arnaque

  • Le plan d’aide aux collectivités jugé largement insuffisant par les élus | Public Senat
    https://www.publicsenat.fr/article/politique/le-plan-d-aide-aux-collectivites-juge-largement-insuffisant-par-les-elus

    Le gouvernement a dévoilé vendredi les premières mesures de son plan d’aide aux collectivités. Des aides « pas à la hauteur » pour les communes, qui recevront 750 millions d’euros de compensation de pertes de recettes fiscales.

    #fiscalité_locale #covid-19 #collectivités_territoriales

  • Des #experts #CNRS pour les #entreprises

    Pour faciliter les relations entre le monde économique et le CNRS, l’organisme de recherche propose désormais un nouveau #service : #Trouver_un_expert (https://trouverunexpert.cnrs.fr). Explications avec Edith Wilmart, directrice de CNRS Formation Entreprises.

    La Direction des relations avec les entreprises (DRE) du CNRS a lancé au début de l’année un nouveau service, Trouver un expert1, dont vous êtes la responsable. À qui s’adresse-t-il et dans quel but ?

    Edith Wilmart : Il s’agit d’un service destiné aux entreprises (#Start-up, #PME, #grands_groupes), aux services de l’État (#douane, #gendarmerie, #police, #hôpitaux) et aux #collectivités_territoriales. Notre mission est l’identification d’un #expert ou d’une experte correspondant à leurs besoins au sein des 1 100 #laboratoires du CNRS et de ses partenaires. Relevant de la DRE, Trouver un Expert est géré par une équipe composée de scientifiques qui travaillent pour et avec les demandeurs, futurs #partenaires potentiels du CNRS.

    Ce service a connu un véritable succès lors de sa présentation sur des #salons_professionnels tels que #Cosmetic_360 et #Textival et nous nous attendons à plusieurs centaines de demandes cette année. En à peine quelques semaines, nous avons déjà reçu des dizaines de requêtes émanant d’entreprises, que nous avons toutes traitées avec succès. À titre d’exemple, nous avons orienté une PME dans le secteur des cosmétiques vers un laboratoire qui maîtrise parfaitement les oxydes métalliques et leurs impacts sur la santé, ou encore une grande entreprise dans le secteur des dispositifs médicaux vers un chercheur travaillant sur la place du sport dans la société. Nos actions permettront la création de plus d’interactions, notamment avec les PME et les #ETI.

    Comment cela se passe-t-il concrètement ?

    E. W : Les entreprises, services de l’État et collectivités déposent simplement leur demande sur le site internet via un formulaire (https://trouverunexpert.cnrs.fr/faire-une-demande). L’équipe Trouver un expert l’étudie en toute #discrétion, en s’appuyant sur des outils et sur des réseaux internes, dont les chargés de #valorisation des instituts et des délégations du CNRS. Notre équipe de scientifiques est à même de traduire les demandes des entreprises envers les chercheurs et de les affiner si besoin. En moyenne, au bout d’une quinzaine de jours, l’expert ou l’experte identifié et le demandeur sont mis en relation. Si c’est un succès, notre équipe oriente le #tandem ainsi constitué vers la structure de #contractualisation dédiée. Ensemble, ils conviennent du mode d’interaction nécessaire pour mener à bien le projet, via un contrat de #consultance, une #prestation_de_service_intellectuelle ou technique, un #contrat_de_collaboration ou encore une #formation.

    D’où est venue l’idée de créer Trouver un expert ?

    E. W : « Comment fait-on pour travailler avec le CNRS ? » C’est une question qui revient souvent sur les salons de la part des entreprises innovantes. Mais difficile pour elles de s’y retrouver lorsque l’on sait que le CNRS représente 1 100 laboratoires qui couvrent l’ensemble des disciplines scientifiques. Nous apportons une #plus-value, par rapport à un service essentiellement basé sur un moteur de recherche, qui réside dans le traitement au cas par cas des demandes, de manière rapide et efficace. Grâce à la pertinence de l’expert identifié, l’assurance de ses motivations et disponibilités, Trouver un expert propose un service « sur mesure » !

    http://www.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/des-experts-cnrs-pour-les-entreprises

    #recherche #mise_en_relation #service_gratuit #gratuité #économie #marchandisation #université #R&D #savoirs #connaissance #France

    #néo-libéralisme

  • #Livre-blanc - Prendre au sérieux la société de la #connaissance

    Ce Livre Blanc est le fruit de quatre années de rencontres, de séminaires préparatoires, de colloques, d’auditions, de focus groups. Plus de 1.500 personnes y ont contribué depuis 2012. Il est représentatif de ce que l’on nomme « la #société_de_la_connaissance_par_le_bas ». Il se justifie d’autant plus que la confiance de tous nos interlocuteurs dans l’apport des démarches scientifiques comme de la #formation_supérieure dans la construction de notre futur commun est avérée. Ce Livre Blanc est une contribution à l’analyse. Il propose des pistes d’amélioration des politiques publiques. Il vise à définir l’horizon d’actions pour les acteurs concernés : le législateur, l’exécutif, les acteurs de la société civile, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, et les collectivités

    https://inra-dam-front-resources-cdn.wedia-group.com/ressources/afile/397900-528c0-resource-livre-blanc-alliss-prendre-au-serieux-la-societe-de-la-connaissance.pdf
    #capacitation #savoir #université #innovation_élargie #recherche #société_civile

    –---

    Ce Livre Blanc a été envoyé par email dans une des listes militantes contre la réforme retraites et contre la LPPR, le 25.01.2020. Avec ce commentaire :

    Dans le cadre de l’#OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a pour mission d’informer le Parlement), en mars 2017, cette association avait présenté son Livre Blanc « Prendre au sérieux la société de la connaissance »

    https://inra-dam-front-resources-cdn.wedia-group.com/ressources/afile/397900-528c0-resource-livre-blanc-alliss-prendre-au-serieux-la-societe-de-la-connaissance.pdf
    Livre blanc envoyé ensuite à tous les candidats à la présidentielle

    https://usbeketrica.com/article/le-tiers-etat-de-la-recherche-envoie-ses-doleances-aux-candidats

    L’idée est simple : les #associations seraient devenues un acteur incontournable de la recherche mais souffrent d’un manque de #reconnaissance, et surtout d’un manque de #moyens !

    Le SNCS-FSU avait réalisé une lecture critique de ce Livre Blanc de 2017, à laquelle j’avais participée, que je vous transmets ci-dessous (le secrétaire général du SNCS-FSU avait réussi à se faire inviter à l’ OPECST, pour soulever, depuis la salle - et non à la tribune - nos inquiétudes) :

    1/ Ce document intègre une vision limitée des acteurs qui produisent de la #recherche_publique, comme en témoigne la définition de "Recherche" p. 8 : "les chercheurs professionnels, aussi appelés les scientifiques" = or pour faire fonctionner l’appareil public de recherche, on a besoin d’entre un tiers et de la moitié d’Ingénieurs, Techniciens et Administratifs (#ITA), qui ici sont totalement négligés, voire considérés comme remplaçables par des citoyens bénévoles ou des doctorants salariés par ces associations.

    Il repose aussi sur une vision très stigmatisée de la recherche publique, avec des termes péjoratifs répétés de manière régulière comme "confinée en laboratoire", "approches académiques surplombantes", "la République des savants", "silos disciplinaires"...

    C’est à se demander s’ils veulent travailler avec des scientifiques...

    2/ Ce document repose à l’inverse sur une vision idéalisée des gentils citoyens, qui seraient animés d’un même but, faire progresser la recherche fondamentale, d’un souci du bien commun, liée à leur curiosité et à leur engagement, sur des « causes communes ».

    Or, si des « amateurs » éclairés peuvent participer à l’observation de faits naturels (les oiseaux, la flore, ou les patients à l’égard de leur maladie et traitement), ou éventuellement certains faits sociaux avec les personnes concernées (pauvreté comme ATD-QuartMonde, transport), ce n’est pas réplicable dans tous les domaines.

    Sur d’autres « #causes_communes » plus discutées (égalité femmes-hommes et LGBT, avortement, racisme et immigration, origine du monde, OGM…), des amateurs éclairés avec des valeurs politiques ou religieuses pourraient même s’investir « contre » le développement de la recherche publique fondamentale.

    Loin de l’angélisme de ce document, des associations peuvent aussi détournées de leur but original par des organisations marchandes (les multinationales adorent les fondations) pour faire du #lobbying et influencer sur les problématiques « importantes », ou privilégier leur pérennité à la #vérité_scientifique (notamment quand les emplois en dépendent).

    Surtout, la production de connaissances ne doit pas être orientée que sur des « causes », même louables, pour poursuivre sa propre logique de #découverte_scientifique, on est bien là sur une #recherche_orientée, même sur des buts nobles.

    3/ Ce document intègre un parti-pris totalement idéologique selon lequel seules les associations (donc le privé non lucratif) seraient mieux à même de jouer le rôle de #médiation entre recherche et sociétés, notamment les #collectivités_territoriales, que des structures publiques. Et ces associations seraient le « tiers-Etat » de la recherche, au sens surtout de « pas assez financée » et ayant besoin de #subventions_publiques.

    Or la plus-value des associations en matière de production de savoirs, par rapport à la fonction publique de recherche, reste à démontrer, car les associations sont des petites structures de moyen terme, moins pérennes, très dépendantes de leurs financeurs, qui peuvent difficilement porter des infrastructures de long terme comme des bases de données ou des appareillages coûteux, ou des bibliothèques spécialisées. Une association soutenue par une Région peut être fragilisée en cas de changement de majorité politique.

    Le document signale d’ailleurs lui-même cette fragilité :

    En 2015, les élections régionales ont mis un terme aux initiatives locales pour se concentrer sur le #transfert_technologique (p. 55) Dans les exemples développés, des associations, comme #TelaBonica, ont pris le relais d’activités de recherche désinvesties par la recherche publique. Ces "associations" reposent d’ailleurs sur de larges financements publics, comme TelaBonica :

    http://www.tela-botanica.org/page:partenaires_financiers?langue=fr

    D’autres exemples cités, comme les #FabLab, ne produisent pas de la recherche, même s’ils peuvent réaliser de l’#innovation et faire de la transmission des savoirs scientifiques.

    Nombre d’exemples cités auraient pu tout autant être développés dans des structures publiques de recherche, sous la forme de projets participatifs. Le passage concernant les collectivités territoriales est très problématique : pour l’instant, les universités et EPST, implantés dans toutes les régions, avaient construit des liens avec les collectivités territoriales, via des financements des structures publiques, de colloques ou de doctorants en #CIFRE ou post-docs financés. D’où sort l’idée, qui ne s’appuie sur aucun chiffre, que le lien entre recherche et collectivités territoriales est inexistant ? A part que dans certaines régions, les laboratoires publics et les universités ont été progressivement fragilisés et sous-financés !

    Il faut donc que ce modèle, qui s’est développé à petite échelle et sous certaines conditions "bonnes", voire "idéales", notamment dans le champ de l’#éducation_populaire_scientifique ne soit pas étendu sans réflexion, sur les effets pervers encore non anticipés, surtout quand ils demandent que leur soient ouverts de nouveaux droits collectifs :

    – demande d’avoir des sièges dans les conseils scientifiques et instances scientifiques des EPST et universités (avec effet sur les problématiques légitimes ou pas, financées ou pas) : de quelles instances précisément ? et à quelle association précisément ?

    – demande de reconnaissance du travail scientifique "bénévole" de collecte de données (qui peut à terme justifier de ne pas remplacer des postes d’Ingénieurs et de techniciens dans les laboratoires publics et donc que le travail associatif se fasse en substitution du travail des fonctionnaires), qui serait validée par des seules "normes qualité" ; or le contrôle doit se faire par les pairs, dans la proximité, pour éviter toute dérive de données fausses, bidonnées et non vérifiables !

    – demande d’un budget de l’ESR de 110 M€ ciblé sur des associations à but scientifique, ce qui donne des emplois dérivés vers ces structures, avec 1.000 thèses en CIFRE, un programme ANR, une extension du Crédit Impôt Recherche aux associations, un service civique étudiant scientifique... Et puis quoi encore ?

    Ce Livre blanc n’a jamais été discuté largement avec la communauté scientifique et ses instances représentatives. On ne peut pas plaider pour des sciences participatives et citoyennes, sans demander l’avis aux scientifiques, ça ne marche pas que dans un sens !

    5/ Enfin, on peut se demander pourquoi la coordination du Libre Blanc de 2017 n’était portée que par certains acteurs de l’ESR, alors que #Alliss se présente comme une « plateforme de travail et de coopération » entre établissements d’enseignement supérieur et de recherche et acteurs de la société civile, associations, syndicats, entreprises.

    #RAP #PAR

  • Le recours aux #contractuels largement banalisé dans les collectivités
    https://www.banquedesterritoires.fr/le-recours-aux-contractuels-largement-banalise-dans-les-collect

    Une étude inédite de la direction des retraites et de la solidarité de la Caisse des Dépôts révèle combien le recrutement de contractuels est déjà répandu dans les #collectivités_territoriales. Souvent jeunes, les titulaires de ces contrats ont en général des rémunérations faibles.

  • L’incendie de Notre-Dame repose - aussi - la question du #patrimoine_religieux des #communes
    https://www.banquedesterritoires.fr/lincendie-de-notre-dame-repose-aussi-la-question-du-patrimoine-

    Alors que le conseil des ministres du 24 avril a validé le projet de loi pour la #restauration et la #conservation de la cathédrale de Notre-Dame de Paris en instituant une souscription nationale, des débats passionnants réinterrogent la relation des #collectivités_territoriales avec leur patrimoine religieux. Débat autour de l’entretien, de l’insuffisance du financement des communes, de l’écart Paris-province... et l’on prend soudain conscience qu’une bonne partie des opérations financées par le #Loto du patrimoine sont des monuments religieux.

    #fondation_du_patrimoine #loi_de_1905

  • Incendie de #Notre-Dame de Paris : les collectivités mobilisées pour la reconstruction de la cathédrale
    https://www.banquedesterritoires.fr/incendie-de-notre-dame-de-paris-les-collectivites-mobilisees-po

    L’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris, dans la nuit du 15 au 16 avril 2019, a soulevé une vague d’émotion et provoqué un afflux de dons pour financer sa reconstruction. Les collectivités locales participent à l’élan. Le secteur privé aussi, qui promet déjà près de 700 millions d’euros.

    #fondation_du_patrimoine #patrimoine #collectivités_territoriales #unesco #

    Jacky Favret, président de l’Union régionale des communes forestières de Bourgogne-Franche-Comté, a demandé aux 3.000 communes forestières du secteur de « jouer la solidarité » en « donnant un #chêne (...) pour Notre-Dame de Paris ».
    À noter, la ville hongroise de Szeged a annoncé faire un don de 10.000 euros, s’estimant redevable à Paris. En 1879, la capitale française avait aidé à la reconstruction de cette ville du sud du pays, dévastée par une inondation.

    […] Du côté de l’#industrie_du_bois, Groupe Charlois, premier producteur français de #bois de chêne, a annoncé qu’il fera un don en nature pour la reconstruction de la #charpente incendiée. Son dirigeant, Sylvain Charlois, jugeant qu’il « n’y a pas en France des stocks de bois déjà sciés disponibles pour un tel chantier », lance un appel à « toutes les bonnes volontés » de la filière pour constituer ce stock. L’exploitant a proposé d’être « le réceptacle », notamment sur son site historique de Murlin, dans la Nièvre, aussi siège du groupe.
    Abritée par la Fondation du Patrimoine, la fondation Fransylva, qui assure la promotion des forêts privées de France, demande quant à elle aux « 3,5 millions de propriétaires privées de #forêts en France de donner un chêne pour la reconstruction de Notre-Dame ».
    La Caisse des Dépôts a de son côté annoncé qu’elle offrira des chênes issus de ses forêts gérées par la Société forestière.

  • Allègements décidés par le législateur : les compensations aux collectivités se réduisent comme peau de chagrin
    https://www.banquedesterritoires.fr/allegements-decides-par-le-legislateur-les-compensations-aux-co

    Les #compensations versées par l’État aux #collectivités_territoriales pour les #exonérations d’#impôts_locaux décidées par la loi dépassent, cette année, les 2 milliards d’euros. Cette coquette somme est pourtant loin de couvrir le manque à gagner que le secteur public local a à déplorer. Un rapport de Bercy, auquel Localtis a eu accès, fait le point.

    #finances_locales

  • #Parité dans les communes et intercommunalités : bientôt des mesures législatives ?
    https://www.banquedesterritoires.fr/parite-dans-les-communes-et-intercommunalites-bientot-des-mesur

    À l’Assemblée nationale, la délégation aux #droits_des_femmes souhaite un durcissement des règles en matière de parité dans les #conseils_municipaux et communautaires. A cette fin, elle a simultanément déposé une proposition de loi et préparé des amendements sur un texte sénatorial relatif aux communes nouvelles.

    #égalité_femmes_hommes #collectivités_territoriales

  • BIS communes nouvelles 2019_9 - bis_130_2.pdf
    https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/bis_130_2.pdf

    Entre 2010 et 2019, 2 508 #communes se sont regroupées pour créer 774 #communes_ nouvelles. Ces créations se sont fortement accélérées depuis 2016. En conséquence, au 1er janvier 2019, on compte 34 970 communes en France, soit 5 % de moins qu’au 1er janvier 2010. Ces 774 communes nouvelles sont plus nombreuses dans le quart Nord-Ouest de la France et plus particulièrement dans le Calvados, l’Eure, le Maine-et-Loire et la Manche. Elles sont plus peuplées que la moyenne des communes françaises.

    #collectivités_territoriales #géographie_administrative

  • BIS n°s 131 et 132 sur « La part des #femmes dans les #conseils_municipaux et communautaires en 2019 » | Collectivités locales
    https://www.collectivites-locales.gouv.fr/bis-ndegs-131-et-132-sur-part-des-femmes-dans-conseils-mu

    Le service statistique de la DGCL met en ligne ses dernières publications, sur la part des femmes dans les conseils municipaux et dans les #conseils_communautaires en 2019 (Bulletins d’information statistique - BIS - n°131 et n°132).
    Cette diffusion des résultats nationaux par la DGCL est coordonnée avec celle de plusieurs études régionales par l’Insee.

    Selon ces études, qui s’appuient sur les données du ministère de l’Intérieur :
    Pour les conseils municipaux :
    – La part des femmes dans les conseils municipaux en janvier 2019 est de 40 %.
    – Plus on s’éloigne de la fonction de #maire, plus les fonctions sont occupées par des femmes : elles sont 17% parmi les maires, 29% parmi les 1ers adjoints, 38% parmi les seconds adjoints et 43% parmi les autres adjoints et conseillers.
    – Plus la commune est grande, plus c’est un homme qui la dirige : les femmes représentent 18% des maires des communes de moins de 1000 habitants, mais 14% de celles de plus de 1000 habitants.
    – Quand le maire est une femme, la part des femmes dans le conseil municipal (en comptant la maire) est de 44%. Quand le maire est un homme cette part est de 39%.

    #élus_locaux #égalité_femme_homme #collectivités_territoriales

  • En 2018, les collectivités ont une nouvelle fois été les bons élèves des #finances_publiques
    https://www.banquedesterritoires.fr/en-2018-les-collectivites-ont-une-nouvelle-fois-ete-les-bons-el

    En 2018, les #collectivités_territoriales ont serré la vis de leurs dépenses de fonctionnement, un succès que le ministre de l’Action et des Comptes publics attribue aux contrats financiers que l’exécutif a signés au premier semestre de l’année dernière avec 228 des plus grandes entités du secteur public local.
    L’an dernier, les collectivités territoriales ont augmenté leurs dépenses de fonctionnement de 0,7% en moyenne, a indiqué Gérald Darmanin, mercredi 20 février, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, puis le lendemain devant celle du Sénat. Compte tenu de l’inflation en 2018, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales ont baissé, d’après ces chiffres qui sont encore provisoires. Les collectivités territoriales « tiennent les comptes publics », s’est félicité l’hôte de Bercy, qui présentait le bilan de l’exécution du budget de l’Etat en 2018.
    Les collectivités ayant signé un contrat limitant leurs dépenses de fonctionnement sur une période de trois ans ont fait mieux que les autres, puisqu’elles ont augmenté leurs dépenses de fonctionnement de seulement 0,3% en moyenne l’an dernier. « Nous sommes largement en dessous du [plafond de] 1,2% » fixé par la loi, s’est félicité le ministre.

  • Social : le revenu de base pour les plus précaires ne sera pas expérimenté - 29/01/2019 - midilibre.fr
    https://www.midilibre.fr/2019/01/29/le-revenu-de-base-pour-les-plus-precaires-ne-sera-pas-experimente,7982904.

    Plusieurs conseils départementaux, dont ceux de l’Hérault et de l’Aude, étaient prêts à tester un nouveau dispositif. La majorité LREM à l’Assemblée et le gouvernement s’y opposent.
    La proposition de loi visant à expérimenter un #revenu_de_base est supposée être présentée en séance à l’Assemblée nationale ce jeudi, sans qu’elle n’aie, sur le papier, aucune chance d’aboutir. Elle a été rejetée en commission des affaires sociales de l’Assemblée, la majorité LREM s’y opposant.

    L’idée était de tester un revenu sans condition [?] pour les plus précaires. Plusieurs présidents de conseils départementaux s’étaient proposés, dont ceux de l’Hérault, de l’Aude, de la Haute-Garonne, du Gers et du Lot.

    André Viola : « C’est regrettable »

    « C’est regrettable », note le président du département de l’Aude, André Viola. « Le Président de la République avait dit qu’il voulait donner des capacités d’expérimentation plus grandes aux #collectivités_territoriales. On avait une belle occasion. LREM n’a pas la même approche que nous. Le gouvernement non plus. On nous a rétorqué que le #revenu_universel_d’activité (RUA), dans le plan #pauvreté, se mettrait en place en 2022. On avait le temps d’expérimenter la formule du revenu de base, à une petite échelle, voire les deux. »

  • Les mille et une conséquences de l’austérité locale
    https://www.mediapart.fr/journal/france/101017/les-mille-et-une-consequences-de-l-austerite-locale

    Dix milliards de coupes dans le budget depuis 2014, 13 milliards à économiser d’ici à 2021… Les collectivités sont sommées par l’État de se mettre au pain sec et à l’eau. Quelles conséquences concrètes sur les citoyens ? Exemples à Lyon, dans le Nord et dans la ville rurale de Lamballe.

    #France #austérité #budget_2017 #collectivités_territoriales

  • Les collectivités locales passent à la saignée
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/091017/les-collectivites-locales-passent-la-saignee

    Les 13 milliards d’économies demandés par Emmanuel Macron d’ici à 2022 s’ajoutent aux 10 milliards déjà économisés depuis 2014. Suppression de postes ou de services publics, augmentation des tarifs… les retombées sont multiples pour le citoyen. Résultat, une recentralisation qui ne dit pas son nom.

    #Economie #collectivités_territoriales #département #Gérald_Darmanin #Gérard_Collomb #régions #villes

  • Face à l’expansionnisme d’#Amazon, des élus tiraillés
    http://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer/?pagename=Territoires/Articles/Articles&cid=1250279329918&nl=1

    Constitué à partir d’une vingtaine de témoignages d’experts et d’élus, le livre blanc sur la #revitalisation_commerciale réalisé par Arkéa Banque Entreprises & Institutionnels fourmille de retours d’expériences. Mais il est aussi l’occasion de croiser deux approches opposées - celles d’Amiens et de Paris - face au mastodonte Amazon.

    […] Ce n’est pas tout. Amazon crée surtout des emplois de logistique (et précaires) et en bien moins grand nombre que le commerce traditionnel. Sans parler de ceux qui sont détruits pas ricochet. A chiffre d’affaires comparable, « un e-marchand mobilise deux à cinq fois moins d’emplois qu’un commerce traditionnel », soulignait le Conseil du commerce de France (CDCF) dans son manifeste « Une nouvelle politique pour le commerce » publié en début d’année. « Pour réaliser 10 milliards de dollars de vente, Amazon a besoin de 14 salariés quand les chaînes de distribution en ont besoin de 47. »

    #commerce #collectivités_territoriales #taxcom #emplois #premium

  • Les très mauvais comptes du Forum pour la gestion des villes
    https://www.mediapart.fr/journal/france/090617/les-tres-mauvais-comptes-du-forum-pour-la-gestion-des-villes

    Censé diffuser les leçons de bonne gouvernance auprès des élus et #collectivités_territoriales, l’association est placée en redressement judiciaire. Criblée de dettes, elle avait adopté un train de vie faramineux. Des virements suspects vers le Luxembourg pourraient également intéresser la justice. Le secrétaire d’Etat Jean-Vincent Placé au congrès 2016 du Forum. © DR

    #France #Alain_Richard #André_Santini #finances_publiques