• Imaginer la suite – édito #3 de la #Confinée_Libérée

    La conférence de presse d’#Edouard_Philippe du 19 avril s’est grandement approchée de l’absurde. Tout juste avons-nous pu en tirer une confirmation : ce gouvernement navigue à vue et son utilité est incertaine. Depuis le début de la crise du #Covid-19, le mieux qu’il fasse (trop rarement hélas) c’est de relayer les analyses et décisions de personnes compétentes (chercheur·ses, médecin·es, soignant·es, etc.) auprès d’autres, qui devront les mettre en œuvre. Le plus souvent, malheureusement, il est une force de #nuisance, qui empêche que les #bonnes_décisions soit prises.

    Les enseignant·es du primaire et secondaire ont appris les modalités de la #reprise_des_classes en lisant dans la presse les compte-rendus de l’intervention de Jean-Michel #Blanquer à l’Assemblée : “la profession n’en peut plus de découvrir par surprise ce qui se décide sans elle” dénonce Stéphane Crochet, comme bien d’autres.

    A l’#université, là encore ce sont les verrous hiérarchiques et l’incapacité à prendre des décisions claires qui pénalisent tant les travailleur·ses que les étudiant·es. A ce titre, le silence de #Frédérique_Vidal est éloquent : elle profite du #confinement pour faire passer discrètement des mesures qui renforcent les dynamiques de #précarisation et de #privatisation de l’université et de la recherche (https://universiteouverte.org/2020/04/15/appel-solennel-a-cesser-de-prendre-toute-mesure-non-urgente-en-pe).

    Alors que de nombreux·ses étudiant·es vivent actuellement dans des conditions terribles (https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/21/a-villeneuve-d-ascq-les-etudiants-a-l-abandon_6037293_3224.html), le ministère et la majorité des présidences continuent à faire #comme_si_de_rien_n’était. Il faut que des examens se tiennent à distance, coûte que coûte, et peu importe que cela ajoute aux souffrances des étudiant·es qui affrontent les situations les plus difficiles et que les #inégalités flambent. Refusons les #examens_en_ligne et signons la pétition nationale (https://universiteouverte.org/2020/04/08/non-aux-examens-en-ligne-qui-creusent-les-inegalites-dans-lenseig) !

    Les travailleur·ses sont également malmené·es par cette “gouvernance” qui en fait de simples pions. Comment pour les #écoles, #collèges et #lycées, les conditions du #déconfinement dans les #facs et labos sont pour le moins floues ce qui laisse craindre le pire, tant sur les plans sanitaires que sociaux. Pour connaître les difficultés rencontrées par les #précaires et y faire face collectivement, des outils de recueil de #témoignages (https://universiteouverte.org/2020/04/09/allo-precaire-confine%c2%b7e) et une #enquête en ligne (https://universiteouverte.org/2020/04/21/enquete-militante-sur-les-conditions-de-vie-et-de-travail-des-doc) ont été mises en place.

    Dans cette période difficile, il est plus que jamais nécessaire de prendre soin les un·es des autres, ainsi que de nos collectifs militants. Nous continuons à organiser la #solidarité, notamment avec des caisses qui permettent une #solidarité_économique (https://universiteouverte.org/2020/04/13/la-confinee-liberee-reprend-son-souffle), mais également avec des #distributions_alimentaires, qui se multiplient à Saint-Denis (https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/aide-alimentaire-etudiant-es-paris8), Paris (https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/solidarite-alimentaire), Lyon (https://www.helloasso.com/associations/association-lyf/formulaires/3) ou encore Bordeaux (https://www.leetchi.com/c/solidarite-continuite-alimentaire-bordeaux).

    Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer ce que seront l’université et la #recherche dans les prochains mois. Dans quelles conditions la #rentrée 2020 pourra-t-elle avoir lieu ? Comment organiserons-nous nos #luttes après le déconfinement, alors que “l’#urgence_sanitaire” se prolongera, et interdira sans doute les rassemblements ? Quelles stratégies de luttes collectives pourrons-nous élaborer avec les autres secteurs, en particulier les autres services publics ?
    D’ores et déjà, il nous faut reprendre les discussions au sein de nos collectifs pour préparer une rentrée universitaire et sociale à la hauteur des défis qui nous font face ! A défaut de nous réunir rapidement pour une troisième coordination nationale, nous ferons en sorte, dans les prochaines semaines, d’échanger tou·tes ensemble grâce aux outils numériques.

    Plus que jamais, nous avons besoin de la force de nos imaginations. C’est pourquoi la Confinée Libérée vous propose une dystopie où la réalité rejoint la fiction : découvrez les Chroniques d’une apocalypse universitaire annoncée (https://universiteouverte.org/2020/04/20/chroniques-dune-apocalypse-annoncee-prologue). Bonne lecture !

    https://universiteouverte.org/2020/04/22/imaginer-la-suite-edito-3-de-la-confinee-liberee
    #septembre_2020 #examens #le_monde_d'après #rentrée_2020

  • #Déconfinement_sélectif et #expérimentations_sanitaires : la #colère et le #dégoût

    La décision présidentielle de rouvrir les #écoles, #collèges et #lycées le 11 mai n’a dupé personne, que ce soit parmi les professeurs ou ailleurs : ce dont il s’agit, ce n’est pas de pallier les #inégalités_scolaires qu’engendrerait l’arrêt des cours, ce qui est l’argument officiel, mais tout bonnement de remettre les #parents au #travail. Que cette décision intervienne deux jours après les déclarations du président du #Medef invitant les #entrepreneurs à « relancer l’activité » sans plus attendre n’a sûrement rien d’un hasard du calendrier.

    Selon la méthode désormais classique des interventions présidentielles, le ministre #Blanquer est intervenu le lendemain pour « préciser les modalités » de cette #réouverture. Est alors apparu le caractère fonctionnel de ce qui pouvait n’être qu’un effet de discours parmi d’autres : la réouverture des écoles ne se fera pas d’un seul coup le 11 mai, mais d’abord dans les #quartiers_populaires et les #régions_rurales. La communication ministérielle joue elle aussi sur la corde compassionnelle, voire #humanitaire : « le premier critère est d’abord social, les publics les plus fragiles ».

    C’est donc ces « publics les plus fragiles » qui auront la chance de reprendre le travail en premier. Les autres, les moins fragiles, c’est-à-dire les plus favorisés, c’est-à-dire ceux qui télétravaillent actuellement depuis leur résidence secondaire en Dordogne pourront garder leurs enfants chez eux et rester à l’abri du virus. Entre ces deux catégories, tout un tas de gens se demandent encore à quelle sauce ils vont être mangés.

    Il est intéressant de noter que ce sont précisément ces « #publics_les_plus_fragiles » qui se trouvaient déjà être au travail, que c’est parmi ces « publics » que se trouvent ceux pour lesquels la période du confinement n’aura jamais signifié un arrêt de l’activité. La différence est qu’il s’agit là de poser les condition d’une réouverture générale de cet indispensable vivier de #main-d’œuvre bon marché que sont les quartiers populaires, de remettre tout le monde au travail.

    C’est donc encore une fois sur les plus pauvres que la #politique_compassionnelle toute particulière du gouvernement va venir s’abattre, comme un fléau supplémentaire.

    Cette politique peut et doit se lire à plusieurs niveaux, puisque ce qui caractérise toute crise véritable de la totalité capitaliste c’est son existence simultanée à tous les niveaux de cette totalité. Ici, il s’agit d’une #crise_sanitaire qui existe dans ses effets comme dans la gestion de ceux-ci aux niveaux politique, économique, social, etc.

    Les considérations d’ordre purement sanitaires sont alors intégrées à la chaîne des décisions politiques, à leur niveau particulier, et conditionnées à la logique d’ensemble de ces décisions, qui est d’ordre économique et social. La #recherche_scientifique elle-même intervient à son niveau dans la production des savoirs permettant de formuler les doctrines, les thèses étant sélectionnées non tant en raison de leur rigueur que de leur utilité pratique dans les décisions qui fondent l’action de l’Etat. Le but étant de préserver l’ordre économique et social, c’est-à-dire prioritairement, dans le cas qui nous concerne, de relancer l’#activité_économique sur laquelle repose l’ensemble social.

    Mais s’il s’agit bien, d’un point de vue économique, de remettre les gens au travail, et en particulier les plus pauvres, qui sont aussi ceux dont le travail ne peut se faire par internet, qui doivent mettre les mains à la pâte et au mortier, cette remise au travail n’est pas dépourvue d’arrière-pensées d’ordre sanitaire, qui ne sont pas sur la vie des prolétaires d’un meilleur effet que les considérations purement économiques.

    Ces arrière-pensées ne sont pas mises en avant dans les discours du gouvernement, puisque le discours public reste aujourd’hui celui de « la santé d’abord », ce que tout le monde entend comme la santé de chacun. Le problème est que la « santé » qui est contenue dans le terme « sanitaire » n’a pas le même sens pour nous en tant qu’individus que pour l’Etat qui se trouve être en charge de sa gestion : il s’agit alors de « santé publique », ce qui est d’un tout autre ordre que la santé tout court, celle que l’on se souhaite pour la nouvelle année. Dans cette optique, la santé publique est une chose toute différente de l’activité qui a pour finalité de soigner des gens. Les soignants font l’expérience quotidienne de cette différence. Pour eux comme pour les malades, et pour tous ceux qui doivent travailler quotidiennement au risque de contracter et transmettre le virus, ce sont tout autant les défaillances bien réelles de la gestion sanitaire de la crise qu’il nous faut redouter, que la pleine prise en charge de cette même gestion.

    En l’occurrence, pour l’Etat français, la doctrine officielle reste celle mise en œuvre par l’Etat chinois (qui s’embarrasse moins de discours compassionnels), qui est aussi préconisée par l’OMS et par son propre Conseil scientifique : celle du confinement des populations. Le virus circulant à travers les contacts individuels, il s’agit de limiter ces contacts. L’autre doctrine est celle de l’immunité collective, qui reste cependant valable, mais à condition de disposer des vaccins nécessaires, comme pour une grippe ordinaire ; on vaccine les plus fragiles, on laisse le virus courir dans le reste de la population, qui finit par s’immuniser à son contact répété. En revanche, sans vaccin ni traitement efficace, si on laisse courir le virus en espérant obtenir une immunité de masse, il faut s’attendre selon les projections, à un bilan de 40 à 80 millions de morts à l’échelle planétaire, ce qui est insoutenable en termes économiques, sanitaires, et sociaux.

    Cependant, l’activité économique ne peut pas cesser totalement en attendant qu’on dispose des traitements et vaccins nécessaires. Il faut donc pour l’Etat qui est en charge de cette crise trouver des solutions intermédiaires, qui combinent les nécessités sanitaires et les nécessités économiques.

    Actuellement, le niveau de contamination dans la population française est environ de 10%, pour obtenir une immunité collective il faudrait atteindre un seuil de 60%, on voit qu’on est loin du compte.

    En revanche, les « publics les plus fragiles » sont ceux qui ont été le plus touchés par le virus, et ce non pas seulement en raison d’une surmortalité liée à des cofacteurs tels que problèmes cardio-vasculaires et autres pathologies qui se retrouvent parmi des populations dont l’état sanitaire est déjà dégradé, voire aux problèmes liés au mal-logement, etc., mais d’abord parce que ces populations n’ont jamais véritablement cessé de travailler. En clair, s’ils ont été les plus frappés c’est qu’ils ont été les plus exposés. Mais, outre d’en faire un « public » particulièrement frappé, cela crée aussi des zones sociales où le niveau de contamination dépasse largement les 10% nationaux.

    C’est pour cela qu’on peut se demander si le gouvernement ne serait pas en train de mener sur ces territoires (en gros, sur les banlieues) une expérimentation socio-sanitaire in vivo, c’est-à-dire à tenter d’obtenir une immunité de masse, ou en tout cas de voir si cette immunité est possible, dans quelles conditions et à quel coût sanitaire, et ce sur les dos des plus pauvres. On voit ici que cette expérimentation est rendue à la fois possible par les seuils de contamination induits par la pauvreté dans ces zones, et nécessaire par la demande pressante de reprendre la production, et donc de libérer de la main-d’œuvre.

    C’est la doctrine du stop and go, alternative au pur et simple laisser-faire cher aux libéraux qui est ici testée sur les habitants des quartiers populaires : une fois passé le premier pic épidémique et les capacités de soin désengorgées, on fait redémarrer l’activité, en sachant que des recontaminations vont avoir lieu, et qu’un nouveau pic épidémique va se produire, et on renouvelle l’opération jusqu’à absorption du virus par la population. Il faut simplement souligner que cette méthode est uniquement théorique, et qu’elle repose sur l’hypothèse que ce virus réagisse comme ceux sur lesquels on l’a bâtie. Et que donc, on ne sait pas si cela va fonctionner, d’où le caractère expérimental de la chose.

    Par ailleurs, avant même d’avoir des réponses sur la possibilité d’obtenir une immunité de masse à un coût sanitaire acceptable, la réouverture des écoles en milieu rural revient à ouvrir la vanne du virus sur des régions qui ont été jusqu’ici peu touchées, en espérant que la protection par masques et gel et le fait de maintenir les plus fragiles en confinement (personnes âgées et personnes souffrant de pathologies entraînant une surmortalité) suffira à limiter la casse.

    On assiste donc ici à un zonage socio-sanitaire de l’extension du virus. Ce zonage suit une logique à la fois sanitaire, politique et économique. On voit ici à quel point la logique sanitaire ne recouvre pas celle de la santé des individus, ni même une logique scientifique relevant d’une gestion épidémiologique de cette crise. La logique ici à l’œuvre est celle de la gestion de la population par l’Etat, et si on voit à quel point cette gestion convient aux impératifs économiques dont l’Etat est le garant, il faut aussi comprendre les a priori sociaux qui se cachent derrière cette gestion. Il apparaît ici qu’en cas d’un deuxième pic épidémique, l’Etat a choisi de placer en « première ligne » des populations qu’on peut qualifier de son point de vue d’expendable, et vis à vis desquelles au cas où le déconfinement donnerait lieu à des mouvements de protestation comme c’est déjà le cas un peu partout, une réponse autoritaire serait facile à justifier et à mettre en œuvre, puisqu’on la mène déjà au quotidien. Le caractère expérimental de ce déconfinement sélectif intègre la possibilités des révoltes comme une variable supplémentaire.

    On ne détaillera pas ici à quel point ce sont les plus « fragiles socialement » qui ont été le plus touchés par les conséquences de l’épidémie de Covid-19, avec quelle perversion logique le désastre s’articule chez les plus pauvres pour devenir plus désastreux encore, ni à quel point les conséquences se sont pour eux fait sentir à tous niveaux : pour les femmes, par l’accroissement des violences conjugales et la responsabilité accrue de la reproduction familiale occasionnée à l’échelle mondiale par le chômage, le manque de ressources, la maladie, pour les racisés (on connaît l’effrayante disproportion raciale des décès liés au Covid-19 aux Etats-Unis), pour les prisonniers et les réfugiés, pour les travailleurs les plus précaires, etc. Il faudra y revenir par ailleurs. Il nous fallait dire ici, contre ceux qui veulent « sauver le système de santé », que la sollicitude sanitaire de l’Etat est aussi terrible pour les prolétaires que ses défaillances, et que cette fameuse économie censée être source de tous les maux.

    Tout cela devra être précisé. Pour l’heure on se contentera de dire ce que l’utilisation de cette « fragilité » aux fins d’un retour à la normale qui est lui-même ce qui engendre et justifie ces « fragilités », nous inspire de colère et de dégoût.

    https://carbureblog.com/2020/04/16/deconfinement-selectif-et-experimentations-sanitaires-la-colere-et-le-d
    #déconfinement #confinement #France #11_mai #classes_sociales #inégalités #télétravail #santé_publique #gestion_sanitaire #défaillances #vaccin #immunité_de_groupe #immunité_collective #banlieues #expérimentation #stop_and_go #pic_épidémique #zonage_socio-sanitaire #géographie #gestion_de_la_population #pauvres #fragilité
    via @isskein et @reka

  • Les #écoles de #Seine-Saint-Denis réclament davantage de moyens
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220318/les-ecoles-de-seine-saint-denis-reclament-davantage-de-moyens

    Les parents, les enseignants et syndicalistes de Seine-Saint-Denis ont lancé cette semaine une mobilisation. Ils veulent être entendus par le ministère de l’éducation nationale pour obtenir des moyens supplémentaires. Selon les grévistes, la situation empire d’année en année, ce que dément la direction académique de Créteil.

    #France #collèges #éducation_prioritaire #lycées #Touche_pas_ma_ZEP

  • Pour un mouvement des Précaires de l’éducation : tou·te·s en grève le 5 avril 2018 !


    http://www.cnt-f.org/pour-un-mouvement-des-precaires-de-l-education-tou-te-s-en-greve-le-5-avril-2
    #précarité #syndicalisme #éducation

    Plus de collégiens, moins d’argent : Ça gronde dans les collèges du 93 > Des établissements surchargés. Et des moyens se réduisant comme peau de chagrin. Les collèges de Seine-Saint-Denis vont mal, constate Loez, qui y enseigne. Tableau d’ensemble.

    http://cqfd-journal.org/Edito-et-sommaire-du-no163
    @cqfd n°163 - mars 2018.
    #collèges #neuf_trois

  • Sauver l’histoire : une exigence éducative, critique et démocratique (Belgique) Carte Blanche - levif.be - 09/03/17

    Réformer un système éducatif est assurément une entreprise difficile ; elle l’est d’autant plus lorsque les communautés éducatives elles-mêmes ne sont que très mal informées ou craignent de l’être trop tard, quand les principales décisions auront déjà été prises.
    http://www.levif.be/actualite/belgique/sauver-l-histoire-une-exigence-educative-critique-et-democratique/article-opinion-626285.html


    Depuis plusieurs mois, des groupes de travail planchent, d’une part, sur le Pacte d’Excellence et, de l’autre, sur la réforme de la formation initiale des enseignants. Les travaux de ces deux groupes sont intimement liés et les documents, parfois encore provisoires, qui parviennent aux enseignants, tous niveaux confondus, ne sont pas de nature à les rassurer.

    Le 3 février 2017, l’association Histoire et Enseignement pointait la menace planant, à brève échéance, sur le cours d’histoire. http://www.histoireetenseignement.be/2017/02/le-cours-dhistoire-menace Le 22 février, les géographes dénonçaient à leur tour le risque de dilution de leur discipline. http://www.levif.be/actualite/belgique/la-geographie-une-cle-pour-notre-futur-mise-a-mal-par-le-pacte-d-excellence/article-opinion-618029.html Ces inquiétudes, que nous partageons largement, naissent d’une incertitude fondamentale : est-il vrai que l’on s’oriente, dans le secondaire inférieur (éventuel tronc commun), dans le secondaire supérieur ou dans les deux cycles, vers un seul et vaste cours intégratif mêlant, à parts égales, l’histoire, la géographie, la sociologie et l’économie politique ? A nos yeux, une telle perspective est l’exemple même de la « fausse bonne idée », dont les effets contre-productifs dépassent de loin les éventuels avantages.

    Qu’on nous comprenne bien : l’ouverture des programmes à la sociologie et à l’analyse économique ne nous paraît pas, en soi, illégitime ou inintéressante - sous réserve d’examiner les futurs programmes et référentiels de compétence - mais peut-elle se faire au détriment d’autres disciplines et à l’intérieur d’un volume-horaire qui resterait inchangé ?

    Défendre la pertinence et la spécificité des disciplines pourrait aisément passer pour archaïque ou corporatiste. Ne devrions-nous pas, au contraire, promouvoir l’interdisciplinarité, dans un monde de plus en plus complexe et dont l’appréhension nécessite une multiplicité d’approches ? Assurément. Mais nous sommes intimement convaincus que la condition même de l’interdisciplinarité est la maîtrise de savoirs et de savoir-faire disciplinaires solides. Les méthodes et pratiques de l’historien, du géographe, du sociologue ou de l’économiste peuvent, certes, présenter certains traits communs mais chacune de ces sciences développe une approche et un mode d’analyse spécifiques des phénomènes. Nier cette diversité épistémologique ou la noyer dans un « cours de tout » fait courir le risque d’un réel appauvrissement de la formation des élèves. Ces craintes ne sont pas hypothétiques : elles font ainsi écho, par exemple, à la position critique des associations allemandes de professeurs en histoire, géographie et politique face à ces cours intégratifs, désormais dispensés depuis quelques années dans certains Länder sous le titre de « Gesellschaftskunde » ("Science de la société"). http://geschichtslehrerverband.de/download/downloads/Erklaerung_von_Hannover_2015Juli.pdf

    Une autre incertitude majeure concerne le profil des enseignants appelés à dispenser un tel cours intégratif. Quels seront les titres requis ou suffisants ? Sollicitera-t-on des spécialistes des diverses disciplines qui se relaieront en classe ? Si ce n’est pas le cas, espère-t-on d’un historien ou d’un géographe qu’il soit aussi sociologue et économiste, comme si de telles formations pouvaient s’improviser ou s’acquérir « sur le tas » ? Plus probable mais tout aussi inquiétant : diplômera-t-on des « profs de tout », forcément au rabais ?

    Dans la nouvelle formation initiale des enseignants qui nous est annoncée, un professeur du secondaire supérieur (master en 5 ans) verrait sa formation strictement disciplinaire limitée à moins de 60% de son cursus, alors qu’elle en compte aujourd’hui 90%. Cherchez l’erreur : une baisse drastique des crédits disciplinaires et, dans le même temps, une formation à plusieurs disciplines ou une fusion de celles-ci dans un magma bien peu cohérent.

    Historiens de formation, nous demeurons convaincus de l’importance cruciale d’un réel et solide cours d’histoire tout au long de l’enseignement secondaire. Sans doute d’ailleurs est-il plus nécessaire que jamais, à l’heure où la société numérique nous conduit à gérer un flux d’informations qu’il convient d’ordonner, de hiérarchiser et dont il faut éprouver la fiabilité, - pensons aux sinistres « fake news ». La critique des sources, quelles qu’elles soient (écrites, iconographiques, audiovisuelles, internet...), la capacité à construire une explication des phénomènes prenant en compte les multiples dimensions de la vie sociale, l’apprentissage de la périodisation historique (notions de chronologie, de durée, de diachronie, de synchronie...) et l’attention au changement sont autant de savoir-faire qui s’acquièrent et s’affinent progressivement.

    L’histoire que nous défendons est bien sûr, pour partie, celle qui permet de mieux comprendre les grands enjeux contemporains, d’envisager leurs racines et leurs causes, profondes ou plus immédiates. En ce sens, elle a une dimension citoyenne. Mais elle ne doit pas être confondue avec un cours de citoyenneté. Or, son insertion dans un ensemble vague de « sciences humaines » renforce le risque de ne l’étudier qu’à travers des enjeux mémoriels ou d’actualité. Selon nous, il demeure non seulement légitime mais indispensable d’enseigner aussi l’histoire pour elle-même, pour ce qu’elle peut apprendre de l’évolution des sociétés humaines, en articulant les niveaux local (au plus près de l’élève), régional, national, européen et l’ouverture aux autres civilisations. S’il est légitime de décortiquer, en partant du présent, le concept de démocratie et de s’interroger sur l’éventuel héritage athénien, il l’est tout autant d’étudier l’histoire de l’Antiquité grecque in se, et donc le fonctionnement, les ressorts et les caractéristiques propres de la démocratie athénienne. De surcroît, si on veut éviter l’écueil d’une approche téléologique ou finaliste, considérant que seul ce qui pouvait advenir est advenu, il importe de proposer une explication qui reconstitue un espace des possibles, permettant de comprendre les choix effectivement posés par des acteurs soumis à diverses contraintes. Il est enfin nécessaire d’amener les élèves à une maîtrise synthétique de l’histoire dans son temps long, qui évite tant une approche « à courte vue » du passé que l’usage de quelques grandes clés de lecture utilitaristes. Bien plus qu’une simple grille d’analyse de ce qui est, l’étude de l’histoire dans sa complexité doit préparer les jeunes à débusquer les simplismes, les a priori, les idées toutes faites, ce qui ne se conçoit ni sans connaissances solides, ni sans exercice de compétences : problématiser, critiquer, synthétiser, apprendre et communiquer. La culture historique est, en ce sens, l’une des conditions de plein exercice de la vie démocratique.

    Eu égard à ces enjeux et à leur complexité croissante, il nous semble donc inconcevable que la dimension proprement historienne de l’étude de nos sociétés soit réduite à moins de 2 heures par semaine dans le secondaire. Il faut que les pilotes de notre enseignement laissent aux élèves le temps nécessaire à la pratique de « l’enquête » en histoire[1] (tout comme en géographie...). Il faut également qu’ils continuent à permettre la formation de vrais professionnels du domaine, bien armés, certes, sur le plan pédagogique et didactique mais aussi et surtout en prise avec l’état le plus récent de la recherche et des méthodes dans la discipline. Seuls de bons historiens pourront, avec fruit, collaborer avec de bons économistes, de bons sociologues, de bons géographes et d’autres encore pour contribuer utilement à la formation et, partant, à l’émancipation des générations futures.

    Adam Renaud (ULg)
    Balace Francis (hre ULg)
    Barla Nicolas (ULB)
    Baurain Claude (hre ULg)
    Bechet Christophe (Collège Sainte-Véronique Liège / ULg)
    Bernaerts Bruno (Athénée Fernand Blum, Schaerbeek)
    Bernard Bruno (ULB)
    Berthelet Yann (ULg)
    Bertrams Kenneth (ULB / Académie royale de Belgique)
    Bertrand Paul (UCL)
    Beyer de Ryke Benoît (ULB)
    Bierlaire Franz (ém. ULg)
    Brüll Christoph (ULg)
    Buelens Marie-Astrid (ULB)
    Busine Aude (ULB)
    Cambrelin Thomas (ULB)
    Chantinne Frédéric (ULB)
    Charlier Marie-Thérèse (ULB)
    Charruadas Paulo (ULB)
    Cherdon Laetitia (Haute Ecole de Bruxelles - Defré)
    Close Florence (ULg)
    Cokaiko Sébastien (Ecole européenne de Munich / Athénée royal de Soumagne)
    Colignon Alain (CegeSoma/AGR)
    Delcorps Vincent (UCL)
    Delforge Paul (Institut Destrée)
    Delfosse Annick (ULg)
    Deligne Chloé (ULB)
    Deloge Pascal (Collège Saint-Julien, Ath)
    Demoulin Bruno (ULg)
    Depauw Claude (Archiviste de la Ville de Mouscron)
    Destatte Philippe (UMons / Institut Destrée)
    Devroey Jean-Pierre (ULB / Académie royale de Belgique)
    De Waha Michel (ULB)
    Diagre Denis (ULB)
    Dierkens Alain (ULB)
    Donneau Olivier (Haute Ecole Ville de Liège)
    Dossogne Marc-Henri (Athénée royal de Chênée, Liège)
    Dubois Sébastien (AGR)
    Dufour Valérie (ULB)
    Dujardin Vincent (UCL)
    Dumont Jonathan (ULg)
    Dumoulin Michel (ém. UCL / Académie royale de Belgique)
    Dury Julie (Haute Ecole de la Ville de Liège)
    Eeckhout Peter (ULB)
    Engels David (ULB)
    Gallez Philomena (ULB)

    Geerkens Eric (ULg)
    Genin Vincent (ULg)
    Glansdorff Sophie (ULB)
    Gotovitch José (hre ULB/ ém. Académie royale de Belgique)
    Gouvienne Carine (Archiviste de la Ville et du CPAS de Charleroi)
    Hardy François (Haute Ecole Charlemagne)
    Havelange Carl (ULg)
    Hendrickx Christine (ULB)
    Hermand Xavier (UNamur)
    Heymans Vincent (ULB)
    Jacobs Thibaut (ULB)
    Jaumain Serge (ULB)
    Kesteloot Chantal (CegeSoma/AGR)
    Knaepen Arnaud (ULB)
    Kupper Jean-Louis (ém. ULg / Académie royale de Belgique)
    Lagrou Pieter (ULB)
    Lanneau Catherine (ULg)
    Lauro Amandine (ULB)
    Leclercq Jacqueline (ULB)
    Levaux Thierry (ULB)
    Loir Christophe (ULB)
    Maquet Julien (Institut du patrimoine wallon / ULg)
    Marchandisse Alain (ULg)
    Maréchal Benoît (Institut Saint-Joseph de Welkenraedt)
    Martens Didier (ULB)
    Marx Jacques (ULB)
    Masson Christophe (ULg)
    Matteazzi Florence (UCL)
    Morelli Anne (ULB)
    Mostaccio Silvia (UCL)
    Mund Stéphane (ULB)
    Olcina José (Haute Ecole de Bruxelles - Defré)
    Pasleau Suzy (ULg)
    Péters Arnaud (ULg)
    Pirenne Vinciane (ULg)
    Pirlet Pierre-François (ULg)
    Puccio Laetizia (AGR)
    Régibeau Julien (ULg)
    Renard Etienne (UNamur)
    Ribeiro Thiago (ULB)
    Sansterre Jean-Marie (ULB)
    Schroeder Nicolas (ULB)
    Sohier Julien (ULB)
    Stellian Tatiana (ULB)
    Sterkendries Jean-Michel (Ecole Royale Militaire)
    Togni Fedora (ULB)
    Triolet Jean-François (Athénée royal des Hautes Fagnes, Malmedy)
    Van den Dungen Pierre (ULB)
    Vanderpelen Cécile (ULB)
    Van Haeperen Françoise (UCL)
    Vanhoorne Frédérick (ULg)
    Vanhulle Dorian (ULB)
    Van Schuylenbergh Patricia (Musée royal de l’Afrique centrale)
    Verschueren Nicolas (ULB)
    Vokaer Agnès (ULB)
    Warmenbol Eugène (ULB)
    Wilkin Alexis (ULB)
    Xhayet Geneviève (ULg)
    [1] Jean-Louis Jadoulle, Faire apprendre l’histoire. Pratiques et fondements d’une « didactique de l’enquête » en classe du secondaire, Namur, Erasme, 2015.

    #Ecole #Histoire #Géographie #Savoirs #Belgique (pour l’instant) #Colléges #sciences_humaines

  • A Paris, l’union de deux #collèges divise parents et enseignants
    https://www.mediapart.fr/journal/france/020217/paris-lunion-de-deux-colleges-divise-parents-et-enseignants

    Destiné à favoriser la #mixité_sociale, un projet de rapprochement entre deux collèges du même quartier, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, suscite la désapprobation d’une partie des parents, qui le jugent mal pensé. Mais pour ses défenseurs, la réticence du camp adverse est en réalité due à un refus de mélanger les enfants.

    #France #Antoine_Coysevox #carte_scolaire #Choukri_Ben_Ayed #éducation #Hector_Berlioz #Julien_Grenet #sectorisation

  • Le département de l’Eure fermera des #collèges et financera une #autoroute
    http://www.saintpierre-express.fr/fermeture-de-colleges-eure-27

    Monsieur Lecornu cherche à faire des #économies à tous prix, en manquant au rôle qui est celui du département : un rôle social de #proximité. Combien a coûté au #département la chasse aux fraudeurs du RSA, pour au final que compter que 99 personnes qui ont changé de domicile ? Plutôt que de stigmatiser là encore les plus défavorisés, rappelons qu’au contraire c’est une personne sur deux, éligible, qui renonce à faire valoir ses droits.
    Le même 20 juin où M. Lecornu présentera son plan pluriannuel pour les collèges, le département émettra un avis favorable pour la construction d’une autoroute en concession, la liaison A28-A13. Pour le département de l’Eure, ce sera potentiellement 14% du financement de la moitié du milliard d’euros que coûtera l’infrastructure, soit au minimum 70 millions d’euros, hors taxes, sans compter les 15 à 20 millions supplémentaires qu’il faudrait pour relier les départementales (RD6014, RD6015 et RD321) à l’autoroute.

    #politique #aménagement_du_territoire
    Gros classique

  • Mixité sociale et scolaire, #ségrégation inter et intra établissement dans les #collèges et lycées français
    Etat-des-lieux-Mixité-à-lécoleFrance1.pdf
    http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2015/05/Etat-des-lieux-Mixit%C3%A9-%C3%A0-l%C3%A9coleFrance1.pdf

    En France, les collégiens et lycéens d’origine aisée comptent en moyenne dans leur classe deux fois plus de camarades également d’origine aisée que les élèves des classes moyennes et populaires. De même, les meilleurs élèves comptent en moyenne deux fois plus de camarades d’un niveau équivalent au leur que les autres élèves. Ces chiffres, qui résument la situation de ségrégation sociale et scolaire de l’#enseignement secondaire français, sont inquiétants à deux titres : les différences d’environnements en fonction de l’origine sociale ou du niveau scolaire sont susceptibles d’aggraver les inégalités scolaires ; de plus, cet « entre-soi » est un obstacle à l’apprentissage de la #citoyenneté et du vivre-ensemble.

    Cette note présente les résultats préliminaires d’une étude sur la mixité sociale dans les collèges et lycées français qui paraîtra dans le rapport du Cnesco sur la possible amplification des inégalités scolaires
    d’origine sociale et ethnoculturelle en France. L’originalité de cette étude provient de quatre facteurs :
    + elle apporte une analyse à la fois de la ségrégation sociale (en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des parents) et scolaire (en fonction des résultats obtenus au diplôme national du
    brevet) ;
    + elle porte sur l’ensemble du territoire français ;
    + elle concerne l’ensemble de la scolarité secondaire, de la sixième à la terminale ;
    elle mesure à la fois les disparités entre établissements (ségrégation inter-établissements) et entre les classes au sein des établissements (ségrégation intra-établissement).

    À notre connaissance, ce dernier facteur n’a jamais été étudié quantitativement sur des données françaises. Notre étude met en évidence la différence entre la ségrégation entre établissements — la seule à avoir été mesurée jusqu’ici — et la ségrégation totale entre les classes, qui est la somme de la ségrégation entre établissements et de la ségrégation entre les classes de chaque établissement.

  • La Grande-Bretagne surpaye ses bons profs 
    http://fr.myeurop.info/2014/01/03/grande-bretagne-surpaye-ses-profs-12813

    Ludovic Clerima

    Le portefeuille des #enseignants britanniques grossira-t-il ces prochaines années ? C’est ce qu’affirme un rapport paru aujourd’hui. Comptez 70.000 £ (84.000 €) après cinq ans de métier. De quoi faire naître des vocations et des envieux en #France.

    Les #professeurs seront-ils les nouveaux riches de demain au #Royaume-Uni ? lire la suite

    #REVUE_DU_WEB #Société #INFO #argent #collèges #écoles #éducation #lycées #salaires