• Les usages politiques de « l’effet ciseaux » budgétaire - Métropolitiques
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    Les collectivités territoriales françaises et les établissement publics de coopération intercommunale (EPCI) font face, depuis le début des années 2010, à un contexte budgétaire beaucoup plus contraint. D’un côté, l’État a gelé puis baissé le montant des dotations qu’il verse aux collectivités et EPCI [1] ; de l’autre, les dépenses obligatoires des collectivités tendent à augmenter. Le cas du RSA est souvent cité en exemple, certains départements devant faire face à des dépenses qui augmentent de 10 % par an depuis le début de la crise de 2008 (Steckel-Assouère 2016). En outre, l’éventail de ces dépenses contraintes s’accroît : la mise aux normes pour l’accès aux équipements publics des personnes en situation de handicap, la transition énergétique pour la croissance verte, la réforme des rythmes scolaires, la revalorisation des traitements des agents de catégorie C ou encore l’augmentation récente du point d’indice qui décide de la rémunération des fonctionnaires constituent autant d’exemples de mesures, imposées par l’État, qui entraînent des dépenses nouvelles pour les collectivités. L’expression comptable « d’effet ciseaux », qui désigne des contextes budgétaires dans lesquelles les dépenses d’une entreprise ou d’une institution augmentent plus vite que ses recettes, est largement utilisée, y compris dans les rapports publics de la Cour des Comptes, afin de souligner le caractère critique de la situation financière dans laquelle se trouvent les collectivités territoriales [2].

    • La réduction des budgets de fonctionnement constitue la première cible de ces coalitions « rationalisatrices » qui justifient en partie la maîtrise de dépenses au nom du maintien de la capacité d‘investissement des collectivités et des EPCI (Passavant 2015). Dans la hiérarchie normative des entrepreneurs de la rationalisation, les dépenses « ordinaires », liées au fonctionnement de la collectivité ou de l’établissement public, apparaissent beaucoup moins légitimes que les dépenses d’investissement, supposées répondre à des besoins nouveaux, voire générer des effets structurants (économiques, notamment). L’accent est ainsi mis par beaucoup de collectivités et d’EPCI sur le contrôle de la masse salariale, premier poste des charges de fonctionnement. Ainsi, dans une commune de 211 000 habitants, a été mis en place en 2015 un dispositif de contrôle de l’évolution de la masse salariale, impulsé par le MA en charge des personnels et le directeur général adjoint (DGA) aux ressources humaines, soutenus par le maire. L’affichage d’un taux annuel encadrant l’évolution de la masse salariale a été accompagné de la mise en œuvre d’un diagnostic concerté impliquant tous les services. Cette démarche répondait à un double objectif : contrôler l’évolution de la masse salariale tout en respectant au mieux les promesses de campagne de l’équipe récemment élue qui s’était engagée à développer certains services sans augmenter les impôts. Le cadre défini impliquant de fonctionner à effectif constant, ce processus visait à créer des postes dans certains secteurs (les crèches municipales, par exemple) au détriment d’autres (les espaces verts, entre autres) ou encore à identifier des scenarii d’externalisation.

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      Cependant, si les dispositifs de rationalisation des dépenses tendent à s’imposer, c’est parce qu’ils offrent des contres-parties et/ou des espaces d’expression et de négociation qui permettent, dans une certaine mesure, de minorer le mécontentement voire de produire du consentement chez ceux qui subissent les conséquences de ces mouvements de contrôle des dépenses. Dans le cas des intercommunalités, les dispositifs de type « PPI », s’ils rognent sur les capacités de négociation politique des maires, leur offrent en contrepartie de la prévisibilité dans un contexte budgétaire tendu. En effet, pour les maires, ces instruments de programmation et de contrôle des investissements fonctionnent comme une « réponse assurantielle dans un contexte d’incertitude » (Le Saout 2015, p. 498) : les maires sont certes plus contraints mais ils disposent également, grâce à ces outils, d’une visibilité accrue, à l’échelle temporelle du mandat, sur les dépenses d’investissement qui pourront être réalisées dans leur commune.

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      Le vice-président en charge des finances, avec l’appui technique des services et le soutien politique du président de l’intercommunalité, envoie chaque année au mois de juillet une note de cadrage budgétaire aux différents vice-présidents et à leurs DGA. Cette note fixe une enveloppe sectorielle (concernant les dépenses de fonctionnement et d’investissement) pour l’année n + 1 dans le cadre d’une budgétisation pluriannuelle. Chaque service, sous la houlette de son VP, prépare alors son budget qu’il présente au VP et au DGA en charge des finances dans le cadre de conférences budgétaires thématiques. Ces réunions permettent aux autres vice-présidents de tenter de justifier qualitativement l’éventuel dépassement de leur enveloppe. Ce dispositif contribue à l’anticipation et à la gestion des conflits.

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