• Structures minuscules

    Yásnaya Elena Aguilar Gil

    https://lavoiedujaguar.net/Structures-minuscules

    Quel serait le niveau de mortalité du coronavirus dans un monde où il n’existerait pas de macrostructures comme le capitalisme ?

    De paroles attribuées à Démocrite, le biologiste français Jacques Monod a tiré le titre principal de son extraordinaire livre Le Hasard et la Nécessité, essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne. La citation complète attribuée au philosophe du sourire est la suivante : « Tout ce qui existe est le fruit du hasard et de la nécessité. » Plutôt que de discuter la pertinence de cette citation dans la situation actuelle, j’aimerais revenir sur les passages les plus troublants du livre de Monod qui m’ont initiée à la passionnante question de savoir si les virus sont ou non des êtres vivants. On sait qu’il s’agit d’entités biologiques constituées de matériel génétique qui infectent des cellules où se reproduisent de multiples copies de ces entités. Les virus sont si petits que la plupart d’entre eux ne peuvent pas être observés par les microscopes optiques courants. Ce sont de minuscules structures qui transitent entre le monde de l’inerte et celui du vivant. Au cours de l’histoire de l’humanité, et même avant leur découverte, elles ont mis en crise et révélé le fonctionnement de macrostructures d’une autre nature. Le nouveau coronavirus qui a provoqué la pandémie du Covid-19 dans le monde montre la radiographie d’une gigantesque structure socio-économique comme le capitalisme (...)

    #Mexique #peuples_originaires #coronavirus #macrostructures #microstructures #Démocrite #Jacques_Monod #États-nations #communalité #Vandana_Shiva

  • Jëën pä’äm ou la maladie du feu

    Yásnaya Elena Aguilar Gil

    https://lavoiedujaguar.net/Jeen-pa-am-ou-la-maladie-du-feu

    J’écris depuis Ayutla, une communauté mixe de la Sierra Norte d’Oaxaca qui fait face, sans accès à l’eau potable, à la situation engendrée par la pandémie du coronavirus. Alors que nous conversons, concevons et échangeons des idées sur ce qu’il est possible de faire face à cette situation et sur la nécessité de dénoncer l’urgence des circonstances qui sont les nôtres, je ne peux m’empêcher de penser à d’autres épidémies qui ont marqué la configuration de nos communautés à travers l’histoire. Les grandes épidémies du XVIe siècle ont eu une influence déterminante sur la manière dont s’est installé l’ordre colonial sur ces terres au cours des siècles suivants.

    Entre les guerres de conquête, les travaux forcés, les abus et les maladies, la colonie s’est peu à peu implantée à partir d’une grande catastrophe démographique. Selon les calculs de John K. Chance, auteur du classique La Conquête de la Sierra. Les Espagnols et les Indiens d’Oaxaca de l’époque coloniale, ce n’est que dans les années 1970 que le peuple mixe a retrouvé la population qui lui était attribuée en 1519. Les chroniques et registres des impacts de la variole et d’autres maladies importées au sein des populations locales sont toujours aussi impressionnants : dans des villages entiers, la situation rendait impossible l’enterrement des défunts. (...)

    #Mexique #Oaxaca #épidémies #peuple_mixe #colonisation #bien_collectif #individualisme #communauté #communalité #Covid-19 #capitalisme

  • Notes anthropologiques (XIII)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-XIII

    Mexico 2018
    Les narcos
    (suite et fin)

    L’activité des cartels de la drogue représente le pouvoir occulte et sans limite du capital. Il est à la fois caché, intouchable et terrible. Le fait qu’il soit invisible le rend encore plus mystérieux et effroyable. Aucune règle ne vient faire tampon entre la population et le déploiement sans frein, irrésistible, de l’activité capitaliste. Ce déchaînement impérieux et meurtrier est le résultat d’un long processus de détérioration et de dégradation de la vie communale. Pourtant, il y a encore au Mexique une résistance réelle face à l’expansion de l’activité des cartels et plus généralement face à la pénétration de l’activité capitaliste. Nous avons l’exemple bien connu des zapatistes dans le Sud-Est mexicain, mais aussi celui de Cherán et d’Ostula dans le Michoacán, et d’autres expériences de reprise en main de la vie communale qui sont moins visibles.

    Ce processus de dévastation de la vie collective a commencé avec l’État, c’est-à-dire avec l’existence d’une volonté séparée et qui se donne les moyens de s’imposer. (...)

    #Mexique #anthropologie #narcotrafic #cartels #État #marché #pensée #marchands #sociétés #communalité

  • Notes anthropologiques (XI)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-XI

    Où il est question de la communalité

    Le Deuxième Congrès international sur la communalité s’est tenu à Oaxaca du 5 au 9 mars 2018. Le Premier Congrès international avait eu lieu à Puebla en 2016 et avait regroupé plus de monde pour deux raisons : la première est l’importance qu’a prise au cours des ans cette notion de communalité, qui fut « inventée » et mise en avant dans les années 1980 par Floriberto Díaz de Tlahuitoltepec, communauté Ayuujk (mixe) de la Sierra Juarez (Oaxaca), et par Jaime Martínez Luna de la communauté zapotèque de Guelatao (Sierra Juarez, Oaxaca) ; la seconde raison est due au fait que l’invitation venait de l’université de Puebla et que ce concept a désormais pénétré, après un rejet de plusieurs années, le monde universitaire focalisant par sa pseudo-« nouveauté » l’attention des intellectuels et des chercheurs. Le monde universitaire était moins présent à Oaxaca, où la convocation ne venait pas de l’université mais de l’« Académie de la communalité » (...)

    #Mexique #Oaxaca #anthropologie #communalité #autonomie #Pierre_Clastres #société #État #individu

  • Oaxaca, Mexique
    Deuxième Congrès international sur la communalité

    https://lavoiedujaguar.net/Oaxaca-Mexique-Deuxieme-Congres-international-sur-la-communalite

    Dans le cadre du Deuxième Congrès international sur la communalité, une première discussion autour du thème de la terre et du territoire eut lieu à San Pedro Comitancillo les 5 et 6 mars 2018. San Pedro Comitancillo se trouve dans l’isthme de Tehuantepec. Participèrent à cette rencontre des gens venus d’Ixtepec, de Matías Romero, de Juchitán, de Santa María Guegolani, de Santa María Ixhuatan, d’Unión Hidalgo, de San Juan Guichicovi, de San Mateo del Mar, de Salina Cruz, de San Miguel Chimalapa et des États du Chiapas, de Veracruz, du Querétaro, de la ville de Mexico, de l’État de Mexico, de Puebla, de Jalisco et aussi des compagnons venus de Colombie, d’Espagne, d’Allemagne, d’Argentine et de Bolivie.

    Les participants à cette première rencontre ont reconnu l’importance du territoire comme lieu où se développe une vie sociale forte autour d’un bien commun à tous. Ils ont constaté que le territoire et, par voie de conséquence, les habitants sont désormais l’objet d’une agression continue de la part d’entreprises commerciales transnationales qui convoitent, soit l’eau, soit la terre, soit la richesse du sous-sol, soit le bois des forêts, etc., rendant ainsi de plus en plus aléatoire et problématique la vie communale (...)

    #Mexique #Oaxaca #communalité #congrès_international #peuples_originaires #territoire #capitalisme #néocolonialisme #EDF #ressources