• Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail : « Le CV est un frein au recrutement des personnes en situation de handicap »
    https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/03/20/thibaut-guilluy-directeur-general-de-de-france-travail-le-cv-est-un-frein-au

    Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail, à Paris, le 15 janvier 2024. DIMITAR DILKOFF / AFP

    Or, des publics, je pense par exemple aux jeunes sortant d’Ulis [des dispositifs qui permettent la scolarisation d’élèves en situation de handicap au sein d’établissements scolaires ordinaires], sont aujourd’hui parfois orientés un peu trop systématiquement en #Esat [établissement et service d’accompagnement par le travail] sans que le service public de l’#emploi ait pu, au préalable, réaliser un diagnostic approfondi de leur situation individuelle.

    Dès lors qu’ils sont en recherche d’emploi, ils seront désormais systématiquement adressés à #France_Travail afin que soit déterminé avec eux, notamment sur la base d’immersions, l’environnement professionnel le mieux adapté : Esat, entreprise adaptée, entreprise classique, etc. C’est seulement ensuite, sur préconisation de France Travail, que la maison départementale des personnes handicapées validera les décisions d’orienter en Esat. Plus de 80 % des personnes handicapées seront ainsi orientées vers l’emploi, contre seulement 30 % ou 40 % jusqu’à présent.

    [...]

    Nous privilégions aussi de plus en plus les méthodes permettant de s’affranchir du CV, qui peut être un frein au recrutement des personnes en situation de handicap. Elles ont parfois moins de qualifications et d’expériences professionnelles, mais pas forcément moins de #compétences. Ainsi, avec le dispositif d’immersion professionnelle, au lieu de recruter sur CV, l’#entreprise peut tester le candidat pendant un jour, une semaine, un mois. Nous accélérons aussi le #recrutement par test de simulation, qui permet d’évaluer si la personne a des aptitudes recherchées pour un poste. Nous développons également la formation préalable à l’embauche et pouvons financer jusqu’à quatre cents heures d’adaptation au poste de travail .

    https://archive.ph/XzDvl

    #handicap #MDPH #travail

  • En pleine tension diplomatique, le Danemark abandonne des tests controversés sur les « compétences » des parents du Groenland Nathalie Guilmin - RTBF

    En pleine pression des indépendantistes du Groenland qui ont le vent en poupe depuis les annonces de Donald Trump, le gouvernement danois a décidé de mettre un terme à ces tests. Une victoire pour les organismes de défense des droits de l’homme qui les critiquent depuis longtemps car « ils seraient culturellement inadaptés aux Groenlandais et aux autres minorités vivant au Danemark » , relate le Guardian ce mardi.

    Son cas avait choqué fin 2024 : le 8 novembre, Keira Alexandra Kronvold, une femme de 38 ans d’origine groenlandaise, donne naissance à une fille en bonne santé à l’hôpital Thisted, au Danemark. Mais, deux heures après avoir accouché, elle doit remettre son nouveau-né à un gestionnaire de cas de la municipalité de Thisted. Emmené de force, le nourrisson a été confié à une famille d’accueil danoise. La raison choque l’opinion publique : la mère n’a pas été jugée  "suffisamment civilisée"  par le test d’évaluation des compétences parentales danois.


    Le 17 janvier, le ministère danois des Affaires sociales et du logement fait marche arrière et abandonne ces tests, en tout cas pour les parents d’origine groenlandaise. Selon ses opposants, les tests ont été jugés inadaptés à la culture groenlandaise : les parents étaient évalués en danois, même si ce n’est pas leur première langue. Les tests portaient aussi sur les expressions faciales et des figures développées pour les cultures occidentales, sans tenir compte de la culture groenlandaise, dénonçaient depuis plusieurs années les organisations de défense des droits de l’homme.

    Le moment choisi, pour ce rétropédalage pose question. Comme l’analyse le Guardian, il intervient peu après la déclaration de Donald Trump a déclaré que l’acquisition du Groenland serait une « nécessité absolue » pour les États-Unis, et que son fils Donald Trump Jr a effectué une visite en avion sur le territoire.

    Pourtant, dès 2022, l’Institut danois des droits de l’homme critiquait vivement ces tests « inadaptés pour tenir compte des différences culturelles ». L’institution avançait que les parents groenlandais couraient « le risque d’obtenir de mauvais résultats, de sorte que l’on conclut, par exemple, qu’ils ont des capacités cognitives réduites, sans qu’il y ait de preuve réelle à cet égard » . Et allait jusqu’à estimer que « de telles erreurs d’appréciation peuvent contribuer à l’éloignement forcé d’un enfant ».

    Le retrait de cette mesure, saluée par l’Institut danois des Droits humains, intervient trop tard dénoncent des voix plus critiques. La correspondante du Guardian au Danemark relate ainsi les propos de Múte Egede, le Premier ministre groenlandais, lors d’un débat télévisé dimanche soir, retransmis à la fois au Danemark et au Groenland.

    Celui-ci a déclaré que le territoire autonome du Groenland en avait « assez » de s’entendre dire qu’il devait être reconnaissant à Copenhague d’avoir été de « bons maîtres coloniaux ». « Si le Danemark s’était mieux comporté envers les Groenlandais », a-t-il ajouté, « peut-être ne seraient-ils pas en train de débattre de l’avenir de l’île ».

    Et cette vague de sentiment indépendantiste pourrait faire les affaires de Donald Trump.

    #Groenland #racisme #bébé #femme #évaluation #compétence #test #colonie
    Source : https://www.rtbf.be/article/en-pleine-tension-diplomatique-le-danemark-abandonne-des-tests-controverses-sur

    • Un bébé retiré à sa mère d’origine groenlandaise, le gouvernement danois pointé du doigt Solveig Blakowski - Slate

      D’après Tina Naamansen, présidente de Sila 360, qui travaille sur la surveillance des droits légaux des Inuits, il s’agit « d’un cas parmi tant d’autres ». Les enfants de parents groenlandais vivant au Danemark –qui a autrefois gouverné le Groenland en tant que colonie et continue de contrôler sa politique étrangère et de sécurité– ont beaucoup plus de risques d’être placés que ceux de parents danois. Selon un rapport de 2022, 5,6% des enfants d’origine groenlandaise vivant au Danemark sont placés, contre 1% de ceux d’origine danoise.
      https://i.guim.co.uk/img/media/f1eaf66616d7993a66d3e782bfdbbb39d496323b/0_80_480_288/master/480.jpg
      Louise Holck, directrice du Danish Institute for Human Rights (« Institut danois des droits humains » en français), exhorte les municipalités à cesser immédiatement d’utiliser les tests sur les parents groenlandais jusqu’à ce que les questions puissent être adaptées à leur langue et à leur culture. Dans un rapport de 2022, l’institut explique que les parents groenlandais, face à ce test inadapté, « risquent d’obtenir de faibles résultats, de sorte qu’on en conclut, par exemple, qu’ils ont des capacités cognitives réduites, sans qu’il y ait de preuve réelle de cela ». Or, « de telles erreurs de jugement peuvent avoir de lourdes conséquences pour les enfants et les parents ».

      Conséquences dramatiques
      C’est le cas pour Keira Alexandra Kronvold. Les évaluations psychologiques ont été réalisées par un psychologue parlant le danois. Or, la mère, dont la langue maternelle est le kalaallisut (le groenlandais occidental), ne parle pas couramment le danois. Dans un passage de son dossier, on peut lire que « son origine groenlandaise rendrait difficile pour elle la préparation de l’enfant aux attentes et codes sociaux nécessaires dans la société danoise ». Elle ne peut désormais passer qu’une heure par semaine avec son bébé, durant laquelle elle est surveillée de près par une assistante sociale.
      . . . . .
      Source : https://www.slate.fr/monde/bebe-retire-mere-origine-groenlandaise-gouvernement-danois-danemark-tests-pare

  • Il arnaque 29 CAF grâce à des fausses cartes d’identité : le préjudice est estimé à 179.000 euros
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/il-arnaque-29-caf-grace-a-des-fausses-cartes-d-identite

    Pour cela, le prevenu aurait utilisé 28 cartes d’identité falsifiées et aurait ouvert des comptes dans des néo-banques en ligne. Cette tromperie visait 29 antennes de la #CAF (Alpes-Maritimes, Haut-Rhin, Seine-Saint-Denis…), désormais parties civiles dans le dossier.

    #banque_en_ligne #escroquerie

  • Guide sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le réseau de l’éducation

    Le gouvernement du Québec poursuit ses travaux concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les établissements scolaires. Ainsi, le ministre de l’Éducation, M. Bernard Drainville, franchit un premier pas en lançant le guide destiné au personnel enseignant, L’utilisation pédagogique et #éthique de l’intelligence artificielle générative. Ce dernier précise notamment les critères pour une utilisation pédagogique, éthique et légale de l’IA.

    Au cours des dernières années, le développement de l’intelligence artificielle a connu une avancée fulgurante. La mission fondamentale de l’école québécoise, définie par la Loi sur l’instruction publique, est d’instruire, de socialiser et de qualifier les élèves. Il est donc essentiel que le développement et l’utilisation de l’IA en éducation servent toujours l’humain, afin de soutenir et promouvoir cette mission.

    De ce fait, le ministère de l’Éducation a créé un guide fournissant des pistes de réflexion et d’action quant à l’#utilisation_responsable de l’IA, tant pour le personnel enseignant que pour les élèves. Ce guide propose donc trois critères qui pourront orienter les décisions au regard de l’IA en contexte éducatif : la #pertinence_pédagogique, les #principes_éthiques et les #obligations_légales. Pour chaque critère, il explicite différents enjeux et suggère une liste de questions pour soutenir les réflexions. Chaque section traite des implications au regard de la #compétence_numérique.

    https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/le-ministre-drainville-diffuse-un-guide-sur-lutilisation-de-lintelligence-art

    #AI #IA #intelligence_artificielle #éducation #pédagogie #enseignement #guide #manuel

    voir aussi :
    Pourquoi il est important que les étudiant(e)s apprennent à se passer de #Chat-GPT ?
    https://seenthis.net/messages/1081943

  • Pourquoi il est important que les étudiant(e)s apprennent à se passer de #Chat-GPT ?

    Dans un article intéressant intitulé « ChatGPT : le #mythe de la #productivité » Hubert Guillaud nous explique qu’avec les applications de ce type, le but de l’#écriture est de remplir une page, pas de réaliser le #processus_de_réflexion qui l’accompagne. Or écrit-il. C’est justement tout l’inverse dont nous avons besoin ! À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) s’immisce de plus en plus dans notre quotidien, il est utile de s’interroger sur son impact sur la formation, en particulier sur l’apprentissage des étudiants. Alors que des outils comme #ChatGPT promettent de faciliter de nombreuses tâches, il s’agit de comprendre pourquoi il est important que les apprenants puissent se passer de ces technologies, notamment dans le cadre de leurs études.

    L’IA et le développement des #compétences_cognitives

    L’un des arguments les plus convaincants en faveur d’un apprentissage sans IA porte sur le développement des compétences cognitives. Comme le souligne Emily M. Bender, linguiste citée par Hubert Guillaud, l’objectif de la rédaction d’un écrit d’étudiant (un mémoire ou d’un rapport de situation sociale) n’est pas de produire plus de connaissances, mais de renforcer les capacités de réflexion critique des élèves.

    Une analogie avec l’entraînement sportif peut vous aider à comprendre pourquoi : de même que s’entrainer à soulever des poids développe la force musculaire nécessaire à diverses disciplines sportives, l’écriture régulière cultive des compétences essentielles pour les futurs professionnels. Or, nous avons besoin de travailleurs sociaux qui pensent par eux-mêmes et s’entrainent sans chercher leurs idées dans des réponses formatées par des chabots.

    L’utilisation d’outils d’IA comme ChatGPT pour réaliser des devoirs équivaut à « amener un chariot élévateur dans une salle de musculation pour entrainer les athlètes ». En d’autres termes, cela prive les étudiants de l’opportunité de développer leur « forme cognitive ». Cette métaphore illustre parfaitement le risque d’atrophie intellectuelle lié à une dépendance excessive à l’IA. Il s’agit d’apprendre à penser par soi-même et d’être capable d’intégrer la pensée nécessaire à la pratique professionnelle. Sinon à quoi bon se former ?

    L’#effort_intellectuel doit être valorisé

    Un autre aspect à ne pas négliger de l’apprentissage sans IA concerne la valeur intrinsèque de l’effort intellectuel fourni par l’étudiant. Bien que certains types d’écriture puissent sembler superflus ou purement académiques, le processus de création de texte, même lorsqu’il n’est pas particulièrement créatif ou évident, a une valeur en soi. Il permet de développer des #compétences, d’approfondir la compréhension d’un sujet et de structurer la pensée. D’où l’intérêt de continuer à demander aux élèves de formaliser leurs pensées en synthétisant et en analysant des textes.

    Le risque d’une utilisation excessive de l’IA est de créer un #cercle_vicieux où la production de textes de qualité médiocre devient la norme. Nous pourrions entrer dans une ère où les documents sont générés à partir de listes à puces par une IA, puis réutilisé par une autre IA pour produire un devoir ou une communication académique. Cette perspective soulève des questions sur la valeur ajoutée réelle de tels processus et sur l’#appauvrissement potentiel de la #réflexion humaines.

    Un risque de #déshumanisation de l’apprentissage

    Distinguons d’abord deux aspects importants qui entrent dans le champ de la formation : la #compétence et l’#intelligence. La compétence correspond à la façon dont vous accomplissez une tâche, tandis que l’intelligence correspond à l’efficacité avec laquelle vous allez acquérir de nouvelles compétences. Cette différenciation nous conduit à comprendre une limitation fondamentale de l’IA : bien qu’elle puisse être extrêmement compétente dans l’exécution de tâches spécifiques (par exemple, résumer un texte), elle manque de la #flexibilité et de l’#adaptabilité qui caractérisent l’#intelligence_humaine. Elle ne dispose pas d’intelligence à proprement parler. Il nous est dit que les étudiants pour obtenir leurs diplômes doivent acquérir des domaines de compétence. Pour autant la pratique du travail social demande surtout de savoir agir avec intelligence. Or ce n’est pas la même chose. James Stacey Taylor, professeur de Sciences humaines au collège de New Jersey, explique bien pourquoi il interdit désormais à ses élèves d’utiliser l’IA.

    Cette technologie risque de nous traiter comme des êtres inférieurs à ce que nous sommes réellement : des créateurs et des interprètes de sens. Un autre argument en faveur de l’abandon de l’IA dans le travail des étudiants concerne son potentiel de « déshumanisation ». L’#IA_générative a tendance à réduire nos attentes, à la fois envers ce que nous lisons et envers nous-mêmes lorsque nous écrivons quelque chose pour que les autres le lisent. Nous banalisons du texte aux kilomètres généré par les #modèles_de_langage et oublions les efforts à fournir qui paraissent alors pour les étudiants de plus en plus démesurés.

    L’acte d’écrire ou de communiquer, même lorsqu’il n’est pas particulièrement original, porte une #signification_profonde pour l’auteur et son audience. Cela concerne aussi bien la #création_artistique que la #communication quotidienne. L’#intention et le contexte humains sont essentiels. L’IA, en se substituant à ces processus, risque de réduire la quantité d’intention dans le monde et d’appauvrir nos interactions qui nous conduisent à forger nos propres opinions.

    L’IA et la promotion de l’#incuriosité

    Rob Horning, philosophe du net, nous met en garde contre le fait que les modèles de langage de grande taille (#LLM) « marchandisent l’incuriosité ». Ces systèmes peuvent fournir des informations, mais ils sont incapables d’expliquer pourquoi ces informations ont été produites ou organisées d’une certaine manière. Cette limitation est particulièrement problématique dans un contexte éducatif, où la compréhension du processus de création et d’organisation des connaissances est aussi importante que les connaissances elles-mêmes.

    L’utilisation de l’IA dans l’#éducation risque de promouvoir une approche assez superficielle de l’apprentissage. L’accent sera mis sur l’obtention rapide de résultats plutôt que sur le processus de réflexion et de #compréhension. Cette tendance va à l’encontre des objectifs fondamentaux de la formation des travailleurs sociaux, qui visent à développer la #pensée_critique et la capacité d’analyse des étudiants.

    Or aujourd’hui que souhaitons-nous pour les futurs travailleurs sociaux ? De nombreux employeurs vous diront qu’ils recherchent des professionnels qui font ce qu’on leur demande de faire sans véritablement se poser des questions. Le résultat importe plus que le processus qui a permis de l’obtenir. Or l’aide et l’accompagnement en #travail_social est justement structuré dans le processus fait d’avancées et de reculs, un parcours qui permettra à la personne aidée de pouvoir à terme prendre son avenir en main. Elle nous oblige à penser l’action au fil du contexte et des évolutions de la situation. Cette réflexion est menée avec la personne accompagnée. Or l’IA vous proposera des réponses qui ne sont pas coconstruites avec elle.

    Le mythe de la productivité

    Un autre aspect problématique de l’utilisation de l’IA dans la formation est la promotion du « mythe de la productivité ». Cette idéologie présuppose que l’économie de temps et d’efforts est toujours préférable à l’engagement dans une activité pour elle-même. Dans le contexte éducatif, cela peut se traduire par une focalisation excessive sur la production d’actions et de contenus au détriment du processus d’apprentissage et de réflexion pour la mise en œuvre de l’action.

    Ce mythe de la productivité risque de réduire l’écriture et d’autres activités éducatives à de simples tâches à accomplir. Il néglige dans le processus d’écriture leur dans le développement intellectuel et personnel des étudiants. Comme le souligne Rob Horning, cette approche correspond à celle de l’idéologie libérale qui privilégie l’efficacité sur le sens et l’expérience.

    Une utilisation excessive de l’IA dans la formation risque également de priver les étudiants de la maîtrise de leur propre apprentissage au nom de la productivité. En automatisant des processus qui devraient normalement impliquer une réflexion et un effort personnels, l’IA peut réduire la capacité des étudiants à développer une compréhension profonde et une expertise dans leurs domaines d’étude.

    Cette perte de maîtrise s’apparente à ce que Rob Horning décrit comme le travail aliéné dans le contexte capitaliste. Au temps du Fordisme, les travailleurs étaient soumis à des processus de travail cadencés par la machine. Ils travaillaient à la chaine. Cela les privait de toute autonomie et surtout de leur créativité. Aujourd’hui, des robots les ont remplacés. L’IA utilisée de la sorte n’en ferait pas autrement. Cela pourrait se traduire par une autre forme de travail à la chaine, où le salarié (et l’étudiant) ne travaillent plus directement leurs textes, mais suivent plutôt ce que l’IA leur a fourni. Cela pourrait provoquer une forme d’aliénation aux outils d’IA, au détriment du développement de la capacité à penser de manière indépendante.

    L’impact sur l’apprentissage

    Les effets potentiellement néfastes de l’utilisation excessive de l’IA nous conduit dans des process un peu absurdes. Comme le souligne Ian Bogost, nous assistons déjà à des scénarios dans lesquels des étudiants génèrent des devoirs avec l’IA, que les enseignants font ensuite corriger par l’IA. On en arriverait vite à marcher sur la tête. Cette situation, qui peut exister, soulève des questions importantes sur la valeur et l’intégrité du processus éducatif.

    Le risque majeur est que cette technologie rende caduc certains des meilleurs outils d’apprentissage, notamment l’écriture elle-même. L’écriture n’est pas seulement un moyen de communiquer des idées, c’est aussi un processus qui permet de clarifier la pensée, d’approfondir la compréhension et de développer des compétences critiques. En remplaçant ce processus par une génération automatisée de contenu, nous risquons de priver les étudiants d’opportunités essentielles pour leur développement intellectuel.

    Il existe une grande différence entre l’apprentissage automatique et la « pensée machine » explique Ron Carucci dans le magazine Forbes. Dès l’instant où nous commençons à considérer l’IA comme une machine pensante, nous sommes dans le pétrin. En effet, cela signifie que nous avons essayé d’externaliser notre propre pensée critique et nos compétences de résolution de problèmes à une machine qui ne fait que répliquer et régurgiter les informations qu’elle a recueillies. Les grands modèles linguistiques recherchent des modèles d’information existants, peut-être même les synthétisent. Mais ils ne peuvent pas exercer d’appréciation, quelle que soit la nuance ou la rapidité de leurs résultats.

    Plus les étudiants utilisent les machines pour réfléchir à leur place, plus ils deviennent dépendants de ces machines, ce qui perturbe les processus cognitifs clés. Utiliser l’IA pour trouver une réponse par raccourci au lieu de la trouver par soi-même diminue leur réserve cognitive, ou si vous préférez les connexions entre les cellules cérébrales. L’hypothèse de la réserve cognitive reflète l’agilité de notre cerveau à résoudre des problèmes et à faire face à des situations inattendues explique Ron Carucci.

    En conclusion

    En conclusion, bien que l’IA offre des possibilités assez vertigineuses dans de nombreux domaines, son utilisation dans la formation, en particulier pour des tâches fondamentales comme l’écriture et la recherche, soulève de sérieuses préoccupations. Il est esentiel que les étudiants apprennent à se passer de ces outils, non pas par rejet de la technologie, mais pour préserver et développer des compétences essentielles qui ne peuvent être acquises que par l’effort et la pratique.

    L’éducation ne consiste pas seulement à acquérir des connaissances, mais aussi à développer la capacité de penser de manière critique, de résoudre des problèmes et de s’adapter à de nouvelles situations. Ces compétences sont primordiales pour le succès futur des étudiants, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. Elles sont essentielles pour les étudiants en travail social. Il leur faut continuer à penser par eux-mêmes et non déléguer une quelconque décision à des IA qui n’auront pas dans leur mémoire tous les aspects particuliers d’une situation singulière.

    Alors que beaucoup utilisent l’IA sans le dire, il reste essentiel de trouver un équilibre entre l’utilisation de ces technologies comme outils d’assistance et la préservation des processus d’apprentissage. C’est bien le fait de ne pas utiliser l’IA qui favorise une véritable croissance intellectuelle. Les formateurs, les responsables de filières et les étudiants eux-mêmes doivent être conscients des limites et des risques associés à une dépendance excessive à l’IA dans la formation.

    En fin de compte, l’objectif de la formation devrait être de former des futurs professionnels capables de penser par eux-mêmes, de remettre en question les idées reçues et de contribuer de manière significative à la société. Ces compétences ne peuvent être pleinement développées que par un engagement actif dans le processus d’apprentissage, sans raccourcis artificiels. C’est en préservant ces aspects essentiels que nous pourrons préparer au mieux les étudiants dans un monde où l’IA jouera sans aucun doute un rôle de plus en plus important.

    La quasi-totalité des sources est en anglais, n’hésitez pas à utiliser un traducteur automatique :

    – ChatGPT : le mythe de la productivité | Dans les algorithmes : https://danslesalgorithmes.net/2024/09/17/chatgpt-le-mythe-de-la-productivite
    - Revue Spirale – Esprit critique et pouvoir d’agir. Vers le développement d’une « attitude critique » ? | Cairn.info : https://shs.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2020-3-page-51?lang=fr
    - AI Reduces Critical Thinking | WVNexus : https://wvnexus.org/opinions/ai-reduces-critical-thinking
    - Why I Ban AI Use in Writing Assignments | Times Higher Education : https://www.timeshighereducation.com/campus/why-i-ban-ai-use-writing-assignments
    - Importance of Critical Thinking for Students | EssayPro : https://essaypro.com/blog/importance-of-critical-thinking-for-students
    - In the Age of AI, Critical Thinking Is More Needed Than Ever | Forbes : https://www.forbes.com/sites/roncarucci/2024/02/06/in-the-age-of-ai-critical-thinking-is-more-needed-than-ever
    - Why Should Students Not Use AI Tools to Write Assignments ? | Academic Assignments : https://www.academicassignments.com/blog/why-should-students-not-use-ai-tools-to-write-assignments

    https://dubasque.org/pourquoi-il-est-important-que-les-etudiantes-apprennent-a-se-passer-de-cha
    #ChatGPT #apprentissage #ESR #étudiants #AI #intelligence_artificielle #IA #université

    voir aussi :
    Guide sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le réseau de l’éducation
    https://seenthis.net/messages/1082156

    • A Student’s Guide to Not Writing with ChatGPT

      OpenAI has published “A Student’s Guide to Writing with ChatGPT”. In this article, I review their advice and offer counterpoints, as a university researcher and teacher. After addressing each of OpenAI’s 12 suggestions, I conclude by mentioning the ethical, cognitive and environmental issues that all students should be aware of before deciding to use or not use ChatGPT.

      “1. Delegate citation grunt work to ChatGPT. AI excels at automating tedious, time-consuming tasks like formatting citations. Just remember to cross-check all source details against original materials for accuracy.”

      That last sentence is probably there for legal reasons, because they know they can’t say ChatGPT will produce accurate results. Formatting citations and bibliographies means presenting metadata according to formal style instructions. This is not natural language. ChatGPT will make errors, which will take time to track and correct. Instead, use a reference manager, such as Zotero. It will format things reliably, exactly as expected. Just clean up the references’ metadata as you collect them, and then your bibliographies will never contain mistakes.

      “2. Quickly get up to speed on a new topic. ChatGPT can jumpstart your research by providing a foundational understanding of a subject.”

      ChatGPT is a human conversation simulator, not an information system or a knowledge base. It has no understanding of anything: it only outputs plausible responses. Do not ask an intermediary who has no capacity to understand information to explain it to you. Instead, go to your university library and look it up yourself, with the help of your local librarians. Actual information is contained in brains, documents and databases.

      “3. Get a roadmap of relevant sources. ChatGPT can guide your research by suggesting relevant scholars, sources, and search terms. But remember: while it can point you in the right direction, ChatGPT isn’t a substitute for reading primary sources and peer-reviewed articles. And since language models can generate inaccurate information, always double-check your facts.”

      (This is even more contentious than point 1, so we get two full sentences that are probably there for plausible deniability.) Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know what things like “a source” or “a true statement” are. Do not trust its directions. You will waste time and make mistakes. Again, ask a human or search for documents and data in a proper information system.

      “4. Complete your understanding by asking specific questions.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know actual answers to your questions, only plausible answers. It will generate true and false answers indiscriminately. This will set your learning back. Again, seek humans, documents and data directly instead of asking ChatGPT.

      “5. Improve your flow by getting feedback on structure.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not understand what an “expected” or “improved” text structure is, even if you describe it. It can only upgrade your writing to middling quality, or downgrade it to that same level. Both will result in mediocre grades. To actually improve, ask a teacher, or join a group of students who give each other feedback; if such a group does not exist, get some people together and create it—this will be a useful experience by itself.

      “6. Test your logic with reverse outlining.”

      As an Australian study recently showed, ChatGPT does not know how to summarize, only shorten. So far, summarizing remains something only humans do well. So you should learn it: take a summarizing course from an information skills program. (Also, if you can’t summarize your own writing, something is wrong. Do not reverse outline your writing: outline first, then write.)

      “7. Develop your ideas through Socratic dialogue.”

      This is one suggestion that is related to ChatGPT’s actual function: simulating human communication. However, Socratic dialogue implies that you are conversing with someone who has a superior understanding of the topic and who slowly brings you to their level. And, unfortunately, ChatGPT is not Socrates. Using ChatGPT as a “sparring partner” will constrain you to its level: a machine which produces plausible human sentences. Instead, suggest this exercise to your teachers and fellow students, and do it with someone more knowledgeable than you.

      “8. Pressure-test your thesis by asking for counterarguments.”

      To improve your thinking, you must be able to come up with counterarguments, not just answer them. Using ChatGPT to do half the work will stunt your progress. Instead, come up with counterarguments yourself. And if you must ask for help, do not ask ChatGPT: it can only produce weak reasoning, so it will make you plateau into mediocrity. Ask someone who can create strong arguments to make you think harder.

      “9. Compare your ideas against history’s greatest thinkers.”

      ChatGPT can entertain you but it has no ability to design such a complex exercise so that you may learn from it. Suggest this idea to a teacher instead. This is what they are trained to do.

      “10. Elevate your writing through iterative feedback.”

      This is a variant of point 5 about feedback. Again, using ChatGPT will constrain your work to a machine’s idea of the human average. Instead, go for feedback sessions with teachers and fellow students, and make those iterative if needed.

      “11. Use Advanced Voice Mode as a reading companion.”

      (“Avanced Voice Mode” means ChatGPT listens to you reading something out loud and tries to answer your questions about it.) This is a variant of points 2-4 about information. ChatGPT has no understanding of anything. It will not provide reliable interpretations of what you’re reading. Instead, look up the definitions of words you don’t know; find scholarly work that analyzes the text; ask another student working on the same text if you’re unsure of what you’ve read.

      “12. Don’t just go through the motions—hone your skills. […] Try asking ChatGPT to suggest ways to develop your ability to think critically and write clearly.”

      Again, ChatGPT has no understanding of anything. This includes “critical thinking” and “writing techniques”. Look these things up in your university library catalogue; read what you find; ask your teacher about it; and then practice, practice, practice.
      Final words

      ChatGPT is designed to simulate human conversation. Using a probabilistic model of language, it communicates for communication’s sake, to fool you into thinking it’s human. It’s a bullshit machine. It works as a novelty thing, for entertainment. But it’s not a reliable tool for learning, so I believe students should be wary of it.

      Whenever students ask me about ChatGPT, I mention the following three issues:

      - ethics: most of the models were built on stolen data;
      - cognition: using it makes you more dependent and less smart, as studies have started to show (here’s a link to a French one) ;
      - environment: the energy costs of generative AI are an order of magnitude greater than pre-existing technology (and it’s not even profitable, so we’re burning fuel for nothing).

      It’s usually enough to give most of my students some pause. They’re creative young people, so they empathize with robbed creators. They want tools that help them, not hinder them. And a lot of them are (rightly) concerned about the environment, so they’re shocked to learn that ChatGPT takes ten times the amount of energy Google does to answer the same question, usually worse (but Google is catching up, or down I should say).

      The good news is that, as Jared White puts it:

      “You can literally just not use it. […] you can be a fulfilled, modern, very online, technical expert & creator and completely sit out this hype cycle.”

      If you need more information, I strongly recommend out that you check out Baldur Bjarnason’s Need To Know. It’s a website that provides an accessible summary of his deep literature review of the risks behind using generative AI. It’s a great starting point.

      https://www.arthurperret.fr/blog/2024-11-14-student-guide-not-writing-with-chatgpt.html

  • France : un sentiment de déclassement professionnel règne chez les immigrés africains, selon l’Insee - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/60819/france--un-sentiment-de-declassement-professionnel-regne-chez-les-immi

    France : un sentiment de déclassement professionnel règne chez les immigrés africains, selon l’Insee
    Par RFI Publié le : 28/10/2024
    En 2023, sur les 7,3 millions d’immigrés qui vivent en France, 48 % viennent d’un pays d’Afrique, selon le dernier rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Alors qu’ils sont les plus nombreux par rapport aux immigrés venant d’Asie ou d’Europe, ils connaissent un sentiment de déclassement sur le plan professionnel plus important que les autres.
    Un immigré sur trois venant d’Afrique estime que le poste qu’il occupe est en deçà de ses compétences professionnelles. C’est l’une des leçons qui ressort de la nouvelle publication menée par l’Insee.
    " Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le fait d’avoir un diplôme et notamment d’avoir un diplôme du supérieur ne prémunit pas contre le risque de mobilité descendante et de sentiments de déclassement. Puisque 36 % des immigrés africains qui connaissent une mobilité descendante avaient un diplôme du supérieur ", indique Odile Rouhban chargée d’étude à l’Insee. " Et en fait, ce qui est en jeu ici, c’est la question de la reconnaissance des diplômes. Il y a un certain nombre d’immigrés africains qui ont obtenu un diplôme de leur pays d’origine, mais ce diplôme n’est pas reconnu en France et donc ils sont contraints d’accepter des emplois qui sont en deçà de leur niveau de compétence quand ils arrivent en France », ajoute-t-elle.
    Et les raisons sont multiples. "Un immigré qui maîtrise moins bien la langue française sera peut-être contraint d’accepter un emploi qui ne correspond pas forcément à son niveau de qualification. Un autre enjeu, c’est aussi la question des discriminations sur le marché du travail. On sait que les immigrés n’occupent pas des emplois qui correspondent à leur niveau de compétence", pointe Odile Rouhban.
    Si le marché de l’emploi est rude pour ces étrangers, leur situation professionnelle a tendance à s’améliorer au fil des années passées sur le territoire français.

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#emploi#declassement#discrimination#diplome#competence#sante#afrique

    • Plusieurs études que je devrait rechercher, ont montré que les diplômés africains ont plus de mal sur le marché du travail que d’autres groupes migrants car ils ont tendance à chercher des boulots correspondant à leurs classifications. Las, un migrant ne peut pas trouver à classification égale et la langue n’a rien avoir là dedans. Ce n’est juste pas ce que le marché du travail attends d’eux : la qualification. Les travailleurs maghrébins ont plus intégré cette réalité et donc s’intègrent mieux sur le marché du travail : soit ils ne cherchent pas à obtenir des diplômes trop élevés, soient ils acceptent plus facilement d’être employés en dehors de leurs qualifications. Ce n’est donc pas un sentiment, mais une situation factuelle.

  • Les inégalités sociales de compétences en hausse constante
    https://www.cafepedagogique.net/2024/06/19/les-inegalites-sociales-de-competences-en-hausse-constante

    On le sait, l’#école française ne résorbe pas les inégalités sociales, elle les transforme en inégalités sociales de compétences, notamment en français et en mathématiques. Dans une note publiée très récemment, la DEPP – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance – montre, s’il en était encore besoin, que les écarts de performance entre élèves de différentes origines sociales sont importants dès l’entrée en sixième et tendent à se creuser durant la scolarité obligatoire.

     

    Des compétences inégales dès le début du collège

    À l’entrée en sixième, les compétences des élèves montrent déjà de fortes disparités selon leur origine sociale. En 2022, 41 % des enfants de parents de cadres obtiennent de bons résultats en français, contre seulement 6 % des enfants de parents inactifs et 10 % des enfants de parents ouvriers, indique le service statistique du ministère. À l’inverse, 45 % des enfants de parents inactifs et 26 % des enfants de parents ouvriers sont en difficulté, seulement 5 % des enfants de cadres supérieurs. Le constat est le même en mathématiques.

    Dans cette note, la DEPP utilise la classification « PCS ménage », récemment introduite par l’Insee, permet d’apprécier les disparités sociales en tenant compte de la profession des deux parents. Selon cette classification, les enfants de ménages inactifs et ouvriers sont surreprésentés parmi les moins performants. 45 % des enfants de ménages inactifs se situent dans le quintile inférieur en français (les moins performants), contre 5 % des enfants de ménages de cadres.

     

    Amplification des inégalités en mathématiques dès l’école primaire

    C’est à l’école primaire que les inégalités sociales de #compétences augmentent, particulièrement en mathématiques. À l’entrée en CP, les écarts sont moindres, mais ils s’amplifient à mesure que les élèves progressent dans leur scolarité. « En mathématiques, l’accroissement des écarts sociaux au cours de l’école primaire est plus net (qu’en français) : la part des meilleurs augmente de 8 points (de 30 % à 38 %) entre le CP et la sixième pour les enfants de cadres supérieurs, alors qu’elle diminue de 4 points pour les enfants d’ouvriers (de 15 % à 11 %) ».

    En français, les inégalités sociales apparaissent déjà très fortes à l’entrée en CP et augmentent tout au long de l’école primaire. « Les enfants de cadres supérieurs améliorent un peu leur position au primaire : à l’entrée en CP, 7 % sont parmi les moins performants en français et 14 % dans le groupe au-dessus ; ces taux passent à 6 % et 12 % à l’entrée en sixième. Dans le même temps, leur part dans le groupe des plus performants passe de 34 % au CP à 39 % en sixième. À l’inverse, les enfants d’ouvriers voient leurs résultats diminuer un peu : leur part parmi les plus performants est de 10 % à l’entrée en sixième contre 13 % à l’entrée en CP ».

    Ces tendances se confirment tout au long du collège. Les enfants de cadres supérieurs progressent davantage que leurs pairs issus de milieux ouvriers, exacerbant ainsi les écarts de performance.

  • Tous incompétents ! - Tract contre France Travail et l’insertion professionnelle - Des Chiens d’la casse
    https://paris-luttes.info/tous-incompetents-tract-contre-17948

    Face au refus des tire-aux-flancs qui ne veulent pas aller au charbon, #France_Travail va bien évidemment continuer la fameuse « mission d’insertion professionnelle » qu’avait Pole Emploi. Et cette #insertion, qui est un business à part entière avec ses acteurs, son marché, son économie, passe de manière assez centrale par l’acquisition progressive d’une multitude de #compétences, qui n’en sont d’ailleurs pas vraiment, et qui peuvent être résumées par le réflexe pavlovien de tout bon conseiller en réinsertion : le savoir-être professionnel. Tout un arsenal de concepts évanescents établis par des chercheurs en sciences de l’éducation (qui trouvent là un débouché formidable pour leurs recherches) est mis en œuvre pour rendre soi-disant transparent le cadre dans lequel se retrouve pris l’allocataire en insertion. Des cohortes d’agents d’insertions travaillent à expliquer à des petits groupes de futurs insérés, à coups de stabilo sur des tableaux veleda, la différence fondamentale entre savoir, savoir-être et savoir-faire, savoir transversal et savoir relationnel, catégories nébuleuses qui ne servent qu’à faire croire que tout ça est pour le mieux dans le meilleur des mondes bien pensé et bien rangé... et faire avaler la couleuvre qui est : aucune qualification n’est nécessaire ni prise en compte pour travailler, la seule vertu, le seul apprentissage, la seule formation, c’est l’obéissance.

    Dans les chantiers d’insertion par exemple, sorte de contrat précaire de 4 mois renouvelables 5 fois, on vous fait signer un contrat de « salarié polyvalent » à disposition de votre employeur (bien souvent la communauté de communes ou une autre entité administrative, qui peut vous envoyer faire ce qu’il veut). En quelques mois, il est possible d’enchaîner un bon nombre de tâches différentes, surtout dans les secteurs les plus difficiles (BTP, aide à la personne, secteur du nettoyage industriel, manutention…) où vous êtes la plupart du temps en aucun cas qualifié et dans des conditions de travail difficiles ou dangereuses. Peu importe, on apprend en faisant pour Pôle Emploi, et vous ressortez de ces quelques mois ou années avec un CV bien rempli, bardé de plein de nouveaux « savoir-être » et perclu de nouveaux « savoir-faire » transversaux et relationnels que vous, et surtout votre conseiller, pourrez mobiliser pour vous trouver un emploi ! Et vous voilà chair à canon de la remobilisation, nouvel Ouvrier Spécialisé de la restructuration actuelle du capital, la chaîne se diversifie, vous êtes prêt à tout accepter, votre contrat le stipule : vous êtes POLYVALENT.

    Cette obsession pour les compétences et les savoirs-êtres est un leitmotiv pour les patrons et l’État, qui se voit de manière criarde dans le système scolaire. Dès le plus jeune âge, les élèves sont jugés en fonction de compétences qu’ils ont acquises ou pas, et qui peuvent dépasser les disciplines strictement scolaires pour déborder sur les fameuses « compétences psycho-sociales ». Plus de mauvais élèves : tout le monde acquiert les compétences en question puisqu’elles sont pour l’État la clé de votre employabilité polyvalente : le système se veut formidablement inclusif et intégrateur. Couronnement du parcours d’acquisition de compétences « de la maternelle au marché de l’emploi » que se veut maintenant l’école, le #SNU viendra apporter aux adolescents son surplus d’apprentissage de l’obéissance, du respect des institutions et du sacrifice de la vie pour la Nation, avec sa dose de caserne et sa dose de service civil pour fabriquer les petits soldats bardés de compétences de la remobilisation. L’objectif est bien de conformer tout un chacun à ce que les patrons et l’État veulent de nous : arriver à l’heure, bien bosser, bien respecter, bien fermer sa gueule face à la hiérarchie et repartir chez soi, heureux d’avoir contribué au « #plein-emploi » et au « réarmement économique de la nation » si possible !

    #école #RSA

  • Migrations : après la Tunisie, l’Europe cherche un accord avec la Mauritanie
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/02/19/migrations-apres-la-tunisie-l-europe-cherche-un-accord-avec-la-mauritanie_62

    Migrations : après la Tunisie, l’Europe cherche un accord avec la Mauritanie
    Par Philippe Jacqué (Bruxelles, bureau européen)
    Nouakchoot, le 8 février 2024.
    La Commission européenne avance, imperturbable, dans la construction de « partenariats stratégiques mutuellement bénéficiaires » avec les pays africains, incluant un vaste volet de gestion des migrations, sur le modèle de l’accord controversé passé entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie à l’été 2023. Après Tunis, où Ursula von der Leyen s’était rendue en juillet en compagnie des premiers ministres italien et néerlandais, la présidente de l’exécutif européen s’est déplacée début février à Nouakchott avec le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez.
    Le choix de cette destination n’est pas fortuit. En janvier, les arrivées irrégulières enregistrées par l’agence européenne Frontex ont fortement augmenté aux Canaries, au large des côtes marocaines. Quelque 6 686 entrées irrégulières ont été comptabilisées sur l’archipel espagnol, en hausse de 48 %. Dans le même temps, les arrivées se sont taries en provenance de la voie méditerranéenne centrale, avec 1 511 entrées en janvier, en chute de 71 %.
    Les départs, en hausse côté libyen, ont baissé depuis l’automne en Tunisie, entravés par une surveillance accrue des autorités. Preuve que le préaccord de partenariat global trouvé l’été dernier entre l’Europe et la Tunisie – un temps contesté par Tunis et une partie du Parlement européen – est bel et bien en cours d’application. Quelque 105 millions d’euros étaient prévus pour lutter contre l’immigration irrégulière vers l’Europe. Les services de l’exécutif européen travaillent à un niveau technique avec Tunis sur de multiples projets de coopération sur cette question.
    Depuis, la Commission a multiplié les échanges avec d’autres pays du nord de l’Afrique, et notamment la Mauritanie. Officiellement, il s’agit encore d’un partenariat global qui concerne à la fois le développement économique, avec le soutien à des projets d’énergies renouvelables, la sécurité et bien sûr la question migratoire.
    « Je tiens à souligner votre engagement à secourir les migrants qui prennent la route de l’Atlantique, une des plus dangereuses au monde, a rappelé Ursula von der Leyen le 9 février à Nouakchott. L’Union européenne et la Mauritanie doivent renforcer leur coopération dans ce domaine ainsi que pour la gestion des frontières, les retours et l’assistance aux réfugiés. »
    Pour ce faire, « nous avons discuté d’une déclaration et d’une feuille de route communes, que nous finaliserons au printemps, accompagnées d’une enveloppe financière – plus de 210 millions d’euros d’ici à la fin de l’année – pour la gestion de la migration, pour l’aide humanitaire aux réfugiés, mais aussi pour les investissements dans l’emploi, les compétences et l’entrepreneuriat », a-t-elle ajouté.
    Alors que cette feuille de route est toujours en négociation, son contenu reste flou. Quelque 14 millions d’euros devraient être utilisés pour couvrir les coûts liés à l’arrivée de 150 000 réfugiés maliens. Une autre partie sera consacrée à des accords avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour faciliter les retours. Enfin, des moyens devraient permettre d’améliorer le contrôle des frontières et des côtes, les douanes mauritaniennes – et leur vingtaine de navires – étant démunies pour couvrir les 750 km de façade maritime.Initialement, la Commission souhaitait déployer des agents de l’agence Frontex en Mauritanie – tout comme au Sénégal, où les négociations sont actuellement suspendues. « Il semble que ce ne soit plus d’actualité, confie une source européenne. Pour l’autoriser, le gouvernement mauritanien a fait monter les enchères en demandant davantage de visas d’entrée en Europe – qui ne relèvent pas de la responsabilité de Bruxelles, mais des Etats membres. Pour l’instant, cela coince. »
    Néanmoins, si Frontex n’est actuellement pas sur place, la Guardia civil espagnole est bien présente dans le pays, Madrid et Nouakchott ayant signé un partenariat opérationnel pour bloquer les flux de pirogues entre le Sénégal ou la Mauritanie et les Canaries.
    Au-delà de la Tunisie, de la Mauritanie ou du Maroc – qui dispose d’une aide budgétaire annuelle conséquente pour bloquer les migrations –, Bruxelles tente de conclure depuis de nombreux mois un autre partenariat avec l’Egypte. Des discussions sont toujours en cours pour un accord incluant là aussi un volet de contrôle migratoire. Le Caire devrait toucher plus de 80 millions d’euros, notamment pour des équipements de contrôle à la frontière libyenne et de nouveaux navires de patrouille. Les discussions n’ont cependant pas encore abouti, le gouvernement du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi souhaitant un volet d’aide économique très conséquent qui passerait par un prêt de plusieurs milliards d’euros et qui aujourd’hui n’est pas encore bouclé.
    Lors de la révision budgétaire actée en décembre 2023, les dirigeants de l’UE ont certes décidé une enveloppe pour Kiev de 50 milliards d’euros, mais ils ont également validé une nouvelle enveloppe de 9,6 milliards d’euros pour la gestion externe des migrations. Sur cette somme, 2 milliards seront utilisés pour le voisinage du sud de l’Europe. Des moyens qui devraient venir abonder dans les mois qui viennent de nouvelles actions de contrôle migratoire. « On n’a pas fini de traiter l’Afrique sous le seul prisme migratoire, regrette une source diplomatique à Bruxelles. Et les élections européennes, qui auront lieu du 6 au 9 juin, ne devraient pas modifier cette perception. »

    #Covid-19#migration#migrant#UE#tunisie#espagne#frontex#OIM#egypte#developpement#frontiere#externalisation#maroc#retour#competence#sante#politiquemigratoire

  • La Suède prévoit de relever le salaire minimum exigé pour les visas de travail - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55258/la-suede-prevoit-de-relever-le-salaire-minimum-exige-pour-les-visas-de

    La Suède prévoit de relever le salaire minimum exigé pour les visas de travail
    Par La rédaction Publié le : 16/02/2024
    En Suède, les travailleurs non-européens devront désormais démontrer qu’ils gagnent plus de 34 200 couronnes (3 000 euros) pour obtenir un visa de travail et rester dans le pays. Auparavant, le montant demandé était de 27 360 couronnes (2 400 euros). Les secteurs du nettoyage et de la restauration - qui emploient de nombreux étrangers - dénoncent une mesure qui pourrait nuire à l’économie nationale. La Suède « a avant tout besoin d’une main-d’œuvre étrangère qualifiée et hautement qualifiée », a déclaré jeudi 15 février la ministre suédoise des Migrations, Maria Malmer Stenergard, lors d’un point presse. Or, le pays connaît « une forte immigration vers des emplois » peu qualifiés et faiblement rémunérés a-t-elle ajouté. Pour tenter de renverser la tendance, Stockholm prend des mesures drastiques. Le gouvernement, soutenu par le parti d’extrême-droite des Démocrates de Suède, veut augmenter le salaire minimum exigé pour obtenir un visa de travail pour les migrants qui ne viennent pas de l’Union européenne (UE). Une commission d’enquête, nommée par l’exécutif, propose d’établir le plafond demandé aux étrangers à 34 200 couronnes (3 000 euros), soit l’équivalent du salaire médian. Le gouvernement compte sur une entrée en vigueur du texte au 1er juin 2025.
    La restauration et le nettoyage, deux secteurs les plus affectés
    En novembre 2023 déjà, le montant exigé des personnes hors espace Schengen ou UE avait été doublé, passant de 13 000 couronnes (1 150 euros) à 27 360 couronnes (2 400 euros) – soit 80% du salaire médian. Les confédérations syndicales et les organisations d’employeurs avaient alors dénoncé une mesure qui risque non seulement de nuire à l’économie suédoise, mais qui met aussi à mal l’un des principes fondateurs de ce pays.
    Les étrangers se retrouveront-ils écartés du marché du travail parce que son accès est trop cher  ? Les entreprises pourront-elles vraiment s’en passer  ? Les deux secteurs les plus affectés par cette hausse du salaire minimum sont la restauration et le nettoyage. « Dans beaucoup de cas, il s’agit d’emplois qui doivent être occupés par des personnes qui vivent déjà en Suède », a défendu la ministre : c’est-à-dire des citoyens suédois ou des personnes d’origine étrangère ayant obtenu l’asile ou arrivés en Suède grâce au rapprochement familial, entre autres.
    Mais dans ces domaines, qui manquent cruellement de main-d’œuvre, les étrangers sont indispensables pour faire tourner l’activité. Maria Malmer Stenergard veut permettre des exceptions à la règle dans les cas où il existerait une pénurie des compétences, sur la base d’une liste élaborée par l’Agence des migrations.
    Et pour promouvoir l’arrivée de travailleurs qualifiés, la commission d’enquête souhaite que les chercheurs ne soient pas tenus de remplir ce nouveau niveau de salaire. Idem pour les médecins, infirmières ou dentistes étrangers qui occupent un emploi faiblement rémunéré dans l’attente de la reconnaissance de leur diplôme.
    La Suède, longtemps considérée comme une terre d’accueil et d’intégration pour les réfugiés, notamment syriens, affiche depuis 2022, et l’arrivée du nouveau gouvernement allié de l’extrême-droite, sa volonté de réduire drastiquement l’immigration et la criminalité. En octobre, une autre mesure avait donné le ton de la nouvelle politique de Stockholm. Les autorités avaient annoncé leur volonté de restreindre l’accès aux prestations sociales aux migrants non originaires d’un pays de l’UE. Le gouvernement souhaitait également introduire un plafond pour le cumul des aides, et imposer un délai entre l’arrivée de ces migrants en Suède et le moment où ils pourront toucher les allocations.
    « Depuis 2012, plus de 770 000 personnes ont immigré en Suède de pays hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen », rappelaient alors le Premier ministre Ulf Kristersson et les trois autres dirigeants des partis de la coalition. « Avec une politique d’intégration qui n’a pratiquement aucune exigence [envers les migrants] et aucune incitation à s’intégrer à la société, cette forte immigration a créé une Suède divisée », avaient-ils estimé.
    Pour ces responsables politiques, le pays scandinave a « d’importants problèmes » avec les personnes nées à l’étranger qui vivent de prestations sociales, sans pour autant fournir de données officielles étayant leurs propos.

    #Covid-19#migrant#migration#suede#immigration#visas#salaire#economie#integration#competence#personnelmedical#infirmiere#medecin#migrationqualifiee#sante

  • L’#immigration : un atout pour le #dynamisme_économique

    Les travaux scientifiques ne concluent pas à un #impact négatif de l’immigration sur les salaires ou l’emploi des travailleurs natifs. Au contraire, les immigrés contribuent à la #croissance_économique, notamment en soutenant l’activité dans les secteurs en tension et en favorisant l’#innovation.

    Les questions migratoires, au centre du débat public depuis des décennies, le sont d’autant plus depuis l’annonce de la nouvelle loi Darmanin-Dussot 2023, plus communément appelée « loi immigration ». Les débats qui en découlent reflètent une tension palpable autour de son impact sur le pays d’accueil. Ces débats s’inscrivent dans la stratégie politique adoptée par l’extrême droite et une fraction de la droite républicaine, dépeignant l’immigration comme un « tsunami », susceptible de mettre en péril la stabilité de notre société. François Héran (2023) qualifie ce procédé de « déni de l’immigration », une manœuvre visant à la présenter comme un phénomène illégitime dont il faudrait se prémunir par le biais de politiques plus strictes, telles que la réduction du nombre d’entrées sur le territoire ou le durcissement des conditions d’accès aux prestations sociales.

    Bien que ce débat se focalise principalement sur les aspects identitaires et sécuritaires de l’immigration, les préoccupations concernant l’emploi et les salaires des travailleurs natifs ainsi que les finances publiques sont également mobilisées pour justifier des politiques d’intégration plus strictes. Sans nier l’importance politique et sociale du premier aspect lié à l’intégration des immigrés, nous centrerons notre propos sur l’impact fiscal et économique de l’immigration dans le contexte français.

    Cet essai vise dans un premier temps à confronter le mythe d’une immigration massive sur la base du regroupement familial aux réalités démographiques de ces vingt dernières années. Il ressort que la France a connu une croissance stable de sa population immigrée, mais relativement modeste par rapport à celle de ses voisins européens. L’étude de la littérature économique permet dans un second temps d’établir que l’immigration ne constitue ni un poids pour les finances publiques, ni une menace pour les travailleurs natifs en termes d’emploi et de rémunération. À l’inverse, en répondant à des besoins de main-d’oeuvre, ou en favorisant l’innovation, l’immigration apparaît comme un facteur important de croissance et de productivité à court et long-terme.
    Les dynamiques migratoires en France depuis les années 2000
    Une immigration en hausse qui s’inscrit dans une tendance mondiale

    En janvier 2023, la France comptait 7 millions d’immigrés, soit 10,3% de la population (Héran, 2023), ce qui correspond à 5 points de pourcentage en plus par rapport à 1950. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la proportion d’immigrés a connu deux grandes phases d’expansion, la première durant les « Trente Glorieuses », et la seconde depuis le début du XXIe siècle jusqu’à 2020. Sur cette dernière période, le taux moyen de croissance annuelle était de 2,1%, soit un accroissement moyen annuel d’environ 140 000 personnes. Le nombre d’immigrés et leur poids dans la population française connaissent donc une croissance stable depuis le début du siècle.

    La définition plus large des immigrés de l’ONU, qui comprend l’ensemble des personnes nées à l’étranger, permet des comparaisons internationales. Définis ainsi, les immigrés représentent 13,1% de la population française.

    Au niveau mondial, les migrations internationales ont connu une forte expansion entre 2000 et 2020, puisque la population immigrée enregistrée dans les pays d’accueil a connu une augmentation de 62%, surpassant de loin le taux de croissance de la population mondiale (27%). Cette tendance est particulièrement marquée en Europe où l’on observe une augmentation de 67% du nombre d’immigrés sur la période. En comparaison, la croissance de la population immigrée en France (36%) est significativement plus modeste que la moyenne européenne, notamment par rapport aux pays d’Europe du Sud. L’Allemagne et l’Autriche, avec une croissance de 75% de leur population immigrée, se distinguent également nettement de la France depuis la "crise des réfugiés" de 2015, période pendant laquelle ces pays ont accueilli un nombre drastiquement plus élevé de personnes déplacées en provenance du Moyen-Orient. Ces tendances persistent lorsqu’on examine la proportion d’immigrés par rapport à la population totale.

    Le discours anti-immigration avance que la France aurait accueilli de manière disproportionnée des réfugiés depuis la crise de 2015, du fait notamment de la « générosité » de son système de protection sociale. Or, à titre d’exemple, entre 2014 et 2020, seulement 3% des demandes d’asile déposées dans l’Union européenne par les Syriens déplacés ont concerné la France, contre 53% pour l’Allemagne. Si l’on exclut les pays les plus touchés par la crise, la France recense 18% des demandes d’asile, soit l’équivalent de son poids économique dans l’UE.

    Ces réalités démographiques s’opposent donc au mythe d’une immigration hors de contrôle à tendance exponentielle. Bien que la France ait connu une croissance stable de sa population immigrée depuis 2000, sa trajectoire demeure nettement en retrait par rapport à celle de ses voisins d’Europe de l’Ouest et du Sud.

    Motifs et Composition de la population immigrée

    La France, comparée à ses principaux partenaires de l’OCDE, se caractérise par une immigration fondée sur le motif familial, peu qualifiée et peu diversifiée en termes d’origines géographiques (Auriol et al., 2021).

    Alors que la libre circulation constitue le principal facteur d’immigration dans la plupart des pays européens, elle occupe la deuxième position en France derrière le motif familial. Sur la période 2007-2016, 43,7 % des immigrants sont arrivés pour des raisons familiales, tandis que 31 % sont venus pour leurs études, 10 % pour des motifs humanitaires, et seulement 9 % pour des raisons liées au travail

    . Les individus originaires du Maghreb et d’Afrique Sub-Saharienne représentaient 41% des immigrés en 2017.

    La part des migrations pour motif familial est prépondérante, mais tend à diminuer ces dernières années. La hausse de 61 % des titres de séjour délivrés entre 2005 et 2022 s’explique pour moitié par la migration étudiante, et pour plus d’un quart par la migration de travail, notamment qualifiée à partir de 2016 avec l’initiative passeport-talent (Héran, 2023). Au cours de cette période, la migration familiale a connu une légère baisse, contredisant le discours anti-immigration qui dépeint une augmentation incontrôlée du regroupement familial.

    Même si le niveau d’éducation des immigrés a augmenté au cours des dernières décennies, l’écart n’a pas été comblé avec celui des non-immigrés qui a également progressé. Ainsi, La population immigrée reste surreprésentée parmi les moins qualifiés (20 points de pourcentage de plus que les non-immigrés), avec également une proportion relativement faible de personnes très qualifiées par rapport à d’autres grandes puissances économiques. Ce plus faible niveau d’éducation, ajouté des obstacles linguistiques, culturels, administratifs, mais aussi à des pratiques discriminatoires, est à relier à un taux de chômage plus élevé (13 % contre 7,5 % pour les non-immigrés en 2020).

    Quel impact économique et fiscal ?

    Un impact négligeable sur le #déficit_budgétaire

    La loi immigration prévoit de conditionner l’accès à certaines prestations sociales non-contributives à une condition d’ancienneté sur le territoire pour les étrangers non européens. Marine Le Pen parle de « victoire idéologique », ayant elle-même avancé dès 2011 que : « L’immigration participe de la déstabilisation massive de notre système de protection sociale » et en 2021 de réserver les allocations familiales « exclusivement aux Français ». Ces propositions s’inscrivent dans une croyance infondée selon laquelle l’immigration représente un coût pour les finances publiques du pays d’accueil (Ragot, 2021). La contribution nette des immigrés aux finances publiques oscille en moyenne autour de +/- 0,5 % du PIB selon le pays et les années. Dans le cas de la France, les estimations corroborent ce faible impact négatif sur la période 1979-2021 (Chojnicki et al., 2021). L’absence d’incidence des immigrés sur les finances publiques, malgré une situation relativement plus précaire en moyenne que les natifs, s’explique par une composition démographique plus avantageuse. Les immigrés sont surreprésentés dans les classes d’âge les plus actives, entre 20 et 60 ans, période au cours de laquelle les montants des cotisations payées sont en moyenne supérieurs à ceux des avantages perçus. La structure d’âge de la population immigrée permet donc de compenser une contribution plus faible à âge donné que les non-immigrés.

    La France n’attire donc pas plus de migrants du fait de la « générosité » de son système de protection sociale et ces derniers ne représentent pas un poids pour les finances publiques. Lier l’accès aux prestations sociales à la nationalité pourrait avoir des conséquences déplorables sur le taux et l’intensité de la pauvreté des familles étrangères, alors que des actions visant à faciliter leur insertion sur le marché du travail amélioreraient à la fois leur contribution fiscale et leur participation à la vie sociale.

    Un impact moyen négligeable sur l’emploi et les salaires des natifs
    Éléments théoriques

    La théorie économique standard définit un marché du travail avec deux facteurs de production complémentaires, le travail (les travailleurs) et le capital (l’ensemble des biens destinés à la production). Dans ce cadre, une intensification de l’immigration correspond à une augmentation du facteur travail. Lorsque le nombre de travailleurs augmente, mais que la quantité de capital reste fixe, la productivité par travailleur diminue, entraînant également une baisse du salaire moyen perçu (Borjas, 2003). Bien que le niveau d’emploi global augmente, la part de chômage volontaire des natifs peut augmenter, car leurs attentes salariales ne sont plus satisfaites. De plus, si la capacité d’ajustement à la baisse des salaires est limitée, en présence d’un salaire minimum par exemple, l’ajustement du marché peut se faire par le biais d’une diminution du taux d’emploi. Lorsque la baisse des salaires ne compense pas suffisamment celle de la productivité du travail, seule une partie de la main-d’œuvre disponible pourra être employée par les entreprises.

    Cette théorie suppose que le stock de capital dans l’économie est fixe, or cette condition ne tient qu’à très court-terme. Dans un second temps, les entreprises accumulent du capital, la productivité du travail augmente alors à nouveau et le niveau de salaire s’ajuste à la hausse. L’effet global de l’immigration sur l’emploi et les salaires dépend donc de la capacité et de la rapidité avec lesquelles l’économie répond au choc migratoire.

    L’absence d’effet sur le niveau de salaire moyen peut masquer une forte hétérogénéité selon la distribution des compétences au sein de la population immigrée. La théorie prédit que l’immigration réduit les salaires des travailleurs les plus en concurrence avec les travailleurs immigrés (ceux avec des compétences similaires), mais bénéficie à ceux disposant de compétences complémentaires. Par exemple, une vague d’immigration peu qualifiée devrait diminuer les salaires des travailleurs peu qualifiés et augmenter ceux des plus qualifiés. Ces disparités salariales peuvent persister à long terme. En résumé, l’impact distributif d’un choc migratoire sur le marché du travail varie selon le degré de complémentarité des qualifications entre les immigrés et non-immigrés.

    Éléments empiriques

    La grande majorité des études trouve un impact négligeable de l’immigration sur l’emploi et le salaire des natifs. Selon le contexte (type et ampleur de la vague migratoire), les effets moyens sont très légèrement négatifs ou nuls à court terme et positifs dans certains cas à plus long terme (Edo et al., 2019). Les estimations sur les données françaises indiquent qu’entre 1990 et 2010 la proportion d’immigrés dans la population active n’a eu aucun effet global sur les salaires des natifs (Edo & Toubal, 2015). En cas d’effets négatifs, ceux-ci sont de très court-terme et concentrés sur les travailleurs en concurrence directe avec les immigrés. Les individus les plus impactés sont souvent les immigrés des vagues antérieures, car ils représentent les substituts les plus proches des nouveaux travailleurs étrangers (Ottaviano & Peri, 2012).

    Les effets positifs de l’immigration sur l’économie

    À la lumière de ces enseignements, de nouvelles études s’intéressent au lien entre immigration et productivité, afin de comprendre comment cette relation peut se révéler vertueuse pour l’économie du pays d’accueil.

    Complémentarité et diversité des #compétences

    Les migrants et les natifs disposent de compétences complémentaires dans le processus de production (Sparber et Peri, 2009). Pour un niveau donné d’éducation, les natifs ont un avantage comparatif dans les tâches intensives en compétences linguistiques, incitant les immigrés à se spécialiser dans des tâches plus manuelles. L’immigration génère alors une dynamique de spécialisation des tâches plus efficace, pouvant conduire à une augmentation de la productivité des entreprises. En d’autres termes, les entreprises peuvent ajuster leur technologie de production pour tirer parti de l’augmentation de la main-d’œuvre étrangère. Mitaritonna et al. (2017), à partir des données d’entreprises manufacturières françaises de 1995 à 2005, montrent que l’augmentation de la part des travailleurs étrangers à l’échelle du département a eu un impact positif sur la productivité des entreprises.

    Dans le cadre d’une immigration relativement qualifiée, son impact positif sur la productivité, lié la complémentarité des compétences, serait d’autant plus important que les individus sont issus de milieux culturels et éducatifs différents. Ainsi, une immigration qualifiée et diversifiée, tant en termes de lieux de naissance que de formation, constituerait un levier important de productivité.

    La loi immigration propose d’ajouter des conditions sur la maîtrise de la langue française pour l’obtention d’un titre de séjour long. La langue devient alors un facteur d’exclusion et une barrière à la diversification de la population immigrée plutôt qu’un vecteur d’intégration. À l’opposé, investir davantage dans l’apprentissage du français faciliterait l’intégration des nouveaux arrivants non-francophones, notamment sur le marché du travail (Lochmann et al., 2019).

    Une offre de #main-d’oeuvre complémentaire

    L’article 3 de la loi immigration, qui propose de créer un « titre de séjour » pour les métiers en tension, afin de régulariser temporairement les sans-papiers concernés, a été rejeté en bloc par la droite et l’extrême droite craignant un « appel d’air migratoire ».

    Pourtant, 61% des entreprises rencontraient des difficultés de recrutement en 2023. L’immigration peut bénéficier au pays d’accueil en répondant à des besoins de main-d’œuvre spécifiques dans certains secteurs ou bassins d’emploi. Les immigrés (notamment peu qualifiés) sont généralement plus enclins à accepter des emplois caractérisés par une plus faible rémunération et des conditions de travail plus précaires. Ils représentent par exemple 38,8 % des employés de maison, 28,4 % des agents de gardiennage et de sécurité ou encore 24,1 % des ouvriers non qualifiés du BTP. En occupant des emplois délaissés par les natifs, les immigrés complètent l’offre de travail nationale disponible, renforçant ainsi la capacité productive du pays d’accueil. En l’absence de régularisation, ces travailleurs sont contraints d’accepter des conditions de travail encore plus précaires qui fragilisent leur insertion dans la société.

    De plus, les entreprises dont l’activité est contrainte par des pénuries de main d’œuvre disposant de compétences spécifiques, pourraient être enclines à accroître leurs effectifs en réponse à un choc positif d’offre de travail (l’augmentation du nombre de travailleurs étrangers dans ce secteur). Si ces travailleurs sont complémentaires au capital, la création d’emplois pourrait induire une accumulation accrue de ce dernier et se traduire par une augmentation des salaires. En Suisse par exemple, l’ouverture des frontières aux travailleurs frontaliers qualifiés dans un secteur sous tension a effectivement stimulé la productivité, l’emploi et les salaires (Beerli et al., 2021).

    Immigration qualifiée : un moteur de croissance par l’innovation

    L’immigration qualifiée peut favoriser la croissance et la productivité en stimulant l’innovation. De nombreuses études
    montrent que les migrants hautement qualifiés dans le domaine des STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) ont significativement amélioré les performances en matière d’innovation, de dépôt de brevets et de productivité des entreprises aux États-Unis. Les immigrés sont également surreprésentés parmi les créateurs d’entreprise, générant plusieurs milliards de bénéfices et millions d’emplois.

    L’analyse d’épisodes migratoires historiques met en lumière la persistance de cet effet positif sur l’innovation dans le long terme. Ces effets passent à la fois par les innovations des nouveaux arrivants, mais également par celles des non-immigrés qui bénéficient du partage des connaissances. L’OCDE trouve des effets bénéfiques similaires dans les autres pays membres, notamment en Europe.

    Pour conclure, les migrants hautement qualifiés peuvent générer des externalités positives en capital humain en favorisant le partage de connaissance et l’innovation, et ainsi se traduire par des gains de croissance de long-terme.

    À la lumière de ces enseignements, Auriol et al. (2021) formulent un ensemble de recommandations visant à promouvoir l’immigration de travail en France, notamment celle qualifiée. Ils préconisent entre autres de faciliter la régularisation des travailleurs dans les secteurs en tension, d’intensifier les efforts d’attractivité à destination des étudiants étrangers et de faciliter la transition études-emploi. Louer les bénéfices économiques de long-terme de l’immigration ne revient pas à la considérer uniquement sous un angle utilitariste. La reconnaissance des droits des travailleurs étrangers et leur intégration dans la vie sociale sont essentielles à la cohésion sociale.

    Conclusion

    La population immigrée a progressé de manière stable depuis l’an 2000, sans peser sur le déficit public ni sur la situation des natifs sur le marché du travail. L’accueil de nouveaux travailleurs étrangers apparaît au contraire comme un moteur de dynamisme économique de long-terme, dont la France pourrait davantage bénéficier en ciblant une immigration de travail diversifiée et qualifiée.

    Le thème de l’immigration est d’autant plus délicat à aborder que l’opinion publique est surtout sensible à ses dimensions sociales, politiques et culturelles (Card and al., 2012). Il ne faudrait pas pour autant négliger ses dimensions économiques qui impactent directement ou indirectement la cohésion sociale.

    C’est la raison pour laquelle l’étude d’impact des politiques d’intégration est fondamentale pour penser de nouveaux dispositifs d’action publique qui répondent à des objectifs ambitieux tant sur le plan économique que social.

    https://laviedesidees.fr/L-immigration-un-atout-pour-le-dynamisme-economique
    #migrations #économie #travail #emploi #salaires #fisc #statistiques #chiffres

    –—

    ajouté à la métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration :
    https://seenthis.net/messages/971875

    ping @karine4

  • « Faute de bras, l’immigration est en hausse constante au Japon »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/30/faute-de-bras-l-immigration-est-en-hausse-constante-au-japon_6213857_3234.ht

    « Faute de bras, l’immigration est en hausse constante au Japon »
    Philippe Escande
    Pour la première fois de son histoire, l’archipel nippon a dépassé en 2023 le seuil des 2 millions de travailleurs immigrés. Cette tendance, qui s’étend à tous les secteurs, cache un grand mystère : la stagnation des salaires, en dépit de la pénurie. Tout un défi pour le gouvernement et la Banque du Japon, note Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».
    Ils sont vietnamiens, chinois, philippins, indonésiens, birmans ou népalais. Ils rêvent désormais d’une vie meilleure au Japon. Progressivement, le pays du Soleil-Levant ouvre ses portes à ses voisins, pourvu qu’ils sachent s’occuper de malades, construire des immeubles ou travailler en usine. L’archipel nippon n’a pas vraiment le choix. Les derniers chiffres publiés, mardi 30 janvier, par le ministère du travail l’attestent. Avec un chômage à 2,4 % en décembre 2023, il existe 120 offres d’emploi pour 100 demandeurs. Désormais, de nombreuses petites entreprises sont poussées à la faillite, faute de bras.
    Résultat, l’immigration est en hausse constante. Commencée dans les hôpitaux, elle s’étend à tous les secteurs. Pour la première fois de son histoire, le pays a dépassé en 2023 le seuil des 2 millions de travailleurs immigrés sur son sol, soit 12 % de plus qu’en 2022. Selon les statistiques dévoilées vendredi 26 janvier, un quart de ces employés étrangers viennent du Vietnam, près de 20 % de Chine et 11 % des Philippines. Mais la palme de la progression revient aux Indonésiens, dont le nombre est en progression de 56 % sur un an.
    Pour canaliser ce flux, le pays a créé des classes de visa. Il distingue les « compétences spécifiques » pour les métiers en pénurie et même les « hautes compétences » pour les chercheurs et ingénieurs les plus recherchés. Ceux-là sont les seuls à pouvoir emménager avec leur famille.
    D’après le Fonds monétaire international, les gens arrêtent d’émigrer d’un pays quand, dans celui-ci, le produit intérieur brut (PIB) par habitant atteint 7 000 dollars (6 500 euros), car la différence de salaire ne vaut plus le coup. Le Vietnam, avec son PIB par tête d’un peu plus de 4 000 dollars, a encore de la marge, tout comme l’Indonésie, avec ses 4 700 dollars. Cette réalité, encore très contrôlée, de l’immigration japonaise cache un grand mystère, celui de la stagnation des salaires, en dépit de la pénurie. Ceux-ci ont encore baissé de 3 % en valeur réelle en 2023. C’est un souci majeur pour le gouvernement, et un drame pour la Banque du Japon, qui tente désespérément de faire monter l’inflation. Ils espèrent un regain à l’occasion des négociations annuelles, qui démarrent en février dans les entreprises.
    Sans rebond de la hausse des prix et des salaires, la banque centrale ne pourra pas s’extraire du piège dans lequel elle est enfermée. Détentrice désormais de plus de 50 % de la gigantesque dette nationale, elle ne sait plus comment sortir de sa politique de taux négatifs destinée à doper une croissance anémique. Et ce ne sont pas les travailleurs vietnamiens ou philippins qui pourront résoudre ce problème. Philippe Escande

    #Covid-19#migrant#migration#japon#economie#maindoeuvre#immigration#chine#vietnam#philippines#indonesie#metierenpenurie#visas#competence#sante

  • Contre l’entrée de l’approche par compétences dans les écoles.
    https://www.change.org/p/contre-l-entr%C3%A9e-de-l-approche-par-comp%C3%A9tences-dans-les-%C3%A9coles

    La « compétence » entre aujourd’hui dans les écoles – et les universités. Un grand nombre d’enseignantes et d’enseignants sont, comme on sait, hostiles au néolibéralisme et à son entrée dans l’école. Comment expliquer que contre la compétence aucun front de résistance, pourtant, ne se constitue ? Que font, que disent, les enseignants et enseignantes hostiles au néolibéralisme quand est employé en leur présence le mot de « compétence » ou quand on les invite à le relayer ? Le sens de cet appel est de faire exister simultanément dans tous les établissements scolaires (de la maternelle à l’université) une prise de parole d’opposition, apte à dessiner sur le terrain une ligne de front suffisamment nette autour de ce « concept » : car les implications de l’entrée de la compétence dans les écoles sont absolument considérables. La compétence est elle-même envisagée comme ressource et elle fonctionne par exploitation – ou mobilisation – de ressources. Par elle, l’élève comme le futur salarié devient ressource ; l’enseignant devient ressource ; et le monde même (s’il ne sert plus qu’à acquérir ou faire acquérir des compétences) devient ressource.
     
    *
     
    Appel des enseignantes et des enseignants à lutter contre l’entrée de l’approche par compétences dans les écoles – de la maternelle à l’université.
     
    ou

    Appel de Villejean –
    janvier 2024.
     
    Nous, soussignés enseignantes et enseignants des écoles maternelles, primaires, secondaires (collèges, lycées), ainsi que du supérieur (universités et grandes écoles), nous déclarons ensemble solennellement et fermement opposés à l’entrée de l’« approche par compétences » dans nos classes et nos amphithéâtres : nous récusons cette approche comme faisant violence à l’enseignement que nous avons à donner, et comme modifiant de façon nocive le rapport ayant à exister, en cet enseignement, entre nous, nos élèves, et le monde dans lequel nous vivons.
     La compétence est une notion qui vient du management de l’homme par l’homme, dont les effets sont destructeurs, partout dans la société. Les sciences de l’éducation, ces vingt-cinq dernières années, ont contribué à acclimater la notion dans le champ pédagogique : en prétendant dépasser les polémiques, elles se targuent d’avoir bâti un concept de compétence « pédagogique » qui n’a plus rien à voir avec le concept managérial. Ce faisant, les sciences de l’éducation ont endormi notre vigilance ; elles ont surtout organisé une immense confusion (en employant le même mot). Or quel est le sens qui s’impose finalement : dans parcoursup ? dans les bilans de compétences qui attendent nos élèves tout au long de leur cursus, voire tout au long de leur vie ? Est-ce si sûr que ce soit le sens des pédagogues ? N’est-ce pas (aussi) (plutôt) le sens des gestionnaires de la ressource humaine ? Même adaptée au milieu seulement scolaire et prétendument libérée de son origine managériale (par les préconisations et efforts de pédagogues possiblement sincères), la notion de « compétence » ne peut être déconnectée du schéma néolibéral avec lequel elle est liée : l’individu mis au centre ; et la logique du développement de soi (de soi comme ressource)... 
     La compétence est un concept. (Ce n’est pas qu’un mot.) On ne la relaie pas innocemment.
     Le problème de la compétence n’est donc pas seulement qu’on puisse la mettre au service du management néolibéral (et que les compétences des référentiels scolaires soient en fait destinées à devenir, sans rupture ou presque, les compétences requises sur un marché du travail néolibéralisé) ; le problème de la compétence est la compétence elle-même. Cette notion, en effet, contient un renversement et une subversion ou destitution de l’enseignement.
     Pour le dire en quelques mots : en enseignant par compétences, nous cessons de livrer (de désigner) un monde à nos élèves (un monde, donné chaque fois par le biais de la ou des disciplines, qu’il nous est donné d’enseigner) ; à la place, nous avons la mission de munir un petit individu autocentré de « capacités » (abilities, skills) pour se défendre dans une « vie » (possiblement hostile, complexe, concurrentielle et angoissante). Or ceci n’est pas donner un monde ; c’est seulement reproduire la vie (permettre au petit moi la survie en un milieu de plus en plus hostile). Enseigner par compétences implique nécessairement qu’on ne rencontre plus le monde que dans un deuxième temps : le monde, les objets du monde (le poème, le théorème, le petit animal), n’entrent plus dans la salle de classe que comme matériaux pour servir à l’acquisition et à l’exercice des compétences des petits « moi ». Les objets enseignés n’entrent plus dans la salle de classe pour eux-mêmes et parce qu’ils vaudraient la peine d’être vus, montrés, enseignés, accueillis… mais pour être mis au service de l’augmentation de mes habiletés, de mes ressources. L’approche par compétences fait fond sur un oubli du monde. Le but de l’enseignement est tout autre. Et il est double : car l’enseignement n’a pas seulement pour but de munir un individu de ce qui possiblement lui manquerait (pour vivre ou survivre) en un milieu et en un monde ; le but de l’enseignement est de donner le monde à l’élève ; et de continuer à faire exister ce monde (qui est fragile) (qui disparaît, s’il n’est transmis). La pédagogie de la compétence destitue l’intentionnalité de l’enseignement. En cela, elle est contraire à tout enseignement.

    #Management #école #enseignement #compétence

    • le théâtre de la candidature est un art total

      ce qui est intéressant c’est l’aspect mise en mouvement, dans anonymat, ne pas savoir qui est qui ce qui permet de destresser .... on a envie de faire autre chose pour aller déceler des savoirs être ... des employeurs me disent, les compétences techniques, ils peuvent les acquérir, ce qui importe pour moi, c’est la façon dont il va se comporter.... le sourire, faut que ça rayonne ! encore !

      l’AFP conclut son bobino par un jeune descendant de l’immigration arabe (il semble y avoir peu de colorés dans le gros groupe, où on note la présence de pas mal de candidat.e.s à des emplois vieux) qui a l’insigne honneur de rencontrer un « directeur de casting qui cherche de nouvelles silhouettes »

      le prix à payer, avec l’agence régionale Pôle emploi « scène et image », pour avancer vers un très relatif anonymat des candidatures....
      #emploi #chômeurs #chômeuses #candidat #candidate #coaching #non_verbal #improvisation_dirigée #corps #savoir_être #compétences #recrutement #théâtre

  • Les femmes ne fonctionnent pas comme les hommes

    « - Ça fait 4 ans que j’essaie de féminiser cette émission mais les femmes c’est tjs ‘je ne parlerai que dans le domaine où je suis compétente’
    – Mais si elles préfèrent ne pas raconter n’importe quoi, c’est peut-être une bonne chose non...? » @landais_camille, juste et drôle 🙏🏼

    https://twitter.com/NegarHaeri/status/1713143416811405462

    #femmes #télé #TV #féminisation #experts #compétence #sous-représentation #hommes #tutologie #genre

  • Où le #classement_de_Shanghaï mène-t-il l’#université française ?

    Le classement de #Shanghaï, dont les résultats sont publiés mardi 15 août, a façonné une idée jamais débattue de l’« #excellence ». Des universitaires appellent à définir « une vision du monde du savoir » propre au service public qu’est l’enseignement supérieur français.

    Des universités à la renommée mondiale qui attirent les meilleurs étudiants, les chercheurs les plus qualifiés et les partenaires financiers les plus magnanimes : depuis l’avènement des classements internationaux dans l’#enseignement_supérieur, il y a vingt ans, la quête d’une certaine idée de l’« excellence » a intégré le vocabulaire universitaire, jusqu’à se muer en un projet politique.

    En France, en août 2003, la première édition du classement de Shanghaï, qui publie mardi 15 août son édition 2023, a été un coup de tonnerre : ignorant les subtilités administratives hexagonales et la tripartition entre #universités, grandes écoles et organismes de recherche, le palmarès n’avait distingué dans son top 50 aucun des fleurons nationaux. Piqués au vif, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans la brèche et ont cherché les outils pour se conformer aux #standards. En 2010, le président de la République, #Nicolas_Sarkozy, avait fixé à sa ministre de l’enseignement supérieur, #Valérie_Pécresse, un #objectif précis : placer deux établissements français dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers du classement de Shanghaï.

    La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, votée en 2007, portait alors ses premiers fruits, présentés en personne par Mme Pécresse, en juillet 2010, aux professeurs #Nian_Cai_Liu et #Ying_Cheng, les deux créateurs du classement. Les incitations aux #regroupements entre universités, grandes écoles et organismes de recherche ont fleuri sous différents noms au gré des appels à projets organisés par l’Etat pour distribuer d’importants investissements publics (#IDEX, #I-SITE, #Labex, #PRES, #Comue), jusqu’en 2018, avec le nouveau statut d’#établissement_public_expérimental (#EPE). Toutes ces tactiques politiques apparaissent comme autant de stigmates français du palmarès chinois.

    Ces grandes manœuvres ont été orchestrées sans qu’une question fondamentale soit jamais posée : quelle est la vision du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que véhicule le classement de Shanghaï ? Lorsqu’il a été conçu, à la demande du gouvernement chinois, le palmarès n’avait qu’un objectif : accélérer la #modernisation des universités du pays en y calquant les caractéristiques des grandes universités nord-américaines de l’#Ivy_League, Harvard en tête. On est donc très loin du #modèle_français, où, selon le #code_de_l’éducation, l’université participe d’un #service_public de l’enseignement supérieur.

    « Société de marché »

    Pour la philosophe Fabienne Brugère, la France continue, comme la Chine, de « rêver aux grandes universités américaines sans être capable d’inventer un modèle français avec une #vision du savoir et la perspective d’un bonheur public ». « N’est-il pas temps de donner une vision de l’université ?, s’interroge-t-elle dans la revue Esprit (« Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023, 22 euros). J’aimerais proposer un regard décalé sur l’université, laisser de côté la question des alliances, des regroupements et des moyens, pour poser une condition de sa gouvernance : une #vision_du_monde_du_savoir. »

    Citant un texte du philosophe Jacques Derrida paru en 2001, deux ans avant le premier classement de Shanghaï, la professeure à Paris-VIII définit l’université comme « inconditionnelle, en ce qu’elle peut #repenser_le_monde, l’humanité, élaborer des #utopies et des #savoirs nouveaux ». Or, « vingt ans après, force est de constater que ce texte reste un objet non identifié, et que rien dans le paysage universitaire mondial ne ressemble à ce qu’il projette, regrette Fabienne Brugère. Les grandes universités américaines que nous admirons et dans lesquelles Derrida a enseigné sont habitées par la société de marché ».

    Ironie du sort, c’est justement l’argent qui « coule à flots » qui garantit dans ces établissements de l’hyperélite des qualités d’étude et de bon encadrement ainsi qu’une administration efficace… Autant de missions que le service public de l’université française peine tant à remplir. « La scholè, le regard scolastique, cette disposition à l’étude, ce temps privilégié et déconnecté où l’on apprend n’est possible que parce que la grande machine capitaliste la fait tenir », déplore Mme Brugère.

    En imposant arbitrairement ses critères – fondés essentiellement sur le nombre de #publications_scientifiques en langue anglaise, de prix Nobel et de médailles Fields –, le classement de Shanghaï a défini, hors de tout débat démocratique, une #vision_normative de ce qu’est une « bonne » université. La recherche qui y est conduite doit être efficace économiquement et permettre un #retour_sur_investissement. « Il ne peut donc y avoir ni usagers ni service public, ce qui constitue un #déni_de_réalité, en tout cas pour le cas français », relevait le sociologue Fabien Eloire dans un article consacré au palmarès, en 2010. Est-il « vraiment raisonnable et sérieux de chercher à modifier en profondeur le système universitaire français pour que quelques universités d’élite soient en mesure de monter dans ce classement ? », questionnait le professeur à l’université de Lille.

    Derrière cet effacement des #spécificités_nationales, « une nouvelle rhétorique institutionnelle » s’est mise en place autour de l’« #économie_de_la_connaissance ». « On ne parle plus de “l’#acquisition_du_savoir”, trop marquée par une certaine #gratuité, mais de “l’#acquisition_de_compétences”, efficaces, directement orientées, adaptatives, plus en phase avec le discours économique et managérial », concluait le chercheur.

    Un poids à relativiser

    A y regarder de plus près, Shanghaï et les autres classements internationaux influents que sont les palmarès britanniques #QS_World_University_Rankings (#QS) et #Times_Higher_Education (#THE) valorisent des pays dont les fleurons n’accueillent finalement qu’un effectif limité au regard de leur population étudiante et du nombre total d’habitants. Le poids réel des « #universités_de_prestige » doit donc être relativisé, y compris dans les pays arrivant systématiquement aux tout premiers rangs dans les classements.

    Pour en rendre compte, Le Monde a listé les 80 universités issues de 16 pays qui figuraient en 2022 parmi les 60 premières des classements QS, THE et Shanghaï. Grâce aux sites Internet des établissements et aux données de Campus France, le nombre total d’étudiants dans ces universités a été relevé, et mis en comparaison avec deux autres statistiques : la démographie étudiante et la démographie totale du pays.

    Le cas des Etats-Unis est éclairant : ils arrivent à la 10e position sur 16 pays, avec seulement 6,3 % des étudiants (1,2 million) dans les 33 universités classées, soit 0,36 % de la population américaine.

    Singapour se place en tête, qui totalise 28,5 % des étudiants inscrits (56 900 étudiants) dans les huit universités de l’hyperélite des classements, soit 0,9 % de sa population. Suivent Hongkong, avec 60 500 étudiants dans quatre universités (20,7 % des étudiants, 0,8 % de sa population), et la Suisse, avec 63 800 étudiants dans trois établissements (19,9 % des étudiants, 0,7 % de sa population).

    Avec 98 600 étudiants dans quatre universités classées (Paris-Saclay, PSL, Sorbonne Université, Institut polytechnique de Paris), la France compte 3,2 % des étudiants dans l’hyperélite universitaire mondiale, soit 0,1 % de la population totale.

    La Chine arrive dernière : 255 200 étudiants sont inscrits dans les cinq universités distinguées (Tsinghua, Peking, Zhejiang, Shanghai Jiao Tong et Fudan), ce qui représente 0,08 % de sa population étudiante et 0,018 % de sa population totale.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/08/14/ou-le-classement-de-shanghai-mene-t-il-l-universite-francaise_6185365_440146

    #compétences #critique

    • Classement de Shanghaï 2023 : penser l’enseignement supérieur en dehors des palmarès

      Depuis vingt ans, les responsables politiques français ont fait du « standard » de Shanghaï une clé de #réorganisation des établissements d’enseignement supérieur. Mais cet objectif d’inscription dans la #compétition_internationale ne peut tenir lieu de substitut à une #politique_universitaire.

      Comme tous les classements, celui dit « de Shanghaï », censé comparer le niveau des universités du monde entier, suscite des réactions contradictoires. Que les championnes françaises y soient médiocrement placées, et l’on y voit un signe de déclassement ; qu’elles y figurent en bonne place, et c’est le principe du classement qui vient à être critiqué. Le retour de l’université française Paris-Saclay dans le top 15 de ce palmarès de 1 000 établissements du monde entier, établi par un cabinet chinois de consultants et rendu public mardi 15 août, n’échappe pas à la règle. Au premier abord, c’est une bonne nouvelle pour l’enseignement supérieur français, Paris-Saclay se hissant, derrière l’américaine Harvard ou la britannique Cambridge, au rang de première université non anglo-saxonne.

      Pourtant, ce succès apparent pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses sur l’état réel de l’enseignement supérieur français. Certes, la montée en puissance du classement chinois, créé en 2003, a participé à l’indispensable prise de conscience de l’inscription du système hexagonal dans un environnement international concurrentiel. Mais les six critères qui président arbitrairement à ce « hit-parade » annuel, focalisés sur le nombre de prix Nobel et de publications dans le seul domaine des sciences « dures », mais qui ignorent étrangement la qualité de l’enseignement, le taux de réussite ou d’insertion professionnelle des étudiants, ont conforté, sous prétexte d’« excellence », une norme restrictive, au surplus indifférente au respect des libertés académiques, politique chinoise oblige.

      Que les responsables politiques français aient, depuis vingt ans, cédé à ce « standard » de Shanghaï au point d’en faire une clé de réorganisation des établissements d’enseignement supérieur ne laisse pas d’étonner. Le principe « grossir pour être visible » (dans les classements internationaux) a servi de maître mot, il est vrai avec un certain succès. Alors qu’aucun établissement français ne figurait dans les cinquante premières places en 2003, ils sont trois aujourd’hui. Paris-Saclay résulte en réalité de la fusion d’une université, de quatre grandes écoles et de sept organismes de recherche, soit 13 % de la recherche française.

      Mais cette politique volontariste de #fusions à marche forcée, soutenue par d’importants crédits, n’a fait qu’alourdir le fonctionnement des nouvelles entités. Surtout, cette focalisation sur la nécessité d’atteindre à tout prix une taille critique et de favoriser l’excellence n’a fait que masquer les #impensés qui pèsent sur l’enseignement supérieur français : comment améliorer la #qualité de l’enseignement et favoriser la réussite du plus grand nombre ? Quid du dualisme entre universités et grandes écoles ? Quelles sources de financement pour éviter la paupérisation des universités ? Comment éviter la fuite des chercheurs, aux conditions de travail de plus en plus difficiles ? Et, par-dessus tout : quel rôle dans la construction des savoirs dans un pays et un monde en pleine mutation ?

      A ces lourdes interrogations, l’#obsession du classement de Shanghaï, dont le rôle de promotion des standards chinois apparaît de plus en plus nettement, ne peut certainement pas répondre. Certes, l’enseignement supérieur doit être considéré en France, à l’instar d’autres pays, comme un puissant outil de #soft_power. Mais l’objectif d’inscription dans la compétition internationale ne peut tenir lieu de substitut à une politique universitaire absente des débats et des décisions, alors qu’elle devrait y figurer prioritairement.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/15/classement-de-shanghai-2023-penser-l-enseignement-superieur-en-dehors-des-pa

    • Au même temps, #Emmanuel_Macron...

      Avec 27 universités représentées, le classement de Shanghai met à l’honneur l’excellence française.

      Acteurs de l’enseignement et de la recherche : merci !

      Vous faites de la France une grande Nation de formation, de recherche et d’innovation. Nous continuerons à vous soutenir.


      https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1691339082905833473
      #Macron

    • Classement de Miamïam des universités françaises.

      Ayé. Comme chaque année le classement de Shangaï est paru. Et l’auto-satisfecit est de mise au sommet de l’état (Macron, Borne, et bien sûr Oui-Oui Retailleau). Imaginez un peu : 27 de nos établissements français (universités et grandes écoles) y figurent.

      Rappel pour les gens qui ne sont pas familiers de ces problématiques : le classement de Shangaï est un classement international très (mais vraiment très très très) sujet à caution, qui s’est imposé principalement grâce à une bonne stratégie marketing (et à un solide lobbying), et qui ne prend en compte que les publications scientifiques des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de l’université : ce qui veut dire qu’il ne regarde pas “l’activité scientifique” dans sa globalité, et que surtout il n’en a rien à secouer de la partie “enseignement” ni, par exemple, du taux de réussite des étudiants et étudiantes. C’est donc une vision a minima hémiplégique de l’université. Il avait été créé par des chercheurs de l’université de Shangaï comme un Benchmark pour permettre aux université chinoises d’essayer de s’aligner sur le modèle de publication scientifique des universités américaines, donc dans un contexte très particulier et avec un objectif politique de soft power tout à fait explicite. Ces chercheurs ont maintenant créé leur boîte de consultants et se gavent en expliquant aux universités comment l’intégrer. L’un des co-fondateurs de ce classement explique notamment : “Avant de fusionner, des universités françaises nous ont demandé de faire une simulation de leur future place dans le classement“.

      Bref du quantitatif qui vise à souligner l’élitisme (pourquoi pas) et qui n’a pour objet que de le renforcer et se cognant ostensiblement de tout paramètre qualitatif a fortiori si ce qualitatif concerne les étudiant.e.s.

      Mais voilà. Chaque été c’est la même tannée et le même marronier. Et les mêmes naufrageurs de l’action publique qui se félicitent ou se navrent des résultats de la France dans ledit classement.

      Cette année c’est donc, champagne, 27 établissements français qui se retrouvent “classés”. Mal classés pour l’essentiel mais classés quand même : les 4 premiers (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) se classent entre la 16ème (Paris-Saclay) et la 78ème place (Paris Cité) et à partir de la 5ème place (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) on plonge dans les limbes (Aix-Marseille est au-delà de la 100ème place, Nantes au-delà de la 600ème). Alors pourquoi ce satisfecit du gouvernement ? [Mise à jour du 16 août] Auto-satisfecit d’ailleurs étonnant puisque si l’on accorde de la valeur à ces classements, on aurait du commencer par rappeler qu’il s’agit d’un recul : il y avait en effet 30 établissements classés il y a deux ans et 28 l’année dernière. Le classement 2023 est donc un recul. [/mise à jour du 16 août]

      Non pas parce que les chercheurs sont meilleurs, non pas parce que la qualité de la recherche est meilleure, non pas parce que les financements de la recherche sont plus importants et mieux dirigés, mais pour deux raisons principales.

      La première raison est que depuis plusieurs années on s’efforce d’accroître le “rendement” scientifique des personnels en vidant certaines universités de leurs activités et laboratoires de recherche (et en y supprimant des postes) pour le renforcer et le concentrer dans (très peu) d’autres universités. C’est le grand projet du libéralisme à la française qui traverse les présidences de Sarkozy à Macron en passant par Hollande : avoir d’un côté des université “low cost” dans lesquelles on entasserait les étudiant.e.s jusqu’à bac+3 et où on ferait le moins de recherche possible, et de l’autre côté des “universités de recherche et d’excellence” où on n’aurait pas grand chose à foutre de la plèbe étudiante et où on commencerait à leur trouver un vague intérêt uniquement à partir du Master et uniquement pour les meilleur.e.s et uniquement dans certains domaines (genre pas en histoire de l’art ni en études littéraires ni dans la plupart des sciences humaines et sociales).

      La seconde raison de ce “bon” résultat est que les universités se sont regroupées administrativement afin que les publications de leurs chercheurs et chercheuses soient mieux prises en compte dans le classement de Shangaï. Exemple : il y a quelques années, il y avait plusieurs sites universitaires dans les grandes villes. Chaque site était celui d’une discipline ou d’un regroupement de discipline. On avait à Toulouse, à Nantes et ailleurs la fac de droit, la fac de sciences, la fac de lettres, etc. Et les chercheurs et chercheuses de ces universités, quand ils publiaient des articles dans des revues scientifiques, “signaient” en s’affiliant à une institution qui était “la fac de sciences de Toulouse Paul Sabatier” ou “la fac de lettre de Toulouse le Mirail” ou “la fac de droit de Toulouse”. Et donc au lieu d’avoir une seule entité à laquelle rattacher les enseignants-chercheurs on en avait trois et on divisait d’autant les chances de “l’université de Toulouse” de monter dans le classement.

      Donc pour le dire rapidement (et sans pour autant remettre en cause l’excellence de la recherche française dans pas mal de disciplines, mais une excellence dans laquelle les politiques publiques de ce gouvernement comme des précédents ne sont pas pour grand-chose), la France gagne des places dans le classement de Shangaï d’une part parce qu’on s’est aligné sur les règles à la con dudit classement, et d’autre part parce qu’on a accepté de sacrifier des pans entiers de financements publics de la recherche dans certains secteurs (notamment en diminuant drastiquement le nombre de postes disponibles).

      Allez je vous offre une petite comparaison. Évaluer la qualité de l’université et de la recherche française à partir du classement de Shangaï c’est un peu comme si on prétendait évaluer la qualité de la gastronomie française à partir d’un référentiel établi par Mac Donald : on serait rapidement en capacité de comprendre comment faire pour gagner des places, mais c’est pas sûr qu’on mangerait mieux.

      Je vous propose donc un classement alternatif et complémentaire au classement de Shangaï : le classement de Miamïam. Bien plus révélateur de l’état actuel de l’université française.
      Classement de Miamïam.

      Ce classement est simple. Pour y figurer il faut juste organiser des distributions alimentaires sur son campus universitaire.

      Le résultat que je vous livre ici est là aussi tout à fait enthousiasmant [non] puisqu’à la différence du classement de Shangaï ce sont non pas 27 universités et établissements mais (au moins) 40 !!! L’excellence de la misère à la française.

      Quelques précisions :

      – ce classement n’est pas exhaustif (j’ai fait ça rapidement via des requêtes Google)
      – l’ordre des universités ne signifie rien, l’enjeu était juste de lister “l’offre” qu’elles proposaient sans prendre en compte l’ancienneté ou la fréquence de ces distributions ni le nombre d’étudiant.e.s touché.e.s
      - ce classement est très en dessous de la réalité : par exemple je n’ai inscrit qu’une seule fois l’université de Nantes alors que des distributions alimentaires sont aussi organisées sur son campus de la Roche sur Yon. Beaucoup des universités présentes dans ce classement organisent en fait des distributions alimentaires sur plusieurs de leurs campus et devraient donc y figurer 2, 3 ou 4 fois au moins.
      - je me suis autorisé, sans la solliciter, à utiliser comme crédit image la photo de Morgane Heuclin-Reffait pour France Info, j’espère qu’elle me le pardonnera.

      [Mise à jour du 16 Août]

      On invite aussi le gouvernement à regarder le classement du coût de la vie pour les étudiantes et étudiants : en constante augmentation, et atteignant une nouvelle fois, pour cette population déjà très précaire, des seuils d’alerte indignes d’un pays civilisé.

      Enfin on pourra, pour être complet dans la recension de l’abandon politique de l’université publique, signaler la stratégie de mise à mort délibérée par asphyxie conduite par les gouvernements successifs depuis plus de 15 ans. Extrait :

      “En dix ans, le nombre de recrutements d’enseignants-chercheurs titulaires a diminué de près de moitié, avec 1 935 ouvertures de poste en 2021, contre 3 613 en 2011. En 2022, on enregistre un léger sursaut, avec 2 199 postes de professeur d’université et de maître de conférences ouverts.

      La situation est d’autant plus paradoxale que les universités se vident de leurs enseignants-chercheurs chevronnés, avec un nombre de départs à la retraite en hausse de + 10,4 % en 2021 et de + 10,5 % en 2022, selon une note statistique du ministère publiée en juin. Un avant-goût de la décennie qui vient, marquée par des départs massifs de la génération du baby-boom : entre 2021 et 2029, le ministère prévoit une augmentation de 53 % en moyenne, et de 97 % en sciences – le bond le plus élevé.“

      https://affordance.framasoft.org/2023/08/classement-shangai-miam-miam

  • [L’actualité en 3D] Vocabulaire politique : Confédéralisme - La Suisse, une source d’inspiration pour la Belgique ?
    https://www.radiopanik.org/emissions/lactualite-en-3d/la-suisse-une-source-dinspiration-pour-la-belgique/#15834

    Vocabulaire politique : Confédéralisme

    Pour ce nouvel épisode de l’Actualité en 3D, on vous emmène en Suisse… Ses sommets enneigés, ses lacs majestueux, ses villages cossus, ses fromages renommés, ses banques ou encore son horlogerie… Mais aussi et surtout et c’est cela qui retiendra toute notre attention, son système fédéral particulier et son sens aigu de la #démocratie directe pratiquée à tous les niveaux de pouvoir. La Suisse, ce pays, à la fois proche et exotique, qui semble présenter autant de points communs que de différences avec la Belgique fédérale et qui à ce titre est régulièrement pointé comme source d’inspiration potentielle pour faire évoluer notre propre #système_institutionnel ou démocratique. Quand et comment est né l’État fédéral suisse ? Comment est-il organisé, quels sont les entités fédérées (...)

    #référendum #fédéralisme #autorité_fédérale #politique_comparée #compétences #démocratie,référendum,fédéralisme,autorité_fédérale,politique_comparée,compétences,système_institutionnel
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/lactualite-en-3d/la-suisse-une-source-dinspiration-pour-la-belgique_15834__0.mp3

  • [L’actualité en 3D] La Suisse, une source d’inspiration pour la Belgique ?
    https://www.radiopanik.org/emissions/lactualite-en-3d/la-suisse-une-source-dinspiration-pour-la-belgique

    Pour ce nouvel épisode de l’Actualité en 3D, on vous emmène en Suisse… Ses sommets enneigés, ses lacs majestueux, ses villages cossus, ses fromages renommés, ses banques ou encore son horlogerie… Mais aussi et surtout et c’est cela qui retiendra toute notre attention, son système fédéral particulier et son sens aigu de la #démocratie directe pratiquée à tous les niveaux de pouvoir. La Suisse, ce pays, à la fois proche et exotique, qui semble présenter autant de points communs que de différences avec la Belgique fédérale et qui à ce titre est régulièrement pointé comme source d’inspiration potentielle pour faire évoluer notre propre #système_institutionnel ou démocratique. Quand et comment est né l’État fédéral suisse ? Comment est-il organisé, quels sont les entités fédérées qui le composent, quels sont les (...)

    #référendum #fédéralisme #autorité_fédérale #politique_comparée #compétences #démocratie,référendum,fédéralisme,autorité_fédérale,politique_comparée,compétences,système_institutionnel
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/lactualite-en-3d/la-suisse-une-source-dinspiration-pour-la-belgique_15835__1.mp3

  • [A Question Of Listening] # 025 - Jouer ou écouter de la #musique : d’une pierre deux coups
    https://www.radiopanik.org/emissions/a-question-of-listening/025-jouer-ou-ecouter-de-la-musique-dune-pierre-deux-coups

    Jouer de la musique, ou simplement l’écouter, met en branle différentes compétences, en fonction des composantes des sons musicaux : la hauteur fréquentielle fait intervenir la perception auditive (et probablement aussi les capacités spatiales) ; le rythme et la métrique mettent en jeu les habiletés motrices ; l’organisation syntaxique mobilise des ressources communes au traitement du langage. Outre que l’activité musicale sollicite intensément les différentes formes de #mémoire (implicite, autobiographique, sémantique, verbale, procédurale) et que la musique elle-même revêt une valeur émotionnelle (caractérisée par sa valence et son intensité, sa dynamique), la richesse de sa structure, résultant de la combinaison de ses différentes dimensions, implique la stimulation simultanée de nombreuses compétences (...)

    #psychologie_cognitive #compétences_mentales #cognition #musique,mémoire,psychologie_cognitive,compétences_mentales,cognition
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/a-question-of-listening/025-jouer-ou-ecouter-de-la-musique-dune-pierre-deux-coups_15465__1.mp3

  • Nucléaire : A La Hague, l’avenir en suspens du traitement des déchets - Challenges
    https://www.challenges.fr/top-news/nucleaire-a-la-hague-l-avenir-en-suspens-du-traitement-des-dechets_844449

    Nucléaire : A La Hague, l’avenir en suspens du traitement des déchets

    Par Reuters le 03.02.2023 à 08h06 Lecture 5 min.
    L’usine française de retraitement de déchets nucléaires à La Hague
    Du combustible nucléaire usé dans une piscine de stockage de l’usine de retraitement des déchets nucléaires d’Orano à La Hague, près de Cherbourg. /Photo prise le 17 janvier 2023/REUTERS/Stéphane Mahé
    STEPHANE MAHE

    par Benjamin Mallet

    LA HAGUE (Reuters) - Dans un atelier de l’usine Orano de La Hague, en Normandie, des techniciens utilisent des bras mécaniques téléguidés pour remplacer un tube indispensable au traitement des déchets nucléaires français, derrière des hublots de verre et de plomb qui leur permettent de voir à l’intérieur d’une cellule hautement radioactive.

    C’est l’une des multiples interventions nécessaires au maintien en fonctionnement de La Hague, pièce maîtresse de la gestion française des combustibles usés, aujourd’hui confrontée à son vieillissement et à un risque de saturation de ses piscines de refroidissement.

    L’avenir de la filière de traitement-recyclage fait partie des interrogations majeures du projet de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France. Vendredi, le sujet sera abordé lors d’un Conseil de politique nucléaire présidé par Emmanuel Macron, a indiqué l’Elysée.

    Le pays « ne peut pas avoir une politique responsable en matière de nucléaire sans s’occuper de la gestion du combustible et des déchets, c’est un sujet qu’on ne peut pas mettre sous le tapis », estime un conseiller du gouvernement interrogé par Reuters.

    « On a de vraies compétences et une vraie avance technologique, notamment sur les Etats-Unis. La Russie est le seul autre pays à pouvoir faire la même chose que la France en matière de traitement-recyclage », ajoute cette source.

    Concernant le stockage des matières non recyclables, il s’agira d’adapter le projet Cigéo de Bure (Meuse et Haute-Marne), qui ne commencera à accueillir les déchets français les plus radioactifs qu’à partir des années 2080.

    Pour investir dans le renouvellement de ses usines qui atteindront 50 ans d’exploitation au cours de la décennie 2030, voire en construire de nouvelles, Orano demande quant à lui de la visibilité sur les projets de l’Etat au-delà de 2040, date après laquelle la poursuite du traitement-recyclage français n’est pas assurée.

    ORANO VEUT PLAIDER SA CAUSE

    L’ex-Areva défend le maintien du processus, dont il souligne qu’il permet de d’économiser de l’uranium naturel et de réduire les volumes de déchets à stocker.

    Le groupe veut engager des discussions avec l’exécutif dans les mois qui viennent et obtenir des décisions dès 2025 pour programmer et lancer des grands chantiers qui pourraient, pour certains, mettre près de 15 ans à se concrétiser.

    « Orano est prêt à faire des propositions pour aider à cette prise de décisions. On travaille sur des scénarios de l’usine de La Hague post-2040. Il y a plusieurs scénarios possibles, mais ils ne peuvent être travaillés en détail et ne pourront être affinés que si on a une vision un peu stratégique », a déclaré à Reuters Jean-Christophe Varin, directeur adjoint de La Hague.

    A La Hague, en cette journée de mi-janvier, des chutes de neige renforcent l’impression d’un site isolé du reste du monde. A l’horizon, les falaises du bout de la péninsule du Cotentin plongent à plus de 100 mètres dans la Manche. Au loin, on devine la centrale EDF de Flamanville et son réacteur EPR.

    Avec ses bâtiments austères et ses salles de commande tout droit sorties d’un épisode de Star Wars, le site évoque davantage les années 1980 qu’une usine à la pointe des technologies du nucléaire.

    Sans ses quatre piscines d’entreposage, qui permettent de refroidir les combustibles usés avant de les traiter pour en extraire les matières réutilisables et les déchets, les 56 réacteurs du pays ne pourraient pourtant pas évacuer puis remplacer les assemblages d’uranium qui leur permettent de fonctionner.

    RISQUE DE SATURATION

    Dans un scénario catastrophe qui verrait un arrêt des évacuations de combustibles usés vers La Hague, les entreposages au sein des centrales seraient remplis au bout de douze mois et les réacteurs devraient donc s’arrêter, ce qui a conduit la Cour des comptes, en 2019, à qualifier le site de « point de vulnérabilité important du fonctionnement actuel du cycle ».

    Or, les piscines de La Hague risquent d’être saturées à l’horizon de 2030. EDF, qui représente plus de 95% de l’activité de recyclage d’Orano, envisage d’en construire une nouvelle pour un montant de 1,25 milliard d’euros. Mais l’installation n’est prévue que pour 2034, ce qui va nécessiter d’augmenter le nombre d’assemblages de combustibles dans les bassins existants en attendant.

    Le risque de saturation tient au fait que le « cycle » nucléaire à la française ne permet aujourd’hui qu’une seule réutilisation des combustibles issus du retraitement, à savoir le Mox - fabriqué dans l’usine Orano Melox de Marcoule (Gard) - et l’uranium de retraitement enrichi, qui implique des allers et retours de matières avec la Russie.

    Un nouveau recyclage n’est pas envisagé avant la deuxième moitié du siècle. D’ici là, ces combustibles viennent donc remplir les piscines d’Orano, qui y entrepose chaque année davantage de matières qu’il n’en prélève.

    « L’ENVELOPPE DÉPEND DE CE QUE VOUS VOULEZ FAIRE »

    « Si on devait faire du traitement de combustible Mox en grandes quantités, l’usine n’est aujourd’hui pas adaptée », souligne le directeur adjoint de La Hague.

    Jean-Christophe Varin évoque le besoin potentiel de nouveaux investissements « conséquents » sur le site mais se refuse à donner des ordres de grandeur.

    « L’enveloppe dépend de ce que vous voulez faire. Pour faire du mono-recyclage, vous pouvez partir sur des briques technologiques qui existent déjà. Pour du multi-recyclage, les briques technologiques ne sont pas les mêmes, donc les enjeux de modernisation ou même de remplacement des installations ne sont pas les mêmes. »

    A court-terme, le premier enjeu consiste à garantir le fonctionnement du site Orano de La Hague jusqu’en 2040. Pour la seule période 2015-2025, il aura nécessité près de 300 millions d’euros d’investissements par an.

    À l’heure où l’on annonce que ce jour-même sera mis à l’ordre du jour la relance de l’industrie nucléaire - confirmation d’un engagement irréversible sur le pire type de sociétés de contrainte, de contrôle, de destruction du vivant, pendant au moins plusieurs générations - on voit qu’ils sont incapables de considérer la problématique du retraitement des déchets en dehors de logiques de #marché, de #compétitivité, de #modernisation, #d’innovation technologique, de #compétences, #d'avance_technologique, de #développement_industriel etc. tous ces concepts surannés, intégrés dans un même bloc idéologique, qui nous ont conduit au désastre.

    #obligation_technologique #contrainte_industrielle #déchets_nucléaire #productivisme #industrie_nucléaire #EPR

  • Mort de #Blessing, 20 ans, à la frontière : un témoin sort de l’ombre pour accuser les gendarmes

    La Nigériane #Blessing_Matthew a été retrouvée noyée dans les Alpes en 2018, après que des gendarmes ont tenté de l’interpeller. Alors qu’un non-lieu a été prononcé, un témoin clé parle aujourd’hui pour la première fois et met en cause les forces de l’ordre. Mediapart l’a rencontré. Une sœur de Blessing et l’association Tous migrants demandent la réouverture du dossier. Révélations.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/300522/mort-de-blessing-20-ans-la-frontiere-un-temoin-sort-de-l-ombre-pour-accuse
    #décès #morts_aux_frontières #asile #migrations #frontières #Hautes-Alpes #Briançon #La_Vachette #Briançonnais #France #gendarmes #border_forensics #mourir_aux_frontières #Blessing

    Une enquête à laquelle je suis très fière d’avoir contribué :-)

    voir aussi ce fil de discussion :
    https://seenthis.net/messages/957606

    • L’enquête sur le site de Border Forensics :
      Introduction

      La mort de Blessing Matthew - Une contre-enquête sur la violence aux frontières alpines

      Le 9 mai 2018, le corps d’une jeune femme noire est découvert dans la rivière de la Durance, bloquée par la retenue d’eau du barrage de Prelles, situé sur la commune de Saint-Martin-de-Queyrières en aval de Briançon, dans les Hautes-Alpes françaises.

      Une enquête a été ouverte, permettant d’identifier la jeune femme quelques jours plus tard comme étant Blessing Matthew, âgée de 21 ans et originaire du Nigeria. Elle avait été vue pour la dernière fois le 7 mai alors que la gendarmerie mobile tentait de l’interpeler avec ses deux compagnons de route, Hervé S. et Roland E, dans le village de La Vachette, à 15 kilomètres de la frontière franco-italienne.

      Au-delà de la douleur de sa famille et de ses deux compagnons de route, la mort de Blessing a suscité une vive émotion dans le Briançonnais. Elle a concrétisé les craintes, exprimées à plusieurs reprises par la société civile, concernant la militarisation de la frontière haute-alpine et ses conséquences dangereuses pour les personnes en migration. C’est le premier cas documenté de personne en exil décédée depuis 2015 dans le Briançonnais - 2 autres personnes y ont trouvé la mort depuis.

      Le 14 mai 2018, Tous Migrants, une association défendant les droits des migrant·es dans le Briançonnais, a transmis un signalement concernant la mort de Blessing au procureur de la République de Gap, en lui exposant les faits rapportés par une des personnes qui l’accompagnaient le jour de sa disparition. Ce signalement a été suivi d’une plainte, déposée le 25 septembre 2018 par une des sœurs de Blessing, Christiana Obie, auprès du procureur de la République de Gap pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « homicide involontaire ».

      Le 10 décembre 2018, l’officier de police judiciaire en charge de l’enquête a transmis au tribunal de Gap la synthèse des résultats de celle-ci, qui conclut que les éléments constitutifs des infractions alléguées ne sont pas démontrés.

      Le 3 mai 2019, la sœur de Blessing et Tous Migrants se sont constitués partie civile dans une nouvelle plainte. Le 18 juin 2020, le tribunal de Gap a déclaré la plainte irrecevable et prononcé un non-lieu ab initio. L’ordonnance du juge d’instruction a été confirmée par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Grenoble le 9 février 2021.

      Jusqu’à ce jour, le processus judiciaire n’a pas permis de faire la lumière sur les circonstances qui ont mené à la mort de Blessing, ni de déterminer qui en est responsable. Mais la famille de Blessing n’a pas abandonné sa quête de vérité et de justice : selon les mots de Christiana Obie, « ma sœur continuera à hurler » tant que la vérité ne sera pas connue et que la justice n’aura pas été faite.

      C’est pour soutenir cette demande de vérité et de justice de la famille de Blessing que Border Forensics a mené une contre-enquête, en collaboration avec Tous Migrants et grâce à la contribution d’un de ses compagnons de route, Hervé. Les enjeux de notre enquête vont également au-delà du cas de Blessing. Son décès représente un cas parmi les 46 mort·es en migration à la frontière franco-italienne répertorié·es depuis 2015. Or, comme pour Blessing, aucune responsabilité n’a été déterminée pour ces morts. Les pratiques de mise en danger à la frontière des personnes en exil ont ainsi pu être perpétuées sans entraves. C’est également pour contribuer à mettre fin à cette impunité, et pour que ces pratiques cessent, que nous avons mené cette enquête.

      https://www.borderforensics.org/fr/investigations/blessing-investigation

      Avec 3 #vidéos produites :

      1) le témoignage in situ d’un des compagnons de route de Blessing, Hervé :
      https://vimeo.com/714978117

      2) une interview des deux soeurs de Blessing et Hervé :
      https://vimeo.com/715094941

      3) une partie de la vidéo qui reconstruit les déclarations contradictoires des gendarmes :
      https://vimeo.com/715020037

      #Alpes #montagne #frontière_sud-alpine #violent_borders #reconstitution

    • Une émission de A l’air libre dédiée à l’enquête :
      Mort de Blessing Matthew : les gendarmes mis en cause

      Le 7 mai 2018, la jeune migrante Blessing Matthew est morte noyée près de Briançon. La justice a prononcé un non-lieu à l’égard des gendarmes. De nouveaux éléments mis au jour par Border Forensics pourraient aboutir à une réouverture de l’enquête.

      https://www.youtube.com/watch?time_continue=175&v=uYFiMVXFY28&feature=emb_logo

      https://www.mediapart.fr/journal/france/300522/mort-de-blessing-matthew-les-gendarmes-mis-en-cause

    • Newsletter de Tous Migrants, 30.05.2022

      Quatre ans après sa mort,
      nous demandons toujours vérité et justice pour Blessing !

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      Le 9 mai 2018, le corps d’une jeune femme est découvert dans la Durance au barrage de Prelles, une dizaine de kilomètres en aval de Briançon (Hautes-Alpes, France). La jeune femme est identifiée quelques jours plus tard comme étant Blessing Matthew, âgée de 21 ans et originaire du Nigeria. Elle avait été vue pour la dernière fois le 7 mai, entre 4 heures et 5 heures du matin, alors que des gendarmes mobiles tentaient de l’interpeler avec ses deux compagnons de route, Hervé S. et Roland E, dans le hameau de La Vachette, situé au pied du col de Montgenèvre, à proximité de la frontière franco-italienne.
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      ­Au-delà de la douleur de sa famille et de ses deux compagnons de route, la mort de Blessing a suscité une vive émotion dans le Briançonnais. Elle a concrétisé les craintes, maintes fois exprimées par la société civile, concernant la militarisation de la frontière haute-alpine et ses conséquences dangereuses pour les personnes exilées. C’est le premier cas documenté de personne exilée décédée dans le Briançonnais, depuis la décision du gouvernement français de rétablir les contrôles fixes aux frontières en 2015.
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      Ce drame intervient dans un contexte de très vives tensions.

      Le 22 avril 2018, alors que le groupuscule suprémaciste Génération Identitaire occupe le col de l’Échelle, trois personnes venues manifester leur solidarité avec les personnes exilées sont arrêtées et placées en détention provisoire. Le même jour, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, décide de l’envoi de renforts immédiats des forces de l’ordre à la frontière. C’est ainsi qu’est déployé dans le Briançonnais, le 24 avril, un escadron de gendarmerie mobile de Drancy dont plusieurs membres seraient impliqués dans la poursuite et la chute dans la Durance de Blessing Matthew.

      Les témoignages des personnes exilées recueillis à Briançon attestent fréquemment de pratiques de course-poursuites, de mise en danger, et de violences physiques et verbales de la part des gendarmes mobiles, de la police aux frontières et des militant·es de Génération Identitaire. C’est dans ce contexte que survient la disparition de Blessing Matthew, le 7 mai 2018, puis la découverte de son corps deux jours plus tard.

      Le 14 mai 2018, suite à la mort de Blessing, Tous Migrants adresse un signalement auprès du Procureur de la République de Gap, exposant les faits rapportés par les personnes qui l’accompagnaient le jour de sa disparition, ainsi que les possibles infractions des forces de l’ordre : mise en danger délibérée de la vie d’autrui, homicide involontaire, violence volontaire, non-assistance à personne en danger, discrimination d’une personne en raison de son apparence. Ce signalement est suivi par le dépôt d’une plainte, le 25 septembre 2018, par la famille de Blessing.

      Un an plus tard, un communiqué de presse du procureur de Gap, transmis le 7 mai 2019, informe que le parquet a classé sans suite cette enquête au motif d’absence d’infraction. Suite à cela, l’association Tous Migrants se constitue partie civile pour soutenir la demande de vérité et de justice de la famille de Blessing. Le 15 novembre 2019, le procureur de Gap prend des réquisitions de non-recevabilité de cette constitution de partie civile, et de non-lieu ab initio concernant la plainte de la sœur de Blessing. Ces réquisitions sont confirmées par l’ordonnance du 18 juin 2020 du doyen des juges d’instruction du tribunal de Gap, puis par la décision du 9 février 2021 de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Grenoble.

      La démarche en justice de Tous Migrants aux côtés de la famille de Blessing a au moins permis à l’association de prendre connaissance du dossier d’enquête du procureur, et notamment des déclarations des gendarmes mobiles. Tous Migrants a analysé ces déclarations et constaté leurs nombreuses incohérences, contradictions et zones d’ombres, notamment au regard de la topographie des lieux, des conditions de visibilité et du déroulement des événements. L’association a également constaté que les gendarmes enquêteurs ne semblent pas avoir examiné en détail ces incohérences et contradictions, ni cherché à clarifier les zones d’ombre, ni tenté de reconstituer le déroulement précis des faits et gestes des gendarmes mobiles. Bien au contraire, ils ont délivré un récit qui nous parait occulter ces incohérences, contradictions et zones d’ombre au profit d’un plaidoyer pro domo.

      Tous Migrants a alors contacté Border Forensics afin que leur équipe de chercheur·es puisse mobiliser les méthodes d’analyse spatio-temporelle développées dans le cadre des enquêtes déjà menées auparavant, notamment en Méditerranée. Border Forensics a mené sa propre contre-enquête, en collaboration avec Tous Migrants et grâce à la contribution fondamentale d’un des compagnons de route de Blessing Matthew, Hervé S. L’analyse de Border Forensics, a permis, grâce au témoignage précis et cohérent d’Hervé S. in situ, de confirmer et de préciser la reconstitution des événements. Selon ce témoignage, en poursuivant Blessing, les gendarmes l’ont mise en danger, menant à sa chute dans la Durance et à sa mort.

      De plus, Border Forensics a réalisé une analyse spatio-temporelle des déclarations des gendarmes qui a fait émerger les nombreuses omissions, contradictions et zones d’ombre de l’enquête de police judiciaire concernant les conditions qui ont mené à la mort de Blessing. L’analyse produite remet ainsi en cause les conclusions de l’enquête de police judiciaire disculpant les gendarmes.

      Le témoignage d’Hervé S. et l’analyse spatio-temporelle des déclarations des gendarmes mobiles, constituent des éléments nouveaux qui permettent à la famille de Blessing de demander la réouverture de l’instruction judiciaire, ce que vient de faire Maître Vincent Brengarth.

      Seule la réouverture de l’instruction pourra déterminer de manière définitive les événements ayant mené à la mort de Blessing et d’établir les responsabilités. Quatre ans après le drame, il est urgent que la justice française réponde enfin à la demande de vérité et justice de la famille de Blessing. « Ma soeur continuera de hurler et hurler » tant que justice ne sera pas faite, dit sa soeur Christiana Obie.

      Nous rappelons qu’à ce jour, que ce soit pour la mort de Blessing ou pour d’autres personnes exilées décédées à cette frontière, aucune responsabilité n’a été déterminée. Les pratiques de mise en danger à la frontière des personnes en exil par les forces de l’ordre ont ainsi pu être perpétrées sans entrave.

      Une dizaine de jours après la disparition de Blessing Matthew, le 18 mai 2018, une seconde personne exilée a été trouvée morte à quelques kilomètres seulement de La Vachette : il s’agit de Mamadi Condé, un homme de 43 ans, de nationalité guinéenne. Depuis la mort de Blessing et de Mamadi, et du fait de l’aggravation de la politique de militarisation de la frontière et de refoulements systématiques des personnes exilées aux mépris de leurs droits, cinq autres décès et une disparition certaine sont survenues dans le même secteur, entre les Hautes-Alpes françaises et la Vallée de Suse côté italien : Mohamed Fofana (25 mai 2018), Douala Gakou (15 novembre 2018), Tamimou Derman (7 février 2019), Mohamed Ali Bouhamdi (7 septembre 2019), Mohammed Mahayedin (22 juin 2021), Fathallah Belafhail (2 janvier 2022), Ullah Rezwan Sheyzad (26 janvier 2022). S’ajoutent toutes les personnes gravement blessées, parfois mutilées et handicapées à vie.

      C’est également pour que cessent les pratiques mortifères de contrôle des frontières, et l’impunité pour celles-ci, que nous nous battons pour que que justice soit rendue pour la mort de Blessing.
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    • Décès de Blessing Matthew : sa famille, Tous Migrants et Border Forensics réclament justice

      (Revue de Presse) Lundi 30 mai, Tous Migrants et Border Forensics ont organisé une conférence de presse au Centre International de Culture Populaire, avec l’appui de VoxPublic, afin de réclamer vérité et justice autour du décès de Blessing Matthew. Nigériane et âgée de 21 ans, la jeune migrante avait été retrouvée morte le 9 mai 2018 dans la Durance, en amont de Briançon (Hautes-Alpes). Elle avait été vue pour la dernière fois le 7 mai 2018, alors que des gendarmes mobiles tentaient de l’interpeller. Tous Migrants s’était alors immédiatement constituée partie civile, mais le procureur de Gap avait classé l’affaire sans suite.

      Aujourd’hui, Tous Migrants avec la famille de Blessing Matthew demandent la réouverture de l’enquête, sur la base d’un nouveau témoignage à même de rebattre toutes les cartes. Leur avocat, Me Vincent Brengarth, a déposé vendredi 27 mai une demande de réouverture de l’instruction. Partenaire de Tous Migrants dans ce combat, l’ONG Border Forensics a comparé les différentes versions des gendarmes et le témoignage, et a annoncé, reconstitutions à l’appui, avoir repéré de nombreuses incohérences et contradictions dans les dépositions des gendarmes et dans le dossier . Pour la toute première fois, des associations réunies ont réussi à documenter la possible responsabilité des forces de l’ordre dans le décès d’une personne exilée.

      La conférence de presse, tenue en présentiel au CICP et retransmise en ligne, a réuni pas moins de 70 à 80 personnes dont une quinzaine de journalistes, ainsi que des responsables associatifs, et politiques ainsi que des universitaires et chercheurs. Avec beaucoup d’émotion, Tous Migrants et Border Forensics ont présenté leurs revendications et les éléments avancés pour la réouverture du dossier. Christiana Oboe, la sœur de Blessing, était présente par visioconférence et a délivré un message poignant à une assemblée bouleversée par la force de ses propos. Elle demande la vérité, la justice, et formule le vœu que de tels drames ne se reproduisent plus.

      https://www.voxpublic.org/Sa-famille-Tous-Migrants-et-Border-Forensics-reclament-justice-pour-Bless

      déjà signalé par @simplicissimus ici :
      https://seenthis.net/messages/962883

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      sur la même page, la revue de presse tenue par Vox Public...

    • Mort d’une exilée à la frontière franco-italienne : un témoignage pointe la responsabilité des forces de l’ordre

      Un témoignage inédit pourrait relancer l’enquête sur la mort de Blessing Matthew, jeune réfugiée nigériane décédée dans des circonstances troubles dans les Alpes. Sa famille et l’association Tous Migrants espèrent la réouverture du dossier.

      En mai 2018, Blessing Matthew, jeune femme nigériane, est retrouvée noyée dans la Durance, à quelques pas de la frontière entre la France et l’Italie. Elle est la première personne exilée décédée dans le Briançonnais (Hautes-Alpes). Âgée de seulement 21 ans, elle essayait de fuir les forces de l’ordre lorsqu’elle est tombée dans la rivière, qui, près de sa source, prend des allures de torrent avant de traverser les Alpes provençales. Jusqu’à présent, les circonstances de la noyade de la jeune femme restaient troubles, sans que l’on sache si les forces de l’ordre présentes dans les environs ont directement joué un rôle.

      Depuis ce jour, sa famille et l’association Tous Migrants tentent de retracer les événements qui ont conduit à son décès. « Un parcours du combattant pour obtenir la vérité », regrette Vincent Brengarth, leur avocat. L’enjeu est de savoir si les forces de l’ordre ont été témoins de la scène, ou même si elles peuvent être tenues responsables de la noyade. Dans le dossier, clos définitivement en février 2021, les récits des agents présents divergent, tant sur les lieux que sur l’heure de la tentative de contrôle. Entre ces témoignages contradictoires et une enquête pénale close hâtivement, connaître le fin mot de l’affaire semblait vain.

      Jusqu’à ce dernier rebondissement : le compagnon de route de Blessing, Hervé, décide de témoigner sur les circonstances de sa mort. Le 30 mai 2022, l’association Tous Migrants et Border Forensics – organisation de recherche de preuves dans des cas de morts aux frontières – organisent une conférence de presse pour présenter de nouveaux éléments. Non seulement le témoignage d’Hervé est inédit, mais il vient appuyer les analyses spatiales et temporelles de Border Forensics. Tout semble coller. Les gendarmes pourraient être tenus responsable de la mort de la Nigériane de 21 ans. Reste à rouvrir le dossier pénal.
      Un témoignage clé sur la responsabilité des forces de l’ordre

      Même avec cette avancée de taille, quatre ans plus tard, l’affaire est toujours aussi douloureuse à répéter. La voix de Michel Rousseau, de Tous Migrants, tremble en racontant la nuit des événements : « Le 7 mai 2018, entre 4 et 5 heures du matin, trois personnes exilées marchent sur la route en direction de Briançon. À l’entrée du hameau de La Vachette, des torches s’allument dans la nuit. Puis, des cris : « Police, police ». Elles courent en direction de l’église. L’un arrive à se cacher. Blessing était poursuivie par des gendarmes. Elle a traversé un jardin où Hervé était lui aussi caché. Il la voit, elle fuit, éclairée par les torches des gendarmes. Et puis, elle s’est retrouvée bloquée par la rivière ... » Sa voix s’arrête dans un sanglot.

      En partenariat avec Tous Migrants, l’organisation Border Forensics publie le 30 mai une analyse fine et complète des événements. Le dossier, particulièrement détaillé, est le fruit d’un an de travail. Dans l’une des vidéos publiées, ses équipes retournent dans le petit village de La Vachette avec Hervé. L’homme, sous couvert d’anonymat et capuche sur la tête, parcourt le village, racontant chaque étape de cette course-poursuite nocturne. Arrivé dans un jardin près de l’église, il se serait caché dans les herbes hautes.

      Blessing, elle, était encore poursuivie par deux gendarmes. Il raconte les entendre crier : « Arrête toi, si tu t’arrêtes pas, on va tirer. » Elle court jusqu’au bout du jardin, jusqu’à la rivière, où il entend la jeune femme dire « Leave me, leave me » (« Lâchez-moi, lâchez-moi »), puis tomber. Il l’entend de nouveau. Son cri, « Help me, help me » (« Aidez-moi, aidez-moi »), se fait de plus en plus lointain, comme emporté par le courant. Cette nuit-là, aucun secours n’a été appelé, aucun des gendarmes ne semble avoir tenté de secourir Blessing. Son corps sera retrouvé 13 km en aval, bloqué dans une retenue d’eau.

      Le témoignage d’Hervé est, selon l’avocat de la famille de Blessing et de Tous Migrants, « de nature à rebattre totalement les cartes ». « Son récit éclaire les incohérences du dossier, ajoute l’avocat Vincent Brengarth. On comprend mieux les contradictions des témoins. » Si l’on en croit ce déroulé, les gendarmes pourraient alors être accusés de « non-assistance à personne en danger », si ce n’est d’ « homicide involontaire ».
      « Blessing a été traitée comme une citoyenne de seconde zone »

      Hervé n’a pas été entendu dans le dossier. L’homme, sans papiers, ne s’est pas présenté aux forces de l’ordre. « C’est compliqué pour une personne exilée de faire confiance à la police », euphémise Michel Rousseau, pour expliquer ce silence de quatre ans. L’avocat Vincent Brengarth complète : « La justice n’était même pas en capacité de le convoquer, aucun élément dans le dossier ne donnait son identité précise. » Son témoignage, couplé aux éléments réunis par Border Forensics, pourraient constituer un motif de réouverture de l’enquête. La demande a été déposée auprès du procureur de la République ce 27 mai.

      « C’est un dossier exceptionnel, d’une exceptionnelle gravité, souligne l’avocat. Blessing a été traitée comme une citoyenne de seconde zone. Comme si le devoir de vérité n’était pas le même pour tout le monde. » Dans ce dossier, c’est la première fois que l’on renseigne la possible implication de la police ou de la gendarmerie dans la mort d’une personne exilée. Un premier espoir pour faire justice dans les 46 morts de migrants - décomptées par Border Forensics - à la frontière franco-italienne depuis 2015. « On veut montrer qu’on peut documenter ces morts aux frontières, que c’est possible, que l’on peut obtenir vérité et justice », espère Agnès Antoine, de Tous Migrants.

      La sœur de Blessing vient interpeller les journalistes présents ce 30 mai. Christiana Obie se tient droite devant son écran d’ordinateur, mais sa webcam peine à cacher ses joues brillantes de larmes. « Ma sœur n’est plus. Elle est morte. Mais je veux travailler à ce que ce la prochaine victime ne soit pas la vôtre. Je veux éviter à d’autres de ressentir la douleur que ressent ma famille aujourd’hui. »

      Blessing a été la première victime des politiques répressives aux frontières, mais elle n’a malheureusement pas été la dernière. Quelques jours après la découverte de son corps, Mamadi Condé, guinéen de 43 ans, est retrouvé mort, non loin de La Vachette. La liste est longue, et elle ne prend pas en compte les blessés, handicapés à vie et traumatisés par cette traversée dangereuse. Dès décembre 2017, des associations, via le Collectif Citoyen de Névache, écrivaient au président de la République leurs craintes et leur colère quant au traitement des migrants : « Devons nous attendre des morts pour que nos institutions réagissent humainement ? »

      Un appel dans le vide. Les années suivantes, dans les Hautes-Alpes et sur le versant italien des montagnes, ont été meurtrières, du fait de la répression et de la militarisation de la zone. Les associations s’accordent pour dire que 2018 a marqué l’apogée de ces épisodes de répression aveugle et de traitements « inhumains ». « Les vols, les violences envers les exilés, c’était quotidien en 2018 », dénonce la militante associative Agnès Antoine. Comme elle, beaucoup ont observé ce durcissement sur le terrain, lors des maraudes. « Cette politique ne pouvait qu’aboutir à ce genre de drame. »

      Cristina Del Biaggio, enseignante-chercheuse spécialiste des migrations et collaboratrice de Border Forensics dans leurs recherches, ajoute : « La mort de Blessing n’est pas un cas isolé, elle est le fait d’une conjoncture entre politiques et pratiques policières. »

      Lorsque la jeune nigériane les a franchies, les Alpes étaient déjà devenues une zone « transformée en environnement hostile par nos politiques migratoires ». Elles le sont toujours. Rien qu’en janvier 2022, les montagnes ont encore vu deux victimes. Fathallah Belafhail, marocain de 31 ans, et Ullah Rezwan Sheyzad, 15 ans, venu d’Afghanistan, sont décédés en essayant de rejoindre une nouvelle vie.

      https://basta.media/mort-de-Blessing-Matthew-a-la-frontiere-franco-italienne-un-temoignage-poin

    • La mort neuve de Blessing Matthew

      Personne ne fera revenir Blessing Matthew à la vie. Elle est morte noyée dans la Durance le 7 mai 2018 après avoir été coursée par les gendarmes. Une mort « accidentelle » d’après la justice qui avait, le 9 février 2021 déclarée un « non lieu » pour clore le procès intenté aux gendarmes par par sa famille et l’association « Tous Migrants » pour homicide involontaire, en quelque sorte une mort sans responsable, une mort anonyme parmi les 46 migrant.es décédé.es sur la frontière depuis la militarisation de celle-ci.
      Blessing Matthew était nigériane, elle portait un nom anglais que l’on pourrait traduire par « celle qui est bénie », ou encore par « bénédiction ». Elle était migrante et recherchait une terre « bénie ». Elle n’a trouvé ni liberté, ni égalité, ni fraternité encore moins de bénédiction. La mort, glaçante d’effroi, horrible dans sa suffocation nocturne, l’attendait au hameau de la Vachette.
      Un « non-lieu » comme une immense injustice. Pourtant, il y avait un lieu, la Durance. Pourtant, il y avait lieu, matière à poursuivre, rien qu’en considérant les témoignages contradictoires des gendarmes : elle est passée par là, non par ici et nous ailleurs ! Il y avait un témoin, son camarade de fuite mais il n’a pas pu parler, refoulé sans ménagement en Italie. L’Italie en tant que « non-lieu » pour l’oubli, un ailleurs voulu comme définitif sans un « au revoir » possible.
      « La seule chose que je veux, c’est la justice » affirme lors de la conférence de presse du 30 mai, la sœur de Blessing. « Que la justice se remette en route » demande Michel Rousseau au nom de « Tous Migrants ». Rouvrir l’instruction pour mettre la justice dans son cheminement véritable, celui de l’enquête impartiale. Des faits nouveaux le permettent.
      D’abord, le témoignage d’Hervé, celui qui fuyait avec elle, aussi apeuré qu’elle, mais qui a réussi à se cacher. Un témoin capital pour donner une « mort neuve » à Blessing Matthew. Ensuite, le travail méthodique, digne d’une enquête policière, mené par « Border Forensics » suit, point par point, les recoupements, les contradictions entre les récits des gendarmes et celui d’Hervé. Cette enquête est visible sur leur site : https://www.borderforensics.org.
      Le parquet de Gap a tous les éléments pour rouvrir l’instruction. Le fera-t-il ? Le devoir de justice le réclame : il est impossible de voler une deuxième fois la réalité de sa mort à Blessing Matthew.

      https://alpternatives.org/2022/06/02/la-mort-neuve-de-blessing-matthew

    • Réouverture de l’instruction dans l’affaire Blessing Matthew : le parquet de Gap ne se considère pas « compétent »

      Proches et association de la jeune nigériane morte noyée dans la Durance en mai 2018, à Val-des-Prés, espèrent rouvrir l’instruction judiciaire avec des « charges nouvelles ».

      dimanche 12 juin, le procureur de la République de Gap a fait savoir au Dauphiné Libéré « qu’après étude de la demande », il « considère que le parquet de Gap n’est pas compétent pour traiter la requête en réouverture d’une information judiciaire sur charges nouvelles » dans l’affaire de la mort de Blessing Matthew.

      Le 27 mai dernier, les avocats de la sœur de la jeune exilée, morte noyée dans la Durance le 7 mai 2018 à La Vachette (Val-des-Prés), et de l’association Tous migrants avaient déposé auprès du parquet gapençais une demande de « reprise de l’information judiciaire sur charges nouvelles ». Blessing Matthew, une Nigériane de 20 ans, était décédée après une tentative d’interpellation par des gendarmes mobiles alors qu’elle tentait de rejoindre Briançon depuis l’Italie avec deux autres personnes migrantes.

      Des nouveaux éléments à charge contre les gendarmes selon les proches de la victime

      Les proches de Blessing Matthew et Tous migrants ont toujours pointé l’action des forces de l’ordre comme étant responsable du décès de la jeune femme. Néanmoins, après une plainte classée sans suite, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Grenoble avait confirmé en février 2021 un non-lieu dans cette affaire.

      Fin mai, association et proche espéraient rouvrir l’instruction avec le témoignage – inédit jusqu’ici – d’Hervé S., l’un des migrants présents la nuit du drame ; et avec une contre-enquête menée par l’ONG Border Forensics.

      « Seul le procureur général est compétent »

      Cependant, le procureur de Gap Florent Crouhy a décidé de ne pas trancher lui-même la réouverture ou non de l’instruction. « En effet, ce dossier a fait l’objet d’un non-lieu par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble en date du 9 février 2021, rappelle-t-il.

      https://www.ledauphine.com/faits-divers-justice/2022/06/12/reouverture-de-l-instruction-dans-l-affaire-blessing-matthew-le-parquet-

      #compétence

    • Mort de Blessing Matthew : le procureur de Gap se dit incompétent pour rouvrir une information judiciaire

      La migrante nigériane avait été retrouvée morte dans la Durance en 2018 lors d’un contrôle de gendarmerie après avoir franchi la frontière italienne. La justice a décidé par deux fois de prononcer un non-lieu dans ce dossier.

      Me Vincent Brengarth a annoncé la couleur fin mai, évoquant « un témoignage de nature à rebattre totalement les cartes » dans l’affaire Blessing Matthew. L’avocat de la sœur de la migrante nigériane, qui s’était noyée dans la Durance (Hautes-Alpes) lors d’un contrôle de gendarmerie en 2018, affirme avoir retrouvé un des témoins de la scène, dont le récit inédit diffère de la version des forces de l’ordre.

      À la lumière de ce témoignage, l’avocat a effectué une « demande de réouverture d’information judiciaire » auprès du procureur de la République de Gap. Interrogé par BFM DICI, Florent Crouhy a indiqué ce dimanche qu’il se déclarait incompétent pour traiter la requête émise par Me Vincent Brengarth, rappelant que ce dossier « a fait l’objet d’un non-lieu par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble en date du 9 février 2021 ».

      La justice a à deux reprises estimé qu’aucun élément ne permettait d’étayer les accusations d’homicide involontaire, de mise en danger de la vie d’autrui et de non-assistance à personne en danger visant les gendarmes.

      L’avocat redirigé vers le procureur de la cour d’appel

      Selon Florent Crouhy, « seul le procureur général est compétent pour apprécier l’opportunité d’une réouverture sur charges nouvelles et en saisir la chambre de l’instruction ». Le procureur de la République de Gap précise ainsi avoir invité Me Vincent Brengarth à se rapprocher du procureur général de la cour d’appel de Grenoble pour lui faire part du nouveau témoignage.

      Celui-ci provient d’Hervé, un membre du « groupe d’exilés pourchassés par les gendarmes » après avoir été expulsés vers l’Italie, a annoncé Me Vincent Brengarth lors d’une conférence de presse suivie par l’Agence France-Presse (AFP) au moment du dépôt de la requête.

      « Il a vu que Blessing Matthew cherchait à se cacher. Il y a eu de façon évidente un contact avec l’un des gendarmes. (...) Il dit : ’J’ai vu le (gendarme) la saisir par le bras, elle se débattait, ils se tiraillaient’ », a-t-il développé.

      « Que justice soit rendue »

      Des paroles qui jettent à ses yeux une lumière sur « les différentes incohérences » qui se dégagent des récits des gendarmes. Et l’avocat de surenchérir : « On a le sentiment que les investigations n’ont jamais véritablement été menées à leur terme ».

      Christiana Obie Darko, la sœur de la victime, s’était également exprimée au cours de cette conférence de presse, fin mai : « Tout ce que je veux, c’est que justice soit rendue pour ma sœur, pour qu’elle puisse reposer en paix ».

      Avant l’apparition de la version d’Hervé, le parquet de Gap avait affirmé que « les circonstances précises dans lesquelles (Blessing Matthew) aurait chuté dans la Durance demeurent inconnues en l’absence de témoignage direct ».

      https://www.bfmtv.com/bfm-dici/mort-de-blessing-matthew-le-procureur-de-gap-se-dit-incompetent-pour-rouvrir-

  • « Le #plan_France_2030 se heurtera inévitablement au mur des pénuries de compétences »

    Le plan annoncé par le président de la République est voué à l’échec s’il omet le problème d’un système éducatif ne parvenant plus à former pour la science et l’industrie, souligne, dans une tribune au « Monde », #Maroun_Eddé, normalien et auteur d’un rapport sur l’éducation.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/22/le-plan-france-2030-se-heurtera-inevitablement-au-mur-des-penuries-de-compet

    #France_2030 #pénurie #compétences #éducation #système_éducatif #formation #réindustrialisation #France #industrie #recherche