En mettant de côté son idée que LA bonne idée, c’est d’être rémunéré pour toutes les informations qu’on donne sur soi-même (qui me rappelle cet article récent sur ces clochards qui, aux États-Unis, se font du fric en cliquant toute la journée sur des liens pour construire un traffic imaginaire) il y a cela, qui est pas trop mal :
« Q : Quelles sont ces données qui ont tant de valeur ?
JL : Les compagnies qui possèdent les gros ordinateurs créent des modèles pour chacun d’entre nous. Google a un modèle de vous. Pareil pour la NSA (agence de la sécurité nationale), Facebook, et même certaines organisations criminelles. Elles collectent des données sur vous et les utilisent pour faire des projections. L’idée, c’est de modifier le comportement.
Q : Comment ça, manipuler ?
JL : Les manipulations sont très petites. Cela peut être trouver le moyen de vous faire accepter un prêt qui n’est peut être pas aussi intéressant qu’un autre. Comment vous inciter à faire tel ou tel achat. C’est un système froid, basé seulement sur les statistiques. Il travaille très lentement, comme les intérêts composés. Sur la durée, cela fait beaucoup d’argent. C’est comme cela que Google est devenu si riche : les gens qui paient Google peuvent obtenir un tout petit peu de modification du modèle de comportement. C’est un système géant de modification comportementale.
Il faut comprendre que c’est différent du modèle traditionnel de publicité. La publicité a toujours été une forme de rhétorique, de persuasion, de style. Ici, il n’est pas question de style. C’est placé au bon moment. C’est purement pavlovien. Il n’y a aucune créativité. C’est une forme de manipulation sans esthétique mais c’est très graduel et très fiable, parce que c’est juste des statistiques.
Il s’agit aussi du type d’informations vous recevez. Si vous allez en ligne, vous ne voyez plus les mêmes informations que quelqu’un d’autre. Les informations sont organisées spécifiquement pour vous par ces algorithmes. C’est un monde où tout est ouvert et en même temps la plupart de ce que les gens voient est manipulé. Ce qui n’est possible que parce que les gens qui manipulent ont des ordinateurs plus puissants que les gens ordinaires.
Q : Qui a les plus gros ordinateurs ?
JL : Personne ne le sait. Ils sont conservés dans des cités gigantesques d’ordinateurs. Ils sont généralement placés dans des endroits isolés près de rivières qui permettent de refroidir les systèmes . Peut-être c’est Google, peut-être la NSA. Personne ne sait. En Europe, la plupart sont en Scandinavie.
Le problème n’est pas qui a accès à l’information mais ce qu’ils font de l’information. Si vous avez des ordinateurs beaucoup plus puissants, cela ne peut pas créer une société équitable. Au lieu d’essayer de plaider pour la transparence et le respect de la vie privée, nous devrions nous préoccuper de ce qui est fait avec les données accumulées. Nous vivons à une époque où il y a deux tendances contradictoires. D’un côté, tout le monde dit : n’est-ce pas formidable cette décentralisation du pouvoir, grâce à Twitter etc. De l’autre côté, la richesse est de plus en plus centralisée. Comment est-il possible que le pouvoir soit décentralisé et la richesse de plus en plus centralisée ? En fait le pouvoir qui est décentralisé est un faux. Quand vous tweetez, vous donnez de vraies informations aux gros ordinateurs qui traquent vos mouvements »