Le ministère de l’Intérieur commande en masse des munitions pour fusils d’assaut et des grenades de désencerclement _ par Jean-Marc Manach 12 juin 2019 BASTAMAG *
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Les nouvelles armes de maintien de l’ordre et de « gestion démocratique des foules » sont responsables de dizaines de mutilations à vie et de blessures graves. Qu’importe ! Le ministère de l’Intérieur vient d’entériner de nouvelles commandes massives : 10 000 grenades de désencerclement par an, qui s’ajoutent aux centaines de lanceurs de balles de défense (LBD) achetés en fin d’année dernière. Plus étonnant, la place Beauvau a acheté 25 millions de cartouches de fusils d’assaut pour les quatre prochaines années. « Allô, place Beauvau ? C’est pour une commande » : enquête sur ces étranges appels d’offres.
Photo de Une : Le 1er mai 2019, à Paris / © Serge d’Ignazio Le ministère de l’Intérieur ne cesse d’étoffer son stock d’armes, non létales comme létales. Il avait déjà passé commande, le 23 décembre dernier, de 1280 nouveaux « lanceurs mono-coup » type LBD, principalement pour la gendarmerie, et de 450 LBD semi-automatiques – des « lanceurs multi-coups » (LMC) [1] pour les policiers. La place Beauvau vient successivement d’acheter 40 000 nouvelles grenades à main de désencerclement (GMD) à effet assourdissant, et de lancer un appel d’offres visant à acquérir, sur les quatre prochaines années, 25 millions de... cartouches de fusil d’assaut pour une valeur estimée à 11 millions d’euros [2].
Ces armes de guerre ont longtemps été réservées aux seules unités d’élite de la police et de la gendarmerie. Dans la foulée des attentats de janvier et novembre 2015, Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur de l’époque, avait décidé d’équiper de fusils d’assaut les policiers des brigades anti-criminalités (Bac), les gendarmes des pelotons de surveillance et d’intervention (Psig) et autres « primo-intervenants ». L’objectif, avait-il alors expliqué, était de leur permettre de « répliquer aux tirs d’armes de type Kalachnikov que certains criminels n’hésitent désormais plus à utiliser contre vous ».
Cette banalisation des fusils d’assaut n’est pas sans poser problème. En juillet 2017, une note de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) faisait état de sa « réelle inquiétude » : 18 des 19 tirs de ces armes enregistrés sur les six premiers mois de l’année avaient été « accidentels » ou commis « par imprudence », un pourcentage qualifié d’« alarmant ». « Une ou plusieurs erreurs, souvent cumulées dans les procédures de mise en sécurité, sont à l’origine des coups de feu », souligne la note, qui déplore « une méconnaissance bien plus étendue en matière de sécurité lors de la manipulation des armes », et un « défaut de maîtrise d’armes plus complexes et encombrantes » : sélecteur mis en position « rafale », chargeur non retiré, culasse bloquée à cause d’un mauvais geste, etc. Le constat était alors sans appel : « Les agents sont mal à l’aise avec ces armes. » [3]
La majorité des policiers mal formés à l’usage de ces armes
« Concernant les armes longues, nos collègues ne sont pas assez formés aux gestes techniques », décrivait Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat Alliance police nationale [4]. La formation initiale ne durait que deux jours, suivi d’un tir par an. Une situation qui peine à s’améliorer : en septembre 2018, la Cour des comptes déplore, dans un rapport consacré à l’équipement des forces de l’ordre, le nombre « globalement insuffisant » des stands de tir, leur répartition géographique « parfois inadaptée », leur vieillissement, « responsable d’indisponibilités récurrentes en raison de la fréquence des opérations de maintenance », et enfin « l’incapacité de la grande majorité d’entre eux à accepter des tirs de munition de calibre 5,56 mm, faute de pièges à balles adaptés » [5].
La Cour des comptes regrette aussi que « la majorité des policiers (51%) n’avait pas bénéficié de ces trois séances réglementaires », en 2017, « ce qui traduit une dégradation par rapport aux années récentes ». Enfin, environ un policier sur cinq, sur les personnels « susceptibles de manier un HK G36 [un modèle de fusil d’assaut, ndlr] n’avait pas reçu les formations requises dans les délais réglementaires ».
Jusqu’à 750 balles par minute, mortelles jusqu’à deux kilomètres
Doté d’un chargeur trente coups, le HK G36 est une arme de guerre pouvant tirer, en rafale, jusqu’à 750 balles par minute, mortelles jusqu’à deux kilomètres. Au 1er janvier 2017, le ministère de l’Intérieur répertoriait 9469 fusils d’assaut de ce type, dont 8545 pour la police nationale, en augmentation de 68 % par rapport à 2012. Rapporté au chiffre de 6,25 millions de munitions commandées par an, chaque fusil d’assaut serait dès lors potentiellement doté de 22 chargeurs chaque année, alors que ces armes sont censées n’être utilisées qu’exceptionnellement ! [6
Le Canard enchaîné a révélé qu’un télégramme du 10 janvier 2019 avait demandé aux CRS de déployer deux fusils d’assaut HK G36 lors des manifestations des gilets jaunes, au motif que « si nos hommes portent leurs fusils d’assaut, c’est pour ne pas se les faire voler dans le camion », comme cela est arrivé en décembre dernier.
Basta ! a contacté le ministère de l’Intérieur pour savoir combien de fusils d’assaut sont aujourd’hui en dotation, et pour comprendre ce qui justifierait une commande de 6,25 millions de munitions par an. Le ministère a accusé réception de nos questions, sans daigner y répondre. L’appel d’offre concernant le marché de grenades de désencerclement suscite une autre interrogation : il comporte une clause qui, d’après un autre industriel, tendrait à privilégier la société Alsetex, qui a d’ailleurs emporté le marché.
Alsetex, « leader des produits pour la gestion démocratique des foules »
Filiale du groupe Étienne Lacroix, « acteur majeur de la pyrotechnie reconnu au niveau international », la société d’armement et d’études Alsetex est basée au Mans. Son usine, classée Seveso, dans la forêt de Malpaire à Précigné (entre Le Mans et Angers) employait l’an passé 160 personnes. L’entreprise s’est longtemps présentée comme le « leader des produits pour la gestion démocratique des foules ». Une expression qu’elle a cessé d’utiliser lorsque l’auteur de ces lignes a révélé, en 2013, que les grenades lacrymogènes d’Alsetex faisaient partie de celles utilisées pour réprimer le printemps arabe au Bahreïn. Or, à l’époque, des organisations indépendantes ont dénombré 43 personnes décédées au Bahreïn des suites de leur exposition aux gaz lacrymogènes, dont plusieurs nouveaux nés, enfants et personnes âgées.
Alsetex est également connue pour sa grenade explosive GLI-F4 composée, notamment, de 26 grammes de TNT. Cette charge explosive a valu à un zadiste et, d’après le décompte du journaliste David Dufresne, à cinq gilets jaunes, de voir leurs mains arrachées. C’est également Alsetex qui a conçu la grenade offensive OF F1, que le gouvernement a interdit après qu’elle a été impliquée dans le décès de Rémi Fraisse lors de la répression d’une manifestation contre le barrage de Sivens.
Des grenades de désencerclement classées « matériel de guerre »
Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, le ministère de l’Intérieur a reconnu 4942 tirs de grenades de désencerclement (GMD), contre 866 pour toute l’année 2016. Comme le LBD, ces grenades sont une arme classée « matériel de guerre de catégorie A2 », ce qui interdit aux particuliers d’en faire l’acquisition. De son côté, le journaliste David Dufresne a collecté 99 signalements afférents, dont 27 blessures à la tête, quatre à l’œil et trois éborgnements. Les GMD doivent être lancées à la main et roulées au sol. Elles « projettent 18 plots de caoutchouc de 10 grammes sur un rayon de 30 mètres (…). Chaque plot est projeté avec une vitesse initiale de 472 km/h », rappelle le collectif Désarmons-les qui documente les armes utilisées en France pour le maintien de l’ordre et les blessures graves qu’elles causent.
Un CRS vient par ailleurs d’être renvoyé aux assises pour avoir éborgné un syndicaliste en 2016 lors de la mobilisation contre la loi travail. Il n’avait pas été formé au maintien de l’ordre, n’était pas habilité à lancer de GMD, et le lancer de la grenade n’était pas légalement justifié : les CRS de sa compagnie n’étaient « ni assaillis, ni encerclés, ni même réellement pris à partie ». Étrangement, le ministère public avait soutenu pour sa défense que « la perte d’un œil n’était pas une infirmité permanente », car la victime pouvait se faire poser un implant (sic).
40 000 nouvelles grenades commandées malgré les controverses
Qu’importe ces dégâts collatéraux : le ministère de l’Intérieur vient de conclure une nouvelle commande, publiée le 1er mai au Journal officiel, de 10 000 grenades par an, « soit 40 000 sur la durée du marché » (ces quantités sont « estimatives ») [7]. C’est donc Alsetex qui a emporté le contrat, d’une valeur de 1,84 million d’euros.
Outre l’incongruité de commander 40 000 nouvelles GMD en pleine polémique sur les « violences policières », ce sont les spécificités techniques de l’appel d’offres qui intriguent. Publié fin août 2018, l’appel d’offres présentait la GMD comme étant destinée à « permettre aux forces de l’ordre de déstabiliser un groupe d’agresseurs violents ou armés, en le faisant se replier ou se disperser », et précisait que « la grenade proscrit tout risque lésionnel lié à la pénétration d’un projectile (galet, bouchon allumeur à main - BAM -, élément de grenade) ou à la lésion interne d’un organe ». Rien sur les risques d’arrachement de mains.
Manifestant dont la main a été arrachée, puis remplacée par une prothèse, lors de la manifestation des blessés et mutilés gilets jaunes, le 2 juin 2019 à Paris / © Serge d’Ignazio Entre autres exigences, le cahier des charges précisait qu’« après explosion, le BAM [le bouchon allumeur, ndlr] doit rester solidaire du corps de la grenade », et qu’il devait dès lors être « équipé d’un capot de protection », ce qui avait alors fait réagir plusieurs industriels. L’un d’entre eux s’interrogeait sur « la notion du "corps de la grenade", qui par principe n’existe plus après l’explosion ». Le ministère a répondu qu’« il faut comprendre que le bouchon allumeur ne doit en aucun cas se comporter comme un projectile au moment de l’explosion de la grenade ».
Un modèle de grenade moins dangereux ? _
Coïncidence ? Alsetex est justement titulaire d’un brevet intitulé « Grenade à éclats non létaux comprenant des moyens de maintien de bouchon allumeur ». Ce brevet correspond précisément aux exigences de l’appel d’offres. Malgré son explosion, cette grenade éviterait de « libérer inopinément les moyens allumeurs et ainsi par exemple de conduire à une projection du bouchon allumeur ». Cela réduirait en théorie le nombre d’éclats, responsables de nombreuses lésions sur des manifestants.
Un autre industriel a demandé s’il serait « possible que cette exigence soit modifiée car elle conduit à privilégier le fournisseur historique de fourniture des grenades à main de désencerclement ». En réponse, le ministère de l’Intérieur a rétorqué que « le capot ou coiffe de protection du bouchon allumeur est destiné à minimiser le risque de blessure accidentelle lorsque la grenade est lancée par les forces de l’ordre ou si des éléments résiduels sont ensuite utilisés comme projectile. Il s’agit donc d’une exigence impérative de l’offre ».
Contactées par Basta !, Alsetex et sa maison mère, le groupe Étienne Lacroix, n’ont pas davantage répondu à nos questions. Ce silence est d’autant plus étrange que, si l’on met de côté le risque des mains arrachées et le soupçon d’appel d’offres rédigé pour qu’Alsetex remporte le marché, l’exigence du ministère de l’Intérieur, ainsi que le brevet de l’artificier, viseraient précisément à faire en sorte que la GMD provoque un peu moins de lésions graves qu’auparavant, seuls les éclats de caoutchouc étant libérés.
Une « précision optimale » est « souhaitée » pour les LBD...
Fournisseur habituel de l’Intérieur, Alsetex avait également emporté, en janvier 2016, un marché de 115 000 « munitions de défense à courte portée » (MDCP) – une balle de plastique semi-rigide tirée à plus de 300 km/h – pour équiper le désormais célèbre lanceur de balles de défense (LBD). Beauvau avait alors prévu d’en doter 5000 à l’intention de la pénitentiaire, 10 000 à la gendarmerie, et 100 000 à la Police nationale. Le marché a été attribué pour 5,6 millions d’euros – soit près de 50 euros la munition !
Autre bizarrerie : pourquoi avoir défini un périmètre plus important en hauteur qu’en largeur ? Cela pourrait en partie expliquer le nombre de blessures à la tête, les tirs étant censés viser le torse. Dans son bilan "Allô, Place Beauvau ?", David Dufresne a collecté 297 signalements liés à des tirs de LBD, dont 19 éborgnements. Dans la dernière mise à jour de sa brochure sur les armements et le maintien de l’ordre, le collectif Désarmons-les a répertorié, depuis l’instauration du Flash Ball en 1999 – progressivement remplacé par le LBD –, puis de la grenade de désencerclement en 2004, « près de 60 personnes qui ont été éborgnées ou gravement blessées à l’œil en l’espace de 20 ans ». La majorité l’a été lors des huit derniers mois, depuis le début du mouvement des gilets jaunes en novembre 2018.
Jean-Marc Manach _
Notes
[1] 270 « lanceurs multi-coups » (LMC) "4 coups", et 180 "6 coups".
[2] À raison de 6,25 millions de munitions par an pour le ministère de l’Intérieur, 130 000 pour la pénitentiaire, et 114 000 pour les douaniers.
[3] Notes confidentielles révélées par la chaîne LCI en octobre 2017.
[4] Dans cet article de 20 Minutes.
[5] Voir le rapport de la Cour des comptes.
[6] Pour exemple, lors de l’assaut donné le 18 novembre 2015 contre contre les auteurs présumés des attaques terroristes du 13 novembre, retranchés dans un immeuble de Saint-Denis, entre 1500 et 5000 munitions ont été tirées par les forces de l’ordre alors que l’opération est considérée comme étant d’une rare violence.
[7] L’accord-cadre comporte « un minimum quantitatif correspondant au stock de sécurité, soit 2000 grenades à main de désencerclement », voir ici.
#violence #enMarche #guerre #police #guerre_aux_pauvres #guerre_civile en préparation afin que l’on reste rassemblé nationalement pour enrichir encore plus les amis d’#emmanuel_macron
]]>(3) Grenade GLI-F4 : révélations sur une arme qui mutile - Libération
►https://www.liberation.fr/france/2019/01/25/grenade-gli-f4-revelations-sur-une-arme-qui-mutile_1705396
Mains arrachées, plaies de plusieurs centimètres… La GLI-F4, essentiellement composée de TNT, a fait beaucoup de dégâts lors des manifestations des gilets jaunes. Un rapport de la gendarmerie auquel « Libé » a eu accès révèle que sa dangerosité a été sous-estimée par les forces de l’ordre, ce qui ne les empêche pas de l’utiliser.
Grenade GLI-F4 : révélations sur une arme qui mutile
C’est la première fois, en deux mois, que Gabriel Pontonnier a mis des mots sur l’instant où sa main a été en partie arrachée par une grenade tirée par les forces de l’ordre. Jeudi, cet apprenti chaudronnier de 21 ans a été auditionné par la police des polices sur les circonstances de sa grave blessure. L’unique parole pour ce jeune homme dont la vie est suspendue depuis le 24 novembre. Ce jour-là, il participait avec sa mère, son frère et sa sœur, à la première journée parisienne de mobilisation des gilets jaunes. Vers 18 heures, accompagné de son frère Florent, 30 ans, il observe la progression des policiers. Ce dernier raconte la scène : « On s’est mis à distance pour éviter qu’ils nous prennent pour des casseurs ou des personnes mal intentionnées, juste derrière un petit camion qui vendait de la nourriture, nous étions en sécurité. Je me suis mis à filmer. » La séquence démarre, quelques instants avant l’explosion…
La ligne des forces de sécurité, visible en arrière-plan, est distante d’environ une trentaine de mètres. Proche des deux frères, un vieux monsieur avec un bonnet rebrousse doucement chemin, un manifestant a les mains en l’air, un autre est au téléphone, tandis que deux personnes marchent tranquillement. Soudain, un homme crie plusieurs fois « attention ». Un blast lumineux survient, ainsi qu’une effroyable détonation. « Je me suis retourné, un nuage de fumée nous recouvrait, poursuit Florent Pontonnier. Mon frère a traversé ce nuage en ma direction, le bras en avant, en criant « putain ma main bordel, j’ai plus de main, j’ai plus de main ». C’est l’image qui restera à vie dans mes pensées et que je vois à chaque fois que je ferme les yeux. Une main éclatée avec les os à l’air libre, un doigt qui pendait sur le côté et plus rien sur le reste. » Gabriel est hospitalisé en urgence, il subit douze opérations pour tenter de sauver ce qu’il reste de sa main et retirer les nombreux éclats qui l’ont blessé aux jambes et à la tête. L’amputation totale est toujours envisagée.
Le même jour, Antonio B., 40 ans, est aussi gravement touché au pied et Maxime W., 30 ans, perd l’audition. Le week-end suivant, deux mains sont arrachées. Celle de Frédéric Roy, 35 ans, à Bordeaux, et celle de Ayhan P., 52 ans, à Tours, qui est aussi gravement blessé à la jambe. Le 8 décembre, c’est la main d’Antoine Boudinet, 26 ans, qui est mutilée. Plusieurs autres personnes ont été grièvement blessées, criblées de plaies de plusieurs centimètres.
« Déstabiliser »
L’arme mise en cause dans toutes ces blessures de guerre est la grenade lacrymogène instantanée, dite GLI-F4. Son nom est trompeur car cette arme est surtout composée de tolite, un explosif mieux connu sous le nom de TNT. Elle est utilisée à la fois par la gendarmerie et la police. Cette grenade avait déjà arraché la main de Maxime Peugeot, un manifestant de 21 ans, à Notre-Dame-des-Landes. Le 22 mai 2018, il ramasse la munition, sa main est entièrement arrachée et son corps est touché par plusieurs impacts. Libération a eu accès au rapport du laboratoire scientifique de la gendarmerie réalisé sur cette blessure (et versé à l’enquête), avant le mouvement des gilets jaunes. Il conclut que la dangerosité de la grenade a été sous-estimée par les autorités françaises et le fabricant. Le ministère de l’Intérieur fait pourtant le choix d’en tirer « jusqu’à épuisement des stocks », sans préciser le nombre de grenades encore disponibles. Daté du 11 juillet 2018, ce rapport est effectué par l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Les deux experts, spécialisés en explosifs, effectuent une batterie de tests sur la GLI-F4, pour vérifier qu’elle est bien responsable de la mutilation de Maxime Peugeot.
« Selon le fabricant, notent les deux experts en explosifs, elle est destinée au rétablissement de l’ordre, par son triple effet lacrymogène, assourdissant et de souffle. Elle permet de déstabiliser les manifestants dans des situations particulièrement difficiles (violences, émeutes). » La dangerosité de la grenade « au contact » est rappelée par les gendarmes. Leur rapport précise que l’« onde de choc générée fragmente les tissus, les os et provoque des blessures très importantes dont la létalité dépend de la zone impactée ». L’IRCGN précise enfin que « l’explosion d’une grenade tenue en main est susceptible de provoquer son arrachement ». En effet, l’arme est composée d’une capsule de gaz lacrymogène, mais surtout de 26 grammes de TNT et de 4 grammes d’hexocire, un autre explosif utilisé pour l’amorçage.
Pour réaliser son expertise, l’IRCGN déclenche successivement dix grenades et note à chaque fois les effets produits. Test après test, le laboratoire consigne que la puissance de l’arme est bien plus importante que ce qu’annoncent les données théoriques. « La grenade est normalement conçue pour ne pas générer d’éclats, indique-t-il. Cependant, des projections d’éclats transfixiants et de débris divers partiellement calcinés ont été constatées lors de tous les essais. » Ce sont justement ces « éclats transfixiants », autrement dit qui traversent les chairs, qui ont gravement blessé de nombreux manifestants sur tout le corps ces dernières semaines. Le 24 novembre, Florent Pontonnier, le frère de Gabriel dont la main est mutilée, est également touché par ces éclats transfixiants et a dû lui aussi subir une opération. De même pour leur cousin, Marvin, touché par la même grenade et qui doit être opéré prochainement.
Alexandre S., 27 ans, a été blessé aux cuisses le 1er décembre, place de l’Etoile, à Paris. Vers 15 h 30, il décrit une situation qui « stagnait » avec « les forces de l’ordre d’un côté, les gilets jaunes de l’autre », quand une « grenade assourdissante » est envoyée à ses pieds, « à environ un mètre cinquante ». « La détonation et l’impact des morceaux de la grenade m’ont presque fait tomber au sol. J’ai tout de suite regardé mes jambes, un morceau de la grenade était planté dans ma cuisse droite », poursuit Alexandre S. Aidé par d’autres manifestants, il est évacué par les secours. Hospitalisé pendant deux jours, il est opéré en urgence pour nettoyer et refermer les plaies. « Au réveil, c’était très choquant de découvrir ma jambe si mutilée », raconte-t-il. Des photos prises à l’hôpital permettent de constater que de larges cicatrices lardent ses cuisses. Des semaines d’arrêt de travail et de marche avec l’aide de béquilles ont suivi pour lui. Des photos de blessures équivalentes, provoquées par ces éclats, ont accompagné plusieurs week-ends de mobilisation des gilets jaunes.
Au-delà de la dangerosité de l’arme elle-même, le cadre légal et les instructions relatives à son utilisation ne sont pas rendues publiques par les autorités. Comme pour de nombreux sujets concernant l’usage de la force, le ministère de l’Intérieur se cantonne le plus souvent à des réponses approximatives, voire fait preuve d’une totale opacité. C’est une instruction datée du 27 juillet 2017, consacrée aux armes dites de « force intermédiaires », et commune à la police et la gendarmerie, qui prévoit notamment le cadre légal de tir des GLI-F4. Libération a consulté un compte rendu de ce document réalisé par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) intitulé « réglementation, utilisation et manipulation des grenades GLI-F4 », daté du 19 juin 2018. Pour faire simple, en dehors de l’usage en situation de légitime défense, cette grenade peut être utilisée en maintien de l’ordre en présence d’un superviseur. Comme pour les autres armes, son utilisation doit être « proportionnée » et « n’est possible que si les circonstances la rendent absolument nécessaire ». Si l’ordre de tir a été donné par l’autorité civile, c’est-à-dire le préfet ou son représentant, les policiers et gendarmes doivent avant tout procéder à deux sommations. Sur le terrain, le commandement peut prendre l’initiative de tir sans sommation, si « des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent ».
« Responsabilité »
Le même compte rendu de l’IGGN, synthétise aussi une instruction datée du 19 janvier 2018, là encore non publique. Ce document détaille les modes de lancer de cette grenade explosive. Elle peut être utilisée à la main, « en faisant rouler la grenade au sol afin d’éviter des explosions à hauteur de visage », mais aussi « par balancé du corps [en courbe], par-dessus un obstacle », ou encore par « détente du bras fléchi [en direct] plus précis pour atteindre une fenêtre ou un passage étroit ». Autrement dit, tous les lancers sont possibles. L’arme peut aussi être tirée en courbe, avec un lanceur de grenade.
Dès 2014 et la mort de Rémi Fraisse à Sivens (Tarn), la GLI-F4 était sur la sellette car composée – en quantité moindre – du même explosif que la grenade qui a tué le jeune homme (de type OF-F1). Mais à l’époque, l’IGGN note dans le cadre de l’instruction que « la cartouche explosive et lacrymogène [de la GLI-F4, ndlr] ne produit aucun éclat dangereux ». « A la suite de la mort de Rémi Fraisse, la décision a seulement été d’interdire une seule de ces deux grenades. Il y a donc une vraie responsabilité politique à ce propos », souligne l’avocat de la famille de Rémi Fraisse, Arié Alimi, qui défend aussi des manifestants blessés récemment.
Qu’en est-il désormais ? Pourquoi les récents résultats d’expertise de l’IRCGN n’ont-ils pas conduit à une remise en cause de l’usage de l’arme en vue du mouvement des gilets jaunes ? Contactée, la procureure de la République de Saint-Nazaire, qui a reçu ce rapport dans le cadre de l’enquête sur la blessure de Maxime Peugeot en mai dernier, répond qu’il ne lui appartient pas « de se positionner sur l’aspect dangereux de l’arme ». Les directions générales de la police et de la gendarmerie n’ont pas répondu à nos questions à ce propos. De son côté, le constructeur, l’entreprise Alsetex, déclare simplement que « la grenade en question n’est plus fabriquée depuis cinq ans ».
Alors pourquoi les forces de l’ordre continuent-elles à utiliser cette arme qui n’est plus commandée ? Et quel est l’état des stocks ? Selon nos informations, la grenade qui a mutilé Maxime Peugeot a été fabriquée en 2004. Même silence des autorités sur cette question. « Il semble évident que la décision qui a été prise, d’arrêt de commande de cette grenade, aurait dû s’accompagner immédiatement d’une suspension de son utilisation. On est inquiets sur les stocks », réagit son avocat, Hervé Gerbi. Une position partagée par Aïnoha Pascual, avocate de la famille Pontonnier : « Le ministère de l’Intérieur est dans une logique économique alors que des vies sont en jeu. »
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Mains arrachées, plaies de plusieurs centimètres… La GLI-F4, essentiellement composée de TNT, a fait beaucoup de dégâts lors des manifestations des gilets jaunes. Un rapport de la gendarmerie auquel « Libé » a eu accès révèle que sa dangerosité a été sous-estimée par les forces de l’ordre, ce qui ne les empêche pas de l’utiliser.
Grenade GLI-F4 : révélations sur une arme qui mutile
C’est la première fois, en deux mois, que Gabriel Pontonnier a mis des mots sur l’instant où sa main a été en partie arrachée par une grenade tirée par les forces de l’ordre. Jeudi, cet apprenti chaudronnier de 21 ans a été auditionné par la police des polices sur les circonstances de sa grave blessure. L’unique parole pour ce jeune homme dont la vie est suspendue depuis le 24 novembre. Ce jour-là, il participait avec sa mère, son frère et sa sœur, à la première journée parisienne de mobilisation des gilets jaunes. Vers 18 heures, accompagné de son frère Florent, 30 ans, il observe la progression des policiers. Ce dernier raconte la scène : « On s’est mis à distance pour éviter qu’ils nous prennent pour des casseurs ou des personnes mal intentionnées, juste derrière un petit camion qui vendait de la nourriture, nous étions en sécurité. Je me suis mis à filmer. » La séquence démarre, quelques instants avant l’explosion…
La ligne des forces de sécurité, visible en arrière-plan, est distante d’environ une trentaine de mètres. Proche des deux frères, un vieux monsieur avec un bonnet rebrousse doucement chemin, un manifestant a les mains en l’air, un autre est au téléphone, tandis que deux personnes marchent tranquillement. Soudain, un homme crie plusieurs fois « attention ». Un blast lumineux survient, ainsi qu’une effroyable détonation. « Je me suis retourné, un nuage de fumée nous recouvrait, poursuit Florent Pontonnier. Mon frère a traversé ce nuage en ma direction, le bras en avant, en criant « putain ma main bordel, j’ai plus de main, j’ai plus de main ». C’est l’image qui restera à vie dans mes pensées et que je vois à chaque fois que je ferme les yeux. Une main éclatée avec les os à l’air libre, un doigt qui pendait sur le côté et plus rien sur le reste. » Gabriel est hospitalisé en urgence, il subit douze opérations pour tenter de sauver ce qu’il reste de sa main et retirer les nombreux éclats qui l’ont blessé aux jambes et à la tête. L’amputation totale est toujours envisagée.
Le même jour, Antonio B., 40 ans, est aussi gravement touché au pied et Maxime W., 30 ans, perd l’audition. Le week-end suivant, deux mains sont arrachées. Celle de Frédéric Roy, 35 ans, à Bordeaux, et celle de Ayhan P., 52 ans, à Tours, qui est aussi gravement blessé à la jambe. Le 8 décembre, c’est la main d’Antoine Boudinet, 26 ans, qui est mutilée. Plusieurs autres personnes ont été grièvement blessées, criblées de plaies de plusieurs centimètres.
« Déstabiliser »
L’arme mise en cause dans toutes ces blessures de guerre est la grenade lacrymogène instantanée, dite GLI-F4. Son nom est trompeur car cette arme est surtout composée de tolite, un explosif mieux connu sous le nom de TNT. Elle est utilisée à la fois par la gendarmerie et la police. Cette grenade avait déjà arraché la main de Maxime Peugeot, un manifestant de 21 ans, à Notre-Dame-des-Landes. Le 22 mai 2018, il ramasse la munition, sa main est entièrement arrachée et son corps est touché par plusieurs impacts. Libération a eu accès au rapport du laboratoire scientifique de la gendarmerie réalisé sur cette blessure (et versé à l’enquête), avant le mouvement des gilets jaunes. Il conclut que la dangerosité de la grenade a été sous-estimée par les autorités françaises et le fabricant. Le ministère de l’Intérieur fait pourtant le choix d’en tirer « jusqu’à épuisement des stocks », sans préciser le nombre de grenades encore disponibles. Daté du 11 juillet 2018, ce rapport est effectué par l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Les deux experts, spécialisés en explosifs, effectuent une batterie de tests sur la GLI-F4, pour vérifier qu’elle est bien responsable de la mutilation de Maxime Peugeot.
« Selon le fabricant, notent les deux experts en explosifs, elle est destinée au rétablissement de l’ordre, par son triple effet lacrymogène, assourdissant et de souffle. Elle permet de déstabiliser les manifestants dans des situations particulièrement difficiles (violences, émeutes). » La dangerosité de la grenade « au contact » est rappelée par les gendarmes. Leur rapport précise que l’« onde de choc générée fragmente les tissus, les os et provoque des blessures très importantes dont la létalité dépend de la zone impactée ». L’IRCGN précise enfin que « l’explosion d’une grenade tenue en main est susceptible de provoquer son arrachement ». En effet, l’arme est composée d’une capsule de gaz lacrymogène, mais surtout de 26 grammes de TNT et de 4 grammes d’hexocire, un autre explosif utilisé pour l’amorçage.
Pour réaliser son expertise, l’IRCGN déclenche successivement dix grenades et note à chaque fois les effets produits. Test après test, le laboratoire consigne que la puissance de l’arme est bien plus importante que ce qu’annoncent les données théoriques. « La grenade est normalement conçue pour ne pas générer d’éclats, indique-t-il. Cependant, des projections d’éclats transfixiants et de débris divers partiellement calcinés ont été constatées lors de tous les essais. » Ce sont justement ces « éclats transfixiants », autrement dit qui traversent les chairs, qui ont gravement blessé de nombreux manifestants sur tout le corps ces dernières semaines. Le 24 novembre, Florent Pontonnier, le frère de Gabriel dont la main est mutilée, est également touché par ces éclats transfixiants et a dû lui aussi subir une opération. De même pour leur cousin, Marvin, touché par la même grenade et qui doit être opéré prochainement.
Alexandre S., 27 ans, a été blessé aux cuisses le 1er décembre, place de l’Etoile, à Paris. Vers 15 h 30, il décrit une situation qui « stagnait » avec « les forces de l’ordre d’un côté, les gilets jaunes de l’autre », quand une « grenade assourdissante » est envoyée à ses pieds, « à environ un mètre cinquante ». « La détonation et l’impact des morceaux de la grenade m’ont presque fait tomber au sol. J’ai tout de suite regardé mes jambes, un morceau de la grenade était planté dans ma cuisse droite », poursuit Alexandre S. Aidé par d’autres manifestants, il est évacué par les secours. Hospitalisé pendant deux jours, il est opéré en urgence pour nettoyer et refermer les plaies. « Au réveil, c’était très choquant de découvrir ma jambe si mutilée », raconte-t-il. Des photos prises à l’hôpital permettent de constater que de larges cicatrices lardent ses cuisses. Des semaines d’arrêt de travail et de marche avec l’aide de béquilles ont suivi pour lui. Des photos de blessures équivalentes, provoquées par ces éclats, ont accompagné plusieurs week-ends de mobilisation des gilets jaunes.
Au-delà de la dangerosité de l’arme elle-même, le cadre légal et les instructions relatives à son utilisation ne sont pas rendues publiques par les autorités. Comme pour de nombreux sujets concernant l’usage de la force, le ministère de l’Intérieur se cantonne le plus souvent à des réponses approximatives, voire fait preuve d’une totale opacité. C’est une instruction datée du 27 juillet 2017, consacrée aux armes dites de « force intermédiaires », et commune à la police et la gendarmerie, qui prévoit notamment le cadre légal de tir des GLI-F4. Libération a consulté un compte rendu de ce document réalisé par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) intitulé « réglementation, utilisation et manipulation des grenades GLI-F4 », daté du 19 juin 2018. Pour faire simple, en dehors de l’usage en situation de légitime défense, cette grenade peut être utilisée en maintien de l’ordre en présence d’un superviseur. Comme pour les autres armes, son utilisation doit être « proportionnée » et « n’est possible que si les circonstances la rendent absolument nécessaire ». Si l’ordre de tir a été donné par l’autorité civile, c’est-à-dire le préfet ou son représentant, les policiers et gendarmes doivent avant tout procéder à deux sommations. Sur le terrain, le commandement peut prendre l’initiative de tir sans sommation, si « des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent ».
« Responsabilité »
Le même compte rendu de l’IGGN, synthétise aussi une instruction datée du 19 janvier 2018, là encore non publique. Ce document détaille les modes de lancer de cette grenade explosive. Elle peut être utilisée à la main, « en faisant rouler la grenade au sol afin d’éviter des explosions à hauteur de visage », mais aussi « par balancé du corps [en courbe], par-dessus un obstacle », ou encore par « détente du bras fléchi [en direct] plus précis pour atteindre une fenêtre ou un passage étroit ». Autrement dit, tous les lancers sont possibles. L’arme peut aussi être tirée en courbe, avec un lanceur de grenade.
Dès 2014 et la mort de Rémi Fraisse à Sivens (Tarn), la GLI-F4 était sur la sellette car composée – en quantité moindre – du même explosif que la grenade qui a tué le jeune homme (de type OF-F1). Mais à l’époque, l’IGGN note dans le cadre de l’instruction que « la cartouche explosive et lacrymogène [de la GLI-F4, ndlr] ne produit aucun éclat dangereux ». « A la suite de la mort de Rémi Fraisse, la décision a seulement été d’interdire une seule de ces deux grenades. Il y a donc une vraie responsabilité politique à ce propos », souligne l’avocat de la famille de Rémi Fraisse, Arié Alimi, qui défend aussi des manifestants blessés récemment.
Qu’en est-il désormais ? Pourquoi les récents résultats d’expertise de l’IRCGN n’ont-ils pas conduit à une remise en cause de l’usage de l’arme en vue du mouvement des gilets jaunes ? Contactée, la procureure de la République de Saint-Nazaire, qui a reçu ce rapport dans le cadre de l’enquête sur la blessure de Maxime Peugeot en mai dernier, répond qu’il ne lui appartient pas « de se positionner sur l’aspect dangereux de l’arme ». Les directions générales de la police et de la gendarmerie n’ont pas répondu à nos questions à ce propos. De son côté, le constructeur, l’entreprise Alsetex, déclare simplement que « la grenade en question n’est plus fabriquée depuis cinq ans ».
Alors pourquoi les forces de l’ordre continuent-elles à utiliser cette arme qui n’est plus commandée ? Et quel est l’état des stocks ? Selon nos informations, la grenade qui a mutilé Maxime Peugeot a été fabriquée en 2004. Même silence des autorités sur cette question. « Il semble évident que la décision qui a été prise, d’arrêt de commande de cette grenade, aurait dû s’accompagner immédiatement d’une suspension de son utilisation. On est inquiets sur les stocks », réagit son avocat, Hervé Gerbi. Une position partagée par Aïnoha Pascual, avocate de la famille Pontonnier : « Le ministère de l’Intérieur est dans une logique économique alors que des vies sont en jeu. »
]]>Le fabriquant du LBD 40 sur un volcan | Reflets.info
►https://reflets.info/articles/le-fabriquant-du-ldb-40-sur-un-volcan
Selon le fabriquant, le LBD 40 GL06 touche sa cible avec une marge d’erreur de 10 centimètres à 50 mètres (sans le viseur EOTech). En outre, le fabriquant souligne que son arme, lorsque dotée d’un viseur laser en fait un outil utilisable par des tireurs peu expérimentés. En l’occurence, B & T fait référence à un pointeur laser. Un outil qui permet de dessiner un point rouge dans le viseur, sur la cible. Selon EOTech, qui équipe en fait les LBD français, le point rouge est bien moins précis que son viseur holographique. Ce dernier dessine un cercle rouge avec un point au centre. Il permet de viser avec les deux yeux ouverts et permet d’estimer la distance de la cible.
C’est donc en appuyant sur les munitions que B & T tente de s’en sortir. Selon Brügger & Thomet, Paris n’utilise pas ses munitions : « le LBD40 GL06, en combinaison avec les cartouches SIR fabriquées par nous, présente une bonne précision et un faible risque de blessures (...) les munitions utilisées en France n’ont pas été conçues, fabriquées ni livrées par B&T AG. ».
C’est vrai. Les munitions françaises sont fabriquées par la société Alsetex, dont le site Web fait preuve d’une pudeur de jeune fille tant il est vide de toute information, en dépit d’un certain nombre de mauvaises pratiques.
Ces munitions sont-elles moins souples que celles de B & T ? Plus dangereuses ? Moins précises ? La question mérite d’être posée et un comparatif de tirs tant pour la précision que pour les effets s’impose. Le défenseur des droits, en pointe depuis des années sur l’usage du LBD serait sans doute bien inspiré de s’intéresser à ce point en particulier. Une seule certitude : comme nous l’avions écrit précédemment, les blessés éborgnés par les forces de l’ordre ne le sont pas par accident.
]]>Les armes suisses de la police française suscitent la controverse - SWI swissinfo.ch
▻https://www.swissinfo.ch/fre/politique/-gilets-jaunes-_les-armes-suisses-de-la-police-fran%C3%A7aise-suscitent-la-controverse/44708584
Le LBD 40 « a été conçu pour le maintien de l’ordre », assure Cédric Zeller, porte-parole de B&T, dont le siège est à Thoune (canton de Berne). Ceux qui accusent le LBD 40 « prétendent à tort que les munitions utilisées, considérées comme dangereuses ou impropres, ont été fabriquées et livrées par B&T ». Or la France s’est fournie auprès du producteur français Alsetex. « Nous ne pouvons pas juger le danger potentiel des munitions utilisées en France. Il doit être souligné à ce propos que les munitions utilisées exercent une influence substantielle sur les effets et la précision. »
]]>« Gilets jaunes » : l’inexpérience du gouvernement en matière d’usage de la force fait craindre de nouveaux dérapages
▻https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2019/01/20/gilets-jaunes-l-inexperience-du-gouvernement-en-matiere-d-usage-de-la-force-
Championne autoproclamée du maintien de l’ordre, la France est régulièrement confrontée au phénomène des violences policières, qui interroge sur sa doctrine de l’usage de la force publique.
Qu’est donc devenue cette France championne du maintien de l’ordre, qui exportait son savoir-faire et ses matériels aux autres démocraties et aux pays totalitaires soucieux de mater des contestations naissantes ? Il y a encore quelques années, le fabricant français de grenade lacrymogène, Alsetex, qui fournit la police française, déclarait au Monde : « Notre molécule lacrymogène est la plus pure au monde, elle permet d’amener les gars devant le juge en bon état, notre grenade est estampillée démocratie française. »
Mais la France a pris l’habitude de voir, chaque samedi, des visages et des corps abîmés au terme d’affrontements entre forces de l’ordre et « gilets jaunes ». Les exactions de ces derniers ont conduit des policiers et des gendarmes à l’hôpital. Mais la multiplication des violences imputables aux forces de sécurité conduit aussi à s’interroger sur la capacité de l’Etat à totalement maîtriser l’usage d’une force démocratique, dont les règles semblent fluctuer. Depuis le début de la crise, les pouvoirs publics ont, en effet, fait montre d’une culture toute relative en matière de doctrine sur l’usage de la force publique.
]]>« Gilets jaunes » : « Pour la gauche, l’antifascisme ne doit pas être une option », Sarah Kilani, médecin hospitalier, militante écologiste et membre du Comité Syrie-Europe après Alep ; Thomas Moreau, urbaniste, militant antifasciste, communiste libertaire et membre du collectif Agitations autonomes.
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/15/sarah-kilani-et-thomas-moreau-l-antifascisme-n-est-pas-une-option_5398007_32
Si la gauche peut appuyer le pôle progressiste des « #gilets_jaunes », elle se doit de critiquer ses éléments d’extrême droite, estiment deux militants écologiste et antifasciste dans une tribune au « Monde ».
Tribune. N’émergeant pas directement des formes traditionnelles de contestation, le mouvement des « gilets jaunes » déboussole la gauche. Entre soutien inconditionnel et mépris affiché, toutes les positions envers la mobilisation se déclinent. Chacun accole sa #grille_de_lecture, s’appuyant sur les éléments fascisants (agressions homophobes, racistes, complotisme à propos du traité de Marrakech…) ou sur les #blocages efficaces (Amazon, dépôts pétroliers, le fabricant de lacrymogène Alsetex) pour valider sa thèse. Et pour cause : le mouvement est labile, changeant selon les espaces géographiques et sociologiques, variant d’un barrage à l’autre, d’un jour sur l’autre. Il a aussi sa dynamique interne.
D’interclassiste, il évolue de plus en plus vers des bases prolétariennes par l’implication de militants de gauche, de #syndicalistes, du comité pour Adama [association créée après la mort d’Adama Traoré, lors de son interpellation en 2016 par les gendarmes du Val-d’Oise]. Face à ce phénomène protéiforme de colère sociale fourre-tout dont la nature réelle reste difficile à définir, mais justifiée par les bas salaires, le creusement des inégalités et, aussi, la crise institutionnelle instaurée par un exécutif qui a longtemps méprisé les corps intermédiaires et les classes subalternes, il est plus que légitime que la #gauche se soit posé la question de sa participation. Celle-ci se doit cependant dans tous les cas de rester d’une très grande fermeté à l’égard de l’extrême droite et des revendications qui lui sont propres.
Très souvent décriés par cette gauche, ce sont pourtant les antifascistes qui ont avant tout évacué du mouvement, à plusieurs reprises, des militants fascisants, pendant que d’autres ont choisi une complaisance silencieuse devenue douteuse ; voire énoncent la possibilité de nouer des alliances sur le terrain avec eux. Ainsi, #Eric_Hazan dans un entretien à Mediapart, le 7 décembre, affirmait que la présence de l’extrême droite « ne [le] gênait pas », et de poursuivre « les ennemis de mes ennemis ne sont pas vraiment mes amis, mais un peu quand même ».
Discours conciliant
On peut s’étonner qu’une telle déclaration ne fasse pas un tollé général et qu’elle soit passée relativement inaperçue. La Ve République et ses structures économiques ont beau évoluer apparemment inexorablement vers un étatisme autoritaire et une dé-démocratisation, nous ne pouvons faire preuve d’un tel relativisme et affirmer qu’elle est un ennemi équivalent ou voire plus fondamental que l’extrême droite. La normalisation de ce discours conciliant avec les diverses expressions racistes n’est-elle pas la preuve d’une crise des représentations politiques de la gauche et de l’anticapitalisme ?
Derrière le signifiant vide du gilet jaune se mobilisant contre la figure repoussoir d’Emmanuel Macron, on retrouve certes des militants habituels qui, face aux échecs politiques et syndicaux accumulés de ces dernières années, cèdent aux sirènes du « mouvementisme » et du « bougisme » aveugles à la première mobilisation collective venue sous prétexte qu’il se passe « quelque chose ». Mais c’est bien par ailleurs l’hégémonie du mythe populiste – populisme « dégagiste » fantasmant un peuple capable de s’unir malgré ses divergences pour renverser les élites — comme moteur de complaisance qu’il faut remettre en question.
Une bonne partie de la gauche est passée avec armes et bagages de la théorie critique, de l’analyse des structures et de la stratégie de la #lutte_des_classes dans le camp du populisme, ayant comme stratégie politique et discursive l’opposition d’« un peuple » naturalisé (demos ou ethnos) contre les parasites du haut (les banques, l’élite), mais aussi parfois du bas (les assistés, les immigrés d’aujourd’hui et d’hier) « profitant de la redistribution ». Ce discours devenu hégémonique, imposant de taire les désaccords, considérés dès lors comme secondaires, entre les composantes du « peuple » – notamment sur les questions du racisme, de l’immigration, du féminisme et de l’homophobie – au nom de l’union stratégique, semble mettre en échec désormais le seul rempart qui permettait jusque-là d’éviter que « les extrêmes se rejoignent » : l’antifascisme.
Critique intransigeante
Ce refus du collectif pour ce rassemblement d’individus nus face à l’Etat et son appareil répressif, tout comme l’oscillation constante entre « révolution nationale » et sociale sont à combattre. L’implication du mouvement social semble changer actuellement : le centre de gravité des « gilets jaunes » évolue avec, peut-être, à la clé, un retour d’une base classiste organisée contre celle d’un populisme de gauche confus (type Mouvement 5 Etoiles) ; une logique d’action directe de blocage de la production et de la distribution l’emportant sur celle de la représentation.
Si une partie de la gauche veut appuyer le pôle progressiste de ce mouvement, elle ne peut en aucun cas se passer de formuler une critique intransigeante de ce qu’il contient de revendications nationalistes et d’éléments d’extrême droite. Pour cela, il faut donc en terminer avec le dangereux mythe populiste, ennemi fondamental et historique de l’indispensable antifascisme. Car ici, l’ennemi de mon ennemi ne saurait en aucun cas, en aucune circonstance, être mon ami. Si tant est que l’extrême droite soit vraiment l’ennemi du capitalisme et de la dé-démocratisation, rien n’étant moins sûr. Pour beaucoup d’acteurs associatifs, syndicaux, politiques, institutionnels, nous sommes à la croisée des chemins : union des populismes ou union des énergies anticapitalistes, barbarie ou socialisme.
]]>Une action en Sarthe devant l’usine de bombes lacrymo
▻https://www.ouest-france.fr/societe/gilets-jaunes/gilets-jaunes-une-action-en-sarthe-devant-l-usine-de-bombes-lacrymo-611
▻https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/5e0e366f4d123990ee1849d4f62adf30-gilets-jaunes-une-action-en-sart
C’était hier
Une cinquantaine de #Gilets_jaunes s’est postée devant l’usine Alsetex, à Précigné (Sarthe), ce vendredi 7 décembre. Aucun bloquage, mais une présence pour dénoncer les violences et soutenir les personnes blessées lors les manifestations.
« C’est un site très sécurisé, sensible, on connaît son importance et on sait ce qu’ils font », assène Patrick. Comme une cinquantaine d’autres Gilets jaunes, il a mené une action éclair, ce vendredi 7 décembre, dans l’après-midi, devant #Alsetex, près de #Sablé-sur-Sarthe.
L’entreprise, classée Seveso (site industriel présentant des risques d’accident majeur), fabrique notamment des #grenades_assourdissantes et #lacrymogènes pour les forces de l’ordre.
]]>Le gouvernement achète 17 millions d’euros de grenades
26 mai 2018
▻https://reporterre.net/Le-gouvernement-achete-17-millions-d-euros-de-grenades
Il a été réparti entre deux sociétés françaises, Nobel Sport, pour près de 12 millions d’euros, Aseltex, pour 5,3 millions d’euros, et une société allemande, Rheinmetall, pour 0,4 million d’euros.
– Lien vers l’avis d’attribution : Centrale des marchés
L’appel d’offre avait été passé le 8 août 2017.
Parmi les prestataires, la société Alsetex, à Precigné, dans la Sarthe, remporte 4 lots, pour un montant de 5,3 millions d’euros. Des lots qui comprennent notamment la fourniture de grenades lacrymogènes assourdissantes. Ce terme désigne souvent les GLI F4, des grenades qui contiennent une charge de 25 grammes de TNT. C’est une de ces grenades qui a arraché la main de Maxime Peugeot à Notre-Dame-des-Landes, le mardi 22 mai.
La société Alsetex avait déjà remporté en février 2016 un contrat portant sur la livraison de 5,5 millions d’euros de munitions. Des munitions qui semblent donc avoir été consommées en moins de deux années.
]]>Les #gaz_lacrymogènes : dangereux pour la #santé, mais... silence d’#État !
►https://reporterre.net/Les-gaz-lacrymogenes-dangereux-pour-la-sante-mais-silence-d-Etat
L’usage de ces gaz lacrymogènes a été interdit en temps de guerre par la Convention internationale sur les armes chimiques de #Genève, en 1993. Quoique bannie des conflits militaires, cette arme reste curieusement autorisée contre les manifestants #civils, pour mater des #conflits intérieurs, en situation de guerre sociale « domestique ». En France, en avril 2015, le Défenseur des droit relevait dans un rapport que « la police allemande n’utilise pas de gaz lacrymogène, considérant que des personnes non agressives ou non violentes pourraient en subir les effets indûment ».
Un article paru en 2016 dans les Annales de la New York Academy of Sciences explique que des études prouvent que le gaz lacrymogène peut « occasionner des dégâts durables, pulmonaires, cutanés et oculaires, avec des risques élevés de complications pour les individus affectés par des morbidités chroniques ». L’étude souligne que par manque de financement public, très peu de recherches épidémiologiques ont été menées sur le spectre des effets sanitaires occasionnés par cette arme antiémeute. Ce qui « handicape la connaissance médicale des effets à long terme et le développement de traitements et contre-mesures ». L’article qui s’attache principalement aux lacrymogènes utilisés aux États-Unis fait état de grenades type composées de 45 % d’agent CS, de 30 % de chlorate de potassium, de 14 % de résine époxy, de 7 % anhydride maléique, 3 % d’anhydride méthylnadique, et de 0,03 % de mélange résiduel. Rien ne dit que les fabricants français Nobel Spsrt et Alsetex livrent le même cocktail, mais on serait en droit de la savoir.
]]>Le ministère de l’Intérieur a commandé 115.000 munitions de flashball
▻http://reporterre.net/Le-ministere-de-l-Interieur-a-commande-115-000-munitions-de-flashball
C’est pour demain ?
Le ministère de l’Intérieur a commandé 115.000 #munitions « de défense à courte portée (#Mdcp) de calibre 40 mm ». Il s’agit des balles chargées dans les « lanceurs à balles de défense », souvent appelés « #flashball ». Le marché atteint 5,5 millions d’euros et a été remporté par la société Alsetex.
Les quantités annuelles se répartissent comme suit :
. police nationale : 100 000 munitions
. gendarmerie nationale : 10 000 munitions
. administration pénitentiaire : 5 000 munitions
Dans un rapport publié récemment, l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) relève qu’« Au moins 39 personnes ont été grièvement blessées et un homme est mort à la suite de tirs de lanceurs de balles de défense depuis 2005, dont 12 mineurs. »
– Source : Reporterre, à partir du Bulletin officiel des annonces des marchés publics : avis de septembre 2015, pour le nombre de munitions et avis de février 2016, pour le montant et l’attribution du marché.
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