La Turquie a peut-être réussi à saborder l’idée d’une coalition internationale, sous les auspices des Nations Unies, pour combattre l’Etat Islamique (EI). Les discussions qui se sont déroulées vendredi à Moscou entre Vladimir Poutine et François Hollande laissent une drôle d’impression.
Bien sûr, Hollande a présenté ses condoléances pour la mort, mardi dernier, du pilote russe. C’est un geste important qui contraste nettement avec le choix calculé du Président américain Barack Obama d’exprimer sa solidarité avec la Turquie. Hollande a ouvertement soutenu la détermination de la Russie à perturber les liens entre la Turquie et l’EI dans le commerce [illégal] de pétrole. Il a juré de faire ce que la Russie est elle-même en train de faire, à savoir, bombarder sans relâche les convois transportant le pétrole de l’EI qui se dirigent vers la frontière turque.
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Dit simplement, Washington peut trouver autant d’alibis que possibles pour maintenir les Russes à l’extérieur de la structure, en observateurs. Les tensions entre la Turquie et la Russie qui ont éclaté la semaine dernière se présentent comme une formidable occasion d’enterrer, d’une façon ou d’une autre, la proposition russe d’une coalition internationale pour combattre l’EI sous les auspices des Nations Unies.
Inutile de dire qu’il y a même une théorie de la conspiration selon laquelle la Turquie s’est sentie obligée de descendre l’avion russe, pour la simple raison qu’elle était sûre que frapper Moscou satisferait le programme américain en Syrie. Bien qu’Erdogan ne soit pas exactement un personnage populaire à Washington, Obama s’est démené pour exprimer sa solidarité avec lui et a même cherché à légitimer l’action de la Turquie, mardi dernier, après avoir été informé que l’avion russe avait été en realité abattu dans l’espace aérien syrien.
Poutine a fait remarquer lors de sa conférence de presse conjointe avec Hollande que le camp russe avait partagé avec les Américains, de façon confidentielle, les coordonnées de leur vol fatal de mardi dernier (ainsi que le récent protocole bilatéral avec le Pentagone le prévoyait). Poutine a minutieusement choisi ses mots :
« Nous échangeons des informations avec eux [les Etats-Unis], mais nous sommes très préoccupés par la nature des échanges et des résultats de notre travail conjoint. Voyez un peu : nous avons prévenu nos partenaires américains à l’avance sur la localisation des opérations de nos pilotes, quand [elles auraient lieu] et à quelle altitude. Le camp américain, qui dirige la coalition incluant la Turquie, connaissait l’heure et la localisation de ces vols. Et c’est précisément là et à ce moment que nous avons été frappés.
« Soit ils [les Etats-Unis] ne peuvent pas contrôler ce que font leurs alliés, soit ils ont passé cette information à droite et à gauche, sans en mesurer les conséquences. Naturellement, nous devrons avoir des consultations sérieuses avec nos partenaires à ce sujet. » (...)