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  • L’envers des friches culturelles | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

    Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites, souvent éphémères, se présentent comme « engagés » et « créatifs » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

    • C’est que Ground Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’urbanisme transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de gardiennage, d’entretien et de sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

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      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du street art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil marketing pour mieux promouvoir l’aménagement urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.
      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « tiers-lieu ».

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      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un service d’ordre avec des vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

    • Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture. Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.

      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à Sinny & Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami Olivier Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’entreprenariat social.

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      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du CAC 40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.
      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la Petite Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault. La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de terrasses temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette esthétique du squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin. Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.

      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

    • L’envers des friches culturelles | Mickaël Correia
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

      ( ai manqué publié un doublon ; j’ajoute ici pour mémoire l’ensemble de l’article et des #)

      MICKAËL CORREIA
      Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en #lieux_culturels par une poignée d’#entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

      En haut de la rue de Ménilmontant, dans l’Est parisien, une palissade court le long du numéro 88. Pour les passants, impossible de deviner ce que cachent ces hautes planches de bois. Mais depuis l’an dernier, le 88 ouvre ses portes dès les prémices de l’été. Et il suffit de montrer patte blanche à un vigile nonchalant pour y découvrir une vaste friche réhabilitée en terrasse éphémère.

      Tables et chaises de guingois, mobilier en palettes de chantier et buvette en pin, décoration de bric et de broc, fresques street art… Tout respire l’esthétique récup’ et Do It Yourself. Sous la chaleur écrasante, certains sont avachis sur une chaise longue et sirotent une bière. D’autres s’adonnent paresseusement à une partie de ping-pong sur fond de musique électro.
      Durant tout l’été, dans cette scénographie naviguant entre squat urbain et guinguette, la #friche dénommée sobrement 88 Ménilmontant propose pêle-mêle initiations au yoga, ateliers de sophrologie ou performances artistiques. Entre deux palmiers en pot et une « fresque végétale collaborative », quelques rares graffitis semblent avoir été tracés bien avant la réhabilitation de cet espace en jachère. « Ce sont de vieux graffs qu’on pourrait presque qualifier d’historiques, assure une habitante du quartier. Avant, il y avait un squat d’artistes ici et tout a été rasé ! »

      À peine quatre ans auparavant, en lieu et place du 88 Ménilmontant, se dressaient d’anciens ateliers d’artisans miroitiers. Occupé depuis 1999 par un collectif libertaire, le bâtiment, rebaptisé La Miroiterie, était au fil des ans devenu un #squat incontournable de la scène musicale underground parisienne. Ses concerts éclectiques – hip-hop francilien, punk suédois, rap libanais, sans compter les interminables jam-sessions jazz du dimanche – attiraient chaque semaine un public bigarré.

      Certes, le lieu commençait à être insalubre, la qualité sonore n’était pas toujours au rendez-vous et les murs tagués sentaient la bière éventée. Mais comme le soulignent Emy Rojas et Gaspard Le Quiniou, qui y ont organisé une trentaine de concerts sous l’étiquette Arrache-toi un œil, « en passant le portail du squat, il y avait une sensation de liberté difficile à retrouver dans des lieux plus institutionnels ». Avec ses soirées à prix modiques, ses ateliers d’artistes indépendants et ses stands proposant fanzines et autres disques autoproduits, cet espace autogéré incarnait un îlot de #contre-culture mythique bien au-delà des frontières de la capitale.

      En avril 2014, l’effondrement d’un mur vétuste lors d’un concert sonne le glas de cette aventure singulière. Menacés d’expulsion depuis 2009 par un promoteur immobilier ayant acquis la parcelle, les occupants de La Miroiterie sont évacués sans ménagement ni projet de relogement, et ce malgré quinze années d’animation du quartier et le soutien de nombreux habitants.

      À deux pas de l’ex-Miroiterie siège l’imposante Bellevilloise. Fort de ses deux mille mètres carrés de salle de concert, d’espace d’exposition et de restaurant, cet établissement culturel est aujourd’hui l’un des repaires incontournables du Paris branché. Chaque année, le site accueille près de deux cent mille visiteurs qui viennent clubber ou applaudir des groupes estampillés « musique du monde ». À ces activités festives s’ajoutent des débats publics, avec parfois des invités de prestige comme Edgar Morin ou Hubert Reeves, et des soirées privées de grandes entreprises telles que Chanel et BNP Paribas.

      La façade de La Bellevilloise à Paris.

      Plus qu’un temple dédié à la #culture et aux grands événements parisiens, La Bellevilloise est aussi la figure de proue des friches urbaines reconverties en sites culturels. Ancienne coopérative ouvrière de consommation créée peu de temps après la Commune, bastion militant où Jean Jaurès tenait ses rassemblements, l’immeuble à l’abandon, qui hébergea après guerre une caisse de retraites, a été racheté au début des années 2000. À la manœuvre de cette opération immobilière, un trio de jeunes entrepreneurs issus du monde du spectacle et de la publicité. « Nous étions assez pionniers à l’époque. Mobiliser une surface aussi importante sur Paris pour des activités culturelles, c’était novateur », reconnaît Renaud Barillet, l’un des trois fondateurs et directeur général associé de La Bellevilloise.

      Quand le site est inauguré en 2006, le chef d’entreprise est pleinement dans l’air du temps. Motrice de nombreuses occupations illégales de friches industrielles, la vague techno qui a submergé l’Europe à la fin des années 1980 est alors en train de progressivement s’éteindre. Les warehouses berlinoises, ces entrepôts désaffectés investis le temps d’une soirée clandestine, se transforment en clubs électros commerciaux. À Paris, l’organisation en 2001 d’une fête techno sauvage dans l’ancienne piscine désaffectée Molitor, en plein XVIe arrondissement, marque le chant du cygne des free parties urbaines.

      La façade de La Condition publique à Roubaix.

      Le tournant des années 2000 voit dès lors les débuts de la réhabilitation des lieux industriels en #espaces_culturels. L’ancien marché couvert Sainte-Marie à Bruxelles est reconverti en 1997 en complexe culturel baptisé Les Halles de Schaerbeek. De son côté, la manifestation Lille 2004 Capitale européenne de la culture fait émerger nombre d’établissements dans des usines abandonnées par l’industrie textile locale. « Nous nous sommes inspirés de La Condition publique, un lieu culturel installé dans un ancien entrepôt de laine à Roubaix depuis Lille 2004, mais aussi de ce que fabriquait Fazette Bordage, la créatrice du Confort moderne à Poitiers, première friche culturelle en France », détaille Renaud Barillet.

      Du point de vue de l’équipe de La Bellevilloise, se pencher sur le 88 de la rue de Ménilmontant était une démarche des plus évidente. « Nous avons toujours été préoccupés par ce que La Miroiterie allait devenir, car un squat, par définition, c’est éphémère, explique l’entrepreneur. Comme elle est située juste derrière La Bellevilloise, nous nous sommes dit que si une opération immobilière se préparait, il fallait être attentif à l’ensemble architectural, aux problèmes de nuisances sonores, etc. »

      Ayant eu vent de ce que le récent propriétaire du lieu voulait édifier un immeuble d’un seul tenant, les dirigeants de La Bellevilloise interpellent Bertrand Delanoë, à l’époque maire de la capitale. À peine quelques mois plus tard, #Paris_Habitat, bailleur social de la ville de Paris, rachète le lot immobilier et un projet de réhabilitation est ficelé avec Renaud Barillet et ses comparses : côté rue, des logements étudiants avec, au rez-de-chaussée, sept ateliers-boutiques d’artistes design. En fond de cour, l’entrepreneur a prévu « une fabrique d’image et de son [ un studio de production et une salle de concert – ndlr ], des espaces de coworking, des bureaux et un spa à dimension artistique ».

      Bertrand Delanoë en 2010.

      Partant, l’ancienne Miroiterie est démolie. Afin de rentabiliser cette friche et d’engranger des recettes qui serviront à la construction du nouvel établissement (dont l’ouverture est prévue en 2021), l’équipe a mis sur pied une terrasse éphémère dès le printemps 2017. Bien éloigné des visées culturelles à but non lucratif de La Miroiterie, le 88 Ménilmontant n’est pas sans susciter l’ire des riverains et des anciens occupants du squat.

      Figure historique de La Miroiterie, Michel Ktu déclare ainsi par voie de presse : « Ils montent des salles en piquant nos idées parce qu’eux n’en ont pas. Ils récupèrent un décor de squat, mettent des câbles électriques apparents, des trous dans le mur, des canapés défoncés et des graffs, mais ils ne savent pas accueillir les gens ni les artistes. » « Il y a une surface vide, autant qu’elle soit utilisée, se défend Renaud Barillet. Quant à la forme “transat et tireuses à bière”, on ne va pas réinventer l’eau chaude : c’est un modèle basique et provisoire. »

      Faire du blé sur les friches

      Renaud Barillet n’en est pas à son galop d’essai. Avec son acolyte, Fabrice Martinez, également cofondateur de La Bellevilloise et ancien chef de publicité chez Nike et Canal+, il a récemment créé le groupe Cultplace, qui s’affiche comme une « fabrique de lieux de vie à dimension culturelle ». Les ambitieux entrepreneurs ont ainsi reconverti en 2013 un coin des halles de La Villette, anciens abattoirs aux portes de la capitale rénovés au début des années 2000. Dans cet écrin de métal et de verre appartenant au patrimoine public, ils ont conçu un restaurant-scène de jazz baptisé La Petite Halle.

      La rotonde du bassin de la Villette.

      Au sud du bassin de la Villette, La Rotonde, ex-barrière d’octroi du nord de Paris datant du XVIIIe siècle, a quant à elle été réhabilitée par ces businessmen en Grand Marché Stalingrad, hébergeant des « comptoirs food », un concept-store design et un club. Le bâtiment, alors à l’abandon, avait été restauré à l’initiative de la ville de Paris en 2007.

      Durant la seule année 2018, deux friches industrielles reconverties en site culturel ont ouvert sous la houlette de #Cultplace. L’ancienne gare désaffectée de Montrouge-Ceinture a été confiée par Paris Habitat et la mairie du XIVe arrondissement à Renaud Barillet afin d’être rénovée en café-restaurant culturel. Sur les bords du canal de l’Ourcq, à Pantin, les gigantesques Magasins généraux ont été quant à eux réhabilités en 2016. Longtemps surnommés le « grenier de Paris », ces entrepôts stockaient auparavant les grains, farines et charbons qui approvisionnaient la capitale.

      Si l’immeuble de béton accueille depuis peu le siège du géant de la publicité BETC, Cultplace y a niché à ses pieds Dock B – le B faisant référence à La Bellevilloise –, mille deux cents mètres carrés de cafés-comptoirs, scène artistique et terrasse qui devraient être inaugurés à la rentrée 2018. « Tous nos lieux sont indépendants, car nous ne sommes pas sous tutelle publique ni même subventionnés, insiste Renaud Barillet. Nous ne dépendons pas d’un grand groupe ou d’un seul investisseur. »

      Logo de CultPlace.

      Cultplace n’est cependant pas la seule entreprise partie à la conquête des friches industrielles de la métropole parisienne. En vue de concevoir et d’animer le Dock B, Renaud Barillet s’est associé à l’agence Allo Floride. Avec La Lune rousse, une société organisatrice d’événementiels, cette dernière a été à l’initiative de Ground Control, un bar temporaire inauguré en 2014 à la Cité de la mode et du design. Depuis cette première expérience lucrative, La Lune rousse s’est fait une spécialité : l’occupation provisoire, sous l’étiquette Ground Control, de sites désaffectés appartenant à la SNCF.

      Ainsi, en 2015, quatre mille mètres carrés du dépôt ferroviaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, ont été mis à disposition de l’entreprise le temps d’un été afin de le reconvertir en « bar éphémère, libre et curieux ». La manifestation s’est révélée si fructueuse en termes d’affluence qu’elle a été renouvelée l’année suivante par la SNCF, attirant quatre cent mille personnes en cinq mois.

      Espace insolite chargé d’histoire industrielle, musique électro, transats, ateliers de yoga, comptoirs food et esthétique récup’, le concept Ground Control utilise exactement les mêmes ficelles que Cultplace pour produire ses friches culturelles. Quitte à réemployer les mêmes éléments de langage. Se définissant ainsi comme un « lieu de vie pluridisciplinaire » ou comme une « fabrique de ville, fabrique de vie », Ground Control, couronné de son succès, a pris place depuis 2017 au sein de la Halle Charolais, un centre de tri postal de la SNCF situé près de la gare de Lyon. Un million de visiteurs annuels sont cette fois-ci attendus dans le hangar à l’abandon.

      Ouvertes en février, la « Halle à manger », qui peut servir trois cents couverts par jour, les boutiques et les galeries-ateliers de Ground Control se réclament toutes d’un commerce équitable ou bio. Et si, sur la cinquantaine de #salariés sur le site, quarante-deux sont employés en tant que #saisonniers, ce « laboratoire vivant d’utopie concrète », aux dires de ses créateurs, n’hésite pas à s’afficher comme un « lieu engagé » accueillant tous ceux qui sont en « mal de solidarité ».

      Toutefois, Denis Legat, directeur de La Lune rousse, ne s’est pas seulement attelé à la réhabilitation d’une jachère urbaine en friche culturelle « alternative et indépendante ». Depuis plus de vingt ans, cet homme d’affaires s’est solidement implanté dans le business de l’organisation des soirées d’entreprise. Sa société compte à son actif la mise en œuvre de la Nuit électro SFR (si_ c)_ au Grand Palais, afin de « célébrer l’arrivée de la 4G à Paris », ou encore la privatisation de la salle Wagram lors d’une soirée Bouygues Bâtiment.

      Récemment, La Lune rousse a conçu un « bar à cocktail domestique et connecté » pour le groupe Pernod Ricard, présenté lors d’un salon high-tech à Las Vegas, et scénographié la summer party de Wavestone, un cabinet de conseil en entreprise coté en bourse. Des clients et des événements bien éloignés des « initiatives citoyennes, écologiques et solidaires » brandies par Ground Control…

      Malgré l’ambivalence éthique de La Lune rousse, la SNCF s’est très bien accommodée de cette entreprise acoquinée avec les fleurons du secteur privé français pour occuper plusieurs de ses friches. « Ce sont des lieux qui nous appartiennent et que nous ne pouvons pas valoriser immédiatement, justifie Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, la branche foncière du groupe. Nous choisissons donc de les mettre à disposition d’acteurs qui se chargent de les rendre vivants. »

      En faisant signer à La Lune rousse une convention d’occupation temporaire de la Halle Charolais jusque début 2020, l’objectif de SNCF Immobilier est assurément de rentabiliser financièrement cet espace vacant sur lequel un programme urbain dénommé « Gare de Lyon-Daumesnil » prévoit la création de six cents logements, de bureaux et d’équipements publics d’ici 2025.

      C’est que #Ground_Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’#urbanisme_transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de #gardiennage, d’entretien et de #sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de #communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du #street_art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« #eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil #marketing pour mieux promouvoir l’#aménagement_urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.

      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « #tiers-lieu ».

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un #service d’ordre avec des #vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

      Les friches culturelles, têtes de pont de la gentrification ? C’est justement ce que dénonce le collectif d’habitants Droit à la (Belle)ville, créé en 2015 dans l’est de Paris. « Ces tiers-lieux excluent symboliquement les #habitants les plus #précaires du quartier, fustige Claudio, l’un des membres de l’association. On autorise temporairement des occupations de friche par des acteurs privés mais en parallèle, dès qu’il y a une occupation informelle de l’espace public à Belleville, comme quand, encore récemment, des jeunes font un barbecue improvisé dans la rue ou des militants organisent un marché gratuit, la police est systématiquement envoyée. »
      Et Quentin, également du collectif, d’ajouter : « Pour ces entrepreneurs et pour les élus, les artistes ne sont que des créateurs de valeur. Les sites culturels qui les hébergent participent à changer l’image de notre quartier, à le rendre plus attractif pour les populations aisées. Ce sont des espaces qui sont pleinement inscrits dans la fabrication de la ville pilotée par le #Grand_Paris. »

      Ambitionnant de faire de la région Île-de-France une métropole compétitive et mondialisée, le projet d’aménagement territorial du Grand Paris entrevoit dans les tiers-lieux culturels un outil de promotion de son image de #ville_festive, innovante et écoresponsable à même d’attirer une « #classe_créative ». Une population de jeunes cadres qui serait, aux yeux des décideurs, vectrice de développement économique.

      Les futures friches estampillées La Bellevilloise sont ainsi pleinement ancrées dans la stratégie de développement urbain et de #marketing_territorial portée par les élus de la #métropole. Dans l’ancienne station électrique Voltaire, au cœur du XIe arrondissement, Renaud Barillet prévoit pour 2021 un cinéma et un « restaurant végétalisé et solidaire ». L’exploitation de ce bâtiment industriel a été remportée par l’entrepreneur dans le cadre de Réinventer Paris, un appel à projets urbains lancé fin 2014 par la mairie de Paris afin de développer « des modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et d’écoconstruction ».

      Le dirigeant de La Bellevilloise vient même de réussir à faire main basse sur l’ancienne piscine municipale de Saint-Denis, via le concours Inventons la métropole du Grand Paris. Avec l’aide d’un investissement financier de la part de #Vinci Immobilier, la piscine dyonisienne à l’abandon sera « à la frontière entre l’hôtel, le gîte et l’auberge de jeunesse » et le relais d’« initiatives entrepreneuriales, culturelles, artistiques, sportives et citoyennes ».

      « On est conscient de notre impact dans un quartier mais la gentrification est un rouleau compresseur sociologique qui nous dépasse », assure pourtant Renaud Barillet. « Nous ne sommes pas dans un processus naturel mais bien dans un conflit de classes. À Paris, nous sommes dans une continuité d’expulsion des #classes_populaires qui a débuté depuis la Commune en 1871, analyse Chloé, du collectif Droit à la (Belle)ville. Dans ces friches, les entrepreneurs vont jusqu’à récupérer le nom, l’imaginaire politique, les anciens tags de ces espaces pour les transformer en valeur marchande. »

      La Bellevilloise n’hésite ainsi nullement à s’afficher sur ses supports de communication comme « Le Paris de la Liberté depuis 1877 » et, dans le futur projet du 88 de la rue Ménilmontant, le spa pourrait s’appeler « Les Thermes de La Miroiterie ». « Ils accaparent des ressources que les habitants ont créées, que ce soient les ouvriers qui ont mis sur pied La Bellevilloise à la fin du XIXe siècle ou les punks libertaires de La Miroiterie au début des années 2000, souligne Claudio. Ces tiers-lieux culturels transforment des valeurs d’usage en valeur d’échange… »

      Rien ne se perd, tout se transforme

      Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.
      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à #Sinny_&_Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami #Olivier_Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’#entreprenariat_social.

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du #CAC_40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur #écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.

      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la #Petite_Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de #terrasses_temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette #esthétique_du_squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la #mise_en_scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.
      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

  • Chanel : l’incroyable dividende des frères Wertheimer Challenge - Eric Treguier - 23 Aout 2017
    https://www.challenges.fr/luxe/chanel-l-indecent-dividende-des-freres-wertheimer_494435.amp

    La somme est énorme, presque disproportionnée. Elle équivaut au double du dividende versé en 2015 et c’est surtout quatre fois ce que l’entreprise a déclaré en bénéfice net !

    Le document date du 16 août et a été enregistré en toute discrétion auprès des autorités néerlandaises, pays où Chanel a établi l’entité (Chanel International BV) qui contrôle le groupe de luxe et ses filiales.

    Comme à son habitude, Chanel n’a pas publié de communiqué sur le sujet. Le groupe refuse, en effet, de publier le moindre chiffre sur ses résultats. C’est bien dommage, car cette année, particulièrement, ce document de 90 pages nous apprend beaucoup de choses. Il révèle notamment que tous les chiffres du groupe sont en très nette baisse.

    Le chiffre d’affaires, d’abord, qui recule de 9% à 5,67 milliards de dollars, mais aussi le résultat opérationnel, qui baisse de 20%, à 1,278 milliard et le bénéfice net, qui recule, lui, de 35%, à 874 millions de dollars.

    Comment expliquer cette avalanche de mauvais résultats financiers ? Pour la direction, « les attaques terroristes en Europe du Nord ont réduit les flux touristiques et les achats d’articles de luxe, ce qui a entraîné une performance négative sur le première semestre. » Peut-être faut-il y voir aussi une conséquence de l’harmonisation des prix du groupe au niveau international, qui a fait flamber les prix en Europe ? Pour cette année, le groupe prévoit cependant de redresser fortement la barre, grâce à ses « nouvelles collections saisonnières et à ses lancements, dont le nouveau sac et le parfum Gabrielle », du nom de la créatrice de la marque.

    Heureusement, chez Chanel, tout n’est pas en recul. Les frères Wertheimer ne se sont pas oubliés. Alain, qui est installé à New-York et Gérard, qui dirige l’activité montres depuis Genève, en Suisse, possèdent 100% du capital du groupe. Ils se sont voté 3,4 milliards de dollars en dividendes au titre de 2016. Une somme énorme. Presque disproportionnée… C’est deux fois plus que les 1,6 milliard qu’ils s’étaient attribués l’an dernier. C’est presque deux tiers du chiffre d’affaires du groupe et c’est surtout quatre fois ce que l’entreprise a déclaré en bénéfice net ! La ponction a été si forte, nous apprend encore ce document de 92 pages que Challenges et le magazine suisse
    Bilan se sont procurés, que la trésorerie de l’entreprise est tombée, pour la première fois depuis longtemps, sous le milliard de dollars !


    Les deux frères, qui étaient évalués dans notre dernière édition des Fortunes professionnelles françaises, à 21 milliards d’euros, à la sixième place de notre palmarès, vont très certainement gagner quelques rangs à la faveur de ce dividende, en tout point exceptionnel. Cela fera d’eux, en tous cas, les détenteurs d’un étrange record digne du Guinness Book : celui du dividende le plus élevé reçu par un actionnaire d’une société européenne…

    #luxe #dividendes #chanel #Wertheimer #Record

    • Quelques mots d’explication

      Challenges ; en voilà de vrais journalistes, qui évaluent les fortunes professionnelles (donc hors les dividendes qui ont été versés en 2016, qui sortent du professionnel pour aller dans la poche personnelle) à la hausse, de 16,5 Mds d’euros en 2016 à 21 Mds en 2017, et ensuite te racontent que les Wertheimer gagnent beaucoup moins d’argent (baisse pour la 2ème fois du chiffre d’affaires et des résultats), et qui - c’est le comble - se servent de somptueux dividendes, très au-delà de ces résultats. Les mystères du capitalisme sont impénétrables : comme disait Marx, comment expliquer que le capital fait des petits, des petits ... et là des très gros « surplus ».
      Personne, ni le « Monde », ni « Challenges » ne s’est interrogé sur l’origine de ce dividende. Il ne tombe quand même pas du ciel ... capitaliste.

      Et bien non. En fait, il s’agit d’un tour de passe passe, qui se joue entre le holding et l’une de ses filiales, en l’occurence Chanel Ltd au Royaume-Uni. Chanel BV a tout simplement « vendu » cette filiale, à deux autres filiales du groupe, qui ont dû sortir de l’argent ; ceci ne se remarque pas à la consolidation (les écritures intra-groupe s’éliminent entre elles). Sauf sur un point très important. Les sous ; et le capital. C’est ainsi que Chanel NV a augmenté son capital, afin de souscrire à l’augmentation de capital de ses deux nouvelles filiales. Chanel Ltd sort des titres détenus par Chanel NV, et Chanel NV contrôle toujours Chanel Ltd (mais indirectement, via les deux filiales en question). Pour Chanel NV ensuite, l’augmentation de capital permet de payer le super-dividende. C’est le paiement de ce dividende qui explique pourquoi les fonds propres du groupe baissent de 637 M€, malgré le bénéfice de 2016 de 874 M€ qui aurait dû augmenter ces fonds (ces fonds propres consolidés sont fin 2016 de 1 294 M€, contre 1 931 M€ en 2015). Par ailleurs, les disponibilités du groupe ont bel et bien baissé (de 347 M€), et le groupe a dû emprunter de l’argent (d’où la hausse de la dette du groupe, de 176 M€).

      En d’autres termes, la valorisation de la fortune aurait dû logiquement baisser fortement entre 2016 et 2017 ; et Challenges publie exactement le contraire.

      Pour mémoire, l’évaluation que j’ai faite dans Capital sur Wertheimer était cette année de 12,38 Mds d’euros, en baisse de 13,6% par rapport à l’année précédente

  • 4 FRANÇAIS INCULPÉS EN ISRAËL POUR "ESCROQUERIE INTERNATIONALE" : PAS UN MOT AU JT DE 20H.
    https://www.facebook.com/panhamza/photos/a.259863080821062.1073741827.258337060973664/674212239386142/?type=3&theater

    Résidents de Netanya près de Tel-Aviv, les Franco-Israéliens Henri Omisi, Daniel Alon, Jérémy Laloum et Mordechaï Lalouch -arrêtés le 2 mai- ont été inculpés le mercredi 8 juin par un tribunal local {http://panamza.com/bpp}.

    Le motif d’inculpation : une escroquerie internationale portant sur près de 10 millions d’euros.
    Le mode opératoire : la technique de "l’arnaque au président" consistant, par exemple, à usurper le nom de dirigeants commerciaux pour obtenir auprès de leurs associés des virements bancaires {http://panamza.com/bpl}.
    Les groupes détroussés : plusieurs entreprises françaises et européennes parmi lesquelles Chanel, Cora, Electrolux et Bosch.
    Les moyens : des appartements israéliens transformés en centres opérationnels grâce à un équipement technologique sophistiqué et des comptes bancaires en République tchèque, en Slovaquie et en Pologne.

    La presse américaine, britannique et allemande a rapporté l’information. La chaîne CBS précise d’ailleurs que les inculpés sont issus de familles pratiquantes et particulièrement « pieuses » {http://panamza.com/bpm ; http://panamza.com/bpn ; http://panamza.com/bpo}.

    À l’inverse, les médias audiovisuels français, pourtant friands de fait divers impliquant les Français de l’étranger, ont totalement gardé le silence sur cette affaire.

    Aucun reportage sur le sujet n’a ainsi été diffusé le 8 juin dans les journaux télévisés de 20h sur TF1 et France 2 {http://panamza.com/bpq ; http://panamza.com/bpr}.

    • En fait les médias ont parlé en mars, de cette escroquerie qui a mis en difficulté des entreprise comme ici, où l’on met plus fortement l’accent sur la Chine que sur Israël :
      http://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/l-inventeur-de-l-arnaque-au-president-revele-comment-il-a-blanchi

      Selon des documents judiciaires des polices européenne et américain auxquels Associated Press a eu accès, la Chine est devenue une blanchisserie financière internationale utilisée par « les gangs en provenance d’Israël et d’Espagne ainsi que par les cartels de la drogue d’Afrique du Nord et d’Amérique latine ».

      Mais l’information de l’inculpation mercredi dernier de ces quatre franco-israéliens n’a pas été donnée par les grands médias français.

  • « Oui, monsieur le ministre ; la violence, c’est chose grossière, palpable, saisissable chez les ouvriers : un geste de menace, il est vu, il est noté. Un acte de brutalité, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges.
    Le propre de l’action ouvrière dans ce conflit, lorsqu’elle s’exagère, lorsqu’elle s’exaspère, c’est de procéder, en effet, par la brutalité visible et saisissable des actes. Ah ! Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. [...] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »

    Jean Jaurès
    (Chambre des députés, séance du 19 juin 1906)

  • Chopines—A Bizarre Form of Platform Shoes from 500 Years Ago - Neatorama
    http://www.neatorama.com/2014/04/18/Chopines-a-Bizarre-Form-of-Platform-Shoes

    Pictured above and below are chopines of Venice—platform shoes worn by upper class women and their imitators during the Sixteenth Century. To learn more about this fashion oddity, Collector’s Weekly interviewed Elizabeth Semmelhack, a curator at the Bata Shoe Museum in Toronto.

    These extreme platform shoes may have been impractical for everyday life. But to an extent, that was the point. Semmelhack explains that ihey offered upper class women in Spain and Venice a way to show off their wealth. This is especially true in Spain, where women wore their dresses to the tops of their chopines. In Venice, dresses extended to the ground, so the chopine was regarded as an undergarment.

    As you can see from these examples, they were very fancy undergarments.

    • En cours de Morphologie aux beaux-arts Mr Debord nous montrais une diapo de la « déambulette » de la princesse de venise. C’etait une gente de chaise porte bébé en bois et à roulette tout à fait instable dans laquelle elle etait suspendu les jambes à 1m du sol et elle etait porté et poussé de gondole en places dans la ville. Je ne retrouve pas d’image de la machine mais avec ce model de plat-forme on imagine la hauteur à laquelle pouvais se trouvé la plus grande Dame de la ville.

      Debord racontais aussi que Veronèse, peintre emblématique de l’époque avais été décrit pas les psychanalystes comme souffrant d’un complexe d’infériorité vis à vis femmes ceci à cause de la grande carrure des femmes dans la peinture de Veronèse.
      comme ici par exemple :


      En fait c’était la mode de Venise qui faisait que les femmes riches de l’époque avaient de grands dimensions. La forme des robes accentuaient la largeur des épaules ce qui devais ajouter encore de la grandeur à ces femmes montées sur échasses.


    • Les deux dames vénitiennes de Vittore Carpaccio
      Museo Correr, Venise


      Tantour Head Dress « Urban woman, Druze woman and peasant woman from Damascus. Photo by Sebah, 1873 » Poemas del río Wang : Tantour

      Les images de ce pinterest ont l’air interessante
      http://www.pinterest.com/laceydaisyknits/historical
      #a_fouiller

    • Chopines are basically crazy (L) or not so crazy (R) flatforms, which, as I remember it, were introduced from the Iberian Peninsula into Europe and worn most famously in Italy (and associated most famously with her courtesans.)

      The Bata Shoe Museum has an amazing podcast series, “On A Pedestal”, covering the evolution of shoes from the Renaissance to the Baroque era, including these chopines. But it also (and rather elegantly) brings up some really fascinating ideas about the evolution of gender identity and expression through dress, primarily its formation—via shoes!—in the 17th century.

      Giving the nine episodes a listen is highly recommended for fashion history nerds and feminists alike.

      I found the Bata Shoe Museum online while doing some research for a pair of early 17th century shoe heels I’m carving. YUP. Goin for it, making some shoes. Never made shoes before, only have a tiny bit of very accident-prone experience with woodcarving, but when I put my mind to something fantastical and impractical, there is really no stopping me.

      Which stands to reason that, well, someday we might see a 1620s Genoese dress from me, complete with chopines hiding under that insane lux dress.


      http://s-melville.blogspot.fr/2012/10/van-dyck-17th-century-genoese-fashion.html

      #genre #femme #femmes

      http://www.batashoemuseum.ca/podcasts/oap3/images/Bardini%20MCF-MB%201922-834002.JPG

      Tall chopines literally put women on pedestals, a fact reflected in their design. The flared sole of these chopines is reminiscent of a flower and is an elegant solution to the need for stability. Italian, c. 1590-1600 On loan from Comune di Firenze – Museo Stefano Bardini, (MCF-MB 1922-813 and MCF-MB 1922-834). Florence, Italy. Photo: Comune di Firenze, Musei Civici Florentini – Museo Stefano Bardini. All rights reserved.

      http://www.batashoemuseum.ca/podcasts/oap3/onapedestal_pc3.mp3

    • La mode des chopines vénitiennes
      Publié le juillet 8, 2013 par modress

      Les chopines sont un type de chaussure datant du XVème siècle, dont la particularité est un très haut talon en bloc qui atteint parfois les 70 cm. Elles ont, au début été créées afin de protéger les habits de la saleté puisque les robes étaient portées très longues. Elles étaient initialement portées par les courtisanes de Venise et les patriciennes mais la mode s’est ensuite répandue parmi les femmes nobles et en Espagne.

      Ces chaussures pour femmes confèrent une démarche peu élégante et instable. Il s’agissait d’un frein imposé par les hommes vénitiens, puisqu’avec les chopines, les femmes ne pouvaient se déplacer et ne pouvaient pas exercer les activités qu’elles désiraient telles que la danse, mal vu d’un point de vue religieux. Les femmes qui les portaient avaient un ou deux domestiques à leurs côtés pour les aider à marcher. Un danseur italien de renommée, Fabritio Caroso, affirme cependant que lorsque les femmes apprenaient l’art de marcher avec des chopines, elles pouvaient se déplacer avec « grâce, sensualité et beauté ».

      1377183734L’utilisation des chopines était improbables et certains ne comprenaient pas le but de cette mode. Les voyageurs de tous les pays visitaient Venise pour rencontrer desfemmes portant des chopines, à leurs yeux ridicules. En 1430, une interdiction de porter les chopines émane du « Maggior Consiglio », l’organe politique vénitien. Elle vise a interdire les chopines car considérées comme dangereuses pour les femmes suite à une multitude de fausses couches dues à des chutes dont étaient victimes celles-ci. L’interdiction est renouvelée en 1512 sans succès. Les chopines sont définitivement abandonnées au XVIIème siècle.

      https://histoiredeschaussures.com/2013/07/08/la-mode-des-chopines-venitiennes

    • Alfieri, Bruno, editor. Il Gioco dell’Amore: Le Cortigiane di Venezia dal Trecento al Settecento. Milano: Berenice, 1990.

      Alfieri’s text is a compilation of articles on Venetian courtesans from ca. 1300-1700. Chapters treat their luxurious life-styles, courtesans and gambling, courtesans and venereal diseases, courtesans and their image in Renaissance literature, courtesans and foreign travelers, courtesans and their musical talents, and (most importantly!) courtesans and fashion. Text includes many color reproductions of courtesans in art.

      Allen, D.E. “Fashion as a Social Process” in Textile History 22, no. 2 (1991): 347-58.

      This brief article based on a number of sources provides an excellent introduction to terms and concepts used in describing fashion, fashion cycles, and the phenomenon of fashion in general.

      Anderson, Ruth Matilda. “The Chopine and Related Shoes” in Cuardernos de la Alhambra. Vol. 5, 1969: 33-50.

      This article is specifically on Spanish chopines as a footwear fashion in early modern Europe. The article states that the ’chapin’ was worn by important women and that early examples of men’s chopines exist as well. The construction of the Spanish version of the shoe is described, as it is usually made of two vamp sections, an insole, and a side part, all mounted on a cork platform. Anderson’s article is interesting since it refutes the common idea that chopines originated in Venice. Instead the author maintains the style was originally from the Iberian peninsula, where cork abounded and served as the base of all chopines. Possibly the first European example of chopines came from Alhambra. Spanish chopines were heavily decorated with designs of animals, scrolls, flowers, illustrations of the Pope, etc. (whereas Venetian models were simpler, often having only punched leather abstract designs). Anderson understands that these shoes are difficult to date yet refers to guild documents from several Spanish cities—proving that chopines were in existence in Spain in the fifteenth century, apparently before the first Venetian chopines existed. An interesting reference to a chopine-related expression is mentioned, “ponerse en chapines” meaning to raise one’s self above one’s condition.

      ’Escolta de una gran senora en Barcelona’ by Christoph Weiditz, Nationalmuseum, Nuremberg, Germany.

      Bata Limited. All About Shoes: Footwear Through the Ages. Toronto: Bata Limited, 1994.

      This book is a predominantly pictorial account of exceptional kinds of footwear worn by humans throughout the ages, and on all continents. All of the photographed examples included are part of Toronto’s Bata Shoe Museum collection. The compilation makes one ask what can be learned about beliefs and culture through shoes.

      Bata Shoe Museum Folders: each are compilations of articles, index cards, reviews, etc. relating to footwear in the following areas::

      “Fetishism, Footwear and Foot”

      “Medieval 500-1500”

      “Europe”

      “Italy”

      “Middle East”

      Bentivenga, Ferruccia Cappi. Abbigliamento e Costume nella Pittura Italiana nel Rinascimento. Roma: Carlo Bestetti Edizioni d’Arte, 1962.

      This massive volume is a comprehensive guide to Renaissance Italian fashion as portrayed in surviving paintings, frescoes and other fine arts. Pisanello’s depicted style of dress, French influence on Italian fashion, hairstyles, poor and artisan-class fashion, veils, laces, children’s clothing, Venetian styles, German-inspired styles, sleeve styles, fashion based on fantasy, ecclesiastical fashion and accessories, are included to name but a few topics included in this excellent reference-type work.

      Birbari, Elizabeth. Dress in Italian Painting 1460-1500. London: John Murray, 1975.

      This book is about Italian fashion in the Renaissance focusing on shirts, doublets, dresses, sleeves, fastenings, and head veils. It does not include a formal chapter on footwear, but one can come to one’s own conclusions about styles and designs since color paintings are reproduced throughout the text in which shoes are ubiquitous.

      Blutstein, Elisabeth, editor. 4000 Ans d’Histoire de la Chaussure. Blois: Chateau de Blois, 1984.

      Although this book describes 4000 years of human footwear, it concentrates on the period from the Renaissance to the twentieth century. The book is includes a chapter on objects in the shape of shoes (but never used as shoes) including flasks, porcelain sculptures and wooden shoe forms. The history of shoe production in the city of Blois is highlighted since this publication is a catalog of an exhibition held at the Chateau de Blois in 1984.

      Bottero, Amelia. Nostra Signora la Moda. Milano: Mursia, 1979.

      This book is similar to that written by Silvia Giacomoni—both focus on the Italian Look and its origin in post-World War II Europe. Bottero explains technical aspects of fashion design and production and focuses on the masters of the craft since the Fifties.

      Cunnington, Phillis. Costume in Pictures. London: Studio Vista, 1964.

      Cunnington traces the history of mostly British (and later American) clothing styles from the Middle Ages to the twentieth century. “In the art of costume, the nature of the materials, their form and colour, combine to indicate, mostly by symbols, certain ideas: costume is far more revealing than nudity” is the basic thesis of this heavily illustrated guide to fashion. Cunnington demonstrates that clothes denote social rank, occupation, sex, and ideas.

      Ferretti, Massimo, editor. Roberto Capucci: I Percorsi della Creativita. Roma: Fabbri Editori, 1994.

      This is another glossy-paged Italian fashion text reproducing designs made by Roberto Capucci which were on display in Rome in 1994. Although not based on shoes, the Capucci collection makes one think of the meaning of fashion in general, demonstrating the twentieth century’s capacity to interpret design in a variety of ways by hundreds of artists in contrast to the Renaissance period, when fashion seems to have been more homogenous due to long ’fashion cycles,’ and when the importance of the individual designer seems to have counted less.

      Giacomoni, Silvia. L’Italia della Moda. Milano: Gabriele Mazzotta editore, 1984.

      This books reports on the current state of events (as of 1984) in the fashion world in Milan, Italy, focusing on brilliant designers: Versace, Armani, Cerruti, Fendi and Ferre. Giacomoni recounts public information on the world of Italian fashion while attempting to explain why the Italian look has been so successful worldwide. Giacomoni hypothesizes that the look was born in a traditionally poor country which finally liberated itself from elementary needs after the second world war, thus beginning to re-explore aesthetic realms.

      Grew, Francis and Margarethe de Neergaard. Shoes and Patterns: Medieval Finds from Excavations in London. London: Her Majesty’s Stationery Office, 1988.

      This academic text relates information on archaeological finds from ten separate excavations where footwear was discovered, mainly in thick anaerobic organic deposits, especially along the Thames. The author includes technical information on poulaines, additionally noting that the toes were stuffed with moss and that could be stitched in 4 or 5 different manners. Grew also dedicates chapters to wooden pattens, and shoes as represented in art and literature.

      Herald, Jacqueline. Renaissance Dress in Italy 1400-1500. ed. Aileen Ribeiro. London: Bell and Hyman, 1981.

      This is a comprehensive volume of fashion in Renaissance Italy which includes hundreds of reproductions of clothing-filled paintings. The author treats such subjects as: the importance of fashion and beauty in the Renaissance, dress as a narrative, extravagance at court, jewelry, and embroidery. An important glossary of Renaissance dress and textile terms follows and chopines here are interchangeably termed “pianelle,” which, however, seem to denote both slippers, as well as slippers mounted on platforms as part of chopine. Further, Carpaccio’s famous painting of two presumed courtesans is refuted to be just that—Herald upholds it to be a depiction of two Venetian ladies wearing typically Venetian styles. If one interprets contextual clues present in Carpaccio’s painting, including a peacock (representing vanity), doves (representing love; or birds as a sexual pun in Italian), and dogs (representing fidelity), removed chopines (representing availability), and a dwarf (representing sexuality), it is clear that the women are courtesans. Herald also lists the seven types of Renaissance Italian shoes, being: calcetto, calza, pedule, pianella, scarpe, stivale, and zoccolo. See Vocabulary section of this site for additional words and their meanings

      Heyraud, Bertrand. 5000 Ans de Chaussures. England: Parkstone Press, 1994

      This folio size glossy text illustrates and explains the general origins of shoes from the beginning of human history to the present, but is especially focused on twentieth century examples and developments.

      Jackson, Beverly. Splendid Slippers: One Thousand Years of an Erotic Tradition. Berkeley: Ten Speed Press, 1997.

      This book explains why tiny feet were so highly valued in Chinese culture for a period spanning roughly one thousand years. Although Jackson is particularly interested in lotus slippers as textile artifacts, she explains how footbinding was accomplished, why it was popular, and why small feet were regarded as erotic. Parallels between bound feet and chopines can easily be made from information present in this book.

      Kiernan, Matthew. “Stepping Out: Footwear in the Collection of the Museum of Fine Arts, Boston” in Dress, 1981: 9-29.

      This article includes photographs and explanations of shoes (including fourteen pairs of Venetian chopines) held at Boston’s Museum of Fine Arts. Several dates and places of origin of shoes mentioned in this article have been disputed by June K. Swann, an authority of footwear history. Although this article is not always factually reliable, it speculates (among other things) about the origin of chopines, which, according to Kiernan, came from Spain and were there known as “cow’s feet” due to their hoof-like base.

      Lawner, Lynne. Lives of the Courtesans: Portraits of the Renaissance. New York: Rizzoli, 1987.

      This folio sized text contains reproductions of nearly all surviving images of courtesans, prostitutes, and paintings of Venus, the goddess of love. Lawner reproduces primary sources on courtesans including examples of their poetry, sumptuary legislation aimed at their class, and foreigner’s impressions of them upon visiting Venice. These primary sources are interpreted throughout the book between chapter-length discussions on the courtesan in Rome and Venice, the courtesan in literature, the courtesan’s image in art, and the courtesan in Venetian, French, and Northern European painting.

      Laver, James. Costume and Fashion. London: Thames and Hudson, 1969.

      Laver’s book is a concentration on the forms and materials used to make clothing throughout the ages. Laver divides his discussion of costume into categories which include male and female, fitted and draped, and tropical and arctic. He notes that clothes were first worn in Genesis by Adam and Eve for reasons of modesty, but with time became reasons in themselves for display. He states as well that ancient Greek courtesans wore extravagant, gilded footwear, the soles of which were often studded with nails leaving a footprint which literally read, “FOLLOW ME.”

      Ledger, Florence E. Put Your Foot Down. Wiltshire, U.K.: C. Venton, 1985.

      This general text covers the story of shoes from Ancient Egypt to the present, while focusing heavily on English sources. In relation to chopines, they are said to have reached Europe via the Orient by way of Venice. However, similar platform shoes are said to have been worn by tragic actors in ancient Greek drama. Ledger hypothesizes that the style could have been adopted in France by Anne of Brittany (1477-1514) to hide her limp. Generally, they were worn under long gowns and went unseen. The author also notes the difficulty encountered by Venetian ladies wearing the style since they had to climb into and out of gondolas with their stilt-like platforms.

      Mazza, Samuele. Scarperentola. Milano: Idea Books, 1993.

      This small-sized book is a collection of color photographs of sculpture based on the form of the shoe. The Italian artists who designed the photographed objects demonstrate much flexibility with regard to their various interpretations of the foot as an object aesthetically appealing in itself, independent of the idea of a shoe as an utilitarian foot covering.

      McDowell, Colin. Shoes: Fashion and Fantasy. London: Thames and Hudson, 1989.

      McDowell talks about fads in fashion, and lists the chopine as one of the earliest examples of such. McDowell claims that the chopine originated in the East, was subsequently worn by Greek actors (whose shoes were called ’cothurni,’) and later became the Venetian ’chopine.’

      Mulassano, Adriana. The Who’s Who of the Italian Fashion. Firenze: Edizioni G. Spineli & C., 1979.

      This text describes Italian high fashion, which supposedly came into existence in Florence in 1951, because of an extraordinary designer named Giorgini. The text then explores the image and careers, in alphabetical order, of forty protagonists of the ’Italian look’ which caught hold in America after 1956. Seeing many famous designers in photos reproduced here dating from the 1970s is amusing, as well as reading outdated information about their goals, ambitions, and the future of the fashion world.

      Origo, Iris. The Merchant of Prato. London: Penguin Books, 1957.

      This is a kind of ’case-study’ of the crafty merchant, Francesco Datini, of Prato. Information on the Tuscan merchant class, and on goods which circulated in and around Prato can be found here.

      Pellizzari, Piero. Multilingual Footwear Dictionary.

      Pellizzari’s dictionary includes hundreds of Western shoe-related terms, and is cross-referenced between five modern European languages.

      Pizzati, Gino, editor. I Mestieri della Moda a Venezia. Venice: Stamperia di Venezia, 1988.

      Pizzati’s is an excellent text describing the artisan and guild world relating to fashion production in Renaissance and early modern Venice. An entire section is dedicated to shoe production and repair carried out by the ’Calegheri’ and the ’Zavateri’ respectively. Numerous photographs of extraordinary chopines, zoccole, and other Venetian shoes made by masters of the craft fill these pages. Information about the guild structure, a glossary of shoe terms used in the Venetian past, sumptuary legislation relating to shoe styles, tools used by the guild, and all other relevant surviving documentation is included.

      Rosenthal, Margaret F. The Honest Courtesan: Veronica Franco, Citizen and Writer in Sixteenth-Century Venice. Chicago: University of Chicago Press, 1992.

      Rosenthal writes about the social and sexual climate in Venice before focusing her theme on the life and works of the talented courtesan, Veronica Franco. Rosenthal explains why Franco had enemies (and what they wrote about her), as well as interpreting what Franco herself wrote and published in sixteenth-century Venice.

      Ruggiero, Guido. Binding Passions: Tales of Magic, Marriage and Power at the End of the Renaissance. New York: Oxford University Press, 1993.

      This book is a collection of five tales dedicated to the kinds of people which usually go unmentioned in standard history books of the Renaissance period including: fortune tellers, courtesans and prostitutes, and practitioners of black magic.

      Ruggiero, Guido. The Boundaries of Eros: Sex Crime and Sexuality in Renaissance Venice. New York: Oxford University Press, 1985.

      This text is a helpful guide to understanding human relationships in fifteenth-century Venice by highlighting the line drawn between normal and abnormal sexuality (as determined by the ruling class).

      Ruggiero, Guido, editor. La Storia della Prostituzione. Firenze: Giunti, 1988.

      This colorful booklet gives a brief history of prostitution as well as illustrates Italian courtesan fashion. Text includes reproductions of a painting by Carpaccio, and of Vecellio’s etchings in which chopines and courtesans are present.

      Severa, Joan and Merrill Horswill. “Costume as Material Culture” in Dress: The Annual Journal of the Costume Society of America. Earlsville, MD: . Vol. 15, 1989: 51-64.

      This article is relevant to the creation of a methodology for studies pertaining to clothing as an example of material culture. The article starts by mentioning some familiar names in the field: Prown, Ames, Ferguson, Kubler, Fleming, and others. The authors note how costumes reveal information about a person’s attitudes, beliefs, and assumptions about their culture. The authors state that scholars in the field agree on the following ideas: 1) a formal study may be made of either verbal or non-verbal documents; 2) the study of objects is pursued by setting up a series of questions which can be asked of and answered by the objects themselves; 3) methodology for study must vary according to the subject matter studied, the object type, and the information one desires to extract from the material culture. Next, a detailed methodology for the study of costume is proposed, and then applied to three similar dresses from ca. 1840. For a methodology designed specifically for the study of Renaissance footwear, please see the section of this site entitled Artifact Analysis and Methodology.

      Thornton, J.H. “A Glossary of Shoe Terms” in Costume: The Journal of the Costume Society. London: Published for the Society. Vol. 11, 1977: 29-32.

      A brief yet helpful glossary for novices entering the world of shoe making and design where technical terms abound.

      Trasko, Mary. Heavenly Shoes: Extraordinary Twentieth Century Shoes. New York: Abbeyville Press, 1989.

      This text attempts at explaining the meaning of shoes on different levels. It includes numerous color pictures of shoes, especially those created by contemporary designers such as Yantourney, Ferragamo, Vivier, Perugia, Chanel, Prada, etc. Roger Vivier is quoted on footwear, which he considers to be “a sculptural problem in which the center is always void.” Another designersee them as our “spiritual contact with the earth.” Trasko herself calls shoes “capable of inspiring imaginative caprice and private longing on an extravagant and exultant scale.” Her basic thesis is that some of the greatest, most creative and inspiring designs can be found throughout history in shoe form. She also notes that for centuries women’s feet and their coverings have held an “oddly exalted position” and that psychologists maintain “a fascination with feet and shoes is the most common form of sexual fetishism in Western society.”

      Vecellio, Cesare. Vecellio’s Renaissance Costume Book: All 500 Woodcut Illustrations from the Famous Sixteenth Century Compendium of World Costume. New York: Dover Publications, 1977. (originally: Habiti Antichi et Moderni. Venice: Damian Zenaro, 1590.)

      This book is a reprint of Vecellio’s late sixteenth century fashion guide composed of ca. 500 woodcuts relating to world costume, with particular focus on the author’s native land. Being a cousin of the great painter Tiziano, Vecellio accessed the art world by creating woodcuts, which have become one of our most reliable guides to fashion of his day. Vecellio’s guide represents the century’s greatest achievement in costume anthologies and does include numerous Venetian ladies wearing chopines. Both aristocratic women as well as courtesans don the shoe style, as well as near identical hairstyles, dresses, and fans. The modern-day publisher states in the introduction, “The sixteenth century was the golden age of the costume book. The great wealth of the mercantile classes was reflected not only in conspicuous consumption, clothes being a principle article [shoes as a part of clothing can fairly be interpreted here], but also in a great wave of travel and exploration in search of markets and raw materials, with the concomitant discovery of exotic modes of dress” (p.iii) which applies wholeheartedly to the presence of the extravagantly luxurious chopines in merchant-class Venice whose journeymen returned home with an Eastern prototype.

      Villa, Nora. Le Regine della Moda. Milano: Rizzoli Editore, 1985.

      This is a general book on contemporary Italian fashion and its place in Italian life. Villa examines four dominant names of the 1980s: Laura Biagiotti, Fendi, Missoni and Krizia and discusses their ability and capacity to find the best forms for fashion design.

      Wedeck, Harry E. Pictorial History of Morals. New York: Philosophical Library, 1963.

      This is a book of moral/immoral behavior as depicted in paintings in early modern Europe. Examples include a naked woman standing next to a pair of chopines by Jacob Jordaens (1593-1678) and a newlywed bride approaching her reclining husband while delicately stepping toward him in a pair of moderately-tall, exquisite chopines, painted by Giovanni da San Giovanni.

      Wilcox, Ruth Turner. The Mode in Footwear. New York: C. Scribner’s Sons, 1948.

      This is a general book on footwear fashions from the beginning of history to the present. Although some scholars do not interpret the information in this text as factual, Wilcox’s speculation is valuable and makes one question a more narrow kind of academic research, based on often scant textual documentation. Wilcox notes anecdotes and freely gives her opinions throughout, such as, “The Greeks felt more dignified to walk barefooted in order to freely enjoy the rhythmic movement of one’s body when walking.”

      Wilson, Eunice: A History of Shoe Fashions. London: Pitman, 1969.

      This academic text on shoes is based on information taken from books, paintings, sculpture, statuary, written evidence, and focuses mainly on the Anglophone world, tracing shoe history from pre-Roman Britain to English-speaking North America. One full chapter is dedicated to chopines, and illustrations represent the different kinds of uppers and soles designed. Wilson states that chopines “restricted a woman in her walking...and this itself served as a status symbol [since servants had to accompany these women; and since these women could not do any manual labor while wearing platform shoes]; they rendered her stance unstable and therefore added to the men’s feeling of superiority.” Wilson definitely believes that chopines originated in Venice (in contradiction to Anderson’s belief that they definitely developed in Spain). Chopines were the first European heeled shoe.

      Yalom, Marilyn. A History of the Breast. New York: Alfred A. Knopf, 1997.

      This book helps one understand the importance of breasts in relation to ideas about feminine beauty in Renaissance culture (and how these ideas evolved from the concept of the breast as a sacred, life-giving organ to an erotic one). The importance of the breast in Western culture can be seen in contrast to an Eastern symbol of beauty and eroticism, the foot.

      Yriarte, Charles. La Vie d’un Patricien de Venise au XVIe siecle. Paris: J. Rothschild Editeur, 1874.

      This nineteenth-century book is dedicated to presenting the noble Barbaro clan and their estates located throughout the Veneto. While describing the family, the author sidesteps by illuminating Venetian women of the sixteenth century, the Venetian government (including the Grand Council, the Senate, the Doge), and the Ponte Rialto which served as the commercial center of the city.

      Zorzi, Alvise. Cortigiana Veneziana: Veronica Franco e i Suoi Poeti. Milano: Camunia, 1986.

      I read this book hoping to find references to what Veronica Franco (one of the most famous Venetian courtesans of sixteenth-century Venice) wore on her feet. Unfortunately, I found no such reference, but, the text helped me understand (along with Margaret F. Rosenthal’s The Honest Courtesan and Pietro Aretino’s Sei Giornate) what the life of the courtesan was like, and how it compared to that of the Venetian patrician.

    • Depuis des siècles, les hommes placent les femmes sur des piédestaux. La mode, aussi parfois jusqu’au ridicule. Au XVIe siècle, à Venise, des chaussures appelées chopines élèvent les femmes à des hauteurs atteignant 75 cm, on dit que plus une femme était noble, plus ses Chopines étaient vertigineuses. Ces plates-formes de lèges ou de bois étaient habituellement recouverte de cuir ou de velours cousu de pierres précieuses et assortis à la chaussure. Dérivée d’un style de chaussures si répandu dans l’Espagne du XVe siècle que les ressources de liège du pays furent presque épuisées, la chopine vénitienne devient le symbole même de la richesse et de l’aristocratie. Il faut l’aide de deux domestiques pour marcher dans ces chaussures ridiculement peu pratique mais qui font l’orgueil des élégantes, en dépit des moqueries des voyageurs accourant à Venise pour voir ces femmes statufiées sur leurs piédestaux.

      La mode des chopines atteint la France et l’Angleterre. Là aussi, les femmes tanguent stoïquement sur des plates-formes trop élevées pour sortir sans assistances. Ces « escabeaux », comme on les appelle alors, tombent en désuétude deux siècles plus tard, quand on découvre qu’il suffit d’abaisser l’avant de la chopine pour pouvoir marcher. Le talon est né et les talons rouges allaient remplacer les chopines dans leur fonction symbolique. Les plates-formes n’atteindront plus jamais les hauteurs de la chopine mais réapparaissent périodiquement au XXe siècle, à des intervalles de vingt ans environs.

      Les chopines furent interdites après qu’un nombre impressionnant de Vénitiennes aient été victimes de fausses couches à la suite de chutes. Dans le reste de l’Europe, la vogue continua néanmoins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

      Les maris vénitiens auraient imposé les chopines à leurs épouses pour les empêcher de s’égarer…

      L’église, par ailleurs peu soucieuse d’encourager les excès vestimentaires, voyait d’un bon œil le port de la chopine, en gênant le mouvement, décourageait certaines activités condamnables comme la danse.

      Surnommées « sabots de vaches » ou « gueules de bœuf », tournées en dérision par les contemporains, les chopines peuvent se classer parmi les monstruosités de la chaussure.

      Dans l’Angleterre du XVIe siècle, un mariage pouvait être annulé si la fiancée avait triché sur sa taille en portant des chopines.

      http://www3.sympatico.ca/blackpearl/italie.html

    • Impossible de retrouvé ce « suspenseur de princesse de venise » dont M.Debord mon prof de morphologie m’avait parlé et montré une diapo aux beaux-arts.
      Je sais pas si tu connais cet objet @simplicissimus mais voici un dessin que j’ai fait de mémoire de la chose


      C’etait en bois tourné avec un aspect assez fragile et instable avec des petites roulettes qui devaient pas être très efficaces pour se déplacé. Les pieds de la princesse étaient sensé flotté dans le vide.
      Ca semble être un objet unique, seule la princesse de venise avait droit à ce suspenseur. Ca devait être pratique à Venise entre les pavés et les gondoles !

      Sinon pour les chopines le mot viens du nom vénitien de ces plat-formes - « zoppieggi ».