#Elite gathering reveals anxiety over ‘class war’ and ‘#revolution’
Financial Times 2 mai 2019
The Milken Institute’s annual gathering of the investment, business and political elites this week featured big names from US Treasury secretary Steven Mnuchin to David Solomon, chief executive of Goldman Sachs.
[..,]
Despite widespread optimism about the outlook for the US economy and financial markets, some of the biggest names on Wall Street and in corporate America revealed their anxiety about the health of the economic model that made them millionaires and billionaires.
Mr Milken himself, whose conference was known as the predators’ ball when he ruled over the booming junk bond market of the 1980s, was among those fretfully revisiting a debate that has not loomed so large since before the fall of the Berlin Wall: whether capitalism’s supremacy is threatened by creeping socialism.
Mr Milken played a video of Thatcher from two years before she became UK prime minister. “Capitalism has a moral basis,” she declared, and “to be free, you have to be capitalist”. Applause rippled through the ballroom.
In the run-up to the conference, essays by Ray Dalio of Bridgewater Associates and Jamie Dimon of JPMorgan Chase about the case for reforming capitalism to sustain it have been widely shared. Executives are paying close attention to what one investment company CEO called “the shift left of the Democratic party”, personified by 2020 presidential candidates Bernie Sanders and Elizabeth Warren and the social media success of Alexandria Ocasio-Cortez, the democratic socialist elected to Congress last year.
Former Alphabet chairman Eric Schmidt issued his own rallying cry as he sat beside Ivanka Trump to discuss the conference theme of “driving shared prosperity”.
“I’m concerned with this notion that somehow socialism’s going to creep back in, because capitalism is the source of our collective wealth as a country,” Mr Schmidt said, urging his fellow capitalists to get the message out that “it’s working”.
Mr Milken asked Ken Griffin, the billionaire founder of the hedge fund Citadel, why young Americans seemed to have lost faith in the free market, flashing up a poll on the screen behind them which showed 44 per cent of millennials saying they would prefer to live in a socialist country.
“You and I grew up in a different era, where the cold war was waking up and there was a great debate in America about the strengths and weaknesses of socialism as compared to the economic freedom that we enjoy in our country,” Mr Griffin replied, saying that they had “seen that question answered” with the collapse of the Soviet Union.
The younger generation that support socialism are “people who don’t know history”, he said.
Guggenheim Partners’ Alan Schwartz put the risks of rising income inequality more starkly. “You take the average person . . . they’re just basically saying something that used to be 50:50 is now 60:40; it’s not working for me,” he told another conference session, pointing to the gap between wage growth and the growth of corporate profits.
“If you look at the rightwing and the leftwing, what’s really coming is class warfare,” he warned. “Throughout centuries what we’ve seen when the masses think the elites have too much, one of two things happens: legislation to redistribute the wealth . . . or revolution to redistribute poverty. Those are the two choices historically and debating it back and forth, saying ‘no, it’s capitalism; no, it’s socialism’ is what creates revolution.”
There was less discussion of the prospect of higher taxes on America’s wealthiest, which some Democrats have proposed to finance an agenda many executives support, such as investing in education, infrastructure and retraining a workforce threatened by technological disruption and globalisation.
One top investment company executive echoed the common view among the conference’s wealthy speakers: “ Punitive #redistribution won’t work.”
But another financial services executive, who donated to Hillary Clinton’s US presidential campaign in 2016, told the Financial Times: “ I’d pay 5 per cent more in tax to make the world a slightly less scary place .”
]]>Financer l’action sociale avec des fonds privés : les débuts laborieux des « contrats à impact social », Isabelle Rey-Lefebvre
▻https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/07/les-debuts-laborieux-des-contrats-a-impact-social_5432627_3224.html
Les CIS obéissent à une logique très macronienne, en associant le public et le privé. Seuls trois contrats ont été conclus en trois ans.
Cela fait trois ans qu’ils existent, mais on ne peut pas dire qu’ils se soient vraiment imposés dans le paysage. Christophe Itier, haut commissaire à l’économie sociale et solidaire, tire, ce jeudi 7 mars, un premier bilan des contrats à impact social (CIS). Ils ont été lancés en 2016 par Martine Pinville, qui était alors secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale et solidaire d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie. Et M. Itier entend leur redonner du souffle. Cette formule vient du Royaume-Uni, où elle a été expérimentée, dès 2010, sur l’insertion des prisonniers à leur sortie de la prison de Peterborough, parvenant à réduire le taux de récidive de 9 %.
Les CIS obéissent à une logique très macronienne, en associant le public et le privé, cette fois dans le domaine de l’#action_sociale. Ces contrats réunissent quatre partenaires : une association ou un opérateur qui propose une innovation sociale ; un investisseur privé qui la finance ; une entité publique, Etat ou collectivité locale, qui remboursera l’investisseur avec intérêts (entre 3 % et 5 %) si les objectifs de performance fixés au contrat sont remplis ; et un évaluateur externe chargé de vérifier les résultats.
« Mesurer les coûts évités »
« C’est une nouvelle façon de concevoir l’action publique, plus tournée vers la prévention, en mesurant les coûts évités grâce à cette action et permettant aux associations de passer à une échelle supérieure, s’enthousiasme M. Itier. Plus de vingt pays ont adopté ce système, décliné en 120 projets, pour un investissement total de 400 millions d’euros. »
Un premier appel à projets, en 2016, avait obtenu quinze réponses. Seuls trois contrats ont été conclus.
En France, le bilan est bien plus modeste. Un premier appel à projets, en 2016, avait obtenu quinze réponses. Seuls trois contrats ont été conclus. Trois autres devaient être officialisés le 7 mars, pour un total de 9,7 millions d’euros. L’association La cravate solidaire a, après une longue année de mise au point, signé son CIS fin décembre 2018. Elle espère développer son activité de coaching des jeunes à la recherche d’un emploi : « Il ne s’agit pas seulement de trouver un costard au jeune, mais de lui donner confiance et le préparer à l’entretien », explique Nicolas Gradziel, l’un des trois fondateurs que ce projet a réunis à leur sortie d’école de commerce.
Cette activité pourra ainsi, avec l’apport de 500 000 euros par les assurances Maif et Aviva, la Caisse des dépôts et le fonds Inco – ex-Comptoir de l’innovation, géré par le #groupe_SOS – s’étendre au Val-d’Oise et en Seine-Seine-Denis. Un camion itinérant, deux salariés et des bénévoles sillonneront les banlieues les plus oubliées. « Nous devrons prouver, à l’aide d’indicateurs, que notre méthode assure un plus grand succès à l’entretien d’embauche que si le jeune n’a pas bénéficié de nos conseils », précise M. Gradziel.
L’association Wimoov, du groupe SOS, aide les chômeurs et bénéficiaires du #RSA à trouver des solutions de transports pour les inciter à accepter un emploi ou une formation qui leur semblent géographiquement hors de portée. « Ce sont de petites actions, avec un conseil personnalisé, explique Florence Gilbert, fondatrice de Wimoov. Par exemple, convaincre un chômeur de prendre sa bicyclette pour parcourir les cinq kilomètres qui le séparent de son emploi ou de la gare en lui proposant un vélo à prix réduit et un itinéraire rapide et sûr ; aider un jeune à passer son permis et acquérir une voiture à petit prix ; organiser un covoiturage avec de petits bus ; convaincre une ville de modifier les horaires d’un car. »
Un CIS soutient l’activité de l’association Article Un, qui aide les jeunes ruraux boursiers à oser choisir des études longues et difficiles.
Wimoov compte 130 conseillers en mobilité quotidienne, répartis dans 27 plates-formes financées par les collectivités locales. Ils conseillent, chaque année, 11 000 personnes. Dans ce cas, le CIS apporte 750 000 euros financés par la BNP, le Crédit coopératif, la Caisse des dépôts et toujours le fonds Inco. Il permet de développer un nouvel outil, numérique cette fois, pour un plus grand nombre de bénéficiaires, à un coût moindre, avec diagnostic par internet.
Un troisième CIS soutient l’activité de l’association Article Un, qui aide les jeunes ruraux boursiers à oser choisir des études longues et difficiles. Il est financé par le fonds B, lancé à titre personnel par Emmanuel Faber, Président de Danone, souvent consulté par Emmanuel Macron.
« Ambiguïté »
Ce principe des CIS ne fait cependant pas l’unanimité. « Evaluer l’action sociale est une bonne chose et nous avons des progrès à faire dans ce domaine, admet Patrick Doutreligne, président de Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, qui représente les trois quarts des intervenants dans le domaine sanitaire et social. Mais c’est toute l’ambiguïté de ces contrats à impact social : on voit bien que leur but n’est pas seulement d’être plus efficace mais d’abord de faire des économies d’argent public. Les indicateurs peuvent être biaisés et l’attribution de ces contrats rester opaque et source de conflits d’intérêts. »
Conscient de la difficulté qu’ont les CIS à se multiplier, M. Itier cherche à en simplifier le processus. Il a confié cette mission à Frédéric Lavenir, président de l’Association pour le droit à l’initiative spécialisée dans le microcrédit, qui fera ses propositions d’ici au mois de juin.
Quand le social finance les banques et les multinationales , Collectif
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/10/quand-le-social-finance-les-banques-et-les-multinationales_4880783_3232.html
Les « investissements à impact social » posent des problèmes graves, qui remettent en question les missions de l’Etat, la nature du travail social et le rôle des associations, expliquent les membres d’un collectif d’associations de terrain.
"Trois arguments sont mis en avant pour promouvoir les SIB : dans une période de pénurie d’argent public, faire appel au privé est une solution innovante ; la puissance publique ne prend aucun risque car les investisseurs ne sont payés que si les objectifs sont atteints ; à terme, le contribuable fait des économies. Tous sont fallacieux."
Le gouvernement s’apprête à introduire en France les « investissements à impact social », avec, pour fer de lance, la création de « Social Impact Bonds » (SIB) pour lesquels il ne reste plus qu’à trouver une appellation « à la française ». Depuis la remise au gouvernement en septembre 2014 du rapport d’Hugues Sibille (alors vice-président du Crédit coopératif, dont il préside désormais la Fondation), le lobbying en faveur des SIB n’a jamais cessé.
Le 4 février 2016, Le Monde publiait un article faisant la promotion des SIB, sous le titre « Quand les investisseurs privés financent l’action sociale », signé par Benjamin Le Pendeven, Yoann Lucas et Baptiste Gachet, qui sont aussi les auteurs du document « Social Impact Bonds : un nouvel outil pour le financement de l’innovation sociale » financé et diffusé par l’Institut de l’entreprise, un think tank dépendant des grands groupes industriels et financiers français.
Depuis, une partie de la presse a suivi : Les Echos, La Croix, Libération et L’Humanité… Ces articles comportent nombre d’approximations sur le fonctionnement de ces produits financiers et en cachent les méandres qui permettent aux organismes financiers, aux consultants et aux cabinets d’audit de dégager des marges considérables.
Trois arguments sont mis en avant pour promouvoir les SIB :
– Dans une période de pénurie d’argent public, faire appel au privé est une solution innovante ;
– La puissance publique ne prend aucun risque car les investisseurs ne sont payés que si les objectifs sont atteints ;
– à terme, le contribuable fait des économies.
Tous sont fallacieux.
Supériorité du privé sur le public jamais démontrée
Le premier argument est vieux comme le capitalisme. En réalité, la meilleure participation « innovante » du privé serait que les grands groupes multinationaux bancaires ou industriels payent les impôts dans les pays où ils réalisent leurs profits et que l’optimisation et l’évasion fiscales ne soient plus possibles (il n’y aurait alors plus de déficit budgétaire dans aucun pays de l’Union européenne).
Le second est également faux : le vrai risque est toujours assumé par la puissance publique, qui paye en dernier ressort, soit en rémunérant dans des conditions exorbitantes les financeurs, soit en reprenant le programme à son compte en cas d’échec (comme cela a été le cas, par exemple, pour le tout premier SIB, censé réduire la récidive des prisonniers de Peterborough, en Grande-Bretagne, et abandonné en cours de route).
La meilleure participation « innovante » du privé serait que les grands groupes multinationaux bancaires ou industriels payent les impôts dans les pays où ils réalisent leurs profits
Pour le troisième, la supériorité du privé sur le public, aussi bien en termes d’efficacité que d’efficience, n’a jamais été démontrée.
L’expérience des partenariats publics privés (PPP) prouve le contraire, comme le souligne le rapport de la commission des lois du Sénat.
En clair, une autorité publique (souvent conseillée par les financeurs) qui souhaite engager une action dans un domaine social (insertion, récidive, décrochage scolaire, parentalité etc.), mais a des difficultés financières ou souhaite rompre avec le subventionnement des associations, s’adresse à un « organisme financier intermédiaire » (une banque qui, bien entendu, se rémunère). Cet intermédiaire récolte des fonds auprès d’investisseurs (banques, fondations d’entreprises, épargnants…) qui souhaitent s’impliquer dans le domaine social, tout en effectuant un investissement rentable.
Un évaluateur de l’évaluateur de l’évaluateur
L’autorité publique fixe (en principe) des objectifs à atteindre. L’intermédiaire sélectionne ensuite un « opérateur » qui peut être une association, mais aussi une entreprise privée (qui se rémunérera aussi) lequel sera chargé de la mise en œuvre.
Un cabinet d’audit « indépendant » (également rémunéré) sera chargé de l’évaluation. Alors qu’il est très délicat d’évaluer des résultats dans le domaine social, dans certaines expériences en cours à l’étranger, il a été fait appel à un évaluateur de l’évaluateur et même un évaluateur de l’évaluateur de l’évaluateur (un nouveau marché pour les cabinets spécialisés).
Bien entendu les thuriféraires français des SIB et le gouvernement nous promettent de faire mieux, puisque ce sera « à la française ».
Au final, selon les résultats obtenus, les investisseurs vont recevoir, un retour sur investissement payé par l’autorité publique (donc par l’impôt des citoyens) à deux chiffres (jusqu’à 13 % voire, 15 % par an, selon les contrats).
Un modèle prestataire
Dans le système antérieur, une tout autre relation liait les associations (par définition non-lucratives) et les pouvoirs publics. Bons experts du terrain et du territoire, elles pouvaient conduire leur travail social, avec le plus souvent des professionnels, de façon relativement autonome, dans un climat de confiance et de coopération démocratique. Ce modèle est désormais déclaré caduc. À la mission de service public rémunérée par une subvention assortie de certaines contreparties se substitue aujourd’hui un modèle prestataire, régulé par la concurrence, au service de collectivités publiques se considérant elles-mêmes comme des entreprises.
Les SIB sont bien une nouvelle forme de partenariats public-privé (PPP), tristement connus dans le domaine du BTP, dont les conséquences désastreuses ont déjà été soulignées à maintes reprises, y compris par la Commission des lois du Sénat qui parle de « bombes à retardement » pour les finances publiques (Rapport de la commission des lois du Sénat du 16 juillet 2014 sur les partenariats publics-privés (PPP) : « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? »).
Il s’agit, ni plus ni moins, de transformer les « dépenses sociales » en « investissement social » très rentable, sans risque puisque le retour sur investissement est garanti par l’Etat, en contrepartie d’hypothétiques économies au terme du contrat ! Il est significatif que ces actions mobilisent les plus « grands philanthropes » du monde, tels Goldman Sachs, Merrill Lynch ou encore la fondation Rockefeller…
L’ensemble du dispositif repose en réalité sur un socle purement idéologique : le privé serait, par principe, plus efficace et moins cher que le public. Un postulat qui n’a jamais été démontré mais qui rapporte ! L’institut de l’entreprise, dans la quasi-totalité des exemples qu’il fournit dans son étude, démontre que la plupart des SIB induisent un retour sur investissement qui double le capital investi en trois ans ! Pour le SIB « Advance Programme » au Royaume-Uni qui porte sur l’emploi, pour un capital investi de 3 millions de livres, le retour certes maximum sur trois ans est de 3,3 millions.
Escroquerie financière
Mieux encore, certaines actions menées à l’étranger par le biais d’un financement SIB ont coûté en moyenne trois fois plus cher au contribuable que si l’action avait été financée directement par la puissance publique. Au-delà de l’escroquerie financière, les « investissements à impact social » posent des problèmes graves, qui remettent en question les missions de l’Etat, la nature du travail social et le rôle des associations.
La mise en place des SIB pose en effet la question de la définition de l’intérêt général : si désormais c’est le secteur financier qui décide de soutenir une action sociale plutôt qu’une autre (tout en puisant dans les fonds publics, c’est-à-dire dans la poche du citoyen), selon la seule règle de la maximisation du profit et la minimisation des risques, à quoi servent encore les élus et toute la vie démocratique à laquelle contribuent les différents organes de la société civile ?
Plus besoin de métiers en tant qu’espaces d’autonomie, de socialisation et de responsabilité, puisqu’il s’agit pour les professionnels de ce secteur de devenir les exécutants de logiques financières
Si les investisseurs déterminent à la fois les actions à financer, les indicateurs de performance et les objectifs (chiffrés) à atteindre, quid de la doctrine même du travail social ? Le travail social ne consiste pas à poser des rustines sur les dégâts du capitalisme. Il vise à l’émancipation des personnes vulnérables dans une société capable de reconnaître sa responsabilité dans la production d’inégalités et cherchant sans cesse à y remédier…
Il ne s’agit donc pas simplement de produire les prestations adaptées
et rentables, à une « cohorte » d’individus ayant des besoins particuliers, mais, partant de leurs ressources, de travailler « avec » eux au changement, dans une perspective de court et moyen terme, sans jamais être sûr, à l’avance, de la performance… C’est le prix de la solidarité en actes, que ne connaît pas le commerce.
#Usagers-marchandise
Si les acteurs de terrain (en grande majorité les associations) sont obligés de compter sur des financements de type SIB, avec mise en concurrence des « projets » et soumission absolue au diktat financier pour les « heureux élus » – en imposant un management ad hoc qui peut aller jusqu’à la mise en place d’un directeur financier dans la structure – que reste-t-il de l’essence même de la vie associative, reposant, répétons-le, sur la capacité des citoyens à s’organiser eux-mêmes pour trouver, par eux-mêmes, des solutions innovantes à des problèmes qu’ils sont les seuls (ou les premiers) à identifier ?
Dans un système du paiement au résultat appliqué au social, la notion de métier est niée et, avec elle, la dimension créative des acteurs de terrain. On comprend mieux pourquoi le Plan d’action en faveur du travail social qui soutient l’ouverture du travail social aux investissements à impact social s’appuie sur une refonte des métiers du travail social : la réflexion sur la pratique n’est plus considérée comme un élément central de la formation, il suffit de former les travailleurs sociaux à des fonctions de coordination ou à acquérir des compétences purement techniques, suivant le niveau de qualification (« Défendre les métiers sociaux », Le Monde du 23 juin 2015).
En effet, plus besoin de métiers en tant qu’espaces d’autonomie, de socialisation et de responsabilité, puisqu’il s’agit pour les professionnels de ce secteur de devenir les exécutants de logiques financières qui passent par une « rationalisation » de l’action. Pour les usagers également, la relation avec les professionnels du social change de nature : plus question d’une rencontre avec l’autre, plus question d’être considéré comme un citoyen protégé par la collectivité, mais bel et bien de devenir une marchandise.
Les SIB sont présentés comme un outil innovant pour financer l’action sociale. En fait il s’agit juste d’accommoder une vieille recette qui consiste à faire payer la collectivité publique au bénéfice du privé lucratif, à s’accaparer des financements publics et à instrumentaliser le travail social.
Mécanique néolibérale
Même dotée d’un visage « solidaire », la mécanique néolibérale ne quitte jamais ses fondamentaux : haro sur l’Etat (et la démocratie), haro sur les capacités des citoyens à s’organiser eux-mêmes (en dehors du sacro-saint marché), haro sur toutes celles et ceux qui œuvrent à la transformation de la société dans une optique de justice, d’égalité et de fraternité, du bien commun, de l’intérêt général. Non seulement il faut refuser de s’engager dans la voie des SIB, mais les rescrits fiscaux opaques, les optimisations et évasions fiscales doivent cesser.
L’avenir n’est pas dans la financiarisation du social mais dans l’instauration de nouvelles formes de relations entre associations et autorités publiques, reposant sur une co-construction réelle, l’indépendance des structures et le respect des métiers.
Premiers signataires : Jean Claude Boual (Président du Collectif des associations citoyennes), #Michel_Chauvière (Directeur de recherche émérite au CNRS), Gabrielle Garrigue (Avenir Educs), Eric Denoyelle (Collectif pour une éthique en travail social), #L’appel_des_Appels.
]]>Martine Orange "AÉROPORTS DE PARIS : LA PRIVATISATION DE TOUS LES SOUPÇONS"
Médiapart 18 février 2019
Tout est étrange dans le projet de loi portant sur la privatisation du groupe ADP. Le texte est volontairement flou, les règles choisies sont hors norme, la durée de 70 ans de concession sans comparaison. Le gouvernement prévoit même de payer les actionnaires minoritaires pour privatiser et de payer pour reprendre le bien public à la fin de la concession. De quoi soulever nombre de doutes et de soupçons.
« Heureusement, il y avait l’affaire Benalla. On craignait que la procédure d’indemnisation que nous avons prévue pour la privatisation d’ADP [anciennement Aéroports de Paris – ndlr] soulève des oppositions. En fait, les députés ont à peine regardé. Tout est passé sans problème. »
Aigline de Ginestous est en verve lors de ce dîner parisien, un soir de septembre. Le projet de loi Pacte, dans lequel est inscrite la privatisation des aéroports de Paris, est alors en discussion en commission à l’Assemblée nationale. Mais les parlementaires ont l’esprit ailleurs, semble-t-il, troublés par ce qui se passe à la commission des lois au Sénat.
Aigline de Ginestous est alors manifestement très investie dans ce projet. Ancienne salariée de la banque Rothschild, très active dans la levée de fonds d’En Marche ! lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, elle est devenue, après les élections, collaboratrice parlementaire de Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques et rapporteur général de la loi Pacte. Elle a aussi beaucoup travaillé sur ADP. Alors ce soir-là, elle se laisse aller aux confidences, face à des invités un peu médusés de découvrir tant de choses restées dans l’ombre dans ce projet de privatisation.
Elle pourrait d’ailleurs continuer à suivre le projet à l’avenir. Depuis le 16 octobre, à l’occasion du remaniement ministériel, Aigline de Ginestous a été nommée cheffe de cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Contactée, elle n’a pas répondu à notre message.
Les initiateurs du projet de loi sur la privatisation d’ADP avaient raison de s’inquiéter de la façon dont serait reçu le texte par les parlementaires. Car payer des indemnités aux actionnaires actuels pour privatiser est sans précédent dans une opération de privatisation. C’est l’une des étrangetés, mais pas la seule, dans ce projet de privatisation d’ADP.
Tout semble volontairement flou, opaque. Même le Conseil d’État, pourtant de tradition peu contestataire, ne peut s’empêcher de relever en introduction de son avis « le caractère singulier de la réforme envisagée par le gouvernement qui conduit à prévoir, dans le projet de loi, un mécanisme “sui generis” d’indemnisation de la société ADP présentant une grande complexité ».
« C’est un texte presque incompréhensible. Pour en comprendre le sens et la finalité, il faudrait savoir l’objectif que les politiques poursuivent », analyse l’avocat Dominique Schmidt, spécialiste en droit des sociétés et droit boursier.
Les chiffres clés d’ADP en 2018. © ADP
Les chiffres clés d’ADP en 2018. © ADP
L’ennui est que le gouvernement n’a jamais articulé une argumentation convaincante sur ce dossier : pourquoi veut-il vendre à toute force ADP ? La société représente un caractère stratégique évident : elle contrôle la dizaine d’aéroports civils d’Île-de-France dont Roissy, Orly, Le Bourget et l’héliport d’Issy-les-Moulineaux.
Roissy est classé comme le dixième aéroport mondial pour son trafic passager. Mais si l’on additionne les seuls trafics passagers d’Orly et de Roissy, ADP devient la première société aéroportuaire du monde, devant Atlanta, Pékin et Dubaï. Ces dernières années, la société a enregistré une croissance annuelle de 10 à 30 % de son chiffre d’affaires. Son bénéfice représente une marge nette de 14 %. Elle verse quelque 100 millions de dividendes par an à l’État.
Alors pourquoi se séparer d’un tel actif ? Même les États-Unis ont gardé la propriété publique de leurs aéroports, les considérant comme des infrastructures stratégiques. L’aéroport de Francfort, troisième aéroport européen, est contrôlé majoritairement par le Land de Hesse et la ville de Francfort. Quant à la Grande-Bretagne, les autorités de la concurrence ont imposé que les deux principaux aéroports de Londres, Heathrow et Gatwick, soient séparés avant d’être privatisés afin de ne pas constituer un monopole.
Or dans le projet de loi, aucune des précautions n’apparaît : le gouvernement ne prévoit ni maintien d’une présence publique ou des collectivités territoriales, ni séparation pour éviter une situation de rente excessive. Tout doit être cédé d’un bloc à un seul exploitant pendant 70 ans.
« Les explications du gouvernement ne tiennent pas la route. Sa justification pour privatiser ADP, Engie et La Française des jeux est qu’il veut dégager 10 milliards d’euros pour créer un fonds d’innovation de rupture. Une fois placées, ces sommes doivent lui permettre d’obtenir 300 millions d’euros. Tout cela n’a aucun sens. L’État peut facilement trouver 300 millions d’euros sans ces opérations », soutient le député Charles de Courson qui, tout en ne se disant pas hostile par principe à la privatisation d’ADP, a beaucoup bataillé contre le gouvernement lors de la discussion du texte.
Lors du débat parlementaire, le ministre des finances Bruno Le Maire a tenté de répondre en avançant des arguments d’une grande faiblesse. Les trois sociétés versent quelque 800 millions d’euros de dividendes par an à l’État, soit bien plus que les 300 millions attendus. Mais cet argent a un rendement de seulement 2,2 %, selon le ministre des finances, alors que l’argent tiré de ces ventes et placé pourrait lui offrir un rendement de 2,5 % (voir le compte-rendu des débats ici).
La bonne opération avancée par le gouvernement a des allures de placement du livret A. Comment justifier l’abandon au privé pendant 70 ans d’un tel bien commun, qui constitue de fait une rente, en mettant en face de tels chiffres ? D’autant que le motif invoqué revient, alors que l’État s’appuie déjà sur la Caisse des dépôts et la BPI, à créer un fonds d’investissement à risque, ce qui ne relève ni de ses missions ni de ses compétences.
Après l’Assemblée, le texte a été discuté au Sénat début 2019. Entretemps, il y a eu le cruel rapport de la Cour des comptes sur la privatisation des aéroports régionaux, le fiasco confirmé de la vente de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, le scandale renouvelé des autoroutes privatisées. Ces précédents justifiaient de ne pas réitérer l’expérience, surtout avec une société de l’importance d’ADP, ont expliqué les sénateurs. Droite et gauche unies, les sénateurs ont repoussé à début février cette privatisation, ainsi que celle de La Française des jeux et d’Engie.
« Nous aurons le dernier mot », ont répliqué des députés LREM. La majorité semble bien décidée à rétablir les privatisations prévues dans le cadre de la loi Pacte. Car le gouvernement y tient par-dessus tout.
Pourquoi tant d’acharnement ? Au bénéfice de qui ? Analyse d’un projet de privatisation qui soulève nombre de doutes et de soupçons.
Sous le regard de la Constitution
Jusqu’alors, tous les gouvernements qui se sont succédé ont exclu ADP du champ des privatisations. Même quand la société a été transformée en 2005, afin de permettre l’entrée d’actionnaires minoritaires, il a été inscrit qu’elle resterait contrôlée majoritairement par l’État. La raison invoquée était simple : Aéroports de Paris n’était pas privatisable.
Selon de nombreux juristes, ADP s’inscrit dans le champ d’application de la Constitution, si l’on invoque le 9e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
« ADP n’est pas constitutionnellement privatisable : cette société gère directement une frontière vitale placée au cœur de notre capitale économique et politique ; 80 % du trafic aérien de l’étranger vers la France s’effectue en recourant à ses services. Force est donc de constater que l’exploitation de la société ADP a un caractère de service public exercé à l’échelon national », rappellent dans une tribune publiée fin janvier dans Le Mondeplusieurs personnalités, dont Patrick Weil et Paul Cassia (lire le billet de ce dernier dans le Club de Mediapart), parties en guerre contre ce bradage.
Le caractère inconstitutionnel a été soulevé à plusieurs reprises dans les débats parlementaires. Dans son argumentaire, le gouvernement se retranche derrière l’avis du Conseil d’État donné sur la loi Pacte. En quelques lignes, celui-ci a balayé l’obstacle d’un revers de main : « Si la société ADP est chargée, à titre exclusif, d’exploiter une dizaine d’aéroports civils, ceux-ci sont tous situés dans la région d’Île-de-France. Il estime donc qu’ADP, nonobstant l’importance des aéroports qu’elle exploite, n’exerce pas une activité présentant le caractère d’un service public national ou d’un monopole de fait, au sens et pour l’application du neuvième alinéa du préambule de 1946. »
Mais sur quoi se fonde le Conseil d’État pour émettre un tel avis ? Lorsqu’une société accueille 80 % des trafics passagers d’un pays, peut-on se limiter à sa seule implantation régionale pour déterminer qu’elle n’exerce pas un monopole national parce qu’elle n’est que francilienne ? Pour trancher ces questions complexes, a-t-il par exemple consulté l’Autorité de la concurrence, dont la mission est notamment de déterminer les marchés pertinents, le caractère monopolistique ou non d’une société ?
Interrogé par Mediapart, le Conseil d’État a répondu que non, il n’a pas sollicité l’Autorité de la concurrence. Il dit s’en être tenu à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la question, et notamment sur celle qui avait prévalu lors de la privatisation de Gaz de France. « Le commentaire de la décision du 30 novembre 2006[du Conseil constitutionnel] relève ainsi que la notion de marché à laquelle se réfère implicitement le Conseil constitutionnel pour l’application du neuvième alinéa du préambule de 1946 est beaucoup plus large que celle de “marché pertinent” retenue par le Conseil de la concurrence pour l’application du droit de la concurrence », précise le Conseil d’État.
Mais sur quoi se fonde l’appréciation, si ce n’est pas sur des critères économiques ? Sans étude, sans estimation chiffrée, sans comparaison, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont donc leur propre estimation de ce qui constitue un monopole. Leur évaluation semble n’avoir qu’un lointain rapport avec ce que dit l’Autorité de la concurrence et, plus largement, avec les théories économiques sur le sujet. Ce qui permet toutes les interprétations, en toute opportunité.
« Je ne crois pas qu’ADP constitue un monopole physique. Ils sont très rares. Pour ADP, on peut dire que Paris est en concurrence avec le hub de Londres, de Francfort ou d’Amsterdam. C’est là où sont les nouvelles concurrences », dit Charles de Courson.
Le député de la Marne ne cache pas qu’il a une position un peu originale, même dans son camp. « La privatisation d’ADP, pourquoi pas ? Mais pour quoi faire ? Est-ce que cela permet d’inscrire Paris dans un réseau aéroportuaire international, qui semble être la tendance lourde du développement des services aéroportuaires ? Est-ce que la préservation d’Air France est prise en compte ? Est-ce que cela répond à l’intérêt général ? Si les conditions sont réunies, on peut le faire. Sinon, il faut s’abstenir. »
Jusqu’à présent, le gouvernement a été incapable d’apporter des réponses à ces questions, de démontrer en quoi cette privatisation répondait à l’intérêt général. À aucun moment, il n’a présenté une vision à long terme, expliqué comment il voyait évoluer le transport aérien, quel rôle pouvait avoir ADP, pourquoi le transfert d’une telle rente au privé avait un sens. Aucun plan, aucun schéma directeur n’a été avancé, comme si l’avenir de Roissy et d’Orly relevait de la seule compétence du futur concessionnaire.
Le seul projet évoqué est celui de la direction d’ADP : la construction d’un quatrième terminal à Roissy. Ce nouvel équipement, d’un coût estimé entre 7 et 9 milliards d’euros, justifie selon le gouvernement à la fois la privatisation et une concession hors norme de 70 ans. Dans les sociétés, de tels projets s’amortissent plutôt sur 20 ou 30 ans.
Ce projet d’extension est vivement contesté par les riverains, qui dénoncent une centralisation accrue du trafic aérien sur Roissy. Ils redoutent que leur quotidien ne devienne invivable. Un tel projet démontre bien en tout cas la tentation de concentration – monopolistique aurait-on envie de dire – d’ADP, au contraire de tout ce qui a été affirmé.
Tout est hors norme dans le projet de loi sur la privatisation d’ADP : les mécanismes imaginés pour la réaliser, les schémas juridiques, la période sur laquelle elle doit s’étendre, et comment l’État envisage de récupérer son bien à la fin.
En 2005, ADP a changé de statut. L’État lui avait apporté la propriété de tous les actifs aéroportuaires et, pour renforcer son bilan, la propriété foncière de quelque 8 600 hectares de domaine public, avant de l’introduire en Bourse. Mais il était bien inscrit que l’État en garderait le contrôle majoritaire.
C’est cette architecture qui embarrasse le gouvernement et qu’il veut casser. Pour cela, il lui fallait d’abord résoudre la question foncière. Plus de 8 000 hectares en région parisienne, cela vaut beaucoup d’argent. Pour ne pas avoir à réévaluer la valeur d’ADP, tout en n’ayant pas l’air de brader le patrimoine public, le gouvernement – ou plus exactement Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée à la manœuvre sur le dossier – a imaginé transformer la société en concession.
Les apparences sont ainsi sauves : officiellement, les terrains restent la propriété de l’État. Le concessionnaire aura-t-il, cependant, la liberté de l’utiliser comme il l’entend pendant la durée de la concession ? Rien n’est dit sur le sujet. Mais tout laisse craindre, au vu des précédents des contrats autoroutiers, que les intérêts de l’État ne soient, une fois de plus, jamais défendus et que le concessionnaire soit libre de faire ce que bon lui semble, sans en avoir payé le prix.
Une privatisation hors norme
Cette transformation a conduit le gouvernement à proposer un schéma singulier « d’une rare complexité », comme le dit le Conseil d’État. L’imagination, il est vrai, a été au pouvoir. Le gouvernement a estimé que les actionnaires minoritaires actuels perdaient une partie de la valeur de leur investissement, puisque ADP n’allait plus être une société dont la durée de vie était illimitée, mais bornée dans le temps, la concession étant limitée à 70 ans. Selon l’analyse juridique soutenue par le gouvernement, cela revient à une sorte d’expropriation ou de nationalisation. Il convient donc d’indemniser les actionnaires existants pour cette perte.
Ainsi, le gouvernement s’apprête à payer pour privatiser ADP. C’est sans précédent. En dépit de nombreuses recherches, il nous a été impossible de trouver un cas semblable en France ou à l’étranger.
Selon les premiers chiffres avancés par le gouvernement, les indemnités s’élèveraient entre 500 millions et 1 milliard d’euros. Alors que la vente d’ADP est estimée autour de 8 milliards, l’État se priverait ainsi d’une partie de la somme pour dédommager les actionnaires actuels. Parmi ceux-ci figurent Vinci, actionnaire à 8 %, qui a depuis longtemps mis un pied dans la porte de la société, et Schiphol Group, qui exploite notamment l’aéroport d’Amsterdam, actionnaire lui aussi à hauteur de 8 %.
« L’État a choisi cette formule parce que c’est plus facile à privatiser comme cela, plutôt que de désintéresser les actionnaires minoritaires. En fait, il leur fait bénéficier de la prime de contrôle qui lui revient en tant qu’actionnaire majoritaire », analyse l’avocat Dominique Schmidt, qui a souvent défendu l’Autorité des marchés financiers (AMF) devant les tribunaux.
« Cette procédure semble logique et habituelle comme mécanisme. C’est le même principe qu’une indemnité d’éviction pour un locataire exploitant. L’idée est de compenser un préjudice lié au fait qu’il y avait une durée infinie pour exploiter qui se réduit à 70 ans et donc un préjudice. Pour autant, compte tenu de la durée assez inhabituelle dans le monde des affaires (70 ans), cette approche reste pour le coup seulement éventuelle à mon sens et très théorique », explique de son côté Olivier Arthaud, président de la chambre régionale des commissaires aux comptes de Lyon.
L’étrangeté de l’opération ADP ne s’arrête pas là. Le droit des concessions est inscrit de longue date dans la pratique en France : à la fin de la durée de vie de la concession, le concessionnaire doit restituer l’ensemble des actifs et des biens en état à la puissance concédante – État ou collectivités locales – gratuitement. Aucun dédommagement n’est prévu. Mais pas dans le cas d’ADP : l’État a prévu de lui racheter les actifs au terme de la concession.
Là aussi, c’est une situation sans précédent. Le risque est que l’État doive débourser des sommes gigantesques à la fin de la concession. Comme il est toujours impécunieux, il y a de fortes chances pour qu’il reconduise la concession plutôt que de la racheter. Sans le dire, c’est une concession à perpétuité pour le privé qui risque de se mettre en place.
Afin de diminuer la valeur de rachat futur – en vieillissant, les actifs perdent de leur valeur – et d’économiser les deniers publics – c’est en tout cas la présentation qui en a été faite lors des débats parlementaires –, le gouvernement se propose d’allonger la valeur de la concession : 70 ans ! Là encore, aucune concession n’a jamais été aussi longue. D’autant qu’il ne s’agit pas de construire des aéroports, de créer ex nihilo des équipements. Ils existent, ils sont exploités et entretenus.
« C’est le temps pour permettre une stabilité et une visibilité de l’exploitation à long terme », a justifié Bruno Le Maire pour expliquer cette durée hors norme. En termes économiques, cela s’appelle une rente perpétuelle, injustifiée. D’autant que le gouvernement a rejeté tous les amendements qui proposaient d’encadrer au moins un peu la procédure, de prévoir des clauses de revoyure, de révision.
Un épais silence entoure aussi la possibilité que la société concessionnaire – en la matière, sa durée de vie est moins garantie que celle de l’État – change de mains, soit victime d’une OPA durant cette période. Qu’advient-il alors ? L’État aura-t-il la possibilité de récupérer la concession d’ADP, si celle-ci tombe aux mains de capitaux chinois par exemple ? Mystère.
Cette question délicate n’est pas dans la loi mais est renvoyée au contrat de concession, le gouvernement semblant considérer qu’un droit d’agrément suffit pour préserver ses intérêts. Pendant 70 ans, le concessionnaire d’ADP doit avoir les mains libres, selon le gouvernement. On se saurait brider l’initiative privée.
Une formule d’indemnisation sur mesure
Le diable est souvent dans les détails. Dans le projet de loi sur la privatisation d’ADP, il se cache dans la formule comptable retenue pour calculer les indemnités à verser aux actionnaires existants. La première bizarrerie est que le gouvernement soit tenu d’inscrire cette méthode d’évaluation dans la loi.
Pour calculer le montant des indemnités à verser aux minoritaires, il a choisi de ne retenir qu’un seul critère : les flux de trésorerie disponibles actualisés. Interrogé par Mediapart sur les motifs qui l’avaient conduit à retenir cette méthode, le ministère des finances n’a pas répondu.
Cette méthode d’évaluation (pour les modes de calcul, voir ici) est censée permettre d’évaluer les ressources financières et les profits futurs que pourra dégager une entreprise. Mais cela repose sur des facteurs bien subjectifs. « Tout repose sur l’histoire que veut raconter l’entreprise. Surtout dans cette méthode, il a un facteur particulièrement souple : c’est le taux d’actualisation. C’est là que cela se passe. Selon le taux choisi, la valeur peut varier du simple au quadruple. »
Olivier Arthaud, commissaire aux comptes, confirme l’analyse : « Faire varier le taux d’actualisation d’un point peut avoir un impact de plus de 20 % sur la valeur. C’est donc très “facile” de pousser une tendance ou une autre dans ce type d’approche. »
Les observateurs sont encore plus perplexes sur la durée choisie pour effectuer les estimations. En général, le temps de référence se situe entre 5 et 7 ans, rarement au-delà. « 70 ans, cela tient de la divination », ironise Dominique Schmidt. « On est dans l’exercice théorique », abonde Olivier Arthaud, ajoutant qu’il voudrait au moins prévoir des clauses de revoyure tous les dix ans pour s’assurer de la vie future d’ADP. À ce stade, le gouvernement l’a exclu.
La façon alambiquée dont répond le Conseil d’État sur cette méthode traduit un suprême embarras. Tout en relevant qu’au-delà de 20 à 30 ans, il est difficile d’avancer la moindre prévision, il statue finalement que « l’exercice n’est pas impossible » (voir son avis).
« Mais qui a pu écrire un tel texte ? », s’amuse un connaisseur du dossier en commentant l’avis du Conseil d’État. « Y aurait-il quelque cabinet qui lui aurait suggéré la rédaction en lui faisant passer leur avis par quelque “porte étroite” [l’appellation fait référence aux interventions des lobbies qui s’adressent dans la plus totale opacité aux membres du Conseil constitutionnel (voir notre article) – ndlr] ? »
Lorsque nous lui avons demandé comment il justifiait une telle méthode de calcul et s’il avait reçu des avis extérieurs, le Conseil d’État a répondu : « Le Conseil d’État s’est prononcé à partir des éléments qui lui étaient fournis par le gouvernement, après lui avoir posé toute question utile et dialogué avec lui. »
Au bon vouloir du gouvernement
« Mais pourquoi ne prévoyiez-vous pas un appel d’offres public ? Prévoir une procédure de gré à gré ne pourra qu’entretenir le soupçon. » Lors des débats parlementaires, plusieurs députés ont interpellé le ministre des finances sur les procédures choisies pour privatiser ADP et sur l’opacité régnant autour de ce dossier. « Je les ai prévenus. je leur ai dit qu’un appel d’offres les protégerait. Ils n’ont rien voulu entendre », dit Charles de Courson.
À toutes les remarques et suggestions présentées par les parlementaires, le ministre des finances a opposé une fin de non-recevoir. Pas question de faire un appel d’offres public, pas question de publier le cahier des charges, pas question de s’expliquer.
Pour bien montrer qu’il avait l’intention d’avoir de bout en bout la main sur le dossier, le gouvernement a soutenu des amendements opportunément déposés par des membres de la majorité LREM. Ceux-ci prévoient d’encadrer strictement le temps d’instruction du dossier de la commission des participations et des transferts.
Chargée par la loi d’évaluer les conditions de privatisation de tous les biens publics, cette autorité voit réduire son rôle à une simple chambre d’enregistrement des volontés du gouvernement sur ce dossier : elle n’aura, selon les amendements déposés, que trente jours pour se prononcer sur la privatisation d’ADP.
Il est donc à craindre que tout se passera – et est peut-être même déjà engagé – ailleurs. Pour le conseiller, le gouvernement a déjà choisi depuis longtemps son banquier d’affaires : c’est Bernard Mourad. Ancien dirigeant du groupe Altice, ce proche d’Emmanuel Macron a rejoint En Marche !, où il était lui aussi chargé de la collecte de fonds, pendant la campagne présidentielle.
Après l’élection présidentielle, il a créé une petite banque d’affaires puis a rejoint la filiale parisienne de Bank of America, dont il a pris la direction. Et c’est cette banque qui a été choisie comme conseil de l’État dans le dossier ADP. Comme Bernard Mourad le dit à Vanity Fair, « c’est challenging ».
Dans son rapport sur les privatisations des aéroports régionaux, la Cour des comptes avait rappelé à l’ordre le ministère des finances, en lui rappelant que les règles de déontologie s’appliquaient aussi à lui, que les conflits d’intérêts n’étaient pas qu’une question théorique. Compte tenu du rôle joué par Bernard Mourad pendant la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, n’aurait-il pas été préférable que Bercy applique un devoir d’abstention, afin d’éviter tout soupçon ? Interrogé, le ministère des finances n’a pas répondu.
Car le soupçon est là, toujours plus pesant, au fur et à mesure que le dossier chemine au Parlement. Avant même que la procédure ne soit officiellement ouverte, Vinci, qui possède déjà les aéroports de Nantes, Lyon et Gatwick (Angleterre), et est candidat pour reprendre celui de Toulouse – ce qui devrait normalement soulever au passage quelques problèmes de concurrence –, est présenté comme le grand vainqueur.
Au point que le PDG du groupe de BTP et de concessions, Xavier Huillard, a fini par s’énerver lors de la présentation de ses résultats. « Nous sommes absolument convaincus que ce modèle de gestion privée est plus que jamais efficace pour renforcer l’attractivité des territoires », a-t-il soutenu, en récusant tous les procès d’intention faits à son groupe sur sa gestion des autoroutes, dont il est aussi le premier concessionnaire en France.
Selon certaines rumeurs, il pourrait être amené à partager ADP avec quelques autres actionnaires extérieurs qui viendraient l’accompagner. Le nom de la Caisse des dépôts du Québec – dont le rapporteur général du projet de la loi Pacte, Roland Lescure, est un ancien premier vice-président – est souvent évoqué. Elle est peut-être déjà présente au capital d’ADP, mais son nom n’apparaît pas car elle n’a pas franchi le seuil de déclaration.
L’institution canadienne, présente en France depuis plus de vingt ans, essentiellement dans l’immobilier, a de grands projets en France. Elle a justement ouvert un bureau en France, spécialisé dans les infrastructures.
Mais on cite aussi des fonds d’investissement, des banques d’affaires comme Macquarie Group ou Goldman Sachs. Bref, beaucoup de personnes, particulièrement dans le monde financier, semblent très attirées par ADP. Ce qui devrait normalement amener le gouvernement à reconsidérer son analyse sur le dossier, à se demander si vraiment il faut privatiser un tel actif. Mais non. Le gouvernement veut vendre, vendre à tout prix le groupe ADP.
Dans sa décision du 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel avait fixé les grands principes qui devaient conduire les privatisations : « L’État ne peut céder des actifs en dessous de leur valeur et le choix des acquéreurs doit se faire “sans privilège” », avait-il tenu à préciser. Pourquoi, dans le dossier ADP, le gouvernement donne-t-il tant l’impression de vouloir passer outre ce principe ? Pourquoi a-t-on le sentiment, avant même que la privatisation ne soit engagée, que tout est opaque et que tous les dés sont pipés ?
]]>Les gangsters de la #finance
Blanchiment, fraude fiscale, corruption, manipulation des cours... : depuis la crise de 2008, la banque HSBC est au coeur de tous les scandales. Cinq ans après leur film sur Goldman Sachs, Jérôme Fritel et Marc Roche passent au crible cet empire financier au-dessus des lois.
Créée à Hongkong, il y a un siècle et demi, par des commerçants écossais liés au trafic d’opium, HSBC (Hongkong and Shanghai Banking Corporation) n’a cessé de prospérer en marge de toute régulation. Aujourd’hui, la banque britannique à l’ADN pirate incarne à elle seule les excès et les dérives de la finance internationale. Blanchiment de l’argent du crime – celui des cartels de la drogue mexicains et colombiens –, évasion fiscale massive, corruption ou manipulation du cours des devises et des taux d’intérêt : depuis la crise de 2008, ce géant a été mêlé à de nombreux scandales avec régularité et en toute impunité. Car l’opaque HSBC, experte en sociétés-écrans, dont les coffres débordent d’argent liquide déposé par ses clients discrets et douteux, est devenue too big to jail, « trop grosse pour aller en prison ». La banque, riche de quelque 3 000 milliards de dollars, s’en tire chaque fois avec des amendes dérisoires. Trait d’union entre l’Orient et l’Occident, elle sert aussi désormais de pipeline pour les centaines de milliards d’euros de capitaux chinois partant à la conquête des marchés occidentaux : HSBC navigue aujourd’hui sous pavillon rouge.
Nouvelles menaces
Après Goldman Sachs – La banque qui dirige le monde, Jérôme Fritel et Marc Roche plongent dans les arcanes d’un empire tentaculaire qui se cache derrière sa vitrine de banque de détail britannique. De Hongkong aux États-Unis en passant par l’Europe, cette édifiante enquête révèle non seulement l’ampleur ahurissante des malversations commises par HSBC, mais éclaire aussi – avec une remarquable limpidité – les menaces qui se profilent sur la stabilité financière mondiale, dix ans après la crise des subprimes.
#blockchain Powered Asset #tokenization Protocols Threaten Goldman Sachs’ Investment #banking Business
▻https://hackernoon.com/blockchain-powered-asset-tokenization-protocols-threaten-goldman-sachs-i
Open innovation has a strong foothold in the tech industry. Big tech companies create application programing interfaces, or APIs, to tap into the knowledge base of outside software developers. By doing this, centralized companies are able to access external pools of knowledge that enhance the value of their own proprietary application. One prominent such example is Facebook’s ‘Like’ button API. Facebook made integrating the ‘Like’ free and easy because it let them tap into apps’ users, giving them access to massive data they didn’t have access to before.This type of open innovation isn’t unique to Facebook — most all tech companies do it. This isn’t, however, the case for all industries. Tech lies on one end of the open innovation spectrum while the financial sector lies on the other. This is (...)
]]>La crucifixion de Julian Assange – Ce qui arrive à Assange devrait terrifier la presse (Truth Dig) – Salimsellami’s Blog
▻https://salimsellami.wordpress.com/2018/11/14/la-crucifixion-de-julian-assange-ce-qui-arrive-a-assange-dev
Le silence sur le traitement d’Assange n’est pas seulement une trahison à son égard, mais une trahison de la liberté de la presse elle-même. Nous paierons cher cette complicité.
L’asile de Julian Assange à l’ambassade d’Equateur à Londres s’est transformé en une petite boutique des horreurs. Au cours des sept derniers mois, il a été largement coupé de toute communication avec le monde extérieur. Sa nationalité équatorienne, qui lui a été accordée en tant que demandeur d’asile, est en cours de révocation. Sa santé s’est détériorée. On lui refuse l’accès à soins médicaux appropriés [ie à l’extérieur de l’ambassade – NdT]. Ses efforts pour obtenir réparation ont été paralysés par les « règles du bâillon » [« gag rules » – Une règle de bâillon est une règle qui limite ou interdit la discussion, la considération ou la discussion d’un sujet particulier par les membres d’un organe législatif ou exécutif. – NdT], y compris les ordres équatoriens lui interdisant de rendre publiques ses conditions de vie à l’intérieur de l’ambassade dans sa lutte contre la révocation de sa citoyenneté équatorienne.
Le Premier ministre australien Scott Morrison a refusé d’intercéder en faveur d’Assange, un citoyen australien, même si le nouveau gouvernement équatorien, dirigé par Lenín Moreno – qui appelle Assange un « problème hérité » et un obstacle à de meilleures relations avec Washington – rend la vie du fondateur de WikiLeaks dans cette ambassade insupportable. Presque tous les jours, l’ambassade impose des conditions plus dures à Assange, notamment en lui faisant payer ses frais médicaux, en lui imposant des règles obscures sur la façon dont il doit prendre soin de son chat et en lui demandant d’effectuer diverses tâches ménagères dégradantes.
Les Équatoriens, réticents à expulser Assange après lui avoir accordé l’asile politique et la citoyenneté, ont l’intention de rendre son existence si pénible qu’il accepterait de quitter l’ambassade pour être arrêté par les Britanniques et extradé vers les États-Unis. L’ancien président de l’Equateur, Rafael Correa, dont le gouvernement a accordé l’asile politique à l’éditeur, qualifie les conditions de vie actuelles d’Assange de « torture ».
Sa mère, Christine Assange, a déclaré dans un récent appel vidéo : [L’auteur cite de longs extraits. Voir l’appel en entier et en français : ▻https://www.legrandsoir.info/unity4j-christine-assange-lance-un-appel-… – NdT]
Assange était loué et courtisé par certains des plus grands médias du monde, dont le New York Times et le Guardian, pour les informations qu’il possédait. Mais une fois que ses documents sur les crimes de guerre commis par les États-Unis, en grande partie fournis par Chelsea Manning, ont été publiés par ces médias, il fut mis à l’écart et diabolisé. Un document du Pentagone qui a fait l’objet d’une fuite et préparé par la Cyber Counterintelligence Assessments Branch (Direction du contre-espionnage cybernétique) du 8 mars 2008 a révélé une campagne de propagande visant à discréditer WikiLeaks et Assange. Le document dit que la campagne de diffamation doit chercher à détruire le « sentiment de confiance » qui est le « centre de gravité » de WikiLeaks et à salir la réputation d’Assange. Cela a largement fonctionné. Assange est particulièrement vilipendé pour avoir publié 70 000 courriels piratés appartenant au Comité national démocrate (DNC) et à de hauts responsables démocrates. Les démocrates et l’ancien directeur du FBI, James Comey, affirment que les courriels ont été copiés des comptes de John Podesta, chef de campagne de la candidate démocrate Hillary Clinton, par des pirates du gouvernement russe. Comey a dit que les messages ont probablement été transmis à WikiLeaks par un intermédiaire. Assange a dit que les e-mails n’avaient pas été fournis par des « acteurs étatiques ».
Le Parti démocrate, qui cherche à imputer sa défaite électorale à l’ » ingérence » russe plutôt qu’à la grotesque inégalité des revenus, à la trahison de la classe ouvrière, à la perte des libertés civiles, à la désindustrialisation et au coup d’Etat des entreprises que le parti a aidé à orchestrer, accuse Assange d’être un traître, bien qu’il ne soit pas un citoyen américain. Ni un espion. Et à ma connaissance, aucune loi ne lui interdit de publier les secrets du gouvernement US. Il n’a commis aucun crime. Aujourd’hui, les articles parus dans les journaux qui publiaient autrefois des articles de WikiLeaks mettent l’accent sur son comportement prétendument négligeant – ce qui n’était pas évident lors de mes visites – et sur le fait qu’il est, selon les mots du Guardian, « un invité indésirable » à l’ambassade. La question vitale des droits d’un éditeur et d’une presse libre a cédé le place à la calomnie contre la personne.
Assange a obtenu l’asile à l’ambassade en 2012 afin d’éviter l’extradition vers la Suède pour répondre à des questions sur des accusations d’infractions sexuelles qui ont finalement été abandonnées. Assange craignait qu’une fois détenu par les Suédois, il soit extradé vers les États-Unis [un accord d’extradition entre la Suède et les Etats-Unis autorise l’extradition d’une personne comme simple « témoin » – NdT]. Le gouvernement britannique a déclaré que, bien qu’il ne soit plus recherché pour interrogatoire en Suède, Assange sera arrêté et emprisonné s’il quitte l’ambassade pour avoir violé les conditions de sa libération sous caution.
WikiLeaks et Assange ont fait plus pour dénoncer les sombres machinations et crimes de l’Empire américain que toute autre organisation de presse. Assange, en plus de dénoncer les atrocités et les crimes commis par l’armée américaine dans nos guerres sans fin et de révéler les rouages internes de la campagne Clinton, a rendu publics les outils de piratage utilisés par la CIA et la NSA, leurs programmes de surveillance et leur ingérence dans les élections étrangères, notamment les élections françaises. Il a révélé le complot contre le chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn par des députés travaillistes au Parlement. Et WikiLeaks s’est rapidement mobilisé pour sauver Edward Snowden, qui a exposé la surveillance totale du public américain par le gouvernement, de l’extradition vers les États-Unis en l’aidant à fuir Hong Kong pour Moscou. Les fuites de Snowden ont également révélé, de façon inquiétante, qu’Assange était sur une « liste de cibles d’une chasse à l’homme » américaine.
Ce qui arrive à Assange devrait terrifier la presse. Et pourtant, son sort se heurte à l’indifférence et au mépris sarcastique. Une fois expulsé de l’ambassade, il sera jugé aux États-Unis pour ce qu’il a publié. Cela créera un précédent juridique nouveau et dangereux que l’administration Trump et les futures administrations utiliseront contre d’autres éditeurs, y compris ceux qui font partie de la mafia qui tentent de lyncher Assange. Le silence sur le traitement d’Assange n’est pas seulement une trahison à son égard, mais une trahison de la liberté de la presse elle-même. Nous paierons cher cette complicité.
Même si ce sont les Russes qui ont fourni les courriels de Podesta à Assange, il a eu raison de les publier. C’est ce que j’aurais fait. Ces courriers ont révélé les pratiques de l’appareil politique Clinton qu’elle et les dirigeants démocrates cherchaient à cacher. Au cours des deux décennies où j’ai travaillé en tant que correspondant à l’étranger, des organisations et des gouvernements m’ont régulièrement divulgué des documents volés. Ma seule préoccupation était de savoir si les documents étaient authentiques ou non. S’ils étaient authentiques, je les publiais. Parmi ceux qui m’en ont transmis, il y avait les rebelles du Front de Libération Nationale Farabundo Marti (FMLN) ; l’armée salvadorienne, qui m’a un jour donné des documents du FMLN ensanglantés trouvés après une embuscade, le gouvernement sandiniste du Nicaragua ; le Mossad, le service de renseignement israélien ; le FBI ; la CIA ; le groupe rebelle du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ; l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ; le service de renseignement français, la Direction générale de la sécurité extérieure, ou DGSE ; et le gouvernement serbe de Slobodan Milosovic, qui a ensuite été jugé comme un criminel de guerre.
Nous avons appris par les courriels publiés par WikiLeaks que la Fondation Clinton a reçu des millions de dollars de l’Arabie saoudite et du Qatar, deux des principaux bailleurs de fonds de l’État islamique. En tant que secrétaire d’État, Hillary Clinton a remboursé ses donateurs en approuvant la vente de 80 milliards de dollars d’armes à l’Arabie saoudite, ce qui a permis au royaume de mener une guerre dévastatrice au Yémen qui a déclenché une crise humanitaire, notamment une grave pénurie alimentaire et une épidémie de choléra, et fait près de 60 000 morts. Nous avons appris que Clinton avait touché 675 000 $ pour une conférence chez Goldman Sachs, une somme si énorme qu’elle ne peut être qualifiée que comme un pot-de-vin. Nous avons appris que Mme Clinton avait dit aux élites financières, lors de ses entretiens lucratifs, qu’elle voulait » l’ouverture du commerce et des frontières » et qu’elle croyait que les dirigeants de Wall Street étaient les mieux placés pour gérer l’économie, une déclaration qui allait directement à l’encontre de ses promesses électorales. Nous avons appris que la campagne Clinton avait pour but d’influencer les primaires républicaines pour s’assurer que Donald Trump était le candidat républicain. Nous avons appris que Mme Clinton avait obtenu à l’avance les questions posées lors du débat pendant les primaires. Nous avons appris, parce que 1 700 des 33 000 courriels provenaient d’Hillary Clinton, qu’elle était l’architecte principale de la guerre en Libye. Nous avons appris qu’elle croyait que le renversement de Moammar Kadhafi lui permettrait d’améliorer ses chances en tant que candidate à la présidence. La guerre qu’elle a voulu a plongé la Libye dans le chaos, vu la montée au pouvoir des djihadistes radicaux dans ce qui est aujourd’hui un État en déliquescence, déclenché un exode massif de migrants vers l’Europe, vu les stocks d’armes libyens saisis par des milices rebelles et des radicaux islamiques dans toute la région, et fait 40 000 morts. Cette information aurait-elle dû rester cachée ? Vous pouvez dire oui, mais dans ce cas vous ne pouvez pas vous qualifier de journaliste.
« Ils sont en train de piéger mon fils pour avoir une excuse pour le livrer aux États-Unis, où il fera l’objet d’un simulacre de procès« , a averti Christine Assange. « Au cours des huit dernières années, il n’a pas eu accès à un processus juridique approprié. A chaque étape, c’est l’injustice qui a prévalu, avec un énorme déni de justice. Il n’y a aucune raison de penser qu’il en sera autrement à l’avenir. Le grand jury américain qui produit le mandat d’extradition se tient en secret, a quatre procureurs mais pas de défense ni de juge.
Le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis permet au Royaume-Uni d’extrader Julian vers les États-Unis sans qu’il y ait de preuve prima facie. Une fois aux États-Unis, la National Defense Authorization Act permet la détention illimitée sans procès. Julian risque d’être emprisonné à Guantánamo Bay et torturé, d’être condamné à 45 ans de prison de haute sécurité, ou la peine de mort.«
Assange est seul. Chaque jour qui passe lui est plus difficile. C’est le but recherché. C’est à nous de protester. Nous sommes son dernier espoir, et le dernier espoir, je le crains, pour une presse libre.
Chris Hedges
Chris Hedges, a passé près de deux décennies comme correspondant à l’étranger en Amérique centrale, au Moyen-Orient, en Afrique et dans les Balkans. Il a fait des reportages dans plus de 50 pays et a travaillé pourThe Christian Science Monitor, National Public Radio, The Dallas Morning News et The New York Times, pour lesquels il a été correspondant à étranger pendant 15 ans.
Traduction « il y aura des comptes à rendre » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles » »▻https://www.truthdig.com/articles/crucifying-julian-assange/URL de cet article 34082
▻https://www.legrandsoir.info/la-crucifixion-de-julian-assange-ce-qui-arrive-a-assange-devrait-terri
]]>« Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui | Là-bas si j’y suis
►https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
►https://la-bas.org/local/cache-gd2/6b/87bab6cd31ba8c8f6bce1feb4324b5.jpg?1540400822
Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :
« Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.
Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.
Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »
Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.
Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.
Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.
Bien qu’il ait mené pendant son mandat des politiques conçues pour s’adapter aux préoccupations de la finance nationale et internationale, Lula reste méprisé par les élites, en partie sans doute à cause de ses politiques sociales et des prestations pour les défavorisés – même si d’autres facteurs semblent jouer un rôle : avant tout, la simple haine de classe. Comment un travailleur pauvre, qui n’a pas fait d’études supérieures, et qui ne parle même pas un portugais correct peut-il être autorisé à diriger notre pays ?
Alors qu’il était au pouvoir, Lula était toléré par les puissances occidentales, malgré quelques réserves. Mais son succès dans la propulsion du Brésil au centre de la scène mondiale n’a pas soulevé l’enthousiasme. Avec son ministre des Affaires étrangères Celso Amorim, ils commençaient à réaliser les prédictions d’il y a un siècle selon lesquelles le Brésil allait devenir « le colosse du Sud ». Ainsi, certaines de leurs initiatives ont été sévèrement condamnées, notamment les mesures qu’ils ont prises en 2010, en coordination avec la Turquie, pour résoudre le conflit au sujet du programme nucléaire iranien, contre la volonté affirmée des États-Unis de diriger l’événement. Plus généralement, le rôle de premier plan joué par le Brésil dans la promotion de puissances non alignées sur les Occidentaux, en Amérique latine et au-delà, n’a pas été bien reçu par ceux qui ont l’habitude de dominer le monde.
Lula étant interdit de participer à l’élection, il y a un grand risque pour que le favori de la droite, Jair Bolsonaro, soit élu à la présidence et accentue la politique durement réactionnaire du président Michel Temer, qui a remplacé Dilma Rousseff après qu’elle a été destituée pour des motifs ridicules, au cours du précédent épisode du « coup d’État en douceur » en train de se jouer dans le plus important pays d’Amérique Latine.
Bolsonaro se présente comme un autoritaire dur et brutal et comme un admirateur de la dictature militaire, qui va rétablir « l’ordre ». Une partie de son succès vient de ce qu’il se fait passer pour un homme nouveau qui démantèlera l’establishment politique corrompu, que de nombreux Brésiliens méprisent pour de bonnes raisons. Une situation locale comparable aux réactions vues partout dans le monde contre les dégâts provoqués par l’offensive néolibérale de la vieille génération.
Bolsonaro affirme qu’il ne connaît rien à l’économie, laissant ce domaine à l’économiste Paulo Guedes, un ultralibéral, produit de l’École de Chicago. Guedes est clair et explicite sur sa solution aux problèmes du Brésil : « tout privatiser », soit l’ensemble de l’infrastructure nationale, afin de rembourser la dette des prédateurs qui saignent à blanc le pays. Littéralement tout privatiser, de façon à être bien certain que le pays périclite complètement et devienne le jouet des institutions financières dominantes et de la classe la plus fortunée. Guedes a travaillé pendant un certain temps au Chili sous la dictature de Pinochet, il est donc peut-être utile de rappeler les résultats de la première expérience de ce néolibéralisme de Chicago.
L’expérience, initiée après le coup d’État militaire de 1973 qui avait préparé le terrain par la terreur et la torture, s’est déroulée dans des conditions quasi optimales. Il ne pouvait y avoir de dissidence – la Villa Grimaldi et ses équivalents s’en sont bien occupés. L’expérimentation était supervisée par les superstars de l’économie de Chicago. Elle a bénéficié d’un énorme soutien de la part des États-Unis, du monde des affaires et des institutions financières internationales. Et les planificateurs économiques ont eu la sagesse de ne pas interférer dans les affaires de l’entreprise Codelco, la plus grande société minière de cuivre au monde, une entreprise publique hautement efficace, qui a ainsi pu fournir une base solide à l’économie de Pinochet.
Pendant quelques années, cette expérience fut largement saluée ; puis le silence s’est installé. Malgré les conditions presque parfaites, en 1982, les « Chicago boys » avaient réussi à faire s’effondrer l’économie. L’État a dû en reprendre en charge une grande partie, plus encore que pendant les années Allende. Des plaisantins ont appelé ça « la route de Chicago vers le socialisme ». L’économie, en grande partie remise aux mains des dirigeants antérieurs, a réémergé, non sans séquelles persistantes de la catastrophe dans les systèmes éducatifs, sociaux, et ailleurs.
Pour en revenir aux préconisations de Bolsonaro-Guedes pour fragiliser le Brésil, il est important de garder à l’esprit la puissance écrasante de la finance dans l’économie politique brésilienne. L’économiste brésilien Ladislau Dowbor rapporte, dans son ouvrage A era do capital improdutivo (« Une ère de capital improductif »), que lorsque l’économie brésilienne est entrée en récession en 2014, les grandes banques ont accru leurs profits de 25 à 30 %, « une dynamique dans laquelle plus les banques font des bénéfices, plus l’économie stagne » puisque « les intermédiaires financiers n’alimentent pas la production, ils la ponctionnent ».
En outre, poursuit M. Dowbor, « après 2014, le PIB a fortement chuté alors que les intérêts et les bénéfices des intermédiaires financiers ont augmenté de 20 à 30 % par an », une caractéristique structurelle d’un système financier qui « ne sert pas l’économie, mais est servi par elle. Il s’agit d’une productivité nette négative. La machine financière vit aux dépens de l’économie réelle. »
Le phénomène est mondial. Joseph Stiglitz résume la situation simplement : « alors qu’auparavant la finance était un mécanisme permettant d’injecter de l’argent dans les entreprises, aujourd’hui elle fonctionne pour en retirer de l’argent ». C’est l’un des profonds renversements de la politique socio-économique dont est responsable l’assaut néolibéral ; il est également responsable de la forte concentration de la richesse entre les mains d’un petit nombre alors que la majorité stagne, de la diminution des prestations sociales, et de l’affaiblissement de la démocratie, fragilisée par les institutions financières prédatrices. Il y a là les principales sources du ressentiment, de la colère et du mépris à l’égard des institutions gouvernementales qui balayent une grande partie du monde, et souvent appelé – à tort – « populisme ».
C’est l’avenir programmé par la ploutocratie et ses candidats. Un avenir qui serait compromis par un nouveau mandat à la présidence de Lula. Il répondait certes aux exigences des institutions financières et du monde des affaires en général, mais pas suffisamment pour notre époque de capitalisme sauvage.
On pourrait s’attarder un instant sur ce qui s’est passé au Brésil pendant les années Lula – « la décennie d’or », selon les termes de la Banque mondiale en mai 2016 [1]. Au cours de ces années, l’étude de la banque rapporte :
« Les progrès socio-économiques du Brésil ont été remarquables et mondialement reconnus. À partir de 2003 [début du mandat de Lula], le pays est reconnu pour son succès dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et pour sa capacité à créer des emplois. Des politiques novatrices et efficaces visant à réduire la pauvreté et à assurer l’intégration de groupes qui auparavant étaient exclus ont sorti des millions de personnes de la pauvreté. »
Et plus encore :
« Le Brésil a également assumé des responsabilités mondiales. Il a réussi à poursuivre sa prospérité économique tout en protégeant son patrimoine naturel unique. Le Brésil est devenu l’un des plus importants donateurs émergents, avec des engagements importants, en particulier en Afrique subsaharienne, et un acteur majeur dans les négociations internationales sur le climat. La trajectoire de développement du Brésil au cours de la dernière décennie a montré qu’une croissance fondée sur une prospérité partagée, mais équilibrée dans le respect de l’environnement, est possible. Les Brésiliens sont fiers, à juste titre, de ces réalisations saluées sur la scène internationale. »
Du moins certains Brésiliens, pas ceux qui détiennent le pouvoir économique.
Le rapport de la Banque mondiale rejette le point de vue répandu selon lequel les progrès substantiels étaient « une illusion, créée par le boom des produits de base, mais insoutenable dans l’environnement international actuel, moins clément ». La Banque mondiale répond à cette affirmation par un « non » ferme et catégorique : « il n’y a aucune raison pour que ces gains socio-économiques récents soient effacés ; en réalité, ils pourraient bien être amplifiés avec de bonnes politiques. »
Les bonnes politiques devraient comprendre des réformes radicales du cadre institutionnel hérité de la présidence Cardoso, qui a été maintenu pendant les années Lula-Dilma, satisfaisant ainsi les exigences de la communauté financière, notamment une faible imposition des riches et des taux d’intérêt exorbitants, ce qui a conduit à l’augmentation de grandes fortunes pour quelques-uns, tout en attirant les capitaux vers la finance au détriment des investissements productifs. La ploutocratie et le monopole médiatique accusent les politiques sociales d’assécher l’économie, mais dans les faits, les études économiques montrent que l’effet multiplicateur de l’aide financière aux pauvres a stimulé l’économie alors que ce sont les revenus financiers produits par les taux d’intérêt usuraires et autres cadeaux à la finance qui ont provoqué la véritable crise de 2013 – une crise que « les bonnes politiques » auraient permis de surmonter.
L’éminent économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira, ancien ministre des Finances, décrit succinctement le déterminant majeur de la crise en cours : « il n’y a pas de raison économique » pour justifier le blocage des dépenses publiques tout en maintenant les taux d’intérêt à un niveau élevé ; « la cause fondamentale des taux élevés au Brésil, c’est le fait des prêteurs et des financiers » avec ses conséquences dramatiques, appuyé par le corps législatif (élu avec le soutien financier des entreprises) et le monopole des médias qui relaient essentiellement la voix des intérêts privés.
Dowbor montre que tout au long de l’histoire moderne du Brésil, les remises en question du cadre institutionnel ont conduit à des coups d’État, « à commencer par le renvoi et le suicide de Vargas [en 1954] et le putsch de 1964 » (fermement soutenu par Washington). Il y a de bonnes raisons de penser que la même chose s’est produite pendant le « coup d’État en douceur » en cours depuis 2013. Cette campagne des élites traditionnelles, aujourd’hui concentrées dans le secteur financier et servie par des médias qu’ils possèdent, a connu une accélération en 2013, lorsque Dilma Rousseff a cherché à ramener les taux d’intérêt extravagants à un niveau raisonnable, menaçant ainsi de tarir le torrent d’argent facile dont profitait la minorité qui pouvait se permettre de jouer sur les marchés financiers.
La campagne actuelle visant à préserver le cadre institutionnel et à revenir sur les acquis de « la décennie glorieuse » exploite la corruption à laquelle le Parti des travailleurs de Lula, le PT, a participé. La corruption est bien réelle, et grave, même si le fait de diaboliser le PT est une pure instrumentalisation, en regard des écarts de conduite de ses accusateurs. Et comme nous l’avons déjà mentionné, les accusations portées contre Lula, même si l’on devait lui en reconnaître les torts, ne peuvent être prises au sérieux pour justifier la peine qui lui a été infligée dans le but de l’exclure du système politique. Tout cela fait de lui l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période actuelle.
La réaction récurrente des élites face aux menaces qui pèsent sur le cadre institutionnel de l’économie sociopolitique au Brésil trouve son équivalent dans la riposte internationale contre les remises en cause, par le monde en développement, du système néocolonial hérité de siècles de dévastations impérialistes occidentales. Dans les années 1950, dans les premiers jours de la décolonisation, le mouvement des pays non-alignés a cherché à faire son entrée dans les affaires mondiales. Il a été rapidement remis à sa place par les puissances occidentales. En témoigne dramatiquement l’assassinat du leader congolais, très prometteur, Patrice Lumumba, par les dirigeants historiques belges (devançant la CIA). Ce crime et les violences qui ont suivi ont mis fin aux espoirs de ce qui devrait être l’un des pays les plus riches du monde, mais qui reste « l’horreur ! l’horreur ! » avec la collaboration des tortionnaires historiques de l’Afrique.
Néanmoins, les voix gênantes des victimes historiques ne cessaient de s’élever. Dans les années 1960 et 1970, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, avec le concours important d’économistes brésiliens, a présenté des plans pour un Nouvel Ordre Économique International, dans lequel les préoccupations des « sociétés en développement » – la grande majorité de la population mondiale – auraient été examinées. Une initiative rapidement écrasée par la régression néolibérale.
Quelques années plus tard, au sein de l’UNESCO, les pays du Sud ont appelé à un nouvel ordre international de l’information qui ouvrirait le système mondial des médias et de la communication à des acteurs extérieurs au monopole occidental. Cette initiative a déchaîné une riposte extrêmement violente qui a traversé tout le spectre politique, avec des mensonges éhontés et des accusations ridicules, et qui finalement a entraîné le retrait du président américain Ronald Reagan, sous de faux prétextes, de l’UNESCO. Tout cela a été dévoilé dans une étude accablante (donc peu lue) des spécialistes des médias William Preston, Edward S. Herman et Herbert Schiller [2].
L’étude menée en 1993 par le South Centre, qui montrait que l’hémorragie de capitaux depuis les pays pauvres vers les pays riches s’était accompagnée d’exportations de capitaux vers le FMI et la Banque mondiale, qui sont désormais « bénéficiaires nets des ressources des pays en développement », a également été soigneusement passée sous silence. De même que la déclaration du premier sommet du Sud, qui avait rassemblé 133 États en 2000, en réponse à l’enthousiasme de l’Occident pour sa nouvelle doctrine d’« intervention humanitaire ». Aux yeux des pays du Sud, « le soi-disant droit d’intervention humanitaire » est une nouvelle forme d’impérialisme, « qui n’a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies ni dans les principes généraux du droit international ».
Sans surprise, les puissants n’apprécient guère les remises en cause, et disposent de nombreux moyens pour y répliquer ou pour les réduire au silence.
Il y aurait beaucoup à dire sur la corruption endémique de la politique latino-américaine, souvent solennellement condamnée par l’Occident. Il est vrai, c’est un fléau, qui ne devrait pas être toléré. Mais elle n’est pas limitée aux « pays en voie de développement ». Par exemple, ce n’est pas une petite aberration que dans nos pays, les gigantesques banques reçoivent des amendes de dizaines de milliards de dollars (JPMorgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Deutsche Bank, Citigroup) à l’issue d’accords négociés à l’amiable, mais que personne ne soit légalement coupable de ces activités criminelles, qui détruisent pourtant des millions de vies. Remarquant que « les multinationales américaines avaient de plus en plus de difficultés à ne pas basculer dans l’illégalité », l’hebdomadaire londonien The Economist du 30 août 2014 rapportait que 2 163 condamnations d’entreprise avaient été comptabilisées entre 2000 et 2014 – et ces multinationales sont nombreuses à Londres et sur le continent européen [3].
La corruption couvre tout un registre, depuis les énormités qu’on vient de voir jusqu’aux plus petites mesquineries. Le vol des salaires, une épidémie aux États-Unis, en donne un exemple particulièrement ordinaire et instructif. On estime que les deux tiers des travailleurs à bas salaire sont volés sur leur rémunération chaque semaine, tandis que les trois quarts se voient voler tout ou partie de leur rémunération pour les heures supplémentaires. Les sommes ainsi volées chaque année sur les salaires des employés excèdent la somme des vols commis dans les banques, les stations-service et les commerces de proximité. Et pourtant, presque aucune action coercitive n’est engagée sur ce point. Le maintien de cette impunité revêt une importance cruciale pour le monde des affaires, à tel point qu’il est une des priorités du principal lobby entrepreneurial, le American Legislative Exchange Council (ALEC), qui bénéficie des largesses financières des entreprises.
La tâche principale de l’ALEC est d’élaborer un cadre législatif pour les États. Un but facile puisque, d’une part, les législateurs sont financés par les entreprises et, d’autre part, les médias s’intéressent peu au sujet. Des programmes méthodiques et intenses soutenus par l’ALEC sont donc capables de faire évoluer les contours de la politique d’un pays, sans préavis, ce qui constitue une attaque souterraine contre la démocratie mais avec des effets importants. Et l’une de leurs initiatives législatives consiste à faire en sorte que les vols de salaires ne soient pas soumis à des contrôles ni à l’application de la loi.
Mais la corruption, qui est un crime, qu’elle soit massive ou minime, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La corruption la plus grave est légale. Par exemple, le recours aux paradis fiscaux draine environ un quart, voire davantage, des 80 000 milliards de dollars de l’économie mondiale, créant un système économique indépendant exempt de surveillance et de réglementation, un refuge pour toutes sortes d’activités criminelles, ainsi que pour les impôts qu’on ne veut pas payer. Il n’est pas non plus techniquement illégal pour Amazon, qui vient de devenir la deuxième société à dépasser les 1 000 milliards de dollars de valeur, de bénéficier d’allègements fiscaux sur les ventes. Ou que l’entreprise utilise environ 2 % de l’électricité américaine à des tarifs très préférentiels, conformément à « une longue tradition américaine de transfert des coûts depuis les entreprises vers les plus démunis, qui consacrent déjà aux factures des services publics, en proportion de leurs revenus, environ trois fois plus que ne le font les ménages aisés », comme le rapporte la presse économique [4].
Il y a une liste infinie d’autres exemples.
Un autre exemple important, c’est l’achat des voix lors des élections, un sujet qui a été étudié en profondeur, en particulier par le politologue Thomas Ferguson. Ses recherches, ainsi que celles de ses collègues, ont montré que l’éligibilité du Congrès et de l’exécutif est prévisible avec une précision remarquable à partir de la variable unique des dépenses électorales, une tendance très forte qui remonte loin dans l’histoire politique américaine et qui s’étend jusqu’aux élections de 2016 [5]. La corruption latino-américaine est considérée comme un fléau, alors que la transformation de la démocratie formelle en un instrument entre les mains de la fortune privée est parfaitement légale.
Bien sûr, ce n’est pas que l’interférence dans les élections ne soit plus à l’ordre du jour. Au contraire, l’ingérence présumée de la Russie dans les élections de 2016 est un sujet majeur de l’époque, un sujet d’enquêtes acharnées et de commentaires endiablés. En revanche, le rôle écrasant du monde de l’entreprise et des fortunes privées dans la corruption des élections de 2016, selon une tradition qui remonte à plus d’un siècle, est à peine reconnu. Après tout, il est parfaitement légal, il est même approuvé et renforcé par les décisions de la Cour suprême la plus réactionnaire de mémoire d’homme.
L’achat d’élections n’est pas la pire des interventions des entreprises dans la démocratie américaine immaculée, souillée par les hackers russes (avec des résultats indétectables). Les dépenses de campagne atteignent des sommets, mais elles sont éclipsées par le lobbying, qui représenterait environ 10 fois ces dépenses – un fléau qui s’est rapidement aggravé dès les premiers jours de la régression néolibérale. Ses effets sur la législation sont considérables, le lobbyiste allant jusqu’à la rédaction littérale des lois, alors que le parlementaire – qui signe le projet de loi – est quelque part ailleurs, occupé à collecter des fonds pour la prochaine campagne électorale.
La corruption est effectivement un fléau au Brésil et en Amérique latine en général, mais ils restent des petits joueurs.
Tout cela nous ramène à la prison, où l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période est maintenu en isolement pour que le « coup d’État en douceur » au Brésil puisse se poursuivre, avec des conséquences certaines qui seront sévères pour la société brésilienne, et pour le monde entier, étant donné le rôle potentiel du Brésil.
Tout cela peut continuer, à une condition, que ce qui se passe continue d’être toléré. »
Noam Chomsky
]]>How Vilification of George Soros Moved From the Fringes to the Mainstream - The New York Times
▻https://www.nytimes.com/2018/10/31/us/politics/george-soros-bombs-trump.html
On both sides of the Atlantic, a loose network of activists and political figures on the right have spent years seeking to cast Mr. Soros not just as a well-heeled political opponent but also as the personification of all they detest. Employing barely coded anti-Semitism, they have built a warped portrayal of him as the mastermind of a “globalist” movement, a left-wing radical who would undermine the established order and a proponent of diluting the white, Christian nature of their societies through immigration.
In the process, they have pushed their version of Mr. Soros, 88, from the dark corners of the internet and talk radio to the very center of the political debate.
“He’s a banker, he’s Jewish, he gives to Democrats — he’s sort of a perfect storm for vilification by the right, here and in Europe,” said Michael H. Posner, a human rights lawyer and former State Department official in the Obama administration.
Mr. Soros has given his main group, the Open Society Foundations, $32 billion for what it calls democracy-building efforts in the United States and around the world. In addition, in the United States, Mr. Soros has personally contributed more than $75 million over the years to federal candidates and committees, according to Federal Election Commission and Internal Revenue Service records.
That qualifies him as one of the top disclosed donors to American political campaigns in the modern campaign finance era, and it does not include the many millions more he has donated to political nonprofit groups that do not disclose their donors.
By contrast, the network of conservative donors led by the billionaire industrialist brothers Charles G. and David H. Koch, who have been similarly attacked by some on the American left, has spent about $2 billion over the past decade on political and public policy advocacy.❞
The closing advertisement for Mr. Trump’s 2016 campaign featured Mr. Soros — as well as Janet L. Yellen, the chairwoman of the Federal Reserve at the time, and Lloyd Blankfein, the chief executive of Goldman Sachs, both of whom are Jewish — as examples of “global special interests” who enriched themselves on the backs of working Americans.
If anything, Mr. Soros has been elevated by Mr. Trump and his allies to even greater prominence in the narrative they have constructed for the closing weeks of the 2018 midterm elections. They have projected on to him key roles in both the threat they say is posed by the Central Americans making their way toward the United States border and what they characterized as Democratic “mobs” protesting the nomination of Brett M. Kavanaugh to the Supreme Court.
The National Republican Congressional Committee ran an ad in October in Minnesota suggesting that Mr. Soros, who is depicted sitting behind a pile of cash, “bankrolls” everything from “prima donna athletes protesting our anthem” to “left-wing mobs paid to riot in the streets.” The ad links Mr. Soros to a local congressional candidate who worked at a think tank that has received funding from the Open Society Foundations.
Even after the authorities arrested a fervent Trump supporter and accused him of sending the pipe bombs to Mr. Soros and other critics, Republicans did not back away. The president grinned on Friday when supporters at the White House responded to his attacks on Democrats and “globalists” by chanting, “Lock ’em up,” and yelling, “George Soros.”
]]>Affaire Khashoggi : ces #Multinationales françaises qui refusent de boycotter le régime saoudien
▻https://www.bastamag.net/Affaire-Khashoggi-ces-multinationales-francaises-qui-refusent-de-boycotter
L’année dernière, les patrons des grandes multinationales s’étaient rendus en masse au premier forum économique organisé par l’Arabie saoudite, surnommé le « Davos du désert ». Cette année, les défections se sont succédées suite à l’assassinat présumé du journaliste Jamal Khashoggi par des agents du régime saoudien en Turquie. Google, EDF, Siemens ou Ford, les banques JP Morgan, HSBC, BNP Paris, Goldman Sachs, le fonds d’investissement BlackRock, ou même le géant de l’extraction de matières premières (...)
En bref
/ Multinationales
]]>« CumEx Files » : l’histoire secrète du casse du siècle
►https://www.lemonde.fr/long-format/article/2018/10/18/cumex-files-l-histoire-secrete-du-casse-du-siecle_5371029_5345421.html
Cinquante-cinq milliards d’euros ont été subtilisés en 15 ans à plusieurs Etats européens par des financiers opérant en bande organisée sur les marchés. Une enquête du « Monde », associé à dix-huit médias européens.
La crise… Partout, en ce mois de juin 2011, la crise s’écrit, se crie, se propage. Les dizaines de milliards d’euros injectés pour secourir les banques après le krach de 2008 ont achevé d’asphyxier des pays surendettés. L’Europe est au bord du gouffre, l’euro attaqué, la Grèce coule. Mais, au moins, les chefs d’Etat peuvent-ils se satisfaire d’avoir fait bon usage de l’argent public, pour préserver le secteur bancaire, poumon de l’économie.
Loin du tumulte du monde, en ce même été 2011, à Bonn, en Allemagne, au fond d’un petit bureau gris de l’administration, une inspectrice des impôts lit et relit un drôle de courrier qu’elle ne se résout pas à classer. C’est une demande de remboursement d’impôts adressée au fisc par un fonds de pension, comme il en arrive tous les jours à l’Office fédéral des impôts pour les acheteurs d’actions cotées en Bourse.
Mais cette demande-là l’intrigue. Le fonds réclame beaucoup d’argent, pour un très grand nombre d’achats et de ventes d’actions effectués dans des temps record, autour du jour, justement, où ces actions libèrent leurs dividendes. Il a fallu investir des dizaines de milliards pour ces transactions, alors que cette caisse de retraite n’a qu’un seul bénéficiaire. Un Américain, dont le domicile, dans un quartier ultrarésidentiel du New Jersey, lui sert de siège social. Bien loin de Wall Street, donc. Comment peut-elle brasser autant d’argent ?
Comme il y en a pour près de 54 millions d’euros, la jeune femme décide d’y regarder de plus près. Elle se plonge dans le monde opaque des transactions boursières, auquel elle ne connaît rien. Et, au lieu des millions escomptés, adresse au fonds une longue liste de questions. Sans savoir qu’elle est, à elle seule, sur le point de mettre au jour le plus grand scandale fiscal de toute l’histoire en Allemagne : entre 7 milliards et 12 milliards d’euros subtilisés en sept ans entre 2005 et 2012.
Il ne s’agit pas d’une simple fraude à l’impôt, mais d’un vol, commis dans les caisses de l’Etat au préjudice des contribuables, par une bande organisée de fonds de placement, de banques, de courtiers et d’avocats. Le casse du siècle, en somme, monté par des délinquants en col très blanc, et baptisé « CumEx » (en latin : avec ou sans… dividendes).
Le cerveau, un ancien du fisc
Comme dans toutes les bonnes histoires de fraude à grande échelle, il faut un cerveau. Il est ici allemand, fils de pasteur, et s’appelle Hanno Berger. C’est un ancien haut fonctionnaire du fisc de Francfort, et, à ce titre, contrôleur de la Bourse et des banques, tôt reconverti en fiscaliste. Un avocat brillant et si bien informé qu’il se voit rapidement courtisé par les millionnaires avides de ficelles fiscales.
Or, après des années à repousser les limites de l’optimisation fiscale, il s’ennuie un peu. C’est alors qu’en 2006 ou 2007, il identifie le filon du siècle. La finance s’apprête alors à connaître sa crise la plus violente depuis 1929, mais elle baigne encore dans l’argent facile et la spéculation. Hanno Berger a repéré une façon de gagner gros, très vite : utiliser les crédits d’impôts qui résultent du versement des dividendes d’actions cotées en Bourse. Ces remboursements sont normalement réservés à certaines catégories d’investisseurs qui ont, bien entendu, acquitté au préalable leur impôt sur les dividendes. Mais le fiscaliste va s’en affranchir, en profitant de tous les stratagèmes qu’offrent les marchés financiers.
« Au fond, c’est toujours le contribuable qui paie la facture »
Le procédé n’est pas nouveau et avait été repéré dès les années 1990 par les contrôleurs du ministère de l’économie. Mais il n’a jamais été « industrialisé ». Surtout, alors que le législateur pensait avoir mis fin aux fraudes grâce à une loi ad hoc en 2007, Berger le génial fiscaliste a identifié une faille. Son plan est simple, même s’il passe par des techniques compliquées : mettre au point des montages où les actions changent de main si vite, d’un intervenant à un autre et d’un pays à l’autre, qu’il est difficile de savoir, à un instant « T », qui détient quoi et combien.
Ainsi, l’impôt payé une seule fois pourra être récupéré plusieurs fois. Parfois même, l’impôt sera récupéré sans avoir été payé. Les montages seront si complexes que le fisc n’y verra que du feu. Poussée à grande vitesse, la machine des crédits d’impôts va devenir une vraie machine à cash. « Et, au fond, c’est toujours le contribuable du pays concerné qui paie la facture », reconnaît aujourd’hui un ancien disciple du maître à penser.
Martingale en poche, Hanno Berger ne met pas longtemps à recruter des volontaires dans sa clientèle de banques et de grandes fortunes. Ce n’est pas du vol, leur répète-t-il avec aplomb, d’autant qu’à première vue, il ne s’agit que d’une variante de l’arbitrage de dividendes, une stratégie d’optimisation fiscale fondée sur des méthodes similaires d’échanges rapides d’actions. C’est tout au plus une excroissance d’un business pratiqué depuis des années par toutes les grandes banques de la planète.
En coulisses, la fête continue
Petit à petit, ce commerce se structure, les équipes s’étoffent. Hanno Berger bouscule les nouvelles recrues : « Ceux qui seraient tentés de penser qu’il y aura moins de crèches ou d’écoles maternelles construites en Allemagne à cause de notre business n’ont rien à faire ici ! »
Les grands noms de la finance se laissent convaincre : banques internationales prestigieuses, fonds d’investissement ou de pension américains, courtiers de renom, avocats en vue… Des établissements aussi réputés que Goldman Sachs ou BNP Paribas prêtent main-forte à de petites « maisons » privées, comme la banque suisse J. Safra Sarasin, bien connue des grandes fortunes.
La crise qui se profile dès la mi-2007, puis plonge le monde dans la tourmente après la chute de la banque américaine Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, semble même les encourager à jouer contre les deniers publics.
La finance mondiale, pour avoir trop spéculé, se découvre pourtant rongée de l’intérieur par des produits financiers toxiques. Les Etats sont appelés à son secours, ils consacrent des plans de sauvetage géants au secteur bancaire, en prêts ou en injections en capital. Les banques font acte de contrition, promettent de renoncer aux activités spéculatives pour se recentrer sur le financement de l’économie réelle… Officiellement, la fête est finie.
Mais, en coulisses, les agapes continuent. Les témoins de ces années-là évoquent luxe, filles et cocaïne devant les enquêteurs et les médias partenaires du Monde. Autour d’Hanno Berger, un noyau dur de spécialistes se structure. Ces derniers évoluent entre la City de Londres et Francfort. Ils ont créé leurs propres boutiques financières dès 2008, pour gagner en discrétion et toucher le jackpot. C’est avec eux que traitent les banques et les fonds.
Leur repaire : un restaurant indien ultrachic de Londres, The Cinnamon Club, qui, jadis, abrita l’ancienne bibliothèque de Westminster. C’est là, entre deux coupes de champagne, que se discutent les montages, les règles de partage des gains et les consignes de sécurité. La confidentialité est impérative, toutes les traces sont scrupuleusement effacées : à chaque opération nouvelle, un téléphone neuf est utilisé.
Dans le premier cercle se trouve Paul Mora, un ancien de la banque allemande HVB, qui a fondé la société Ballance Capital avec un transfuge de la Deutsche Bank. Il y a aussi Sanjay Shah, qui a appris le métier chez Merrill Lynch et propose les services de son fonds spéculatif, Solo Capital. Il est l’heureux propriétaire d’un yacht de luxe, qu’il a baptisé… Cum-Ex. Ou Neil Anand, qui a quitté JP Morgan pour la société de gestion Duet, et Darren Thorpe qui a fait de la petite banque australienne Macquarie un géant du CumEx. Enfin, bien sûr, Hanno Berger lui-même, qui finit par fonder son propre cabinet, BSK.
A l’assaut d’autres coffres-forts
En 2009, la crise financière se mue en crise de l’euro, la Banque centrale européenne (BCE) déverse des tonnes de liquidités pour maintenir la zone euro à flot, mais le business du CumEx continue à prospérer. De nombreux fonds sont ainsi créés pour acheter et vendre des actions autour du jour du versement des dividendes. Ils se servent dans les caisses de l’Etat allemand et se partagent le pactole avec les grandes banques – qui prennent soin de rester en retrait.
Alors que, sous leurs yeux, l’Europe prend l’eau, une cinquantaine de banques participent à ces schémas frauduleux. En vérité, il s’agit de l’investissement parfait, avec un niveau de risque zéro, car indépendant des fluctuations du marché. Ces opérations génèrent des centaines de millions d’euros, alors qu’elles n’ont aucune finalité économique – sinon d’instaurer un droit de tirage permanent sur le fisc.
La France aurait pu être un terrain de choix, mais Hanno Berger s’y est cassé les dents.
Le filon est si juteux que le système s’exporte, pour fracturer d’autres coffres-forts fiscaux. A lui seul, le trader Sanjay Shah dérobe au Danemark 1,4 milliard d’euros, entre 2012 et 2015. Il a organisé, entre-temps, de grands concerts de Prince, de Snoop Dogg et de Ricky Martin avec sa fondation philanthropique. D’autres membres du groupe ont gagné des centaines de millions, en reproduisant l’arnaque en Autriche, en Suisse, en Norvège et en Belgique.
La France aurait pu être un terrain de choix, mais Hanno Berger s’y est cassé les dents. Dès 2007, il avait pourtant missionné cinq prestigieux cabinets d’avocats parisiens pour tenter de trouver la faille. En vain. Contrairement à ses voisins, l’Hexagone n’utilise plus, depuis 2005, le système des avoirs fiscaux, qui permet de tromper le fisc en réclamant des remboursements multiples. La fraude n’y est plus possible, même si l’optimisation fiscale des dividendes y prospère.
Game over
Lorsque l’existence de la manœuvre s’ébruite en Allemagne, le ministère des finances tente de réformer le système. « Big problem, game over », écrit un disciple d’Hanno Berger. Une fois encore, les financiers trouvent la parade, en utilisant des fonds de pension américains dissimulés derrière des sociétés à Gibraltar. Ils engrangent encore quelques milliards avant que l’inspectrice des impôts de Bonn ne les mette définitivement hors jeu, en 2011.
L’Allemagne ouvre alors enfin les yeux sur le gigantesque hold-up dont elle a été victime. Les députés votent en urgence une réforme qui interdit le « CumEx » à compter du 1er janvier 2012. Ils installent une commission parlementaire, tandis qu’aux quatre coins du pays, des enquêtes pénales sont ouvertes.
La plupart des braqueurs ont fui, certains sont signalés en Suisse ou à Dubaï. Mais en 2017, les langues se sont déliées. Certains escrocs ont commencé à parler, et les premières mises en examen tombent en mai 2018, dont celles d’Hanno Berger et Paul Mora. Les premiers procès devraient avoir lieu début 2019. Les banques, elles, risquent des poursuites au civil, ne pouvant en droit allemand être poursuivies au pénal en temps que personnes morales.
L’Allemagne sait ce qu’elle doit à celle qui a fait vaciller le château de cartes, un jour de juin, il y a huit ans. La jeune inspectrice des impôts de Bonn, que n’ont découragée ni les bataillons d’avocats ni les menaces de poursuites, préfère rester anonyme. « Je ne suis pas une héroïne. J’ai juste fait mon travail », dit-elle.
]]>Exclusif. Philippe Béchade en OFF sur la Deutsche Bank : « c’est Lehman Brothers au cube ! » (Contributeur anonyme)
▻https://www.crashdebug.fr/diversifion/15105-exclusif-philippe-bechade-en-off-sur-la-deutsche-bank-c-est-lehman-
Tiens comme on parlait des banques, ça tombe bien.... ; ) Merci à notre Contributeur anonyme, si vous voulez creuser le sujet plus largement (pour savoir à quelle sauce vous allez être mangé....), je pointe cette excellente interview de Philippe Béchade, plus les habituelles informations complémentaires en bas d’article (et notamment l’interview de Pierre Jovanovic cet été)
Source(s) : Youtube.com via Contributeur anonyme
Informations complémentaires :
Crashdebug.fr : Moment détente « Les Guignols : génération Goldman Sachs »
Crashdebug.fr : Commerzbank et Deutsche Bank risquent ne plus faire partie du gotha des entreprises cotées
Crashdebug.fr : Politique et Éco - TV Libertés 1er août 2018 - Pierre Jovanovic : Les arnaques bancaires de l’été
Crashdebug.fr : Trichet juge la situation (...)
]]>Prélèvement à la source : de nombreuses erreurs lors de la phase d’essai...
▻https://www.crashdebug.fr/actualites-france/15077-prelevement-a-la-source-de-nombreuses-erreurs-lors-de-la-phase-d-es
PRELEVEMENT A LA SOURCE : ... futur calcul et futur bug auront bon dos pour taxer plus CQFD
1 ... Bug au niveau du calcul, c’est une usine à gaz à harmoniser les différents statuts, régimes, taux, exonérations, etc.,parfois incompatibles entre eux.
2 ... Bug au niveau du paiement, c’est une usine à gaz à la manière du logiciel Louvois ou du RSI.
3 ... En réalité, tout le monde paiera plus à termes... et encore plus après la crise financière, car on ne verra pas les hausses des prélèvements de l’Etat et de l’entreprise, puisque le salaire sera net avec très peu de détail suite à la simplification du bulletin de paie, unique certitude la diminution prochaine du salaire net... sûrement de 30% comme le veut Goldman Sachs. (...)
]]>Prélèvement à la source : une réforme à tiroirs qui réserve encore des surprises...
▻https://www.crashdebug.fr/actualites-france/15053-prelevement-a-la-source-une-reforme-a-tiroirs-qui-reserve-encore-de
PRELEVEMENT A LA SOURCE :...futur calcul et futur bug auront bon dos pour taxer plus CQFD
1... Bug au niveau du calcul, c’est une usine à gaz à harmoniser les différents statuts, régimes, taux, exonérations etc...parfois incompatibles entre eux.
2... Bug au niveau du paiement, c’est une usine à gaz à la manière du logiciel Louvois ou du RSI.
3... En réalité, tout le monde paiera plus à termes...et encore plus après la crise financière, car on ne verra pas les hausses des prélèvements de l’Etat et de l’entreprise, puisque le salaire sera net avec très peu de détail suite à la simplification du bulletin de paie, unique certitude la diminution prochaine du salaire net...sûrement de 30% comme le veut Goldman Sachs. (...)
]]>Everything You Need to Know About #brazil’s #fintech Industry
▻https://hackernoon.com/everything-you-need-to-know-about-brazils-fintech-industry-9a9069563451?
By Samuel Lett, Launchway MediaBrazil is a nation of magical realism and vibrant communities, yet also of political corruption and economic unrest. Brazil is the largest country in Latin America — both in landmass and population — and holds an influential position on the global stage. After the United States, Brazil tops the list of total Facebook, Twitter, and YouTube users. Moreover, there are more mobile devices in the region than human inhabitants.Regardless of the current state of affairs, the financial technology (fintech) sector is booming in Brazil. According to Finnovista, Brazil is the largest fintech hub in Latin America with over 188 new startups in the past 18 months. The industry has grown to capture the attention of giants such as Goldman Sachs, Sequoia Capital, and Visa. (...)
]]>Le néo-populisme est un néo- libéralisme | AOC media - Analyse Opinion Critique
►https://aoc.media/analyse/2018/07/03/neo-populisme-neo-liberalisme
Un examen plus poussé des porte-drapeaux de la Droite nous conduit cependant à nous demander si le clivage « petites gens / privilégiés » résume de manière adéquate la situation politique actuelle. Pourquoi l’un des négociateurs FPÖ de la coalition dirige-t-il un institut portant le nom du pape de l’ultra-libéralisme, Friedrich Hayek, lequel reçut des mains de George Bush la Médaille présidentielle de la Liberté en 1991 ? Pourquoi le délégué parlementaire à Munich du parti de l’AfD – et désormais président de la Commission du budget au parlement – est-il un bloggeur libertarien et un consultant en métaux précieux qui vendait, lors des conventions, des lingots signés des responsables du parti ? Et pourquoi bon nombre des conseillers universitaires et des principales têtes pensantes du parti sont-ils aussi membres de la Société du Mont Pèlerin, think tank créé par Friedrich Hayek ? Je pense notamment à Roland Vaubel, Joachim Starbatty et à l’un des responsables actuels du parti, l’économiste de formation et ancienne employée de Goldman Sachs, Alice Weidel.
En d’autres termes, que faisaient ces parfaits candidats pour Davos, à la tête de partis fondés sur la critique de l’Islam et l’opposition à l’immigration non blanche ?
Le néolibéralisme et le nativisme ne sont contradictoires qu’en apparence. L’histoire nous aide à comprendre que les partis « populistes » de l’Europe centrale représentent en effet une souche du libre-échangisme mondialisé (free market globalism) plutôt que sa contestation.
Les néolibéraux se sont toujours souciés des conditions extra-économiques de la survie du capitalisme, mais, en règle générale, ils s’attachaient surtout aux lois, à la religion et à l’ordre moral. L’influence croissante des idées liées à la théorie hayekienne de l’évolution culturelle ainsi que la popularité grandissante des neurosciences et de la psychologie évolutionniste incitèrent de nombreuses personnes à invoquer les sciences. Pour Charles Murray, notamment, la recherche des fondements de l’ordre du marché exigeait d’aller « plus profond dans le cerveau », ou Deeper into the Brain comme l’écrit en l’an 2000 ce membre de la Société du Mont Pèlerin. D’autres, comme Detmar Doering, membre de la branche allemande de cette même Société, sont allés jusqu’à réhabiliter le darwinisme social. Comme devait le déclarer en 2014 Peter Boettke, économiste diplômé de l’université George Mason et président actuel de la Société, la sécurisation du capitalisme est passée de la question du « bon prix » à la question des « bonnes institutions » et enfin à celle de la « bonne culture ».
Les libertariens et les néolibéraux ont formé des alliances avec les partisans du traditionalisme, du nationalisme et de l’homogénéité culturelle. Les néolibéraux de droite de ces nouveaux partis populistes n’ont pas rejeté la dynamique de la concurrence du marché : ils l’ont renforcée. Les libertariens partisans de la fermeture des frontières continuent d’exiger la libre circulation des capitaux et des biens – en revanche, ils s’opposent catégoriquement à la libre circulation d’un certain type de personnes.
Ce qui est sans doute le plus frappant concernant ce « New Fusionism » est la manière avec laquelle ce mouvement mélange convictions néolibérales en matière de marché et affirmations psycho-sociales douteuses. Leur obsession pour les tests d’évaluation de l’intelligence est particulièrement notable. Bien que le terme de « capital cognitif » soit habituellement associé aux marxistes français et italiens, le néolibéral Murray devait s’en emparer dès 1994 dans son ouvrage The Bell Curve pour décrire les différences d’intelligence héritable selon les groupes de population, différences quantifiables en QI. En bon disciple du théoricien de la race Richard Lynn, le sociologue allemand Erich Weede, co-fondateur de la Société Hayek (et qui reçut la médaille Hayek en 2012 ) considère l’intelligence comme le principal déterminant de la croissance économique. La richesse et la pauvreté des nations ne s’expliquent pas par l’histoire mais par les qualités irréductibles de leurs populations, dit l’ancien membre du directoire de la Bundesbank, Thilo Sarrazin, dont le livre L’Allemagne disparaît : quand un pays se laisse mourir (Deutschland schafft sich ab) s’est vendu en Allemagne à plus d’1,5 millions d’exemplaires et a stimulé le succès des partis islamophobes comme l’AfD, dont le programme officiel affichait le titre Ne laissez pas mourir l’Allemagne.Sarrazin cite également Lynn et d’autres chercheurs de l’intelligence pour argumenter contre l’immigration en provenance de pays majoritairement musulmans et ce sur la base du QI.
]]>The Greatest Crimes Against Humanity Are Perpetrated by People Just Doing Their Jobs
▻https://truthout.org/articles/the-careerists
The greatest crimes of human history are made possible by the most colorless human beings. They are the careerists. The bureaucrats. The cynics. They do the little chores that make vast, complicated systems of exploitation and death a reality. They collect and read the personal data gathered on tens of millions of us by the security and surveillance state. They keep the accounts of ExxonMobil, BP and Goldman Sachs. They build or pilot aerial drones. They work in corporate advertising and public relations. They issue the forms. They process the papers. They deny food stamps to some and unemployment benefits or medical coverage to others. They enforce the laws and the regulations. And they do not ask questions.
Good. Evil. These words do not mean anything to them. They are beyond morality. They are there to make corporate systems function. If insurance companies abandon tens of millions of sick to suffer and die, so be it. If banks and sheriff departments toss families out of their homes, so be it. If financial firms rob citizens of their savings, so be it. If the government shuts down schools and libraries, so be it. If the military murders children in Pakistan or Afghanistan, so be it. If commodity speculators drive up the cost of rice and corn and wheat so that they are unaffordable for hundreds of millions of poor across the planet, so be it. If Congress and the courts strip citizens of basic civil liberties, so be it. If the fossil fuel industry turns the earth into a broiler of greenhouse gases that doom us, so be it. They serve the system. The god of profit and exploitation. The most dangerous force in the industrialized world does not come from those who wield radical creeds, whether Islamic radicalism or Christian fundamentalism, but from legions of faceless bureaucrats who claw their way up layered corporate and governmental machines. They serve any system that meets their pathetic quota of needs.
These systems managers believe nothing. They have no loyalty. They are rootless. They do not think beyond their tiny, insignificant roles. They are blind and deaf. They are, at least regarding the great ideas and patterns of human civilization and history, utterly illiterate. And we churn them out of universities. Lawyers. Technocrats. Business majors. Financial managers. IT specialists. Consultants. Petroleum engineers. “Positive psychologists.” Communications majors. Cadets. Sales representatives. Computer programmers. Men and women who know no history, know no ideas. They live and think in an intellectual vacuum, a world of stultifying minutia. They are T.S. Eliot’s “the hollow men,” “the stuffed men.” “Shape without form, shade without colour,” the poet wrote. “Paralysed force, gesture without motion.”
It was the careerists who made possible the genocides, from the extermination of Native Americans to the Turkish slaughter of the Armenians to the Nazi Holocaust to Stalin’s liquidations. They were the ones who kept the trains running. They filled out the forms and presided over the property confiscations. They rationed the food while children starved. They manufactured the guns. They ran the prisons. They enforced travel bans, confiscated passports, seized bank accounts and carried out segregation. They enforced the law. They did their jobs.
Political and military careerists, backed by war profiteers, have led us into useless wars, including World War I, Vietnam, Iraq and Afghanistan. And millions followed them. Duty. Honor. Country. Carnivals of death. They sacrifice us all. In the futile battles of Verdun and the Somme in World War I, 1.8 million on both sides were killed, wounded or never found. In July of 1917 British Field Marshal Douglas Haig, despite the seas of dead, doomed even more in the mud of Passchendaele. By November, when it was clear his promised breakthrough at Passchendaele had failed, he jettisoned the initial goal—as we did in Iraq when it turned out there were no weapons of mass destruction and in Afghanistan when al-Qaida left the country—and opted for a simple war of attrition. Haig “won” if more Germans than allied troops died. Death as score card. Passchendaele took 600,000 more lives on both sides of the line before it ended. It is not a new story. Generals are almost always buffoons. Soldiers followed John the Blind, who had lost his eyesight a decade earlier, to resounding defeat at the Battle of Crécy in 1337 during the Hundred Years War. We discover that leaders are mediocrities only when it is too late.
]]>Goldman Sachs prévoit les demi-finales pour la France - L’Équipe
▻https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Goldman-sachs-prevoit-les-demi-finales-pour-la-france/909973
Dans sa conclusion, #Goldman_Sachs, qui défend un credo libéral, lie le calendrier #politique en #France aux résultats des Bleus : « Une performance exceptionnelle de l’équipe de France en Russie pourrait contribuer à réduire les oppositions à ces #réformes grâce à une meilleure #cohésion_sociale derrière les Bleus. »
]]>Jeu vidéo. Le français Voodoo lève 200 millions de dollars auprès de Goldman Sachs
▻https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/startup/jeu-video-le-francais-voodoo-leve-200-millions-de-dollars-aupres-de-gol
Jouez-vous à Dune, Fight list, Paper ou Helix jump sur votre smartphone ? Certainement. Voodoo, la start-up basée à Paris, Montpellier et Strasbourg édite ces jeux vidéo grand public avec 400 studios dans le monde. Elle est classée première mondiale en nombre de téléchargements sur l’App store avec 150 millions d’utilisateurs actifs par mois. Une vraie succès Story, comme Blabacar ou Sigfox, qui a séduit la pertinente banque d’investissement Goldman Sachs. Elle vient de devenir actionnaire de référence de cette pépite française, permettant à la société spécialisée dans l’édition et la distribution de jeux sur mobile de changer de dimension pour se diversifier et se développer à l’international. La banque américaine a investi un montant de 200 millions de dollars (172 millions d’euros) via son fonds West Street Capital Partners VII, devenant l’actionnaire de référence aux côtés des deux fondateurs, qui restent majoritaires au capital.
Alors tu vois, quand une boite française veut se développer, c’est aux US qu’elle va demander du fric. Parce qu’en France, on n’a plus rien pour aider à ce genre de développement. Désespérant. Surtout quand tu découvres qui prend le contrôle en définitive...
Souvenir du moment où le gvt il y a une dizaine d’années décidait d’investir dans le Cloud, en déversant des millions sur Orange... et en omettant totalement l’existence d’OVH...
]]>Voodoo secures $200m Goldman Sachs investment
▻https://www.gamesindustry.biz/articles/2018-05-29-voodoo-games-secures-usd200m-goldman-sachs-investment
French #Mobile developer looks to double its staff by year’s end
]]>Goldman Sachs report : « Is curing patients a sustainable business model ? » / Boing Boing
▻https://boingboing.net/2018/04/14/shared-microbial-destiny.html
Soigner les pauvres est seulement rentable s’ils demeurent malades.
In Goldman Sachs’s April 10 report, “The Genome Revolution,” its analysts ponder the rise of biotech companies who believe they will develop “one-shot” cures for chronic illnesses; in a moment of rare public frankness, the report’s authors ask, “Is curing patients a sustainable business model?”
The authors were apparently spooked by the tale of Gilead Sciences, who developed a Hepatitis C therapy that is more than 90% effective, making $12.5B in 2015 — the year of the therapy’s release — a number that fell to $4B this year.
The analysts are making a commonsense observation: capitalism is incompatible with human flourishing. Markets will not, on their own, fund profoundly effective cures for diseases that destroy our lives and families. This is a very strong argument for heavily taxing the profits of pharma companies’ investors and other one percenters, and then turning the money over to publicly funded scientific research that eschews all patents, and which is made available for free under the terms of the Access To Medicines treaty, whereby any country that devotes a set fraction of its GDP to pharma research gets free access to the fruits of all the other national signatories.
Humans have shared microbial destiny. If there’s one thing that challenges the extreme libertarian conception of owing nothing to your neighbor save the equilibrium established by your mutual selfishness, it’s epidemiology. Your right to swing your fist ends where it connects with my nose; your right to create or sustain reservoirs of pathogens that will likely kill some or all of your neighbors is likewise subject to their willingness to tolerate your recklessness.
Goldman Sachs’s analysts suggest three “cures” for the problem of one-shot cures; and taxing the rich to fund socialized pharma research isn’t among them; rather, they propose eschewing rare diseases, to ensure that the pool of patients is large enough to produce a return on their investment, or developing one-shot cures fast enough to “offset the declining revenue trajectory of prior assets.”
]]>Cambridge Analytica : de nouveaux chiffres nuancent l’effet du mouvement #DeleteFacebook
▻https://www.numerama.com/tech/376616-cambridge-analytica-de-nouveaux-chiffres-nuancent-leffet-du-mouveme
Le scandale Cambridge Analytica avait fait naître un mouvement qui enjoignait les internautes à supprimer leur compte Facebook. Des données de Goldman Sachs montrent que le temps passé sur le réseau social a, à l’inverse, augmenté depuis la controverse. L’éclosion du scandale Cambridge Analytica a nourri certaines prédictions qui imaginaient déjà les internautes quitter, les uns après les autres, Facebook. D’autres avaient émis l’hypothèse, déjà plus réaliste, que les membres du réseau social se (...)
]]>2014 :
#Goldman_Sachs menacé d’un recours collectif pour #discrimination sexuelle
▻https://www.lesechos.fr/24/10/2014/lesechos.fr/0203886416662_goldman-sachs-menace-d-un-recours-collectif-pour-discriminati
Le juge devrait donner sa décision sur la légitimité d’un recours collectif d’ici la fin de l’année. S’il l’autorise, cela sera beaucoup plus dommageable pour Goldman Sachs.
2018 : la décision du juge est favorable
Wall Street’s Biggest Gender Lawsuit Is 13 Years in the Making - Bloomberg
▻https://www.bloomberg.com/news/features/2018-05-03/wall-street-s-biggest-gender-lawsuit-is-13-years-in-the-making
A federal judge in New York had ruled that she and three other women who claim there’s systematic gender discrimination at Goldman can now represent as many as 2,300 other current and former employees.
]]>Goldman Sachs meets Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman
▻https://theduran.com/goldman-sachs-meets
With the billion, maybe trillion, dollar Aramco IPO looming sometime in the future, Zerohedge reports that Goldman Sachs’ CEO did some more of “god’s work” when he met with Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman, exposing MbS without his traditional headdress.
Blankfein tweeted, along with the below photo…
“The Crown Prince is always impressive when he sets out his vision for the KSA. Can’t remember WHEN my beard turned white, but I remember WHY. MBS is much younger and I’m sure handles stress better!”
▻https://i1.wp.com/theduran.com/wp-content/uploads/2018/03/2018-03-28_10-08-38.jpg?w=500&ssl=1
]]>José Manuel Barroso, l’ancien président passé chez Goldman Sachs, continue d’embarrasser la Commission
▻http://www.lalibre.be/actu/international/jose-manuel-barroso-l-ancien-president-passe-chez-goldman-sachs-continue-d-e
Barroso chez #Goldman_Sachs : l’affaire rebondit
▻https://www.mediapart.fr/journal/international/200218/barroso-chez-goldman-sachs-l-affaire-rebondit
Jyrki Katainen, alors premier ministre finlandais, et #José_Manuel_Barroso, alors président de la Commission, le 6 octobre 2011 à Bruxelles. © CE L’ex-président de la Commission, parti chez Goldman Sachs à l’été 2016, a rencontré en tête-à-tête un commissaire de l’équipe Juncker, à sa demande, dans un hôtel luxueux à Bruxelles. Mais José Manuel Barroso avait assuré que Goldman ne l’avait pas embauché pour des activités de #lobbying… Sa défense vacille.
#International #Commission_européenne #Jean-Claude_Juncker #Transparence
]]>Le jeune geek qui concurrence le bitcoin
▻http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/02/15/le-jeune-geek-qui-concurrence-le-bitcoin_5257146_3234.html
Vitalik Buterin, un jeune Canadien d’origine russe, est l’inventeur de l’ether, une monnaie électronique qui connaît un succès planétaire dans l’ombre du bitcoin, dont il a amélioré le modèle.
San Francisco, Moscou, Singapour, Paris, New Delhi, Bombay, Séoul, Londres, Tokyo, Haïfa, Hongkong, Shanghaï, Cancun… Depuis un an, Vitalik Buterin, 23 ans, voyage beaucoup, et semble disposé à tenir ce rythme encore longtemps. A ceux qui veulent savoir dans quel pays il habite, ce Canadien d’origine russe explique, sur son site personnel, vivre « dans les avions de la compagnie Cathay Pacific ». Il parcourt le monde de conférences en séminaires, pour vanter les mérites de l’ether, la cryptomonnaie électronique qu’il a inventée à l’âge de 19 ans, et d’Ethereum, la plate-forme chargée de gérer les transactions en ethers et les applications liées à cette monnaie.
Le jeune homme n’a pourtant rien d’un gourou charismatique. Visage d’adolescent, corps long et maigre, il apparaît toujours vêtu d’un jean et d’un tee-shirt bon marché – lui dont la fortune se compte en millions de dollars. Certains le trouvent parfois étrange et solitaire, voire un rien autiste, mais ceux qui ont travaillé avec lui sont unanimes : c’est un génie singulier, au QI exceptionnel. Il parle vite, sur un ton à la fois intense et décontracté, parfaitement à l’aise sur tous les sujets liés aux monnaies électroniques : technique, théorie, prospective… S’il s’exprime le plus souvent en anglais, il maîtrise le russe, un peu le français, et s’initie depuis quelque temps au chinois grâce à une appli sur son téléphone.
Contrairement à l’inventeur du bitcoin, soucieux de rester anonyme, Vitalik Buterin assume sa célébrité. Il se pose même en leader intellectuel de la communauté Ethereum, un groupe sans frontières, fort de plusieurs dizaines de milliers de personnes, développeurs, entrepreneurs, ingénieurs, militants libertaires, spéculateurs, ainsi que des professionnels issus de la finance classique. Partout où il va, il fait salle comble. Ses interventions, diffusées sur YouTube et Facebook, sont analysées, commentées, car ses avis ont presque force de loi. Entre deux conférences, il trouve le temps de rencontrer des dirigeants mondiaux, y compris, en juin 2017, le président russe Vladimir Poutine, en marge du forum économique de Saint-Pétersbourg.
Décentralisation générale, l’idéologie des hackers
Né en 1994 en Russie, Vitalik Buterin arrive à Toronto (Canada) à l’âge de 6 ans, quand ses parents parviennent à émigrer. Dès l’enfance, grâce à son père informaticien, il se tourne vers les ordinateurs. Il pratique beaucoup le jeu en ligne World of Warcraft. Dans une mini-autobiographie humoristique publiée sur un site personnel, il confie d’ailleurs que la création d’Ethereum a germé dans son esprit à la suite d’un événement traumatisant pour lui : en 2010, la société propriétaire de World of Warcraft modifie la règle du jeu (en limitant les super-pouvoirs d’un sorcier), sans consulter les fans :
« J’ai longuement pleuré avant de m’endormir, et ce jour-là j’ai découvert les horreurs provoquées par les systèmes centralisés. Peu après, j’ai décidé d’abandonner ce jeu. »
En 2011, à 17 ans, il découvre le bitcoin, première monnaie électronique, et la technologie révolutionnaire qui le sous-tend : la « blockchain », répertoire unique de toutes les transactions, hébergée et gérée collectivement, de façon transparente et décentralisée, par la communauté des utilisateurs. Plus besoin de banques ou d’Etats, jugés encombrants et dominateurs : pour garantir la fiabilité des transactions, il suffit de « faire confiance aux mathématiques ».
Devenu un expert dans ce domaine, Vitalik Buterin crée une publication intitulée Bitcoin Magazine, qui le fait connaître dans ce milieu. Très vite, il adopte les convictions des hackeurs et des pionniers de cryptomonnaies, selon lesquels le monde contemporain souffre d’une grave maladie : la centralisation des pouvoirs politique et économique, couplée à l’opacité des mécanismes de décision. Le remède serait donc la décentralisation générale – un mode de gouvernance participatif, transparent, plus efficace et plus équitable. Dans ce scénario, les Etats sont perçus comme des adversaires ou des obstacles à surmonter, jamais comme des alliés. Les militants de la décentralisation en réseau sont persuadés de pouvoir réaliser leur rêve grâce à une « arme » révolutionnaire, la blockchain.
Une gamme étendue de services automatisés
En 2012, Vitalik Buterin commence des études d’informatiques à l’université de Waterloo (Ontario), mais, au bout d’un an, il se dit qu’il progressera davantage en s’éduquant lui-même : « Mes projets de cryptomonnaie me prenaient trente heures par semaine, alors j’ai arrêté la fac. J’ai fait le tour du monde, j’ai exploré de nombreux projets de cryptomonnaie, et j’ai fini par comprendre qu’ils étaient tous trop centrés sur des applications spécifiques, pas assez généralistes. » C’est ainsi qu’il se lance dans la conception d’Ethereum, une blockchain multi-usage plus sophistiquée que celle du bitcoin, définie comme un « réseau de création de monnaie décentralisée combiné à une plate-forme de développement de logiciels ».
Concrètement, Ethereum offre une gamme étendue de services automatisés fondés sur des « contrats intelligents », c’est-à-dire « des applications fonctionnant exactement comme elles ont été programmées, sans possibilité de panne, de censure, de fraude ni d’interférences ». Ainsi, on peut programmer des paiements pour une date ultérieure, lancer des campagnes de financement, gérer des titres de propriété, des places de marché, et même des sociétés par actions. Au-delà, Ethereum peut servir de plate-forme pour des élections en ligne, et devenir un outil de démocratie directe.
Quand il publie une première ébauche de son projet, en 2014, il est aussitôt rejoint par des codeurs et des mathématiciens enthousiastes, prêts à l’aider à l’affiner et à le concrétiser. Des investisseurs issus de la finance classique et de la Silicon Valley décident également de s’associer à lui. Avant même d’exister, Ethereum repose ainsi sur des bases solides. La construction de la plate-forme se fera grâce à une campagne de financement en bitcoins.
Les cours s’envolent
A l’été 2015, les développeurs ayant travaillé à titre bénévole sur le projet reçoivent gratuitement des lots d’ethers. Les autres peuvent en acheter. Surprise : cette mystérieuse monnaie attire aussitôt toutes sortes de spéculateurs. Sa valeur atteint d’emblée 1,35 dollar. Pendant un an, la montée du cours est lente, mais, à compter du printemps 2017, tout s’accélère : en juin, l’ether vaut environ 400 dollars. Ensuite, le cours s’affole dans les deux sens, mais, à partir de décembre, il connaît une nouvelle flambée : à la mi-janvier 2018, il dépasse les 1 300 dollars, avant de retomber autour de 800 dollars (environ 650 euros) début février. Les 98 millions d’ethers en circulation sont déposés dans près de 25 millions de comptes anonymes, et les transactions quotidiennes dépassent les 3 milliards de dollars. L’ether a déjà fait des millionnaires, dont Buterin lui-même, qui assure son train de vie en vendant des lots d’ethers.
Aujourd’hui, son Ethereum est hébergée de manière collective dans plus de 27 000 ordinateurs répartis dans le monde entier. Parallèlement, près de 20 000 nouveaux ethers sont fabriqués chaque jour par des « mineurs », des professionnels possédant des batteries d’ordinateurs dotés de cartes graphiques puissantes. Leur travail consiste à inscrire les transactions des utilisateurs sur la blockchain en résolvant des équations. Pour cela, ils sont rémunérés en ethers.
Entre-temps, plusieurs compagnons de la première heure du jeune homme se sont impliqués dans le projet. Parmi eux, le Canadien Joseph Lubin, un roboticien reconverti dans la finance chez Goldman Sachs puis dans un hedge fund, un fonds spéculatif. Dès 2015, il a créé à New York la société ConsenSys, incubateur de start-up Ethereum et agence de conseil pour les entreprises et administrations désireuses de se lancer dans l’aventure de la blockchain.
Il finance des start-up travaillant sur la « blockchain »
Parallèlement, pour structurer le projet, Buterin et ses associés lancent la Fondation Ethereum. Afin d’échapper dès à présent à l’emprise des grands Etats fortement réglementés, ils décident de la domicilier en Suisse, dans le canton de Zug, connu pour offrir des conditions avantageuses aux sociétés financières internationales. Ils montent aussi l’association Enterprise Ethereum Alliance, chargée de nouer des partenariats avec des entreprises intéressées par la technologie de la blockchain. Par ailleurs, Buterin participe à la gestion de la société chinoise Fenbushi, un fonds d’investissement consacré au financement de start-up travaillant sur la blockchain.
Grâce à ces diverses structures, des centaines de jeunes entrepreneurs lancent des opérations de financement participatif pour créer des start-up Ethereum. Certains projets sont sérieux et innovants. D’autres, farfelus ou carrément malhonnêtes, parviennent à gruger des novices. Depuis peu, certains Etats tentent de réglementer ou d’interdire ces levées de fonds sauvages mais, à ce jour, elles se poursuivent. La vie d’Ethereum n’est pas pour autant sans risque : la plate-forme a déjà été victime de piratages sophistiqués et de vols massifs. Heureusement, dans cet univers, tout est possible, y compris les voyages dans le temps : en remontant dans la blockchain jusqu’à la veille de la date d’un vol d’ethers, Buterin et ses codeurs ont réussi, en 2016, à restituer aux victimes une partie des fonds dérobés.
Face aux tricheries, au déchaînement spéculatif et à la prolifération des applications dénuées de toute ambition « décentralisatrice », il tente d’abord de calmer le jeu, et d’encourager les start-upeurs à se tourner vers des applications utiles au public. Fin 2017, il se met à tirer le signal d’alarme, désolé de constater la cupidité, l’immaturité et l’arrogance de certains acteurs : « Si tout ce que nous accomplissons, ce sont des mèmes [éléments propagés massivement sur le Net] sur les Lamborghini et des blagues infantiles sur les pets foireux, je m’en irai. »
Cryptologie et thé vert
Mais ce coup de blues semble passager. Début 2018, il est toujours aux commandes, et travaille à améliorer Ethereum, notamment la confidentialité des transactions et leur vitesse d’exécution. Il va aussi mettre fin au « minage » actuel, qui utilise trop de machines et d’électricité, et le remplacer par un système de création monétaire plus souple, cogéré par les principaux détenteurs d’ethers.
En attendant, il demeure un geek authentique. Il n’a pas de temps à consacrer aux mondanités ni aux vieux médias, et discutera bien plus volontiers avec un codeur inconnu pour décortiquer, entre initiés, un problème technique. A l’entendre, sa vie est d’une absolue sagesse : sa « drogue » favorite serait le thé vert, sa religion la cryptologie. Côté politique, il se définit comme un cuckservative (terme inventé par les militants d’extrême droite américains pour désigner les conservateurs modérés contaminés par les idées libérales). Il pratique aussi l’autodérision : « Mon passe-temps préféré est le countersignalling », une attitude faussement humble consistant à se mettre en valeur en affichant une extrême simplicité. Autant dire qu’il devrait rester fidèle aux tee-shirts bariolés.
]]>Le blues du lanceur d’alerte
►https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/idees/blues-du-lanceur-alerte
Une petite tribune de Denis Robert pour se mettre le cœur en joie ! :)
]]>Inégalités. Ces dividendes qui profitent aux plus riches | L’Humanité
▻https://www.humanite.fr/inegalites-ces-dividendes-qui-profitent-aux-plus-riches-649119
Selon le rapport annuel de l’organisation Oxfam, 82 % des richesses produites en 2017 dans le monde ont été accaparées par le 1 % des plus fortunés. En France, ce taux est de 28 %. La richesse des milliardaires français a été multipliée par trois en dix ans.
Opération séduction à Versailles. Le président français, Emmanuel Macron, devait recevoir, hier soir en grande pompe, quelque 140 PDG des plus grandes multinationales de la planète (Coca-Cola, Facebook, Google, Goldman Sachs, UPS, Alibaba, Bosch, SAP, Ikea, Barilla, Siemens, Volvo ou Rolls-Royce) de passage en France, juste avant le sommet économique mondial de Davos, qui s’ouvre aujourd’hui en Suisse. Objectif de l’Élysée : vendre l’attractivité économique et financière de la France. Emmanuel Macron pourra leur montrer (ou pas) le résultat de l’enquête annuelle de l’organisation Oxfam sur les inégalités dans le monde pour les inciter à investir dans l’Hexagone. Selon ce document, la France est la « championne d’Europe de la rémunération des actionnaires », avec 44 milliards d’euros de dividendes reversés en 2017 par les entreprises du CAC 40 à leurs actionnaires. « C’est trois fois plus qu’il y a quinze ans, tandis que le salaire moyen n’a augmenté que de 14 % en France au cours de la même période. Le taux de redistribution des dividendes des entreprises du CAC 40 augmente chaque année un peu plus et dépasse désormais les 50 %, contre 33 % au début des années 2000 », constate l’organisation. Un tiers des dividendes des entreprises du CAC 40 ont été versés par trois sociétés : Total, Sanofi et BNP.
Sanofi et Total se classent également dans le top 10 des entreprises mondiales qui ont versé le plus de dividendes en 2016. « Ces entreprises ne sont pas seulement généreuses avec leurs actionnaires mais également avec leur PDG : Olivier Brandicourt, le PDG de Sanofi, gagne ainsi en moins d’une journée le revenu annuel moyen d’un Français », écrit Oxfam dans ce rapport intitulé « Partager la richesse avec celles et ceux qui la créent ».
les écarts de revenus et de patrimoines avec le reste de la population continuent de grandir
« En bout de chaîne, ceux qui en paient le prix sont les travailleurs et travailleuses sur qui s’exerce une pression importante et qui ne reçoivent pas le salaire et les ressources à la hauteur de leurs efforts. Ainsi, il faudrait 11 674 années à un salarié du textile au Bangladesh pour gagner ce que gagne en une année le PDG de Carrefour, dont sa marque Tex produit une partie de ses vêtements au Bangladesh », poursuit l’ONG. Avant d’asséner : « À l’inverse, 10 % des dividendes versés par Carrefour à ses actionnaires en 2016 suffirait à assurer un niveau de vie décent pour plus de 39 000 travailleurs du secteur du textile au Bangladesh. »
Conséquence de cette générosité à l’égard des actionnaires, les milliardaires français se portent de mieux en mieux et les écarts de revenus et de patrimoines avec le reste de la population continuent de grandir, même si cela reste sans commune mesure avec des pays extrêmement inégalitaires, comme les champions du monde que sont les États-Unis, l’Inde ou le Brésil. La richesse des milliardaires français a été multipliée par trois en dix ans. Les trente premières fortunes de l’Hexagone possèdent désormais autant que les 40 % les plus pauvres de la population française, assure l’étude.
« L’année dernière, les 10 % les plus riches détenaient plus de la moitié des richesses nationales », affirme le rapport. En vingt ans, la fortune totale des dix plus grandes fortunes françaises a été multipliée par 12 pendant que le nombre de pauvres augmentait de 1,2 million de personnes. Selon Oxfam, au cours de cette période, les milliardaires sont passés de 15 à 38.
« Si les plus riches accumulent ainsi davantage de richesses, c’est parce qu’ils sont les premiers bénéficiaires des fruits de la croissance : en 2017, 28 % des richesses créées en France ont profité aux 1 % les plus riches alors que les 50 % les plus pauvres ne se sont partagé que 5 % de cette croissance. » t cela devrait continuer grâce à la réforme fiscale mise en place par Emmanuel Macron. Selon une étude récente de l’OFCE, les 5 % les plus riches devraient capter 42 % des gains liés à la réforme, les 1 % les plus riches bénéficieront même d’une hausse de revenus de 9 600 euros en 2018 contre une baisse moyenne de 60 euros pour les 5 % les plus pauvres.
La tendance à l’enrichissement des plus fortunés n’est pas une spécificité française. Elle s’observe partout ailleurs et dans des proportions bien plus énormes. Selon Oxfam, en 2017, pas moins de « 82 % des richesses créées dans le monde l’année dernière ont bénéficié aux 1 % les plus riches ». Concrètement, ces derniers ont empoché au total 762 milliards de dollars. Cette somme représenterait sept fois le montant qui permettrait de mettre fin à la pauvreté extrême dans le monde. Résultat, le nombre de milliardaires est en plein boom. Il en apparaît un tous les deux jours ! Une hausse spectaculaire et inédite. Le patrimoine de ces nantis a augmenté en moyenne de 13 % par an depuis 2010, soit six fois plus vite que la rémunération des travailleuses et travailleurs, qui n’a progressé que de 2 % par an en moyenne.
« Le boom des milliardaires n’est pas le signe d’une économie florissante »
« Porter les salaires des 2,5 millions d’ouvrières et ouvriers du textile vietnamiens à un niveau décent coûterait 2,2 milliards de dollars par an. Cela équivaut à un tiers des sommes versées aux actionnaires par les cinq plus grands acteurs du secteur du textile en 2016 », commente Oxfam.
« Ces chiffres vertigineux démontrent que le boom des milliardaires n’est pas le signe d’une économie florissante, mais d’abord le symptôme d’un système économique défaillant qui enferme les plus vulnérables dans la pauvreté et porte aussi atteinte à la prospérité économique de toutes et tous, comme le reconnaissent de plus en plus d’institutions comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l’OCDE », analyse Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam.
Le phénomène des dividendes record intervient sur fond de réduction de l’extrême pauvreté. Celle-ci a été divisée par deux en vingt ans. Mais, selon le rapport, « si les inégalités n’avaient pas augmenté parallèlement sur la même période, 200 millions de personnes supplémentaires auraient pu sortir de la pauvreté ». « Face à l’indignation que suscitent les inégalités, les entreprises et les responsables politiques se trouvent maintenant à un carrefour : laisser perdurer ce système biaisé ou prendre le problème à bras-le-corps car les inégalités ne sont pas une fatalité mais le fruit de choix politiques et économiques. Des solutions existent pour les combattre ! » assure Manon Aubry. À la fin de cette enquête, Oxfam dresse une liste de mesures. Il demande au gouvernement français de « réguler les multinationales afin que les richesses soient mieux partagées et de défendre les droits des personnes pauvres, notamment les femmes, victimes des inégalités ». En clair, passer des actions à l’action.
Damien Roustel
Avons-nous encore les moyens d’entretenir tous ces #riches #nantis #aristocrates ?
voir aussi : ▻https://seenthis.net/messages/661987
]]>L’inversion de la hierarchie des news
Comment ne jamais parler du fond ? La société médiatique dispose pour cela de quelques armes redoutables. L’écrivain Laurent Binet, auteur d’ HHhH , nous en livre ici les secrets.
L’information est une guerre, et si l’on considère l’exploit d’avoir fait élire un banquier semi-royaliste à la présidence française dans un monde post-2008, on peut en tout état de cause constater que la poignée de milliardaires qui contrôlent la quasi-totalité des médias continue à la gagner.
Certes, l’avènement d’Internet a un peu changé la donne. Il semble plus difficile à une info, quelle qu’elle soit, de ne pas sortir (même si par définition, l’existence d’une info demeurée inédite reste invérifiable). Mais le bouillonnement de la toile, son joyeux désordre, son pêle-mêle organique évoquent des hordes barbares se heurtant à l’extrême coordination des légions romaines. Le déclin de l’Empire est sans doute amorcé, mais ses outils de propagande restent une machine sur laquelle se fracassent encore des guerriers dépenaillés.
Internet, combien de divisions ? La supériorité de l’adversaire, c’est toujours un peu l’argent, bien sûr, mais, face à la multiplication anarchique des sources et des canaux de diffusion, c’est surtout la méthode. Si désormais on peut difficilement contrôler le flux des infos qui sortent, on peut encore agir sur un aspect décisif : la hiérarchisation.
Dans le traitement tendancieux de l’info par la presse mainstream (hier on disait « la presse bourgeoise » et le terme était sans doute plus juste, mais ce n’est pas la moindre des victoires de la réaction d’avoir ringardisé la vérité), on peut dégager trois grands cas de figures.
Premièrement, un événement qui fait la une nécessite une interprétation biaisée, sans quoi le système en vigueur s’expose un peu trop sans masque. Exemple : la crise grecque. Comme il était difficile de minorer l’ampleur d’une telle crise, et un peu gênant d’avoir à justifier la violence coercitive qu’a infligé l’Union Européenne (sous l’impulsion de l’Allemagne, symbole toujours fâcheux) à l’égard d’un gouvernement grec démocratiquement élu (à qui on aura quand même fermé ses banques pour le faire plier, c’est-à-dire qu’on était prêt à faire crever tout un pays pour sauver le système), on s’est employé à tellement en embrouiller les causes que les responsables désignés se sont retrouvés être, non plus des banques que la cupidité poussait à pratiquer des taux d’usurier toujours plus délirants, mais des petits retraités dont il fallait impérativement diminuer les pensions pour que la dette (la dette, Sganarelle !) puisse être remboursée. Goldman Sachs pouvait ainsi tranquillement continuer sa route (et embaucher Barroso au passage, excusez du peu), pendant qu’on vouait les pouilleux grecs à une damnation éternelle.
C’est la méthode dite du « Salaud de pauvre », qui a fait ses preuves, et qui peut se décliner sous de multiples variantes. (Elle peut utilement être complétée par la technique du « Cause toujours » quand on lui objecte des arguments imparables, tel celui de la dette de l’Allemagne abolie en 1953.)
Cette méthode implique des présupposés totalement arbitraires présentés ad nauseam comme allant de soi. Ici, en l’occurrence, que le bon droit et la morale sont toujours du côté du créancier, jamais du débiteur, et que toute dette doit être remboursée, quoi qu’il en coûte, sans quoi c’est toute l’économie mondiale, et avec elle toutes les valeurs morales, qui risquent de s’effondrer. C’est la méthode dite du « Salaud de pauvre », qui a fait ses preuves, et qui peut se décliner sous de multiples variantes. (Elle peut utilement être complétée par la technique du « Cause toujours » quand on lui objecte des arguments imparables, tel celui de la dette de l’Allemagne abolie en 1953.)
Deuxièmement, un événement qui pourrait faire la une est tout juste mentionné dans quelques brèves. Exemple : la semaine dernière, des mouvements de grève ont éclaté dans toute l’Allemagne pour réclamer, non pas les 35h (ils y sont déjà, ah tiens ?), mais les… 28h. Une telle info échappe tellement au cadre discursif mis en place par nos troupes d’éditorialistes (les Allemands travaillent alors que les Français ne foutent rien et c’est pour ça qu’ils s’en sortent et pas nous) que le mieux est de l’ignorer purement et simplement : on la pose là, on ne la commente pas, on ne la discute même pas, on attend qu’elle passe. C’est la méthode OSEF.
Troisièmement, un non-événement fait la une. C’est le corollaire et l’exact inverse du point précédent : on nous vend quelque chose de totalement anecdotique et futile comme quelque chose d’historique. Exemple : la COP21. Des pays se mettent d’accord pour limiter le réchauffement climatique à deux degrés (ou un degré et demi, de toute façon le chiffre n’a aucune importance puisqu’il n’induit aucune mesure concrète), c’est totalement incantatoire, absolument pas contraignant, aucune entreprise polluante n’est spécifiquement visée, menacée, concernée, ils auraient pu aussi bien proclamer la paix dans le monde ou la fin du cancer avec la même candeur et la même crédibilité, mais c’est présenté comme une incroyable victoire diplomatique qui va permettre de sauver la planète. Ce type d’info peut faire des semaines. Elle a le mérite, pendant ce temps, de ne pas parler d’autre chose. Appelons-la « méthode Lady Di » pour faire court.
Contrairement au gouvernement actuel, je ne crois pas qu’il soit possible de légiférer contre les fake news sans porter gravement atteinte à la liberté d’expression. Des milliardaires ont le droit de faire raconter n’importe quoi dans leurs médias pour préserver les intérêts du capital. Salauds de pauvres, OSEF ou Lady Di : à charge pour nous de déconstruire sans relâche leurs méthodes, et pour les médias alternatifs de proposer systématiquement l’inverse, s’ils veulent devenir ce qu’ils ont vocation à être, le contre-pouvoir du quatrième pouvoir.
▻https://www.lemediatv.fr/node/460
#guerre_de_l'info #contre-pouvoir #Laurent_Binet #Tribune #critique_des_médias
]]>Les gangsters de la #finance
►https://www.arte.tv/fr/videos/069080-000-A/les-gangsters-de-la-finance
Blanchiment, fraude fiscale, corruption, manipulation des cours... : depuis la crise de 2008, la banque HSBC est au coeur de tous les scandales. Cinq ans après leur film sur Goldman Sachs, Jérôme Fritel et Marc Roche passent au crible cet empire financier au-dessus des lois. — Permalink
]]>Les gangsters de la finance (Arte)
▻https://www.crashdebug.fr/dossiers/14292-les-gangsters-de-la-finance-arte
Sur la piste d’Olivier Demeulenaere, nous vous proposons ce soir un documentaire d’Arte sur HSBC, d’après ce que j’ai lu, l’auteur du reportage est le même (entre autre) que Noire Finance, et Goldman Sachs - La banque qui dirige le monde, si vous avez déjà vu ces derniers, cela résume tout.
Bonne soirée,
Amicalement,
f.
Blanchiment, fraude fiscale, corruption, manipulation des cours... : depuis la crise de 2008, la banque HSBC est au coeur de tous les scandales. Cinq ans après leur film sur Goldman Sachs, Jérôme Fritel et Marc Roche passent au crible cet empire financier au-dessus des lois.
Créée à Hong Kong, il y a un siècle et demi, par des commerçants écossais liés au trafic d’opium, HSBC (Hongkong and Shanghai Banking Corporation) n’a cessé de prospérer en marge de toute (...)
]]>« Du pain et des jeux », version 2017 : Pourquoi des millions de jeunes Américains ne travaillent plus
▻https://www.crashdebug.fr/international/14190-du-pain-et-des-jeux-version-2017-pourquoi-des-millions-de-jeunes-am
Ne croyez pas que cela ce limite aux États-unis.... (Informations complémentaires)
AFP PHOTO/Frederic J .BROWN
La semaine dernière, Goldman Sachs a mis en évidence une nouvelle tendance du marché du travail américain : alors que l’on observe une reprise du nombre des femmes actives âgées de 25 à 54 ans dans la population américaine au cours des 2 dernières années, le nombre d’hommes actifs, lui, n’a que très faiblement augmenté. Comment expliquer cet écart ? Certains économistes proposent des explications étonnantes à ce phénomène.
Lors des reprises économiques, on observe traditionnellement une hausse du taux de participation de la main d’oeuvre (c’est à dire le nombre de personnes au travail ou en recherche d’emploi, par rapport à la population totale). En effet, des personnes qui s’abstenaient de rechercher (...)
#En_vedette #Actualités_internationales #Actualités_Internationales
]]>How a tax haven is leading the race to privatise space | News | The Guardian
►https://www.theguardian.com/news/2017/sep/15/luxembourg-tax-haven-privatise-space
The nation of Luxembourg is one of Planetary Resources’ main boosters. The country’s pledge of €25m (£22.5m) – which includes both direct funding and state support for research and development – is just one element of its wildly ambitious campaign to become a terrestrial hub for the business of mining minerals, metals and other resources on celestial bodies. The tiny country enriched itself significantly over the past century by greasing the wheels of global finance; now, as companies such as Planetary Resources prepare for a cosmic land grab, Luxembourg wants to use its tiny terrestrial perch to help send capitalism into space.
And the fledgling “NewSpace” industry – an umbrella term for commercial spaceflight, asteroid mining and other private ventures – has found eager supporters in the investor class. In April, Goldman Sachs sent a note to clients claiming that asteroid mining “could be more realistic than perceived”, thanks to the falling cost of launching rockets and the vast quantities of platinum sitting on space rocks, just waiting to be exploited.
“[Mining asteroids] is not a new idea, but what’s new is state support of the idea,” says Chris Voorhees, the chief engineer of Planetary Resources. “Everyone thought it was inevitable but they weren’t sure when it would occur.” Now, he says, Luxembourg is “making it happen”.
Loi du Luxembourg qui enterre l’idée de l’espace comme un commun
And in July, the parliament passed its law – the first of its kind in Europe, and the most far-reaching in the world – asserting that if a Luxembourgish company launches a spacecraft that obtains water, silver, gold or any other valuable substance on a celestial body, the extracted materials will be considered the company’s legitimate private property by a legitimate sovereign nation.
Une vieille histoire au Luxembourg
Luxembourg’s first significant attempts at liberalisation began in the late 1920s and early 1930s. As radio grew popular, the grand duchy decided not to create a publicly funded radio service like its neighbours. Instead, it handed its airwaves to a private, commercial broadcasting company. That company – now known as RTL – became the first ad-supported commercial station to broadcast music, culture and entertainment programmes across Europe in multiple languages. “By handing the rights to a public good to a private company, the state commercialised, for the first time, its sovereign rights in a media context,” notes a 2000 book on Luxembourg’s economic history. The title of the book, published by a Luxembourgish bank, is, tellingly, The Fruits of National Sovereignty.
Then, just three months before the stock market collapsed in 1929, Luxembourg’s parliament passed legislation exempting holding companies – that is, parent firms that exist solely to own parts of or control other companies – from paying corporation taxes. In the first five years after the law’s passing, 700 holding companies were established; in 1960, there were 1,200, and by the turn of the century, some 15,000 “letterbox” firms – one for every 18 citizens – were incorporated in Luxembourg. (In 2006, the European commission found that this exemption violated EU rules, so Luxembourg promptly created a new designation, the “family estate management company”, that complied with the country’s EU treaty obligations while offering many of the same money-saving advantages.)
Crucially, Luxembourg never seemed to let an opportunity pass it by. Following its support for commercial radio 50 years prior, the country was the first in Europe to privatise satellite television. In 1985, the grand duchy granted a company called Société Européenne des Satellites (SES) the right to broadcast TV directly to viewers’ homes from a satellite positioned in space. “The big innovation is that this was a privatisation of space,” says Schmit, who served for 17 years on the SES board. “All the other operators were owned by governments through international agreements. This was the first commercial company that set out to use space for broadcasting.” When SES grew profitable, Luxembourg’s bet paid off: the tiny country became home to a telecoms giant, and, as an early investor, received a piece of the pie.
In the early 2000s, Luxembourg pounced at the chance to court retailers such as Amazon and Apple with tax incentives. There were the perks the state was happy to publicise – the lowest VAT in Europe, for instance – and there were case-by-case deals with large companies that it kept rather quieter. The companies flocked in, but in the aftermath of the financial crisis, with awareness of wealth inequality growing and austerity measures bruising ordinary Europeans across the continent, Luxembourg could only keep these arrangements under wraps for so long.
Les lois américaines et luxembourgeoises sur la propriété de ce qui est rapporté de l’espace. Ils ont décidé tout seuls, en vieux reste Wesphaliens
Since the emergence of the NewSpace sector, individual countries have attempted to lend some clarity to eager entrepreneurs, reasoning that the prospect of private property in space will encourage hard work and innovation. The American Space Act, passed in 2015, is the first “finders, keepers” law that recognises ownership of space resources, but it only does so for companies owned by US citizens.
In October 2015, Luxembourg commissioned a study on whether it could fill that legal void. The report, completed in 2016, noted that “while legal uncertainty remains, under the current legal and regulatory framework, space mining activities are (at least) not prohibited” and concluded that Luxembourg should pass legislation that gives miners the right to keep the extraterrestrial bounty they extract.
Such a law was drafted shortly after the study’s completion, and on 1 August 2017, it went into effect. Luxembourg’s bill does not discriminate by nationality, or even by the location of a company’s headquarters. In fact, the law indicates the country’s willingness to serve as a sort of flag of convenience for spacecrafts, allowing them to play by one country’s futuristic rules in the absence of universal, binding agreements. Rick Tumlinson, of Deep Space Industries, another space exploration company in which Luxembourg has invested, told me that there was value in Luxembourg’s law because it saw no citizens and no borders: just one blue planet from high above.
Zucman shares Schmitz’s view. “Adapting this strategy to the business of space conquest is what being an offshore financial centre means,” he says. “It’s not diversification. It’s just extending the logic of being a tax haven to new area.”
Le mythe de “l’argent propre” au Luxembourg. Mourrir de rire
His speech focused on the financial aspects of Luxembourg’s space race, and the country’s intention to get in on the ground floor of commercial space exploration. “Under the US Space Act, your capital has to be majority US capital,” he said, referring to US willingness to recognise property rights in space for its citizens. “We don’t really care where the money comes from in our country, as long as the money is clean.”
]]>« Avec Macron, il y a clairement un risque sur le pouvoir d’achat des classes moyennes supérieures et des retraités ! », selon Hervé Mariton (LR)
▻https://www.crashdebug.fr/diversifion/13863-avec-macron-il-y-a-clairement-un-risque-sur-le-pouvoir-d-achat-des-
De l’austérité, de l’austérité partout ces abrutis n’ont toujours rien compris.... Enfin il ne cherchent pas à redresser le pays, mais à s’assurer que l’on paye les intérets de la dette....
Source : Boursorama.com
Informations complémentaires :
Crashdebug.fr : De Pompidou à Macron, le système Rothschild tire toujours profit de la dette publique...
Crashdebug.fr : Étienne Chouard - Chouard brise l’omerta sur le système politique français (2014)
Crashdebug.fr : La devise des riches : « Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira »
Crashdebug.fr : Dette publique et « loi Rothschild » : la cécité volontaire des médias
Crashdebug.fr : Dette de la France : quand Michel Rocard dévoile le pot aux roses...
Crashdebug.fr : Les Intérêts cumulés de la (...)
]]>La BCE prête à couler l’économie...
▻https://www.crashdebug.fr/international/13825-la-bce-prete-a-couler-l-economie
Petite piqûre de rappel dans l’intérêt de toutes et tous (pour les gens qui ne suivent pas forcément le blog de près) (plus d’infos en bas d’article dans les informations complémentaires).
« La BCE toujours prête à soutenir l’économie », titre Le Figaro du 21 juillet. « Mario Draghi ne veut pas fermer trop tôt le robinet à liquidités. » L’ancien vice-président de Goldman Sachs Europe ne veut pas pénaliser ses amis banquiers qui ont fait n’importe quoi. Cette banque d’affaires américaine avait aidé la Grèce à dissimuler ses déficits.
La BCE laisse ses taux d’intérêt bas et continue son Quantitative Easing à raison de 60 milliards d’euros par mois (achats de titres – obligations d’État ou même actions – par la banque centrale afin de soutenir les cotes). Cela signifie que l’économie européenne est (...)
]]>Est-ce qu’on a un hashtag : #cet_ancien_de_goldman_sachs ?
Donald Trump nomme Anthony Scaramucci nouveau directeur de la communication, Sean Spicer démissionne
▻http://tempsreel.nouvelobs.com/en-direct/a-chaud/39918-etats-unis-donald-trump-nomme-anthony-scaramucci.html
Donald Trump a nommé un nouveau directeur de la communication pour la Maison Blanche, Anthony Scaramucci. Selon CNN, cet ancien de Goldman Sachs de 53 ans, dirigeant d’une société d’investissements, a accepté. Ce dernier a été aperçu vendredi matin à la Maison Blanche, se préparant à s’exprimer devant le personnel. Aucune annonce officielle n’a encore été faite.
]]> La mort de la République, par Chris Hedges Truthdig, Chris Hedges, 21-05-2017 - Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr
▻https://www.les-crises.fr/la-mort-de-la-republique-par-chris-hedges
Dans la Rome antique, l’État profond, dominé par une armée surdimensionnée et une oligarchie corrompue qui rappelle les États-Unis de 2017, décida de faire étrangler le vaniteux et stupide empereur Commode dans son bain en 192. Mais cette décision ne mit pas un terme au chaos grandissant ni au déclin rapide de l’empire romain.
Commode, comme un certain nombre d’autres empereurs romains tardifs, et comme le président Trump, était incompétent et consumé par sa propre vanité. Il fit faire d’innombrables statues de lui-même en Hercule et trouvait peu d’intérêt à gouverner. Il utilisa son poste de chef de l’État pour devenir la star d’une mise en scène permanente de lui-même. Il lutta victorieusement comme gladiateur dans l’arène dans des combats arrangés. Le pouvoir, pour Commode comme pour Trump, était principalement destiné à répondre à son narcissisme sans fond, à son hédonisme et à son appétit de richesse. Il a vendu des offices publics afin que des équivalents d’époque de Betsy DeVos et Steve Mnuchin pussent orchestrer une vaste kleptocratie.
Commode fut remplacé par le réformateur Pertinax, le Bernie Sanders de l’époque, qui tenta en vain de freiner le pouvoir des gardes prétoriennes, l’ancienne version du complexe militaro-industriel. Cette tentative vit Pertinax être assassiné par les gardes prétoriennes après seulement trois mois au pouvoir. Les gardes mirent ensuite aux enchères au plus offrant la charge d’empereur. L’empereur suivant, Didius Julianus, dura 66 jours. Il y aurait cinq empereurs durant l’année 193, celle qui suivit l’assassinat de Commode. Trump et notre empire en décomposition ont des précédents historiques sinistres. Si l’État profond remplace Trump, dont l’ineptie et l’imbécillité sont embarrassantes pour l’empire, cette action ne rétablira pas plus notre démocratie que remplacer Commode n’a restauré la démocratie à Rome. Notre république est morte.
Les sociétés autrefois ouvertes et ayant des traditions démocratiques sont une proie facile pour les ennemis de la démocratie. Ces démagogues respectent les idéaux, les rituels, les pratiques et les formes patriotiques de l’ancien système politique démocratique tout en le démantelant. Lorsque l’empereur romain Auguste, qui se nommait lui-même le « premier des citoyens », neutralisa l’ancienne république, il prit soin d’en maintenir les formes. Lénine et les bolcheviks ont fait de même quand ils ont mis la main sur les soviets autonomes pour les écraser. Même les nazis et les staliniens ont prétendu gouverner des États démocratiques. Thomas Paine a écrit que le gouvernement despotique est un champignon issu d’une société civile corrompue. C’est ce qui est arrivé à ces anciennes démocraties. C’est ce qui nous est arrivé.
Nos droits constitutionnels – procédure régulière, habeas corpus, respect de la vie privée, procès équitable, liberté de ne pas être exploité, élections justes et dissidence permise – nous ont été retirés par décision judiciaire. Ces droits n’existent plus que par leur nom. La grande déconnexion entre les valeurs présumées de l’État et la réalité rend absurde le discours politique.
Des sociétés, en cannibalisant le budget fédéral, s’engagent légalement à exploiter et à piller. Il est impossible de voter contre les intérêts de Goldman Sachs ou d’ExxonMobil. Les industries pharmaceutiques et d’assurance peuvent retenir en otage des enfants malades alors que les parents de ceux-ci font faillite en essayant de sauver leurs fils ou leurs filles. Ceux qui sont accablés par le remboursement de prêts étudiants ne peuvent jamais effacer la dette en se déclarant en faillite. Dans de nombreux États, ceux qui tentent de faire connaître les conditions de vie dans les vastes fermes industrielles où des animaux malades sont entreposés pour l’abattage peuvent être accusés d’infraction pénale. Des sociétés pratiquent légalement le boycott fiscal. Des entreprises ont orchestré des accords de libre-échange qui détruisent les petits agriculteurs et les petites entreprises, et désindustrialisent le pays. Les syndicats et les organismes gouvernementaux conçus pour protéger le public de la contamination de l’air, de l’eau et des aliments, ainsi que des créanciers et prêteurs usuriers, ont été désarmés. La Cour suprême, dans une inversion de droits digne de George Orwell, définit la contribution illimitée des entreprises aux campagnes électorales, comme le droit d’interpeller le gouvernement ou comme une forme de liberté de parole. Une grande partie de la presse, qui appartient à de grandes entreprises, sert de chambre d’écho aux élites. Des sociétés privées ou publiques ont été vendues à de grandes entreprises qui font grimper les taux et refusent leurs services aux pauvres. Le système éducatif est lentement privatisé et transformé en une espèce de formation professionnelle.
Les salaires stagnent ou baissent. Le chômage et le sous-emploi – masqués par des statistiques falsifiées – ont poussé la moitié du pays dans la pauvreté chronique. Les services sociaux sont supprimés au nom de l’austérité. La culture et les arts ont été remplacés par la marchandisation du sexe, des divertissements banals et des images de violence. Les infrastructures, négligées et sous-financées, s’effondrent. Les faillites, les saisies, les arrestations, les pénuries alimentaires et les maladies non traitées qui mènent à une mort prématurée, accablent une sous-classe harcelée. Les désespérés fuient dans une économie souterraine dominée par la drogue, la criminalité et la traite des êtres humains. L’État, plutôt que de s’attaquer à la misère économique, militarise les services de police et les habilite à utiliser la force létale contre des civils non armés. Il remplit les prisons avec 2,3 millions de citoyens, dont seul un petit pourcentage est passé en procès. Un million de prisonniers travaillent pour des entreprises à l’intérieur des prisons, tels des esclaves modernes.
Les amendements à la Constitution visant à protéger le citoyen de la tyrannie n’ont plus aucun sens. Le Quatrième amendement, par exemple, se lit comme suit : « Le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou affirmation, ni sans qu’il décrive particulièrement le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir ». La réalité est que nos appels téléphoniques, courriels, textos et dossiers financiers, judiciaires et médicaux, ainsi que tous les sites Web que nous visitons tout autant que nos voyages physiques, sont suivis, enregistrés et stockés à perpétuité dans les banques informatiques du gouvernement.
L’État torture, non seulement dans les sites noirs tels que la base aérienne de Bagram en Afghanistan ou à Guantanamo Bay, mais aussi dans les installations supermax ADX [administratif maximum], comme celle de Florence, Colorado, où les détenus souffrent de crises psychologiques suite à des isolements en cellule prolongés. Les prisonniers, bien qu’ils soient citoyens, endurent une surveillance électronique 24 heures sur 24 et l’enfermement 23 heures par jour. Ils subissent une privation sensorielle extrême. Ils endurent des coups. Ils doivent se doucher et aller à la salle de bains sous caméra. Ils ne peuvent écrire qu’une lettre par semaine à un seul parent et ne peuvent pas utiliser plus de trois feuilles de papier. Souvent, ils n’ont aucun accès à l’air frais et prennent leur unique heure quotidienne de loisir dans une énorme cage qui ressemble à un moulin pour hamsters.
L’État utilise des « mesures administratives spéciales », connues sous le nom de SAM, pour dépouiller les prisonniers de leurs droits judiciaires. Les SAM limitent la communication des prisonniers avec le monde extérieur. Elles mettent fin aux appels, aux lettres et aux visites avec n’importe qui, sauf les avocats, et limitent considérablement le contact avec les membres de la famille. Les prisonniers sous SAM ne sont pas autorisés à voir la plupart des éléments de preuve contre eux en raison d’une disposition légale appelée la Loi sur les Procédures d’Information Classifiée, ou CIPA. La CIPA, qui a commencé sous l’administration Reagan, permet de classifier les éléments de preuve dans un procès et de les cacher à ceux qui sont poursuivis. Vous pouvez être jugé et condamné, comme Joseph K. dans « Le procès » de Franz Kafka, sans jamais voir la preuve utilisée pour vous déclarer coupable. Sous SAM, il est contraire à la loi d’avoir un contact avec un détenu – y compris pour son avocat – en vue de parler de sa condition physique et psychologique.
Et lorsque les prisonniers sont libérés, ils ont perdu le droit de vote, reçoivent une aide publique et sont accablés d’amendes qui, si elles ne sont pas payées, les renvoient derrière les barreaux. Ils font l’objet d’enquêtes arbitraires et d’arrestations. Ils passent le reste de leur vie marginalisés, membres d’une vaste caste criminelle.
Le pouvoir exécutif s’est habilité lui-même à assassiner des citoyens américains. Il peut appeler l’armée dans les rues pour apaiser les troubles civils en vertu de l’article 1021 de la Loi sur l’autorisation de la défense nationale, qui a mis fin à l’interdiction pour les militaires d’agir en tant que force de police intérieure. Le pouvoir exécutif peut ordonner aux militaires d’arrêter les citoyens américains considérés comme des terroristes ou associés à des terroristes. C’est ce qu’on appelle l’« interprétation extraordinaire ». Les personnes détenues par l’armée peuvent se voir refuser les droits de procédure et d’habeas corpus et être détenues indéfiniment dans les installations militaires. Les militants et les dissidents, dont les droits étaient jadis protégés par le Premier amendement, peuvent faire l’objet d’une incarcération indéfinie.
Les déclarations, les croyances et les associations protégées par la Constitution sont criminalisées. L’État s’est donné le pouvoir de détenir et de poursuivre les gens non pour ce qu’ils ont fait, ni même pour ce qu’ils avaient l’intention de faire, mais pour avoir des croyances religieuses ou politiques que l’État juge séditieuses. La première cible a été les musulmans fondamentalistes, mais ils ne seront pas les derniers.
Les formes extérieures de la participation à la démocratie – le vote, les partis politiques concurrents, le contrôle judiciaire et la législation – ne sont plus que du théâtre sans signification. Celui qui vit sous surveillance constante, qui est susceptible d’être détenu n’importe où à n’importe quel moment, dont les conversations, les messages, les réunions, les tendances et les habitudes sont enregistrés, entreposés et analysés, qui est impuissant face à l’exploitation par les entreprises, peut bien être décrit comme libre : la relation entre l’État et le citoyen surveillé constamment est celle du maître avec l’esclave. Et ces chaînes ne seront pas éliminées si Trump l’est.
#Etat #USA #Démocratie #Constitution #République #Chris_Hedges #société
]]> Naomi Klein : Maintenant, répliquons à la politique de la peur Blog de Paul Jorion - 11 Juin 2017
▻http://www.pauljorion.com/blog/2017/06/11/naomi-klein-maintenant-repliquons-a-la-politique-de-la-peur
Paru dans The Guardian le 10 juin 2017. Traduction française : Timiota
Chocs politiques, chocs de sécurité, chocs climatiques, – si instable que le monde nous apparaisse aujourd’hui, cela pourrait devenir bien pire demain. Mais nous pouvons nous unir pour un futur meilleur.
Choc, c’est un mot qui n’a cessé de revenir depuis que Donald Trump a été élu en novembre 2016 : pour décrire le suffrage faisant mentir les sondages, pour décrire l’état émotionnel de pleins de gens observant son ascension vers le pouvoir, et pour décrire son approche en mode blitzkrieg de l’art de la politique. « Un choc pour le système », c’est précisément ainsi que sa conseillère Kellyane Conway a constamment décrit la nouvelle ère.
Depuis deux décennies maintenant, j’ai étudié les chocs de grande échelle subis par les sociétés : comment ils arrivent, comment ils sont exploité par les politiciens et les castes, et comme ils sont même délibérément accentués de façon à tirer profit d’une population désorientée. J’ai aussi longuement parlé de la contrepartie de ce processus : comment les sociétés qui parviennent à une compréhension d’une crise qu’elles partagent sont capables de changer le monde pour le meilleur.
Observant l’ascension de Donald Trump, j’avais un sentiment étrange. Ce n’est pas seulement qu’il serait en train d’appliquer la politique du choc à la nation la plus puissante et la plus armée sur terre ; c’est davantage que cela. A travers des livres, des films documentaires et des enquêtes journalistiques, j’ai documenté un ensemble de tendances : l’ascension des « supermarques », l’extension du pouvoir des fortunes privées dans le système politique, la mainmise globale du néolibéralisme, mettant souvent à profit le racisme et la peur de l’« autre » comme un outil puissant, les impacts nocifs du commerce sans entrave des multinationales, et l’emprise profonde que le courant climato-sceptique a gagnée sur l’aile droite de l’éventail politique. Et quand je me suis mis à scruter Trump, il a commencé à ressembler au monstre de Frankenstein, fait d’un empiècement de morceaux du corps venant de toutes ces tendances à haut danger et de beaucoup d’autres.
Il y a 10 ans, je publiais « La stratégie du choc » [The Shock Doctrine : The rise of Disaster Capitalism], une enquête qui couvrait quatre décennies d’histoire, depuis le Chili d’après le coup de Pinochet [le 11 septembre 1973] à la Russie après l’écroulement de l’URSS, depuis Bagdad sous l’attaque US « Shock and Awe » [Choc et Effroi] à la Nouvelle-Orléans après l’Ouragan Katrina. Le vocable de « Stratégie du Choc » décrit la tactique brutale consistant à mettre à profit systématiquement la désorientation du public qui suit un choc collectif — guerre, coup, attaque terroriste, crash des marchés boursiers ou désastre naturel,— pour imposer des mesures pro-grandes-firmes [pro-corporate], souvent appelées « thérapie de choc ».
Trump et ses conseillers sont en train d’essayer d’exécuter une « stratégie du choc » de leur cru, dont le but est une guerre totale contre le domaine public [the public interest].
Même si Trump a par certains côtés brisé le moule, ses tactiques du choc suivent bien un scénario, scénario familier aux pays qui ont eu à subir des changements majeurs imposés sous couvert de crise. Pendant la première semaine de Trump président, quand il signait un tsunami de décrets et que la population vacillait encore, essayant comme des fous de ne pas décrocher, je me suis prise à penser à la description qu’avait faite l’avocate des droits de l’homme Halina Bortnowska de l’expérience polonaise lorsque la thérapie de choc économique fut imposée par les USA en plein écroulement du communisme. Elle décrit la vitesse du changement que subissait son pays comme « la différence entre des années de chien et des années d’humains », et elle observait que « vous commencez à observer ces réactions semi-psychotiques ». Vous ne pouvez plus vous attendre à ce que les gens agissent au mieux de leur propres intérêts quand ils sont si désorientés qu’ils ne savent pas – ou n’ont cure de savoir – quels sont au juste ces intérêts.
Pour ce que nous en voyons jusqu’ici, il est clair que Trump et ses principaux conseillers espèrent le type de réponse que Bortnowska décrivait, qu’ils mettent en œuvre une stratégie du choc à l’échelle nationale. Le but est une guerre sans merci contre la sphère publique, contre l’intérêt du public, qu’il s’incarne dans des règlements anti-pollution ou dans des programmes contre la faim. En lieu et place de quoi s’annoncent une liberté d’agir et un pouvoir débridés pour les grandes firmes [corporations]. C’est un programme à l’injustice si provocante et au caractère si manifestement vicieux qu’il peut seulement être exécuté avec l’assistance de politiques raciales et sexuelles de type « diviser pour régner », en même temps qu’une série-spectacle ininterrompue de distractions médiatiques. Et bien sûr, il s’appuie sur une augmentation massive des dépenses militaires, une escalade spectaculaire de conflits guerriers sur des fronts multiples, de la Syrie à la Corée du Nord, le tout ponctué de digressions présidentielles sur le point auquel « la torture ça marche ».
Le gouvernement de Trump garni de milliardaires et multimillionnaires nous en dit long sur les buts sous-jacents de l’administration. Exxon Mobil pour le secrétariat d’Etat, General Dynamics et Boeing pour le département de la Défense, et les gars de Goldman Sachs pour à peu près tout ce qui reste. La poignée de politiciens de carrière qui ont été mis aux manettes des grandes agences semblent avoir été sélectionnés ou bien parce qu’ils ne croient pas aux missions centrales de l’agence, ou bien pensent que l’agence qu’ils dirigent ne devrait carrément pas exister. Steve Bannon, le stratège en chef de Trump qu’on dit écarté, était franc à ce sujet quand il s’adressait à un auditoire conservateur en février. Le but, disait-il, est « la déconstruction de l’état administratif » (ce par quoi il entendait les règlements gouvernementaux et les agences en charge de protéger le peuple et de veiller à ses droits). « Si vous regardez ces nominations ministérielles, elles ont été faites pour une bonne raison, et cette raison c’est la déconstruction. »
On a attaché une énorme importance au conflit entre le nationalisme chrétien de Bannon et le transnationalisme des aides de Trump davantage issus de l’establishment, en particulier son gendre Jared Kushner. Et Bannon pourrait bien être entièrement viré de ce show de télé-réalité un brin gore d’ici pas très longtemps (à moins que ce ne soit, compte tenu des problèmes juridiques en cours, le sort de Kushner). Compte tenu de ces intrigues de palais, il convient de souligner que pour ce qui est de déconstruire l’État et d’externaliser autant que possible les taches à des entreprises à but lucratif, Bannon et Kushner ne sont nullement en conflit, mais en parfait alignement.
À la faveur de l’atmosphère constante de chaos de cette administration, — une part délibérément générée par Trump, mais le gros lui étant attribué en raison de son incompétence et de sa cupidité — cet agenda partagé est poursuivi avec une détermination méthodique et inflexible. Par exemple, dans les quelques heures qui ont suivi son entrée en fonction, Trump a souhaité une réduction fiscale massive, qui verrait les sociétés ne payer que 15% (contre 35% actuellement), et a promis de diminuer les règlements de 75% . Son plan fiscal inclut un ensemble d’autres abattement et exemptions pour les plus fortunés comme ceux qui peuplent son gouvernement (pour ne pas parler de lui-même). Le plan sur la santé qu’il a appuyé fera perdre à environ un million de gens leur couverture, tout en ouvrant toujours plus d’exemption d’impôt pour les riches.
Il a nommé Kushner à la tête d’un commando bourré de grands patrons, qui a été chargé de trouver de nouveaux règlements à éliminer, de nouveaux programmes à privatiser, et de nouvelles façons de faire tourner le gouvernement fédéral « comme une grande firme américaine » (suivant l’analyse du groupe de pression Public Citizen, Trump a rencontré au moins 190 grands patrons en moins de trois mois de fonction – avant d’annoncer que le carnet des visiteurs ne serait plus rendu public). Quand on lui a demandé avec insistance ce que l’administration avait accompli en substance dans ses premiers mois, le directeur du Budget Mick Mulvaney cita l’averse de décrets de Trump et souligna ceci : « La plupart d’entre eux sont des lois et règlements pour abroger d’autres lois. Des règlements qui abrogent d’autres règlements. »
Et c’est bien en effet ce qu’ils sont. Trump et son équipe sont déterminés à mettre en miette les programmes qui protègent les enfants des toxines environnementales, ils ont dit aux compagnies gazières qu’elles n’auraient plus à rendre compte de tous les puissants gaz à effet de serre qu’elles recrachent, et préparent des dizaines et dizaines de mesures du même acabit. C’est, en bref, de la démolition à grande échelle.
Ce que représente le gouvernement de Trump, c’est un fait simple : les gens qui possèdent d’ores et déjà une part absolument obscène de la fortune de la planète, et dont ladite part croît sans mollir année après année – les dernières statistiques d’Oxfam indiquent que les huit hommes les plus riches valent autant que la moitié la plus pauvre du monde – sont déterminés à mettre la main sur encore davantage. Selon NBC News, en décembre 2016, les ministres pressentis par Trump totalisaient une fortune nette considérable de 14,5 milliards de dollars (sans compter le conseiller spécial Carl Icahn qui pèse 15 milliards de dollars à lui tout seul).
Une crise de grande échelle fournirait le bon contexte pour déclarer l’état d’urgence, et donc que les règles usuelles ne s’appliquent plus.
Alors soyons clairs sur ce qui se passe à Washington. Ce n’est pas le passage de relais habituel entre partis. C’est une prise de pouvoir sans fard des grandes firmes, dans la suite logique de plusieurs décennies de la même volonté. Il apparaît que les intérêts économiques qui ont depuis longtemps arrosé les deux grands partis pour qu’ils prennent soin de passer les lois à hauteur de leurs enchères ont décidé qu’ils étaient fatigué de jouer ce jeu-là. Apparemment, tous ces dîners arrosés de bons vins pour les chefs élus, toute cette corruption légalisée et avenante, insultait le sens qu’ils avaient de leur propre droit divin. Et du coup, les voilà se débarrassant des intermédiaires – ces politiciens dans le besoin qui sont supposés protéger l’intérêt du public – et font ce que tous les caïds font quand ils veulent que quelque chose soit bien fait : ils le font eux-mêmes.
Et c’est pour cela que les questions préoccupantes sur les conflits d’intérêts et les manquements à l’éthique ne reçoivent presque aucune réponse. De la même façon exactement que Trump a opposé une obstruction complète au fait de rendre publiques ses déclarations d’impôt, il a complètement refusé de vendre, ou de cesser de bénéficier, de son empire commercial. Cette décision, compte tenu du degré de dépendance de la Trump Organisation vis-à-vis des gouvernements étrangers dans l’attribution de juteuses licences d’exploitation et de permis, pourrait de fait enfreindre l’interdiction faite par la constitution des USA aux présidents de recevoir tout cadeau ou « émolument » de gouvernements étrangers. Au point qu’une poursuite judiciaire ayant ce grief comme base légale a déjà été lancée.
Mais les Trump n’ont pas l’air plus concernés que ça. Ce sens quasi inentamable de l’impunité – d’être au-dessus des lois et des règles usuelles – est une marque de fabrique de cette administration. Quiconque représente une menace pour cette impunité est sommairement renvoyé – demandez par exemple au ci-devant directeur du FBI James Comey. Jusqu’ici, dans le monde politique des USA, il y avait la Maison Blanche qui se présentait comme un masque sur l’État dans l’État que sont les grandes firmes. Il y avait le sourire du visage d’acteur de Ronald Reagan, ou l’allure de faux cow-boy de Georges W. Bush (avec le regard torve de Dick Cheney/ Halliburton à l’arrière-plan). Mais maintenant le masque est tombé. Et personne ne se soucie de faire croire le contraire.
La situation est rendue encore plus sordide du fait que Trump n’a jamais été à la tête d’une firme traditionnelle, mais a plutôt été la figure de proue d’un empire construit autour de sa marque personnelle – une marque qui, ainsi que celle de la marque de sa fille Ivanka, a déjà bénéficié de sa « fusion » avec la présidence fédérale d’une multitude de façons (les cotisations pour devenir membre à Mar-a-Lago ont doublé, les ventes de produits d’Ivanka, nous dit-on, crèvent le plafond). Le business modèle de la famille Trump fait partie d’un plus vaste changement dans la structure de gouvernance de nombre de firmes multinationales, un changement aux vastes conséquences transformationnelles sur la culture et sur le marché du travail, tendances que j’avais documentées dans mon premier livre « No Logo, Taking Aim at Brand Bullies » [No Logo, la tyrannie des marques]. Ce que ce modèle nous dit est que l’idée même qu’il puisse y avoir – ou qu’il doive y avoir une quelconque distinction entre la marque Trump et la présidence Trump est un concept dont l’occupant actuel de la Maison Blanche ne saisit pas le début du commencement. La présidence est l’extension sous forme de couronnement de la marque Trump.
Le fait que des niveaux aussi provocants de mise à profit d’une charge publique puissent se dérouler en pleine lumière est assez dérangeant. Tout autant que les nombreuses actions de Trump dans ses premiers mois de fonction. Mais l’histoire nous montre que, aussi déstabilisées que soient les choses maintenant, la stratégie du choc veut dire que cela pourrait devenir bien pire.
Les principaux piliers du projet politique et économique de Trump sont : la déconstruction de l’État régulateur, une attaque en règle de l’État-providence [welfare state] et des services sociaux (rationalisée entre autres, par les manipulations raciales alarmistes à visée belliqueuse, et les attaques sur les femmes ayant voulu exercé leurs droits [T. : allusion à l’avortement ?]) ; le déchaînement d’une frénésie de combustibles fossiles (qui exige de balayer la science du climat et de bâillonner une grande part de la bureaucratie gouvernementale) ; et d’une guerre civilisationnelle contre les immigrants et « le terrorisme islamique radical » (avec des théâtres d’action nationaux et étrangers qui s’étendent sans cesse).
En sus des menaces immédiates que ce projet dans son entier pose à ceux qui sont déjà les plus vulnérables, c’est une vision qui ne manquera pas d’engendrer vague sur vague de crise et de chocs. Chocs économiques, tels que les explosions de bulles spéculatives – renforcées grâce à la dérèglementation – ; des chocs de sécurité, quand viendra dans le pays le contrecoup des politiques anti-islamiques et des agressions à l’étranger) ; et des chocs industriels, quand les pipelines de pétrole répandront des marées noires et que les puits exploseront [cf. plateforme DeepWater Horizon dans le golfe du Mexique], ainsi qu’ils risquent de le faire quand les règlements de sécurité et de respect de l’environnement qui empêchent le chaos sont victimes de coupes sombres.
Tout cela est extrêmement dangereux. Et davantage encore le fait que l’on puisse faire confiance à l’administration Trump pour exploiter ces choses et faire avancer les volets les plus radicaux de son agenda.
Une crise à grande échelle – qu’il s’agisse d’une attaque terroriste ou d’un krach financier – fournirait sans doute le prétexte pour déclarer un quelconque état d’exception ou d’urgence, durant lequel les règles usuelles cessent de s’appliquer. Cela conduirait, à son tour, à fournir une couverture pour faire passer des aspects de la réforme de l’agenda qui nécessitent une suspension encore plus forte du cœur des normes démocratique – tel que son vœu de refuser l’entrée à tout Musulman (pas seulement ceux de pays choisis), sa menace sur Twitter d’amener « les feds » [l’armée] pour faire taire la violence des émeutes dans les rues de Chicago, ou son désir évident de mettre en place des restrictions à l’encontre de la presse. Une crise économique assez profonde offrirait une excuse pour démanteler des programmes comme la Sécurité Sociale [aux EU, les retraites], dont Trump a promis qu’il la protègerait, mais dont beaucoup autour de lui verraient d’un bon œil la disparition depuis des décennies.
Trump pourrait avoir d’autres raisons de hausser le niveau de la Crise. Comme le romancier argentin César Aira l’écrivait en 2001 : « Tout changement est un changement du sujet dont on parle ». Trump a déjà prouvé qu’il était le champion du changement de sujet à vous en donner le vertige, faisant feu de tout bois, des tweets foldingues jusqu’aux missiles Tomahawk. À vrai dire, son attaque aérienne sur la Syrie, en réponse à une affreuse attaque à l’arme chimique, lui a valu la couverture de presse la plus laudative de sa présidence (en quelques lieux, cela a mené à un glissement (encore en cours) vers un ton plus respectueux). Ou bien que ce soit encore au sujet de révélations sur ses connexions avec la Russie ou des scandales liés à des contrats ou pactes dans son labyrinthique empire international, nous pouvons nous attendre à encore davantage de cette rhétorique du changement de sujet — et rien n’offre la possibilité de changer de sujet autant qu’un choc de grande échelle.
Ce n’est pas quand quelque chose de majeur et mauvais survient que nous sommes plongés dans un état de choc, il faut encore que ce soit quelque chose de majeur et mauvais qui échappe provisoirement à notre compréhension. Un état de choc, c’est ce qui survient quand un fossé s’ouvre entre les évènements et notre capacité initiale à les expliquer. Quand nous nous trouvons dans cette position, sans un narratif, sans un point d’ancrage, la grande majorité des gens devient vulnérable aux figures d’autorité qui nous disent de nous craindre les uns des autres et nous font nous dessaisir de nos droits au motif d’une cause supérieure.
C’est aujourd’hui un phénomène global, en aucun cas une particularité restreinte aux États-Unis. Après l’attaque coordonnée des terroristes à Paris en novembre 2015, le gouvernement français a déclaré l’état d’urgence, interdisant les réunions politiques publiques de plus de 5 personnes – et a dans la foulée prolongé ce régime, et avec lui la possibilité de restreindre les manifestations publiques jusqu’en juillet 2017 [NdT : tout récemment prolongé à novembre 2017]. En Grande-Bretagne, après le choc du Brexit, beaucoup ont dit qu’ils se sentaient comme s’ils s’étaient réveillés dans un autre pays qu’ils ne reconnaissaient pas. C’est dans ce contexte que le gouvernement conservateur du Royaume-Uni a commencé à pousser pour un ensemble de réformes régressives, incluant la suggestion que le seul moyen pour la Grande-Bretagne de retrouver sa compétitivité était de tailler dans les règlements et les impôts sur les classes fortunées au point qu’il deviendrait de fait un havre fiscal pour toute l’Europe. Theresa May tenta d’exploiter davantage la peur de l’inconnu pour justifier sa décision d’une élection anticipée, et les électeurs furent instruits que le seul moyen de ne pas être humiliés par l’UE était de la mandater par un quasi plébiscite pour un « leadership fort et stable ».
Le recours à la peur mit beaucoup d’électeurs mal à l’aise, et de cela il faut tirer des leçons. Car s’il y a bien une chose que j’ai apprise en enquêtant dans des dizaines d’endroits pris dans la tourmente d’une crise, que ce soit à Athènes bouleversée par la débâcle de la dette grecque, à la Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina, ou encore à Bagdad pendant l’occupation américaine : c’est que, oui, on peut résister à ces pratiques. Pour y parvenir, deux choses essentielles doivent advenir : premièrement, il nous faut une bonne maîtrise des rouages de la stratégie du choc, et savoir quels sont les intérêts qu’elle entend servir. Cette compréhension est ce qui nous permet de sortir du choc rapidement, et de lancer une contre-offensive. Deuxièmement, et c’est un point tout aussi important, il nous faut produire un récit différent de celui que les « docteurs du choc » colportent à l’envi, une vision du monde assez probante pour concurrencer la leur à un même niveau de persuasion. Cette vision basée sur des valeurs doit offrir un chemin différent, à l’écart des séries de chocs – un chemin basé sur la réunion au-delà des divisions raciales, ethniques, religieuses et hommes/femmes, plutôt que d’être renvoyé chacun plus isolé dans son coin, et une vision qui soit aussi basée sur un soin et une guérison de la planète, plutôt que le déchainement d’un cortège de guerres déstabilisantes et de pollutions. Surtout, cette vision se doit d’offrir à ceux qui sont blessés – par le chômage, par le manque de soin de santé, par le manque d paix, par le manque d’espoir, — une vie tangiblement meilleure.
Je ne revendique pas de savoir exactement à quoi cette vision ressemble. Je me l’imagine comme n’importe qui peut le faire, et je suis convaincue qu’elle ne peut naître que d’un processus authentiquement collaboratif, avec un leadership assuré par ceux qui sont les victimes les plus flagrantes de notre système actuel. Aux États-Unis, dans la foulée de réseaux tels que Black Lives Matter, Fight for $15 (qui exige de relever le salaire minimum) et de National Nurses United, nous commençons à voir de très fructueuses collaborations à la base [grassroots] entre des dizaines d’organisations et de penseurs qui commencent à se réunir pour mettre à jour ce type d’agenda [/manifeste], un programme qui soit capable de faire pièce au militarisme, au nationalisme et au corporatisme qui se dressent devant nous. Bien qu’à un stade précoce, cela donne à voir les éléments d’une majorité progressive, une majorité qui soit fondée sur un plan audacieux pour un monde
assaini et porteur d’attention [aux plus faibles] que nous voulons et dont nous avons besoin.
Tout ce travail est basé sur l’expérience que dire non à de mauvaises idées est encore loin du compte. Si nous acceptons l’hypothèse que, désormais, les batailles sont toutes sur le mode défensif, toutes autour du maintien de notre base contre les attaques régressives de style Trump, alors nous finirons sur un terrain véritablement très dangereux. Parce que le terrain sur lequel nous étions avant que Trump soit élu est le même que celui qui a pu produire Trump ; un terrain dont beaucoup d’entre nous savaient déjà qu’il constituait une urgence sociale et écologique, avant même ce dernier round de défaites.
Bien sûr, les attaques venant de Trump et de sa clique de démagogues autour de la planète doivent rencontrer une farouche résistance. Mais nous ne pouvons pas passer les quatre années qui viennent à jouer uniquement en défense. Les crises sont toutes si urgentes, elles ne nous permettent pas de perdre de laps de temps.
Sur un volet que je connais passablement bien, le changement climatique, l’humanité n’a qu’une fenêtre finie dans laquelle agir, après quoi protéger quoi que ce soit qui ressemble à un climat stable deviendra impossible. Et cette fenêtre se referme à toute vitesse.
Ce qu’il nous faut donc, c’est à la fois la défensive et l’offensive – résister aux attaques du moment et en même temps trouver un espace pour construire le futur que nous voulons. En d’autres termes, les plus farouches des « non » doivent être accompagnés par d’audacieux et ambitieux « oui » – un plan pour le futur qui soit suffisamment crédible et captivant pour qu’une foule de gens se battent pour le voir réalisé, quels que soient les chocs et les mots d’ordre alarmistes qui soient mis en travers de leur chemin. Non – non à Trump, non à la France de Marine Le Pen, non à tout ce lot de partis hypernationalistes et xénophobes qui montent partout dans le monde – tel est sans doute le premier mouvement qui puisse rassembler des millions de gens dans les rues. Mais c’est un « oui » qui nous fera poursuivre la bataille.
« Oui » est le phare dans les tempêtes en vue qui nous empêchera de nous égarer de notre route.
Voici ce qu’il nous faut nous mettre en tête : Trump, tout extrême qu’il soit, n’est pas tant une aberration qu’une conclusion logique – une parodie d’à peu près tout ce qu’ont été les pires tendances du demi-siècle écoulé. Trump est le produit d’un système de pensée puissant qui classe les vies humaines suivant leur race, leur religion, leur genre, leur sexualité, leur apparence physique et leur degré de handicap – et qui ont systématiquement fait usage de la race comme arme au service de politiques économiques brutales depuis les tout débuts de la colonisation nord-américaine et du commerce transatlantique [triangulaire] des esclaves. Trump est aussi la personnification de la fusion des humains avec les grandes firmes – une mégamarque d’un seul homme, dont la femme et les enfants sont des marques dérivées, avec toutes les pathologies et tous les conflits d’intérêt inhérents à une telle situation. Il est la réalisation de la croyance suivant laquelle l’argent et la puissance garantissent le droit d’un seul d’imposer sa volonté aux autres, que cette licence s’exprime par attraper des femmes [allusion au « grabbing by their pussy » de Trump] ou par se saisir des ressources finies d’une planète au bord d’un réchauffement catastrophique. C’est aussi le produit d’une culture entrepreneuriale qui fétichise les « disrupteurs » [les briseurs de tabous, les innovateurs, style BFM] qui font leur fortune en ignorant de façon flagrante tant les lois que les standards règlementaires [voir Uber, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft ou VW].
Plus que tout, Trump est l’incarnation du projet idéologique du marché libre, encore tout-puissant – un projet relayé tant par les partis centristes que les partis conservateurs – qui déclare la guerre à tout ce qui est public et possédé en commun, et veut voir dans les PDG [CEO] des grandes firmes des superhéros qui vont sauver l’humanité. En 2002, George W. Bush organisa un anniversaire des 90 ans pour celui qui fut l’architecte intellectuel de cette guerre contre la sphère publique, l’économiste apôtre radical du libre marché Milton Friedman. Lors de cette sauterie, Donald Rumsfeld, alors Secrétaire américain de la Défense [Ministre de la Défense] déclara : « Milton est l’exemple incarné de la simple vérité suivant laquelle les idées ont des conséquences ». Il avait raison – et Donald Trump est une conséquence directe de ces idées.
En ce sens, un pan important se révèle de ce qui ne devrait pas nous choquer chez Trump. Il est le résultat entièrement prévisible, jusqu’au cliché le plus stéréotypé, d’idées et de tendances qui auraient dû être stoppées depuis bien longtemps. Et c’est pourquoi, même si sa présidence cauchemardesque devait se terminer demain, les conditions politiques qui l’ont produite, et qui en produisent des répliques à travers le monde, devront encore être combattues. Avec le Vice-président US Mike Pence ou bien le speaker de la chambre Paul Ryan aux aguets dans les coulisses, et un Parti démocrate lui aussi de mèche avec la classe des milliardaires, le monde dont nous avons besoin ne sera pas gagné juste en remplaçant l’actuel occupant du Bureau Ovale.
Alors, il nous faut être très clairs sur ce à quoi nous disons non – pas seulement à un individu ou même à un groupe d’individus (bien que ce soit aussi cela). Nous disons aussi non à un système qui les a élevés à de telles hauteurs. Et de là passons à un Oui – un oui qui soit porteur d’un changement si fondamental que l’actuelle mainmise des grandes firmes sera reléguée à une note de bas de page historique, un avertissement à nos enfants. Et Donald Trump et ses compagnons de route seront vus pour ce qu’ils sont : un symptôme d’une maladie profonde, une maladie qui nous a décidés, collectivement, à nous rassembler pour la soigner.
#Naomi_Klein #blitzkrieg #trump #thérapie_de_choc #stratégie_du_choc #domaine_public #sphère_publique #intérêt_public #déconstruction #état_d_urgence #Peur #Résister Les idées politiques de Monsieur #macron #national_libéralisme
]]>Dérégulation financière : 24 milliards d’économies... sur le dos du consommateur
▻http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/deregulation-financiere-24-milliards-d-economies-sur-le-dos-du-consommateu
« La croissance pour tous, le renflouement public pour personne » : c’est le slogan du projet de loi de réforme de la réglementation bancaire aux Etats-Unis, le Financial Choice Act. Ce texte, qui a été adopté jeudi par la Chambre des Représentants, ouvre la voie à un démantèlement des mesures mises en place après la crise des subprimes et la chute de Lehman Brothers. Plus particulièrement dans le viseur, la loi Dodd-Frank, votée en 2010 par les Démocrates et honnie par les Républicains, qui la présentent comme un carcan terriblement coûteux.
[…]
Il supprime le Bureau de protection financière des consommateurs (CFPB), également créé par Dodd-Frank : le Bureau serait rebaptisé l’Agence du respect de la loi de consommation, avec des pouvoirs amoindris, alors qu’il a joué un rôle essentiel notamment dans la récente affaire des " comptes fantômes " de Wells Fargo, rassemblant les plaintes des utilisateurs abusés dans sa base de données. Depuis sa création, le CFPB aurait permis à 29 millions de consommateurs américains de récupérer au total près de 12 milliards de dollars d’institutions financières peu scrupuleuses.
[…]
Le texte revient aussi sur la fameuse « règle Volcker » qui interdit aux banques les activités de trading pour compte propre, afin d’éviter les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles des établissements conseilleraient leurs clients et spéculeraient en sens inverse sur les marchés. Une règle qui avait pourtant été assouplie par amendement en autorisant jusqu’à un certain seuil des activités spéculatives par les banques de dépôt et a souvent été contournée, par Goldman Sachs par exemple. Les multiples exemptions l’ont rendu plus ou moins inopérante.
]]>Wolfgang Streeck: The Return of the Repressed. New Left Review 104, March-April 2017.
▻https://newleftreview.org/II/104/wolfgang-streeck-the-return-of-the-repressed
Lies, even blatant lies, have always existed in politics. We need think only of Colin Powell’s PowerPoint presentation to the United Nations Security Council, with his aerial photographs proving the existence of Iraqi weapons of mass destruction. As to Germany, one still remembers a defence minister, greatly revered up to this time as a social democrat of the old school, who claimed that the German troops sent into Afghanistan at the urging of the US were defending, ‘at the Hindu Kush’, the security of Germany. However, with the neoliberal revolution and the transition to ‘post-democracy’ [8] associated with it, a new sort of political deceit was born, the expert lie. It began with the Laffer Curve, which was used to prove scientifically that reductions in taxation lead to higher tax receipts. [9] It was followed, inter alia, by the European Commission’s ‘Cecchini Report’ (1988), which, as a reward for the ‘completion of the internal market’ planned for 1992, promised the citizens of Europe an increase in prosperity of the order of 5 per cent of the European Union’s GDP, an average 6 per cent reduction in the price of consumer goods, as well as millions of new jobs and an improvement in public finances of 2.2 per cent of GDP. In the US, meanwhile, financial experts such as Bernanke, Greenspan and Summers agreed that the precautions taken by rational investors in their own interest and on their own account to stabilize ever ‘freer’ and ever more global financial markets were enough; government agencies had no need to take action to prevent the growth of bubbles, partly because they had now learned how to painlessly eliminate the consequences if bubbles were to burst.
At the same time, the ‘#narratives’ [10] disseminated by mainstream parties, governments and PR specialists, and the decisions and non-decisions associated with them, became ever more absurd. The penetration of the machinery of government by previous and future Goldman Sachs managers continued apace, in recognition of their indispensable expertise, as if nothing had changed. After several years during which not a single one of the bank managers who had shared responsibility for the crash of 2008 had been brought to justice, Obama’s attorney general Eric Holder returned to the New York law firm from which he had come, which specializes in representing financial companies under government investigation—and to a princely million-dollar salary. And Hillary Clinton, who together with her husband and daughter had amassed a fortune in the hundreds of millions in the sixteen years since leaving the White House—from Goldman Sachs speaking fees among other things, far above the earnings even of a Larry Summers—entered the election campaign as the self-designated representative of the ‘hardworking middle class’, a class that in reality had long since been reduced by capitalist progress to the status of a surplus population.
]]>