• #Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »

    En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.

    IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.

    L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.

    Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?

    Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.

    Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.

    On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.

    On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?

    Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.

    La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.

    Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.

    Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.

    En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.

    C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.

    L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?

    Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.

    Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.

    Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »

    C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l

  • La politique de lutte contre l’#immigration_irrégulière

    À la suite d’une première publication en avril 2020, qui portait sur l’intégration des personnes immigrées en situation régulière et sur l’exercice du droit d’asile, la Cour publie ce jour un rapport consacré à la politique de #lutte_contre_l’immigration_irrégulière, et notamment aux moyens mis en œuvre et aux résultats obtenus au regard des objectifs que se fixe l’État. À ce titre, la Cour a analysé les trois grands volets de cette politique : la #surveillance_des_frontières, la gestion administrative des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et l’organisation de leur retour dans leur pays d’origine. Il convient de souligner que ce rapport a été inscrit à la programmation des publications de la Cour plusieurs mois avant la présentation du projet de loi au Conseil des ministres puis au Parlement en février 2023, et qu’il a été réalisé et contredit avant la loi immigration de décembre 2023.

    https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-de-lutte-contre-limmigration-irreguliere

    #cour_des_comptes #France #migrations #rapport #frontières #contrôles_frontaliers #efficacité #contrôles_systématiques_aux_frontières #coopération_transfrontalière #Frontex #surveillance_frontalière #force_frontière #sans-papiers #OQTF #éloignement #renvois #expulsions #rétention #détention_administrative #renvois_forcés #laissez-passer_consulaires #aide_au_retour #retour_volontaire #police_aux_frontières (#PAF) #ministère_de_l'intérieur #chiffres #statistiques

    ping @karine4

    • #Pierre_Moscovici s’explique sur le report de la publication de la Cour des comptes sur l’immigration irrégulière : « Je n’ai rien cherché à dissimuler »

      Plusieurs élus ont dénoncé une entrave volontaire au débat démocratique. Auprès de « CheckNews », le président de la Cour des comptes se défend et dit qu’il n’a « rien cherché à dissimuler ».

      Un timing qui interroge. Le 4 janvier, soit deux semaines après la #commission_mixte_paritaire (#CMP) qui s’est réunie pour l’examen de la loi immigration sur fond de crise politique sévère – et qui a finalement abouti à l’adoption d’un texte plus dur que la version initiale proposée par le gouvernement – la Cour des comptes a publié son rapport sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière.

      Ses conclusions dressent notamment le bilan médiocre de la politique migratoire de l’Etat. Et pointent une « stratégie globale illisible et incohérente » de l’Intérieur. Mais au-delà du propos, c’est aujourd’hui le choix de son président, le socialiste Pierre Moscovici, de repousser la publication de ce rapport, qui se retrouve sous le feu des critiques. A l’origine, le texte devait en effet être publié le 13 décembre. C’était sans compter, deux jours plus tôt, sur la motion de rejet de l’Assemblée, qui a ouvert la voie à une CMP.

      Lors de sa présentation du rapport, Moscovici a expliqué qu’il n’avait pas souhaité que ce texte « puisse interférer en quoi que ce soit avec un débat passionné voire passionnel ».

      Le lendemain, il revient sur ce choix, et défend sur LCI une « décision prise personnellement et que j’assume totalement. La Cour publie ses rapports quand elle le veut. Nous avions programmé de le faire le 13 décembre. C’était le surlendemain du vote sur la motion de rejet de la loi sur l’immigration. Je sais pas si vous imaginez un tel rapport qui sort à ce moment-là, trois jours avant la commission mixte paritaire ? Qu’est-ce qu’on aurait dit ? Certains, à droite ou à l’extrême droite, auraient dit : “Quel scandale, rien ne marche, il faut être beaucoup plus dur”. Les autres : “Déjà ça ne marche pas, donc on n’a pas besoin d’une loi”. »
      « Je n’ai pas voulu que ce rapport soit déformé »

      Face au présentateur Darius Rochebin qui lui oppose qu’il s’agit là du fondement du « débat démocratique », Pierre Moscovici répond : « Oui, mais nous étions dans une crise politique, dans un moment où les arguments rationnels se faisaient peu entendre. Je n’ai pas voulu que ce rapport soit déformé et je n’ai pas voulu interférer avec un vote sous pression. »

      Ce dimanche 7 janvier, ils sont nombreux à s’indigner davantage de cette justification. A droite, Laurent Wauquiez appelle à la démission de Pierre Moscovici, dénonçant un « manquement grave à notre démocratie et aux obligations les plus élémentaires qui s’imposent à la Cour des comptes ». De son côté, Rachida Dati estime que « Pierre Moscovici a utilisé son pouvoir personnel pour priver le Parlement d’éléments factuels pour légiférer sur l’immigration ».

      Des critiques auxquelles se joignent certaines voix de gauche. Le député LFI Thomas Portes parle ainsi de « magouilles d’un autre âge » et d’un « mépris profond pour les citoyens et les élus ». Quant à Antoine Léaument, élu insoumis aussi, il déplore des « propos incroyables du président de la Cour des comptes » qui « a décidé de garder cachée une information qui pouvait être d’utilité publique ».

      « Je n’avais pas d’autres choix »

      Pierre Moscovici, joint par CheckNews ce dimanche matin, note que ces critiques ne proviennent ni de « toute la droite, ni de toute la gauche ». Sur le fond, contrairement à sa justification initiale du 4 janvier (où il indiquait qu’il ne souhaitait pas que la publication « puisse interférer en quoi que ce soit avec un débat passionné voire passionnel »), il indique aujourd’hui que le 13 décembre, date à laquelle le rapport devait être initialement publié, « le débat était clos par la motion de rejet ».

      Et de préciser : « Il n’y avait plus de débat parlementaire mais une crise politique, à dénouer par une procédure particulière. Si le rapport avait été publié comme prévu, il y aurait eu un déluge de réactions qui n’auraient pas alimenté le débat mais les passions. L’institution est là pour éclairer les citoyens, pas pour nourrir les controverses entre partis pendant une CMP. Je n’avais pas d’autre choix. Les mêmes qui poussent des cris d’orfraie auraient assuré que la Cour des comptes ne laissait pas le parlement travailler librement, et lui auraient reproché de s’immiscer dans sa souveraineté. Aucune de nos analyses n’aurait été reprise sereinement. Mes raisons sont de bon sens, je n’ai rien cherché à dissimuler : j’ai simplement joué mon rôle en protégeant l’indépendance, la neutralité et l’impartialité de l’institution que je préside. Ces critiques de mauvaise foi montrent aujourd’hui en quoi la publication du rapport le 13 décembre aurait simplement nourri la violence du combat politique. »

      https://www.liberation.fr/checknews/pourquoi-pierre-moscovici-a-t-il-differe-la-publication-du-rapport-de-la-

  • #Loi_immigration : l’accueil des étrangers n’est pas un fardeau mais une nécessité économique

    Contrairement aux discours répétés ad nauseam, le #coût des aides accordées aux immigrés, dont la jeunesse permet de compenser le vieillissement des Français, est extrêmement faible. Le #poids_financier de l’#immigration n’est qu’un #faux_problème brandi pour flatter les plus bas instincts.

    Quand les paroles ne sont plus audibles, écrasées par trop de contre-vérités et de mauvaise foi, il est bon parfois de se référer aux #chiffres. Alors que le débat sur la loi immigration va rebondir dans les semaines à venir, l’idée d’entendre à nouveau les sempiternels discours sur l’étranger qui coûte cher et prend nos emplois nous monte déjà au cerveau. Si l’on regarde concrètement ce qu’il en est, le coût de l’immigration en France, que certains présentent comme bien trop élevé, serait en réalité extrêmement faible selon les économistes. Pour l’OCDE, il est contenu entre -0,5% et +0,5% du PIB selon les pays d’Europe, soit un montant parfaitement supportable. Certes, les immigrés reçoivent davantage d’#aides que les autres (et encore, beaucoup d’entre elles ne sont pas réclamées) car ils sont pour la plupart dans une situation précaire, mais leur #jeunesse permet de compenser le vieillissement de la population française, et donc de booster l’économie.

    Eh oui, il est bien loin ce temps de l’après-guerre où les naissances explosaient : les bébés de cette période ont tous pris leur retraite ou sont en passe de le faire et, bientôt, il n’y aura plus assez de jeunes pour abonder les caisses de #retraite et d’#assurance_sociale. Sans compter que, vu l’allongement de la durée de vie, la question de la dépendance va requérir énormément de main-d’œuvre et, pour le coup, devenir un véritable poids financier. L’immigration, loin d’être un fardeau, est bien une #nécessité si l’on ne veut pas voir imploser notre modèle de société. Les Allemands, eux, l’assument haut et fort : ils ont besoin d’immigrés pour faire tourner le pays, comme l’a clamé le chancelier Olaf Scholz au dernier sommet économique de Davos. Le poids financier de l’immigration est donc un faux problème brandi par des politiques qui ne pensent qu’à flatter les plus bas instincts d’une population qui craint que l’avenir soit pire encore que le présent. On peut la comprendre, mais elle se trompe d’ennemi.

    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/editorial/loi-immigration-laccueil-des-etrangers-nest-pas-un-fardeau-mais-une-neces
    #économie #démographie #France #migrations

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    voir aussi cette métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration... des arguments pour détruire l’#idée_reçue : « Les migrants profitent (voire : viennent POUR profiter) du système social des pays européens »...
    https://seenthis.net/messages/971875

    ping @karine4

    • Sur les #prestations_sociales aux étrangers, la #contradiction d’#Emmanuel_Macron

      Le pouvoir exécutif vante une loi « immigration » qui concourt à une meilleure intégration des « travailleurs » et soutient « ceux qui travaillent ». Mais la restriction des droits sociaux pour les non-Européens fragilise le système de #protection_sociale.

      Depuis son adoption au Parlement, la loi relative à l’immigration est présentée par Emmanuel Macron et par le gouvernement comme fidèle à la doctrine du « #en_même_temps ». D’un côté, le texte prétend lutter « contre les #passeurs » et l’entrée illicite d’étrangers dans l’Hexagone. De l’autre, il viserait à « mieux intégrer ceux qui ont vocation à demeurer sur notre sol » : les « réfugiés, étudiants, chercheurs, travailleurs ». En s’exprimant ainsi dans ses vœux à la nation, le 31 décembre 2023, le président de la République a cherché à montrer que la #réforme, fruit d’un compromis avec les élus Les Républicains, et inspirée par endroits du logiciel du Rassemblement national, conciliait #fermeté et #humanisme.

      Mais cette volonté d’#équilibre est contredite par les mesures concernant les prestations sociales. En réalité, le texte pose de nouvelles règles qui durcissent les conditions d’accès à plusieurs droits pour les étrangers non ressortissants de l’Union européenne, en situation régulière, ce qui risque de plonger ces personnes dans le dénuement.

      Un premier régime est créé, qui prévoit que l’étranger devra soit avoir résidé en France depuis au moins cinq ans, soit « justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle » – sachant que cela peut aussi inclure des périodes non travaillées (chômage, arrêt-maladie). Ce « #délai_de_carence » est une nouveauté pour les aides visées : #allocations_familiales, prestation d’accueil du jeune enfant, allocation de rentrée scolaire, complément familial, allocation personnalisée d’autonomie, etc.

      « #Régression considérable »

      Un deuxième régime est mis en place pour les #aides_personnelles_au_logement (#APL) : pour les toucher, l’étranger devra soit être titulaire d’un visa étudiant, soit être établi sur le territoire depuis au moins cinq ans, soit justifier d’une « durée d’affiliation d’au moins trois mois au titre d’une activité professionnelle ». Là aussi, il s’agit d’une innovation. Ces critères plus stricts, précise la loi, ne jouent cependant pas pour ceux qui ont obtenu le statut de réfugié ou détiennent la carte de résident.

      Le 19 décembre 2023, Olivier Dussopt, le ministre du travail, a réfuté la logique d’une #discrimination entre nationaux et étrangers, et fait valoir que le texte établissait une « #différence » entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, « qu’on soit français ou qu’on soit étranger ». « Nous voulons que celles et ceux qui travaillent soient mieux accompagnés », a-t-il ajouté, en faisant allusion au délai de carence moins long pour les étrangers en emploi que pour les autres. Une présentation qui omet que le nouveau régime ne s’applique qu’aux résidents non européens, et laisse penser que certains étrangers mériteraient plus que d’autres d’être couverts par notre #Etat-providence.

      Alors que la loi est censée faciliter – sous certaines conditions – l’#intégration de ressortissants d’autres pays, des spécialistes de la protection sociale considèrent que les mesures sur les prestations tournent le dos à cet objectif. « Les délais de carence vont totalement à l’encontre de l’intégration que l’on prétend viser », estime Michel Borgetto, professeur émérite de l’université Paris Panthéon-Assas. Ils risquent, d’une part, de « précipiter dans la #précarité des personnes confrontées déjà à des #conditions_de_vie difficiles, ce qui aura pour effet d’accroître le nombre de #travailleurs_pauvres et de #mal-logés, voire de #sans-abri, relève-t-il. Ils sont, d’autre part, susceptibles de se révéler largement contre-productifs et terriblement néfastes, poursuit le spécialiste du droit de la #sécurité_sociale, dans la mesure où les étrangers en situation régulière se voient privés des aides et accompagnements nécessaires à leur insertion durable dans la société, dans les premiers mois ou années de leur vie en France. C’est-à-dire, en fait, au moment même où ils en ont précisément le plus besoin… »

      Maîtresse de conférences en droit social à l’université Lyon-II, Laure Camaji tient à rappeler que les prestations visées constituent des « #droits_universels, attribués depuis des décennies en raison de la résidence sur le territoire ». « Cela fait bien longtemps – depuis une loi de 1975 – que le droit aux #prestations_familiales n’est plus lié à l’exercice d’une #activité_professionnelle, souligne-t-elle. C’est un principe fondamental de notre système de sécurité sociale, un #acquis majeur qui forme le socle de notre #pacte_social, tout comme l’est l’#universalité de la #couverture_maladie, de la prise en charge du #handicap et de la #dépendance, du droit au logement et à l’#hébergement_d’urgence. »

      A ses yeux, le texte entraîne une « régression considérable » en instaurant une « #dualité de régimes entre les Français et les Européens d’un côté, les personnes non ressortissantes de l’Union de l’autre ». L’intégralité du système de protection sociale est fragilisée, « pour tous, quelle que soit la nationalité, l’origine, la situation familiale, puisque l’universalité n’est plus le principe », analyse-t-elle.

      Motivation « idéologique »

      Francis Kessler, maître de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, ne comprend pas « la logique à l’œuvre dans cette loi, sauf à considérer qu’il est illégitime de verser certaines prestations à une catégorie de la population, au motif qu’elle n’a pas la nationalité française, ou que les étrangers viennent en France pour toucher des aides – ce qu’aucune étude n’a démontré ». En réalité, complète-t-il, la seule motivation de cette loi est « idéologique » : « Elle repose très clairement sur une idée de “#préférence_nationale” et place notre pays sur une pente extrêmement dangereuse. »

      Toute la question, maintenant, est de savoir si les dispositions en cause seront validées par le #Conseil_constitutionnel. L’institution de la rue de Montpensier a été saisie par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, ainsi que par des députés et sénateurs de gauche, notamment sur les restrictions des #aides_financières aux étrangers. Les parlementaires d’opposition ont mis en avant le fait que les délais de carence violaient – entre autres – le #principe_d’égalité. Plusieurs membres du gouvernement, dont la première ministre, Elisabeth Borne, ont reconnu que des articles du texte, comme celui sur les APL, pouvaient être jugés contraires à la Loi fondamentale. Le Conseil constitutionnel rendra sa décision avant la fin du mois de janvier.

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/05/sur-les-prestations-sociales-aux-etrangers-la-contradiction-d-emmanuel-macro
      #Macron #loi_immigration #accès_aux_droits

  • Stage «Maraichage Vivrier»
    https://ecovillageglobal.fr/23821

    Projet : 3 jours ouverts aux personnes qui souhaitent améliorer leur production légumière à l’année (débutant·es bienvenu·es) en choisissant des méthodes écologiques adaptées à leur contexte. Offre : Approche et coûts du maraîchage à la Ferme Légère. Biologie des plantes et du sol. Itinéraires techniques, fertilisation. Gestion des ravageurs et indésirables. Conservation et transformation. Adaptation au changement climatique. TP : observation, semis, plantation, planification, irrigation, transformation. Stage immersif. Demande : 160 € / personne tout compris (repas, hébergement et animation) + participation consciente - Rubriques : Contacts et Echanges / Agricultiver / Pyrénées-Atlantiques (64) - Plus d’info et contact : (...)

    #Contacts_et_Echanges_/_Agricultiver

  • En Turquie, la guerre des « Boutons rouges »
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/04/en-turquie-la-guerre-des-boutons-rouges_6208922_3210.html

    ... Meryem est membre d’une importante #confrérie_religieuse islamique, une #tariqat. Mariée adolescente, voilée de noir, elle pensait avoir fait de la religion son baume.

    .... ces Boutons rouges se regardent comme une mise au point à l’intention des dirigeants et leurs vertus majuscules. Dans une #Turquie où le président Recep Tayyip Erdogan et son parti #AKP promeuvent ces dernières années une image de plus en plus monolithique du pays et de son rapport à l’#islam, la #série détonne par la lumière crue qu’elle jette sur ces communautés religieuses, mystiques et secrètes, soutiens indéfectibles du gouvernement en place, alors qu’elles sont censées se tenir à l’écart du pouvoir temporel.

    « Hostile » envers la religion musulmane

    Plusieurs séquences ont fait couler beaucoup d’encre et déversé un torrent de commentaires sur les réseaux sociaux. Il y a ce moment où la jeune fille de Meryem lâche, devant un très laïcard professeur de sciences physiques, que ni le régime militaire des années 1980-1990 et son interdiction du port du voile ni les religieux n’ont fait progresser la condition des #femmes dans le pays. Celui où l’époux empêche un employé d’autobus de donner à Meryem une bouteille d’eau sous prétexte que l’on ne touche ni même effleure une femme mariée. Et puis, surtout, il y a la scène du « börek », comme on la surnomme désormais, où la même Meryem s’oppose au patron de la boulangerie dans laquelle elle travaille. L’homme, lui-même membre de la confrérie, oblige ses ouvrières à couper la pâte avec de l’huile bon marché alors même que l’enseigne vante la qualité du beurre qu’elle utilise.

    Très vite, les critiques fusent, venues notamment des tabloïds islamistes et proches du pouvoir Yeni Vakit et Yeni Safak. Ce dernier n’hésite pas à accuser la chaîne Fox TV d’être « hostile » envers la religion musulmane. Il avance même – accusation suprême – qu’un des scénaristes de la série est proche du FETÖ, le mouvement honni du prédicateur Fethullah Gülen, que le pouvoir désigne comme le responsable présumé du putsch manqué de 2016.

    https://justpaste.it/319xf

  • « On a désappris aux gens à faire durer les choses »

    Prendre soin des choses relève d’une activité souvent peu visible : la maintenance. Au nom de la croissance, cette pratique a été refoulée, racontent les sociologues Denis Pontille et Jérôme Denis.

    Réparer, recoudre, huiler, nettoyer, mettre à jour, aiguiser, inspecter… Toutes ces actions consistent à tenter de faire durer les objets avec lesquels nous vivons, de notre pull préféré aux aiguillages d’une ligne TGV. Toutes font partie d’un « art de la maintenance », remis sur le devant de la scène par les sociologues Jérôme Denis et David Pontille, rattachés au Centre de sociologie de l’innovation, dans leur ouvrage Le soin des choses, politique de la maintenance (éd. La Découverte). Ils nous invitent à repenser la relation au monde matériel qui nous entoure.

    Reporterre — Vous écrivez que « faire durer les choses est une opération presque subversive ». Pourquoi ?

    Jérôme Denis — Dans les configurations particulières que sont les pays riches et les zones riches de ces pays, une certaine forme de capitalisme s’est constituée autour d’une durée de vie restreinte des choses et d’une hyperconsommation. Face à cela, la maintenance, faire durer des choses, est une opération qui n’est pas révolutionnaire, mais qui met un grain de sable dans la machine.

    C’est différent de la réparation. Pourquoi ?

    David Pontille — La réparation est incluse dans la maintenance. Mais la réparation met en scène des héros et des héroïnes, des gens qui viennent « sauver » la situation, ou le monde, de la rupture, de la casse,de la panne, du désastre. Ils remettent la situation en ordre. Au contraire, la maintenance, ce sont des gestes pratiqués en continu, et c’est potentiellement tout le monde. Il n’y a pas de figures spécifiques qui viennent créer l’événement.

    À quel moment la maintenance a-t-elle été reléguée en arrière-plan ?

    Jérôme Denis — A un moment, dans les pays riches, s’est construit une lutte très explicite contre certaines pratiques de maintenance et de réparation ordinaire, quotidienne. Elles étaient populaires, domestiques ou à l’usine, en grande partie faites par les femmes. De l’économie, au sens « être économe ». Au tournant du XXᵉ siècle, un modèle économique s’est constitué contre ces pratiques. Il ne fallait pas que les gens fassent durer ce qu’ils consommaient. Il fallait qu’ils désapprennent, presque, à faire durer les choses. C’est allé jusqu’à des formes de stigmatisation publique. Des campagnes de communication aux États-Unis prétendaient qu’il était antinationaliste de faire des économies de bouts de chandelle, qu’il fallait absolument acheter parce que c’est un acte héroïque et patriotique.

    « Les personnes qui pratiquent la maintenance doivent produire leur invisibilité, comme les femmes de ménage dans les bureaux »

    Cela va avec l’invention du jetable. On n’est plus responsables, on n’a plus le fardeau de s’occuper de ce que l’on achète, d’y prêter attention. Après, il faut être très précis et ne pas oublier qu’aujourd’hui, dans n’importe quel quartier populaire, campagne, et dans pas mal de maisonnées, on trouve des traces de gens qui savent faire et font quand même, notamment parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Et on ne parle pas évidemment des pays du Sud.

    Pourquoi la maintenance a-t-elle été — au moins dans certains domaines — invisibilisée ?

    David Pontille — Au cœur de l’acte de maintenance, il y a l’idée de faire durer. Cela va à l’inverse des grands récits sur l’innovation, où il faut faire de la disruption, du nouveau, du créatif. Il y a aujourd’hui une survalorisation de l’acte créateur par rapport à l’acte reproducteur, de faire durer, de simplement poursuivre ce qui est déjà là. Cela va jusque dans la comptabilité, où c’est l’investissement qui est valorisé, qui crée la valeur, alors que les frais de fonctionnement sont considérés comme moins importants.

    Quelles conséquences sociales cela a-t-il sur ceux dont la maintenance est le métier ?

    Jérôme Denis — Une grande partie des activités de maintenance sont mal reconnues. Les personnes qui la pratiquent doivent produire leur invisibilité, comme les femmes de ménage dans les bureaux. Il y a des conséquences sur la reconnaissance de leur expertise, ce qui pose tout simplement des questions de rémunération. Comme on ne sait pas ce que rapporte la maintenance — c’est ce que disait Denis sur la comptabilité — on a du mal à la payer correctement.

    « Il faut prendre en compte le fait que si cette machine fonctionne bien, c’est grâce à des personnes qui l’entretiennent »

    La deuxième conséquence est que, comme à peu près n’importe quel travail productif, physique, la maintenance use. Il y a des troubles musculo-squelettiques, des expositions à des produits dangereux. Il faut prendre en compte le fait que si cette machine fonctionne bien dans cette usine, si cette infrastructure tient, c’est grâce à des personnes qui l’entretiennent. Et se demander quel est le coût financier et humain des travailleurs et travailleuses impliqués dans la maintenance.

    Quels sont les enjeux communs aux travailleuses du soin aux personnes et aux travailleurs de la maintenance ?

    Jérôme Denis — C’est le rapprochement que fait Mierle Laderman Ukeles [artiste américaine née en 1939, connue pour ses œuvres mettant en scène les tâches de maintenance et de nettoyage], qui est en couverture du livre. Cette artiste conceptuelle fait une connexion entre ce qu’elle fait à la maison et le travail des éboueurs de New York. Dans son Manifeste pour l’art de la maintenance, le care [soin] est un mot très important.

    « Le soin des choses et des personnes remet en cause le mythe de l’autonomie »

    Que ce soit pour le soin des personnes ou des choses, la fragilité est le point de départ, la condition commune. Les gens qui prennent soin des personnes sont des gens qui considèrent qu’il n’y a pas un état sain, puis des écarts à cet état sain. Tout le monde a des formes de vulnérabilité. Cela retourne l’idée du normal, de l’ordre : les mainteneurs et les mainteneuses prennent également la fragilité comme point de départ.

    L’autre point commun est la part d’invisibilité de ces personnes. Les deux activités — soin des choses et des personnes — remettent aussi en cause le mythe de l’autonomie, cette figure très libérale de l’individu qui fait ses choix en toute responsabilité, seul. Les théories féministes du soin redéfinissent l’autonomie et assument l’interdépendance, le fait qu’on a toujours besoin, à un moment donné dans notre vie, d’être pris en charge par d’autres.

    Et le dernier point commun, c’est l’ambivalence de ces activités et les jeux de pouvoir qui s’y jouent. Prendre soin, c’est potentiellement imposer des manières de faire. Qui prend soin de qui ? Jusqu’où ? Qui peut se permettre de ne jamais prendre soin et d’être insouciant ?

    Prendre soin des choses et des personnes peut-il nous apprendre à prendre soin de la nature ?

    Jérôme Denis — Oui, parce que les humains habitent le monde avec des choses. Dans le livre, on utilise les termes de « tact » et de « diplomatie matérielle », car quand on prend soin des choses, il y a cette idée de négociation. Jusqu’où peut-on se permettre d’aller pour faire durer, préserver, conserver, restaurer, entretenir ? C’est une question éminemment politique, mais aussi très philosophique. Et centrale dans la préservation environnementale.

    « Il faut se débarrasser du mythe de l’équilibre, de l’idée que les choses vont revenir à un état stable »

    Pour y répondre, on peut s’inspirer des formes de maintenance que l’on appelle modestes, qui assument qu’il faut faire, qu’il ne faut pas disparaître, mais qu’il ne faut pas être trop brutal. La conservation patrimoniale des monuments historiques est un excellent exemple. Alors que le modèle de Viollet-le-Duc était très immodeste, qu’il assumait des grandes transformations pour revenir à l’état « original » d’un monument, la profession s’est organisée depuis quelques années à l’échelle internationale autour du principe « d’intervention minimale » qui assume qu’il y a bien des interventions nécessaires pour la conservation, mais qui insiste aussi sur la nécessité de rester parcimonieux. Cela produit un rapport à l’environnement qui ressemble plus à ce que propose Aldo Leopold [1887-1948, considéré comme l’un des pères de la protection de l’environnement aux États-Unis], c’est-à-dire à une sorte de partenariat. Les humains sont à l’intérieur des écosystèmes, en essayant d’être le moins nuisibles possible, au nom d’une communauté de vie sur Terre.

    Et puis, on peut avoir tendance à imaginer que la maintenance ou le soin sont un statu quo. Certaines formes de maintenance essayent de fabriquer une immobilité. Ce que l’on montre, c’est que pour y arriver, il faut accepter les transformations. C’est typique de la signalétique du métro, que nous avons étudiée. C’est un dispositif destiné à être toujours présent, toujours en bon état. Pour assurer cela, il faut accepter d’en remplacer régulièrement des composants. Il y a là aussi une connexion avec la question de conservation environnementale. Il faut se débarrasser du mythe de l’équilibre, de l’idée que les choses vont revenir à un état stable, une fixité.

    https://reporterre.net/On-a-desappris-aux-gens-a-faire-durer-les-choses
    #objets #réparation #maintenance #capitalisme #consumérisme #hyperconsommation #économie #jetable #innovation #faire_durer #création #production #reproduction #investissement #fragilité #tact #diplomatie_matérielle #négociation

    • Le soin des choses. Politiques de la maintenance

      Qu’ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d’art, un satellite, un lave-linge, un pont, une horloge, un serveur informatique, le corps d’un illustre homme d’État, un tracteur ? Presque rien, si ce n’est qu’aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d’entretien. Tout objet s’use, se dégrade, finit par se casser, voire par disparaître. Pour autant, mesure-t-on bien l’importance de la maintenance ? Contrepoint de l’obsession contemporaine pour l’innovation, moins spectaculaire que l’acte singulier de la réparation, cet art délicat de faire durer les choses n’est que très rarement porté à notre attention.
      Ce livre est une invitation à décentrer le regard en mettant au premier plan la maintenance et celles et ceux qui l’accomplissent. En suivant le fil de différentes histoires, ses auteurs décrivent les subtilités du « soin des choses » pour en souligner les enjeux éthiques et la portée politique. Parce que s’y cultive une attention sensible à la fragilité et que s’y invente au jour le jour une diplomatie matérielle qui résiste au rythme effréné de l’obsolescence programmée et de la surconsommation, la maintenance dessine les contours d’un monde à l’écart des prétentions de la toute-puissance des humains et de l’autonomie technologique. Un monde où se déploient des formes d’attachement aux choses bien moins triviales que l’on pourrait l’imaginer.

      https://www.editionsladecouverte.fr/le_soin_des_choses-9782348064838
      #livre

  • « L’algorithme de la #CAF conduit à un surcontrôle des populations les plus précaires » | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/lalgorithme-de-caf-conduit-a-un-surcontrole-populations-plus-pr/00109069

    Fin novembre et début décembre, l’association La Quadrature du Net et le journal Le Monde ont chacun fait paraître une enquête sur l’utilisation du data mining (l’exploration de données) par les caisses d’allocations familiales (CAF), pour détecter les indus et les fraudes. Les deux enquêtes montrent que ce système, qui permet de scanner des milliers de données de 32 millions de personnes (les allocataires et leurs proches) et sur la base duquel sont déclenchés les contrôles, cible les plus pauvres, notamment les mères isolées.

    L’algorithme utilisé attribue un score de risque aux allocataires allant de 0 à 1. Plus on est proche de 1, plus on est exposé à la probabilité d’un contrôle. Parmi les critères pénalisants, le fait d’avoir changé de loyer plus de quatre fois en un an et demi, d’avoir un enfant à charge de 19 ans ou plus, ou encore de déclarer chaque trimestre ses ressources pour percevoir l’allocation adulte handicapé (AAH).

    • on sait _qui_ à pondu ledit algorithme, sur ordre de qui, et selon les specification de qui ? ou c’est secret défense ? (voire, secret défonce)

    • #Notation des allocataires : fébrile, la CAF s’enferme dans l’#opacité

      Alors que la contestation monte (voir ici, ici, ici ou ici) concernant son algorithme de notation des allocataires à des fins de #contrôle_social, la CAF choisit de se réfugier dans l’opacité tout en adaptant, maladroitement, sa politique de communication. Suite à son refus de communiquer le code source de son algorithme, nous avons saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA).

      Comme nous l’expliquions ici, la CAF utilise depuis 2012 un algorithme de #profilage attribuant à chaque allocataire une note ou « #score_de_risque ». Construite à partir des centaines de données dont la CAF dispose sur chaque allocataire, cette note est ensuite utilisée pour sélectionner celles et ceux qui seront contrôlé·es.

      Cet algorithme symbolise l’étendue des #dérives de l’utilisation des outils numériques au service de politiques de contrôle social portées par des logiques policières de suspicion généralisée, de #tri et d’#évaluation continue de chacun de nos faits et gestes.

      Ici, comme c’est généralement le cas par ailleurs, ce tri cible les plus précaires. Les rares informations disponibles à ce sujet laissent apparaître que parmi les critères dégradant la note d’un·e allocataire, et augmentant ses chances d’être contrôlé·e, on trouve pêle-mêle : le fait de disposer de faibles revenus, d’habiter dans un quartier défavorisé, d’être une mère célibataire ou encore d’être né·e hors de France.

      Pour en avoir le coeur net, nous avons donc demandé à la CAF de nous communiquer le #code source de son algorithme1. Et sa réponse est affligeante2.

      Sortir de la précarité pour “tromper l’algorithme”

      Si la CAF a bien accepté de nous communiquer le code de l’algorithme… ce n’est qu’après avoir masqué la quasi-totalité des noms des variables comme on peut le voir sur l’illustration de cet article, qui est une photo de ce que la CAF nous a répondu.

      En d’autres termes, le fichier fourni nous permet simplement d’apprendre combien de #critères sont utilisés pour le calcul de la note des allocataires. Rien de plus. Ce qui n’empêche pas la CAF de préciser dans son courrier qu’elle espère que sa communication nous « permettra de comprendre le modèle »3.

      Les responsables de la CAF ont toutefois tenu à justifier le caviardage du fichier. Ces dernier·es précisent que le #code_source a été « expurgé des mentions qui, si elles étaient communiquées, pourraient donner des indications aux fraudeurs pour tromper l’algorithme »4. Et pour être tout à fait honnête, nous n’étions pas préparé·es à cette réponse.

      La CAF croit-elle vraiment que les critères liés à la #précarité (situation professionnelle instable, faibles revenus, logement situé dans un quartier défavorisé…) pourraient être modifiés par la seule volonté de l’allocataire ? Qu’afin d’augmenter leur note et de « flouer » l’algorithme, des millions d’allocataires pourraient décider, d’un coup, de sortir de la pauvreté ?

      Ce raisonnement frise l’#absurdité. A vrai dire, il est méprisant et insultant pour celles et ceux vivant des situations difficiles.

      Pire, le secrétaire général de la CAF entretient publiquement la confusion entre #fraudes et #erreurs de déclarations involontaires, prenant ainsi le risque de stigmatiser les personnes ciblées par l’algorithme, et ce, dans le seul but de justifier l’opacité de son institution.

      En réponse à un journaliste de Radio France5 l’interrogeant sur la réponse de la CAF à notre demande, il l’expliquait en disant qu’« il y a un certain nombre de données dont on pense que, si elles sont connues, peuvent nourrir des stratégies de contournement de personnes dont le but c’est de frauder le système ». Et d’ajouter : « Il faut que l’on ait un coup d’avance ».

      Faut-il donc lui rappeler que l’algorithme de la CAF n’est pas entraîné à détecter les fraudes mais les erreurs de déclaration, par définition involontaires6. Et que sa réponse pourrait donc être reformulée ainsi : « Nous ne communiquerons pas le code de l’algorithme de peur que les allocataires arrêtent de faire des erreurs ».

      De notre point de vue, cette réponse révèle l’ampleur de l’embarras des responsables de la CAF vis-à-vis de leur algorithme. Ils et elles ont peut-être en tête le scandale entourant un algorithme, en tout point similaire, de notation des allocataires ayant été utilisé aux Pays-Bas et dont les suites ont amené à la démission du gouvernement7 ?

      #Déni_de_justice

      Pire, cette opacité est aussi appliquée, à l’échelle individuelle, aux allocataires ayant été séléctionné·es par l’algorithme pour être controlé·es et qui chercheraient à obtenir des informations sur la raison de ce contrôle. Et ce, alors même que la loi prévoit que tout individu ayant fait l’objet d’une décision prise sur le fondement d’un traitement algorithmique (ici le fait d’être contrôlé) a le droit de connaître les données utilisées ainsi que les #paramètres de cet algorithme8. Ce qui signifie que les personnes ayant fait l’objet d’un contrôle9 sont censées avoir un droit d’accès plus étendu qu’une association comme la Quadrature.

      Nous avons pu consulter la réponse à la demande d’informations réalisée par une personne ayant été contrôlée sur la base de sa note. Le courrier, signé par le délégué à la protection des données de la CNAF, se contente de renvoyer l’allocataire à la page “Internet et Libertés” de la CAF.

      Sur cette page sont présents deux documents relatifs à l’algorithme de notation : un communiqué de la CAF et l’avis de la CNIL associé10. Aucun ne fournit d’informations sur les paramètres utilisés par l’algorithme, ni sur leur impact sur le score de risque.

      Cette réponse est un déni de justice pour celles et ceux ayant fait l’objet d’un contrôle déclenché algorithmiquement, l’opacité entretenue par la CAF les empếchant de contester juridiquement le bien-fondé du contrôle dont ielles ont fait l’objet.
      La discrimination : un savoir-faire à protéger

      Nous avions aussi demandé la liste des variables utilisées pour l’entraînement du modèle, c’est à dire sa phase de création. Cette question est importante car elle permet de comprendre l’étendue des données utilisées par l’algorithme. Et donc le degré d’intrusion dans la vie privée des allocataires que la construction d’un tel modèle nécessite.

      En effet, en mettant régulièrement en avant dans sa communication que son algorithme n’utilise « que » quelques dizaines de variables11, la CAF fait mine d’ignorer qu’elles sont le fruit d’une sélection qui nécessite l’analyse d’un nombre bien plus grand de variables au préalable12.

      Et la justification apportée par les responsables de la CAF est, là aussi, déconcertante. Ces dernier·es avancent que la communication de ces variables n’est pas possible car elles constituent un « savoir-faire »13. La CAF souhaiterait-elle monétiser son algorithme et le revendre à d’autres administrations ? Penserait-elle pouvoir équiper les équipes de contrôleurs.ses des institutions sociales du monde entier de son algorithme assimilant les plus précaires à de potentiel·le·s fraudeurs ou fraudeuses ?

      A défaut de réponse, nous nous en remettons à ce que, techniquement, tout·e data-scientist ferait pour entraîner un modèle le plus « précis » possible. Il suffirait de partir de l’intégralité des variables à sa disposition et, par itérations successives, décider lesquelles garder pour le modèle final. Dans cette hypothèse, ce serait alors la quasi-totalité des variables détenues par la CAF sur chaque allocataire qui serait utilisée pour l’entraînement de son modèle.

      Ceci serait cohérent avec un document publié en 2013 dans lequel un statisticien de la CAF que « les statisticiens chargés de la modélisation disposaient d’environ un millier d’informations par allocataire contrôlé » et que « la base d’apprentissage contient toutes les données habituelles des fichiers statistiques »14.
      Vingt ans de développement… et aucun compte-rendu de réunions

      Quant à notre demande relative aux documents internes (notes, comptes-rendus, échanges…) concernant le développement de l’algorithme, la CAF nous a tout simplement répondu qu’en presque 20 ans de travail aucune réunion technique n’a fait l’objet de compte-rendu…15

      Pour être tout à fait honnête, c’est une première dans l’histoire de nos demandes CADA.
      Le retour de l’alibi technique

      A ceci s’ajoute, depuis le début de l’année, la mise en place de ce qui apparaît comme une véritable communication de crise par l’institution autour de son algorithme. En juin 2022, la CAF a notamment publié un communiqué intitulé « Contrôle et datamining » dans lequel elle tente de répondre aux critiques soulevées par son algorithme16.

      A sa lecture, on prend toute la mesure du rôle d’alibi technique à une politique de contrôle discriminatoire que joue l’algorithme, ce que nous dénoncions déjà ici.

      L’algorithme y est décrit comme étant un objet purement scientifique dont le caractère politique est nié. Il est ainsi expliqué que la note des allocataires est le fruit d’une « démarche scientifique d’étude statistique […] menée par des experts » se fondant sur des critères « scientifiquement pondérés » ayant été sélectionnés « sur seuls critères statistiques ». Le secrétaire général de la CAF ajoute17 de son côté que cet outil serait un « miroir des situations statistiques » servant à identifier des « environnements de risques ».

      Ce faisant, les responsables de la CAF cherchent à nier leur responsabilité (politique) dans la conduite, et la validation, d’une politique de contrôle discriminatoire. Nul part n’apparaît que que si les erreurs se concentrent sur les plus précaires, c’est tout simplement parce qu’au fil des ans se sont multipliées les règles et contraintes encadrant l’accès aux minima sociaux, et ce, dans le seul but de restreindre leur accessibilité18.

      On mesure enfin l’impact des logiques gestionnaires appliquées aux institutions sociales. Logiques réduisant des millions de vies et d’histoires, à de simples notions statistiques, déshumanisantes, froides et vides de sens.
      Communication mensongère

      La deuxième partie du document est consacrée à un « Vrai/Faux » portant sur l’algorithme où transpire la malhonnêteté intellectuelle.

      A l’affirmation « Les scores de risques les plus élevés concernent toujours les plus pauvres », la CAF répond Faux car « les scores de risques sont calculés pour tous les allocataires ». Ce qui n’a tout simplement aucun sens…

      A la question « Les contrôleurs sont payés aux résultats », la CAF répond que ce serait faux, bien qu’elle admette que l’Etat lui fixe bien un objectif à atteindre en termes de détection de fraude. Ici encore, l’institution joue avec les mots. S’il est vrai que les contrôleurs.ses n’ont pas de « prime sur leurs résultats », ils et elles touchent un intéressement, tout comme l’ensemble du personnel de la CAF, dont le montant dépend bien de l’atteinte de ces objectifs de contrôle19.

      A la question « Plus de 1000 données concernant les allocataires sont utilisées dans le modèle de datamining des CAF », la CAF répond que seules une quarantaine seraient utilisées. Elle détourne ainsi la question puisque – comme expliqué ci-dessus – elle omet de dire que ces quarante variables sont sélectionnées après une phase d’entraînement du modèle qui nécessite l’utilisation, et le traitement, de plus de mille variables par allocataire20.

      Enfin, aux questions « Les contrôleurs de la Caf ont accès à toutes les infos qu’ils souhaitent à l’insu des allocataires », et « Les allocations sont suspendues pendant le contrôle », la CAF répond que non car « aucune demande n’est faite à d’autres administrations, sans en avoir averti auparavant l’allocataire, aucune procédure vis-à-vis d’un tiers n’est engagée à l’insu de celui-ci. » Et ajoute que, lors d’un contrôle, « les allocations ne sont pas suspendues ».

      Sur ces deux derniers points, nous vous invitons à lire les témoignages collectés par le Défenseur des Droits, les collectifs « Stop Contrôles », « Changer de Cap » et différentes associations de lutte contre la précarité21 qui alertent depuis des années sur les suspensions abusives d’allocations pendant les contrôles et les pratiques invasives (consultation des comptes bancaires, relevés d’électricité, analyse de l’adresse IP etc…) des contrôleurs·ses de la CAF à l’insu des allocataires.
      Fraude à enjeux et lutte contre le non-recours : des contre-feux médiatiques

      A ceci s’ajoute diverses annonces de la CAF participant à nourrir une stratégie de diversion médiatique autour de son algorithme de notation.

      Dans son dernier rapport annuel sur la « lutte contre la fraude », nulle référence n’est faite à l’algorithme alors que celui-ci était mis à l’honneur, en première page, l’année précédente. La CAF précisant au passage qu’il était loué par la Cour des Comptes et l’Assemblée Nationale.

      A sa place, la CAF a préféré cette année mettre en avant son équipe de contrôleur.ses dédiée à la « lutte contre la fraude à enjeux »22, c’est à dire des fraudes organisées (usurpation d’identités, faux documents, fraude au RIB) à grande échelle. Soit 30 agentes et agents qui d’après les dires de la CAF sont, ni plus ni moins, chargé·es de « protéger le système de sécurité sociale français des risques de pillage » et qui font rentrer la CAF dans « une nouvelle dimension de la lutte contre la fraude »23.

      A titre de comparaison, nous tenons à rappeler que ce sont pas moins de 700 contrôleuses et contrôleurs qui, guidé·es par son algorithme discriminatoire, sont chargé·es de traquer les moindre erreurs de déclaration faites par les plus précaires.

      Deuxième angle d’attaque : la mise en avant de l’utilisation d’algorithmes de profilage à des fins de lutte contre le non-recours24. Comme si l’application des techniques de profilage à des fins « positives » pouvait justifier leur application à des fins répressives. Sur ce sujet, la CAF omet pourtant de dire le plus important : depuis maintenant plus de 10 ans, elle a systématiquement favorisé l’application de ces techniques à des fins de contrôle plutôt que de lutte contre le non-recours.

      Ses équipes de « data-scientist » regrettaient dès 2013 que les techniques de profilage des allocataires soient uniquement utilisées à des fins de contrôle et non de lutte contre le non recours25. Cette réalité est rappelée dans un rapport de l’Assemblée Nationale daté de 2016 qui précise que « l’extension explicite de l’usage du data mining à d’autres fins, notamment celle de lutte contre le non-recours, était envisageable dès l’origine, mais cette possibilité a été écartée, au moins dans les premières années d’utilisation de cet outil »26. Il aura fallu attendre 2017 pour que la CAF commence à mener des expérimentations, et il semblerait qu’aujourd’hui le profilage contre le non-recours est limité à la prime d’activité et l’allocation de soutien familial27.

      Le sociologue Vincent Dubois ajoute que cette situation « interroge sur la réalité des slogans institutionnels “tous les droits rien que les droits” qui en fait est beaucoup plus tournée vers l’identification des indus, frauduleux ou non, que vers les cas de non-recours qui sont en fait beaucoup plus nombreux »28.

      En tout état de cause, l’histoire politique de l’utilisation par la CAF des techniques de profilage à des fins de lutte contre le non-recours ne semble pas très glorieuse.

      Ce dernier point interroge aussi sur le fantasme entretenu autour de l’automatisation de l’état social pour répondre aux problèmes sociaux. A l’heure où le gouvernement lance l’expérimentation d’un « RSA sous conditions », la mise en avant de solutions techniques pour lutter contre le non-recours dépolitise la question de l’accès aux droits. Tout en taisant les problèmes que génèrent, pour des millions de personnes, la dématérialisation des services publics.

      Enfin, la CAF a annoncé en grande pompe la nomination d’une médiatrice nationale chargée, entre autres, des questions de données personnelles à la CNAF29 en juin 2022. Parmi ses missions : « la protection des données et de la sécurité des usagers dans le cadre des systèmes d’information. » Et le communiqué accompagnant sa nomination ajoute qu’elle « sera également la référente nationale déontologie ». Nous serions plus que ravi·es d’entendre son avis sur l’algorithme de notation de la CAF.
      Lutter au-delà de la transparence

      La transparence que nous exigeons auprès de la CAF ne doit pas masquer le fond du problème. En un sens, ce que nous savons déjà de l’algorithme de cette institution, sans même avoir eu accès à son code, nous suffit à nous y opposer.

      La transparence n’est donc pas une fin en soi : c’est un moyen que nous souhaitons mobiliser pour mettre en lumière, et critiquer, un discours politique cherchant à légitimer la volonté de contrôle d’un appareil étatique via l’entretien d’un discours de suspicion généralisée et la stigmatisation de certaines catégories de la population.

      Volonté de contrôle qui, hélas, profite aujourd’hui de la puissance des outils numériques et de l’exploitation de nos données personnelles afin de toujours plus nous évaluer et, ainsi, nous trier.

      A l’heure où un nombre toujours plus grand d’institutions, sociales et policières, mettent en place de telles solutions de surveillance algorithmique, nous continuerons de les documenter et de faire ce que nous pouvons, à notre niveau, pour les contrer.

      Au côté des collectifs Stop Contrôles, Changer de Cap et de toutes les associations et collectifs de lutte contre la précarité qui font face, depuis des années, aux dérives du tout numérique et au développement sans limite des politiques de contrôle social, nous espérons que vous serez nombreux.ses à nous rejoindre.

      Enfin, nous ne doutons pas que ce sentiment d’injustice est partagé par la plupart des employé·es de la CAF. C’est pourquoi nous tenons à encourager celles et ceux qui, révolté·es par ces pratiques, pourraient nous aider à les documenter. Vous pouvez nous contacter par mail, téléphone, en venant nous rendre visite ou déposer de manière anonyme des documents sur notre SecureDrop. A l’heure où les responsables de la CAF font le choix de l’opacité, nous avons plus que jamais besoin de vous.

      https://www.laquadrature.net/2022/12/23/notation-des-allocataires-febrile-la-caf-senferme-dans-lopacite
      déjà sur seenthis (via @colporteur) :
      https://seenthis.net/messages/984668

      #algorithme #discrimination #mères_isolées #risque

    • C’est la réponse qui a toujours été faite aux syndicats qui réclament depuis des années les barèmes et algo pour pouvoir contester dans le cadre des TRÈS nombreuses erreurs de calcul.

      « gna gna gna, vous allez tricher ! ».

      Marrant comme on accuse toujours l’autre de ses propres turpitudes.

      Oui, des fois, les gens pourraient refuser une miette de boulot de merde qui va faire sauter tous leurs droits de manière disproportionnée et les foutre encore plus dans la merde. Oui, des fois, les gens pourraient s’organiser pour ne pas se retrouver dans une trappe à contrôle ou une situation encore plus dégradée.

      Oui, t’imagine ? Les gens pourraient juste faire valoir leurs droits si souvent déniés sans même avoir à avancer un début de justification.

      Et ils pourraient se rendre compte que ce n’est pas l’algo, mais bien un agent malintentionné qui a niqué leur dossier.

    • y aurait pas moyen de « retourner » (comme une chaussette) leur truc de la caf ? Genre, une expérience de science participative :-) on pourrait : 1./ demander que le "score" soit communiqué à chaque administré (e.g. via CNIL), 2./ collecter score et infos perso sur la base du volontariat, éventuellement en anonymisant les données, et 3./ faire un modèle « externe » avec ces données, le publier, et enfin 4./ s’en servir pour identifier les cas de non-recours (et au moins les compter)

  • Navajo Nation president asks NASA to delay Moon launch over possible human remains
    https://www.knau.org/knau-and-arizona-news/2023-12-28/navajo-nation-president-asks-nasa-to-delay-moon-launch-over-possible-human-rem

    Envoyer des résidus de crémation sur la Lune !!! Mais combien d’idées farfelues, inutiles, malsaines peuvent naître dans l’esprit de gens avides d’argent ? (car l’entreprise est certainement payante, je dirais même rentable, tant les riches veulent laisser leur empreinte partout, quitte à détruire le commun).

    Navajo Nation President Buu Nygren has asked NASA to delay a scheduled launch to the Moon that could include cremated remains.

    Nygren says he recently learned of the Jan. 8 launch of the Vulcan Centaur carrying the Peregrine Mission One. The lander will carry some payloads from a company known to provide memorial services by shipping human cremated remains to the Moon.

    Nygren wants the launch delayed and the tribe consulted immediately. He noted the Moon is sacred to numerous Indigenous cultures and that depositing human remains on it is “tantamount to desecration.”

    NASA previously came under fire after the ashes of former geologist and planetary scientist Eugene Shoemaker were sent to the Moon in 1998.

    Then-Navajo Nation President Albert Hale said the action was a gross insensitivity to the beliefs of many Native Americans. NASA later apologized and promised to consult with tribes before authorizing any similar missions in the future.

    Nygren highlighted this commitment in his letter, as well as a 2021 memo signed by the Biden administration that pledged to consult the tribe on matters that impact them.

    “This memorandum reinforced the commitment to Executive Order 13175 of November 6, 2000,” President Nygren wrote. “Additionally, the Memorandum of Understanding Regarding Interagency Coordination and Collaboration for the Protection of Indigenous Sacred Sites, which you and several other members of the Administration signed in November 2021, further underscores the requirement for such consultation.”

    He added this explicitly recognizes that sacred sites can consist of “places that afford views of important areas of land, water, or of the sky and celestial bodies.”

    NASA has yet to respond.

    #Espace #Lune #Enclosure #Communs #Crémation #Connerie_humaine

  • "Le #populisme sordide de #Macron

    Pour justifier sa loi immigration, le #président de la #République en appelle soudainement aux sondages et aux « Français ». Piétinant des valeurs fondamentales, il surfe sur un invariant humain : la #peur de l’autre qui, dans sa version ultime, s’appelle le #racisme. (...)"



    #politique #France #confusion #déliquescence #démagogie #spéculation #langue_de_bois #double_langage #société #seenthis #vangauguin

    https://www.politis.fr/articles/2023/12/le-populisme-sordide-de-macron

  • #Violences et fabrique de la #subalternité_foncière à #Sihanoukville, Cambodge

    Depuis le milieu des années 2010, la ville de Sihanoukville au Cambodge, principal #port du pays et petit centre de villégiature, fait l’objet d’un #développement_urbain éclair porté par la construction de nouvelles infrastructures de transport et de zones logistiques, de casinos (plus de 150 nouveaux casinos depuis 2015) et la mise en place de #mégaprojets_immobiliers à vocation touristique qui nourrissent une #spéculation_foncière galopante. Ces transformations territoriales sont notamment le fruit d’une coopération technique, politique et économique entre le Cambodge et la #Chine au nom de la #Belt_and_Road_Initiative, la nouvelle politique étrangère globale chinoise lancée en 2013 par #Xi_Jinping. Pour le gouvernement cambodgien, Sihanoukville et sa région doivent devenir, au cours de la prochaine décennie, la seconde plateforme économique, logistique et industrielle du pays après Phnom Penh, la capitale (Royal Government of Cambodia, 2015). Ce développement urbain très rapide a entraîné une évolution concomitante des logiques d’échange et de valorisation des #ressources_foncières. Comme le relève régulièrement la presse internationale, il nourrit d’importants #conflits_fonciers, souvent violents, dont pâtissent en premier lieu les habitants les plus pauvres.

    Cette recherche veut comprendre la place et le rôle de la violence dans le déploiement des mécanismes d’#exclusion_foncière à Sihanoukville. Pour reprendre les mots de Fernand Braudel (2013 [1963]), alors que ces #conflits_fonciers semblent surgir de manière « précipitée », notre recherche montre qu’ils s’inscrivent aussi dans les « pas lents » des relations foncières et de la fabrique du territoire urbain. Dans ce contexte, le jaillissement des tensions foncières convoque des temporalités et des échelles variées dont la prise en compte permet de mieux penser le rôle de la violence dans la production de l’espace.

    Les processus d’exclusion foncière au Cambodge s’inscrivent dans une trajectoire historique particulière. Le #génocide et l’#urbicide [1] #khmers_rouges entre 1975 et 1979, l’abolition de la #propriété_privée entre 1975 et 1989 et la #libéralisation très rapide de l’économie du pays à partir des années 1990 ont posé les jalons de rapports fonciers particulièrement conflictuels, tant dans les espaces ruraux qu’urbains (Blot, 2013 ; Fauveaud, 2015 ; Loughlin et Milne, 2021). Ainsi, l’#appropriation, l’#accaparement et la #valorisation des ressources foncières au Cambodge, et en Asie du Sud-Est en général, s’accompagnent d’une importante « #violence_foncière » tant physique (évictions et répression) que sociale (précarisation des plus pauvres, exclusion sociale), politique (criminalisation et dépossession des droits juridiques) et économique (dépossession des biens fonciers et précarisation).

    Cet article souhaite ainsi proposer une lecture transversale de la violence associée aux enjeux fonciers. Si la notion de violence traverse la littérature académique portant sur les logiques d’exclusion foncière en Asie du Sud-Est (Hall, Hirsch et Li, 2011 ; Harms, 2016) ou dans le Sud global plus généralement (Peluso et Lund, 2011 ; Zoomers, 2010), peu de recherches la placent au cœur de leurs analyses, malgré quelques exceptions (sur le Cambodge, voir notamment Springer, 2015). Par ailleurs, la violence est souvent étudiée en fonction d’ancrages théoriques fragmentés. Ceux-ci restent très divisés entre : 1) des travaux centrés sur le rôle de l’État et des systèmes de régulation (notamment économiques) dans le déploiement de la violence foncière (Hall, 2011 ; Springer, 2013) ; 2) des analyses politico-économiques des formes de dépossession liées aux modes de privatisation du foncier, à la propriété et à l’accumulation du capital, parfois resituées dans une lecture historique des sociétés coloniales et postcoloniales (voir par exemple Rhoads, 2018) ; 3) des approches considérant la violence comme stratégie ou outil mobilisés dans la réalisation de l’accaparement foncier et la répression des mouvements sociaux (voir par exemple Leitner and Sheppard, 2018) ; 4) des analyses plus ontologiques explorant les processus corporels, émotionnels et identitaires (comme le genre) qui découlent des violences foncières ou conditionnent les mobilisations sociales (voir par exemple Brickell, 2014 ; Schoenberger et Beban, 2018).

    Malgré la diversité de ces approches, la notion de violence reste principalement attachée au processus de #dépossession_foncière, tout en étant analysée à une échelle temporelle courte, centrée sur le moment de l’#éviction proprement dit. Dans cet article et à la suite de Marina Kolovou Kouri et al. (2021), nous défendons au contraire une approche multidimensionnelle des violences foncières analysées à des échelles temporelles et spatiales variées. Une telle transversalité semble indispensable pour mieux saisir les différentes forces qui participent de la construction des violences et de l’exclusion foncières. En effet, si les conflits fonciers sont traversés par diverses formes de violences, celles-ci ne découlent pas automatiquement d’eux et sont également déterminées par le contexte social, économique et politique qui leur sert de moule. Ces violences restent ainsi attachées aux différents #rapports_de_domination qui organisent les #rapports_sociaux en général (Bourdieu, 2018 [1972]), tout en représentant une forme d’#oppression à part entière participant des #inégalités et #injustices sociales sur le temps long (Young, 2011).

    Nous voyons, dans cet article, comment des formes de violence variées structurent les rapports de pouvoir qui se jouent dans l’appropriation et la valorisation des ressources foncières, ainsi que dans la régulation des rapports fonciers. Nous montrons que ces violences servent non seulement d’instrument d’oppression envers certains groupes de populations considérés comme « indésirables », mais aussi qu’elles les maintiennent dans ce que nous nommons une « subalternité foncière ». En prenant appui sur Chakravorty Spivak Gayatri (2005) et Ananya Roy (2011), nous définissons cette dernière comme la mise en place, sur le temps long et par la violence, d’une oppression systémique des citadins les plus pauvres par leur #invisibilisation, leur #criminalisation et l’#informalisation constante de leurs modes d’occupations de l’espace. La #subalternité foncière représente en ce sens une forme d’oppression dont la violence est l’un des dispositifs centraux.

    Cet article s’appuie sur des recherches ethnographiques menées à Phnom Penh et à Sihanoukville, entre 2019 et 2021. Elles comprennent un important travail d’observation, la collecte et l’analyse de documents officiels, de rapports techniques, d’articles de presse et de discours politiques, ainsi que la réalisation de près de soixante-dix entretiens semi-directifs (effectués en khmer principalement, parfois en mandarin, et retranscrits en anglais) auprès d’habitants de Sihanoukville, de représentants territoriaux locaux, d’experts et de membres de groupes criminels. Dans ce texte, le codage des entretiens suit la dénomination suivante : « OF » désigne les employés publics, « EX » des experts ayant une connaissance privilégiée du sujet, « RE » les résidents des zones d’habitat précaire et « F » les acteurs de la criminalité ; le numéro qui suit la lettre est aléatoire et sert à distinguer les personnes ayant répondu à l’enquête ; vient ensuite l’année de réalisation de l’entretien. De nombreux entretiens avec les habitants ont été conduits en groupe.

    https://www.jssj.org/article/violences-et-fabrique-de-la-subalternite-fonciere

    #foncier #Cambodge #Chine #violence

  • #Loi_immigration : après l’arrestation de livreurs en situation irrégulière, la colère d’#Éric_Piolle et d’élus de gauche

    Le maire de Grenoble et des représentants EELV et PS critiquent l’#opération_de_police de ce mercredi en Isère, et au passage la loi immigration.

    Le gouvernement voudrait passer à autre chose, la gauche s’y refuse. La loi immigration est revenue à toute vitesse dans les débats en cette fin décembre, conséquence de l’#arrestation d’une dizaine de #livreurs de repas en situation irrégulière mercredi 27 en #Isère, une information rapportée par Le Dauphiné Libéré. Le maire de #Grenoble, Éric Piolle, suivi par d’autres élus de gauche, a dénoncé « une #indignité » pendant que la CGT parlait de « #rafle ».

    L’édile écologiste a directement interpellé le ministre de l’Intérieur #Gérald_Darmanin, déplorant que « ces personnes seraient donc suffisamment ’régulières’ pour attendre dans le froid de vous livrer vos repas, mais pas pour vivre dignement avec nous ».

    « Voici le vrai visage de ce gouvernement »

    Éric Piolle veut ainsi relancer les discussions autour de la #régularisation des #travailleurs_sans_papiers dans les secteurs en tension. Une mesure ardemment défendue par la gauche pendant les débats sur la loi immigration, mais qui a finalement été écartée de la version du texte adoptée par le Parlement.

    https://twitter.com/EricPiolle/status/1740413156227182760

    Dans le sillage du maire, le secrétaire général du PS, #Olivier_Faure, s’est également exprimé les réseaux sociaux : « Si tous les étrangers en situation régulière ou irrégulière se mettaient en grève une journée, chacun se rendrait compte qu’ils sont dans tous les métiers de la seconde ligne, livreurs, auxiliaires de vie, caristes, assistantes maternelles… loués pendant la crise Covid et puis… ».

    Autre élue EELV, la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée #Cyrielle_Chatelain a elle aussi dénoncé l’opération de police, et entre les lignes la loi immigration adoptée définitivement le 19 décembre dernier. « Voici le vrai visage de ce gouvernement : être méchant avec tous les étrangers, même s’ils travaillent, même s’ils s’intègrent », a-t-elle fustigé, là encore sur X (anciennement Twitter).

    Et pour cause : l’opération baptisée « #Uber_Eats », menée simultanément dans plusieurs localités iséroises (Grenoble, #Voiron, #Vienne…), a conduit à l’#interpellation de nombreux livreurs. Des ressortissants algériens, burkinabés, guinéens ou tunisiens qui ont été placés en #garde_à_vue à Lyon et Grenoble après la saisie de leur vélo, et qui ont été libérés après s’être vu notifier des #obligations_de_quitter_le_territoire_français (#OQTF) et des #interdictions_de_retour_sur_le_territoire (#IRTF), comme l’a expliqué #Mohamed_Fofana, responsable CGT des livreurs du département lors d’un point presse organisé ce vendredi.

    Piolle invité à « aimer les policiers »

    « Nous dénonçons cette opération de police (...) dans une période de fêtes où les associations de défense des migrants et beaucoup d’avocats sont en congé et les recours compliqués », a insisté ce responsable. « Nous sommes des travailleurs, pas des délinquants », a-t-il ajouté, rappelant que beaucoup de livreurs travaillent dans des conditions précaires et pour des « rémunérations scandaleusement basses ». « La place Victor Hugo (à Grenoble) a été complètement fermée par des camions de police. C’était une #nasse. Cela s’appelle une rafle quand cela vise une catégorie particulière de personnes », s’est indigné de son côté un responsable de l’Union locale de la CGT, Alain Lavi.

    Le procureur de la République de Grenoble, #Éric_Vaillant, a répondu à Éric Piolle et aux critiques ayant ciblé l’opération : « Ces #contrôles ont été opérés à ma demande. Ils ont aussi permis de constater que les livreurs en situation irrégulière étaient gravement exploités par ceux qui leur sous-louaient leur #licence. Des enquêtes sont engagées », a-t-il indiqué. La préfecture de l’Isère a pour sa part souligné être garante « de l’application des lois de la République ».

    Le ministre de l’Intérieur Gérald #Darmanin, interrogé à ce propos alors qu’il présentait le dispositif de sécurité pour la Saint-Sylvestre, s’est pour sa part contenté de lancer à Éric Piolle : « J’invite le maire de Grenoble à aimer les policiers et à soutenir la loi de la République ».

    https://twitter.com/BFMTV/status/1740687346364739605

    Quelques heures plus heures, l’élu EELV a répondu au ministre dans un tweet, en énumérant « les cinq actes » de la « #tragédie_macroniste : « laisser les #plateformes créer des situations d’#esclavage, voter la loi immigration avec le RN, imposer la politique du chiffre à la police, arrêter des personnes sans défense, inviter à aimer la police ».

    https://twitter.com/EricPiolle/status/1740738174350143880

    https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/loi-immigration-apres-l-arrestation-de-livreurs-en-situation-irreguli
    #Eric_Piolle #résistance #migrations #sans-papiers #Eric_Vaillant

  • L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/28/l-etat-de-droit-nouvelle-frontiere-de-la-bataille-de-l-extreme-droite-contre

    L’Etat de droit, nouvelle frontière de la bataille de l’extrême droite contre l’immigration
    Le Rassemblement national se tient prêt à exploiter une censure partielle de la « loi immigration » par le Conseil constitutionnel, dont l’extrême droite cherche à réduire les prérogatives.
    Par Clément Guillou
    Il ne déplairait pas à la première ministre, Elisabeth Borne, et à son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, que le Conseil constitutionnel censure une partie des dispositions contenues dans la loi sur l’immigration, adoptée par le Parlement, le 19 décembre. Un autre camp n’y verrait pas d’inconvénient : l’extrême droite.
    « Cela nous intéresse que ce débat-là soit sur la place publique, avance Philippe Olivier, conseiller spécial de la cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen. Si la loi n’est pas validée, voilà ce que se dira l’électeur : “Comment cela ? Les sondages indiquent que les gens sont contents de la loi et [le président du Conseil constitutionnel] Laurent Fabius, dans son bureau, la remet en question ?” Ça va être très mal pris. Bien sûr qu’on le dénoncera. » Et l’ancien mégrétiste de reprendre la vulgate lepéniste en voyant dans une éventuelle censure, non pas le respect du texte suprême par neuf juges, mais « le bricolage du système ».
    Le second volet du discours lepéniste est résumé ainsi par le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, un autre proche de Marine Le Pen, le 21 décembre sur Franceinfo : « Si, malheureusement, le Conseil constitutionnel prend des dispositions de censure, cela prouvera que nous avions raison et qu’il faut une réforme de la Constitution [soumise à référendum] pour assurer que les dispositions passent. »
    Depuis des décennies, l’extrême droite mène deux guerres idéologiques sur le terrain de l’immigration : l’une concerne la préférence nationale, dont le principe a été inscrit par le parti Les Républicains (LR) dans cette loi avec l’aval de la majorité ; l’autre concerne la lutte contre l’Etat de droit, qu’elle juge incompatible avec ses idées sur la question. Une censure partielle permettrait au Rassemblement national d’avancer ses pions sur deux thèmes : la nécessité de rogner les pouvoirs du juge constitutionnel et de modifier la Constitution en inversant la hiérarchie des normes. Le programme de Marine Le Pen prévoit de faire primer la Constitution sur l’ensemble des traités internationaux signés par la France, dont les traités européens. Un choix fait en 2021 par les nationalistes polonais, qui a mis Varsovie au ban de l’Union européenne jusqu’à la victoire électorale de Donald Tusk, en 2023. Une censure partielle du Conseil, d’autant plus s’il la justifiait par le respect du droit communautaire, viendrait nourrir le discours eurosceptique du RN à cinq mois des élections européennes de 2024.
    S’enclenche ainsi, à quelques semaines de l’avis de la juridiction suprême, le processus annoncé au lendemain du vote, dans Le Monde, par le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, proche du Parti socialiste : « La censure permettrait au Rassemblement national de dire : “Vous voyez bien que notre Constitution ne nous permet pas d’assurer la sécurité de nos concitoyens”. » Le RN n’est plus seul à tenir ce discours. Chez LR, des voix s’expriment aussi pour mettre en garde contre une décision défavorable des neuf juges constitutionnels, laissant entendre qu’il s’agirait alors d’une décision politique, sous la pression d’Emmanuel Macron. Depuis la candidature présidentielle de François Fillon en 2017, LR s’est rallié à l’hypothèse d’une révision constitutionnelle sur l’immigration – même l’ancien négociateur du Brexit Michel Barnier, pourtant l’un des plus europhiles de son camp, avait proposé de mettre un terme à la primauté du droit européen en matière migratoire.
    Le 7 décembre, le président du parti, Eric Ciotti, avait défendu lors de sa niche parlementaire un tel « bouclier constitutionnel », appuyé par le RN. Si Gérald Darmanin avait étrillé la proposition sur la forme, la comparant à un « Frexit » déguisé, il se montrait moins hostile sur le fond, la jugeant « complémentaire » de sa loi « immigration ». « Combien de fois ai-je entendu les parlementaires dénoncer le fait que la menace de la censure constitutionnelle (…) rétrécisse les horizons des possibles ? Nous en sommes d’accord », avait-il déclaré. Durant les débats, il avait souligné l’intérêt d’un travail diplomatique pour réviser les traités européens et renégocier la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle se conforme la Constitution. Ces dernières semaines, le ministre de l’intérieur a multiplié les déclarations et décisions montrant la nécessité, selon lui, de modifier les traités internationaux ou d’aller contre l’Etat de droit. Il s’est félicité de déroger à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), puis du Conseil d’Etat, dans un dossier d’expulsion d’un ressortissant ouzbek. Soupçonné de liens avec la mouvance islamiste, selon la Place Beauvau, l’homme, renvoyé en Ouzbekistan, y est menacé de torture selon ses défenseurs et la CEDH. Le penseur identitaire Jean-Yves Le Gallou, qui a mené les combats culturels de l’extrême droite depuis quarante ans, se rengorge d’avancées majeures dans sa bataille contre l’Etat de droit : « Il y a quinze ans, c’est avec beaucoup de prudence que je remettais en cause le diktat judiciaire sur la législation sur l’immigration. Or, c’est dit aujourd’hui avec beaucoup de force par la droite républicaine. »Ces dernières semaines, cette dénonciation d’un « gouvernement des juges » français et européens a été largement relayée par les têtes d’affiche des médias du groupe Bolloré, notamment les animateurs Cyril Hanouna et Pascal Praud, ou le chroniqueur Mathieu Bock-Côté. Dans Le Figaro, le 23 décembre, ce dernier se délecte de l’inquiétude de « la gauche » à l’idée que les Français découvrent « que l’Etat de droit contraint la souveraineté populaire » et en concluent « qu’il faudra ajuster les institutions politiques en conséquence ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#CEDH#droit#conseilconstitutionnel#UE#politiquemigratoire#etatdedroit

  • #Gramsci, défenseur des subalternes dans « un monde grand et terrible »

    Avec « L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci », Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini nous plongent dans les combats et le laboratoire intellectuel d’une figure majeure de la tradition marxiste. Victime du fascisme et opposant au tournant stalinien du communisme, il a développé une pensée encore stimulante.

    « Gramsci« Gramsci, ça vous dit quelque chose ? Il était né en Sardaigne, dans une famille pauvre. À deux ans, une tuberculose osseuse le frappa à la moelle épinière, si bien qu’il ne mesura jamais plus d’un mètre et demi. Vous comprenez ? Un mètre et demi. Et pourtant, c’était un géant ! » Voilà comment, dans Discours à la nation (Les Éditions Noir sur Blanc, 2014), le dramaturge Ascanio Celestini présente le membre fondateur du Parti communiste italien (PCI), martyr du régime fasciste de Mussolini, aujourd’hui considéré comme un monument de la pensée marxiste.

    La même admiration pour « un des plus grands [philosophes] de son siècle » se ressent à la lecture du livre de Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini, consacré à L’Œuvre-vie d’Antonio Gramsci (Éditions La Découverte). S’il existe déjà des biographies du révolutionnaire sarde (notamment celle de Jean-Yves Frétigné) ou des introductions de qualité à son œuvre (aux Éditions sociales ou à La Découverte), les deux spécialistes en études italiennes proposent, avec cet ouvrage de plus 500 pages, une enquête lumineuse et inégalée.

    Ils suivent pas à pas l’élaboration de la pensée gramscienne, liée aux événements de sa vie personnelle et militante, elle-même affectée par les soubresauts d’une époque que Gramsci a décrite comme un « monde grand et terrible ».

    Les deux auteurs embrassent ainsi tous les textes produits depuis ses premières années de militantisme socialiste dans les années 1910, jusqu’aux Cahiers de prison rédigés dans les années 1930, en passant par son implication dans le mouvement turinois des conseils d’usine en 1919-1920, puis son engagement comme responsable et chef du PCI dans les années 1920.

    « Sa vie, son action et sa pensée, écrivent Descendre et Zancarini, l’ont conduit à produire un corpus de textes ayant une double caractéristique rare : il conserve aujourd’hui encore une grande pertinence théorique et politique, en même temps qu’il hisse son auteur au rang des plus grands “classiques” européens. »

    Si c’est le cas, c’est parce que Gramsci a suivi une évolution intellectuelle singulière. Nourri de la lecture de philosophes italiens de son temps, il est imprégné d’une culture très idéaliste lorsqu’il découvre le marxisme. Tout en dépassant ses premières conceptions, il a développé une pensée subtile sur l’ordre politique et les moyens de le subvertir, en intégrant l’importance des conditions socio-économiques, mais en accordant toujours un rôle crucial aux idées et à la culture.
    La culture et l’organisation, clés de l’émancipation

    Certes, « Gramsci n’a jamais écrit ni pensé qu’il suffisait de gagner la bataille des idées pour gagner la bataille politique ». Pour autant, les deux auteurs repèrent chez lui une réflexion constante « sur les mots (idées ou images) qui permettent de mettre en mouvement une volonté collective et sur l’articulation entre pensée et action, entre interprétation et transformation du monde ».

    L’émancipation des groupes subalternes est le moteur de Gramsci, au sens où « possibilité [devrait être] donnée à tous de réaliser intégralement sa propre personnalité ». La chose est cependant impossible dans une société capitaliste, sans parler des autres dominations qui se combinent à l’exploitation du prolétariat ouvrier et paysan.

    Pour changer cet état de fait, la prise du pouvoir est nécessaire. Elle requiert des tâches d’organisation auxquelles Gramsci consacrera une bonne partie de sa vie, mais présuppose aussi un minimum de conscience, par les subalternes eux-mêmes, de leur condition, des tâches à accomplir pour la dépasser et de l’idéal de société à poursuivre. C’est pourquoi Gramsci insiste régulièrement dans son œuvre sur l’importance de s’approprier la culture classique existante, afin de la dépasser dans un but révolutionnaire.

    Citant un texte de 1917, Descendre et Zancarini pointent que selon Gramsci, « l’ignorance est le privilège de la bourgeoisie. […] Inversement, l’éducation et la culture sont un devoir pour les prolétaires, car la “civilisation socialiste”, qui vise la fin de toutes les formes de privilèges catégoriels, exige “que tous les citoyens sachent contrôler ce que décident et font tour à tour leurs mandataires” ». Avant que ce contrôle s’exerce à l’échelle de la société, Gramsci pensait nécessaire qu’il se déploie dans le parti révolutionnaire lui-même.

    À la même époque, des auteurs comme Roberto Michels délivrent des diagnostics sans concession sur les tendances oligarchiques qui finissent par affecter les partis de masse, y compris ouvriers. Or Gramsci est attaché à la forme-parti, qu’il juge indispensable pour affronter de manière « réaliste » la domination sociale et politique de la bourgeoisie. Contre tout fatalisme, il veut donc croire en la possibilité d’une dialectique démocratique, propre à éviter les « phénomènes d’idolâtrie, […] qui font rentrer par la fenêtre l’autoritarisme que nous avons chassé par la porte ».
    Un opposant au « tournant sectaire » de Staline

    Certes, Gramsci a été le dirigeant d’un parti de l’Internationale communiste dans lequel on ne plaisantait pas avec la discipline une fois l’orientation tranchée. Mais son attachement à la libre discussion n’était pas feint, et lui-même n’a pas hésité à interpeller de manière critique le parti frère russe, dans une missive d’octobre 1926 fort mal reçue par les intéressés, à l’époque où la majorité dirigée par Staline attendait un alignement sans discussion.

    L’épisode peut se lire comme un prélude à son rejet du « tournant sectaire » imprimé par Staline au mouvement communiste en 1928 – rejet qui l’a placé en porte-à-faux avec ses propres camarades, qui eux s’y sont ralliés. Gramsci était alors incarcéré, et doutait que tout soit fait, à l’extérieur, pour faciliter sa libération. Le constat de son « isolement », affirment Descendre et Zancarini, a en tout cas été « un élément déclencheur de sa réflexion » dans les Cahiers de prison.

    Les deux auteurs restituent bien les conditions compliquées dans lesquelles Gramsci a travaillé, en devant lutter contre la maladie, négocier l’accès aux lectures multiples qui le nourrissaient, et déjouer la surveillance de ses écrits. La ligne qu’il développait était originale, en ce qu’elle s’opposait tout autant au stalinisme qu’au trotskisme, sans se replier sur un réformisme social-démocrate. Mais « cette opposition de l’intérieur [ne devait] surtout pas être comprise ni récupérée par les autorités fascistes. D’où le caractère partiellement crypté – et donc ardu – de l’écriture de Gramsci. »

    Appuyés sur une nouvelle édition en cours des Cahiers de prison, Descendre et Zancarini décryptent comment le penseur sarde a élaboré un réseau de notions telles que « l’hégémonie politique », « la révolution passive », ou encore la « guerre de position » distinguée de la « guerre de mouvement ».

    En raison de la puissance de sa réflexion, ces notions peuvent encore nous aider à penser notre situation politique. Mais les deux spécialistes préviennent : « Le travail théorique de Gramsci ne produit jamais de catégories abstraites, encore moins un système à visée universelle : toute son élaboration critique et conceptuelle […] est en prise sur la réalité internationale autant qu’italienne. »

    Un exemple permet de bien le comprendre. Fin 1930, Gramsci défend auprès des autres détenus communistes une proposition hétérodoxe. Face au régime de Mussolini, estime-t-il, le PCI devrait travailler avec les autres forces antifascistes derrière le mot d’ordre de Constituante républicaine. Puisque « l’inutilité de la Couronne est désormais comprise par tous les travailleurs, même par les paysans les plus arriérés de Basilicate ou de Sardaigne », il s’agit d’un point de départ intéressant pour politiser des masses, avant d’aller plus loin.

    Au-delà du cas italien, il ne croit pas que la crise du capitalisme fournisse les conditions suffisantes à une offensive du prolétariat, du moins à court terme. Le refus du déterminisme économique est renforcé par le constat, préalable aux Cahiers de prison, des différences qui existent entre les pays d’Europe de l’Ouest et la Russie de 1917. Dans les premiers, la société civile et la société politique apparaissent beaucoup plus denses, et les élites dirigeantes sont mieux parvenues à reproduire le consentement des populations.

    C’est ce qui convainc Gramsci que la priorité est à la « guerre de position », c’est-à-dire une période longue d’apprentissages, d’accumulation de force, et d’élaboration d’une « contre-hégémonie ». Il ne croit certes pas à une transition pacifique vers le socialisme. Mais même après la dimension « militaire » de la prise du pouvoir, il estime qu’il restera beaucoup à faire pour qu’émerge un État nouveau, permettant à la société de s’autogouverner. Une « perspective anti-autoritaire et anti-bureaucratique » en contradiction avec l’évolution de l’État soviétique, que Gramsci cible en mettant en garde contre « le fanatisme aveugle et unilatéral de “parti” » et les risques d’une « statolâtrie » prolongée.

    Dans leur conclusion, Descendre et Zancarini rappellent que Gramsci s’était lui-même défini, dans une phrase terrible, comme « un combattant qui n’a pas eu de chance dans la lutte immédiate ». Si ses efforts n’ont toujours pas suffi à ce que triomphe une hégémonie des subalternes, ils lui auront néanmoins assuré une postérité impressionnante dans le champ de la pensée critique, bien au-delà de l’Italie et même de l’Occident.

    Pour les deux auteurs, Gramsci appartient à une génération « broyée dans les affrontements de cette époque, entre fascisme et communisme et au sein même du communisme ». Il se distingue cependant par « la force de [sa] résistance morale et intellectuelle ».

    C’est ce que traduit, à sa façon, le texte théâtral d’Ascanio Celestini par lequel nous avons commencé, et qui se poursuit ainsi : « Je suis en train de parler de Gramsci, le type qui fonda le Parti communiste italien et qui fit un seul discours au Parlement vu qu’ensuite les fascistes l’arrêtèrent et le jetèrent en prison où il passa dix années pendant lesquelles il transforma la pensée socialiste. Il sortit de prison cinq jours avant de mourir et pourtant, près d’un siècle plus tard, il nous rappelle que nous devons nous opposer au pessimisme de la raison en ayant recours à l’optimisme de la volonté. »

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/101223/gramsci-defenseur-des-subalternes-dans-un-monde-grand-et-terrible
    #Antonio_Gramsci #marxisme #culture #émancipation #organisation #exploitation #capitalisme #dominations #privilèges #civilisation_socialiste #éducation #ignorance #dialectique_démocratique #autoritarisme #idolâtrie #tournant_sectaire #Staline #hégémonie_politique #révolution_passive #guerre_de_position #guerre_de_mouvement #contre-hégémonie #socialisme #statolâtrie

    • L’Oeuvre-vie d’Antonio Gramsci

      Antonio Gramsci (1891-1937) reste l’un des penseurs majeurs du marxisme, et l’un des plus convoqués. L’Œuvre-vie aborde les différentes phases de son action et de sa pensée – des années de formation à Turin jusqu’à sa mort à Rome, en passant par ses activités de militant communiste et ses années d’incarcération – en restituant leurs liens avec les grands événements de son temps : la révolution russe, les prises de position de l’Internationale communiste, la montée au pouvoir du fascisme en Italie, la situation européenne et mondiale de l’entre-deux-guerres. Grâce aux apports de la recherche italienne la plus actuelle, cette démarche historique s’ancre dans une lecture précise des textes – pour partie inédits en France –, qui permet de saisir le sens profond de ses écrits et toute l’originalité de son approche.
      Analysant en détail la correspondance, les articles militants, puis les Cahiers de prison du révolutionnaire, cette biographie intellectuelle rend ainsi compte du processus d’élaboration de sa réflexion politique et philosophique, en soulignant les leitmotive et en restituant « le rythme de la pensée en développement ».
      Au fil de l’écriture des Cahiers, Gramsci comprend que la « philosophie de la praxis » a besoin d’outils conceptuels nouveaux, et les invente : « hégémonie », « guerre de position », « révolution passive », « subalternes », etc. Autant de concepts qui demeurent utiles pour penser notre propre « monde grand et terrible ».

      https://www.editionsladecouverte.fr/l_oeuvre_vie_d_antonio_gramsci-9782348044809
      #livre

  • How it all Began, Moses Dobruška • Ill Will
    https://illwill.com/how-it-all-began

    19. In the 1950s, in the cafeteria of the Rand Corporation where they worked, the founders of game theory used to play a board game of their own invention, entitled “Fuck your buddy!” “Fuck your buddy” forms the implicit moral code of all current social relationships, whether emotional or professional, casual or commercial, virtual or everyday. There’s nothing less playful than universal gamification. Once even the number of one’s “friends” becomes a field of competition, sympathy becomes merely a moment within the generalized hostility.

    20. Social fictions are by nature effective. In the old fiction, man was presented as the owner of his labor power, who then sold it to the owner of the means of production. The classical subject remains sovereign even at the moment he alienates his time and forces by selling them to another. His dignity and integrity were established for all eternity, even if they were violated on a daily basis. This was the subject of classical humanism, about whom jurists and trade-unionists never speak without a tinge of nostalgia, even if they remain unwilling to acknowledge its complete obsolescence as a social fiction. The prevailing fiction today is that of human capital. The subject of human capital is defined as the aggregate of his or her social capital, his health capital, relational capital, cultural capital, hair capital and so on. In no case is he the owner of the capital that he is. He is his social capital, his health capital, his relational capital, his cultural capital, his reputational capital, his hair capital, and so on. These aren’t things he can rent out, alienate, or make available to others without losing them thereby, without losing himself. As such, he is all the more jealous of them. Nor are they things that exist in themselves, outside of the social interactions that bring them into being, and which must for that matter be multiplied as much as possible. 

    Just as there are expiring currencies, these are expiring capitals: they must be activated, maintained, accumulated, cherished, maximized, in short: produced at every moment and through every interaction — protected against their own tendential devaluation. The subject of human capital, servant of the capital that he is far more than master of himself, entrepreneur of himself far more than serene owner of his person, therefore knows only strategic interactions whose outcome must be optimized. Game theory — for which no feint, lie, or betrayal is too extreme in the service of its ends — is the theory of this “subject” marked by absolute precarity, programmed obsolescence, and such extreme inconsistency that it can be canceled at the slightest misstep according to the unpredictable movements of opinion and the codes of the day. To have transformed the human animal into this frantic, anguished, and empty information processor: this is the anthropological mutation crowned by social networks.

    21. A particularly jealous mistress, this society welcomes as a heartfelt token of loyalty every occasion where one of its members agrees to betray a friend, a loved one, or a relative, for its own sake and that of its misguided “values.” What is emerging, behind the media ritual of public confession, is a society of betrayal — a society in which mutual betrayal, and its possibility at each and every moment, serves as a new social pact. The parrhesia spilling out into the public is the same one that never appeared in the very relationships it calls into question, whose definitive spectrality is only further confirmed through this groveling.

    22. The imperative ideological alignment required of citizens during Operation Covid — followed by Operation Ukraine, Operation Climate and Operation Palestine — was the occasion for the sort of revolt of the mediocre that always accompanies the fascization of societies.

    23. Fascism already won when everyone renounced the task of thinking through the “Covid episode.” We all saw just what “culture” was worth, and how all these “critical intellectuals” were in fact more attached to their social status than to their own thought. By its complicit silence, this zombified Left already displayed its contempt for culture and intelligence, long before the fascists came to trample it underfoot.

    24. Those who pretend that there exists somewhere a constituted force, a given movement on which to base the possibility of a revolution, or even simply to counter the actions of the government, are not only misleading and deceiving themselves. By occupying the terrain in this way, they block the emergence of something new, something capable of grasping ahold of the epoch and wringing its neck.

    #capital_humain #écologie #gauche #covid #fascisme #conspirationnisme

    • Je n’ai pas la version française, si elle existe, il est possible qu’elle ne soit pas en ligne.

      La dernière fois, à ma connaissance, que ce pseudo a été utilisé, c’était en introduction à « Fragmenter le monde » de Josep Rafanell i Orra, dont voici les 1eres pages
      https://lundi.am/IMG/pdf/fragment_de_fragmenter.pdf

      Un bref extrait de la préface

      Nous vivons un temps d’anarchie, d’anarchie des phénomènes. Plus aucun principe hégémonique ne parvient à ordonner du dehors ce qui advient. Les singularités affirment opiniâtrement leur propre ordre immanent. Chaque phénomène parle sa propre langue. Et c’est bien là leur dernier trait commun à tous. Ceux qui cherchent encore un principe d’unification ne perçoivent plus rien, ou bien cherchent à opérer en sous-main à leur avantage. Le seul principe hégémonique, c’est qu’il n’y en a plus. Maintenir l’unité du monde ne se fait plus qu’au prix de l’enserrer dans une gigantesque broyeuse technologique et spirituelle. — Moses Dobruška.

      Le texte tel que "traduit" par Ill will.

      The text that follows is being published simultaneously in English and in German, where it will appear in the inaugural issue of Neue illustrierte Berliner Zeitung, a newspaper that, in addition to being sold in Berlin newsstands, will also be pasted to the city’s walls like a Dazibao.

      The animus of the text can be distilled from a consideration of its title. On the one hand, it calls up the mysterious 1961 “Hamburg Theses” composed by Guy Debord, Raoul Vaneigem, and Attila Kotányi over three days during a drunken “drift” across the northern port city following the acrimonious “5th Conference of the Situationist International.” Although never written down, the “Theses” are considered by many (including Debord himself) as a turning point in the group’s history, the moment in which the SI affirmed its commitment to “realize philosophy,” that is, to relaunch the revolutionary movement. If a new beginning was needed, this is because, as Debord later recalled, one could “no longer attribute the least importance to any of the ideas of the revolutionary groups that still survived as heirs of the old social emancipation movement destroyed in the first half of our century.” What was urgently needed was to initiate a new wave of contestation “as soon as possible,” while “revitalizing all the basic starting points.”

      A clear reference can also be heard to Bommi Baumann’s memoir, Wie alles anfing [How it all Began], assembled from interviews taken while Baumann was living as a fugitive of the West German state. Three years prior, in July 1971, Baumann and his friend Georg von Rauch founded the 2nd of June Movement, an anarchist urban guerilla group responsible for a wave of armed robberies, bombings, sabotage, and rioting, as well as the high-profile kidnapping of Peter Lorenz, a right-wing mayoral candidate for Berlin, who was successfully exchanged for the release of various imprisoned comrades.

      By 1974, however, there was “stagnation in the whole movement everywhere…Everyone [was] touched by it.” The time had come, “for those who have been at it for a long time, to reflect once more...” For Baumann, the central question was how an excessively militaristic armed struggle might give way to a constructive phase of antagonism that could “continue to fight, on a different level, in a different arena,” through forms not circumscribed by the question of “extermination.” In short, a new beginning was needed to ensure that the autonomous revolutionary movement does not “get buried in the rubble of the collapsing system.”

      For Dubruska, who speaks from a position of “active conspiracism,” the need for a new beginning has other contours. In our society of rubble, a society ruled by competing fictions concerning the causes of its own collapse, there is a risk that our efforts to escape the catastrophe become the unwitting midwives of an ecological rescue of the capitalist system itself. How, in our efforts to construct and defend places of life, can we avoid unwittingly securing the platform for a newly revamped project of “mobilizing, exploiting, ravaging, massacring, and producing”?

      If we’ve been defeated, there is nothing else to do but to start again from the beginning. Fortunately, the brief interval of rest allowed to us between the close of the first and the beginning of the second act of the movement, gives us time for a truly necessary part of our task: to seek out the causes that both necessitated this most recent uprising, and, at the same time, led to its defeat. —Engels, Revolution and Counter-Revolution in Germany (1851)

      1. In its inward collapse, this society has found no better trick to play on its opponents than to snatch from them its new Ersatz morality. In the final stretches of nihilism, oppression will thus be expressed in the language of ecology, feminism and anti-racism. Fascists, in turn, have an easier time portraying themselves as the true advocates of freedom, democracy, counter-hegemonic alternatives and, ultimately, revolution.

      2. These are the days of Barbie feminism and the Pfizer left, pro-censorship anarchists and pro-NATO autonomists, authoritarian horizontalism, green nuclear power and vaccine Stalinism, bombing for LGBTQIA+ rights and the anti-pope — the pope who, when it comes to migrants, ecology, criticism of capitalism, war or hierarchy, returns leftism to its inanity by returning it to its origin.

      3. Nothing is more serious, and more seriously contemporary, than theology. The ignorance of theology is what enables theology to perpetuate its reign, under the guise of politics, economics, science, philosophy, literature and even everyday life. To overcome theology, we must overcome our ignorance of it. Atheists, one more effort if you wish to be revolutionaries!

      4. “We’re witnessing a veritable mania for the consecration of feminism, with society going so far as to adopt an attitude of promotion... The modes are multiple and devious, and while we don’t want to, we run the risk of falling into them and becoming trapped. Women’s particular need for recognition is stimulated by a climate of interest and practical opportunities. Society has come to accept the premises of feminism without grasping the evolution that clarifies these very premises. It sees feminism as an ideology, in other words, as power, and as such respects it because it confirms — rather than places into crisis — what we on the other hand want to subvert” (Carla Lonzi, Ecrits, voix d’Italie, 1977).

      5. “The great danger would be to replace the myth of the working classes as the bearers of future values with that of environmental protection and safeguarding the biosphere, which could just as easily take on an entirely totalizing, totalitarian character. […] Industry would love nothing more than to harness the ecology movement in the same way it harnessed the trade union movement to structure its own society. […] Therefore, in my opinion, the ecological movement should first worry about its own social and mental ecology” (Félix Guattari, Chimères n° 28, 1991-1992).

      6. The labor movement was defeated by criticizing bourgeois society in its own language — that of economics. Today, we have cranks who claim to challenge cybernetic society in its own language — that of ecology. If society casts such a benevolent eye over these activists, it’s only because they intend to lead us to an equivalent defeat.

      7. Environmentalist science-fiction writer Kim Stanley Robinson recently declared: “I meet a lot of technocrats, and there are some who would like to see a lot more activism. (...) Between technocrats, activists and mass citizen actions, synergy and alliances are possible.” No one allies himself with someone stronger than him without becoming, whether consciously or not, his vassal. To act, while governed by one’s unconscious, has never served as an excuse.

      8. Ecological activists deplete the last remaining subjective resources by mobilizing them uselessly against those who “deplete natural resources.” Like their “enemies,” they give little thought to how such precious resources — resources of courage, enthusiasm, confidence, know-how — are formed and replenished. It is as extractivists in their own way that they aspire to be recognized as equal interlocutors by the other extr/activist mafias.

      9. Ecology is the name of a problem, by no means that of a solution. When what is collapsing is an entire civilization, when it is the very way that we pose our problems that has itself become problematic, there’s no “solution” to be found. “Ecologists teach us why and how man’s future is at stake. But it is up to man, not the ecologist, to decide his future” (Georges Canguilhem, “The Question of Ecology,” 1973).

      10. The discourse of progress enabled Capital to overcome any inner resistance to the devastation wrought by modernization. Its function had less to do with legitimization than disinhibition. It was employed less for external than for internal conviction. Today it yields nothing, where it is not purely counterproductive. Judging by its results, no one can believe in progress any longer. Paradoxically, it is ecological discourse that has stepped in to take over. With its bioeconomy and its green new deal, Capital now turns to ecology to find the strength to continue doing what it has always done — mobilizing, exploiting, ravaging, massacring, and producing. Ecological rhetoric is not that in spite of which everything proceeds as before, but that which authorizes the continuation of business as usual and the deepening of the disaster. Therefore, it is in the name of ecology that we will see biotechnologies, nuclear power and geo-engineering in the future.

      11. The latest way this society has found to silence women is to allow them to speak only as “we women.” Anti-feminism is achieved as feminism in precisely the same way that anti-ecologism is achieved as ecologism.

      12. The current state of society is a hallucinatory one. Psychopathological categories have become the most fitting categories for political analysis; to locate them, we must simply look beyond the DSM. The ubiquitous reign of truly Orwellian lies is not an evil, but a disease.

      12bis. Contemporary nihilism is the existential expression of an ordinary material condition, namely, that of an omnilateral dependency on the infrastructures of Capital. It is an unsound thing to allow your life to rest, day after day, in the hands of your executioner.

      13. The symptom is the outcome of a state of suffering with no way out. When you cannot find, in the History you’re offered, any thread leading back to the world you’re born into, you can’t find the thread of your own life. "The fathers have eaten sour grapes; but it is the children’s teeth that have become blunt.”

      14. There are those who make history, and those who tell it. Those who make history know that those who tell it lie, but this lie is also the condition, for them, of being able to continue making it, unhindered.

      15. “It was military servicemen in Soviet Russia who taught the Germans the tactics of tank warfare by which they submerged France during the Second World War; likewise, it was Soviet cadres that trained the first German assault pilots, who proved to be such a surprise at the start of the same conflict” (Franz Jung, The Way Down). In August 1936, that is, after the outbreak of the Spanish Civil War, the entire Central Committee of the Italian Communist Party signed an appeal “for the salvation of Italy and the reconciliation of the Italian people.” It reads: “The Communists adopt the Fascist program of 1919, which is a program of peace, freedom, and defense of the interests of the workers, and say to you: let us fight together for the realization of this program.” Good luck making sense of that!

      16. Never have so few spoken in their own name as in our society of generalized narcissism. It’s through the ego that social magic grasps hold of you. To operate beyond the ego is not a moral injunction, but a precondition of strategy.

      17. At bottom, all activism is essentially therapeutic. Leaving aside the temporary media uproar it can occasionally solicit, its true purpose is to enable activists to “feel better about themselves,” to give them the distinctive feeling of not being “like everyone else” — that passive mass of anesthetized morons and bastards. For the activist, pretending to act “for others,” "for the planet," or “for the common good” is merely a cunning modality of narcissism and universal self-promotion. Through this trade in indulgences, one strives, under the cover of generic and generous motives, for one’s own individual moral advancement.

      18. It was through game theory that the peculiar mixture of cooperation and competition, information and dissimulation, pacification and war, bounded rationality and sheer insanity, rugged individualism and social injunctions that weave the present imperial society was engineered. It’s not without reason that the site in California where this theory was developed is the same spot where all the individualized cybernetic devices for which it constitutes the base code were subsequently developed. To the question, “What do applications apply?”, the response is simple: game theory.

      19. In the 1950s, in the cafeteria of the Rand Corporation where they worked, the founders of game theory used to play a board game of their own invention, entitled “Fuck your buddy!” “Fuck your buddy” forms the implicit moral code of all current social relationships, whether emotional or professional, casual or commercial, virtual or everyday. There’s nothing less playful than universal gamification. Once even the number of one’s “friends” becomes a field of competition, sympathy becomes merely a moment within the generalized hostility.

      20. Social fictions are by nature effective. In the old fiction, man was presented as the owner of his labor power, who then sold it to the owner of the means of production. The classical subject remains sovereign even at the moment he alienates his time and forces by selling them to another. His dignity and integrity were established for all eternity, even if they were violated on a daily basis. This was the subject of classical humanism, about whom jurists and trade-unionists never speak without a tinge of nostalgia, even if they remain unwilling to acknowledge its complete obsolescence as a social fiction. The prevailing fiction today is that of human capital. The subject of human capital is defined as the aggregate of his or her social capital, his health capital, relational capital, cultural capital, hair capital and so on. In no case is he the owner of the capital that he is. He is his social capital, his health capital, his relational capital, his cultural capital, his reputational capital, his hair capital, and so on. These aren’t things he can rent out, alienate, or make available to others without losing them thereby, without losing himself. As such, he is all the more jealous of them. Nor are they things that exist in themselves, outside of the social interactions that bring them into being, and which must for that matter be multiplied as much as possible.

      Just as there are expiring currencies, these are expiring capitals: they must be activated, maintained, accumulated, cherished, maximized, in short: produced at every moment and through every interaction — protected against their own tendential devaluation. The subject of human capital, servant of the capital that he is far more than master of himself, entrepreneur of himself far more than serene owner of his person, therefore knows only strategic interactions whose outcome must be optimized. Game theory — for which no feint, lie, or betrayal is too extreme in the service of its ends — is the theory of this “subject” marked by absolute precarity, programmed obsolescence, and such extreme inconsistency that it can be canceled at the slightest misstep according to the unpredictable movements of opinion and the codes of the day. To have transformed the human animal into this frantic, anguished, and empty information processor: this is the anthropological mutation crowned by social networks.

      21. A particularly jealous mistress, this society welcomes as a heartfelt token of loyalty every occasion where one of its members agrees to betray a friend, a loved one, or a relative, for its own sake and that of its misguided “values.” What is emerging, behind the media ritual of public confession, is a society of betrayal — a society in which mutual betrayal, and its possibility at each and every moment, serves as a new social pact. The parrhesia spilling out into the public is the same one that never appeared in the very relationships it calls into question, whose definitive spectrality is only further confirmed through this groveling.

      22. The imperative ideological alignment required of citizens during Operation Covid — followed by Operation Ukraine, Operation Climate and Operation Palestine — was the occasion for the sort of revolt of the mediocre that always accompanies the fascization of societies.

      23. Fascism already won when everyone renounced the task of thinking through the “Covid episode.” We all saw just what “culture” was worth, and how all these “critical intellectuals” were in fact more attached to their social status than to their own thought. By its complicit silence, this zombified Left already displayed its contempt for culture and intelligence, long before the fascists came to trample it underfoot.

      24. Those who pretend that there exists somewhere a constituted force, a given movement on which to base the possibility of a revolution, or even simply to counter the actions of the government, are not only misleading and deceiving themselves. By occupying the terrain in this way, they block the emergence of something new, something capable of grasping ahold of the epoch and wringing its neck.

      25. The need to hallucinate the existence of a movement stems from the fact that, for a certain number of ambitious losers, this fiction provides some sort of social consistency: they would be “part of it.” When you don’t know what you want, it’s common to want to exist — and then, inevitably, to fail, since existence can never be the result of a will. Clearly, some people believe that we can apply the “fake it until you make it” principle, so successful in the start-up economy, to the revolution.

      26. Just as social networks have captured the essence of social existence and the value attached to it, so radical activists have gradually been reduced to a marginal sub-sector of these networks, which has all but subsumed them. The impossibility — and ultimate superfluity — of having an effective strategy follows logically from this. Henceforth, social movements are primarily there as a support for the individual existence of activists on social networks. If these movements lead nowhere, if it matters so little whether they result in victory or defeat, it’s because they already amply fulfill this sufficient function.

      27. For the activist, the raison d’être of action is only relative to the images that can be produced of it, and even more so to the political exploitation of these images. As such, there’s no need to be scandalized by the strategic aberration or tactical who-fucking-cares attitude of these actions. The true efficacy of the act lies outside itself, in the media spin-offs it is designed to facilitate. From this point of view, a serious casualty is not necessarily a loss, and a crushing defeat can just as easily become a resounding success, provided we are not too sensitive to the suffering of the martyrs.

      28. Misplaced triumphalism, followed by silence about defeat once it is assured, counts among the most perverse forms of the left’s love of defeat, for activists and trade unionists alike. The celebration of non-existent victories conveniently masks the final retreat or, more often than not, the complete absence of strategy altogether. It’s no real paradox to consider that the real defeatists are those who, always positive, never stop applauding and congratulating themselves. Whereas it is those who unapologetically criticize “the movement” who most clearly demonstrate their refusal to be foolishly defeated, and thus their determination to win.

      29. There are those who want to win, and there are those who wish to be recognized — that is, those who consider it a victory to be recognized. True victory is not about the enemy, but about the possibility, in the wake of tactical success, of deploying one’s own plans. For this, you have to have plans.

      30. The way in which, during the coup du monde occasioned by the Covid syndemic, there was suddenly no one left to confront the government supports this hypothesis: that everyone is somewhere else.

      31. Political conscience affords no privilege. No one has proved more deluded in recent years than those who believe themselves to be “politicized.” No one has acted more stupidly than the “cultured.” It’s everywhere else than among the “politicized” that we must seek out those with whom we’ll make the revolution — they have too much social capital to lose not to be stupid and cowardly.

      32. You won’t hear from us again, or only by accident. We’re deserting your public space. We’re moving to the side of the real construction of forces, and of forms. We’re moving to the side of conspiracy, to the side of active conspiracism. We are “exiting the vampire’s castle.” See you on the outside!

      33. Believe enough in what you think not to say it. Believe enough in what we do not to publicize it. Leave it to the Christians and the leftists to enjoy the martyr’s taste for publicity.

      34. There will only be what we build. It’s precisely because there’s no one to save that a revolution is so necessary. The central political question of the 21st century is how to construct collective realities not based on sacrifice.

      35. “It is from here that we want to contribute to creating, as a collective front arriving in waves, the conditions for an ethical cultural change that allows us to escape the trap of the current cultural cohabitation, centered as it is on relations of mistrust and control, domination and competition specific to the patriarchal-matriarchal culture that we maintain practically all over the planet” (Humberto Maturana & Ximena Davila, Habitar Humano).

      36. Those who have won the war speak only of “peace.” Those who have appropriated everything speak only of inclusiveness. Those who are driven by the latest cynicism never forget to call for “benevolence.” They have even managed the miracle of converting just about every leftist in the world to these “values.” This is how they have managed to suppress even the possibility of revolution. And indeed, the victors are well placed to know that there is no such thing as an inclusive revolution, since it consists minimally in their violent exclusion. Nor is there such a thing as a benevolent or ecological revolution — unless you consider that burning palaces, confronting armed forces, or sabotaging major infrastructures would be such. “Where violence reigns, only violence helps,” Brecht said. For the victors, peace is but the eternity of their victory.

      37. Assholes deploy every possible humanitarian ideology in order to outlaw any clear-cut divide within humanity, which would obviously be to their disadvantage. We’re partisans of a world without assholes. This seems to us a minimal, coherent, and satisfying program.

      38. Learning to recognize assholes, even admitting their existence for a start, lies at the origins of our strength: illiteracy and indifference in ethical matters obviously only benefits assholes.

      39. The Party is strengthened by purging itself of its opportunist, nihilist, skeptical, Covidist, malignant, narcissistic, and postmodernist (etc.) elements.

      40. True collective power can only be built with those who have ceased to fear being alone.

      #fragmentation

    • sous deepl

      Le texte qui suit est publié simultanément en anglais et en allemand, où il paraîtra dans le numéro inaugural du Neue illustrierte Berliner Zeitung, un journal qui, en plus d’être vendu dans les kiosques à journaux de Berlin, sera également collé sur les murs de la ville comme un Dazibao.

      L’animosité du texte peut être distillée à partir de son titre. D’une part, il évoque les mystérieuses « thèses de Hambourg » de 1961, composées par Guy Debord, Raoul Vaneigem et Attila Kotányi en trois jours, lors d’une « dérive » alcoolisée à travers la ville portuaire du nord, à la suite de l’acrimonieuse « 5e conférence de l’Internationale situationniste ». Bien qu’elles n’aient jamais été écrites, les « Thèses » sont considérées par beaucoup (y compris par Debord lui-même) comme un tournant dans l’histoire du groupe, le moment où l’IS a affirmé son engagement à « réaliser la philosophie », c’est-à-dire à relancer le mouvement révolutionnaire. Si un nouveau départ était nécessaire, c’est parce que, comme le rappellera plus tard Debord, on ne pouvait « plus accorder la moindre importance à aucune des idées des groupes révolutionnaires qui survivaient encore comme héritiers du vieux mouvement d’émancipation sociale détruit dans la première moitié de notre siècle ». Il était urgent d’initier une nouvelle vague de contestation « le plus tôt possible », tout en « revitalisant tous les points de départ fondamentaux ».

      On peut également entendre une référence claire aux mémoires de Bommi Baumann, Wie alles anfing [Comment tout a commencé], rassemblées à partir d’interviews réalisées alors que Baumann vivait en tant que fugitif de l’État ouest-allemand. Trois ans auparavant, en juillet 1971, Baumann et son ami Georg von Rauch avaient fondé le Mouvement du 2 juin, un groupe de guérilla urbaine anarchiste responsable d’une vague de vols à main armée, d’attentats à la bombe, de sabotages et d’émeutes, ainsi que de l’enlèvement très médiatisé de Peter Lorenz, candidat de la droite à la mairie de Berlin, qui fut échangé avec succès contre la libération de plusieurs camarades emprisonnés.

      En 1974, cependant, on constate « une stagnation de l’ensemble du mouvement partout... Tout le monde est touché par cette stagnation ». Le temps est venu, « pour ceux qui sont là depuis longtemps, de réfléchir une fois de plus... » Pour Baumann, la question centrale est de savoir comment une lutte armée trop militariste peut faire place à une phase constructive de l’antagonisme qui peut « continuer à se battre, à un autre niveau, dans une autre arène », à travers des formes qui ne sont pas circonscrites par la question de « l’extermination ». Bref, un nouveau départ est nécessaire pour que le mouvement révolutionnaire autonome ne soit pas « enseveli sous les décombres du système qui s’effondre ».

      Pour Dubruska, qui parle depuis une position de « conspirationnisme actif », la nécessité d’un nouveau départ a d’autres contours. Dans notre société de décombres, une société régie par des fictions concurrentes sur les causes de son propre effondrement, il y a un risque que nos efforts pour échapper à la catastrophe deviennent les accoucheurs involontaires d’un sauvetage écologique du système capitaliste lui-même. Comment, dans nos efforts pour construire et défendre des lieux de vie, pouvons-nous éviter de sécuriser involontairement la plate-forme d’un projet nouvellement réorganisé de « mobilisation, exploitation, ravage, massacre et production » ?

      *

      Si nous avons été vaincus, il n’y a rien d’autre à faire que de recommencer depuis le début. Heureusement, le bref intervalle de repos qui nous est accordé entre la fin du premier et le début du second acte du mouvement, nous donne le temps d’accomplir une partie vraiment nécessaire de notre tâche : rechercher les causes qui ont à la fois rendu nécessaire ce dernier soulèvement et, en même temps, conduit à sa défaite.

      –Engels, Révolution et contre-révolution en Allemagne (1851)

      1. Dans son effondrement intérieur, cette société n’a pas trouvé de meilleur tour à jouer à ses adversaires que de leur arracher son nouvel Ersatz de morale. Dans les derniers retranchements du nihilisme, l’oppression s’exprimera ainsi dans le langage de l’écologie, du féminisme et de l’antiracisme. Les fascistes, quant à eux, auront plus de facilité à se présenter comme les véritables défenseurs de la liberté, de la démocratie, des alternatives contre-hégémoniques et, en fin de compte, de la révolution.

      2. C’est l’époque du féminisme Barbie et de la gauche Pfizer, des anarchistes pro-censure et des autonomistes pro-OTAN, de l’horizontalisme autoritaire, du nucléaire vert et du stalinisme vaccinal, des bombardements pour les droits des LGBTQIA+ et de l’anti-pape - le pape qui, en matière de migrants, d’écologie, de critique du capitalisme, de la guerre ou de la hiérarchie, renvoie le gauchisme à son inanité en le renvoyant à son origine.

      3. Rien n’est plus grave, et plus gravement contemporain, que la théologie. C’est l’ignorance de la théologie qui permet à celle-ci de perpétuer son règne, sous couvert de politique, d’économie, de science, de philosophie, de littérature et même de vie quotidienne. Pour vaincre la théologie, il faut vaincre l’ignorance que nous en avons. Athées, encore un effort si vous voulez être révolutionnaires !

      4. « Nous assistons à une véritable manie de la consécration du féminisme, la société allant jusqu’à adopter une attitude de promotion... Les modes sont multiples et sournois et, sans le vouloir, nous risquons d’y tomber et d’être piégés. Le besoin particulier de reconnaissance des femmes est stimulé par un climat d’intérêt et d’opportunités pratiques. La société en est venue à accepter les prémisses du féminisme sans saisir l’évolution qui clarifie ces mêmes prémisses. Elle considère le féminisme comme une idéologie, c’est-à-dire comme un pouvoir, et à ce titre elle le respecte parce qu’il confirme - au lieu de mettre en crise - ce que nous voulons au contraire subvertir » (Carla Lonzi, Ecrits, voix d’Italie, 1977).

      5. « Le grand danger serait de remplacer le mythe de la classe ouvrière porteuse des valeurs d’avenir par celui de la protection de l’environnement et de la biosphère, ce qui pourrait tout aussi bien prendre un caractère totalement totalisant et totalitaire. [...] L’industrie ne demanderait pas mieux que d’instrumentaliser le mouvement écologiste comme elle a instrumentalisé le mouvement syndical pour structurer sa propre société. [C’est pourquoi, à mon avis, le mouvement écologiste devrait d’abord se préoccuper de sa propre écologie sociale et mentale » (Félix Guattari, Chimères n° 28, 1991-1992).

      6. Le mouvement ouvrier a été vaincu en critiquant la société bourgeoise dans son propre langage, celui de l’économie. Aujourd’hui, des hurluberlus prétendent contester la société cybernétique dans son propre langage, celui de l’écologie. Si la société porte un regard si bienveillant sur ces activistes, c’est qu’ils ont l’intention de nous conduire à une défaite équivalente.

      7. L’écrivain de science-fiction écologiste Kim Stanley Robinson a récemment déclaré : « Je rencontre beaucoup de technocrates, et il y en a qui aimeraient voir beaucoup plus d’activisme. (...) Entre les technocrates, les activistes et les actions citoyennes de masse, des synergies et des alliances sont possibles ». Personne ne s’allie à un plus fort que lui sans devenir, consciemment ou non, son vassal. Agir en étant gouverné par son inconscient n’a jamais servi d’excuse.

      8. Les militants écologistes épuisent les dernières ressources subjectives en les mobilisant inutilement contre ceux qui « épuisent les ressources naturelles ». Comme leurs « ennemis », ils ne se préoccupent guère de savoir comment se forment et se reconstituent ces ressources si précieuses que sont le courage, l’enthousiasme, la confiance, le savoir-faire. C’est en tant qu’extractivistes à leur manière qu’ils aspirent à être reconnus comme des interlocuteurs égaux par les autres mafias extras/activistes.

      9. L’écologie est le nom d’un problème, en aucun cas celui d’une solution. Quand c’est toute une civilisation qui s’effondre, quand c’est la façon même dont nous posons nos problèmes qui est devenue elle-même problématique, il n’y a pas de « solution » à trouver. « Les écologistes nous apprennent pourquoi et comment l’avenir de l’homme est en jeu. Mais c’est à l’homme, et non à l’écologiste, de décider de son avenir » (Georges Canguilhem, « La question de l’écologie », 1973).

      10. Le discours du progrès a permis au Capital de surmonter toute résistance intérieure aux ravages de la modernisation. Sa fonction est moins de légitimation que de désinhibition. Il servait moins à convaincre à l’extérieur qu’à l’intérieur. Aujourd’hui, elle ne donne rien, quand elle n’est pas purement contre-productive. A en juger par ses résultats, plus personne ne peut croire au progrès. Paradoxalement, c’est le discours écologique qui a pris le relais. Avec sa bioéconomie et son green new deal, le Capital se tourne désormais vers l’écologie pour trouver la force de continuer à faire ce qu’il a toujours fait : mobiliser, exploiter, ravager, massacrer, produire. La rhétorique écologique n’est pas celle malgré laquelle tout continue comme avant, mais celle qui autorise la poursuite du business as usual et l’aggravation du désastre. C’est donc au nom de l’écologie que nous verrons à l’avenir les biotechnologies, le nucléaire et la géo-ingénierie.

      11. La dernière façon que cette société a trouvée pour faire taire les femmes est de leur permettre de parler uniquement en tant que « nous, les femmes ». L’antiféminisme est réalisé en tant que féminisme de la même manière que l’anti-écologisme est réalisé en tant qu’écologisme.

      12. L’état actuel de la société est hallucinatoire. Les catégories psychopathologiques sont devenues les catégories les plus adaptées à l’analyse politique ; pour les repérer, il suffit de regarder au-delà du DSM. Le règne omniprésent du mensonge orwellien n’est pas un mal, mais une maladie.

      12bis. Le nihilisme contemporain est l’expression existentielle d’une condition matérielle ordinaire, celle d’une dépendance omnilatérale à l’égard des infrastructures du Capital. Il n’est pas sain de laisser sa vie reposer, jour après jour, entre les mains de son bourreau.

      13. Le symptôme est l’aboutissement d’un état de souffrance sans issue. Quand on ne trouve pas, dans l’Histoire qu’on nous propose, un fil qui nous ramène au monde dans lequel on est né, on ne trouve pas le fil de sa propre vie. "Les pères ont mangé des raisins aigres, mais ce sont les dents des enfants qui se sont émoussées.

      14. Il y a ceux qui font l’histoire et ceux qui la racontent. Ceux qui font l’histoire savent que ceux qui la racontent mentent, mais ce mensonge est aussi la condition, pour eux, de pouvoir continuer à la faire, sans entrave.

      15. « Ce sont les militaires de la Russie soviétique qui ont enseigné aux Allemands la tactique de la guerre des chars par laquelle ils ont submergé la France pendant la Seconde Guerre mondiale ; de même, ce sont les cadres soviétiques qui ont formé les premiers pilotes d’assaut allemands, qui se sont révélés si surprenants au début de ce même conflit » (Franz Jung, The Way Down). En août 1936, c’est-à-dire après le déclenchement de la guerre civile espagnole, l’ensemble du comité central du parti communiste italien a signé un appel « pour le salut de l’Italie et la réconciliation du peuple italien ». Elle se lit comme suit : « Les communistes adoptent le programme fasciste de 1919, qui est un programme de paix, de liberté et de défense des intérêts des travailleurs, et vous disent : luttons ensemble pour la réalisation de ce programme. » Bonne chance pour donner un sens à tout cela !

      16. Jamais aussi peu de gens n’ont parlé en leur nom propre que dans notre société de narcissisme généralisé. C’est par le biais de l’ego que la magie sociale s’empare de vous. Opérer au-delà de l’ego n’est pas une injonction morale, mais une condition préalable de la stratégie.

      17. Au fond, tout activisme est essentiellement thérapeutique. Abstraction faite de l’agitation médiatique temporaire qu’il peut occasionnellement susciter, son véritable objectif est de permettre aux militants de « se sentir mieux dans leur peau », de leur donner le sentiment distinctif de ne pas être « comme tout le monde » - cette masse passive de crétins et de salauds anesthésiés. Pour le militant, prétendre agir « pour les autres », « pour la planète » ou « pour le bien commun » n’est qu’une modalité astucieuse du narcissisme et de l’autopromotion universelle. Par ce commerce d’indulgences, on s’efforce, sous couvert de motifs génériques et généreux, d’assurer sa propre promotion morale.

      18. C’est grâce à la théorie des jeux que le mélange particulier de coopération et de concurrence, d’information et de dissimulation, de pacification et de guerre, de rationalité limitée et de folie pure, d’individualisme exacerbé et d’injonctions sociales qui tisse la société impériale actuelle a été conçu. Ce n’est pas sans raison que le site californien où cette théorie a été élaborée est le même que celui où tous les dispositifs cybernétiques individualisés dont elle constitue le code de base ont été développés par la suite. À la question « Quelles sont les applications ? », la réponse est simple : la théorie des jeux.

      19. Dans les années 50, à la cafétéria de la Rand Corporation où ils travaillaient, les fondateurs de la théorie des jeux avaient l’habitude de jouer à un jeu de société de leur invention, intitulé « Fuck your buddy ! ». « Fuck your buddy » constitue le code moral implicite de toutes les relations sociales actuelles, qu’elles soient affectives ou professionnelles, occasionnelles ou commerciales, virtuelles ou quotidiennes. Rien de moins ludique que la gamification universelle. Dès lors que le nombre même de ses « amis » devient un champ de compétition, la sympathie n’est plus qu’un moment de l’hostilité généralisée.

      20. Les fictions sociales sont par nature efficaces. Dans l’ancienne fiction, l’homme était présenté comme le propriétaire de sa force de travail, qui la vendait ensuite au propriétaire des moyens de production. Le sujet classique reste souverain même au moment où il aliène son temps et ses forces en les vendant à un autre. Sa dignité et son intégrité sont établies pour l’éternité, même si elles sont violées quotidiennement. Tel était le sujet de l’humanisme classique, dont les juristes et les syndicalistes ne parlent jamais sans une pointe de nostalgie, même s’ils se refusent à reconnaître sa totale obsolescence en tant que fiction sociale. La fiction qui prévaut aujourd’hui est celle du capital humain. Le sujet du capital humain est défini comme l’agrégat de son capital social, de son capital santé, de son capital relationnel, de son capital culturel, de son capital capillaire, etc. Il n’est en aucun cas le propriétaire du capital qu’il est. Il est son capital social, son capital santé, son capital relationnel, son capital culturel, son capital réputationnel, son capital capillaire, etc. Ce ne sont pas des choses qu’il peut louer, aliéner, mettre à disposition des autres sans les perdre par là même, sans se perdre lui-même. Il en est d’autant plus jaloux. Ce ne sont pas non plus des choses qui existent en soi, en dehors des interactions sociales qui les font naître, et qu’il faut d’ailleurs multiplier le plus possible.

      Tout comme il y a des monnaies qui expirent, il y a des capitaux qui expirent : ils doivent être activés, entretenus, accumulés, chéris, maximisés, bref : produits à chaque instant et à travers chaque interaction - protégés contre leur propre dévaluation tendancielle. Le sujet du capital humain, serviteur du capital qu’il est bien plus que maître de lui-même, entrepreneur de lui-même bien plus que propriétaire serein de sa personne, ne connaît donc que des interactions stratégiques dont l’issue doit être optimisée. La théorie des jeux - pour laquelle aucune feinte, aucun mensonge, aucune trahison n’est trop extrême au service de ses fins - est la théorie de ce « sujet » marqué par la précarité absolue, l’obsolescence programmée, et une inconsistance si extrême qu’il peut être annulé au moindre faux pas selon les mouvements imprévisibles de l’opinion et les codes du jour. Avoir transformé l’animal humain en ce processeur d’information frénétique, angoissé et vide : telle est la mutation anthropologique couronnée par les réseaux sociaux.

      21. Maîtresse particulièrement jalouse, cette société accueille comme un chaleureux témoignage de loyauté chaque fois qu’un de ses membres accepte de trahir un ami, un proche, un parent, pour son propre bien et celui de ses « valeurs » dévoyées. Ce qui émerge, derrière le rituel médiatique de la confession publique, c’est une société de la trahison - une société dans laquelle la trahison mutuelle, et sa possibilité à chaque instant, sert de nouveau pacte social. La parrhésie qui s’étale sur la place publique est celle-là même qui n’est jamais apparue dans les relations qu’elle met en cause, et 2, un mouvement donné sur lequel fonder la possibilité d’une révolution, ou même simplement pour contrer les actions du gouvernement, ne font pas que se tromper et se trompent eux-mêmes. En occupant ainsi le terrain, ils bloquent l’émergence de quelque chose de nouveau, capable de saisir l’époque et de lui tordre le cou.

      25. Le besoin d’halluciner l’existence d’un mouvement vient du fait que, pour un certain nombre de perdants ambitieux, cette fiction fournit une sorte de cohérence sociale : ils en feraient « partie ». Quand on ne sait pas ce que l’on veut, il est courant de vouloir exister - et puis, inévitablement, d’échouer, puisque l’existence ne peut jamais être le résultat d’une volonté. Manifestement, certains pensent que l’on peut appliquer à la révolution le principe du « fake it until you make it », qui a si bien réussi dans l’économie des start-up.

      26. De même que les réseaux sociaux ont capturé l’essence de l’existence sociale et la valeur qui lui est attachée, les activistes radicaux ont été progressivement réduits à un sous-secteur marginal de ces réseaux, qui les a pratiquement subsumés. L’impossibilité - et la superfluité ultime - d’avoir une stratégie efficace en découle logiquement. Désormais, les mouvements sociaux sont avant tout là pour servir de support à l’existence individuelle des militants sur les réseaux sociaux. Si ces mouvements ne mènent nulle part, s’il importe si peu qu’ils aboutissent à une victoire ou à une défaite, c’est qu’ils remplissent déjà amplement cette fonction suffisante.

      27. Pour le militant, la raison d’être de l’action n’est que relative aux images que l’on peut en produire, et plus encore à l’exploitation politique de ces images. Il n’y a donc pas lieu de se scandaliser de l’aberration stratégique ou du je-m’en-foutisme tactique de ces actions. La véritable efficacité de l’acte se situe à l’extérieur de lui-même, dans les retombées médiatiques qu’il est censé faciliter. De ce point de vue, une perte grave n’est pas nécessairement une perte, et une défaite cuisante peut tout aussi bien devenir un succès retentissant, à condition de ne pas être trop sensible à la souffrance des martyrs.

      28. Le triomphalisme déplacé, suivi du silence sur la défaite une fois qu’elle est assurée, compte parmi les formes les plus perverses de l’amour de la gauche pour la défaite, tant pour les militants que pour les syndicalistes. La célébration de victoires inexistantes masque opportunément le recul final ou, le plus souvent, l’absence totale de stratégie. Il n’est pas vraiment paradoxal de considérer que les vrais défaitistes sont ceux qui, toujours positifs, ne cessent d’applaudir et de se féliciter. Alors que ce sont ceux qui critiquent sans complexe « le mouvement » qui manifestent le plus clairement leur refus d’être bêtement vaincus, et donc leur détermination à gagner.

      29. Il y a ceux qui veulent gagner et ceux qui veulent être reconnus, c’est-à-dire ceux qui considèrent que c’est une victoire d’être reconnu. La vraie victoire ne concerne pas l’ennemi, mais la possibilité, à la suite d’un succès tactique, de déployer ses propres plans. Pour cela, il faut avoir des plans.

      30. La façon dont, lors du coup du monde provoqué par la syndromie Covid, il n’y avait soudain plus personne pour affronter le gouvernement confirme cette hypothèse : tout le monde est ailleurs.

      31. La conscience politique n’est pas un privilège. Personne ne s’est autant trompé ces dernières années que ceux qui se croient « politisés ». Personne n’a agi plus bêtement que les « cultivés ». C’est partout ailleurs que chez les « politisés » qu’il faut chercher ceux avec qui nous ferons la révolution - ils ont trop de capital social à perdre pour ne pas être stupides et lâches.

      32. Vous n’entendrez plus parler de nous, ou seulement par accident. Nous désertons votre espace public. Nous passons du côté de la construction réelle des forces et des formes. Nous passons du côté de la conspiration, du côté du conspirationnisme actif. Nous « sortons du château du vampire ». Rendez-vous à l’extérieur !

      33. Croyez suffisamment en ce que vous pensez pour ne pas le dire. Croyez suffisamment en ce que nous faisons pour ne pas le rendre public. Laissons aux chrétiens et aux gauchistes le goût du martyr pour la publicité.

      34. Il n’y aura que ce que nous construirons. C’est précisément parce qu’il n’y a personne à sauver qu’une révolution est si nécessaire. La question politique centrale du XXIe siècle est de savoir comment construire des réalités collectives qui ne soient pas fondées sur le sacrifice.

      35. « C’est à partir de là que nous voulons contribuer à créer, en tant que front collectif arrivant par vagues, les conditions d’un changement culturel éthique qui nous permette d’échapper au piège de la cohabitation culturelle actuelle, centrée comme elle l’est sur les relations de méfiance et de contrôle, de domination et de compétition propres à la culture patriarcale-matriarcale que nous maintenons pratiquement sur toute la planète » (Humberto Maturana & Ximena Davila, Habitar Humano).

      36. Ceux qui ont gagné la guerre ne parlent que de « paix ». Ceux qui se sont tout approprié ne parlent que d’inclusion. Ceux qui sont animés par le dernier cynisme n’oublient jamais d’appeler à la « bienveillance ». Ils ont même réussi le miracle de convertir à ces « valeurs » à peu près tous les gauchistes du monde. C’est ainsi qu’ils ont réussi à supprimer toute possibilité de révolution. En effet, les vainqueurs sont bien placés pour savoir qu’il n’existe pas de révolution inclusive, puisqu’elle consiste minimalement en leur exclusion violente. Il n’y a pas non plus de révolution bienveillante ou écologique - à moins de considérer que brûler des palais, affronter des forces armées ou saboter des infrastructures majeures en soit une. « Là où règne la violence, seule la violence aide », disait Brecht. Pour les vainqueurs, la paix n’est que l’éternité de leur victoire.

      37. Les connards déploient toutes les idéologies humanitaires possibles pour proscrire tout clivage net au sein de l’humanité, ce qui serait évidemment à leur désavantage. Nous sommes partisans d’un monde sans trous du cul. Cela nous semble un programme minimal, cohérent et satisfaisant.

      38. Apprendre à reconnaître les cons, voire admettre leur existence pour commencer, est à l’origine de notre force : l’analphabétisme et l’indifférence en matière d’éthique ne profitent évidemment qu’aux cons.

      39. Le Parti se renforce en se purgeant de ses éléments opportunistes, nihilistes, sceptiques, covidistes, malins, narcissiques, postmodernistes (etc.).

      40. Le véritable pouvoir collectif ne peut se construire qu’avec ceux qui ont cessé de craindre d’être seuls.

      Novembre 2023

  • Non, le « #choc_des_civilisations » n’aide pas à comprendre notre époque

    Depuis le 7 octobre, les idées du professeur américain #Samuel_Huntington sont à nouveau vantées, au service d’un idéal de #repli_identitaire. Pourtant, ces thèses fragiles ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique.

    C’est un des livres de relations internationales les plus cités au monde. Publié en 1996, trois ans après un article dans Foreign Affairs, Le Choc des civilisations a fourni un concept qui a proliféré dans le débat public. À la faveur de sa republication en poche aux éditions Odile Jacob, la journaliste et essayiste Eugénie Bastié a eu une révélation : son auteur, le politiste Samuel Huntington (1927-2008), était le prophète de notre époque. Sacrément épatée, elle affirme dans Le Figaro que « chaque jour, l’actualité donne raison » à ce livre « majeur ».

    Elle n’est ni la première ni la seule à le penser. À chaque attentat ou chaque guerre mettant aux prises des belligérants de religions différentes, la théorie est ressortie du chapeau comme une grille explicative. Depuis les massacres du Hamas du 7 octobre, c’est à nouveau le cas. Dans Le Point, Franz-Olivier Giesbert n’a pas manqué de la convoquer dans un de ses éditoriaux. Dans la plus confidentielle et vénérable Revue politique et parlementaire, un juriste s’est appuyé sur Huntington pour conclure tranquillement à « une certaine incompatibilité civilisationnelle entre Arabes et Israéliens et, partant, entre Orient et Occident ».

    Huntington pensait qu’avec la fin de la Guerre froide, les #facteurs_culturels allaient devenir prédominants pour expliquer la #conflictualité dans le système international. Il ajoutait que les risques de conflictualité seraient maximisés aux points de rencontre entre « #civilisations ». À l’en croire, ces dernières seraient au nombre de neuf. La #religion serait un de leurs traits distinctifs essentiels, parmi d’autres caractéristiques socio-culturelles ayant forgé, selon lui, des différences bien plus fondamentales que celles qui existent entre idéologies ou régimes politiques.

    De nombreuses critiques ont été faites aux thèses d’Huntington. Aujourd’hui, ces dernières sont largement considérées comme infirmées et inutilisables dans sa propre discipline. Elles ne sont plus reprises que par des universitaires qui ne sont pas spécialistes de relations internationales, et des acteurs politico-médiatiques qui y trouvent un habillage scientifique aux obsessions identitaires qui les habitent déjà.

    Il faut dire que dans la réflexion d’Huntington, la reconnaissance des #identités_civilisationnelles à l’échelle globale va de pair avec un rejet du multiculturalisme à l’intérieur des États. Eugénie Bastié l’a bien compris, se délectant des conclusions du professeur américain, qu’elle reprend à son compte : « La #diversité est bonne au niveau mondial, mortifère au niveau national. L’#universalisme est un danger à l’extérieur, le #multiculturalisme une #menace à l’intérieur. »

    Des résultats qui ne collent pas

    Le problème, c’est que les thèses d’Huntington ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique. Comme l’a déjà rappelé Olivier Schmitt, professeur à l’Université du Sud au Danemark, des chercheurs ont « testé » les prédictions d’Huntington. Or ils sont tombés sur des résultats qui ne collent pas : « Les actes terroristes, comme les conflits, ont historiquement toujours eu majoritairement lieu – et continuent d’avoir majoritairement lieu – au sein d’une même civilisation. »

    Dans Philosophies du multiculturalisme (Presses de Sciences Po, 2016), le politiste Paul May relève que « les arguments avancés par Huntington pour justifier sa thèse du choc des civilisations ne reposent pas sur de larges analyses empiriques, mais plutôt sur une série d’anecdotes et d’intuitions ». Il dresse le même constat à propos des alertes angoissées d’Huntington sur le supposé moindre sentiment d’appartenance des #minorités à la nation états-unienne, notamment les Hispaniques.

    Huntington procède en fait par #essentialisation, en attribuant des #valeurs_figées à de vastes ensembles socio-culturels, sans prendre au sérieux leur #variabilité dans le temps, dans l’espace et à l’intérieur des groupes appartenant à ces ensembles. Par exemple, son insistance sur l’hostilité entre l’#Occident_chrétien et la #civilisation_islamique néglige de nombreux épisodes de coopération, d’influences mutuelles, d’alliances et de renversement d’alliances, qui ont existé et ont parfois répondu à des intérêts politico-stratégiques. Car si les #identités_culturelles ont bien un potentiel mobilisateur, elles sont justement intéressantes à enrôler et instrumentaliser dans une quête de puissance.

    Le « #déterminisme_culturaliste » d’Huntington, écrivait le professeur Dario Battistella dès 1994, « mérite une #critique approfondie, à l’image de toutes les explications unifactorielles en sciences sociales ». Au demeurant, les frontières tracées par Huntington entre les civilisations existantes reposent sur des critères peu clairs et discutables. Le chercheur Paul Poast a remarqué, dans un fil sur X, que ses choix aboutissent à une superposition troublante avec une carte des « races mondiales », « produite par Lothrop Stoddard dans les années 1920, [ce dernier étant connu pour être] explicitement un suprémaciste blanc ».

    Les mauvais exemples d’#Eugénie_Bastié

    Les exemples mobilisés par Eugénie Bastié dans Le Figaro illustrent toutes les limites d’une lecture outrancièrement culturaliste de la réalité.

    « Dans le cas du conflit israélo-palestinien, écrit-elle, l’empathie n’est plus dictée par des choix rationnels ou idéologiques mais par des appartenances religieuses et identitaires. » Il était toutefois frappant, avant le 7 octobre, de constater à quel point les États du monde arabe et musulman s’étaient désintéressés de la question palestinienne, l’un des objectifs du #Hamas ayant justement été de faire dérailler la normalisation des relations en cours. Et si la composante islamiste de l’identité du Hamas est indéniable, la situation est incompréhensible sans tenir compte du fait qu’il s’agit d’un conflit pour la terre, que d’autres acteurs palestiniens, laïques voire, socialisants, ont porté avant le Hamas.

    Concernant l’#Ukraine, Bastié explique qu’« entre un Ouest tourné vers l’Occident et un Est russophone, Huntington prévoyait trois scénarios : une Ukraine unie pro-européenne, la division en deux avec un est annexé à la Russie, une Ukraine unie tournée vers la Russie. On sait désormais que l’on s’achemine plus ou moins vers le deuxième scénario, le plus proche du paradigme du choc des civilisations. »

    Remarquons d’abord la précision toute relative d’une théorie qui « prédit » des issues aussi contradictoires. Soulignons ensuite que malgré tout, Huntington considérait bien que « si la #civilisation est ce qui compte, la probabilité de la #violence entre Ukrainiens et Russes devrait être faible » (raté). Pointons enfin la séparation caricaturale établie par l’essayiste entre les parties occidentale et orientale du pays. Comme l’a montré l’historien Serhii Plokhy, les agressions russes depuis 2014 ont plutôt contribué à homogénéiser la nation ukrainienne, « autour de l’idée d’une nation multilingue et multiculturelle, unie sur le plan administratif et politique ».

    Enfin, Bastié devait forcément glisser qu’Huntington a formulé sa théorie du choc des civilisations avant même les attentats du 11 septembre 2001, censés illustrer « la résurgence du conflit millénaire entre l’islam et l’Occident ».

    Reprenant sa critique du politiste américain à l’aune de cet événement, Dario Battistella a cependant souligné que « loin de constituer les prémices d’une bataille à venir entre deux grandes abstractions, #Occident et #Islam, les attentats du 11 septembre sont bien l’expression d’une forme pervertie de l’islam utilisée par un mouvement politique dans sa lutte contre la puissance hégémonique américaine ; quant aux bombardements américano-britanniques contre Al-Qaïda et les talibans, ce sont moins des croisades que des opérations de police, de maintien de la “pax americana”, entreprises par la puissance impériale et sa principale alliée parmi les puissances satisfaites de l’ordre existant. »

    À ces illustrations guère convaincantes du prophétisme de Samuel Huntington, il faut ajouter les exemples dont Eugénie Bastié ne parle pas, et qui ne collent pas non plus avec sa grille de lecture.

    Avec la tragédie du Proche-Orient et l’agression russe en Ukraine, l’autre grand drame historique de cette année s’est ainsi joué en #Arménie et en #Azerbaïdjan, avec le #nettoyage_ethnique du #Haut-Karabakh. Or si ce dernier a été possible, c’est parce que le régime arménien a été lâché par son protecteur russe, en dépit de populations communiant majoritairement dans le #christianisme_orthodoxe.

    Cet abandon, à laquelle la difficile révolution démocratique en Arménie n’est pas étrangère, a permis au dirigeant azéri et musulman #Ilham_Aliev de donner libre cours à ses ambitions conquérantes. L’autocrate a bénéficié pour cela d’armes turques, mais il a aussi alimenté son arsenal grâce à l’État d’Israël, censé être la pointe avancée de l’Occident judéo-chrétien dans le schéma huntingtonien interprété par Eugénie Bastié.

    Le côté « chacun chez soi » de l’essayiste, sans surprendre, témoigne en parallèle d’une indifférence aux revendications démocratiques et féministes qui transcendent les supposées différences civilisationnelles. Ces dernières années, ces revendications se sont données à voir avec force en Amérique latine aussi bien qu’en #Iran, où les corps suppliciés des protestataires iraniennes témoignent d’une certaine universalité du combat contre la #domination_patriarcale et religieuse. Cela ne légitime aucune aventure militaire contre l’Iran, mais rappelle que toutes les actions de soutien aux peuples en lutte pour leurs droits sont positives, n’en déplaise au fatalisme huntingtonien.

    On l’aura compris, la thématique du choc des civilisations n’aide aucunement à comprendre notre chaotique XXIe siècle. Il s’agit d’un gimmick réactionnaire, essentialiste et réductionniste, qui donne une fausse coloration scientifique à une hantise du caractère mouvant et pluriel des identités collectives. Sur le plan de la connaissance, sa valeur est à peu près nulle – ou plutôt, elle est la pire manière d’appeler à prendre en compte les facteurs culturels, ce qui souffre beaucoup moins la contestation.

    Sur le plan politique, la théorie du choc des civilisations est un obstacle aux solidarités à construire dans un monde menacé par la destruction de la niche écologique dont a bénéficié l’espèce humaine. Ce sont des enjeux de justice climatique et sociale, avec ce qu’ils supposent de réparations, répartition, redistribution et régulation des ressources, qu’il s’agit de mettre en avant à toutes les échelles du combat politique.

    Quant aux principes libéraux et démocratiques, ils méritent également d’être défendus, mais pas comme des valeurs identitaires opposées à d’autres, dont nous serions condamnés à vivre éloignés. L’universalisme n’est pas à congédier parce qu’il a servi d’alibi à des entreprises de domination. Quand il traduit des aspirations à la paix, à la dignité et au bien-être, il mérite d’être défendu, contre tous les replis identitaires.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/231223/non-le-choc-des-civilisations-n-aide-pas-comprendre-notre-epoque
    #Palestine #Israël

    #Huntington

  • #Recherche : les tours de #passe-passe d’#Emmanuel_Macron

    Le chef de l’Etat s’est targué d’un #bilan flatteur en matière d’investissement pour le monde de la recherche, en omettant des #indicateurs inquiétants et des promesses non tenues, tout en vantant une #concurrence délétère.

    Devant un parterre de plusieurs centaines de scientifiques, le 7 décembre, à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, était à l’aise, volontaire, et « en compagnonnage » avec la communauté académique, comme il l’a confessé. Mais c’est moins en passionné de science qu’en magicien qu’il s’est en fait comporté, escamotant ce qui ne rentrait pas dans son cadre, multipliant les tours de passe-passe, sortant quelques lapins du chapeau, pour aboutir à transformer les flatteries adressées à son auditoire en cinglantes critiques. Au point de faire « oublier » un autre discours célèbre, celui de Nicolas Sarkozy en janvier 2009, qui avait lâché : « Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu’un chercheur britannique. (…) Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé… »

    Premier tour de magie classique, celui de l’embellissement du bilan. Comme une baguette magique, son arrivée en 2017 aurait mis fin à des années de « #désinvestissement_massif ». Sauf que cela ne se voit pas dans le critère habituel de la part du PIB consacrée en recherche et développement (R&D), qui est restée stable depuis le début du premier quinquennat, à 2,2 %. Les estimations indiquent même une baisse à 2,18 % pour 2022.

    Cela ne se voit pas non plus dans la part des #publications nationales dans le total mondial, dont il a rappelé qu’elle a baissé, sans dire qu’elle continue de le faire malgré ses efforts. Même les annexes au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que cela va continuer. Pire, côté bilan, compte tenu de l’inflation, la « magique » #loi_de_programmation_de_la_recherche de 2020 donne en fait des #moyens en baisse aux #laboratoires l’an prochain.

    Avec plus de « réussite », le président de la République a littéralement fait disparaître du paysage 7 milliards d’euros. Il s’agit de l’enveloppe, dont se prive volontairement l’Etat chaque année, pour soutenir la recherche et développement des entreprises – le #crédit_d’impôt_recherche – sans résultat macroéconomique. La part des dépenses de #R&D des #entreprises ne suit pas la progression du crédit d’impôt recherche. Mais il n’est toujours pas question d’interroger l’#efficacité du dispositif, absent de l’allocution, comme celle des mesures sur l’#innovation, le 11 décembre à Toulouse.

    Autre rituel classique des discours, faire oublier les précédents. Le chef de l’Etat l’a tenté à deux reprises sur des thèmes centraux de son argumentaire : l’#évaluation et la #simplification. Dans son allocution de 2023, il regrette qu’en France « on ne tire toujours pas assez conséquence des évaluations », quand en novembre 2019, pour les 80 ans du CNRS, il critiquait « un système mou sans conséquence ». Entre ces deux temps forts, il a nommé à la tête de l’agence chargée des évaluations son propre conseiller recherche, #Thierry_Coulhon, qui n’a donc pas réussi à « durcir » l’évaluation, mais a été nommé à la tête du comité exécutif de l’Institut polytechnique de Paris.

    Il y a quatre ans, Emmanuel Macron promettait également la « simplification », et obtenu… le contraire. Les choses ont empiré, au point qu’un rapport publié en novembre du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur enjoint au CNRS de lancer une « opération commando » pour régler des #problèmes_administratifs, qu’un médaillé d’argent, ulcéré, renvoie sa médaille, et que le conseil scientifique du #CNRS dénonce les « #entraves_administratives ».

    #Violence_symbolique

    L’#échec de la #promesse de simplifier pointe aussi lorsqu’on fait les comptes des « #annonces » concernant le « #pilotage » du système. Emmanuel Macron a prévu pas moins de cinq pilotes dans l’avion : lui-même, assisté d’un « #conseil_présidentiel_de_la_science » ; le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le « ministère bis » qu’est le secrétariat général à l’investissement, qui distribue des milliards jusqu’en 2030 sur des thématiques pour la plupart décidées à l’Elysée ; auxquels s’ajoutent les organismes de recherche qui doivent se transformer en « #agences_de_programmes » et définir aussi des stratégies.

    Au passage, simplification oblige sans doute, le thème « climat, biodiversité et société durable » est confié au CNRS « en lien naturellement avec l’#Ifremer [Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer] pour les océans, avec l’#IRD [Institut de recherche pour le développement] pour le développement durable » ; enfin, dernier pilote, les #universités, qui localement géreront les personnels employés souvent par d’autres acteurs.

    Finalement, le principal escamotage du magicien élyséen consiste à avoir parlé pendant une heure de recherche, mais pas de celles et ceux qui la font. Ah si, il a beaucoup été question des « meilleurs », des « gens très bons », « des équipes d’excellence » . Les autres apprécieront. Le Président promet même de « laisser toute la #liberté_académique aux meilleurs », sous-entendant que ceux qui ne sont pas meilleurs n’auront pas cette liberté.

    Cette #invisibilisation et cette #privation_de_droits d’une bonne partie des personnels fonctionnaires sont d’une rare violence symbolique pour des gens qui, comme dans d’autres services publics, aspirent à bien faire leur métier et avoir les moyens de l’exercer. Ces derniers savent aussi, parfois dans leur chair, quels effets délétères peuvent avoir ces obsessions pour la #compétition permanente aux postes et aux moyens. Et accessoirement combien elle est source de la #complexité que le chef de l’Etat voudrait simplifier.

    La « #révolution », terme employé dans ce discours, serait évidemment moins d’accélérer dans cette direction que d’interroger ce système dont on attend encore les preuves de l’#efficacité, autrement que par les témoignages de ceux qui en bénéficient.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/recherche-les-tours-de-passe-passe-du-president-macron_6207095_3232.html
    #ESR #Macron #France #université #facs

  • A Amsterdam et à Edimbourg, de nouvelles règles pour limiter les échanges de maisons
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/12/24/a-amsterdam-et-a-edimbourg-de-nouvelles-regles-pour-limiter-les-echanges-de-

    Le système s’est développé jusque-là sans entraves. Mais aux #Pays-Bas et en Ecosse, les pouvoirs publics s’inquiètent de le voir se déployer hors de tout contrôle, craignant d’avoir affaire à un futur Airbnb. A la différence de la plate-forme américaine, #HomeExchange n’implique cependant pas d’échange d’argent : l’accueil de personnes chez soi permet de percevoir des points (des « guest points »). Une #monnaie virtuelle utilisable pour se rendre ensuite dans une maison ou un appartement.

    Mais la municipalité d’Amsterdam estime que cette forme de transaction place le système dans la case des #locations_touristiques. La plate-forme HomeExchange recense 2 000 logements disponibles dans la métropole hollandaise, ce qui en fait un acteur majeur en termes d’offre d’hébergement. « Sauf que les logements sont loin d’être libres tout le temps ! Ils sont prêtés deux ou trois semaines par an »_, rétorque Emmanuel Arnaud, le directeur de HomeExchange. Au total, cette année, 3 900 groupes ou familles sont venus à Amsterdam par HomeExchange, soit 71 000 « nuitées touristiques » (nombre total de nuits par personne).

    #Contrôles et#sanctions

    A partir du 1er mars 2024, la ville va appliquer des restrictions similaires à celles qui concernent Airbnb. Les utilisateurs de HomeExchange et d’autres sites d’échanges devront enregistrer leur logement sur le site de la municipalité, payer un #permis_annuel (43 euros), limiter le prêt de leur logement à trente jours par an, et signaler à la ville dès lors qu’ils recevront des personnes chez eux. La ville interdit aussi d’utiliser ce système avec une résidence secondaire, et restreint à quatre maximum le nombre de personnes accueillies par logement (sauf les familles avec plus de deux enfants). Des contrôles, avec sanctions associées, sont prévus à partir de 2025.

    « Amsterdam mène depuis de nombreuses années une politique visant à lutter contre les locations touristiques, car cela a des conséquences négatives sur la qualité de vie dans certains quartiers de la ville », explique Rory van den Bergh, porte-parole de la ville d’Amsterdam, qui a déployé diverses actions pour limiter l’impact du #tourisme_de_masse. En 2023, elle a par exemple lancé une campagne sur les réseaux sociaux (« Stay away ») pour décourager la venue de visiteurs nuisibles à la tranquillité des résidents, à savoir les groupes « d’hommes de 18 à 35 ans », Britanniques en particulier.

    #prêt #échange

    • L’article parle des points comme d’une monnaie virtuelle, mais il y a aussi l’échange réciproque sans point ! Pas mal d’utilisateurs précisent qu’ils ne veulent utiliser la plateforme qu’en échanges réciproques.

      Pour Amsterdam, HE représente donc 0.5% des nuitées touristiques, avec des profils ne collant pas aux « visiteurs nuisibles » et ne se rendant pas forcément dans les quartiers les plus touristiques. Je comprends pas trop la logique, comme de taxer dans toute l’Ecosse.

      Après, la plateforme est loin d’être vertueuse - elle est par exemple utilisée par certains multipropriétaires en complément d’airbnb.

      « 30% des maisons que nous proposons sur HomeExchange sont des résidences secondaires. Les trois quarts d’entre elles sont soit déjà proposées à la location, soit leurs propriétaires sont intéressés pour le faire », nous explique Emmanuel Arnaud, fondateur de [la nouvelle plateforme de locations saisonnières] WelcomeClub.

      https://www.tourmag.com/HomeExchange-lance-WelcomeClub-la-location-entre-particuliers-sur-invitatio

  • Les cartes ou la mise en ordre du monde
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-suite-dans-les-idees/les-cartes-ou-la-mise-en-ordre-du-monde-6293300


    Carte de la Guyane

    Les cartes ou la mise en ordre du monde
    Samedi 23 décembre 2023

    La Suite dans les idées
    Provenant du podcast La Suite dans les idées
    Depuis toujours, les zones blanches des cartes apportent paradoxalement de nombreuses informations. Mais depuis la géonumérisation du monde et la multiplication des cartographies, le #blanc_des_cartes a changé. Avec le géographe Matthieu Noucher et l’architecte Francesco Sebregondi.

    Avec
    Matthieu Noucher géographe
    Francesco Sebregondi Architecte, fondateur et directeur de l’association INDEX

    Pour composer son Livre blanc, paru en 2007, l’écrivain Philippe Vasset avait arpenté de long en large l’Île de France à la découverte systématique de toutes les zones qui apparaissaient en blanc sur les cartes de l’Institut National de Géographie. Ce blanc des cartes fascine depuis toujours les géographes. Mais le blanc des cartes n’est plus ce qu’il était. Non pas qu’il disparaisse à mesure que progresse la connaissance des territoires, au contraire. Avec la numérisation du monde et la multiplication des cartes, les zones blanches prolifèrent. Matthieu Noucher a mené l’enquête pour comprendre comment désormais les boites noires des algorithmes produisent les blancs des cartes. Il est cette semaine l’invité de La Suite dans les Idées. Rejoint par Francesco Sebregondi, un architecte, qui lui aussi produit des cartes et d’autres types de données pour Index, l’ONG qu’il a fondée.

    Pour aller plus loin
    L’ouvrage de Matthieu Noucher, Blancs des cartes et boîtes noires algorithmiques, CNRS éditions, mai 2023
    Le site web de l’association INDEX, fondée par Francesco Sebregondi : index.ngo

    Musique : William Eggleston - Over the rainbow

    #contre_cartes #contre_enquêtes #géo-numérisation_du_monde #cartes_personnalisées #trait_de_côte

  • La #désinformation qui déstabilise la #démocratie

    « La désinformation est un bouton fantastique sur lequel appuyer pour déstabiliser les démocraties. C’est la #menace la plus sournoise. Parce que la démocratie fonctionne si on a accès à l’#information, pour pouvoir porter un jugement et participer au #débat_public ». C’est ainsi que le professeur adjoint en communication publique et politique à l’ENAP, Philippe Dubois, résumait le problème qui était au coeur du forum La démocratie au temps de la désinformation, tenu le 30 novembre à Montréal.

    La démocratie recule, soulignait d’ailleurs cette année un rapport du Varieties of Democracy Institute de l’Université de Göteborg (Suède) (https://v-dem.net/documents/29/V-dem_democracyreport2023_lowres.pdf), fruit d’une collaboration de près de 4000 experts de 180 pays. La désinformation, la #polarisation et l’#autocratisation se renforcent mutuellement.

    Avec l’ajout récent de la Thaïlande et du Mali, pour la première fois depuis plus de 20 ans, la liste des pays compte plus d’#autocraties que de démocraties : 5,7 milliards de personnes vivent dans des autocraties (72% de la population mondiale) contre 1 milliard de personnes pour les démocraties libérales —soit à peine 13%. Et près d’un tiers du premier groupe vit même au sein d’autocraties fermées (Chine, Iran, Myanmar et Vietnam, par exemple).

    Bref, le niveau de démocratie pour le citoyen mondial moyen est en recul, pour revenir au niveau de 1986. L’Europe de l’Est et l’Asie centrale, ainsi que l’Amérique latine et les Antilles, ont retrouvé leur niveau de la fin de la guerre froide.

    « C’est souvent un idéal que l’on prend pour acquis avec ses opportunités de délibération : presse libre, débats publics, et des institutions publiques pour faire fonctionner cela », avance Philippe Dubois. Ce « modèle le moins pire », comme l’aurait dit Churchill, « a bien souffert lors de la récente pandémie ». Avec ses mesures exceptionnelles et restrictives, la Covid-19 a vu reculer, de manière temporaire, certains droits et libertés. Cela a entaché la confiance dans les institutions démocratiques, et dans leurs acteurs, confiance qui n’était déjà pas si élevée avant la crise sanitaire.

    Or, les #réseaux_sociaux jouent eux aussi un rôle dans cette #régression. Peut-être parce qu’ils répercutent plus les #frustrations et la #colère que la #raison et les #nuances, il y aurait, semble-t-il, plus de cyniques et de mécontents qu’avant. Certaines tranches de la population s’avèrent aussi moins attachées à la démocratie, comme les jeunes, qui s’informent eux-mêmes davantage que les plus vieux par les algorithmes. « Cela ne signifie pas qu’ils rejettent la démocratie. Cela signifie plutôt qu’ils partagent davantage un type de contenu » qui la rejette, note le chercheur.

    L’École des médias de l’UQAM avait mandaté cet été la firme Léger pour sonder la population québécoise sur leurs perceptions sur des enjeux liés à la démocratie et à la désinformation. Le rapport montre que 25% de la population québécoise pense que les gouvernements cachent la réalité sur la nocivité des vaccins —18% pensent que c’est probable, alors que 8% pensent que c’est certain.

    C’est une #méfiance envers les institutions qui augmente, tout comme celle envers les #médias, car selon ce sondage, 44% de la population québécoise pense que les médias manipulent l’information qu’ils diffusent.

    En quête de #littératie_scientifique

    « Nous vivons une #crise_épistémologique avec une remise en question des #figures_d’autorité » constatait, lors du forum du 30 novembre, le professeur au département sciences humaines, lettres et communications de la TÉLUQ, Normand Landry. « Les gens parlent d’#esprit_critique mais c’est un mot galvaudé : où est notre capacité de se remettre en question et de changer d’idées et d’admettre nos erreurs ? »

    D’où l’importance de l’#éducation_aux_médias et de la littératie scientifique, soulignait-on dans ce forum organisé par les Fonds de recherche du Québec. Mélissa Guillemette, rédactrice en chef du magazine Québec Science, note que « moins de la moitié des Canadiens ont des bases solides en science (42%), c’est donc à mettre au premier plan. La littératie en santé au Québec reste elle aussi très faible chez 2 personnes sur 3 et pour 95% des 60 ans et plus, il s’avère même difficile de comprendre un médecin. »

    Les #jeunes ont particulièrement du mal à distinguer le #vrai du #faux. « Les adolescents ont du mal à reconnaître la désinformation. Ils manquent de bons critères d’évaluation pour juger de la qualité d’une bonne information », relève l’étudiante à la maîtrise en sciences de l’éducation de l’Université de Sherbrooke, Élise Rodrigue-Poulin.

    « Chez les enseignants aussi, le niveau de pensée critique varie souvent de faible à moyen. Et lorsque la nouvelle fait appel à trop d’#émotion, la plupart d’entre nous ne sommes plus capables de l’évaluer correctement », ajoute-t-elle.

    La solution serait de s’éduquer à reconnaître la désinformation, mais il faudrait aussi développer du contenu scolaire pour soutenir l’esprit critique chez les jeunes – et par ricochet, le personnel enseignant. Des éléments inclus dans le nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise, vont dans ce sens.

    Ce serait toutefois insuffisant. « Le programme a plusieurs points positifs : donner des outils et des critères sur les informations et les médias, et l’explication de ce qu’est la démocratie. Comme enseignante, je trouve ça bon, mais il n’est pas obligatoire cette année et il a été présenté aux enseignants quelques jours avant la rentrée », explique Mme Rodrigue-Poulin. Il doit être implanté dans toutes les écoles en septembre 2024.

    Normand Landry renchérit : « Je salue l’adoption d’un programme mais je le pense moins sérieux dans le soutien à développer ce savoir. Depuis plus de 20 ans, l’#école développe du contenu d’éducation aux médias – par exemple, sur les compétences numériques, adopté en 2019 – mais sans se donner les conditions de déploiement et des ressources pour les enseignants. »

    La désinformation à gogo

    « Nous sommes dans une espèce de jungle et trouver la vérité, c’est un casse-tête. La désinformation, cela ne date pas d’hier mais c’est le volume qui augmente. », rappelle Nicolas Garneau, chercheur postdoctoral en informatique à l’Université de Copenhague.

    Et nous pouvons tous partager de la désinformation. Les réseaux sociaux sont conçus pour nous inviter à générer du contenu – « exprimez-vous », « posez des actions » – à partir de messages qui en appellent à nos #émotions.

    Il faut donc apprendre à se méfier des choix des #algorithmes et développer son esprit critique – « d’où ça sort ? », « quelle est la source de l’info ? »

    « Il ne faut pas oublier que ce sont des modèles économiques basés sur nos données. Ils enregistrent ce que l’on regarde et lorsqu’on s’exprime. Les plateformes exploitent nos #failles_psychologiques », rappelle Emmanuelle Parent, directrice générale et recherche du Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne (Le Ciel).

    Le professeur en journalisme à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, Jean-Hugues Roy, s’intéresse plus spécifiquement à Facebook. Il remarque qu’il y a beaucoup de contenus viraux —et religieux— qui circulent. Qui plus est, en l’absence de véritables informations – en raison du blocage du contenu des médias par Meta – « il n’y a plus rien de pertinent. C’est un véritable marché aux puces de #contenus_viraux dont certains peuvent être toxiques. Cela peut prendre l’apparence de contenu journalistique, en ajoutant des éléments mensongers et trompeurs uniquement pour faire des clics. »

    Il est temps d’encadrer ces plateformes, poursuit-il. Une démarche entamée par le Canada avec le projet de loi C-18 qui vise à forcer les « géants du web » à indemniser les médias d’information —c’est ce projet de loi qui est la raison du boycottage des médias entrepris en ce moment par Meta au Canada.

    « Ce sont des entreprises privées et on s’attend à ce qu’elles prennent leurs responsabilités ou que les autorités le fassent. Nous avons une agence d’inspection des aliments au Canada, il est possible d’imaginer une agence d’inspection des réseaux sociaux alors que nos vies sont dessus et qu’ils font beaucoup d’argent avec nos données », pense M. Roy.

    Autrement dit, il faut un encadrement de ces outils par l’humain. « Leur raison d’être est de nous donner un coup de main, pas de décider à notre place », tranche encore Nicolas Garneau.

    https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2023/12/15/desinformation-destabilise-democratie

  • « Un bidouillage ahurissant » : à quoi joue Emmanuel #Macron en saisissant le #Conseil_constitutionnel ?

    « Emmanuel Macron va saisir le Conseil constitutionnel sur la loi #immigration. L’opposition de gauche également. De nombreuses mesures pourraient être retoquées. (...) » #politique #France #président #irresponsable #double_jeu #double_langage #en_même_temps #tartuffe

    https://actu.fr/politique/un-bidouillage-ahurissant-a-quoi-joue-emmanuel-macron-en-saisissant-le-conseil-

  • Des collections en résistance
    https://laviedesidees.fr/Des-collections-en-resistance

    Si l’art est incapable d’arrêter la guerre, il rend possible des formes de #résistance symbolique et institutionnelle, explique Marion Slitine, commissaire associée de l’exposition Palestine à l’IMA et spécialiste de la création contemporaine palestinienne. Entretien avec Marion Slitine à propos de l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde », à l’Institut du monde arabe, jusqu’au 31 décembre 2023.

    #Arts #conflit_israélo-palestinien #art_contemporain
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231222_palestine-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231222_palestine-2.pdf

  • US pressuring Switzerland to ignore Israeli war crimes | Al Mayadeen English
    https://english.almayadeen.net/news/politics/us-pressuring-switzerland-to-ignore-israeli-war-crimes
    https://alpha-en-media.almayadeen.net/archive/image/2023/12/21/30586f44-46e5-4735-a60c-f38154dedd73.jpg?width=1000

    #Israël et #conventions_de_Genève

    While “Israel” continues to massacre civilians unpunished, US State Department officials are discreetly attempting to impede efforts to increase global pressure on the occupation.

    State Department documents obtained by HuffPost indicate how US diplomats are finalizing a démarche to Switzerland that Washington hopes will cancel the preparations for an event to discuss Israeli violations of the Geneva Conventions in Palestine.

    Formal rulings that “Israel” breached the treaties in its US-backed war in Gaza would be a severe worldwide condemnation of both parties and would support the accusations of human rights groups that have amassed evidence that stands as proof of such violations.

    Switzerland, which has always been neutral, decides when meetings of the parties concerned to discuss compliance take place.