• « L’hospitalisation sous contrainte est trop souvent la porte d’entrée dans les soins psychiatriques », Martine Frager-Berlet, administratrice de l’association Les ailes déployées

    En tant que mère d’un fils soigné en #psychiatrie depuis plus de vingt ans et membre active d’associations de familles concernées, le débat suscité par l’accusation de « laxisme » dirigée contre la psychiatrie, faisant suite à des faits divers sanglants, me fait réagir vivement. « La France est le pays qui détient le record des hospitalisations sous contrainte », répondent des responsables, et cette affirmation est malheureusement vraie, ce que l’on devrait plutôt déplorer.
    Les personnes atteintes de maladies psychiques sévères – environ 3 millions en France – ne demandent pas spontanément des #soins, au moins pendant une première période de leur maladie chronique, parfois pendant plusieurs années. Le plus souvent, ce sont leurs proches qui contactent les services de psychiatrie, mais ceux-ci demandent que la personne malade vienne elle-même au centre médico-psychologique (CMP) de son quartier. La plupart du temps, quand elle va mal, elle ne veut pas y aller.

    Il faut donc attendre que la situation, dont les proches s’inquiètent, devienne intenable pour que des services interviennent – non pas les services de psychiatrie mais la #police ou les pompiers s’ils se reconnaissent compétents. Il faut pour cela une mise en danger ou une infraction. A ce moment-là, plusieurs semaines, plusieurs mois, ou même plusieurs années, peuvent s’être écoulés depuis la première alerte. La « crise » devient alors une « urgence », qui seule est considérée par les services de psychiatrie comme justifiant d’imposer au malade une hospitalisation.

    Des interrogations sur les missions de la psychiatrie

    Cette procédure est, de fait, la seule en vigueur en France pour apporter des soins à un malade psychique qui ne reconnaît pas sa maladie. L’hospitalisation sous contrainte est trop souvent la porte d’entrée dans les soins psychiatriques. Quand le patient sort de l’hôpital et retourne vivre dans son logement ou chez ses proches, il n’est pas seul, il a son ordonnance, sur laquelle sont inscrits les médicaments qu’il doit prendre.
    A-t-il compris qu’il est malade, accepte-t-il de se reconnaître comme tel et qu’il doit se soigner pour ne pas rechuter ? Là n’est pas la question selon l’hôpital : il faut libérer son lit et il a rendez-vous au CMP un mois plus tard. Va-t-il y aller ? Pendant combien de temps prendra-t-il son traitement ? Les rechutes sont fréquentes et elles se traduisent par une nouvelle hospitalisation sous contrainte, retour à la « case départ ». Il n’est donc pas étonnant que ce type d’hospitalisation soit très fréquent en France. Cela signifie-t-il que la psychiatrie a assuré ses missions ?

    Le code de la #santé_publique prévoit que les services de psychiatrie doivent assurer « un recours de proximité en soins psychiatriques (…) y compris sous forme d’intervention à domicile (…) Ils mettent à la disposition de la population (…) des services et des équipements de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale ». Et « dans chaque territoire de santé, l’agence régionale de santé organise un dispositif de réponse aux urgences psychiatriques ». Or, on l’aura compris, ce n’est clairement pas le cas.

    Une maltraitance institutionnelle

    Les hospitalisations sous contrainte, intervenant lorsque la crise est devenue aiguë, donnent lieu souvent à une mise à l’#isolement et parfois sous #contention (le malade est attaché à son lit) dans des conditions qui sont peu respectueuses de la dignité, ni même des textes applicables.

    La loi du 26 janvier 2016 prévoit en effet que « l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un #psychiatre, prise pour une durée limitée ». Ces « soins » psychiatriques sont très mal vécus par les patients et ils aggravent le désordre psychique et le rejet des soins : ils constituent, dans les établissements qui les pratiquent encore, une maltraitance institutionnelle.

    Que faire alors ? Intervenir dès que l’alerte est donnée, accompagner l’entourage qui a besoin de comprendre ce qu’il se passe, venir à domicile avant que la personne ne soit en crise aiguë sont des recommandations qui ont fait leur preuve. Après la crise, on le sait, le traitement chimique ne suffit pas, les patients ont aussi besoin dans la durée de #psychothérapies, d’#activités thérapeutiques (incluant le corps), de pédagogie sur leur maladie (#psychoéducation), de contacts avec des malades rétablis (#pair-aidance), de groupes de parole, de projets qui les tirent vers l’envie de se soigner.

    Favoriser l’inclusion dans la société

    Aujourd’hui, ici et là en France, des initiatives sont prises pour des soins psychiatriques de qualité, pourquoi sont-ils le fait de telle équipe motivée et volontaire au lieu d’être généralisés ? On l’oublie trop souvent : l’objectif de la psychiatrie ne se résume pas à empêcher la personne malade de nuire aux autres ou de se nuire à elle-même mais elle doit viser en priorité à favoriser le rétablissement, c’est-à-dire la capacité d’agir de cette personne, afin de favoriser son inclusion dans la société.
    Si des soins sont prodigués dès les premières alertes, un rétablissement durable se produira plus rapidement. Enfin, la « prévention des maladies psychiques » passe par l’information et la déstigmatisation de ces maladies du cerveau qui n’ont rien de plus honteux que les autres.

    Pour conclure, quelques lignes extraites d’un texte écrit par mon fils au sujet de sa première hospitalisation sous contrainte, que je cite avec son autorisation : « Mon droit à la dignité a directement été violé car j’ai été déshabillé de force par deux infirmiers, j’appelle ça une humiliation… Le monde nous laissait en plan, la vie à l’état statique. L’inexistence. Tout sauf du soin et de l’humanité. »

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/18/l-hospitalisation-sous-contrainte-est-trop-souvent-la-porte-d-entree-dans-le

    #urgences_psychiatriques #hospitalisations_sous_contrainte

  • L’accueil, une clinique d’hospitalité

    L’Utopie concrète du soin psychique

    A la suite de l’essai Emancipation de la psychiatrie qui remet en perspective les acquis institutionnels de la psychothérapie institutionnelle et du secteur de psychiatrie publique généraliste, L’accueil, une clinique d’hospitalité, utopie concrète du soin psychique, le reprend à partir de pratiques cliniques d’accueil du soin psychique émancipatrice de la « valeur humaine » en psychiatrie. L’humain, technique alternative en est l’enjeu politique majeur d’accès inconditionnel aux soins psychique dans la société, que ce soit pour les populations autochtones ou pour les réfugiés et exilés migrant de l’humanitaire.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/11/15/laccueil-une-clinique-dhospitalite

    #santé

  • Les pratiques d’un hôpital psychiatrique de Lens dénoncées

    Le contrôleur général des lieux de privation de liberté relève des conditions indignes et le non-respect de la loi sur les mesures de contention et d’isolement.

    L’autorité administrative chargée de contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté dénonce de nombreux dysfonctionnements au sein d’un hôpital psychiatrique de Lens (Pas-de-Calais), le centre de santé mentale Jean-Baptiste-Pussin. Le constat dressé, dans un rapport publié le 1er mars, par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, à la suite d’une visite du 10 au 14 janvier dans l’établissement, est sans appel : « Les patients, y compris en soins libres, sont cloîtrés, souffrent de conditions d’hospitalisation médiocres, de placements à l’isolement indignes et évoquent leur insécurité. Leurs droits, aussi peu connus des patients que du personnel, sont d’autant plus rarement mis en œuvre que les juges ne se déplacent pas dans l’établissement et s’accommodent des absences répétées des patients à leurs audiences. » Déjà en 2016 et en 2019 des rapports administratifs avaient souligné des dysfonctionnements.

    Restriction d’accès aux espaces extérieurs même pour les patients en soins libres, chauffage mal réparti à tel point que certains patients déclarent dormir en bonnet… Les problèmes sont nombreux. Si les personnes hospitalisées ne peuvent prendre l’air qu’entre 13 h 30 et 16 h 30, les chambres où ils doivent séjourner le reste du temps ne permettent paradoxalement pas la garantie de leur sécurité et de leur intimité, faute de système de verrouillage. De la même façon, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté décrit des chambres d’isolement indignes sans horloge permettant de se repérer dans le temps ni dispositif d’appel à l’aide pour les patients.

    « C’est l’improvisation »

    Outre ces conditions de prise en charge, c’est surtout le non-respect du cadre juridique des mesures d’isolement et de contention qui est dénoncé. Désignées par la loi comme étant des « pratiques de dernier recours » réservées aux personnes en hospitalisation sans consentement, ces mesures font pourtant l’objet d’une application généralisée en dépit du statut, de l’âge du patient, y compris mineur, et, pire encore, des décisions et contrôles effectués par les médecins en la matière. Est ainsi évoqué l’exemple d’une personne replacée à l’isolement une heure seulement après avoir bénéficié de la levée médicale de cette mesure…

    Certains professionnels de l’établissement, désemparés, reconnaissent que la direction ne recherche guère de solution à cette restriction de liberté illégale sur de nombreux aspects. « On nous a dit parfois que ça n’était pas légal, mais on ne nous dit pas quoi faire d’autre », résume un salarié.

    Les patients ne reçoivent pas toujours les décisions les concernant

    Les soins sans consentement sont pourtant soumis à un cadre procédural strict et doivent systématiquement faire l’objet d’un contrôle par un juge. « Là encore, c’est l’improvisation », déplorent certains. Les patients ne reçoivent pas toujours les décisions les concernant. L’audience se tient hors des murs du centre, compliquant la préparation du dossier pour les professionnels de justice. Résultat, 37 % seulement des patients sont présentés au juge des libertés et de la détention chargé de juger leur maintien en hospitalisation sans consentement. Le manque d’effectivité de ces décisions de justice et le risque d’enfermement arbitraire sont également signalés par le rapport. Une décision de la cour d’appel de Douai du 19 juillet 2021 ordonnant la mainlevée d’une hospitalisation sous contrainte n’a ainsi été exécutée que vingt-trois jours après sa notification.

    S’il regrette l’existence des manquements, le ministère de la justice, destinataire du rapport, tient à rappeler que l’absence des patients à l’audience devant le juge des libertés et de la détention est multifactorielle (refus du patient, possibilité de se faire représenter par un avocat, contre-indications médicales) et que les contraintes liées au ressort du tribunal de Béthune, comptant de nombreux centres psychiatriques, justifient que le juge ne se déplace pas au sein de l’établissement. Le garde des sceaux invite toutefois les chefs de cours à effectuer un rappel des dispositions légales et à procéder à un contrôle rigoureux des établissements placés sur leur territoire.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/03/01/un-hopital-psychiatrique-de-lens-denonce-pour-ses-pratiques_6115656_3224.htm

    edit Recommandations en urgence relatives au centre de santé mentale Jean-Baptiste Pussin à Lens (Pas-de-Calais), #CGPL
    https://www.cglpl.fr/2022/recommandations-en-urgence-relatives-au-centre-de-sante-mentale-jean-baptiste-

    #psychiatrie #hôpital #contention

    • « On est le triste reflet de l’effondrement de la psychiatrie » : dans les Flandres, un établissement de santé mentale en voie de « démantèlement »

      L’enterrement symbolique de la psychiatrie publique française est en marche. Les croix en bois plantées dans le sol de l’entrée de l’établissement public de santé mentale (EPSM) des Flandres, à Bailleul (Nord), illustrent depuis quelques mois le combat d’une partie des 1 200 agents hospitaliers contre le transfert annoncé de 70 lits de psychiatrie vers l’EPSM d’Armentières, à 15 kilomètres de là. « Bailleul va être amputée d’une partie de son histoire faute de psychiatres et d’internes en nombre suffisant, dénonce Nicolas Lefebvre, président du conseil de surveillance depuis 2015, et adjoint au maire de Bailleul. On est le triste reflet de l’effondrement de la psychiatrie publique en France. »
      Dans le Nord, comme partout en France, de Caen au Puy-en-Velay en passant par Allonnes (Sarthe), la pénurie de psychiatres est devenue telle que des établissements de santé sont contraints de fermer des lits ou de fusionner pour assurer un minimum de garanties de soins aux patients. « Même à Paris, à Sainte-Anne, ils ont du mal à recruter, explique le docteur Christian Müller, président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) des centres hospitaliers spécialisés (CHS) en psychiatrie. La situation est particulièrement préoccupante et ce qu’il se passe à Bailleul est emblématique de la psychiatrie nationale. »

      Recrutements quasi impossibles

      A Bailleul, aux pieds des monts des Flandres, celui que les habitants appellent encore parfois « l’asile » est une institution sur le territoire. Une ville dans la ville qui a compté jusqu’à 2 000 patients. Depuis cent soixante ans, un immense parc et une partie de la trentaine de pavillons étalés sur 35 hectares accueillent les malades. Au fil des années, la situation n’a cessé de se dégrader dans ce centre hospitalier spécialisé qui assure les soins en santé mentale des habitants de la Flandre intérieure et du littoral. « Le fond du problème, c’est que nous n’avons pas de médecins et que l’on n’arrive pas à recruter », résume Valérie Bénéat-Marlier, la directrice générale des EPSM Lille-Métropole et des Flandres.

      Problème de démographie médicale, le nombre annuel de psychiatres formés a été divisé par cinq au milieu des années 1980. La crise est sans précédent, avec près de 30 % des postes de praticiens vacants en France. « A Bordeaux, par exemple, il y a une nette tendance à la demande de prolongation d’activité des plus de 65 ans pour pallier ce manque », explique Christian Müller.

      Parallèlement, la psychiatrie ne séduit plus les étudiants en médecine. Comme à Bailleul, de nombreux postes d’internes ne sont pas pourvus en France. « C’est une des spécialités les moins choisies, regrette le docteur Eric Salomé, président de la CME de l’EPSM des Flandres. Il y a un problème d’attractivité. Et pourtant, on essaie de changer la représentation du métier auprès des jeunes. » Le niveau de salaires et la détérioration des conditions de travail dans des équipes de plus en plus exsangues n’aident pas à susciter des vocations.

      « Chez nous, la baisse du nombre d’internes a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, témoigne le docteur Eric Salomé. Quand on est moins nombreux dans un service, il y a un effet boule de neige, avec un nombre de gardes qui augmente et une charge de travail qui s’accroît. » Chaque jour, ce pédopsychiatre de 61 ans reçoit deux ou trois annonces pour lui proposer de travailler moins pour un salaire plus conséquent, parfois sans aucune garde. Des propositions issues du privé mais aussi d’établissements publics. « La concurrence est désormais sur les conditions de travail et sur les finances, dit-il. Moi, je reste à l’EPSM des Flandres, car je travaille avec des équipes qui me donnent envie, parce que mon travail est plus intéressant ici qu’ailleurs et que les projets sont passionnants. »

      Fermeture d’une ligne de garde

      Mais d’autres ont préféré partir. En février, la direction de l’EPSM des Flandres a été contrainte de fermer une ligne de garde. « Notre vocation est d’assurer des soins de qualité, mais ce grave déficit médical nous oblige à modifier notre organisation », explique Valérie Bénéat-Marlier. En quelques mois, la direction a dû faire face à l’annonce du départ de trois de ses six praticiens hospitaliers. « Au 1er janvier 2022, je n’aurai plus que trois psychiatres pour deux secteurs, et encore, il y en a une qui partira en congé maternité », précise la directrice, qui a même fait appel à un chasseur de têtes pour recruter.

      Dès son arrivée, en 2017, Valérie Bénéat-Marlier a pris d’importantes décisions pour faire face au déficit de près d’un million d’euros. « Désormais, on a les moyens de recruter correctement, dit-elle. On a une situation budgétaire saine, des projets innovants, mais sauf à vouloir tuer le service public psychiatrique, il faut corriger les écarts de rémunération entre public et privé. » La directrice, comme les syndicats, réclame aussi une répartition plus juste des internes, car depuis la réforme du troisième cycle de 2017, la majorité d’entre eux sont affectés au CHU de Lille. L’Agence régionale de santé des Hauts-de-France, à Lille, reconnaît que « la baisse du nombre d’internes dans cet établissement peut s’expliquer par une modification des maquettes d’internat intervenue en 2017, avec pour conséquence d’augmenter le nombre de stages au profit des CHU. »

      En attendant, c’est devant les locaux lillois de l’ARS que syndicats (CFTC, CGT, FO, SUD, UNSA) et élus locaux manifesteront le 16 septembre pour dire « non au démantèlement de l’EPSM de Bailleul et à la relocalisation de 70 lits de psychiatrie adulte sur le site de l’EPSM d’Armentières ». « Cette délocalisation aura des impacts catastrophiques pour les patients de la Flandre intérieure, estime Laëtitia Declercq (CGT), au nom de l’intersyndicale. Ils seront pris en charge loin de leur domicile, ce qui est à l’opposé de la politique de secteur. »

      Dans un contexte sanitaire qui a durement mis à l’épreuve la santé mentale des Français, Emmanuel Macron avait annoncé en janvier la tenue d’Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. La restitution de la consultation nationale ouverte en ligne depuis mai est prévue fin septembre. « Avec les Assises, il y aura sûrement des effets d’annonce, mais on a besoin d’une loi-cadre, de quelque chose d’ambitieux », insiste le président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) des centres hospitaliers spécialisés (CHS) en psychiatrie.

      Depuis sa rencontre avec le ministre de la santé, le 14 juin, pendant laquelle le praticien lillois a détaillé l’épuisement des équipes médicales en psychiatrie, la situation n’a cessé de se dégrader. « La question de l’#accès_aux_soins n’est plus une réalité en France, estime Christian Müller. _Dès 2018, nous avions alerté le ministère pour dire que la psychiatrie était en état d’urgence républicaine. C’est une catastrophe annoncée. »

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/09/13/l-etablissement-de-sante-mentale-de-bailleul-symbole-de-la-deliquescence-de-

      « Il faut donner à la psychiatrie les moyens ambulatoires et hospitaliers qui lui ont été soustraits lors de la fermeture de 70 000 lits »- Collectif inter-hôpitaux (CIH) https://seenthis.net/messages/905177

  • Psychiatrie : avis de défaillance généralisée – Eric Favereau, le 29 mars 2021
    https://www.liberation.fr/societe/sante/psychiatrie-avis-de-defaillance-generalisee-20210329_SNK2RNUPDREYLNCOVHAU
    https://www.liberation.fr/resizer/PWM7ZmcaKGOl_pImDPhw3xxrAeA=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/JL4PP56G3BCSNDOY2BLJHT32YI.jpg
    Selon le rapport de l’Unafam, 37 % des patients hospitalisés sans leur consentement sont aussitôt mis en isolement. (Aurelia Frey/Plainpicture)

    Recours excessif à la #contention, locaux indignes, non-respect des droits des patients… Dans une analyse de 135 rapports issus de 54 départements, l’Union nationale des familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques dresse un état des lieux alarmant du secteur médical. « Libération » y a eu accès en exclusivité.

    C’est inédit. C’est la vie au quotidien dans les #hôpitaux_psychiatriques français, et cela au plus près du terrain. Et que voit-on ? Une foule de petits dérapages. Ce sont des chambres d’#isolement sans fenêtre, des médecins absents et qui ne contrôlent pas les pratiques. Des certificats d’hospitalisation qui sont de simples copiés-collés. Des patients enfermés, sans sortie possible, alors qu’ils sont hospitalisés librement. D’autres qui sont obligés d’être en pyjama. Ce sont des mineurs avec des adultes. Des lits dans les couloirs. Des lieux fermés. C’est, au final, un monde de petits arrangements avec la loi, loin des bonnes pratiques que devrait requérir le fait de s’occuper de personnes en très grande souffrance psychique.

    Bien sûr, ce constat était connu en partie. Des visites dans des hôpitaux psychiatriques du contrôleur général des lieux de privation de libertés ont pointé, depuis cinq ans, des dérapages. Ils pouvaient donner le sentiment de bavures, de cas à part. Mais il s’agit là d’une tout autre dimension. Car cela dérape partout, dans toute la France. L’Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques (Unafam) vient, en effet, de terminer un travail exceptionnel de collecte des rapports des commissions départementales de soins psychiatriques. La fonction de ces structures est simple : observer, ausculter tout ce qui se passe en termes de soins psychiatriques dans le département, avec pour mission « de veiller au respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes hospitalisées sous contrainte en milieu psychiatrique ».

    Dans ces commissions, on trouve des psychiatres, des représentants des usagers et, jusqu’en septembre 2019, un magistrat. Chaque année, elles doivent rendre un rapport d’activité.

    L’Unafam a collecté 135 rapports provenant de 54 départements, concernant les années 2017, 2018, 2019. Celui de l’année 2020 n’est pas encore achevé pour cause de Covid. En tout, ce sont des moments de vie de plus de 50 000 patients qui ont été ainsi observés. « On peut dire que, presque partout, il y a des violations des droits des patients, des dysfonctionnements graves ou des incohérences problématiques », lâche, dépité, Michel Doucin, administrateur de l’Unafam qui a coordonné ce travail de collecte.

    Libération a pu lire cette synthèse (1) en exclusivité. Pêle-mêle, voilà un échantillon de ces mille et un petits scandales, une liste infinie à la Prévert :

    Il y a d’abord les locaux, souvent vétustes, souvent innommables, souvent indignes. En Seine-et-Marne, la commission a dressé les « points noirs » constatés ou signalés par les patients : « Insuffisance du chauffage, absence de serviettes de toilette, remplacées par des draps, portions de nourriture insuffisantes, qualité des repas médiocre, chambres à trois voire quatre lits, état dégradé de certaines pièces notamment des sanitaires, saleté des vitres, nettoyées trop rarement, impossibilité pour les patients d’être tranquilles dans leur chambre, difficultés d’accès aux espaces extérieurs pour les patients en fauteuil roulant, absence de sanitaires dans les chambres d’isolement. »

    Il y a ces horloges qui n’existent pas. Savoir l’heure est pourtant essentiel quand le temps vous est retenu. Dans le Val-de-Marne, à l’hôpital Albert-Chenevier, « les chambres n’ont pas d’horloge visible, ce qui ôte au patient ses repères dans le temps ». Dans l’Orne, concernant les chambres d’isolement, « il a été noté l’importance pour le patient de disposer d’un repère temporel clair, au même titre qu’un dispositif permettant à ce dernier d’appeler, au besoin, l’équipe soignante ». Mais, depuis deux ans, rien ne se passe. Dans les Hauts-de-Seine, la commission « a observé que, si les horloges existent bien, elles ont presque toujours été placées dans les couloirs d’accès aux chambres de soins intensifs et ne sont dès lors visibles que pour des personnes en position debout se plaçant devant les fenêtres d’observation ménagées dans les portes. Ceci exclut toute lecture de l’heure pour une personne allongée sur son lit, en particulier si elle est placée sous contention mécanique. La commission a pourtant rappelé qu’il s’agit d’une obligation réglementaire fondée sur un principe thérapeutique, et qu’elle ne peut être ignorée ». Mais qui s’en soucie ?

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    Il y a le temps qui coule. Des délais d’attente, sans fin, comme aux urgences. Au centre hospitalier du Forez (Loire), « le délai d’attente aux urgences est de quatre jours avec un taux d’occupation de 100 % depuis le début de l’année ». Et cette remarque : « Le service des urgences n’est pas adapté pour accueillir durant trois ou quatre jours des patients psychiatriques. »

    Il y a des hospitalisations qui n’en finissent pas. Dans l’Hérault, ce cas d’école : « Un patient a quitté l’établissement après avoir passé dix-neuf ans dans le secteur fermé, alors qu’il était en soins consentis. Il ne relevait pas d’une hospitalisation en psychiatrie, mais d’un accueil en établissement médico-social. » Toujours dans l’Hérault, « l’attention de la commission a été particulièrement attirée cette année sur la situation des patients dont la durée de séjour hospitalier dépasse cinq ans de présence effective sans rupture. Certains sont en soins sans consentement, mais d’autres ne le sont pas. Manifestement, ils sont en très grande difficulté pour exprimer une volonté, voire hors d’état de le faire. Leur situation échappe ainsi à tout contrôle, la fermeture de la chambre, le recours à la chambre d’isolement et à la contention leur étant par ailleurs imposés ».

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    Il y a les papiers à remplir. Et les consignes à suivre qui ne sont pas suivies. « Dans les régions rurales, il est difficile de trouver un médecin extérieur à l’établissement pour établir le certificat d’admission [sous contrainte] dans les cas de « péril imminent » [pour les patients représentant un danger pour eux-mêmes ou pour les autres, ndlr]. » Pour résoudre cette difficulté, l’hôpital de Nemours (Seine-et-Marne) envoie en ambulance un patient relevant d’une admission en « péril imminent » à l’hôpital de Fontainebleau, où il y a une permanence de SOS Médecins. Absurde. Beaucoup de commissions départementales dénoncent ainsi la pratique de « copiés-collés » des certificats médicaux standards. Tous pareils, sans lien avec le patient, comme une bureaucratie qui tourne toute seule.

    Il y a ces certificats mensuels non remplis. Ils sont pourtant obligatoires pour les patients au long cours. « A l’hôpital de Jury [Moselle], la visite de l’établissement laisse transparaître de nombreuses carences ; la commission rappelle qu’il est indispensable que le patient soit examiné par le médecin psychiatre tous les mois. »

    Il y a ces préfets qui refusent systématiquement toute permission de sortie. Dans le Maine-et-Loire, « il est observé un allongement de la durée des mesures du fait de l’exigence quasi systématique par la préfecture d’un deuxième avis sur les demandes de levées de mesures et pour certains passages en programme de soins ».

    Il y a ce taux qui n’a pas de raison d’être : 37 % des patients qui sont hospitalisés sans leur consentement sont aussitôt mis en isolement. Pourquoi ?

    Il y a l’arbitraire. Là on isole, là non. Au centre hospitalier de Dieppe (Seine-Maritime), « les heures de début et de fin d’isolement ne sont pas renseignées, les motifs de mise en isolement ne correspondent pas à des indications thérapeutiques ». Dans les Hauts-de-Seine, « à Antony et Issy-les-Moulineaux, il n’était pas clair que les décisions de mise en chambre d’isolement ou de contention prises par un interne ou par un infirmier devaient toujours être confirmées dans l’heure par la visite d’un médecin auprès du patient ». Dans la Loire, « il est souvent constaté que l’usage de la contention et de l’isolement est différent selon les équipes soignantes ». Au centre hospitalier d’Allonnes (Sarthe), « lors de la visite d’une chambre d’isolement, on relève que le patient est en chambre d’isolement la nuit mais libre la journée, ce qui est contraire à la loi ». A Dieppe, « lors d’une admission, les patients sont systématiquement placés en « chambre d’apaisement », terme qui n’existe pas au regard de la loi et qui correspond donc à un placement en chambre d’isolement. Les membres de la commission constatent que, pour des raisons de sécurité, il y a de plus en plus d’unités fermées ». Plus généralement, les comparaisons entre établissements d’un même département pointent des pratiques aux antipodes : « En comparant les pratiques des deux pôles de psychiatrie de Melun et Provins [en Seine-et-Marne, ndlr], le nombre moyen de placements en isolement par patient distinct est près de quatre fois plus faible à Provins qu’à Melun. » Pourquoi ? « A Melun, chaque patient est mis en moyenne près de cinq fois en isolement. » Pourquoi ? « La commission constate une pratique d’isolement globalement importante dans les différents établissements psychiatriques des Hauts-de-Seine, qui peut, pour certains patients, s’étendre à plusieurs mois. » Au Havre (Seine-Maritime), « il a été constaté l’utilisation de chambres d’isolement ouvertes pour pallier l’absence de chambres classiques ». C’est le cas dans un grand nombre d’établissements.

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    Les pédopsychiatres sont-ils une espèce en voie de disparition ?

    Il y a ces droits que l’on ne respecte pas. Un non-respect global. « D’une manière générale, la lecture des dossiers de patients a permis de constater que très peu de récépissés sont signés par les patients eux-mêmes. Trop souvent, ces documents sont signés par un membre de l’équipe soignante, ce qui constituerait « une solution de facilité », pointe l’Unafam dans son rapport de synthèse. Dans l’Hérault, la commission constate « l’accès inhomogène persistant dans les différents services au portable, à Internet et à la télévision sur la base de critères pas toujours accessibles aux patients et à leurs proches. La liberté de circulation des patients vers leur chambre est aléatoire d’une unité à l’autre et sur la base de critères, là encore, inhomogènes ». S’agissant des droits des patients, l’Unafam note en conclusion « que les entorses les plus évidentes concernent la liberté d’aller et venir et l’usage du téléphone. Les restrictions à la liberté d’aller et venir comportent des degrés divers. A Meaux [Seine-et-Marne], les portes des services sont fermées en permanence, ce qui oblige les soignants à des allers-retours pour ouvrir la porte aux patients ayant le droit de circuler. Il en va de même à Jossigny. A Provins, le bâtiment, qui abrite un seul service, est fermé. A Nemours, les portes des services sont généralement ouvertes, mais en contrepartie des patients sont maintenus enfermés dans leurs chambres ».

    Il y a ces mineurs hospitalisés avec les adultes. En Loire-Atlantique, « la situation est critique. La plupart des mineurs, eux, sont considérés en soins libres, ils sont pourtant très fréquemment placés en chambre d’isolement, pour leur propre protection, argumentent les soignants ». De plus, « un nombre important de mineurs est de nationalité étrangère et cela pose, de même que pour les adultes étrangers, des problèmes d’accès à leurs droits ».

    Il y a enfin ces malades qui demandent à voir les membres de la commission. « De façon quasi unanime, les patients rencontrés contestent le bien-fondé de la mesure de l’hospitalisation. Les autres sujets évoqués sont une demande de changement de psychiatre, le mécontentement d’être à trois patients dans la chambre, une demande de transfert en chambre individuelle, le souhait de récupérer des documents de son dossier médical, la nécessité de soins somatiques et de pédicurie, les effets secondaires du traitement, les autorisations de sorties pour pouvoir s’occuper d’animaux au domicile ». Etc.

    « Ce n’est pas grand-chose, mais cela changerait leur vie », lâche l’administrateur Doucin. Et d’ajouter : « Tous ces rapports sont faits sur papier officiel, avec l’en-tête de l’agence régionale de santé. Il est fait état, parfois, de traitements inhumains. Ce n’est pas rien, et… il ne se passe rien. »

    (1) « La pratique des commissions départementales des soins psychiatriques au service du respect des droits fondamentaux en psychiatrie vue à travers leurs rapports annuels d’activité », Unafam, mars 2021.

    #psychiatrie

  • Pourquoi les soins psychiatriques sans consentement s’invitent dans la loi sur le passe vaccinal
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/30/pourquoi-les-soins-psychiatriques-sans-consentement-s-invitent-dans-la-loi-s

    Le projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal soumis au Parlement contient une belle incongruité. L’article 3 (et dernier) de ce texte passé lundi 27 décembre en conseil des ministres porte sur les mesures d’isolement et de contention en hôpital psychiatrique, sans aucun rapport avec la gestion de la crise sanitaire. Il vient réparer en catastrophe des malfaçons en série du gouvernement au sujet des soins sans consentement en psychiatrie hospitalière. Trois censures du Conseil constitutionnel en dix-huit mois sur le même sujet sont passées par là.

    Le 19 juin 2020, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), l’institution présidée par Laurent Fabius censurait la loi de 2016 encadrant les mesures d’isolement (enfermement dans une chambre) et de contention (immobilisation médicamenteuse ou mécanique) dans les hôpitaux psychiatriques. Ces décisions, prises par les médecins pour des patients jugés dangereux pour les autres ou pour eux-mêmes, « constituent une privation de liberté » et ne peuvent pas être maintenues au-delà d’une certaine durée sans un contrôle par le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, avait affirmé le Conseil constitutionnel.
    Trois censures

    Les ministères de la santé et de la justice ont donc fait voter, dans la loi du 14 décembre 2020, un nouveau dispositif permettant aux médecins de renouveler ces mesures « à titre exceptionnel » au-delà de la limite légale de quarante-huit heures pour un isolement et de vingt-quatre heures pour une contention, à la condition que le médecin informe « sans délai le juge des libertés et de la détention [JLD], qui peut se saisir d’office ». Mais patatras, nouvelle QPC, nouvelle censure, le 4 juin 2021. Selon le Conseil constitutionnel, cette information n’empêche pas de renouveler indéfiniment des mesures sans avoir la garantie d’un contrôle effectif par le juge. L’institution reporte au 31 décembre l’effet de cette censure, le temps pour le législateur d’établir un nouveau texte.

    Bon gré mal gré, l’avenue de Ségur et la place Vendôme se sont rangées à la saisine automatique du juge judiciaire à laquelle ils étaient rétifs, en raison notamment des craintes sur la capacité d’une justice déjà surchargée à faire face. L’article voté en novembre pour modifier le code de la santé publique prévoit que l’autorisation d’un juge est obligatoire pour pouvoir prolonger une mesure d’isolement au-delà de quatre jours ou une mesure de contention au-delà de trois jours. De quoi respecter enfin l’article 66 de la Constitution selon lequel « nul ne peut être arbitrairement détenu ».

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    • Mais le gouvernement a eu la mauvaise idée de glisser cet article dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022, en dépit de l’avertissement de plusieurs parlementaires. Résultat, le 16 décembre, encore une censure ! Cette fois, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond, mais sur la forme, dénonçant un cavalier législatif, c’est-à-dire une disposition sans rapport avec l’objet de la loi qui l’abrite. C’est ce même article qui se retrouve aujourd’hui dans le texte sur le passe vaccinal, mais le gouvernement a pris soin de le préciser dès le titre de son projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ».

      « Situation inédite de vide juridique »

      Reste une difficulté. Que va-t-il se passer dans les hôpitaux psychiatriques, et en particulier dans les unités pour malades difficiles (UMD), après le 31 décembre, date d’entrée en vigueur de la censure prononcée en juin, et le moment, d’ici à fin janvier 2022, où le nouveau texte devrait être promulgué ? « C’est une situation inédite de vide juridique, constate Paul Jean-François, psychiatre à l’hôpital Paul-Guiraud, à Villejuif (Val-de-Marne), et membre du bureau du Syndicat des psychiatres des hôpitaux. Notre responsabilité peut être engagée au pénal et au civil alors qu’il y a des situations d’urgence où nous n’avons pas le choix. Dans certains cas de crise, ne pas placer un patient à l’isolement poserait la question de la non-assistance à personne en danger. »
      D’un point de vue juridique, c’est donc l’état du droit antérieur à 2016 qui s’applique, sauf que recourir à l’isolement ou à la contention sans contrôle du juge judiciaire a été déclaré contraire à la Constitution. Des poursuites pour « séquestration » pourraient théoriquement être engagées. La Fédération française de psychiatrie recommande ainsi aux médecins de faire comme si… et de saisir le juge des libertés, conformément au dernier article censuré. Avec le risque d’interprétations divergentes par les JLD, certains pouvant tout simplement rejeter ces demandes d’autorisation sans base légale.

      Pour André Bitton, du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie, cette impasse législative à laquelle le gouvernement a été acculé « prouve le désintérêt des responsables politiques pour ces sujets, sauf quand on est sous un angle purement sécuritaire ». La Haute Autorité de santé avait préconisé, en 2017, la création d’un observatoire national des soins sans consentement et des mesures d’isolement et de contention, afin notamment de « participer et stimuler la recherche à partir du recueil des données nationales concernant ce sujet ».

      En 2021, on en est encore à rechercher une solution logicielle pour recueillir ces données de façon fiable et uniforme. Matignon avance néanmoins des chiffres selon lesquels 121 000 placements à l’isolement et 33 000 mesures de contention ont été prescrits en 2018 pour des personnes hospitalisées sans consentement.

      LA RÉFORME DES SOINS SANS CONSENTEMENT : TOUT SAUF UN LONG FLEUVE TRANQUILLE ! RETOUR SUR LES DIX ANS D’APPLICATION DE LA LOI DU 5 JUILLET 2011
      https://www.cneh.fr/blog-jurisante/publications/psychiatrie-et-sante-mentale/la-reforme-des-soins-sans-consentement-tout-sauf-un-long-fleuve-tranquille-reto

      N’avait pas relayé l’article, ayant l’impression que la psychiatrie intéresse peu ici. C’est sur ce « secteur » que s’est expérimenté le dégraissage du mammouth hospitalier dès la première mandature socialiste des années 80. Des dizaines de milliers de lits ont été supprimés, ainsi que le diplôme d’#infirmier_psychiatrique (sous Bérégovoy, en 1992)
      Analogie qui vaut ce qu’elle vaut : tout le monde a noté que les besoins actuels en réa ont contraint à utiliser des infirmières qui n’ont pas été formées pour ça. Pas simple avec du physiologique complexe et des protocoles très technique (coopération juste à temps, machines élaborées).
      En psychiatrie, on a fait comme si la relation thérapeutique était peu de choses, ou bien une affaire de psychiatres (on rigole quand on sait de combien temps dispose les psy dans les institutions) là où au contraire elle avait fait l’objet d’attentions multiples depuis des décennies. L’un des textes initiaux de la psychothérapie institutionnelle était le Cours aux infirmiers de Saint-Alban (1943-1945) : psychologie, psychiatrie, soins à donner aux malades de François Tosquelles. Ce même Tosquelles avec quelques idées sur l’"être avec", lui qui présentait le menuisier de Saint-Alban comme le soignant le plus efficient de la clinique.

      #fous #folie #hôpital #destruction_de_la_psychiatrie #psychiatrie #lits_d'hospitalisation_supprimés #accès_aux_soins #contention #isolement #hospitalisation_sans_consentement #vide_juridique #cavalier_législatif #droit_des_patients #droits_des_malades #droits_fondamentaux

  • Des actes «assimilés à de la torture» dénoncés à l’hôpital Guillaume-Régnier à Rennes
    https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/des-actes-assimiles-a-de-la-torture-denonces-a-l-hopital-guillaume-regnie

    Un patient a été placé à l’isolement 380 jours d’affilée, un autre a subi 510 jours consécutifs de contention. Plusieurs dizaines d’autres cas existent au centre hospitalier Guillaume-Régnier à Rennes, d’après le rapport dressé par l’établissement en 2018.

    Des bénévoles de la commission des citoyens pour les droits de l’homme ont manifesté devant l’établissement, ce vendredi 13 août. La porte-parole, Coralie Gamet, dénonce le recours excessif à l’isolement et la contention. « Le centre hospitalier Guillaume-Régnier est l’un des trois pires #établissements_psychiatriques en France ». Deux points inquiètent l’association : la quantité de patients concernés par ces pratiques et la durée de ces traitements.

  • Maintien à l’isolement d’une personne hospitalisée sans son consentement : le Conseil constitutionnel exige l’intervention d’un juge
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/19/maintien-a-l-isolement-d-une-personne-hospitalisee-sans-son-consentement-le-

    La haute juridiction laisse au législateur jusqu’au 31 décembre pour modifier le texte en organisant ce contrôle du juge afin d’encadrer le maintien à l’isolement ou en contention « au-delà d’une certaine durée ».

    [...] La haute juridiction était saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contre la loi du 26 janvier 2016 qui établit un cadre pour le recours à l’isolement ou la mise sous contention d’une personne hospitalisée en psychiatrie sans consentement.
    Le requérant, lui-même hospitalisé à plusieurs reprises, reprochait au texte de ne pas respecter l’article 66 de la Constitution qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
    Lors de l’audience, son avocat, Raphaël Mayet, avait qualifié ces placements à l’isolement et sous contention de « degré ultime de l’atteinte aux libertés » , et déploré que cela se fasse sans la protection d’un juge et sans recours possible. « C’est le seul îlot d’atteintes aux libertés exonéré de contrôle juridictionnel effectif », avait-il ajouté.

    Le Conseil constitutionnel relève que « le placement à l’isolement ou sous contention (…) ne peut être décidé que par un psychiatre pour une durée limitée lorsque de telles mesures constituent l’unique moyen de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour la personne ou autrui » . La mise en œuvre de ces mesures doit faire l’objet « d’une surveillance stricte » des professionnels de santé. Un registre doit être tenu pour veiller à la traçabilité des mesures d’isolement et de contention, et l’établissement doit établir un rapport annuel pour en limiter le recours.

    Pour le Conseil constitutionnel, la loi fixe ainsi des garanties pour que ces mesures soient « adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état de la personne qui en fait l’objet » .[...]

    « Si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n’a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire » , écrit le Conseil constitutionnel. La haute juridiction a laissé au législateur jusqu’au 31 décembre pour modifier le texte en organisant ce contrôle du juge.

    #hospitalisation_sans_consentement #psychiatrie #isolement #contention #contrôle_du_juge_judiciaire

  • Hôpitaux psychiatriques : l’indignation d’Adeline Hazan sur les conditions de confinement des patients
    https://www.franceinter.fr/hopitaux-psychiatriques-l-indignation-d-adeline-hazan-sur-les-conditions

    Alertée sur des « violations graves des droits des personnes » dans un établissement public de santé mentale du Val-d’Oise, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a organisé une visite « surprise » le 18 mai dernier. Elle a permis de constater des traitements indignes, décrits dans un rapport cinglant.

    En venant visiter l’établissement Roger Prévot de Moisselles (dans le Val-d’Oise) avec trois de ses collaborateurs, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ne s’attendait sans doute pas à un si triste spectacle. Des patients privés de leurs effets personnels, habillés d’un pyjama en tissu déchirable, parfois sans sous-vêtements. Des chambres sans douche, sans télé ni radio, sans horloge, voire sans chaise (sauf pour les repas). Et surtout, des patients parfois « enfermés à clé 24 heures sur 24 », sans aucune décision liée à leur état psychiatrique et « dans des espaces dangereux car non aménagés à cet effet ».

    L’une d’elle a même fini aux urgences après avoir tenté vraisemblablement de s’enfuir par la fenêtre de sa chambre, au deuxième étage.

    Dans son rapport publié ce vendredi, Adeline Hazan dénonce "une confusion entre le régime de l’isolement psychiatrique [...] et le confinement sanitaire". Autrement dit, l’établissement a restreint de manière excessive les libertés de ses patients, sans aucune autre justification que le risque de contamination par le Covid-19 . Une situation en partie corrigée depuis, constate-t-elle, mais qui justifie d’émettre en urgence plusieurs recommandations à suivre et de montrer l’exemple à ne pas suivre à d’autres établissements du même type. Une procédure très rare.

    Officiellement, cette décision d’enfermer à clé les patients a été prise sur la base d’une circulaire détaillant des mesures de confinement lié à l’épidémie de coronavirus, mais la Contrôleure générale note que "le confinement strict en chambre fermée à clé n’est pas mentionné dans cette circulaire". "Les praticiens l’ont décidé en lui donnant un caractère systématique, prétendant que les patients de psychiatrie ne seraient pas à même de comprendre et de respecter les gestes barrière." Une « mauvaise compréhension prétendue », selon le rapport, qui n’est "pas démontrée, et en tout cas, loin d’être générale".

    "Ces privations de liberté injustifiées et illégales ont été mises en œuvre dans des conditions indignes", assène encore le texte.
    Adeline Hazan adresse donc plusieurs recommandations de principe : un patient en soins libres qui refuserait d’être hospitalisé en unité « Covid » doit pouvoir quitter l’hôpital ; l’enfermement dans une chambre ne peut reposer que "sur une décision d’isolement motivée par la mise en danger immédiate ou imminente du patient ou d’autrui" ; enfin "une telle contrainte ne peut être imposée ni à un patient en soins libres ni pour une durée excédant quelques heures" .

    Elle prohibe également "les mesures d’enfermement, de sédation ou de contention" justifiées uniquement par "les moyens dont dispose l’établissement", comme le manque de personnel ou d’infrastructures. _" Aucune mesure de privation de liberté ne peut être prise ni aggravée pour des raisons d’organisation, principe qui ne peut souffrir aucune exception."_

    Ces recommandations ont été adressées au ministre des Solidarités et de la Santé, qui n’y a pour l’instant pas répondu. La direction générale de l’offre de soins (qui dépend du ministère) a de son côté rappelé l’existence d’une fiche relative à la liberté d’aller et venir des patients dans les services de psychiatrie en période de déconfinement.

    (graisses d’origine)

    #psychiatrie #psychiatrisés #psychiatres #hôpital #enfermement #isolement #contention #privation_de_liberté

  • Interné à la demande de son supérieur le préfet, « libéré » par la justice - Le Point
    https://www.lepoint.fr/faits-divers/interne-a-la-demande-de-son-superieur-le-prefet-libere-par-la-justice-19-08-

    Le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Grasse a ordonné la mainlevée de l’#hospitalisation_sous_contrainte d’un fonctionnaire de 56 ans, en poste à la direction des territoires des Alpes-Maritimes. En « soins psychiatriques » depuis douze jours, Éric D., agent de catégorie A, avait été interné à la demande du #préfet, qui n’est autre que son supérieur hiérarchique. Le Code de la santé publique prévoit que lorsqu’une personne « compromet la sûreté des personnes ou porte gravement atteinte à l’ordre public », le représentant de l’État (le préfet) peut ordonner son hospitalisation d’office, « par arrêté et au vu d’un certificat médical [...]

    Apparemment très agité, Éric D. est placé dans un premier temps à l’isolement et mis « en #contention ». « Pour dire les choses clairement, on l’a attaché à son lit, pieds et poings liés. Il a été privé de douche durant plusieurs jours. Quand il est sorti, il se trouvait dans un état lamentable, sous le choc ; il ne pouvait plus marcher, on aurait dit une loque. ».

    ...

    S’estimant « placardisé » par son chef de service, qu’il accuse d’avoir organisé son désœuvrement en lui confiant « une mission bidon », Éric D. avait, en effet, déposé une plainte pour « harcèlement moral » contre son chef de service, le 2 juin, soit deux mois avant son internement. Rétrogradé deux fois, privé de ses primes, il avait été suspendu de ses fonctions le 7 avril en attendant de comparaître devant le conseil de discipline – décision attaquée depuis par son avocat. « On lui reprochait d’avoir pris fait et cause pour des étrangers qui, après avoir fait la queue toute la nuit dans le froid, avaient été refoulés du bureau de l’accueil et de l’admission au séjour de la préfecture où ils venaient faire enregistrer leur demande », relate son avocate. « Miné par ces conflits à répétition et les pressions dont il faisait l’objet, mon client était dépressif.

    #dépression #internement #abus_de_pouvoir #placardisation #répression

  • Les patients d’un hôpital psychiatrique retrouvent un peu de liberté - Caroline Coq-Chodorge, Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/170618/les-patients-dun-hopital-psychiatrique-retrouvent-un-peu-de-liberte?onglet

    Les pratiques de contention et d’isolement au Centre psychothérapeutique de l’Ain ont provoqué un scandale en 2016. Depuis, la plupart des patients hospitalisés ont retrouvé leur liberté d’aller et venir. Les pratiques de soins s’en trouvent bouleversées. Mais la société reste tentée par l’illusion de sécurité qu’offre l’enfermement des malades mentaux.

    D’entrée, nous voilà prévenus : « La médiatisation a été un traumatisme supplémentaire. On a regardé la psychiatrie par le trou de la serrure de la chambre d’isolement. Certains soignants ont été traités de tortionnaires, jusque dans les cours d’école de leurs enfants », s’indignent, d’une même voix, la cinquantaine de cadres de santé, ceux qui dirigent les équipes d’infirmiers et d’aides-soignants du Centre psychothérapique de l’Ain (CPA), réunis à l’occasion de leur réunion hebdomadaire.

    Dans cet hôpital psychiatrique vieux de 150 ans, situé à Bourg-en-Bresse, hérité d’une congrégation religieuse et devenu privé non lucratif, travaillent 80 médecins, 600 soignants, 1 200 salariés en tout, qui accueillent chaque année 16 000 patients, à l’intérieur de l’hôpital qui compte 308 lits, mais surtout à l’extérieur, dans des hôpitaux de jour, des centres médico-psychologiques (CMP), des centres d’activité thérapeutique à temps partiel (CATTP), etc.

    Début 2016, cet hôpital a été épinglé sans ménagement par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan. Elle a dénoncé dans des recommandations en urgence publiées au Journal officiel des « violations graves des droits fondamentaux des patients » au CPA, en particulier « un recours à l’isolement et à la contention utilisés dans des proportions jamais observées jusqu’alors ». « Ce n’était pas la réalité de la plupart des soins, nuance la directrice des soins Brigitte Alban. 90 % de notre temps, nous le passions à aider les patients à ne pas aller dans la crise. » Mais elle affirme aussi fermement, devant tous les cadres de santé qui travaillent sous sa responsabilité : « Nous assumons collectivement, c’est notre devoir, une responsabilité pleine et entière. L’établissement a peut-être glissé vers une vision sécuritaire des soins. »


    Le docteur Philippe Pinel faisant tomber les chaînes des aliénés. © Tony Robert-Fleury (1838-1911)

    « Cet hôpital avait auparavant 46 chambres d’isolement, ce n’était pas une situation normale », reconnaît lui aussi le directeur Dominique Bloch-Lemoine, nommé à la suite du scandale. Au CPA, qui ne comprend pourtant pas d’unité pour malades difficiles (UMD), une unité entière était dédiée à l’isolement des malades, et souvent à leur contention. Sinistre ironie : cette unité était baptisée Pinel, du nom du médecin qui, pendant la Révolution française, a ôté les chaînes des malades mentaux et fondé la psychiatrie. Dans cette unité, la CGLPL a constaté que « dans le meilleur des cas », les patients n’étaient enfermés « que 19 heures par jour dans leur chambre ». Ou encore que certains malades étaient « sous contention la nuit, d’autres, en permanence. Une jeune femme, présente depuis un an, était constamment sous contention des quatre membres, le lien posé sur l’un des deux bras était ajusté de façon à lui permettre de reposer le bassin au sol sans l’aide d’un soignant. Elle a précisé qu’elle était autorisée à retourner chez elle un week-end sur deux, ce qui lui permettait de se rendre chez le coiffeur ou au restaurant ».

    « On a tous participé de ce système-là, assume Raphaëlle Jougla, la cadre de l’unité des Charmilles, pourtant l’une des plus ouvertes de l’établissement. Les patients venaient de toutes les unités de l’hôpital. Quand l’équipe était fatiguée par un patient délirant, on se disait qu’il fallait qu’il fasse un séjour de rupture… C’était la solution de facilité. »
    La culture sécuritaire imprégnait le centre tout entier, qui pratiquait la politique des portes fermées. Les soignants étaient occupés à gérer les restrictions de liberté : les journées passées à l’isolement et en pyjama à l’admission, l’accès au téléphone limité, le nombre de cigarettes fumées, les heures de sortie, toujours accompagnées, celles où les patients pouvaient lire des magazines, écouter la radio, regarder la télé… « Tout était protocolisé. Les soins, c’était faire respecter ça », explique l’infirmier Jean-Loup Mortel. Pour la psychologue du service, Nathalie Guinchard, « les patients se retrouvaient soumis au bon vouloir de l’autre ».

    Le médecin-chef responsable de ces pratiques a été licencié. Le directeur de l’établissement est parti précocement à la retraite. Et la première recommandation d’Adeline Hazan, qui était d’« ériger en règle la libre circulation dans l’établissement », a été mise en pratique rapidement. La moitié des chambres d’isolement ont été fermées. Le recours à l’isolement a été divisé par onze. Toutes les unités étaient auparavant fermées, désormais 9 sur 12 sont ouvertes en permanence, les patients allant et venant à leur guise. Le monde de la psychiatrie bruisse désormais des échos de l’expérience menée au CPA, preuve que la vision sécuritaire de la psychiatrie qui y a été longtemps pratiquée n’était pas une dérive solitaire, mais bien collective, celle de la société tout entière.

    L’hôpital psychiatrique de Bourg-en-Bresse, remarquablement entretenu, dispose d’un écrin splendide : un immense parc de 73 hectares, qui alterne bois touffus, champs, étangs, et qui ne peut-être clos. « C’est pour tromper l’ennemi ! » nous met en garde André Bitton, le président du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA), « ex-patient » de la psychiatrie et blogueur sur Mediapart. Autrement dit, les environnements souvent majestueux des hôpitaux psychiatriques seraient faits pour cacher de sombres pratiques.

    Avant la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, ni la Haute Autorité de santé ni l’Agence régionale de santé, qui visitaient régulièrement l’établissement, n’avaient rien trouvé à redire aux pratiques du CPA. Ce parc a toujours alimenté les plus grandes craintes : celle des fugues, des trafics, etc.

    L’ouverture des unités a en effet attiré dans le parc des trafiquants de drogue, qui y viennent à la rencontre de leurs consommateurs, nombreux en psychiatrie. De nombreux soignants rappellent que leurs patients sont avant tout vulnérables, souvent victimes d’agression. Dans le parc ou à l’occasion de sorties en ville, des patients ont été molestés ou détroussés. L’établissement a connu un nouveau drame fin 2017 : une vieille dame de 80 ans qui se promenait dans le parc a chuté et s’est noyée dans un bac de décantation : « Il y a un étang dans le parc qui est sécurisé. Personne n’aurait pu prévoir qu’un tel accident puisse arriver, assure Brigitte Alban. Ouvrir, c’est aussi vivre avec certains risques. »

    « Les patients ne mettent plus leur énergie à lutter contre le cadre qui leur est imposé »

    La balance bénéfice/risque est clairement en faveur de l’ouverture des portes, affirme le psychiatre Thierry Najman, qui a consacré un livre, Lieu d’asile, aux mesures d’enfermement : « Une étude récente vient s’ajouter à d’autres études pour montrer que les patients ne fuguent pas plus lorsque les portes des services hospitaliers sont ouvertes. De surcroît, une politique d’ouverture des portes diminue le risque de tentative de suicide. Et qui a évalué la pratique des contentions mécaniques ? Celles-ci peuvent provoquer des traumatismes psychiques, mais également des phlébites, des luxations ou des déchirures musculaires. Leur utilisation peut même aboutir à la mort par strangulation, asphyxie ou embolie pulmonaire. Il existe trop peu de données sur les événements indésirables liés aux contentions qui sont pourtant en usage dans la quasi-totalité des établissements psychiatriques français. Le comble est qu’aucune étude n’a montré leur intérêt thérapeutique. »

    Au CPA, l’ouverture a eu de puissants effets sur les pratiques de soins. « Les patients ne mettent plus leur énergie à lutter contre le cadre qui leur est imposé », constate la médecin psychiatre Sophie Variclier. « Ils peuvent mettre à profit le temps de l’hospitalisation à se demander pourquoi ils sont là », complète la directrice des soins Brigitte Alban.

    L’unité des Charmilles, comme les autres, a ouvert ses portes. « Au départ, on cherchait les patients tout le temps. Il a fallu être inventifs et trouver des moyens de les faire rester dans le service », explique la cadre Raphaëlle Jougla. L’unité a ritualisé un « café-rencontre » hebdomadaire, afin d’impliquer les patients dans la création de projets. « On s’est rendu compte que certains patients ne sortaient jamais », poursuit la cadre. Ils vont désormais au cinéma, font des pique-niques, de la marche rapide, des ateliers cuisine, etc.

    L’infirmier Jean-Loup Mortel anime trois fois par semaine une séance de méditation de pleine conscience, qu’il pratique lui-même. « J’ai débuté cette activité il y a quatre ans, dans cette unité, parce qu’on pouvait déjà y débattre, y échanger. Avant la crise, c’était une pratique divergente. Elle est devenue exemplaire. L’institution accepte que l’on ne puisse rien faire, sans exiger des résultats », explique l’infirmier. Il en obtient tout de même : plus des deux tiers des patients de l’unité participent à ces séances. Les soignants sont unanimes : la violence dans l’unité a baissé, ainsi que le recours aux neuroleptiques.

    Troublé, Martial Degenmann, un aide-soignant de l’unité des Charmilles, qui a longtemps travaillé dans l’unité Pinel, confie : « Je vois aujourd’hui des patients qui étaient à l’isolement 20 heures sur 24 se promener seuls dans le parc, prendre le bus, aller au restaurant… C’est incroyable. Je ne les en pensais pas capables. » Pour la directrice des soins Brigitte Alban, « quand on se retrouve face à des gens qui perdent la main sur leur vie, on peut avoir une attitude surprotectrice, chercher à limiter tous les espaces d’insécurité, et leur nuire sans le vouloir ».

    La pratique de l’isolement persiste. Mais sa durée moyenne est désormais « inférieure à une journée, explique Sophie Variclier, médecin psychiatre et présidente de la Commission médicale de l’établissement. Elle dure la plupart du temps quelques heures seulement, le temps que cesse la crise, que les médicaments fassent effet. La contention au long cours, comme elle a pu être dénoncée, a disparu. Elle est devenue rare et utilisée sur de très courtes périodes. »

    Une unité reste en permanence fermée, celle dédiée aux « patients très déficitaires », souvent des adultes porteurs de troubles du spectre autistique très sévères, ou de polyhandicaps, qui ne sont pas capables de sortir seuls dans un parc. Ils ont cependant accès à une cour intérieure et font des sorties à l’extérieur, accompagnées, au restaurant ou à la piscine. Ce sont des patients hypersensibles, au bruit, au toucher, à la lumière, au contact de l’autre. En situation de crise, certains s’automutilent. Les soignants ont dans ces cas encore recours à la contention. Mais ils cherchent d’autres solutions, comme le recours à des gants ou à des combinaisons intégrales de plongée.

    La psychiatre Sophie Variclier ne cache pas que quelques patients, qui se comptent sur les doigts d’une main, font éclater les cadres, échouer toutes les propositions de soins. « Ce sont des patients que l’on ramène chez soi. Soit on est très restrictifs, soit on abandonne et on les laisse sortir, ce qui n’est pas une solution… Ce qui a changé aujourd’hui : on essaie de ne plus les gérer seuls, chacun dans son coin. On échange entre médecins, on passe le relais, on tente d’autres solutions. Et on s’appuie beaucoup plus sur les compétences de nos équipes. »

    L’organisation du CPA a beaucoup évolué : auparavant verticale, obéissant à l’autorité médicale, elle est désormais plus horizontale. L’approche soignante – celle des infirmiers – paraît confortée, tandis que le pouvoir médical semble vacillant. La présidente de la Commission médicale d’établissement Sophie Variclier reconnaît que les médecins de l’établissement traversent une crise, en premier lieu liée à la désertification dramatique du département de l’Ain : « Nous sommes 44 psychiatres, 9 postes sont vacants, nous en sommes réduits à faire appel à des intérimaires. Il n’y a plus de psychiatre en ville sur lesquels s’appuyer, et même de moins en moins de généralistes. La charge de travail est grandissante. J’ai sondé les médecins : leur seul vécu positif tient aux bonnes relations avec les équipes. »

    Le syndicat majoritaire, la CFDT, témoigne aussi d’un mal-être du personnel : « L’ouverture a été brutale, beaucoup de monde est désorienté, ne trouve plus de sens à ce qu’il fait. Et avec la pénurie médicale, il y a une pénurie de pensée. Avant, il y avait plusieurs visions de la prise en charge : une plus sécuritaire, une autre plus libertaire. Aujourd’hui, la vision est administrative, la pensée du soin s’échappe. Est-ce qu’on était plus maltraitant hier quand on attachait à son fauteuil une personne âgée, qui aujourd’hui tombe régulièrement de son fauteuil ? »

    Deux unités sont fermées par intermittence, par exemple lorsque le préfet l’exige, dans le cadre d’une procédure de soins sans consentement. Le cadre de l’unité des Charmilles, William Errigo, raconte l’histoire d’un jeune homme atteint d’une psychose, hospitalisé sans consentement à la demande du préfet, et fiché S car radicalisé. « Pour nous, il n’est pas dangereux. Il était libre d’aller et venir dans l’enceinte de l’hôpital, mais interdit d’en sortir. Il a demandé à plusieurs reprises l’autorisation au préfet d’aller manger au McDonald’s avec sa mère. Elle lui a toujours été refusée. Il a fini par y aller. Mais dès qu’on l’a appelé, il est immédiatement rentré. Pour nous, l’incident était clos. Mais les autorités ont demandé la fermeture du service, seulement pour lui. »

    Un infirmier de l’unité s’agace : « On ne fait pas confiance aux soignants. On nous confie des malades, mais on nous demande de nous comporter comme des gardiens de prison. » Le CPA accueille aussi des détenus qui ont besoin de soins psychiatriques. « À partir du moment où ils sont admis dans l’établissement, ils deviennent des patients. Nous évaluons leur comportement au cas par cas : certains restent en chambre ou en unité fermée, d’autres ont la liberté d’aller et venir », explique Brigitte Alban.

    « Nous sommes aujourd’hui dans une situation de paradoxe total, analyse le directeur du CPA, Dominique Bloch-Lemoine. La CGLPL nous demande de mettre fin à toute restriction de liberté. Et en même temps, je pourrais me retrouver tous les matins au pénal, à moins d’enfermer complètement certains patients, par exemple ceux déclarés irresponsables pénaux, que nous pourrions légalement regrouper dans une unité fermée. Mais c’est justement ce que nous ne voulons plus reproduire. »

    Le directeur montre sur son bureau le courrier des assureurs des parents d’un jeune patient qui fugue régulièrement et commet de petits délits. L’assureur lui rappelle que « l’établissement a une obligation de surveillance et de sécurité » et que ce patient a été placé par la justice sous sa « responsabilité ». Le directeur évoque aussi la confirmation en appel, le 15 mai dernier, de la condamnation à 18 mois de prison avec sursis, pour homicide involontaire, d’un psychiatre de l’hôpital de Saint-Égrève (Isère). En 2008, un patient atteint de psychose délirante chronique, qui évoluait librement dans l’hôpital, a fugué et a assassiné avec un couteau un étudiant dans les rues de Grenoble.

    En réaction, Nicolas Sarkozy avait prononcé à l’hôpital psychiatrique d’Antony, en 2008, un discours où il annonçait la création d’« unités fermées et de chambres d’isolement supplémentaires », l’utilisation de systèmes de géolocalisation des malades, de systèmes de vidéosurveillance, etc.

    Au CPA, ce discours a encouragé la dérive de l’établissement. Aujourd’hui, les discours sécuritaires visant les fichés S font craindre aux professionnels de santé une nouvelle vague sécuritaire. À droite, est régulièrement évoqué, par le patron de LR Laurent Wauquiez en tête, l’internement des fichés S. Le ministre de l’intérieur Gérard Collomb a fait le constat, l’été dernier, qu’un tiers des personnes radicalisées présenteraient des troubles psychiatriques. Et il a souhaité « mobiliser l’ensemble des hôpitaux psychiatriques ». Cette proposition est restée en suspens. Jusqu’à quand ?

    #folie #psychiatrie #contention #soignerl'hôpital

  • Psychiatrie : des « traitements inhumains » à l’hôpital de Saint-Etienne
    http://www.lemonde.fr/sante/article/2018/03/01/psychiatrie-des-traitements-inhumains-a-l-hopital-de-saint-etienne_5263957_1

    La dernière fois que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait fait usage de la procédure d’urgence pour alerter publiquement le gouvernement sur une situation qu’il jugeait alarmante, c’était en décembre 2016 au sujet de la prison de Fresnes (Val-de-Marne), notoirement insalubre et occupée à plus de 200 %.

    Les mêmes termes de « traitement inhumain ou dégradant », se retrouvent aujourd’hui sous sa plume au sujet des conditions de vie de certaines personnes hospitalisées au pôle de psychiatrie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne.

    Les constats établis lors d’une visite réalisée du 8 au 15 janvier, résumés dans ses recommandations publiées au Journal officiel (JO) du jeudi 1er mars, sont édifiants. Faute de lits disponibles en psychiatrie, certains patients sont stockés au service des urgences. Au moment du passage du Contrôleur général, cinq patients relevant de la psychiatrie se trouvaient ainsi aux urgences générales du CHU depuis trois ou sept jours. « Ils n’avaient pu ni se laver, ni se changer, ni avoir accès à leur téléphone portable », écrit Adeline Hazan, la contrôleure générale.
    « Pratique générale d’isolement et de contention »

    Au total, les urgences de l’hôpital accueillaient, à la mi-janvier, vingt patients de psychiatrie, dont treize étaient sur des brancards dans les couloirs. Sept personnes « faisaient l’objet de contentions au niveau des pieds et d’une ou des deux mains », qu’elles soient sous le régime de l’hospitalisation sans consentement ou en soins libres.

    Depuis sa nomination en 2014, Adeline Hazan a accentué l’inspection, en plus des établissements pénitentiaires, des lieux de privation de liberté que sont aussi les hôpitaux et les unités psychiatriques. Son objectif est que chaque établissement soit visité au moins une fois d’ici à la fin de son mandat, en 2020. Aucun signalement n’avait attiré son attention sur le CHU de Saint-Etienne avant sa visite de routine.

    Lire aussi : « Troubles psychiques et problèmes de santé mentale ne sont plus seulement des questions de santé »

    Dans le service de psychiatrie (216 lits) de l’établissement de la Loire, la situation ne semble pas plus conforme au droit. « Une patiente non agitée mais souffrant de troubles compulsifs est ainsi placée en isolement dans sa chambre ordinaire depuis plusieurs mois, avec porte des toilettes fermée à clé et quatre sorties d’un quart d’heure autorisées par jour pour fumer », note l’autorité indépendante. En l’absence de « projet médical de pôle », l’hôpital recourt de manière abusive à « une pratique générale d’isolement et de contention ».
    « Le patient, un sujet de droit »

    Selon les règles publiées en mars 2017 par la Haute Autorité de santé, un patient susceptible d’être dangereux pour lui-même ou pour les autres ne devrait pas être enfermé plus de douze heures et attaché plus de six, même si des prolongations limitées sont possibles. Au CHU de Saint-Etienne, l’isolement et la contention sont décidés « de manière fréquente » pour des durées de plusieurs jours.

    « En matière de psychiatrie, le patient ne doit plus être un objet de soins, mais un sujet de droit », a l’habitude de dire la contrôleure générale. Elle dresse une liste de recommandations pour faire cesser « immédiatement », ces violations de la dignité et des droits des patients.

    Le ministère de la santé, qui avait trois semaines pour lui répondre avant publication au JO, ne l’a pas encore fait. En revanche le contrôleur a reçu un courrier du directeur de l’hôpital qui témoigne « d’une réelle volonté de changement ».

    • « Accueil des patients de psychiatrie : au CHU de Saint-Etienne, la parole se libère » tandis que la contention aggrave également la santé des vieux
      http://www.lemonde.fr/sante/article/2018/03/17/accueil-des-patients-de-psychiatrie-au-chu-de-saint-etienne-la-parole-se-lib

      Personnels médicaux et paramédicaux, médecins, cadres, infirmiers, psychologues, assistants sociaux… à l’initiative des syndicats, un collectif a été créé le 27 février, qui s’est déjà réuni deux fois. Il entend faire des propositions à la direction pour pallier les dysfonctionnements pointés par les contrôleurs lors de leur visite du 8 au 15 janvier et réclamer à nouveau l’obtention de moyens supplémentaires à l’Agence régionale de santé. Les syndicats restent cependant circonspects : « On ne parle pas le même langage », notent des représentants CGT et FO. Depuis 2005, une logique financière prime. Priorité a été donnée au retour à l’équilibre budgétaire – en 2016, le CHU a affiché un excédent net consolidé de 7,5 millions d’euros. Les alertes multiples lancées par les syndicats sur la situation du pôle psychiatrie, l’embolie des urgences, les contentions abusives, n’ont guère été prises en considération, avancent-ils.

      La situation s’est dégradée depuis la fermeture de l’hôpital psychiatrique de Saint-Jean-Bonnefonds transféré sur le site de l’hôpital Nord du CHU en 2004. La fermeture d’un service à l’hôpital Bellevue en 2017 n’a rien arrangé. La création d’une équipe mobile en soins ambulatoires est certes « louable », disent les infirmiers, mais elle ne dispose pas d’« assez de moyens humains et logistiques ». La vétusté de certains bâtiments, l’institutionnalisation de la contention partielle ou totale, le déficit en médecins, tentés par le privé, toutes ces questions ont été soulevées lors d’une assemblée générale houleuse fin janvier devant le directeur général et le chef du pôle de psychiatrie. La grande majorité des 150 salariés présents a eu l’impression d’être traitée par le mépris. « On nous a dit qu’on était des doctrino-populistes », déplorent les infirmiers.

      Etat de santé dégradé
      Après la parution du rapport, une famille – tous les proches des malades tiennent à rester anonymes – a contacté Le Monde pour témoigner de mauvais traitements constatés ailleurs. Dans un service de l’unité neuro-psycho-gériatrique à l’hôpital de la Charité dans le centre de Saint-Etienne, composante du CHU, elle a trouvé des personnes âgées attachées dans des fauteuils dans la salle à manger ou entravées dans leur lit par des liens de contention pelvienne ou/et au pied, des boîtes de liens au-dessus des armoires ou stockées dans des placards.

      D’autres familles contactées au téléphone font le même constat : l’état de santé de leur proche s’est dégradé après l’admission dans des services de gériatrie. Autonomes physiquement à leur entrée, ils sont vite devenus dépendants.
      « Est-ce que la personne (et sa famille) est respectée dans sa dignité ? Est-ce une atteinte à ses libertés ? N’y a-t-il pas d’autres moyens à trouver plutôt que de choisir l’option contention systématique ? Parce que dans ces conditions, quiconque attaché pendant des heures, de jour comme de nuit, ne pourra que perdre sa dignité humaine », dénonce la parente d’une personne qui a été hospitalisée dans cette unité et qui refuse cette fatalité.
      Interrogée sur ces situations, Floriane Loctin, directrice de cabinet du directeur général du CHU, estime qu’il « ne faut pas tout mélanger. Le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté porte uniquement sur le pôle de psychiatrie ». Elle indique qu’un groupe travaille depuis plusieurs années sur les questions de la bientraitance et de la maltraitance des personnes âgées, sur la contention, en relation avec des familles. Travaux qui ont donné lieu à des publications.
      Le CHU n’a pas contesté les observations du CGLPL. Mme Loctin explique que « les problèmes soulevés avaient été repérés par l’institution depuis plusieurs années, les mesures prises pour y remédier n’ayant pas suffi dans une période de particulière densité en termes d’activité, comme ce fut le cas du 8 au 15 janvier ». Un plan d’action « énergique » a été mis en œuvre, une « enquête administrative et des audits diligentés ». Une réflexion sur un projet médical pour le pôle psychiatrique recommandée par le CGLPL et réclamée plusieurs fois en vain jusqu’à présent par le CHSCT va notamment être engagée.

      #psychiatrie #logique_comptable #contention

  • La grande misère des hôpitaux psychiatriques - Le Point
    http://www.lepoint.fr/sante/la-grande-misere-des-hopitaux-psychiatriques-05-01-2018-2184213_40.php

    10 à 20 % des Français sont concernés, mais la psychiatrie publique est le parent pauvre de la médecine. À Rennes, les soignants sont en grève.

    « Le patient est devenu un objet. Je dis aux jeunes de fuir », se désole Michel Roy, infirmier à l’hôpital psychiatrique de Rennes, en grève depuis deux mois. La psychiatrie publique, parent pauvre de la médecine, traverse un malaise profond : soignants, patients et familles réclament un plan ambitieux. À l’entrée principale de l’établissement Guillaume-Régnier, dans la capitale bretonne, le ton est donné : « hôpital sans lits », « redonnons du sens à notre travail », « souffrance au travail » figurent parmi les nombreuses banderoles accrochées aux grilles.

    Les pathologies relevant de la psychiatrie sont en France au troisième rang des maladies les plus fréquentes, après le cancer et les maladies cardiovasculaires. Entre un dixième et un cinquième de la population risque d’être atteint par un trouble mental à un moment quelconque de la vie, selon le rapport de la Cour des comptes de 2011. Pour la ministre de Santé Agnès Buzyn, « la santé mentale est un enjeu important des besoins de santé des Français ». « Cette discipline a été un peu trop délaissée ou mise à l’écart ces dernières années », a-t-elle affirmé jeudi à l’AFP. Malgré un constat unanime, les acteurs du secteur se sentent abandonnés par l’État.

    « On n’en peut plus », déplore Jean-Pierre Salvarelli, membre du bureau national du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et chef de pôle au CH du Vinatier, près de Lyon. Il est l’un des signataires de l’appel des psychiatres et médecins pour dénoncer une dégradation de la prise en charge des patients et la « tyrannie des économies comptables », en février 2017.

    Soit on supprime des postes, soit on supprime des lits.
    Des praticiens du CH de Montfavet, près d’Avignon, se sont associés en avril à leurs collègues lyonnais et plusieurs mouvements de grève ont émergé ces derniers mois, notamment à Rennes, Allonnes (Sarthe), Amiens (Somme), Bourges (Cher) et Cadillac (Gironde). « On est sans cesse en train de se restructurer. Aujourd’hui, notre idée est d’entrer en résistance et d’interpeller les pouvoirs publics. Les impacts budgétaires, c’est soit on supprime des postes, soit on supprime des lits », expose le Dr Salvarelli, psychiatre depuis vingt-cinq ans au Vinatier, structure de 750 lits, 2 500 membres du personnel hospitalier et 22 500 patients suivis chaque année.

    C’est l’un des trois plus gros hôpitaux de France en psychiatrie avec Sainte-Anne à Paris et Guillaume-Régnier à Rennes. Dans cet établissement breton, « le ras-le-bol et la tentative de suicide d’une collègue » ont décidé les syndicats à lancer un mouvement de grève, explique Goulven Boulliou, de Sud Santé Sociaux.

    Il n’est pas rare de retrouver un collègue seul à 23 heures pour gérer 15 personnes. (...)

    Pour mémoire, c’est la gauche gouvernante des années 80 qui a commencé à supprimer des milliers de lits en psychiatrie. C’est aussi la « gauche plurielle » qui a supprimé la formation d’infirmier psy. La politique sécuritaire est venue s’ajouter au manque de moyens, avec le retour de la #contention.

    #folie (pas de droit à la) #psychiatrie #logique_comptable #sous_effectifs #maltraitance #grève

    • La psychiatrie publique : Guillaume Régnier à Rennes symbole d’un malaise profond
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/rennes/psychiatrie-publique-guillaume-regnier-rennes-symbole-m

      Depuis le 7 novembre, les soignants se relaient 24h sur 24 pour assurer le piquet de grève. « On pose des heures, des jours », détaille l’infirmier.
      Devant le bâtiment rennais datant du XVIIe siècle, grévistes, patients et familles se retrouvent sous un barnum autour d’un brasero et d’un thermos de café.

      « Avec cette tente, on a recréé un lien social. C’est un espace de parole qui dans les murs de l’hôpital n’existe pas », explique Myriam, aide-soignante. « Le mardi on propose galette-saucisse », sourit cette mère de trois enfants. Cette journée est surtout celle de l’Assemblée générale où est décidée la poursuite du mouvement, reconduit sans discontinuer à l’exception de la trêve de Noël.

      Au fil des années, un mal-être s’est installé à Guillaume-Régnier. En 2016, l’absentéisme était de 8,5%, une progression de 1,5 points en deux ans, selon Sud Santé et la CGT. Près de 1.400 signalements liés à des dysfonctionnements (violence, manque de lits, sous-effectifs) ont été adressés à la direction, à l’inspection du travail et au préfet. « Il n’est pas rare de retrouver un collègue seul à 23 heures pour gérer 15 personnes », dénonce Goulven Boulliou de Sud Santé.

      « Les collègues ont des idées noires. On a peur que cela se termine en suicide », craint Martine, 58 ans, qui s’occupe des soins paramédicaux. Pour Sud Santé, la dégradation des conditions d’accueil comme « l’admission sur des fauteuils dans l’attente de la libération d’un lit » ou « des chambres dont la température est tellement froide que même quatre couvertures ne suffisent pas à se réchauffer » génère des comportements violents chez certains patients et par effet domino conduit à des comportements maltraitants.

      « Prioriser la psychiatrie »

      Sous couvert d’anonymat, plusieurs soignants à Rennes ont confié avoir recours « à des camisoles chimiques », pas forcément nécessaire pour
      certaines pathologies. « Il y a des années que je n’ai pas pris le temps d’aller au café d’en face avec un patient et discuter », regrette Michel Roy, infirmier à deux ans de la retraite.

      « On est devenu des gestionnaires de lits, le soin a perdu son sens. La première chose que l’on demande lorsqu’on prend le service, c’est si on est en nombre suffisant de personnel et de lits », renchérit son collègue Antoine. Alors que la demande psychiatrique est exponentielle, le secteur se retrouve « en tension », analyse Dr. Salvarelli. « Le soin psychique demande temps, répétition, accompagnement ». « On est plus aujourd’hui dans la prescription, dans l’automatisation, dans la protocolisation », déplore-t-il.

      À Guillaume-Régnier, le directeur, Bernard Garin, doit composer avec un « contexte budgétaire extrêmement serré ». « Notre dotation annuelle de fonctionnement est stable depuis trois-quatre ans alors que les charges de personnel augmentent », indique-t-il.

      #parole

  • Internements psychiatriques : « J’étais rentré libre, j’aurais dû en sortir libre » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/28/internements-psychiatriques-j-etais-rentre-libre-j-aurais-du-en-sortir-li

    Des histoires parmi tant d’autres, recueillies ces dernières semaines. Avec en toile de fond, un chiffre qui peut faire frémir : l’an dernier en France, ce sont près de 100 000 patients qui ont été hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement. 92 000 personnes enfermées contre leur gré, parfois pour quelques jours, d’autres fois pendant plusieurs semaines. Soit 12 000 de plus qu’en 2012. Cette hausse sensible fait suite à une augmentation encore plus forte entre 2006 et 2011, atteignant presque les 50 %. Au total, depuis dix ans, on peut parler d’un doublement de ces hospitalisations sans consentement. Et parallèlement, durant cette même période, on a constaté une multiplication des pratiques d’isolement et de contention.

    #psychiatrie #sécuritaire #isolement #contention

    • NON A LA CONTENTION (#pétition), Les Appels du Collectif des 39
      http://www.hospitalite-collectif39.org/?NON-A-LA-CONTENTION

      La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne.

      En France, chaque jour, on enferme, on immobilise, on attache, on sangle, des personnes malades.

      Ces pratiques de #contention physique d’un autre âge se déroulent quotidiennement dans ce pays. Ces pratiques dégradantes avaient quasiment disparu. Or les contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté, Jean marie Delarue puis Adeline Hazan, l’ont constaté, elles sont désormais en nette augmentation, qui plus est banalisées comme des actes ordinaires.

      Dans le projet de loi « de modernisation du système de #santé » on lit même que ces actes auraient des vertus thérapeutiques !

      Nous l’affirmons : Ces actes ne soignent pas. (...)
      Les patients qui les ont subies en témoignent régulièrement, elles produisent un traumatisme à jamais ancré dans leur chair et dans leur cœur.

      Dire non aux sangles qui font mal, qui font hurler, qui effraient plus que tout, c’est dire oui :
      – C’est dire oui à un minimum de fraternité.
      – C’est remettre au travail une pensée affadie, devenue glacée.
      – C’est poser un acte de régénérescence.
      – C’est trouver et appliquer des solutions humaines à des comportements engendrés par d’énormes souffrances, mais qui peuvent paraître incompréhensibles ou non traitables autrement.

      Or nous, nous savons que l’on peut faire autrement. Cela a été fait durant des décennies, cela se fait encore dans certains services.
      Mais ce savoir faire est en train de se perdre au profit de la banalisation grandissante de ces actes de contention.

      Nous l’affirmons : #accueillir et #soigner les patients, quelle que soit leur pathologie, nécessite d’œuvrer à la construction de collectifs soignants suffisamment impliqués et engagés dans le désir d’écouter les patients, de parler avec eux, de chercher avec eux les conditions d’un soin possible.

      Un minimum de confiance, d’indépendance professionnelle et de sérénité est à la base de ce processus.

      Or le système hospitalier actuel malmène et déshumanise les #soignants.
      L’emprise gestionnaire et bureaucratique envahit le quotidien : principe de précaution, risque zéro, techniques sécuritaires, protocolisation permanente des actes, réduction du temps de transmission entre les soignants etc… Elle dissout petit à petit la disponibilité des acteurs de soins : comment alors prendre le temps de comprendre, de chercher du sens, de penser tout simplement que le patient, si inaccessible soit-il, attend des réponses et des solutions humaines à même de l’apaiser.
      Ce contexte nuisible trouve dans la banalisation des actes de contention physique sa traduction « naturelle », expression du désarroi et/ou du renoncement.

      #psychiatrie #gestion #bureaucratie #Sécuritaire #barbarie