• Comment les jeux se jouent-ils de nous ? Pokémon, économie des données et analyse comportementale | LINC
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    Les #applications peuvent tout d’abord permettre à leur éditeur d’obtenir des revenus par de la #publicité. Dans ce cadre, les #données_personnelles sont, comme toujours, au cœur des mécanismes de fixation des prix sur le marché publicitaire. Si la publicité est diffusée dans l’application, l’éditeur voudra indiquer aux annonceurs à quel prospect ils s’adressent, a minima avec des données sociodémographiques de base. Mais si l’éditeur veut générer davantage de revenus, il sera incité à collecter des #informations #comportementales ou #contextuelles, comme la #géolocalisation. Si la publicité n’est pas diffusée dans l’application, l’application sert souvent de prétexte à la collecte et à la revente de données sur un « marché secondaire » où coexistent des dizaines d’acteurs, des plateformes d’enchères en temps réel (le RTB) aux #data_brokers.

    Un autre modèle est celui du #freemium. L’accès au service de base est alors gratuit, mais pour une partie du service plus avancée, il faut s’acquitter d’un paiement, généralement d’un #abonnement. C’est par exemple le modèle choisi par les acteurs de la musique en streaming, tels que Deezer et Spotify, qui permettent la création d’un compte gratuit mais cherchent ensuite à faire avancer leurs utilisateurs vers l’abonnement. Là aussi, les données collectées jouent un rôle majeur : par la personnalisation de l’expérience et en particulier de la recommandation, le service cherche à créer de la satisfaction et de l’engagement.

    Dans le domaine du #jeu_vidéo, le modèle freemium se développe notamment via des #achats_in-app : niveaux supplémentaires, nouvelles options, bonus permettant d’avancer plus vite dans le jeu, voire simplement d’acheter le fait de gagner du temps. La mécanique du jeu change entièrement sous l’influence de ce modèle : pour gagner de l’argent, l’éditeur devra exploiter au mieux la disposition à payer de ses utilisateurs et donc évaluer une demande individuelle extrêmement contextuelle et éventuellement fugace. Comme nous l’expliquions dans notre cahier IP 3, le modèle « Free to play » requière donc « une micro-gestion dynamique de chaque joueur et de son expérience de jeu » (selon l’expression de Myriam Davidovici-Nora) pour être rentable. La fine compréhension des ressorts #psychologiques des joueurs est donc bien plus qu’auparavant un enjeu commercial : dans le monde du jeu vidéo, le #neuromarketing n’est plus vraiment une prédiction ou une hypothèse, c’est une réalité émergente.

    Cette réalité est décrite dans un article et une vidéo de Vox intitulé « How free games are designed to make money » (« comment les jeux gratuits sont-ils conçus pour faire de l’argent »). La réponse à cette question est à chercher du côté de la psychologie et de l’économie comportementales, dans la manière dont les jeux gratuits nous incitent à dépenser de l’argent (création d’un intermédiaire monétaire qui rend le calcul de la dépense plus compliqué, euphémisation de la dépense, et au contraire création d’une sensation de perte d’opportunités ou de frustration dans le déroulement du jeu, …). Au final, les développeurs sont incités à faire deux choses qui ne sont pas alignées avec les intérêts des joueurs : intégrer volontairement des éléments frustrants dans le jeu, et… collecter le plus de données possibles pour être en mesure de régler finement ce nudge (c’est-à-dire ces incitations à l’achat, ces frustrations, ces récompenses).

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