continent:afrique

  • Encore un qui a lu nos grands intellectuels:
    https://actu.orange.fr/monde/un-extremiste-de-droite-tire-dans-deux-mosquees-neo-zeolandaises-49-mort

    Avant de passer à l’action, l’homme, qui se présente comme un blanc de la classe ouvrière aux bas revenus, a publié sur Twitter un « manifeste » raciste de 74 pages intitulé « Le grand remplacement », en référence à une théorie née en France et populaire dans les milieux d’extrême droite selon laquelle les "peuples européens" seraient « remplacés » par des populations non-européennes immigrées.

    • Sinon, se souvenir qu’avant le « Grand remplacement » de Renaud Camus, il y a eu l’« Eurabia » popularisé en Europe par Oriana Fallaci, reprenant le concept de Bat Ye’or. Concept lui-même dérivé de la « dhimmitude », de Bachir Gemayel, auquel le Nouvel obs tendait le crachoir en 1982 à ce sujet.

      Ça donne une nébuleuse reliant l’extrême-droite chrétienne libanaise, les propagandistes d’Israël, l’extrême-droite raciste (souvent antisémite) française et européenne, souvent derrière un alibi laïcard, tout ça dans un univers médiatique européen particulièrement complaisant avec tous ces complotismes islamophobes.

      Et en gros le même « arc » aux États-Unis, où il faut ajouter les fondamentalistes chrétiens, à la fois frénétiquement pro-israéliens et fondamentalement antisémites.

    • Les chrétiens du Liban, la dhimmitude, l’Eurabia, le marxisme culturel propogeant l’islamisation de l’Europe… toutes foutaises déjà présentes dans le « manifeste » de Breivik (2011) :
      https://seenthis.net/messages/28765

      Mais le nouveau « Manifeste » est beaucoup plus au ras des pâquerettes.

      Et en gros rien sur Israël (contrairement au manifeste Breivik), à part une mention :

      Were/are you an anti-semite?

      No. A jew living in israel is no enemy of mine, so long as they do not seek to subvert or harm my people.

    • @reka Puisque tu cites Millet, remarque qu’on est dans le même « arc » (caution intellectuelle et ancien de l’extrême-droite libanaise) :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Millet

      En 2012, il publie chez Pierre-Guillaume de Roux un essai intitulé Langue fantôme, suivi de Éloge littéraire d’Anders Breivik, dans lequel il s’en prend au multiculturalisme et à la perte de repères identitaires à l’origine, selon lui, du geste du tueur norvégien. Frappé par la « perfection formelle » des actes de Breivik, Richard Millet leur prête une « dimension littéraire » qui aurait été mal comprise et mal interprétée par la presse : d’après lui, seule une littérature qui ose s’intéresser à la question du mal est valable à une époque où le divertissement domine, et donc l’insignifiance. Tout en condamnant les actes d’Anders Breivik, Richard Millet affirme qu’il est « sans doute ce que méritait la Norvège et ce qui attend nos sociétés qui ne cessent de s’aveugler » sur « les ravages du multiculturalisme », « l’islamisation de l’Europe » et son renoncement à « l’affirmation de ses racines chrétiennes ». Richard Millet considère Anders Breivik comme « tout à la fois bourreau et victime ». Il assimile ce massacre à un nouveau symptôme de l’échec de la littérature, supplantée par le fusil d’assaut.

      À bonne école :

      Il participe à la guerre du Liban en 1975-1976 en tant que volontaire auprès de la communauté chrétienne, plus particulièrement au sein des Phalanges libanaises.

    • Et ça n’a pas traîné : sur RMC (via Arrêts sur image), Olivier Truchot, Elizabeth Lévy, Gilles-William Goldnadel s’inquiètent que le massacre perpétré par un islamophobe donne une mauvaise image de l’islamophobie.

      Face aux 40 morts de Christchurch, les télé-islamophobes ne désarment pas
      https://www.arretsurimages.net/articles/face-aux-40-morts-de-christchurch-les-tele-islamophobes-ne-desarment

      https://video.twimg.com/ext_tw_video/1106851251306811392/pu/vid/640x360/lxvwcd397Lpmp8WJ.mp4

      Caroline Fourest sur Twitter (via @mona) :
      https://twitter.com/carolinefourest/status/1106509831026999298

      Un terroriste d’extrême droite qui croit au « grand remplacement » n’est pas juste « islamophobe », il n’a pas peur de l’Islam. Il est RACISTE, anti-Musulmans. Il voit tous les Musulmans, et non leur religion, comme une menace. Mal nommer, c’est minimiser. #ChristchurchShooting

      Renaud Camus sur Twitter :
      https://twitter.com/renaudcamus/status/1106870609168994304

      L’attentat de Christ Church est d’abord atroce et criminel, c’est un monstrueux forfait. Très accessoirement, il est aussi imbécile, puisqu’il dessert gravement la cause que (peut-être) il prétend servir, la lutte contre le remplacisme global, crime contre l’humanité du XXIe s.

    • Soyons précis avec Jean-Yves Camus : Breivik citait Finkielkraut et l’Eurabia, le nouveau taré titre « Le grand remplacement », mais ça n’a rien à voir.
      https://www.ladepeche.fr/2019/03/16/on-retrouve-lhypothese-dune-riposte-aux-attaques-islamistes-selon-jean-yve

      Le tueur fait référence à une théorie élaborée par le Français Renaud Camus intitulée le « grand remplacement ». Est-ce une référence pour les extrêmes droites radicales ?

      C’est une théorie en vogue, mais Camus, qui a formulé la théorie du grand remplacement, n’est pas sur la même ligne que le tueur. Quel que soit le caractère contestable des idées de Renaud Camus, il n’a jamais prôné la violence, il ne fait pas référence au nazisme et ne se présente pas comme fasciste. Il est souverainiste, anti-immigration et proche du Siel (Souveraineté Identité et Libertés, extrême droite, NDLR). La théorie du grand remplacement a « fait sa vie » et est arrivée dans les mains de gens pour qui l’action politique est devenue insuffisante et qui ont basculé dans la violence.

    • 24h Pujadas sur Twitter : Guillaume Tabard « joue à de la comptabilité »
      https://twitter.com/24hpujadas/status/1106606907723264005
      https://video.twimg.com/ext_tw_video/1106606702189776897/pu/vid/640x360/L3JsLBliVVfRoNa-.mp4?tag=8

      « On a vécu en France un terrorisme islamiste assez meurtrier, si on veut jouer à de la comptabilité, on n’est pas encore dans l’équilibre. Il ne faut pas s’aventurer sur le terrain du match retour » @GTabard @Le_Figaro

    • Remarquez bien, dans le genre « meurtrier », ce matin je lisais ça : https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/attentats-a-christchurch/attentat-en-nouvelle-zelande-ou-que-j-aille-les-envahisseurs-etaient-la

      Son parcours de radicalisation

      Le tireur décrit les raisons de sa radicalisation en évoquant l’attentat de Stockholm (Suède) en 2017 et sa déception lorsqu’Emmanuel Macron l’emporte face à Marine Le Pen. Mais ce qui le décide à commettre cette attaque, ce sont ses impressions lors d’un voyage en France : "Le déclic final fut l’observation de l’état des villes et villages français. Où que j’aille, les envahisseurs étaient là."

      Charles Martel, sors de ce corps !

      Les médias français ne feraient-ils pas preuve d’une certaine #complaisance vis à vis de la radicalisation d’extrême-droite, des théories du grand remplacement et du suprématisme blanc ? (C’est une question que je n’arrête pas de me poser).

      Vous avez aimé la lepénisation des esprits. Alors passez sans plus attendre à la trumpisation. ---> Trump again punts on white supremacy after New Zealand attacks - CNNPolitics
      https://edition.cnn.com/2019/03/16/politics/donald-trump-new-zealand-white-supremacy-muslims

    • Mais aussi Géraldine Woessner sur Twitter (repéré par @le_bougnoulosophe) – attention, attrape un sac à vomi avant de te lancer :
      https://twitter.com/GeWoessner/status/1107071339016392704

      C’est insupportable. Si les mots on un sens, celui de « théorie » du grand remplacement est particulièrement mal choisi. Petit thread à l’attention des apprentis-combattants de la droite-extrême et des populismes.

      La « théorie du Grand Remplacement » n’est PAS une « théorie » : c’est une PEUR, qui s’appuie sur des éléments concrets, que nous fournissent les pays qui, contrairement à la France, tiennent des statistiques ethniques....

      Le « remplacement » de populations n’a rien de fantasmatique : il est advenu dans maintes villes des USA ou du Canada, où les Latinos sont maintenant majoritaires, et nos grands médias s’en sont fait l’écho : https://t.co/OjbJKtLHgB

      Ce n’est pas un mal : c’est un FAIT. Dicté par la science démographique, avec lequel il faut composer. Il explique en partie l’élection de Donald Trump. Parfois, on sait l’affronter avec sang-froid et pragmatisme. On en débat ouvertement. On discute des politiques à conduire...

      Le fait que des extrêmes aient repris ce concept n’y change rien : JE ne crois PAS qu’un pouvoir « remplaciste » œuvre pour m’imposer un ordre « mondialiste ». Je ne crois PAS à la supériorité d’une race sur une autre. Ma si la pression démographique m’inquiète… #CestGraveDocteur ?

      En France, on ne débat PAS. RIEN. On préfère NIER les taux de natalité plus élevés de populations allogènes, au motif que la République, très forte, serait capable d’intégrer chacun dans son grand creuset laïc et républicain...

      Tant pis si ça ne marche pas.
      On fera semblant que si.
      Et ceux qui ont "peur", parce qu’ils voient les populations changer autour d’eux, qu’ils doutent de la volonté de l’ État d’imposer ses standards, seront vilipendés.
      Votre peur ? « Un fantasme. Une théorie ».

      Cet argumentaire, en plus d’être absurde, est d’une violence inouïe.
      UN sentiment, par définition, ne peut être une « théorie. » Si autant de gens, en France, en GB, en Allemagne, en Hongrie… Sentent leur « identité culturelle » menacée et le disent, QUI sommes-nous...

      ...pour décréter que leur ressenti ne vaut rien ? Ne devrions-nous pas, plutôt, entendre leurs craintes et tâcher d’y répondre ?
      Si nous sommes sûrs que ce risque de « grand Remplacement » est un fantasme, ne devons-nous pas apaiser aves des études basées sur des données fiables ?

      Nous sommes tellement habitués à contempler l’UE marcher sur la tête et s’autodétruire, que nous ne songeons même plus à exiger d’elle qu’elle se dote des instruments de sa survie. Des outils, une recherche, une prospective intelligentes. Des instruments statistiques signifiants.

      A défaut, et vu le niveau du débat, marqué de haines, de rancunes, d’amalgames, je redoute que tout cela finisse dans un bain de sang... Je pèse mes mots.
      Il n’est jamais trop tard pour s’ausculter, pour faire Nation. Je veux savoir QUI sont mes frères...

      Ce qu’ils pensent, ce qu’ils croient, ce qu’ils espèrent.
      Des statistiques ethniques me donneraient l’occasion de partager leurs vues. De comprendre. De connaître.
      Leur absence est un voile, une insulte à l’avenir, terreau de l’outrance. Un blanc-seing pour tous les extrêmes.

      Si on a vraiment besoin d’arguments sur ces histoires d’allogènes qui nous remplacent avec leur taux de natalité de lapin sous Viagra, on a le thread de Jacques Caplat ici :
      https://twitter.com/nourrirlemonde/status/1107282903996743680

    • [ARCHIVE]

      Two sentenced to life imprisonment in hate media trial (2003)
      https://rsf.org/en/news/two-sentenced-life-imprisonment-hate-media-trial

      “We are pleased that this case has finally reached a conclusion despite countless procedural delays and obstacles,” Reporters Without Borders secretary-general Robert Ménard said. “This is the first time that journalists have been sentenced to life imprisonment for incitement to murder and violence in their reports,” he said.

      “We hope these sentences are seen as a warning to the many journalists in Africa and elsewhere who also stir up hate in their writing,” Ménard added. “Even if no country is today in a situation comparable to Rwanda’s at the time of the genocide, these sentences should serve as a call to order to all the publications that constantly flout the most elementary rules of professional ethics and conduct.”

      en français:

      « Nous souhaitons que ces condamnations soient perçues comme un avertissement en direction de nombreux journalistes qui, en Afrique ou ailleurs, attisent, eux aussi, les haines par leurs écrits. Même si aucun pays ne connaît aujourd’hui une situation comparable à celle qui prévalait au moment du génocide rwandais, cette condamnation doit résonner comme un rappel à l’ordre pour toutes les rédactions qui bafouent quotidiennement les règles les plus élémentaires en matière d’éthique et de déontologie professionnelles », a ajouté Ménard.

      https://www.ifex.org/rwanda/2003/12/05/rsf_welcomes_life_sentences_against/fr

    • Hier soir, le Centre Anne Frank a choisi très curieusement de partager un lien vers un article du néoconservateur David Frum expliquant qu’il faut fermer les frontières, « sinon ce sont les fascistes qui le feront » :
      https://twitter.com/annefrankcenter/status/1107383900471521281

      We need compassion and deliberation in our approach to #immigration. #education #humanity ⁦⁦@davidfrum⁩

      avec en référencement cet article :
      https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2019/04/david-frum-how-much-immigration-is-too-much/583252

      If Liberals Won’t Enforce Borders, Fascists Will - We need to make hard decisions now about what will truly benefit current and future Americans - David Frum

      Énorme retour de manivelle, le centre publiait ensuite une série de 10 messages pour tenter d’expliquer qu’il s’agissait seulement d’ouvrir un dialogue. Mais le timing d’un tel référencement (« fermer les frontières sinon les fascistes s’en chargeront », au lendemain du massacre en Nouvelle Zélande) n’est pas expliqué.

      EDIT. Finalement tweet retiré, avec un message posté à la place :
      https://docs.wixstatic.com/ugd/7279dd_c6e89ff1f5f74d269aab5418f1c657e7.pdf
      (et toujours pas d’explication sur le timing d’un tel sujet).

    • Le grand remplacement est en marche et l’absence de LBD est responsable du saccage des Champs-Elysées
      https://www.telerama.fr/television/le-grand-remplacement-est-en-marche-et-labsence-de-lbd-est-responsable-du-s

      Nathalie Saint-Cricq salue une Marine Le Pen “consensuelle”, David Pujadas laisse libre court à Robert Ménard pour soutenir la théorie du grand remplacement, un expert de BFMTV estime que les LBD sont trop dangereux pour les employer ailleurs que “dans les banlieues”… Nous sommes en France, en 2019. Bienvenue à la télé.

  • #contes érotiques
    http://www.radiopanik.org/emissions/hot-lips/contes-erotiques

    Pour cet épisode de Hot Lips, nous avons eu la chance d’enregistrer et d’interviewer Ria Carbonez, pour son spectacle, « Du bout des lèvres »

    Pour plus d’informations : http://www.riacarbonez.com

    #sexualité #Afrique #images #intime #sexualité,contes,Afrique,images,intime
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/hot-lips/contes-erotiques_06375__1.mp3

  • Le Monde : la fracture éditoriale
    Comment le journalisme militant met en péril le contrat de confiance avec les lecteurs

    https://www.france-medias.fr/images/pdf/LeMonde-LaFactureEditoriale.pdf

    Une (violente) attaque de la dérive «  radicale  » du Monde sur une ligne éditoriale anti-macroniste. Étude menée par France-Médias, https://www.france-medias.fr/informations site publié par La station Web https://www.societe.com/societe/la-station-web-454011107.html

    Le travail d’investigation mené pour cette étude a duré environ 10 semaines et cible les périodes du 1er juillet 2018 au 20 février 2019, a consisté à étudier près de 190 Unes du site lemonde.fr, notamment via le site waybackmachine.org, à observer les choix éditoriaux et rédactionnels mis en oeuvre, à (re)lire 220 articles par le moteur de recherche multimédia du site lemonde.fr, à analyser près de 400 photos, à identifier les outils et moyens de communication utilisés pour diffuser l’information, à répertorier et analyser 3.500 commentaires d’abonné(e)s et de lecteurs du Monde.

    Organisée en 6 parties, l’étude consacre les 3 premières à des événements marquants de l’actualité puis les 3 suivantes à une réflexion plus large sur la ligne éditoriale du Monde, aux malaises observés dans le lectorat puis, finalement, aux solutions envisageables pour restaurer une confiance durable. Notons que les pistes de réflexion et solutions proposées, même si elles se destinent au Monde en premier lieu, peuvent être éventuellement valables auprès d’autres médias de presse écrite.

    En outre, nous mentionnerons que malgré nos demandes, ni le directeur du Monde (Monsieur Fenoglio) ni le directeur de la publication (Mr Bronner) n’ont souhaité répondre aux questions, interrogations et constats soulevés par cette étude.

    Notons enfin que celle-ci a été réalisée de manière entièrement bénévole, sans subvention ni publicité et n’est liée à aucune institution, entreprise, parti politique ou groupe de pression. Elle se veut citoyenne dans son orientation et dans ses finalité(s).

    le sommaire

    I. L’affaire Benalla
    II. La crise des gilets jaunes
    III. La Une du magazine « M »
    IV. La ligne éditoriale en question(s) V. Un lectorat déboussolé
    VI. Les solutions envisageables

    • Le traitement [de l’affaire Benalla] du monde.fr en chiffres
      L’analyse des Unes et des surfaces de visibilité (au dessus de la ligne de regard dite « ligne de flottaison »), du site lemonde.fr, a de quoi impressionner. Du 18 juillet 2018 au 30 août 2018, l’affaire occupe 85% des Unes et 88% de l’espace majeur de visibilité.

      A titre de comparaison, cela représente environ 2,5 fois la couverture dédiée aux attentats terroristes de Paris en novembre 2015 (perpétrées notamment au Bataclan) ou encore 2 fois plus que l’affaire DSK, à périmètres équivalents (durée du traitement et intensité de la visibilité). Cette intensité médiatique est également supérieure au total de tous les candidats à la présidentielle de 2017 réunis, sur une période comparable (de 6 semaines).

      Jamais aucun événement géopolitique, politique ou économique n’aura disposé d’une telle surface de visibilité médiatique depuis le lancement du site lemonde.fr en 1996.
      « L’affaire Bennalla a disposé de 2,5 fois plus de visibilité que la couverture dédiée aux attentats de Paris en novembre 2015 »

      Sur les éléments à notre disposition, on peut également affirmer qu’aucun des grands sites d’information en ligne européen (El Pais en Espagne, le Frankfurter allgemeine en Allemagne ou Le Times en Angleterre) n’a jamais consacré une place aussi importante au traitement d’une seule information au cours des 10 dernières années.

      La couverture du Brexit, à titre d’exemple, par le site Internet du Times (thetimes.co.uk), a représenté une visibilité inférieure de 40% à celle de l’affaire Benalla par lemonde.fr (à temps et périmètre équivalents).

    • à propos du traitement des GJ

      Le poids des photos : mouvement d’ampleur et violences policières
      Les photos mises en ligne sur lemonde.fr relèvent bien évidemment de la ligne éditoriale et traduisent, le plus souvent, la volonté du journaliste et ou de la rédaction de mettre l’accent sur un phénomène.

      Sur environ 400 photos étudiées (photos principales d’article et photos insérées à l’intérieur des contenus), 2 orientations dominent : l’impression d’un mouvement d’ampleur d’une part et des violences policières omniprésentes d’autre part.
      […]
      La police (beaucoup) plus blâmée que les manifestants violents
      D’une façon générale, les articles du monde.fr ont relaté à la fois les violences des manifestants mais aussi celles de certains policiers. A plusieurs reprises néanmoins, le choix de la rédaction du Monde a été de plutôt de mettre en avant les dérapages policiers et plus rarement les violences des manifestants.

    • 2 histoires, 2 identités et un mélange explosif
      Pour de nombreux lecteurs, l’objectif d’une partie des articles du Monde n’est pas de les informer de façon neutre et objective mais plutôt de leur présenter une vision orientée et idéologique ; une finalité spécieuse éloignée des règles déontologiques dont se prévaut la direction du journal.

      On doit déjà se rappeler que l’identité des 2 éditions du Monde est fondamentalement différente. Pendant plus de 10 ans, les 2 rédactions (« papier » et numérique) ont cohabité sans se côtoyer, chacune à un étage différent, avec des organisations très différentes.

      La première était constituée des journalistes les plus aguerris, des « signatures » du Monde et des moyens les plus importants (correspondants dans le monde entier, relecteurs...). Elle véhiculait une approche rigoureuse et factuelle de l’information, une vision d’un journalisme ambitieux et fiable.

      La seconde rédaction (numérique) s’est formée à la fin des années 90, presque en opposition avec sa grande sœur. Essentiellement constituée de jeunes journalistes et disposant de moyens limités, il lui fallait exister et se singulariser en explorant des voies qui n’étaient pas celles du journal papier « traditionnel ».
      […]
      Sur les articles étudiés issus de publications sur lemonde.fr, on peut considérer que moins de la moitié des contenus est suffisamment « équilibrée » et neutre. Cela signifie qu’une légère majorité des publications du Monde peut être considérée comme partisane, parti-pris ou orientée sur le plan idéologique.

      Cette réalité pourrait être acceptable dans un journal d’opinion tel que Le Figaro ou Libération mais semble choquante pour un média qui se veut une « référence » en matière de qualité et de neutralité de l’information.

      Le tournant de l’été 2018
      En 2003, dans le livre « La face cachée du Monde : du contre-pouvoir aux abus de pouvoir », la radicalité voire l’autoritarisme d’Edwy Plenel, alors directeur de la rédaction, est décrite et dénoncée par les 2 auteurs, Pierre Péan et Philippe Cohen.

      On retrouve curieusement, ces derniers mois, dans les colonnes du Monde, quelque chose de cette radicalité et des attaques implacables contre les gouvernants dont l’actuel directeur de Médiapart s’est fait l’expert incontesté. Une sorte de fièvre parait s’être emparée d’une partie de la rédaction qui, visiblement dépassée (ou aveuglée) par les enjeux, en a oublié ses règles éthiques et déontologiques les plus rudimentaires.
      […]
      Il semblerait néanmoins qu’elle se heurte à une réalité journalistique nettement moins nuancée. Sur 60 articles publiés dans le Monde qui illustrent des opinions (tribunes, interviews, points de vus...) entre le 15 juillet 2018 et le 16 janvier 2019, 48 peuvent être considérées comme des critiques négatives des actions de l’Etat et ou du gouvernement.

      Cela signifie que 80% des articles d’opinions, publiés par Le Monde sur cette période, renvoient une image négative voire très négative des actions de l’Etat. On peut qualifier les 20% restant de « plutôt neutres » ou « équilibrés ».
      […]
      Rapprochement idéologique avec Mediapart ?
      « L’affaire Benalla » semble avoir révélé, au fil des investigations des 2 médias, une forme nouvelle de rapprochement autour de valeurs communes.

      Il n’est probablement pas anodin que, lors de plusieurs épisodes de l‘affaire, notamment après le licenciement d’Alexandre Benalla par l’Elysée, différentes questions ou polémiques (passeports et déplacements en Afrique, contrat avec un oligarque russe, seconde audition auprès de la commission du Sénat, perquisition refusée au siège de Mediapart), les 2 éditions en ligne (mediapart.fr et lemonde.fr) ont semblé e*n parfaite synchronisation* pour relayer les découvertes de l’un tandis que l’autre valorisait les révélations de l’autre.

      En outre, on retrouve, dans l’orientation et l’écriture journalistique des 2 journaux en ligne, un certain nombre de traits communs : un même goût pour les révélations tonitruantes qui touchent l’Etat et la présidence, un sens certain de la mise en scène de l’information pour mieux en accentuer la portée (titres et photos en très grands formats, alertes en gras et rouges sur les fils d’information..), l’utilisation d’effets de dramatisation (dans le choix des titres en particulier et dans la mise en page) ainsi qu’une propension aux révélations « feuilletonnées » dans le but de tenir le lecteur en haleine...

    • J’ai pensé à toi @reka :)
      Et à y réfléchir, aucune étude ne pourra absoudre par le chiffre une ligne éditoriale qui est le plus souvent dans le déni et la censure. Certes cette étude donne la preuve d’un dysfonctionnement, le titre de sa présentation fait peur, vraiment, accuser le journalisme militant infiltré au monde de mettre en péril la crédibilité de la presse écrite est assez osé.
      Pour appuyer ma réflexion, une étude pourrait aussi accuser le logiciel libre de mettre en péril Apple ou Microsoft parce qu’ils intègrent l’un et l’autre du code libre.

    • Je ne connais pas le parcours politique et les motivations de Denis Morineau* qui signe cet article, non plus que la ligne de france-medias.
      Mais quand je lis les solutions proposées, comité d’éthique et de surveillance de la presse écrite, intervention du ministère de la culture, proposition de contribution de psychanalystes ou le simple fait d’évoquer la sauvegarde de l’identité et l’âme d’un journal (c’est quoi ?), cela m’inquiète pour la #liberté_de_la_presse, pas vous ?

      Il en va de la restauration d’un climat de confiance entre la rédaction et les lecteurs, largement mis à mal depuis une année. Il en va également de la nécessité pour Le Monde de continuer à être considéré, en France comme à l’étranger, comme un média suffisamment indépendant et qualitatif pour témoigner des mouvements de la société sans y perdre son identité et son âme. Nous avons compilé les principales mesures, dont certaines sont dores et déjà à l’étude au Ministère de la Culture, qui peuvent contribuer à cette évolution positive...

      Il convient, pour contribuer à rétablir cette confiance perdue, de mettre en place un comité d’éthique et de surveillance de la presse écrite. Cette instance doit pouvoir regrouper les directeurs de journaux, des directeurs de rédaction mais également des journalistes et bien évidemment, et en nombre significatif, des lecteurs et lectrices. En outre, des intellectuels, des sociologues, des sémiologiques voire des psychanalystes doivent également pouvoir apporter leurs contributions et leurs regards croisés et complémentaires (au delà des convictions politiques et ou idéologiques).

      * https://www.france-medias.fr/informations/#tab-1
      Dans la présentation de l’équipe (un seul et ex journaliste qui vient de la presse régionale groupe « Le Messager ») on trouve Denis Morineau

      Denis Morineau | Directeur de la publication et auteur
      Parcours & profil

      Diplômé de Neoma Business school de Rouen et d’HEC Montréal, Denis travaille très tôt dans l’univers du web (dès 1999) autour de projets européens basés à Paris. Il se lance ensuite dans l’édition web en créant des projets et concepts numériques. A l’origine de « Sortir en ville » (réseau social de sorties) ou encore de « Psychologie.fr ». Il déploie aussi son expression créative dans l’univers de l’architecture et du design en réalisant des espaces contemporains.
      Ses univers de prédilection

      Société et politique, géo-politique, médias, Histoire, sciences humaines (sociologie et psychanalyse), économie et Culture (théâtre et cinéma en particulier).
      Pourquoi France médias ?

      "Je souhaite que France médias permette au plus grand nombre de mieux comprendre et utiliser les médias. J’aimerais également que le site devienne une référence qualitative en termes de critique, d’évaluation et de décodage des médias."

  • Le klan Kakakids est un label ralié à la société secrète « 1000 balles », tout deux basés à Genève, spécialistes dans la propagande fluo, ils organisent aussi des concerts au pays du chocolat sale.
    https://kakakidsrecords.bandcamp.com

    Avec Jean-louis Costes et aussi Matt Konture ...
    https://kakakidsrecords.bandcamp.com/track/courgette


    et d’autres trucs à moitié brindezingue
    https://kakakidsrecords.bandcamp.com/track/pur-e-mousseline


    #Matt_Konture #bandcamp #Costes #propagande_fluo #musique

  • L’agenda européen en matière de migration : l’UE doit poursuivre les progrès accomplis au cours des quatre dernières années

    Dans la perspective du Conseil européen de mars, la Commission dresse aujourd’hui le bilan des progrès accomplis au cours des quatre dernières années et décrit les mesures qui sont encore nécessaires pour relever les défis actuels et futurs en matière de migration.

    Face à la crise des réfugiés la plus grave qu’ait connu le monde depuis la Seconde Guerre mondiale, l’UE est parvenue à susciter un changement radical en matière de gestion des migrations et de protection des frontières. L’UE a offert une protection et un soutien à des millions de personnes, a sauvé des vies, a démantelé des réseaux de passeurs et a permis de réduire le nombre d’arrivées irrégulières en Europe à son niveau le plus bas enregistré en cinq ans. Néanmoins, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour assurer la pérennité de la politique migratoire de l’UE, compte tenu d’un contexte géopolitique en constante évolution et de l’augmentation régulière de la pression migratoire à l’échelle mondiale (voir fiche d’information).

    Frans Timmermans, premier vice-président, a déclaré : « Au cours des quatre dernières années, l’UE a accompli des progrès considérables et obtenu des résultats tangibles dans l’action menée pour relever le défi de la migration. Dans des circonstances très difficiles, nous avons agi ensemble. L’Europe n’est plus en proie à la crise migratoire que nous avons traversée en 2015, mais des problèmes structurels subsistent. Les États membres ont le devoir de protéger les personnes qu’ils abritent et de veiller à leur bien-être. Continuer à coopérer solidairement dans le cadre d’une approche globale et d’un partage équitable des responsabilités est la seule voie à suivre si l’UE veut être à la hauteur du défi de la migration. »

    Federica Mogherini, haute représentante et vice-présidente, a affirmé : « Notre collaboration avec l’Union africaine et les Nations unies porte ses fruits. Nous portons assistance à des milliers de personnes en détresse, nous en aidons beaucoup à retourner chez elles en toute sécurité pour y démarrer une activité, nous sauvons des vies, nous luttons contre les trafiquants. Les flux ont diminué, mais ceux qui risquent leur vie sont encore trop nombreux et chaque vie perdue est une victime de trop. C’est pourquoi nous continuerons à coopérer avec nos partenaires internationaux et avec les pays concernés pour fournir une protection aux personnes qui en ont le plus besoin, remédier aux causes profondes de la migration, démanteler les réseaux de trafiquants, mettre en place des voies d’accès à une migration sûre, ordonnée et légale. La migration constitue un défi mondial que l’on peut relever, ainsi que nous avons choisi de le faire en tant qu’Union, avec des efforts communs et des partenariats solides. »

    Dimitris Avramopoulos, commissaire pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté, a déclaré : « Les résultats de notre approche européenne commune en matière de migration parlent d’eux-mêmes : les arrivées irrégulières sont désormais moins nombreuses qu’avant la crise, le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes a porté la protection commune des frontières de l’UE à un niveau inédit et, en collaboration avec nos partenaires, nous travaillons à garantir des voies d’entrée légales tout en multipliant les retours. À l’avenir, il est essentiel de poursuivre notre approche commune, mais aussi de mener à bien la réforme en cours du régime d’asile de l’UE. En outre, il convient, à titre prioritaire, de mettre en place des accords temporaires en matière de débarquement. »

    Depuis trois ans, les chiffres des arrivées n’ont cessé de diminuer et les niveaux actuels ne représentent que 10 % du niveau record atteint en 2015. En 2018, environ 150 000 franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’UE ont été détectés. Toutefois, le fait que le nombre d’arrivées irrégulières ait diminué ne constitue nullement une garantie pour l’avenir, eu égard à la poursuite probable de la pression migratoire. Il est donc indispensable d’adopter une approche globale de la gestion des migrations et de la protection des frontières.

    Des #mesures immédiates s’imposent

    Les problèmes les plus urgents nécessitant des efforts supplémentaires sont les suivants :

    Route de la #Méditerranée_occidentale : l’aide au #Maroc doit encore être intensifiée, compte tenu de l’augmentation importante des arrivées par la route de la Méditerranée occidentale. Elle doit comprendre la poursuite de la mise en œuvre du programme de 140 millions d’euros visant à soutenir la gestion des frontières ainsi que la reprise des négociations avec le Maroc sur la réadmission et l’assouplissement du régime de délivrance des visas.
    #accords_de_réadmission #visas

    Route de la #Méditerranée_centrale : améliorer les conditions d’accueil déplorables en #Libye : les efforts déployés par l’intermédiaire du groupe de travail trilatéral UA-UE-NU doivent se poursuivre pour contribuer à libérer les migrants se trouvant en #rétention, faciliter le #retour_volontaire (37 000 retours jusqu’à présent) et évacuer les personnes les plus vulnérables (près de 2 500 personnes évacuées).
    #vulnérabilité #évacuation

    Route de la #Méditerranée_orientale : gestion des migrations en #Grèce : alors que la déclaration UE-Turquie a continué à contribuer à la diminution considérable des arrivées sur les #îles grecques, des problèmes majeurs sont toujours en suspens en Grèce en ce qui concerne les retours, le traitement des demandes d’asile et la mise à disposition d’un hébergement adéquat. Afin d’améliorer la gestion des migrations, la Grèce devrait rapidement mettre en place une stratégie nationale efficace comprenant une organisation opérationnelle des tâches.
    #accord_ue-turquie

    Accords temporaires en matière de #débarquement : sur la base de l’expérience acquise au moyen de solutions ad hoc au cours de l’été 2018 et en janvier 2019, des accords temporaires peuvent constituer une approche européenne plus systématique et mieux coordonnée en matière de débarquement­. De tels accords mettraient en pratique la #solidarité et la #responsabilité au niveau de l’UE, en attendant l’achèvement de la réforme du #règlement_de_Dublin.
    #Dublin

    En matière de migration, il est indispensable d’adopter une approche globale, qui comprenne des actions menées avec des partenaires à l’extérieur de l’UE, aux frontières extérieures, et à l’intérieur de l’UE. Il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur les problèmes les plus urgents. La situation exige une action constante et déterminée en ce qui concerne l’ensemble des éléments de l’approche globale, pour chacun des quatre piliers de l’agenda européen en matière de migration :

    1. Lutte contre les causes de la migration irrégulière : au cours des quatre dernières années, la migration s’est peu à peu fermement intégrée à tous les domaines des relations extérieures de l’UE :

    Grâce au #fonds_fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique, plus de 5,3 millions de personnes vulnérables bénéficient actuellement d’une aide de première nécessité et plus de 60 000 personnes ont reçu une aide à la réintégration après leur retour dans leur pays d’origine.
    #fonds_fiduciaire_pour_l'Afrique

    La lutte contre les réseaux de passeurs et de trafiquants a encore été renforcée. En 2018, le centre européen chargé de lutter contre le trafic de migrants, établi au sein d’#Europol, a joué un rôle majeur dans plus d’une centaine de cas de trafic prioritaires et des équipes communes d’enquête participent activement à la lutte contre ce trafic dans des pays comme le #Niger.
    Afin d’intensifier les retours et la réadmission, l’UE continue d’œuvrer à la conclusion d’accords et d’arrangements en matière de réadmission avec les pays partenaires, 23 accords et arrangements ayant été conclus jusqu’à présent. Les États membres doivent maintenant tirer pleinement parti des accords existants.
    En outre, le Parlement européen et le Conseil devraient adopter rapidement la proposition de la Commission en matière de retour, qui vise à limiter les abus et la fuite des personnes faisant l’objet d’un retour au sein de l’Union.

    2. Gestion renforcée des frontières : créée en 2016, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes est aujourd’hui au cœur des efforts déployés par l’UE pour aider les États membres à protéger les frontières extérieures. En septembre 2018, la Commission a proposé de renforcer encore le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et de doter l’Agence d’un corps permanent de 10 000 garde-frontières, afin que les États membres puissent à tout moment bénéficier pleinement du soutien opérationnel de l’UE. La Commission invite le Parlement européen et les États membres à adopter la réforme avant les élections au Parlement européen. Afin d’éviter les lacunes, les États membres doivent également veiller à un déploiement suffisant d’experts et d’équipements auprès de l’Agence.

    3. Protection et asile : l’UE continuera à apporter son soutien aux réfugiés et aux personnes déplacées dans des pays tiers, y compris au Moyen-Orient et en Afrique, ainsi qu’à offrir un refuge aux personnes ayant besoin d’une protection internationale. Plus de 50 000 personnes réinstallées l’ont été dans le cadre de programmes de l’UE depuis 2015. L’un des principaux enseignements de la crise migratoire est la nécessité de réviser les règles de l’UE en matière d’asile et de mettre en place un régime équitable et adapté à l’objectif poursuivi, qui permette de gérer toute augmentation future de la pression migratoire. La Commission a présenté toutes les propositions nécessaires et soutient fermement une approche progressive pour faire avancer chaque proposition. Les propositions qui sont sur le point d’aboutir devraient être adoptées avant les élections au Parlement européen. La Commission continuera de travailler avec le Parlement européen et le Conseil pour progresser vers l’étape finale.

    4. Migration légale et intégration : les voies de migration légale ont un effet dissuasif sur les départs irréguliers et sont un élément important pour qu’une migration ordonnée et fondée sur les besoins devienne la principale voie d’entrée dans l’UE. La Commission présentera sous peu une évaluation complète du cadre de l’UE en matière de migration légale. Parallèlement, les États membres devraient développer le recours à des projets pilotes en matière de migration légale sur une base volontaire. L’intégration réussie des personnes ayant un droit de séjour est essentielle au bon fonctionnement de la migration et plus de 140 millions d’euros ont été investis dans des mesures d’intégration au titre du budget de l’UE au cours de la période 2015-2017.

    http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-1496_fr.htm
    –-> Quoi dire plus si ce n’est que... c’est #déprimant.
    #Business_as_usual #rien_ne_change
    #hypocrisie
    #langue_de_bois
    #à_vomir
    ....

    #UE #EU #politique_migratoire #asile #migrations #réfugiés #frontières

  • Leçons du mouvement des Gilets jaunes, Badiou
    https://drive.google.com/file/d/1VGECYnlh_LgRRwKvtgd_uSU7liyudQvm/view

    La conséquence de tout cela est que la bourgeoisie française — son oligarchie dominante, les actionnaires du CAC 40 — ne peut plus entretenir à son service, sur le même pied qu’avant, notamment avant la crise de 2008, une classe moyenne politiquement servile. Cette classe moyenne a été en effet le support historique à peu près constant de la prééminence électorale des diverses droites, prééminence dirigée contre les ouvriers organisés des grandes concentrations industrielles, lesquels étaient tentés par le communisme entre les années vingt, et, justement, les années 1980-1990.
    D’où la levée actuelle d’une part importante, et populaire, de cette classe moyenne, qui a le sentiment d’être abandonnée, contre Macron, qui est l’agent de la « modernisation » capitaliste locale, ce qui veut dire : serrer partout la vis, économiser, austériser, privatiser, sans les égards, qui existaient encore il y a trente ans, pour le confort des classes moyennes, en échange de leur consentement au système dominant.

    Où l’on vérifie que « le plus grand penseur français » (Aude Lancelin) se montre apte à dégouter du marxisme voire de toute théorisation tout lecteur un tant soit peu attentif qui se refuse à définir le soulèvement Gilets jaunes comme une mobilisation des « classes moyennes », fussent-elles « populaires ».
    Je vais pas égrener ici le genre de « catégories sociales » qui sont au coeur de ce soulèvement, du cariste à l’aide soignante, de l’infirmière aux intérimeuses. Juste signaler, par exemple, que seule l’idéologie autorise à considérer globalement les #auto_entrepreneurs comme des patrons (de qui ?!, à combien ?).

    #idéologie #Bad_You !! #shame #classes_moyennes #Gilets_Jaunes #marxisme_fossile

    • Une version reçue par mel, histoire de ne pas avoir besoin d’un compte gougueule

      Leçons du mouvement des « gilets jaunes » - Alain Badiou —

      Que faut-il penser, ce qui s’appelle penser, et non courir en aboyant, de la contradiction, violente, durable, entre le mouvement des gilets jaunes et les autorités de l’Etat, conduites par le petit président Macron ?
      J’ai dit fermement, dès le tour final des élections présidentielles, que je ne me rallierai jamais ni bien entendu à Marine Le Pen, capitaine de l’extrême-droite parlementaire, ni à Macron, qui montait ce que j’ai appelé « un coup d’Etat démocratique », au service pseudo-réformateur du grand capital.

      Aujourd’hui, je ne change évidemment rien à mon jugement sur Macron. Je le méprise sans aucune retenue. Mais que dire du mouvement des gilets jaunes ? Je dois avouer qu’en tout cas, dans ses débuts, l’année dernière, je n’y ai rien trouvé, que ce soit dans sa composition, ses affirmations ou ses pratiques, qui soit à mes yeux politiquement novateur, ou progressiste.

      Que les raisons de cette révolte soient nombreuses, et qu’à ce titre on puisse considérer le mouvement comme légitime, je l’accorde sans hésiter. Je connais la désertification des zones rurales, le triste silence des rues abandonnées dans les villes petites, et même moyennes ; l’éloignement continu, pour des masses de gens, des services publics, du reste peu à peu privatisés : dispensaires, hôpitaux, écoles, bureaux de poste, gares de la SNCF, téléphone. Je sais qu’une paupérisation, d’abord rampante, puis accélérée, affecte des populations qui, il y a quarante ans encore, bénéficiaient d’un pouvoir d’achat en progression quasi continue. Il est certain que les formes nouvelles de la fiscalité, son aggravation, peuvent apparaître comme une des causes de cette paupérisation. Je n’ignore nullement que la vie matérielle de familles entières devient un casse-tête, notamment pour de nombreuses femmes, du reste très actives dans le mouvement des gilets jaunes
      En résumé : il y a en France un très fort mécontentement de ce qu’on peut nommer la partie laborieuse, majoritairement provinciale, et aux revenus modérés, de la classe moyenne. Le mouvement des gilets jaunes est une représentation significative, en forme de révolte active et virulente, de ce mécontentement.

      Les raisons historico-économiques de cette levée sont, pour qui veut bien les entendre, parfaitement claires. Elles expliquent du reste pourquoi les gilets jaunes renvoient le début de leurs malheurs à il y a quarante ans : en gros, les années quatre-vingt, début d’une longue contre-révolution capitalo-oligarchique, appelée à tort « néo-libérale » alors qu’elle était libérale tout court. Ce qui veut dire : retour à la sauvagerie du capitalisme du XIXe siècle. Cette contre-révolution venait en réaction aux dix « années rouges » — grosso modo de 1965 à 1975 —, dont l’épicentre français fut Mai 68 et l’épicentre mondial la Révolution Culturelle en Chine. Mais elle fut considérablement accélérée par l’effondrement de l’entreprise planétaire du communisme, en URSS, puis en Chine : plus rien, à échelle mondiale, ne s’opposait à ce que le capitalisme et ses profiteurs, singulièrement l’oligarchie trans-nationale des milliardaires, exercent un pouvoir sans limites.
      Bien entendu, la bourgeoisie française a suivi le mouvement contre-révolutionnaire. Elle en a même été une capitale intellectuelle et idéologique, avec les agissements des « nouveaux philosophes », qui ont veillé à ce que l’Idée communiste soit partout pourchassée, non seulement comme fausse, mais comme criminelle. De nombreux intellectuels, renégats de Mai 68 et du maoïsme, ont été de consciencieux chiens de garde, sous des vocables fétiches et inoffensifs, comme « liberté », « démocratie », ou « notre république », de la contre-révolution bourgeoise et libérale.

      Cependant, la situation de la France, peu à peu, des années quatre-vingt à aujourd’hui, s’est dégradée. Ce pays n’est plus ce qu’il a été pendant les « trente glorieuses » de la reconstruction d’après-guerre. La France n’est plus une puissance mondiale forte, un impérialisme conquérant. On la compare couramment, aujourd’hui, à l’Italie, voire à la Grèce. La concurrence la fait reculer partout, sa rente coloniale est au bout du rouleau et demande, pour être maintenue, d’innombrables opérations militaires en Afrique, coûteuses et incertaines. En outre, comme le prix de la force de travail ouvrière est bien plus bas ailleurs qu’en France, par exemple en Asie, les grandes usines sont toutes peu à peu délocalisées vers l’étranger. Cette désindustrialisation massive entraîne une sorte de ruine sociale qui s’étend de régions entières, comme la Lorraine et sa sidérurgie ou le Nord des usines textiles et des mines de charbon, jusqu’à la banlieue parisienne, du coup livrée à la spéculation immobilière sur les innombrables friches laissées par des industries en perdition.

      La conséquence de tout cela est que la bourgeoisie française — son oligarchie dominante, les actionnaires du CAC 40 — ne peut plus entretenir à son service, sur le même pied qu’avant, notamment avant la crise de 2008, une classe moyenne politiquement servile. Cette classe moyenne a été en effet le support historique à peu près constant de la prééminence électorale des diverses droites, prééminence dirigée contre les ouvriers organisés des grandes concentrations industrielles, lesquels étaient tentés par le communisme entre les années vingt, et, justement, les années 1980-1990. D’où la levée actuelle d’une part importante, et populaire, de cette classe moyenne, qui a le sentiment d’être abandonnée, contre Macron, qui est l’agent de la « modernisation » capitaliste locale, ce qui veut dire : serrer partout la vis, économiser, austériser, privatiser, sans les égards, qui existaient encore il y a trente ans, pour le confort des classes moyennes, en échange de leur consentement au système dominant.

      Les gilets jaunes, arguant de leur bien réelle paupérisation, veulent qu’on leur paie de nouveau ce consentement au prix fort. Mais c’est absurde, puisque précisément le macronisme est le résultat du fait que l’oligarchie, premièrement a moins besoin du soutien des classes moyennes, dont le financement était coûteux, depuis que le danger communiste a disparu ; et deuxièmement n’a plus les moyens de se payer une domesticité électorale de la même envergure qu’autrefois. Et que donc, il faut aller, sous couvert de « réformes indispensables » vers une politique autoritaire : une nouvelle forme du pouvoir d’Etat servira de support à une « austérité » juteuse, étendue du peuple des chômeurs et des ouvriers jusqu’aux couches inférieures de la classe moyenne. Et ce pour le profit des vrais maîtres de ce monde, à savoir les actionnaires principaux des grands groupes de l’industrie, du commerce, des matières premières, des transports et de la communication.

      Dans le Manifeste du Parti communiste, écrit en 1848, Marx examinait déjà ce type de conjoncture, et parlait, au fond, avec précision, de ce que sont aujourd’hui nos gilets jaunes. Il écrivait ceci : La classe moyenne, les petits fabricants, les détaillants, les artisans, les paysans combattent la Bourgeoisie, parce qu’elle compromet leur existence en tant que classe moyenne. Ils ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservateurs  ; qui plus est, ils sont réactionnaires  ; ils demandent que l’histoire fasse machine arrière.
      Ils le demandent aujourd’hui d’autant plus âprement que la bourgeoisie française n’est plus en état, vu le tour pris par le capitalisme mondialisé, de soutenir et encore moins d’augmenter leur pouvoir d’achat. Les gilets jaunes « combattent la Bourgeoisie », comme le dit Marx, c’est vrai. Mais ils le font pour restaurer un ordre ancien et périmé, et non pour inventer un nouvel ordre social et politique, dont les noms ont été, depuis le XIXe siècle, « socialisme », ou, surtout, « communisme ». Car pendant presque deux siècles, tout ce qui n’était pas peu ou prou défini selon une orientation révolutionnaire était très justement considéré comme relavant de la réaction capitaliste. Il n’y avait, en politique, que deux grandes voies. Nous devons absolument revenir vers cette conviction : deux voies, en politique, deux seulement, et jamais une poussière « démocratique » de pseudo tendances, sous la houlette d’une oligarchie qui se déclare « libérale ».
      Ces considérations générales nous permettent de revenir aux caractéristiques concrètes du mouvement des gilets jaunes. Ses caractéristiques en quelque sorte spontanées, celles qui ne sont pas dues à des interventions extérieures au courant principal de la levée, sont en réalité « réactionnaires », comme le dit Marx, mais en un sens plus moderne : on pourrait appeler la subjectivité de ce mouvement un individualisme populaire, rassemblant des colères personnelles liées aux formes neuves de la servitude aujourd’hui imposée à tous par la dictature du Capital.

      C’est la raison pour laquelle il est faux de dire, comme le font certains, que le mouvement des gilets jaunes est intrinsèquement fasciste. Non. Le fascisme organise de façon le plus souvent très disciplinée, voire militarisée, des motifs identitaires, nationaux ou racialistes. Il y a dans la présente levée inorganisée – comme l’est toujours la classe moyenne urbaine — et de ce fait même individualiste, des gens de toutes sortes, de tous métiers, qui se pensent souvent, et sincèrement, comme démocrates, qui en appellent aux lois de la République – ce qui, aujourd’hui en France, ne mange pas de pain. A vrai dire, chez la grande majorité d’entre eux, les convictions proprement politiques sont flottantes. Mais à considérer le mouvement — encore une fois tel qu’il se donne dans sa « pureté » initiale – à partir de ses rares aspects collectifs, mots d’ordre, énoncés répétés, je n’y vois rien qui me parle, m’intéresse, me mobilise. Leurs proclamations, leur désorganisation périlleuse, leurs formes d’action, leur absence assumée de pensée générale et de vision stratégique, tout cela proscrit l’inventivité politique. Je ne suis certes pas conquis par leur hostilité à toute direction incarnée, leur crainte obsessionnelle de la centralisation, du collectif unifié, crainte qui confond, comme le font tous les réactionnaires contemporains, démocratie et individualisme. Rien de tout cela n’est de nature à opposer au très odieux et misérable Macron une force progressiste, novatrice et victorieuse au long cours.
      Je sais que les adversaires de droite du mouvement, notamment chez les intellectuels renégats, les ex-révolutionnaires devenus les chantres du pouvoir policier dès lors que l’oligarchie et l’Etat leur assurent des tribunes pour leur bavardage libéral – accusent le soulèvement « gilets jaunes » d’antisémitisme ou d’homophobie, ou encore de « danger pour notre République ». Je sais aussi que s’il existe des traces de tout cela, elles sont le résultat, non d’une conviction partagée, mais d’une présence, d’une infiltration active, de l’extrême-droite dans un mouvement désorganisé au point qu’il est vulnérable à toutes les manipulations imaginables. Mais enfin, ne nous voilons pas la face : Divers indices, notamment des traces évidentes de nationalisme à courte vue, d’hostilité latente aux intellectuels, de « démocratisme » démagogique dans le style crypto-fasciste de « le peuple contre les élites », et de confusion dans les discours, doivent inciter quiconque à être prudent dans toute appréciation trop globale de ce qui se passe aujourd’hui. Acceptons de voir que les ragots des « réseaux sociaux » tenant lieu, pour la majorité des gilets jaunes, d’information objective, la conséquence en est que circulent partout dans le mouvement des pulsions complotistes aberrantes.

      Un proverbe d’autrefois dit que « tout ce qui bouge n’est pas rouge ». Et pour le moment, du « rouge », dans le mouvement des gilets, qui certes « bouge », il n’est pas question : je ne vois, outre le jaune, que du tricolore, toujours un peu suspect à mes yeux.
      Bien sûr, les ultragauches, les anti-fafs, les dormeurs éveillés de nuit-debout, ceux qui sont toujours à l’affût d’un « mouvement » à se mettre sous la dent, les vantards de « l’insurrection qui vient », célèbrent les proclamations démocratiques (en fait, individualistes et à courte vue), introduisent le culte des assemblées décentralisées, s’imaginent refaire bientôt la prise de la Bastille. Mais ce sympathique carnaval ne peut m’impressionner : il a conduit partout, depuis dix ans et plus, à de terribles défaites, payées très chères par les peuples. En effet, les « mouvements » de la dernière séquence historique, de l’Egypte et du « printemps arabe » à Occupy Wall Street, de ce dernier à la Turquie des grandes places, de cette Turquie à la Grèce des émeutes, de la Grèce aux indignés de tous bords, des indignés à Nuit Debout, de Nuit Debout aux Gilets Jaunes, et bien d’autres encore, semblent très ignorants des lois réelles et implacables qui gouvernent aujourd’hui le monde. Passés les grisants mouvements et rassemblements, les occupations de toutes sortes, ils s’étonnent que la partie soit si dure, et que toujours on échoue, voire même qu’on a, chemin faisant, consolidé l’adversaire. Mais la vérité est qu’ils n’ont même pas constitué le début d’un antagonisme réel, d’une autre voie, à portée universelle, au regard du capitalisme contemporain.

      Rien n’est plus important, dans le moment actuel, que d’avoir présentes à l’esprit les leçons de cette séquence des « mouvements », gilets jaunes compris. On peut les résumer en une seule maxime : un mouvement dont l’unité est strictement négative, ou bien échouera, donnant le plus souvent une situation pire que celle qui sévissait à son origine, ou bien devra se diviser en deux, à partir du surgissement créateur, en son sein, d’une proposition politique affirmative qui soit réellement antagonique à l’ordre dominant, proposition soutenue par une organisation disciplinée.

      Tous les mouvements des dernières années, quelle que soit leur localisation et leur durée, ont suivi une trajectoire pratiquement similaire et en vérité catastrophique :
      –- unité initiale constituée strictement contre le gouvernement en place. C’est le moment qu’on peut dire « dégagiste », de « Moubarak dégage » à « Faire la fête à Macron »
      –- unité maintenue par un mot d’ordre complémentaire lui-même exclusivement négatif, après un temps de bagarres anarchiques, quand la durée commence à peser sur l’action de masse, mot d’ordre du genre « à bas la répression », « à bas les violences policières ». Le « mouvement », alors, faute de contenu politique réel, ne se réclame plus que de ses blessures ;
      –- unité défaite par la procédure électorale, quand une partie du mouvement décide d’y participer, une autre non, sans qu’aucun contenu politique véritable ne soutienne ni la réponse positive, ni la négative. Au moment où j’écris ces lignes, la prévision électorale ramène Macron à ses scores antérieurs au mouvement des gilets, le total de la droite et de l’extrême droite à plus de 60%, et le seul espoir de la gauche défunte, la France Insoumise, à 7%.
      –- D’où : venue au pouvoir, par les élections, de pire qu’avant. Soit que la coalition déjà en place les remporte, et ce de façon écrasante (ce fut le cas en Mai 68 en France) ; ou qu’une formule « nouvelle » en fait étrangère au mouvement et fort peu agréable soit victorieuse (en Egypte, les frères musulmans, puis l’armée avec Al Sissi ; Erdogan en Turquie) ; ou que les gauchistes en parole soient élus mais capitulent aussitôt sur le contenu (Syriza en Grèce) ; ou que l’extrême droite soit à elle seule victorieuse (le cas de Trump aux USA) ; ou qu’un groupe issu du mouvement s’acoquine avec l’extrême droite pour s’installer dans le fromage gouvernemental (le cas italien, avec l’alliance du mouvement cinq étoiles et des fascistoïdes de la ligue du nord). Remarquons que ce dernier cas a ses chances en France, si parvient à fonctionner une alliance d’une organisation prétendument venue des « gilets jaunes » et de la secte électorale de Marine Le Pen.

      Tout cela parce qu’une unité négative est hors d’état de proposer une politique, et sera donc en définitive écrasée dans le combat qu’elle engage. Mais pour proposer un au-delà de la négation, encore faut-il identifier l’ennemi, et savoir ce que signifie de faire réellement autre chose que lui, absolument autre chose. Ce qui implique a minima une connaissance effective du capitalisme contemporain à échelle mondiale, de la place décadente qu’y occupe la France, des solutions de type communiste concernant la propriété, la famille (l’héritage) et l’Etat, des mesures immédiates mettant en route ces solutions, comme aussi un accord, venu d’un bilan historique, des formes d’organisation appropriées à ces impératifs.

      Pour assumer tout cela, seul une organisation ressuscitée sur des bases nouvelles peut rallier, en quelque sorte au futur, une partie des classes moyennes en déroute. Il est alors possible, comme l’écrit Marx, que [la classe moyenne] agisse révolutionnairement, par crainte de tomber dans le Prolétariat  : ils défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels  ; ils abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat.

      Il y a là une indication précieuse, qui autorise une conclusion partiellement positive, mais sur un point essentiel : il existe sans doute une gauche potentielle du mouvement des gilets jaunes, une très intéressante minorité : celle que constituent ceux des activistes du mouvement qui, en fait, découvrent qu’il faut penser leur cause au futur et non au présent, et inventer, au nom de ce futur, leur ralliement à autre chose que leurs revendications statiques sur le pouvoir d’achat, les taxes, ou la réforme de la constitution parlementaire.
      On pourrait dire alors que cette minorité peut constituer une part du peuple réel, soit le peuple au sens où il porte une conviction politique stable, incarnant une voie réellement antagonique à la contre-révolution libérale.

      Bien sûr, sans incorporation massive des nouveaux prolétaires, les gilets jaunes ne peuvent représenter, tels quels, « le peuple ». Ce serait le réduire, ce peuple, à la nostalgie de la partie la plus démunie de la classe moyenne pour son statut social en perdition. Pour être, aujourd’hui, en politique, « le peuple », il faut que la foule mobilisée comporte un contingent fort et central du prolétariat nomade de nos banlieues, prolétariat venu d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’Est, d’Amérique latine ; il faut qu’elle affiche des signes clairs de rupture avec l’ordre dominant. D’abord dans les signes visibles, comme le drapeau rouge à la place du tricolore. Ensuite dans ce qui est dit, comme des tracts et des banderoles porteurs de directives et d’affirmations antagoniques à cet ordre. Ensuite encore, dans les exigences minimales qu’il faut clamer, par exemple l’arrêt total des privatisations et l’annulation de toutes celles qui ont eu lieu depuis le milieu des années quatre-vingt. Il faut avoir comme idée maîtresse le contrôle collectif sur tous les moyens de production, tout l’appareil bancaire, et tous les services publics (santé, éducation, transports, communication). Bref, le peuple politique ne peut se contenter, pour exister, de rassembler quelques milliers de mécontents, fussent-ils, ce que je crois, cent mille, et de réclamer d’un Etat — déclaré par ailleurs, à juste titre, détestable — qu’il veuille bien vous « considérer », organiser pour vous des référendums (lesquels, par exemple ?), entretenir quelques services de proximité et remonter un peu votre pouvoir d’achat en diminuant vos impôts.

      Mais passées les exagérations, les rodomontades, le mouvement des gilets jaunes peut être très utile dans l’avenir, comme le dit Marx : du point de vue de son futur. Si en effet nous nous tournons vers cette minorité d’activistes du mouvement des gilets jaunes qui, à force de se réunir, d’agir, de parler, ont compris en quelque sorte de façon intuitive qu’il leur fallait acquérir une vision d’ensemble, à échelle mondiale comme française, de ce qui est la source véritable de leur malheur, à savoir la contre-révolution libérale ; et qui par conséquent sont prêts à participer aux étapes successives de la construction d’une force de type nouveau ; alors, ces gilets jaunes, pensant à partir de leur futur ; contribueront sans aucun doute à l’existence, ici, d’un peuple politique. C’est pourquoi nous devons leur parler, et s’ils y consentent, organiser avec eux des réunions où se constitueront les premiers principes de ce qu’on peut appeler, ce qu’on doit appeler pour être clair, même si le mot est devenu, ces trente dernières années, à la fois maudit et obscur, un communisme, oui, un communisme nouveau. Comme l’expérience l’a montré, le rejet de ce mot a aussi bien donné le signal d’une régression politique sans précédent, celle-là même contre se lèvent, sans trop le savoir, tous les « « mouvements » de la dernière période, y compris ce qu’il y a de meilleur dans les « gilets jaunes » : les militants qui espèrent un nouveau monde.
      Pour commencer, ces nouveaux militants soutiendront ce que je crois être indispensable : créer, partout où on le peut, des grandes banlieues aux petites villes désertées, des écoles où les lois du Capital et ce que veut dire les combattre au nom d’une orientation politique totalement différente, soient enseignées et discutées de façon claire. Si au-delà de l’épisode « gilets jaunes contre Macron blanc », mais porté par ce que cet épisode avait au futur de meilleur, un tel réseau d’écoles politiques rouges pouvait voir le jour, le mouvement, par son indirecte puissance d’éveil, s’avèrerait avoir eu une véritable importance.

    • Considérer les professions intermédiaires uniquement à l’aune de la France est une erreur monumentale, actuellement, et oui, il s’agit bien de la classe moyenne à l’échelle mondiale. Et les Macron, Trump et autres Poutine gouvernent, ou plutôt dirigent, à l’échelle mondiale, eux, dans les sillons des multinationales.

  • Entretien exclusif avec le président du Burkina Faso Roch Marc Christian Kaboré | Afrique | DW | 04.03.2019
    https://www.dw.com/fr/entretien-exclusif-avec-le-pr%C3%A9sident-du-burkina-faso-roch-marc-christian-kabor%C3%A9/av-47765453

    Lors de son récent passage à Berlin, le président du Faso nous a accordé un entretien dans lequel il a abordé la gestion interne de son pays ainsi que les questions sécuritaires .

  • Ça plane pour moi – 2 Garçons, 1 Fille : 3 Sensibilités
    https://2garcons1fille.wordpress.com/2013/12/17/ca-plane-pour-moi/amp/?__twitter_impression=true
    https://secure.gravatar.com/blavatar/3733d563f346ed506c25ca24873243ca?s=200&ts=1551799558

    04H32 : J’ai l’impression d’être dans « Question pour un champion ». Top : Je suis une interne de deuxième semestre, en charge d’un patient souffrant de peut-être une colique néphrétique ou alors de peut-être une dissection aortique, je me trouve actuellement dans un avion au-dessus de l’Afrique. Je dois décider du déroutage éventuel de l’avion vers la Somalie. Je suis, Je suis ??? Dans la merde.

  • Au #Mali, #Niger et #Sénégal, le marché de l’identité en plein essor

    De plus en plus d’États africains font appel à des entreprises étrangères, notamment françaises, pour fabriquer des #cartes_d’identité biométriques, qui servent aussi de #cartes_électorales sécurisées. Un projet soutenu par l’Europe qui y voit une occasion de mieux contrôler les flux migratoires.

    De plus en plus d’États africains font appel à des entreprises étrangères, notamment françaises, pour fabriquer des cartes d’identité biométriques, qui servent aussi de cartes électorales sécurisées. Un projet soutenu par l’Europe qui y voit une occasion de mieux contrôler les flux migratoires.

    Niger, Sénégal, Mali, de nos envoyés spéciaux.- Sur le continent africain, les États font de plus en plus souvent appel aux services d’entreprises étrangères spécialisées dans le domaine de l’état civil et leur confient la fabrication de cartes d’identité biométriques, qui sont aussi souvent utilisées comme cartes électorales.
    C’est par exemple le cas, au Mali, du groupe français #Idemia [nouveau nom, depuis 2017, de #OT-Morpho, né de la fusion des sociétés #Oberthur_Technologies (OT) et Morpho], du franco-néerlandais #Gemalto au Niger, et de la société malaisienne #Iris au Sénégal.
    Ce processus est appuyé par la Commission européenne, par le biais de son #Fonds_fiduciaire_d’urgence_pour_l’Afrique. Un partenariat dans lequel chacun trouve son intérêt : les chefs d’État ouest-africains entrevoient la tenue d’élections indiscutables, tandis que la diplomatie européenne touche du doigt le Graal du contrôle de l’immigration irrégulière en permettant l’accès direct à une base de données centralisée des citoyens subsahariens. Celle-ci permettrait aux États membres de l’Union européenne (UE) d’identifier et de renvoyer plus facilement les migrants irréguliers dans leur pays d’origine.
    Un projet « gagnant-gagnant » donc, pour lequel la Commission européenne pourra recevoir un retour sur investissement des 25 millions d’euros dépensés au Mali, et des 28 millions d’euros au Sénégal. Le projet devrait permettre de disposer d’un système d’information de l’état civil informatisé relié à une #base_de_données biométriques à même de sécuriser l’identité de la population et d’être exploitable par d’autres administrations utilisatrices.
    « Il y a une demande d’appui des autorités maliennes auprès de l’UE, qui considère qu’il y a un besoin. C’est une sorte d’interactivité : un état civil qui fonctionne bien va permettre à la population de bénéficier des services auxquels elle a droit. L’aspect contrôle des populations n’est que secondaire », assure Omar Merabet, conseiller du PDG de Civipol, agence française qui travaille, au Mali et au Sénégal, sur deux importants programmes d’état civil qui servent de base de données pour la biométrie électorale.
    Il résume : « La relation entre identité et sécurité est là : si on a un fichier sécurisé, on a une possibilité de traçabiliser la population – un idéal de politique. »
    Des militants de la société civile ouest-africaine s’interrogent néanmoins sur l’utilisation réelle des données personnelles collectées et sur le risque d’utilisation abusive par l’État ou des tiers. Cette préoccupation est également partagée par Omar Merabet : « On sait l’usage qu’en fait un pays donné aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il demain ? C’est un problème essentiel car on va consacrer énormément de financements à centraliser ces données, pour la question de l’immigration par exemple, avoir des fichiers ultra précis, partagés avec les services… Il va y avoir de plus en plus de communication et donc de possibilités d’utiliser frauduleusement ces données. »

    « Nous pensons que nous n’avons pas assez de détails sur la question et que nous ne sommes pas bien informés par nos gouvernements, estime le juriste Djabel Magassa, porte-parole de Kouloubametre, site internet « d’initiative citoyenne d’évaluation et suivi des actions des gouvernants ». Quelles sont les garanties de la part de l’Union européenne que ces données ne seront pas utilisées à d’autres fins – par exemple, d’identifier des migrants en vue de leur expulsion par Frontex ? »

    L’hypothèse est balayée par l’État malien. « Au Mali existe une loi qui protège les données personnelles, ainsi que l’Autorité de protection des données à caractère individuel qui surveille l’utilisation des telles informations. Il n’est donc pas possible de donner ces données à un pays européen ou à une structure pour surveiller les migrants », affirme Fousseyni Diarra, directeur du Centre pour le traitement des données de l’état civil et président de la commission technique du Comité de pilotage des élections présidentielles qui ont eu lieu l’été dernier.

    En dépit des risques et des limites, la solution biométrique s’étend dans l’Afrique subsaharienne. Un nouveau front s’est ouvert au Niger, voisin du Mali.

    Au Niger, la France et l’Allemagne à la manœuvre

    « On est entourés de pays plongés dans la tourmente, comme le Mali, le Nigeria, la Libye et le Burkina Faso, explique Issaka Souna. Le Niger ne peut pas se permettre un processus électoral tendu. » Avocat et haut fonctionnaire des Nations unies, Souna a été nommé en octobre 2017 à la tête de la Commission électorale indépendante du Niger (CENI). Au cœur de son travail, la mise en place d’un fichier électoral biométrique.

    Après des années de pourparlers, le fichier biométrique a été intégré dans le nouveau code électoral. Pour Issaka Souna, la difficulté principale est l’absence d’un système d’état civil fiable : « Moins de 30 % de nos concitoyens possèdent une pièce d’identité. On a un territoire immense et une partie de la population est nomade : fournir presque dix millions de cartes électorales biométriques en moins d’un an sera une épreuve colossale. »

    Le premier test, ce seront les élections locales, reportées quatre fois depuis 2016 et prévues pour début 2020. Présidentielle et législatives sont prévues pour 2021. Mahamadou Issoufou sera alors arrivé au terme de son deuxième mandat et ne sera plus éligible.

    Ici, tout en étant le principal bailleur de fonds du Niger, l’Union européenne n’a pas financé la #biométrisation des élections. « Sans un état civil performant, cela n’a pas de sens, confie un fonctionnaire de Bruxelles, sous le couvert de l’anonymat. C’est comme acheter une Porsche là où on n’a même pas un chemin pour se promener. »

    Selon le fonctionnaire, « l’inscription d’un #fichier_biométrique dans la loi permet aux gouvernements de faire du #chantage à l’UE. Ils disent : “Si vous voulez des élections démocratiques, il faut financer la biométrie.” » Soit une dépense, pour créer le fichier, qui tournerait autour des 60 millions d’euros.

    Le fonctionnaire ajoute qu’au sein de la délégation européenne au Niger, « on a dû résister aux pressions des diplomates français et allemands qui voulaient qu’on finance cette biométrie ».
    Les pressions des groupes français

    Un document interne, obtenu par Mediapart, détaille le parcours de sélection de l’opérateur privé au Niger. En concurrence, quatre sociétés : #Gemalto, dont l’actionnaire majoritaire est la Banque publique d’investissement français, #Idemia, propriété de l’État français à 14 %, la société privée allemande #Dermalog, et #Lithotech, compagnie du géant sud-africain #Bidvest, liée à un fonds public de Johannesburg.

    Seuls les deux premiers, français, ont survécu au long processus de sélection – 17 jours de travail d’un comité technique, en octobre 2018 –, dont les résultats, pas encore proclamés après des mois, ont déjà provoqué quelques bouleversements : Dermalog, exclue de la sélection finale en raison de son mauvais score (32,5 points sur 100), aurait fait appel. Contactée, la société a refusé de commenter.

    Gemalto (déjà fortement sollicité sur le marché biométrique africain, notamment en #Algérie, #Bénin, #Burkina_Faso, #Comores, #Gabon et #Guinée-Conakry) a fini par l’emporter, avec 92 points sur 100 face aux 77 de Idemia, d’après l’évaluation technique. Le marché s’élève à 20 milliards de francs CFA (30,5 millions d’euros) sur 16 mois, d’après le président de la CENI Issaka Souna.

    Avant l’officialisation du contrat, le groupe français était à l’affût de la moindre mise en cause de ses activités : il a ainsi exigé la publication d’un droit de réponse dans le bi-hebdomadaire nigérien L’Événement. En cause : des informations « de nature à nuire à la bonne réputation du groupe », selon Gemalto. L’entreprise y conteste notamment l’existence d’une plainte pour corruption passive ou active d’agent étranger au Gabon. Plainte qui a pourtant bien été enregistrée à Paris.

    Le Sénégal, pionnier des cartes biométriques dans la région

    Contrairement au Mali et au Niger, le marché de la biométrie au Sénégal n’est pas dominé par une société française mais par le groupe malaisien #Iris_Corporation_Berhad. Premier pays de la région à avoir, en 2007, engagé le processus de biométrisation prévu par l’accord de la #CEDEAO – visant officiellement à faciliter la circulation des personnes dans l’espace régional –, le Sénégal a élu son président, le 24 février dernier, en utilisant des documents électoraux produits par le géant asiatique pour un montant de 50 milliards de francs CFA (environ 76 millions d’euros).

    Si, à quelques jours des élections du 24 février, le gouvernement a annoncé un taux de distribution des cartes biométriques de 97 %, la société traîne encore quelques casseroles.

    Lors des élections législatives de juillet 2017, de graves dysfonctionnements dans le processus de distribution des cartes ont empêché environ 800 000 personnes de voter. En 2007, le contrat de production de passeports biométriques, attribué déjà à Iris, a été suspendu et jugé, dans un rapport public de la Cour des comptes sénégalaise de 2009, « contraire à l’intérêt général » et « irrégulier » parce que trop coûteux et lent (118 milliards de francs CFA pour 10 millions de documents en vingt ans).

    L’expert informaticien et cyberactiviste sénégalais Cheick Fall, cofondateur de la Ligue africaine des web activistes pour la démocratie Africtivistes, parle d’#indépendance_numérique violée. « Le Sénégal a péché en allant confier le traitement de ces données à une entreprise étrangère. » Selon lui, il y aurait dans le pays toutes les compétences techniques et humaines pour confectionner la carte biométrique directement au Sénégal, « à un dixième du coût ».

    Pour lui, pas mal de questions se cachent dans cette petite carte. « Comment cette entreprise va-t-elle traiter nos informations ? Qui gère, qui collabore et qui a des intérêts avec elle ? Quels sont les contrats qui lient l’État avec cette société sur la confection mais aussi sur le traitement et la conservation des donnés sensibles ? » Une interrogation plus profonde sous-tend sa réflexion : « Aujourd’hui, on parle beaucoup des barrières, mais dans une société de plus en plus dématérialisée et fondée sur la citoyenneté digitale, qu’est-ce qu’une frontière ? »

    https://www.mediapart.fr/journal/international/050319/au-mali-niger-et-senegal-le-marche-de-l-identite-en-plein-essor?onglet=ful
    #externalisation #asile #migrations #réfugiés #biométrie #privatisation
    #contrôles_frontaliers #identification #business #complexe_militaro-industriel #UE #EU #big-data #surveillance_de_masse #traçabilité

    signalé par @pascaline via la mailing-list de Migreurop
    ping @karine4

    Ajouté à la métaliste externalisation :
    https://seenthis.net/messages/731749

  • « Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise » : une charge violente contre le Vatican
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/03/05/religieuses-abusees-l-autre-scandale-de-l-eglise-une-charge-violente-contre-

    Alors que vient de s’achever un séminaire inédit au Vatican sur la lutte contre les abus sexuels sur mineurs perpétrés au sein de l’Eglise, l’enquête qu’Arte met à disposition sur sa plate-forme de vidéo à la demande vient encore, s’il en est besoin, nourrir la consternation. Au point qu’on se demande si cette litanie de révélations, toutes plus sordides les unes que les autres, prendra un jour fin. Mais Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise est moins une compilation de témoignages que la mise au jour d’un système organisé qui, comme le souligne le commentaire qui ne s’embarrasse pas de circonvolutions, dépasse le viol pour s’apparenter à une forme de « proxénétisme clérical ».

    Résultat d’une investigation menée pendant deux ans dans plusieurs pays par les journalistes Elizabeth Drévillon, Marie-Pierre Raimbault et Eric Quintin, ce film va bien au-delà de la dénonciation des sévices endurés par les membres des communautés religieuses, pour s’intéresser à la responsabilité du Vatican dans la protection des prêtres violeurs.

    Toute affaire gênante pour l’Eglise est réglée en son sein, et non par la justice des hommes

    Les témoignages recueillis, pour la majorité à visage découvert, sont édifiants. Comme celui de deux anciennes membres de la communauté de l’Arche, qui racontent les sévices subis de la part du père Thomas. Exerçant une emprise sans limite sur les membres de sexe féminin de cette communauté, il a abusé de son autorité, incontestable pour des sœurs souvent très jeunes à l’époque, pour assouvir ses pulsions, comme l’avait révélé un rapport publié en 2015.

    Acte de « pénitence », découverte de « l’amour véritable de Dieu », tous les prétextes sont bons, ce qui rend d’autant plus complexe pour les victimes de réaliser qu’elles ont été violées. Celles qui s’expriment ici évoquent avec douleur cette atteinte à leur chasteté, et l’épreuve immense que fut pour elle(s) de s’opposer à leur(s) bourreau (x).

    « Quand on dénonce un prêtre, dit Cecilia, ancienne membre de la communauté de l’Arche où sévissait le père Thomas, on dénonce aussi l’Eglise. » Mais on est pourtant loin d’avoir partie gagnée. Le père Thomas avait ainsi été sanctionné par le Vatican au début des années 1950 : depuis lors, il avait interdiction d’enseigner, d’exercer tout ministère et de faire de l’accompagnement spirituel. L’absence de suivi des sanctions internes à l’Eglise lui a laissé toute liberté pour continuer à violer. Il existe une « fraternité » au sein du clergé qui facilite l’impunité, analyse Jean de la Selle, un ancien responsable de la communauté de l’Arche, très investi dans la reconnaissance des victimes du père Thomas. Impunité renforcée par un principe tacite qui veut que « faute confessée égale faute pardonnée » et que toute affaire gênante pour l’Eglise soit réglée en son sein, et non par la justice des hommes.
    Culture de l’impunité

    A ce titre, le documentaire porte une charge particulièrement violente contre le Vatican. Il impute au pontificat de Jean Paul II d’avoir favorisé cette culture de l’impunité en minimisant systématiquement les accusations. Le prêtre Pierre Vignon, exclu du tribunal ecclésiastique de Lyon, vraisemblablement pour avoir réclamé la démission du cardinal Philippe Barbarin (récemment jugé pour non-dénonciation d’un prêtre accusé d’agressions sexuelles sur mineurs), relève que les sanctions, quand sanction il y a, sont in fine toutes soumises pour approbation au Vatican.

    Pendant longtemps, celui-ci n’a reconnu que des actes isolés dans certains pays, notamment en Afrique de l’Ouest. Loin d’être cantonnés à ces pays, les abus commis au sein de ces communautés sont, il est vrai, facilités par une précarité économique propice au « trafic de faveurs », explique un prêtre jésuite qui se bat contre les viols de religieuses au Cameroun.

    Le summum de l’abject est atteint lorsqu’une des victimes tombe enceinte

    Et le summum de l’abject est atteint lorsqu’une des victimes tombe enceinte. Le panel des solutions proposées par la hiérarchie va alors de la plus simple – la future mère est purement et simplement bannie de la communauté – à la plus incompréhensible – un avortement dans la plus grande discrétion est organisé –, en passant par la plus hypocrite – la jeune femme se voit proposer « d’offrir son enfant à Dieu », c’est-à-dire de l’abandonner.

    Certains prélats ont beau dénoncer à visage découvert les déviances de leur Eglise, un prêtre contrit a beau avouer, à visage couvert cette fois, avoir manipulé et violé, on sort de ce film révulsé face au refus du Vatican de s’emparer du sujet. C’est bien d’un refus qu’il s’agit, puisque au moins deux rapports internes ont établi les faits au cours des années 1990. Sans qu’aucune mesure n’ait été prise. « Le Saint-Siège est incapable de faire un mea culpa sur les actes », dénoncent les réalisateurs du film. Au moins peut-on attendre de lui qu’il agisse enfin pour les empêcher.

    • Campagne permanente des pharmas sur ce thème, qui oublie systématiquement qu’une des causes principales de ce marché frauduleux (et criminel) réside dans les prix inabordables des vrais produits.
      #brevets

  • Le Régime de Macron panique après la publication du Colonel Legrier, La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? - AgoraVox le média citoyen
    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-regime-de-macron-panique-apres-212734

    L’article remarquable, ci-dessous, écrit par le Colonel François-Régis Legrier - Chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique et Commandant la Task Force Wagram au Levant d’octobre 2018 à février 2019 - est d’un intérêt capital à plusieurs titres.

    Il l’est, notamment, pour la compréhension du désastre de la "stratégie" militaire menée depuis 5 mois par la "Coalition" dans la bataille d’Hajin en Syrie, des conséquences dramatiques vécues par les populations civiles mais également du profond ressentiment engendré à l’égard des Etats responsables de ce désastre.

    Ce brûlot a été publié récemment dans la Revue de la Défense Nationale - page 65 à 71 - sous le titre :

    La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ?

    Le Régime de Macron a très mal pris cette publication qui pointe la responsabilité avant tout politique de ce désastre auquel a participé activement l’Etat français, vassal des US. 

    Cet article a été retiré de la publication de la RDN et selon des médias, Le Colonel Legrier risquerait des sanctions. 

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    La bataille d’Hajin (septembre 2018 – janvier 2019) du nom d’une petite localité située sur la rive Est de l’Euphrate aux confins de la Syrie et de l’Irak mérite de laisser son nom dans l’histoire militaire à plus d’un titre. Elle est d’abord la dernière « bataille rangée » contre le pseudo État islamique et semble mettre un point final à sa volonté de contrôler un territoire. Elle est ensuite, pour nous Occidentaux, riche d’enseignements sur la guerre, et tout spécialement les limites de la guerre par procuration et de notre approche tournée vers la suprématie technologique.

    Au XIXe siècle, le sort d’une bataille mettant en jeu quelques milliers d’hommes était réglé en une journée – Austerlitz par exemple ; au XXesiècle, il faut compter en semaines – que l’on pense à la poche de Dunkerque en 1940 ; au XXIe siècle, il faut près de cinq mois et une accumulation de destructions pour venir à bout de 2 000 combattants ne disposant ni d’appui aérien, ni de moyens de guerre électronique, ni de forces spéciales, ni de satellites. Telle est la réalité de la guerre aujourd’hui qui doit nous conduire, décideurs politiques et chefs militaires à un examen critique salutaire sur notre façon de concevoir et faire la guerre.

    Certes, la bataille d’Hajin a été gagnée mais de façon très poussive, à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions. Certes, les Occidentaux, en refusant d’engager des troupes au sol, ont limité les risques et notamment celui d’avoir à s’expliquer devant l’opinion. Mais ce refus interroge : pourquoi entretenir une armée que l’on n’ose pas engager ? Si la réduction du dernier bastion de l’État islamique ne vaut pas la peine d’engager des troupes conventionnelles, quelle cause sera assez importante pour le faire ? Extrêmement à l’aise pour remplir les grands états-majors multinationaux d’une ribambelle d’officiers, les nations occidentales n’ont pas eu la volonté politique d’envoyer 1 000 combattants aguerris régler en quelques semaines le sort de la poche d’Hajin et épargner à la population plusieurs mois de guerre.

    Par ailleurs, en sous-traitant aux Forces démocratiques syriennes (FDS), c’est à-dire à des proxys – des troupes soutenues par les Américains qui leur ont délégué le droit de se battre à leur place – la conduite des opérations au sol, la Coalition (1) a renoncé à sa liberté d’action et perdu la maîtrise du tempo stratégique. Prise en étau entre la décision de Donald Trump de se retirer du Nord-Est syrien et le bon vouloir des FDS, elle n’a pas trouvé de meilleure solution que d’intensifier les bombardements pour en finir au plus vite, compromettant ainsi durablement l’avenir de cette province.

    In fine, la question qui se pose est de savoir si la libération d’une région ne peut se faire qu’au prix de la destruction de ses infrastructures (hôpitaux, lieux de culte, routes, ponts, habitations, etc.). C’est là, l’approche assumée sans complexe, hier et aujourd’hui, par les Américains ; ce n’est pas la nôtre et nous souhaitons ici indiquer ce qui aurait pu être fait pour mettre l’ennemi hors de combat sans transformer la poche d’Hajin en champs de ruines.

    Caractéristiques de la bataille d’Hajin : un concentré de tous les types de guerre

    Située au cœur du « Grand Jeu » entre puissances régionales et grandes puissances, la poche d’Hajin regroupe en septembre 2018 environ 2 000 combattants islamistes dont une majorité d’étrangers. S’étirant sur une trentaine de kilomètres le long de l’Euphrate en territoire arabo-kurde syrien et large d’une dizaine de kilomètres, elle est le dernier bastion du soi-disant Califat « État islamique », autant dire pas grand-chose. En réalité, nous allons voir que la bataille déborde largement de son cadre géographique pour se répandre dans le champ des perceptions, autre enjeu essentiel du combat.

    La zone d’action est une bande de terrain en V coincée entre l’Euphrate à l’Ouest et la frontière irako-syrienne à l’Est avec une zone rurale (champs et villages) le long du fleuve et une zone désertique. Soulignons que la rive Ouest de l’Euphrate est plus ou moins sous contrôle du régime syrien et des milices irakiennes qui contrôlent également une partie de la frontière. La population est estimée à quelques milliers de personnes, surtout présente dans la partie Nord de la poche (localité d’Hajin).

    Au Sud de la poche (pointe du V) et au bord de l’Euphrate, en territoire irakien, la ville d’Al-Qaïm. Au Nord de cette ville, la frontière est tenue par l’armée irakienne et légèrement en retrait se trouve la position de tir des moyens feux sol-sol de la coalition. Au Sud, la frontière est tenue par une milice affiliée à l’Iran (Katiba Hesbollah), véritable petite armée avec ses chars et ses canons. Si la frontière est globalement étanche au Nord, elle est très poreuse au Sud, la milice se livrant à la contrebande.

    Le combat au sol a été confié à des proxys, les FDS, alliance arabo-kurde conseillée par les forces spéciales américaines et bénéficiant du soutien des moyens feux sol-sol et sol-air de la Coalition. D’un volume sensiblement équivalent à celui de Daech, leur valeur combative est toute relative sachant que les combattants kurdes viennent du Nord-Est syrien où ils sont régulièrement pris à partie par les Turcs, alliés des Américains au sein de l’Otan. Ainsi, fin octobre 2018, les FDS ont annoncé la suspension des opérations suite à des frappes turques et il a fallu plusieurs semaines de négociation pour qu’ils reprennent le combat. Le même scénario a failli se répéter mi-décembre et compromettre à nouveau la prise d’Hajin pourtant bien engagée.

    Au sol, les traits distinctifs de cette bataille sont assez proches de ceux des batailles de la Première Guerre mondiale : une ligne de front entre combattants où chaque gain de 500 mètres ou 1 kilomètre de territoire représente un succès ; des contre-attaques violentes et répétées de la part d’un ennemi cerné de toute part et qui cherche à desserrer l’étau des FDS ; un emploi massif de l’artillerie, seule capable de délivrer des feux par mauvaises conditions météorologiques et qui, à plusieurs reprises, a sauvé la mise aux FDS violemment prises à partie ; des pertes importantes au regard du volume de combattants (plusieurs centaines au total de part et d’autre).

    Sur un plan purement tactique, cette bataille a fait redécouvrir toutes les vertus d’un appui-feu sol-sol (2) alliant effets de saturation par obus explosif et effets de destruction par munition de précision et surtout opérationnel par tout temps. Ainsi, c’est le 3 décembre 2018 qu’ont été tirés avec succès pour la première fois en opération, les obus antichars à effet dirigé Bonus détruisant une colonne de pickup lancée à l’assaut des lignes de défense FDS.

    Dans les airs, la suprématie occidentale est évidemment totale. Comme dans le film de Gavin Hood, Eye in the Sky (3), c’est la quintessence de la haute technologie qui se déploie quasiment sans limite avec l’emploi massif de moyens de surveillance et de renseignement, et d’avions pour observer et frapper. En l’espace de six mois, plusieurs milliers de bombes ont été déversées sur quelques dizaines de kilomètres carrés avec comme résultat principal la destruction des infrastructures.

    L’ennemi a-t-il été détruit par ces frappes ? Oui, mais pas autant qu’on a bien voulu le faire croire dans les comptes rendus alignant un BDA (4) impressionnant calculé de façon statistique et non pas par observation visuelle.

    L’ennemi a-t-il été atteint dans son moral et sa volonté de combattre ? À l’évidence, non. Il a déployé jusqu’au bout une combativité inébranlable mettant à profit les périodes de mauvaise météo, le préservant de la menace aérienne, pour contre-attaquer violemment et infliger à plusieurs reprises de sérieux revers tactiques aux FDS. La défaite devenue inéluctable, il s’est exfiltré vers des zones refuges pour poursuivre la lutte en mode insurrectionnel ne laissant sur place qu’une poignée de combattants étrangers.

    Ainsi, cette bataille illustre à merveille les propos du général Desportes : « Des systèmes d’armes toujours plus performants produisent des résultats toujours plus décevants » (5). Entendons-nous bien. Ils ne sont pas décevants parce que performants mais parce que mal employés ; nous y reviendrons.

    Enfin, la bataille d’Hajin dépasse largement le cadre géographique pour s’inscrire plus largement dans le champ infini des perceptions.

    Force est de constater que dans ce domaine, Daech a su exploiter le moindre succès tactique pour le valoriser et en faire un succès stratégique. De même, les frappes occidentales et leurs dommages collatéraux réels ou fictifs ont aussi été largement médiatisés avec succès. En effet, à plusieurs reprises, la Coalition trop souvent en réaction sur le champ des perceptions, a dû renoncer à ses frappes face à la pression médiatique. Il y a ici tout un champ de réflexion à explorer et notamment le décalage des perspectives : là où Daech, dans une vision stratégique, s’adresse aux opinions publiques occidentales, la Coalition, outil militaire sans réelle pensée politique, est contrainte de rester au niveau tactique et ne peut exploiter ses succès dans le champ informationnel avec la même réactivité que l’ennemi.

    Les limites de la guerre par procuration et de notre approche techno-centrée

    La guerre par procuration ou comment perdre la main sur le plan stratégique

    En s’en remettant à des proxys pour conduire la bataille au sol, les Occidentaux en ont certes retiré un avantage politique à court terme : celui d’éviter des pertes et un mouvement d’opinion contre leur politique. En revanche, sur le moyen-long terme, ce choix s’est avéré désastreux.

    En affirmant que la poche était la Main Battle Area (6) tout en refusant d’y engager des moyens terrestres ou même des hélicoptères d’attaque, les Américains ont laissé planer un doute sur leurs intentions réelles d’en finir rapidement. Il est donc permis de penser que la poche d’Hajin constituait un excellent alibi pour maintenir une présence dans le Nord-Est syrien et surtout prévenir un éventuel délitement trop rapide de la Coalition. Ainsi, au fur et à mesure de la bataille, le discours s’est articulé de la façon suivante : « il faut détruire Daech » vers « oui, Daech est bientôt éliminé en Syrie mais il se reconstitue en Irak et reste tout aussi dangereux », ce qui pose la question de la pertinence de la stratégie suivie depuis des années. Où est le véritable enjeu ? Détruire Daech ou contenir l’Iran ?

    Par ailleurs, la conséquence la plus immédiate d’une telle approche est la perte de la maîtrise du temps : l’opération avance au gré de la volonté des proxys et selon leur propre agenda et elle traîne en longueur quelle que soit l’ampleur des moyens consentis. Cela s’appelle un enlisement.

    Pour compliquer les choses, est apparue au grand jour la divergence de vues entre Donald Trump et son état-major. Fidèle en cela à une promesse de campagne, le Président des États-Unis a saisi l’occasion de la reprise d’Hajin mi-décembre pour annoncer la victoire sur Daech et le retrait des forces américaines de Syrie montrant ainsi, certes de façon brutale, que c’est bien le tempo politique qui détermine la stratégie et non pas l’inverse.

    En refusant d’inscrire dans leur stratégie du Moyen-Orient cette volonté de retrait pourtant annoncée depuis deux ans, l’Administration américaine et les étatsmajors se sont mis d’eux-mêmes en porte à faux. Bousculés par le décideur politique d’un côté, ayant perdu la main sur le tempo des opérations au sol de l’autre, c’est-à-dire privés de toute marge de manœuvres, la seule réaction a été d’intensifier les frappes aériennes et donc d’augmenter encore le nombre de destructions. Hajin a subi le même sort que Mossoul et Raqqa : une destruction quasi complète.

    Ainsi, cette victoire tactique, par la façon dont elle a été acquise, a compromis l’avenir de cette province sans ouvrir de perspectives stratégiques intéressantes pour la Coalition. L’avenir du Nord-Est syrien est plus que jamais incertain et Daech, s’il a perdu son territoire, ne semble pas atteint dans sa volonté de continuer la lutte.

    La leçon est la suivante : il n’y a pas de stratégie et donc de victoire durable sans liberté de manœuvre. Celle-ci est au croisement du politique et du militaire. Le stratège doit impérativement inscrire son action dans une politique et doit garder la main sur les opérations dans tous les domaines, y compris les opérations terrestres s’il veut être en mesure de présenter plusieurs options stratégiques au décideur politique. Il n’y a pas d’autres solutions possibles.

    L’approche techno-centrée ou l’illusion de la puissance

    En s’en remettant principalement à des moyens air inopérants sur un plan tactique lorsque les conditions météo se dégradent et aux forces spéciales, la Coalition a perdu beaucoup de temps, d’énergie et de crédibilité, Daech ayant beau jeu de se vanter d’avoir tenu en échec la première puissance mondiale pendant des mois.

    Il faut être rentré dans une Strike Cell (7) par temps couvert pour comprendre toutes les limites de notre approche techno-centrée. En effet, en cas de pluie, de brouillard, de nuages, les écrans deviennent noirs, les gens jouent aux cartes ou regardent un film : la guerre s’arrête pour eux en attendant la prochaine fenêtre météo. Lors des violentes contre-attaques de Daech en octobre 2018 et le repli des FDS, le premier constat d’un officier général a été de dire : « C’est à cause de la météo, nous n’avions plus l’appui aérien. » Sous-entendu, Daech ne respecte pas les règles du jeu, il attaque par mauvais temps !

    Non, nous n’avons pas été tenus en échec par la météo mais par notre refus de nous adapter à notre ennemi et au réel. La guerre par procuration, c’est-à-dire ce refus d’engager des troupes au sol aptes au combat pour s’en remettre uniquement aux forces spéciales et à l’arme aérienne est l’un des facteurs principaux de nos échecs actuels. Les forces spéciales sont faites… pour les opérations spéciales et non le combat conventionnel en zone urbaine ou désertique.

    Encore une fois, ne nous y trompons pas, il ne s’agit nullement ici de critiquer l’apport indispensable aux opérations que constitue l’arme aérienne ou les forces spéciales mais de rappeler que c’est une erreur que de s’en remettre uniquement à elles pour gagner une bataille. Ce concept ultra-technologique conçu pour réduire le format des troupes conventionnelles et séduire le politique en lui faisant croire qu’on peut faire mieux avec moins est un leurre séduisant mais un leurre quand même.

    Alors que fallait-il faire ?

    La réponse est simple : comprendre que si la bataille se gagne au niveau tactique – adaptation au terrain et à l’ennemi – la guerre se gagne au niveau stratégique et politique, et qu’elle est une dialectique des volontés et non une éradication « des méchants » impossible à réaliser.

    En l’occurrence, il fallait resituer la bataille d’Hajin dans un cadre plus global : celui d’empêcher Daech de se reconstituer d’une part et de préserver l’avenir de la moyenne vallée de l’Euphrate en évitant des destructions inutiles d’autre part.

    Au niveau tactique, une bataille se gagne en disposant les moyens adéquats au bon endroit et au bon moment (principe d’économie des forces et de concentration des efforts) pour créer un rapport de force favorable. Ainsi, tout en s’appuyant sur les FDS, il fallait, en sus des moyens d’appui-feux, engager a minima un groupement tactique interarmes motorisé capable de s’emparer rapidement de la poche d’Hajin en limitant autant que faire se peut la destruction des infrastructures.

    En effet, une bataille ne se résume pas à détruire des cibles comme au champ de foire. C’est la combinaison de la manœuvre et du feu qui permet de disloquer le dispositif ennemi et de le mettre dans l’impossibilité de poursuivre la bataille par la conquête des points clés du terrain, et de ses moyens de commandement et logistique. La prise d’Hajin, en décembre, en est l’illustration tardive : l’ennemi, ayant perdu son centre de commandement, n’a plus été en mesure d’opposer une résistance coordonnée par la suite.

    Enfin, la bataille doit être menée en temps imminent dans le champ informationnel, c’est-à-dire avec un temps d’avance. Est cru par le plus grand nombre ce qui est affirmé en premier : c’est une loi immuable dont il faut tenir compte. Une plus grande réactivité aurait été nécessaire pour valoriser nos succès et disqualifier le comportement de l’adversaire quitte à assumer, et non pas justifier après coup, les dommages collatéraux.

    L’évocation de la bataille dans le champ des influences nous permet de faire la transition avec les parties hautes de la guerre, la stratégie et la politique.

    Au lieu de se focaliser de façon excessive sur la poche d’Hajin, la Coalition aurait dû l’intégrer dans une approche stratégique et ainsi découper son espace de bataille non pas en fonction de ses structures internes (répartition entre commandement des forces spéciales en Syrie et commandement conventionnel en Irak) mais en fonction de l’espace de bataille ennemi allant de Kirkuk au Nord-Est de l’Irak au désert d’Al-Anbar à l’Ouest, en passant par Hajin et Al-Qaïm.

    Seule une vue globale du problème aurait permis d’ébaucher une stratégie globale et d’éviter le constat amer de voir Daech resurgir là où on l’a chassé il y a deux ans. Seule une stratégie globale laissant entrevoir une résolution politique durable aurait permis au politique de comprendre la nécessité du temps long au lieu de brusquer les choses pour sortir de ce qui s’apparente à une impasse et un échec.

    Il faut donc rappeler avec le général Desportes que la victoire militaire doit toujours être pensée au prisme de son objectif politique et qu’elle ne peut se passer d’un engagement au contact : « La guerre à distance est un leurre : elle produit un effet militaire mais pas d’effet politique. La “projection de puissance”, c’est-à-dire la projection de destruction, sans “projection de forces”, de soldats sur le terrain ne fonctionne pas ; elle détruit sans maîtriser la reconstruction et crée le chaos. Il y a une vraie illusion de l’efficience aérienne : certes, elle permet quelques économies initiales mais elle ne conduit jamais au résultat espéré. À la fin des fins, il est toujours nécessaire, d’une manière ou d’une autre, de contrôler l’espace. » (8)

    Conclusion

    Oui, la bataille d’Hajin a été gagnée, au moins sur le terrain mais en refusant l’engagement au sol, nous avons prolongé inutilement le conflit et donc contribué à augmenter le nombre de victimes au sein de la population. Nous avons détruit massivement les infrastructures et donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale laissant derrière nous les germes d’une résurgence prochaine d’un nouvel adversaire. Nous n’avons en aucune façon gagné la Combien d’Hajin faudra-t-il pour comprendre que nous faisons fausse route ? w guerre faute d’une politique réaliste et persévérante et d’une stratégie adéquate.

    François-Régis Legrier

    Colonel. Chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique. Commandant la Task Force Wagram au Levant d’octobre 2018 à février 2019. Auteur de Si tu veux la paix prépare la guerre aux Éditions Via Romana

    Courriel de l’auteur : frlegrier@gmail.com

    (1) Operation Inherent Resolve (OIR) : coalition dirigée par les Américains.

    (2) Il faut également souligner l’emploi massif par Daech de roquettes et de mortiers allant parfois à des consommations de 100 munitions par jour.

    (3) Sorti en 2016 : montre les ambiguïtés politico-juridiques d’une prise de décision d’une frappe aérienne.

    (4) Battle Damage Assessment : estimation des pertes ennemies.

    (5) Vincent Desportes : « Leçons d’aujourd’hui pour les guerres de demain », Le Casoar n° 231, p 19.

    (6) L’espace de bataille prioritaire.

    (7) Centre d’opérations couvert d’écrans permettant une recopie des images fournies par les drones ou les avions. C’est à partir de là que s’effectuent les frappes aériennes et les tirs d’artillerie d’où son nom de Strike Cell.

    (8) Vincent Desportes : « Leçons d’aujourd’hui pour les guerres de demain », op. cit.

  • L’#Espagne lance un #clip pour décourager les clandestins sénégalais

    Le gouvernement espagnol, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations et le Sénégal, a produit un spot qui met en garde contre les dangers de l’immigration clandestine. Lancé et diffusé mercredi sur les ondes sénégalaises, il s’inscrit dans une vaste campagne de sensibilisation officiellement lancée dans ce pays le 18 juillet dernier.

    Une femme d’âge mûr raconte, en wolof (langue nationale la plus parlée au Sénégal) comment elle a perdu son fils unique qui tentait de rejoindre l’Europe par la mer. L’image de son corps inanimé illustre son témoignage. Puis, c’est au tour du plus célèbre des Sénégalais, le chanteur Youssou N’Dour, de prendre le relais et de lancer ce message : « Ne risque pas ta vie pour rien, tu es l’avenir de l’Afrique ». Le spot qui a été lancé mercredi, au Sénégal, par le gouvernement espagnol en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) s’inscrit dans le cadre de la campagne nationale de lutte contre la migration irrégulière, financée en partie par l’Espagne, menée depuis le 18 juillet dernier au Sénégal. Objectif clairement affiché : dissuader les futurs clandestins sénégalais.

    Silence, on sensibilise !

    Le clip, réalisé par une agence de communication espagnole, vient compléter un dispositif composé de deux autres clips qui mettent en scène les dangers de l’immigration clandestine et qui ont déjà été diffusés sur les trois chaînes de télévision sénégalaise : RTS, RTS2 et Canal info. Notamment aux heures de grande écoute, par exemple avant le journal télévisé du soir. La presse écrite et les radios sénégalaises sont également mises à contribution dans cette vaste opération de communication. Des insertions publicitaires figurent en bonne place dans les journaux et des débats radiophoniques ont été organisés avec des représentants de l’OIM et du ministère sénégalais de l’Intérieur.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=LZBgBeBMTos

    Claire Sambou, 24 ans, étudiante en sciences économiques et membre active de l’Association internationale des étudiants en sciences économiques et commerciales (Aiesec), ONG de référence dans le monde estudiantin, a vu l’un des clips où l’on voit une jeune mère et son fils. L’enfant interroge sa mère sur la disparition de son père mort noyé alors qu’il rejoignait les côtes espagnoles. « C’est assez triste de voir les images de cette maman qui pleure et de cet enfant qui réclame son père. Cela pourra peut-être pousser certains futurs clandestins à ne pas se risquer dans cette aventure parce qu’ils laisseraient leurs familles dans une situation semblable. Mais, en même temps, ça dépend vraiment des gens ».

    Proposer des solutions concrètes aux jeunes

    Dans un pays où la pratique se banalise et est parfois encouragée par les proches, les campagnes de sensibilisation ne suffisent pas à décourager les candidats à l’immigration clandestine. L’OIM, ainsi que les autorités sénégalaises et espagnoles en sont conscientes. D’où des actions concrètes d’insertion et de réinsertion professionnelle. « Nous venons de financer 80 jeunes promoteurs de projets générateurs de revenus dans les régions de Mbour, Ziguinchor, Dakar et St-Louis », souligne Isabelle de Goussencourt, responsable du programme de Renforcement des capacités de gestion de la migration et de lutte contre la migration irrégulière au Sénégal financé par la Commission européenne. « Ces jeunes ont reçu des financements en nature et espèces et nous avons engagé l’Anej (Agence nationale pour l’emploi des jeunes au Sénégal, ndlr) pour assurer leur formation de quinze jours en gestion et entreprenariat ».

    Donner les moyens aux jeunes de rester et de ne pas céder à la tentation d’un exil souvent fatal est devenue l’une des priorités de l’Anej créée en 2001. « Notre mission est de trouver du travail aux jeunes », explique Badou Faye, directeur de la promotion de l’esprit d’entreprise à l’Anej. « Les messages ne suffisent pas pour avoir de l’impact sur les jeunes. C’est incomplet. Lorsqu’on leur dit de ne pas partir, il faut leur proposer quelque chose de concret pour qu’ils restent. J’ai reçu hier quatre jeunes – ils en représentaient une trentaine – qui ont tenté l’aventure et qui sont revenus. Quand je leur ai parlé du projet que nous étudions actuellement avec la coopération espagnole pour mettre en place un réseau de boulangeries un peu partout au Sénégal, il y ont vu une grande opportunité. Pour eux et pour leur localité. » L’Anej sensibilise les jeunes, mais aussi leurs parents. « Nous leur suggérons d’avoir la même ardeur à financer les petits commerces que souhaitent monter leur enfants que celle qu’ils ont quand il s’agit de payer leur passage », poursuit Badou Faye.

    En 2006, près de 32 000 immigrés irréguliers sénégalais sont arrivés aux îles Canaries quand beaucoup d’autres périssaient en mer.

    https://www.afrik.com/l-espagne-lance-un-clip-pour-decourager-les-clandestins-senegalais

    –-> article qui date de 2007, mis ici pour archivage.

    #campagne #dissuasion #vidéo #migrations #Sénégal #migrants_sénégalais #OIM #IOM #organisation_contre_la_migration

    métaliste :
    https://seenthis.net/messages/763551

  • Politiques migratoires et #cinéma. Entretien

    1On ne saurait limiter la thématique « cinéma et migration » à la question de la migration dans le cinéma, il faut également penser le cinéma dans la migration. Le médium filmique ne se limite de fait pas à représenter le phénomène migratoire, il vise aussi à l’influencer : en témoigne l’existence de films expressément créés et diffusés pour agir sur la migration. Ce type de production consiste essentiellement en des films de #communication qui informent sur les bénéfices ou les #dangers de la migration et qui sont produits par des organismes impliqués dans les processus po-li-tiques ou humanitaires de la gestion migratoire. Nous envisagerons ici une partie de cette production mal connue du public occidental, composée de très courts métrages télévisuels visant à prévenir les migrants potentiels des dangers de la migration irrégulière, tant au niveau du voyage qui se réalise dans des conditions inhumaines, s’appuie sur des réseaux criminels et mène chaque année à des milliers de morts anonymes1, qu’au niveau des conditions de vie dans le pays de destination où, contrairement à l’imaginaire paradisiaque cultivé dans les pays d’origine, le migrant illégal est confiné à la précarité, exposé à l’exploitation, etc. Ces films peuvent prendre des formes très différentes. On distingue deux modes majeurs : celui du témoignage, qui donne la parole à des victimes racontant le supplice des clandestins lors du voyage, et celui de la dénonciation, qui déconstruit les discours idéalistes de personnages- » menteurs » pour dévoiler visuellement les conditions réelles du migrant irrégulier2. Afin d’enquêter sur ce type de films, nous avons choisi de nous entretenir ici avec des représentants du bureau de coordination de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) à Berne et de l’Office fédéral des migrations (ODM) [voir encadré], qui depuis plus de dix ans soutiennent et initient ce genre de réalisations. Nos interlocuteurs directs ont été Madame #Odile_Robert (OIM) et Monsieur #Thomas_Lory (ODM).

    https://journals.openedition.org/decadrages/329

    #organisation_internationale_contre_la_migration #IOM #culture #vidéo #clip #musique #asile #migrations #réfugiés #OIM #Suisse #films #migrations

    –-> un article de 2009, mis ici pour archivage, et pour alimenter la métaliste sur les campagnes de dissuasion de la migration :
    https://seenthis.net/messages/763551

    • Autour du film "#Paris_à_tout_prix", cité dans l’article ci-dessus

      « Ce film est né de la douleur de voir la détresse de la jeunesse africaine »

      Entretien d’Olivier Barlet avec #Joséphine_Ndagnou à propos de Paris à tout prix.


      Bonjour ! Vous êtes à Cannes depuis maintenant quelques jours, quelle est votre impression du Festival ? Quel est votre sentiment sur tout ce qui se passe ici ?
      Oh ! C’est… grandiose, pour ne pas dire gigantesque et il est vrai qu’on se sent un peu perdu. Les centres d’intérêt sont si nombreux qu’on se sent tout petit ! Mais c’est très excitant, c’est formidable.
      Cela permet beaucoup de rencontres, sur le plan professionnel ?
      Oui, bien sûr car dans tout ce qu’il y a à voir et à découvrir, beaucoup de rencontres se font, même par hasard et elles s’avèrent parfois très intéressantes.
      Votre film, Paris à tout prix, a été présenté hier et aujourd’hui au marché du film. Il a été tourné dans le « français de Yaoundé », qui est une langue très savoureuse que vous privilégiez comme langue d’écriture du film…
      Tout à fait. Je n’ai pas voulu sortir de l’environnement linguistique du français du Cameroun. Dans les quartiers que j’ai filmés, c’est-à-dire les bas fonds, il y a un français très particulier. C’est un mélange d’anglais, de français et même parfois de patois ! Je n’ai donc pas voulu sortir de ce contexte car il situe véritablement l’environnement culturel et linguistique du film. Ce langage est donc effectivement très utilisé dans la première partie du film. Je n’ai pas souhaité sous-titrer, car lorsque le Belge ou le Canadien parle, je fais l’effort de le comprendre. On ne traduit pas pour moi ces variétés du français, on essaie de comprendre et on y arrive très souvent. Il n’y avait donc pas de raison pour que je sous-titre en français.
      Vous interprétez un personnage en galère au Cameroun, à Paris, puis de retour au pays… Cherchez-vous à prévenir les Camerounais, très enclins à émigrer ? Vous évoquez l’Internet, les femmes qui recherchent des maris blancs…
      Oui. Ce film est né d’une douleur, celle de voir la détresse de la jeunesse africaine. Cette détresse se matérialise à travers ces départs massifs vers l’Occident, toutes ces vies perdues dans le désert et sur les mers. Je me suis dit qu’on ne pouvait pas rester indifférent : il y a bien sûr de nombreuses interpellations, mais une énième interpellation reste utile. J’ai montré la galère de Suzy, personnage principal du film, mais cette galère reste très douce par rapport aux vraies histoires qu’on connaît ! Je souhaite prévenir les jeunes qui partent et les interpeller, mais j’interpelle également les gouvernants, qu’ils soient occidentaux ou africains. En effet, si ces jeunes s’en vont, c’est qu’ils n’ont pas trouvé de réponse à leurs attentes. Que ce soit en Europe ou en Afrique, je crois qu’il faut une gouvernance synchronisée des deux continents. L’influence du continent européen sur l’Afrique n’est un secret pour personne. Il faudrait par ce biais régler les problèmes de l’Afrique. On assiste d’ailleurs aujourd’hui à des soulèvements contre la faim un peu partout en Afrique, et on sentait que ça allait arriver. Je crois que ce n’est qu’un début et que ça risque d’empirer. J’interpelle la jeunesse africaine en disant que le paradis ne se trouve pas de l’autre côté : et si ces efforts que nous déployons pour partir, nous les mettions au service de l’Afrique ? Ce serait beaucoup plus utile… En réalité, ceux qui tentent de partir ont quand même les moyens de tenter cela ! Certains sont confrontés à une misère qui ne permet même pas d’essayer de partir ! Ceux qui partent ont un minimum, et ce minimum-là peut nous servir à faire des choses.
      Le film en lui-même est une vaste interrogation : il y a des difficultés en Afrique et en Occident, l’intégration est de plus en plus difficile, nous ne sommes plus acceptés… Que fait-on, alors ?
      Les personnages de Camerounais sont un peu durs dans le film ! Et à Paris, c’est la catastrophe : les rapports sont très durs !
      Tout à fait ! Cela montre que lorsqu’on lutte pour sa survie, on n’a pas de scrupules, pas de sentiments. La vie en Occident est souvent caractérisée par l’individualisme, qui n’est pas volontaire mais dû à la précarité de ceux qui y vivent. La tante se trouve dans une promiscuité avec son gigolo et ses enfants qui ne lui permet pas d’ouvrir ses portes à sa nièce. La copine, elle, sait d’où elle vient. Elle a connu le même parcours que moi, avec plus de réussite car elle est mariée. Il est vrai que c’est presque un mariage sans âme, avec un Français qui lui donne une certaine aisance. Lorsque j’arrive et que je menace cet équilibre, elle voit le spectre de toute la misère qu’elle va revivre si ce monsieur la quitte et devient impitoyable. C’est souvent ainsi que ça se passe.
      Lorsque vous dites « le même parcours que moi », est-ce parce que vous avez vécu la même expérience qu’Ariane, votre personnage ?
      Non, je veux dire que le parcours de Suzy dans le film est le même que celui d’Ariane, voilà ! J’ai eu beaucoup plus de chance que ça, j’ai pu faire des études en France et repartir vivre ensuite en Afrique.
      Le film confronte la dureté, la précarité des conditions de vie et l’individualisme à une série d’espaces où la solidarité qui s’exerce est très forte : en famille, entre amis etc.
      En effet, ce sont encore les valeurs de l’Afrique qui résistent, car il est vrai que nous avons tendance à les perdre. C’est bien dommage, car la lutte pour le quotidien devient de plus en plus difficile en Afrique. Les gens y sont de plus en plus fermés, mais la solidarité africaine qu’on connaît subsiste. Cela ressort dans le film.
      Jouer le rôle principal était-il votre choix, ou s’agissait-il plutôt d’une nécessité de production ?
      Non, non ! C’était mon choix. Je voulais incarner ce personnage. Dès le départ, j’ai dit que j’avais envie de faire mon premier long métrage et comme je suis réclamée nationalement comme comédienne, j’avais écrit pour moi. C’est comme cela que ça s’est passé.
      Le fait de jouer vous-même le rôle principal a-t-il été une difficulté ? Il n’est pas toujours facile d’être à la fois réalisateur et acteur…
      Oui, vraiment. On perd d’ailleurs certainement un peu des deux côtés. La pression est plus grande, et à certains moments, on va davantage réaliser que jouer, et inversement… Dans tous les cas, il faut des assistants très forts pour essayer de rééquilibrer les choses. C’était difficile, mais j’ai aussi joué pour répondre à une attente du public camerounais qui m’a connue comme actrice dans des téléfilms camerounais. Ils en redemandaient tellement que quinze ans après, je me suis dit qu’il fallait que je revienne à travers mon propre long-métrage !
      Comment êtes-vous arrivée au cinéma ?
      J’ai vécu au Cameroun jusqu’après le bac, puis je suis venue à Paris où j’ai fait l’ESRA (Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle). Ensuite, je suis entrée à Paris I Panthéon Sorbonne, puis je suis repartie au Cameroun où je suis entrée à la télévision nationale comme réalisatrice. Durant mon temps libre, j’ai joué dans des téléfilms.
      Lorsque vous réalisiez pour la télévision, quel genre de films faisiez-vous ?
      Tout, sauf du cinéma. J’avais appris le cinéma à l’école, mais à la télévision, je réalisais des magazines, des jeux, des talk-shows, des journaux télévisés… Je faisais un peu de direct à l’extérieur mais pas de cinéma. Voilà un peu mon parcours. Et dix-sept ans après, j’ai décidé de faire mon propre film, un long-métrage.
      Aviez-vous réalisé des courts auparavant, ou bien n’aviez-vous aucune expérience de cinéma à proprement parler ?
      Je n’ai rien fait avant, j’ai joué dans ces téléfilms et j’en avais un peu assez de ne faire que de la télévision alors qu’en réalité, ma formation était en cinéma. J’ai alors écrit ce premier long-métrage et je me suis battue pour le faire.
      Comment êtes-vous parvenue à réunir les fonds ? Y avait-il une production derrière ?
      J’ai tout fait toute seule, j’ai dû créer une société de production pour accompagner le projet et le produit. J’ai essayé de trouver des financements partout où je pouvais. J’ai commencé en faisant une quarantaine de dossiers marketing pour des entreprises camerounaises. J’ai fait le pied de grue dans ces sociétés et quatre ou cinq ont répondu favorablement. J’ai commencé comme ça : c’était insignifiant, presque rien mais je me suis dit que ce n’était qu’un début.
      Ces sociétés vous demandaient de faire apparaître leur nom dans le film ?
      Oui, tout à fait. C’était une contrepartie et ça explique un peu la longueur du film, car il fallait une présence de ces différents partenaires. C’était dans le contrat et je n’avais pas le choix, car c’était ma seule source de financement.
      De quel genre d’entreprises s’agit-il ?
      Il y avait une entreprise de téléphonie camerounaise, CamTel ; il y avait la Poste du Cameroun, une coopérative bancaire, Cameroon Airlines (la compagnie de transport aérien) qui m’a apporté une aide en billets d’avion pour tourner à Paris. Notre ministère de la Défense a mis à ma disposition les bateaux avec les équipages, ainsi qu’un hélicoptère pour réaliser les vues aériennes de la ville.
      C’est la raison pour laquelle, dans le film, le passage à la Poste se passe si bien, que cela coûte moins cher etc. !
      Exactement ! C’est le genre de choses qu’on est obligés de faire pour pouvoir produire un film. Je n’avais pas de producteur, il était difficile d’en trouver car il s’agissait de mon premier film et personne ne me connaissait. C’était compliqué et j’ai dû trouver mes financements.
      Et les aides occidentales ?
      Pendant que je cherchais des financements au Cameroun, j’ai écrit au ministère des Affaires étrangères et à la Francophonie pour l’aide à la production. J’ai obtenu l’aide à la production à la Francophonie, ainsi que l’aide à la finition du ministère pendant le montage. Voilà ce qui m’a permis de terminer mon film.
      Vous évoquiez également un cinéaste camerounais ?
      Oui, Jean-Pierre Bekolo, qui a lu mon scénario et m’a vraiment poussée à le réaliser. Au départ, il est vrai que je me demandais si j’allais y arriver, je pensais faire un petit téléfilm pour la télévision. En même temps, ce n’était pas évident car le budget était assez costaud pour la télévision, qui dispose de très petits moyens. Il m’a alors dit « non, il faut penser cinéma. Le matériel de mon dernier film est encore au Cameroun, je te le passe car il faut que tu tournes. Il faut que le cinéma vive sur place ! Quand nous arrivons, nous avons toujours la sensation de tout recommencer à zéro, mais si vous faites déjà bouger les choses localement, ça nous fait avancer… » Il m’a donc poussée encore et encore, et c’est ainsi que j’ai démarré.
      Le film a-t-il été présenté au Cameroun ?
      Oui, et ç’a été un succès total. Nous avons une seule salle à Yaoundé et une seule salle à Douala. J’ai fait douze jours par salle, et durant ces vingt-quatre jours de projection, le film a fait environ 30.000 entrées. J’ai fait également trois projections dans des universités. Chaque jour, plus de mille personnes allaient voir le film. Le succès a été total, le public en redemande et dès mon retour de Cannes, j’ai l’intention d’organiser une caravane à travers le Cameroun. Nous passerons à travers 14 villes que j’ai choisies afin de montrer le film. Cela se fera avec du matériel mobile, car il n’y a pas de salle.
      Est-il aussi en VCD ou en DVD ?
      Non, pas encore. Je n’ai pas les moyens de faire un maximum de VCD ou de DVD, d’arroser tout le marché en même temps : je vais être piratée et ce sera la catastrophe !
      Ça n’a pas été le cas jusqu’à présent ?
      Non, j’ai tout bien préservé jusqu’ici ! C’était d’ailleurs le challenge pendant les projections, ne pas se faire pirater à partir de la salle. Des gens surveillaient dans la salle même et c’est ainsi que nous avons pu « sauver le film », si je puis dire !
      Dans quel format le film a-t-il été tourné ?
      En DVcam. J’ai l’intention de le gonfler pour tenter quelques festivals. Je recherche encore les financements pour cela, je ne sais pas si je vais y arriver mais le combat continue !

      http://africultures.com/ce-film-est-ne-de-la-douleur-de-voir-la-detresse-de-la-jeunesse-africa

  • Les habits neuf du colonialisme (2/4) : Franc CFA : la devise qui divise
    https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-du-mardi-26-fevrier-2019


    Deuxième épisode de notre série consacrée aux vestiges du colonialisme. Hier, nous avons examiné les ambivalences de l’aide au développement. Aujourd’hui, c’est le débat autour du très contesté franc CFA qui va nous intéresser.

    Cette #monnaie commune à 14 pays africains a été accusée le mois dernier par le vice-premier ministre italien Luigi di Maio de “paupériser l’#Afrique” et d’être responsable de l’afflux de migrants sur le vieux-continent… Une déclaration qui rejoint la gronde de nombreux citoyens africains pour qui le franc CFA, créé en 1945 par un décret signé par le général de Gaulle, constitue aujourd’hui le _d_ernier avatar de la #colonisation française, plus de 50 ans après les #indépendances.

    Alors, le CFA est-il un frein au développement ou au contraire un facteur de stabilité pour les pays africains ? Quelle est son histoire ? Et peut-on aujourd’hui le réformer, voire même l’abandonner ?

    Martial Ze Belinga
    Economiste camerounais

    Fanny Pigeaud
    journaliste indépendante, collabore notamment à Médiapart et autrice (avec Ndongo Samba Sylla) de L’arme invisible de la #Françafrique, Une histoire du #Franc_CFA, La Découverte, Sept. 2018
    #France #Afrique

  • Quand la lutte contre l’immigration irrégulière devient une question de « #culture »

    Quand on pense à la lutte contre l’immigration irrégulière, ce sont des images de garde-frontières, de patrouilles en mer ou de murs qui viennent spontanément à l’esprit. Un peu partout dans le monde, les flux migratoires sont appréhendés comme des enjeux de sécurité – et en conséquence gouvernés d’une manière qui relève du maintien de l’ordre, voire de la guerre : déploiement de troupes, barbelés, drones, camps, enfermement, expulsions, etc.

    C’est oublier que toute politique est également affaire d’idéologies et que, pour reprendre une expression fréquemment associée au philosophe italien Antonio Gramsci, l’usage de la force s’accompagne d’une bataille des idées, dont le but est non seulement de justifier les objectifs politiques poursuivis par les États, mais aussi d’obtenir le consentement des gouvernés. Les politiques migratoires ne font pas exception.

    Le double message de #Youssou_N’Dour

    Ainsi, en 2007, le gouvernement espagnol diffuse une #vidéo au Sénégal pour convaincre les migrants potentiels de ne pas partir. Au milieu des années 2000, soit bien avant la crise actuelle en Méditerranée centrale, des migrants embarquent en pirogue des côtes de l’Afrique de l’Ouest et tentent de gagner les Canaries, situées à une centaine de kilomètres.

    La vidéo montre Fatou, la mère d’un jeune homme disparu dans l’océan Atlantique. Filmée en gros plan, elle pleure la mort de son fils. Puis apparaît Youssou N’Dour, le célèbre chanteur sénégalais. Lui-même assis sur une pirogue, il tourne le dos à l’océan ; le symbole est clair, et le message à ses jeunes compatriotes l’est tout autant : ne risquez pas votre vie, votre place est en Afrique.

    https://www.youtube.com/watch?v=5pPA0DIjYKM

    Le message est double. Il commence par un #avertissement : attention, la migration est dangereuse. Ceux qui partent risquent leur vie. L’argument est évidemment de mauvaise foi : le danger de l’immigration irrégulière est la conséquence des politiques migratoires, qui obligent les migrants à prendre des chemins détournés et périlleux ; s’ils pouvaient simplement prendre l’avion, ils ne courraient aucun danger.

    Plus moralisateur, le second argument appelle au #patriotisme des migrants et les incite à rester chez eux pour contribuer à l’essor de leur pays – et tant pis si Youssou N’Dour, artiste planétaire s’il en est, n’est pas nécessairement le mieux placé pour convaincre la jeunesse sénégalaise des bienfaits de l’enracinement local.

    « Ne risque pas ta vie ! »

    Dix ans plus tard, en 2017, c’est la chanteuse sénégalaise #Goumba_Gawlo qui s’engage dans une tournée de concerts organisés par l’Organisation internationale pour les migrations (#OIM). Le but est toujours de « sensibiliser » la jeunesse à la question de l’immigration irrégulière. Une des chansons s’intitule « #Bul_Sank_Sa_Bakane_bi », c’est-à-dire « Ne risque pas ta vie ».

    Entrecoupé d’images de bateaux de migrants secourus en Méditerranée, le clip réunit plusieurs chanteurs de toute l’Afrique de l’Ouest et conseille aux candidats à la migration d’investir plutôt dans l’éducation. S’ils veulent vraiment partir, la chanson leur recommande de migrer légalement.

    https://www.youtube.com/watch?v=a27GpDvCXqw

    Là encore, l’argent vient d’Europe, d’#Italie plus précisément, qui finance un ambitieux projet de l’OIM intitulé « #Aware_Migrants » (http://awaremigrants.org). Le raisonnement est le suivant : si les Africains tentent de gagner l’Europe, c’est parce qu’ils sont ignorants. Ils ne sont pas conscients des risques, ils ne connaissent pas le sort réservé à leurs semblables, et ils croient naïvement les promesses de vie meilleure que de vils passeurs leur font miroiter. Il faut donc procéder à des #campagnes de « sensibilisation » ou de « #conscientisation », qui leur donneront les informations nécessaires.

    Artistes, journalistes, blogueurs cooptés par l’OIM

    Cette campagne s’inscrit dans un agenda global. Le « #Pacte_mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », ou « #Pacte_de_Marrakech », adopté en décembre 2018, recommande par exemple de « mener des campagnes d’information multilingues et factuelles », d’organiser « des réunions de sensibilisation dans les pays d’origine », et ce notamment pour « mettre en lumière les #risques qu’il y a à entreprendre une migration irrégulière pleine de dangers ».

    Pour mieux convaincre les migrants potentiels, l’OIM coopte des #artistes, mais aussi tous les acteurs susceptibles de toucher la #jeunesse tentée par l’aventure de l’émigration. En #Guinée, elle travaille avec des #rappeurs, des #humoristes ou des auteurs de bande-dessinée. Des #journalistes et des #blogueurs se voient proposer une formation pour acquérir des « informations crédibles » sur la migration. L’OIM travaille aussi avec des migrants expulsés, qui sont formés aux « techniques de #communication » pour parler de leur mauvaise expérience de la migration et décourager ceux qui songent à partir.

    Au #Niger, ce sont des matchs de foot et des pièces de #théâtre qui sont organisés afin de diffuser « des informations précises sur la migration aux migrants potentiels ». Dans une démarche paternaliste, voire quelque peu néocoloniale, il s’agit de diffuser des informations « objectives » à des Africains ignorants et crédules qui en manquent cruellement.

    https://www.youtube.com/watch?v=YIMOd2n-Hm0

    Dans une vidéo financée par la #Suisse et diffusée au #Cameroun par l’OIM, on voit un jeune Africain téléphoner à son père depuis une cabine publique. Ils devisent paisiblement. Le fils se montre rassurant, parle de son inscription à l’université et le père est heureux d’apprendre que tout va pour le mieux. Mais d’autres images apparaissent : le même jeune homme est traqué par la police, il est aux abois, contraint de dormir dans la rue, réduit à la mendicité. Autrement dit, les migrants qui disent que tout va bien sont des menteurs. Il ne faut pas les croire : mieux vaut écouter l’OIM.

    Savoir, et partir quand même

    Dans l’optique des concepteurs de ces campagnes, les migrants sont des êtres individualistes et rationnels, des Homo œconomicus qui prennent la meilleure décision possible en fonction des informations dont ils disposent. S’ils décident de partir, c’est qu’ils n’ont pas eu accès aux bonnes infos. Mais s’ils ont la chance d’avoir accès aux informations de l’OIM, ils renonceront et resteront tranquillement chez eux – comme si la vie « à la maison » était exempte de toute forme de violence, de souffrances ou de coercition.

    Ce raisonnement fait l’impasse sur le caractère structurel de l’immigration. Partir n’est pas seulement une décision individuelle prise par des personnes qui cherchent à améliorer leur sort. C’est une dynamique collective nécessaire à des pans entiers de la population : en partant, les migrants espèrent, par exemple, être en mesure d’envoyer de l’argent à leur entourage resté au pays – argent sans lequel de nombreux pays d’émigration s’effondreraient.

    Il est un scénario qui n’est jamais envisagé : celui dans lequel les migrants sauraient, mais partiraient quand même. Ce scénario n’est pas improbable : la crise des migrants et les naufrages en Méditerranée ont fait l’objet d’une couverture médiatique planétaire et la téléphonie mobile connaît une très forte expansion sur le continent africain. Il est donc difficile de concevoir que personne n’en sache rien.

    Diffuser une #culture_de_l’immobilité

    Les politiques de lutte contre l’immigration irrégulière sont donc un enjeu culturel, dans les deux sens du terme. Elles mobilisent les acteurs de la culture, des musiciens aux médias, et aspirent à diffuser une culture de l’#immobilité qui dévalorise l’immigration et incite les gens à rester chez eux.

    Le recours à la culture met indirectement en lumière une des faiblesses des politiques migratoires, c’est-à-dire leur incapacité à convaincre les premiers concernés – les migrants – de leur pertinence : quels que soient les obstacles placés sur leur route, ces derniers ne semblent pas convaincus et continuent d’essayer de migrer – au point qu’il faut user d’autres méthodes que la force pour les persuader de rester chez eux.

    Si, véritablement, les États occidentaux souhaitent s’emparer du problème de la #désinformation en matière de migrations, ils pourraient commencer par financer des campagnes d’information pour contrer les innombrables fake news qui circulent sur le sujet. Comme l’a en effet montré le débat sur le Pacte de Marrakech, ce n’est pas seulement en #Afrique que les gens manquent d’informations sur les migrations. Mais sans doute que dans un monde inégalitaire et asymétrique, ceux qui font fausse route sont-ils toujours les plus faibles.

    https://theconversation.com/quand-la-lutte-contre-limmigration-irreguliere-devient-une-question
    #dissuasion #vidéo #musique #campagne #clip #migrations #asile #réfugiés #sensibilisation #IOM #organisation_internationale_contre_la_migration #paternalisme #football

  • Février 1885, les puissances colonisatrices se partagent l’#Afrique | L’Humanité

    https://www.humanite.fr/fevrier-1885-les-puissances-colonisatrices-se-partagent-lafrique-566861

    Réunis à Berlin en 1884 et 1885, les pays européens colonisateurs du Continent noir ont codifié les règles qui devaient présider à leur occupation. À l’issue de cette conférence, Britanniques, Français, Allemands, Belges, Portugais, Italiens se partageaient l’Afrique.

    La #conférence_de_Berlin, qui s’est tenue de novembre 1884 à février 1885, fut organisée à l’initiative du chancelier Bismarck afin de codifier les règles qui devaient présider à la colonisation de l’Afrique. Depuis la fin de la décade précédente, les rivalités et les tensions se multipliaient dangereusement entre les nations d’Europe engagées dans une concurrence systématique pour le dépeçage du continent noir. Bismarck, qui avait engagé l’Allemagne avec retard dans ce processus de prédation, entendait imposer des règles, en particulier le libre accès commercial aux grands bassins fluviaux (liberté de navigation sur le Congo et le Niger, liberté du commerce dans le «  bassin conventionnel  » du Congo) et l’obligation d’occuper effectivement un territoire avant d’en revendiquer la possession. Ce dernier point eut pour conséquence ce que les historiens britanniques appellent «  scramble for Africa  » (ruée vers l’Afrique), les francophones utilisant plutôt l’expression en apparence plus anodine de «  course au clocher  » : Britanniques, Français, Allemands, Belges, Portugais, Italiens se lancèrent dans l’intérieur de l’Afrique, qui fut partagée par les Européens en moins de quinze ans, au prix de plusieurs guerres contre les royaumes africains et d’incidents diplomatiques entre les États européens, dont le plus significatif fut l’accrochage franco-britannique de Fachoda, en 1898.

    #congrès_de_Berlin #colonies #colonialisme

  • #LE_BUSTE_DE_LÉOPOLD_II #3
    http://www.radiopanik.org/emissions/radiografi/le-buste-de-leopold-ii-3

    Avec Ngilima Sema Kweli, Anne Valerie Nouind, Invitée de Oncle KINCh : Betsy Mongo et Anne Wetsi

    « Il semble qu’il y ait un mur du silence sur la colonisation. Afin qu’il y ait une vraie réconciliation, que le processus de décolonisation se poursuive, nous pensons que des excuses de l’Etat belge seraient un premier pas », explique le professeur Ahmed Reid, l’un des 4 membres de ce groupe. QUE PENSEZ-VOUS RÉELLEMENT DE CE RAPPORT DE L’ONU ?

    #Studio1BIS #RadioGRAFI #Afrique #Studio1BIS,RadioGRAFI,Afrique,LE_BUSTE_DE_LÉOPOLD_II
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/radiografi/le-buste-de-leopold-ii-3_06241__1.mp3

  • Le #Mozambique. Promesses de prospérité et instabilité – GeoStrategia
    https://www.geostrategia.fr/le-mozambique-promesses-de-prosperite-et-instabilite

    Cet article s’intéresse aux enjeux auxquels le Mozambique est confronté. La récente découverte de gisements d’hydrocarbures permet à ce pays d’envisager un développement économique rapide en devenant un champion énergétique du continent africain. Toutefois l’auteure nuance ce propos et rappelle que depuis 2013 une crise politico-militaire subsiste, marquée notamment par la déstabilisation islamiste au nord du pays.

  • [Exclusif] Le contrat chinois de 7,2 millions d’euros d’Alexandre Benalla
    Valeurs actuelles | Par Louis de Raguenel | Publié le 20/02/2019
    https://www.valeursactuelles.com/politique/exclusif-le-contrat-chinois-de-72-millions-deuros-dalexandre-benal

    (...) Après les révélations de Mediapart sur les contrats russe et ouzbek décrochés par Alexandre Benalla pour 2,2 millions d’euros, Valeurs actuelles est en mesure de révéler que l’ancien adjoint au chef de cabinet de l’Élysée a signé un contrat de sécurité de deux ans d’un montant de 7,2 millions d’euros avec une société chinoise cotée à la Bourse de Hong Kong. Le groupe chinois - réputé proche de l’appareil d’État - propose des solutions de services de sécurité, de logistique et d’assurance pour des clients en zones frontalières. Il recourait jusque-là principalement à de la main-d’œuvre américaine, française et russe pour assurer la sécurité de ses infrastructures et de ses effectifs en Afrique. Ses dirigeants veulent former leurs propres ressources. Et d’après nos informations, ils se sont tournés vers Alexandre Benalla, qui s’est engagé à réaliser des missions « d’accompagnement, de formation et de sécurisation ».

    Il sera, dans le cadre de ce contrat, en lien avec des anciens de Blackwater, qui fut la plus grande société de sécurité privée au monde en comptant pas moins de 22 000 hommes en 2017, dont les missions ont longtemps consisté à agir pour la CIA, notamment en Afghanistan et en Irak. Plus précisément, le groupe chinois souhaite se doter d’un « important centre » de formation de ses équipes dans la région de Guangzhou, dans le sud de la Chine. Charge donc à Alexandre Benalla de réfléchir à la création du centre, à la préparation d’un module de formation et à la mise en place de process pour être opérationnel dans les prochains mois. L’objectif est ambitieux : le programme doit être dispensé à 10 000 agents de sécurité par an. (...)

    #Chine #blackwater #Benalla

    • L’étrange visite de Benalla au Chinese Business club - Challenges
      (article du 8/10/18)
      https://www.challenges.fr/economie/l-etrange-visite-de-benalla-au-chinese-business-club_618100


      Alexandre Benalla le 8 octobre 2018 au cours d’un déjeuner au Chinese Business Club à Paris.
      photo : PIERRE-HENRI DE MENTHON

      Alexandre Benalla vient de créer son entreprise de "sécurité internationale". A ce titre, il était invité ce lundi par le réseau très select du Chinese Business Club à Paris.

      Les réseaux chinois à Paris vont bien merci. Autour de l’ambassadeur de Chine à Paris et de Zhihong Wei, dirigeant de la carte bancaire Union Pay, le président du Chinese Business Club Harold Parisot recevait à déjeuner à l’Intercontinental à Paris le 8 octobre. Parmi les ex politiques reconvertis : Bernard Cazeneuve, Anne-Marie Idrac, Arnaud Montebourg étaient présents. Mais la vrai vedette, gominée et cravatée de près, était bien sûr Alexandre Benalla. Renseignements pris, l’ex-conseiller de l’Elysée a monté sa société internationale de sécurité et « croule sous les clients ». Licencié par l’Elysée pour avoir violenté un couple lors d’une manifestation organisée à Paris le 1er mai dernier, Alexandre Benalla, né à Evreux (Normandie) envisageait dès la mi-septembre selon des informations rapportées par RTL de s’installer au Maroc, pays d’origine de ses parents, pour créer sa société de sécurité privée. Toujours d’après RTL, l’ancien garde du corps du président Emmanuel Macron le Maroc est un « pays qu’il connait bien, où il a des attaches familiales et des relations ».

  • Alain Badiou | Sinistre comédie d’un raciste habillé en anti-raciste
    https://lemediapresse.fr/idees/alain-badiou-sinistre-comedie-dun-raciste-habille-en-anti-raciste

    La chasse des réseaux sociaux, des complotistes de tout genre, des enragés de l’Occident et de la race blanche est aujourd’hui ouverte contre, en particulier, mon amie de longue date, celle avec qui j’ai longtemps réalisé sur le net l’émission totalement libre « Contre-courant », notamment diffusée par Mediapart, et qui tente aujourd’hui d’échapper, à la direction […]

  • Jean Rouch : "J’aime les villes qui sont tournées vers le soleil couchant comme Niamey"
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/jean-rouch-jaime-les-villes-qui-sont-tournees-vers-le-soleil-couchant-


    En 1961, Jean Rouch donnait un entretien à José Pivin pour l’émission « Tous les plaisirs du jour sont dans la matinée ». Le cinéaste évoquait sa jeunesse et sa rencontre avec l’Afrique pendant la seconde guerre mondiale. Il parlait de son engagement politique avec la guerre d’Espagne, de son attrait pour les surréalistes, pour le jazz.

    http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13915-20.02.2019-ITEMA_21987630-0.mp3?track=false
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    Jean Rouch (1917-2004)
    https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/jean-rouch-1917-2004

    Rediffusion de l’émission du 12/09/2010. Par Catherine Pont- Humbert. Réalisation : Jean-Claude Loiseau. Avec la collaboration de Clotilde Pivin. Liens internet : Annelise Signoret.

    Le Niger qui l’a vu partir à l’âge de 86 ans, Jean Rouch n’avait cessé d’y revenir, d’y creuser un sillon profond. Celui de refondateur du cinéma ethnographique, de pionnier du cinéma direct, de compagnon de route de la Nouvelle Vague.

    • Et pour rappel, ce texte paru dans @vacarme en juin 2016

      Migrants et réfugiés : quand dire, c’est faire la politique migratoire

      À partir de la polémique soulevée par Barry Malone sur la chaîne Al Jazeera visant à substituer au terme générique de migrants celui de réfugiés, « plus approprié pour nommer des personnes qui fuient la guerre et arrivent en masse en Europe », Cécile Canut propose une traversée des transformations et reformulations des mots utilisés pour qualifier la migration qui mettent à jour le durcissement des positions et les soubassements des choix politiques à l’œuvre, lesquels barrent toujours plus l’accès à la complexité des subjectivités individuelles, des trajectoires et de leurs causes pour construire des catégories d’êtres humains homogènes déterminées par « le même ». Nommer c’est toujours faire exister rappelle-t-elle, d’où l’importance de cette attention à la bataille des mots et aux questionnements profonds qu’ils ouvrent.

      Le 20 août 2015, la chaîne Al Jazeera, par le biais d’un de ses collaborateurs, Barry Malone, lançait une petite bombe médiatico-communicationnelle en publiant sur son blog un article intitulé « Why Al Jazeera will not say Mediterranean “migrants” ? », article mis en mots et en images le lendemain, à travers un débat télévisuel proposé par la même chaîne : « Migrants or refugees ? Thousands fleeing conflict in desperation have been undermined by language used by the media to describe their plight » [1]. Ce texte, tweeté et retweeté, a circulé sur les réseaux sociaux avant de faire une entrée fracassante dans les espaces médiatiques européens les jours qui ont suivi, suscitant de multiples débats jusqu’au début du mois de septembre.

      La polémique visait à substituer au terme générique de « migrants » celui de « réfugiés », plus « approprié » pour nommer des personnes qui fuient la guerre et arrivent en masse en Europe. L’accusation portée contre les gouvernements européens, le parti pris affiché pour les réfugiés et la dimension prescriptive impliquée par la décision du directeur des informations d’Al Jazeera de ne plus utiliser le terme « migrants », ont non seulement engagé une querelle nommée « sémantique » mais ont surtout eu un effet performatif immédiat : tous les médias ou presque ont modifié leurs pratiques langagières en privilégiant le terme « réfugiés ». Contrairement à d’autres, cette polémique ne s’est donc pas limitée à une querelle byzantine au sein du microcosme médiatique.
      Un soudain souci de « sémantique »

      Cet événement de parole est tout d’abord le révélateur d’un questionnement profond sur le processus de catégorisation des êtres humains dans nos sociétés, questionnement qui s’inscrit dans une longue histoire du sens, et dont bien des auteurs ont rendu compte, depuis les penseurs grecs jusqu’aux plus récents philosophes. Le langage n’est pas le filtre transparent d’un réel immédiat, les mots et les énoncés cristallisent bien au contraire un ensemble de connotations, de positionnements subjectifs et d’orientations sociales et politiques dont les locuteurs sont toujours responsables, même lorsque qu’à leur insu ils reprennent les significations et les catégorisations imposées par d’autres, ce que l’on attribue en analyse du discours à l’interdiscours ou encore au dialogisme [2]. Si le coup de force d’Al Jazeera a été de rappeler cette évidence au grand public, sa décision de ne plus employer le terme « migrants » renvoie pourtant à une approche supposée objective du langage : l’argument central de la démonstration de Barry Malone repose en effet sur l’idée que le terme « réfugiés » est mieux en rapport avec le réel ; il est plus juste en ce qu’il rend compte de ce que vivent des millions de personnes fuyant la guerre : des personnes demandant refuge et devant être traitées comme des victimes. En imposant un des sens du terme « réfugiés », ou plus exactement en revenant à une signification oblitérée en Europe, la chaîne vient contrer un autre sens, celui-ci plus récent et plus restrictif, issu de la Convention de Genève (1951), elle-même ratifiée par cent-quarante-cinq états membres des Nations unies, et visant à définir le « réfugié » non seulement en considération de son état de victime de régimes politiques, mais en vertu d’un statut obtenu suite à une « demande d’asile ».

      Si la définition est valable dans les deux cas, la condition pour acquérir le statut de réfugié est d’apporter la preuve de ces persécutions ou menaces par le biais d’une demande administrative très souvent longue et laborieuse. Ainsi que le rappelle Karen Akoka [3], le passage d’une approche collective visant la situation politique des États jusqu’aux années 1970, à une mise en cause individuelle de ceux que l’on va alors nommer les « demandeurs d’asile », montre à quel point le lien permanent aux conditions politiques de gestion de la migration, c’est-à-dire à sa mise en œuvre pratique, par l’Ofpra notamment, conduit sans cesse à de nouvelles catégories et de nouvelles définitions de ces mêmes catégories.

      Al Jazeera s’engage ainsi de manière frontale dans la lutte des significations, et par conséquent dans la lutte politique des questions migratoires européennes ; par le biais de cette injonction, elle rappelle à l’Europe ses obligations : celles d’accueillir toute personne persécutée sans conditions mises à cette humanité. La fin de l’article de Barry Malone indique que ce choix est bien évidemment lui-même orienté, puisqu’il a pour but de défendre et de parler au nom de ces personnes démunies, notamment dénuées du pouvoir de dire qui elles sont et ce qu’elles font, c’est-à-dire privées d’un vrai pouvoir de parole : At this network, we try hard through our journalism to be the voice of those people in our world who, for whatever reason, find themselves without one. Migrant is a word that strips suffering people of voice. Substituting refugee for it is — in the smallest way — an attempt to give some back [4]. Redonner une voix aux sans-voix, telle est l’ambition affichée.

      En cette fin d’été 2015, un léger vent de panique s’est répandu sur les médias français. Quel mot utiliser ? Comment se positionner face à cette décision partout adoptée au prétexte de sa bienveillance vis-à-vis des victimes de la guerre ? Les journalistes français entraînés malgré eux dans le débat se sont tournés immédiatement vers les chercheurs susceptibles, en tant qu’experts supposés, de détenir la clé du problème. Sans délai, les principaux quotidiens de l’Hexagone ont donc pris part aux débats par le biais d’articles donnant largement la parole auxdits spécialistes. Toutefois, les problèmes « sémantiques » étaient loin de se régler, ils se compliquaient même, cette polémique mettant finalement en cause les pratiques des chercheurs. Ainsi, un jeune journaliste du Nouvel Observateur, après une série de questions sur les mots de la migration, en est venu à la question qu’il brûlait de me poser : quel est le mot qu’il faut utiliser ? Autrement dit : quel est le meilleur mot ? Alors que toute utilisation d’un terme dépend de son contexte, des interlocuteurs en présence, de ses conditions de production sociale, politique voire subjective, la réponse à une telle question est bien entendu impossible. Pour autant, le journaliste ne renonçait pas à cet impératif en intitulant son article : « Doit-on les appeler “migrants” ou “réfugiés” ? ». L’injonction à une supposée fidélité à la vérité objective persistait même si, au cours du texte, la fluctuation des significations et l’instrumentalisation politique des catégories étaient évoquées.

      Au-delà de cet épisode médiatique, dont on aura pu observer les soubresauts ici ou là au cours de l’année 2015 et encore en ce début 2016, il importe ici de revenir sur la circulation des significations données par les uns et les autres, à différents niveaux d’instances de parole, afin de comprendre comment se reconstruit à un moment donné l’hétérogénéité du sens et de ses interprétations. La question n’est pas seulement de savoir pourquoi le terme « réfugié » s’est imposé dans les discours médiatiques, en parallèle ou au détriment du terme « migrants », mais de comprendre ce que font les locuteurs (quels qu’ils soient : politiques, journalistes, chercheurs ou simples citoyens) quand ils commentent leurs mots et leurs discours pour, notamment, justifier leurs pratiques. Dans le cadre de la politique migratoire européenne en particulier, que font les locuteurs quand ils choisissent de discourir sur les catégories de migrants, réfugiés, exilés, sans-papiers, clandestins, etc. ? Pourquoi cet empressement à choisir un seul terme englobant qui viendrait dire un réel bien complexe ou au contraire en exclure d’autres trop embarrassants ?

      Au bout de cette traversée des transformations et reformulations, de la migration, il convient d’observer que l’ensemble de ces débats a finalement entériné une opposition politique déjà à l’œuvre depuis bien longtemps [5], mais qui s’exporte dans les média au début de l’année 2015 entre « migrants économiques » et « réfugiés politiques », les premiers rejetés automatiquement de l’espace Schengen, les autres finalement accueillis en Europe (au moins durant l’année 2015).

      Rappelons tout d’abord que le mot « réfugiés » a désigné au départ les protestants chassés de France après la révocation de l’édit de Nantes. Toutefois, le terme de plus en plus controversé au XIXe siècle a pris de l’ampleur au début du XXe siècle alors que les conflits austro-prussiens jetaient des milliers de civils sur les routes, particulièrement les populations juives de l’Est. Poussés par le marasme économique, les pogroms et les discriminations subis ensuite en Russie, 2,5 millions de Juifs s’exilèrent à l’Ouest, jusqu’aux heures sombres d’une Europe voyant Juifs et Tsiganes fuir le nazisme dès les années 1930 non seulement vers l’Europe mais vers le continent américain. La politisation de la question des réfugiés s’est élaborée après la guerre au niveau international, par le biais des Nations unies, avec notamment la Convention de Genève en 1951 qui fixe alors institutionnellement le sens du terme « réfugié ».

      Si pendant les années d’après-guerre, la France a accueilli des Espagnols, des Italiens, des Polonais, des Portugais, si elle est même allée chercher des travailleurs dans ses anciennes colonies pour des raisons économiques, la catégorisation visant à dissocier ces derniers des travailleurs français a commencé autour des années 1970. La cristallisation de ce changement politique a pris forme avec l’utilisation d’un terme nouveau : « immigrés ». Faisant référence dans un premier temps au champ du travail (« travailleurs immigrés [6] »), ce terme s’est imposé dans les débats publics, politiques, juridiques et médiatiques afin de dissocier l’ensemble homogénéisé des « immigrés » et celui des « étrangers » puis des « Français de souche », expression importée de l’extrême droite [7] dès la fin des années 1970. La politique migratoire, à partir des années 1980, a opéré une différenciation entre les critères de définition : alors que la notion d’« étranger » est juridique, celle d’« immigré » renvoie à une entité socio-culturelle qui aboutit progressivement à une ethnicisation des étrangers venus du Maghreb et d’Afrique en général. Bien souvent de nationalité française, « l’immigré » fait l’objet de discours et de mesures spécifiques de par son origine questionnant de fait son appartenance réelle à la France. Dès 1986, la modification législative de l’entrée de séjour par le ministère de l’Intérieur a engagé cette nouvelle catégorie dans le champ policier. Suspectés, les « immigrés » ont dès lors constitué une catégorie générique appréhendée comme douteuse pour la nation, ce que les termes « clandestins » ou « illégaux » sont venus renforcer.

      Il n’est plus possible d’envisager les individus dans leur devenir, selon leurs trajectoires et leurs subjectivités, et encore moins selon une approche sociale telle qu’elle existait jusqu’alors dans les milieux professionnels.

      Parallèlement à ce glissement des critères, les travailleurs concernés ont vu leur demande de régularisation entravée. Dans les années 1972-1973, ils ont commencé à se mobiliser en se nommant eux-mêmes « travailleurs sans-papiers ». Cette expression est apparue lors des premières protestations aux circulaires Marcelin-Fontanet (1972) qui mettaient fin aux régularisations automatiques. Véritable « label militant », cette dénomination s’est opposée à la catégorie « travailleurs immigrés », faisant référence à l’ensemble des étrangers, impliquant même les déboutés du droit d’asile. Du côté des médias, des marqueurs identitaires (couleurs de la peau, origine géographique, religion, culture…) ont de plus en plus déterminé les catégorisations légitimées par les discours politiques du Front national, repris à droite puis à gauche (« clandestins », « immigrés illégaux », « Arabes », « Maghrébins », « Africains », « musulmans ») et ont constitué un facteur de sélection des candidats à l’immigration : les visas d’entrée ont dès lors été distribués de manière variable selon les pays concernés de sorte qu’en France, comme dans l’ensemble de l’Europe, on en vienne à une prise en charge de cette question par les ministères de l’Intérieur et de la Justice au détriment des ministères des Affaires sociales ou de l’Emploi, et que soit attesté un changement de régime discursif et de pratiques politiques. Au-delà de l’essentialisation des étrangers, assignés à leur différence — ce que les expressions « deuxième génération », « troisième génération », etc. font perdurer —, le processus d’homogénéisation par le biais de ces catégories est croissant : il n’est plus possible d’envisager les individus dans leur devenir, selon leurs trajectoires et leurs subjectivités, et encore moins selon une approche sociale telle qu’elle existait jusqu’alors dans les milieux professionnels. Au contraire, il s’agit de lui substituer des catégories de pensée visant à construire des groupes homogènes uniquement déterminés par le même, une origine ethnique et un héritage culturel, pour toute identité. Ce nouvel ordre du discours assure en fait un régime d’existence uniquement fondé sur l’appartenance, valable pour tous (« Français de souche », « Français d’ailleurs », « immigrés », « clandestins », etc.), associé à une série d’euphémisations : « gens venus d’ailleurs », « gens d’origine étrangère », « gens d’autres cultures »… On bascule ainsi d’une appréhension des citoyens, définis en fonction de leur appartenance à un régime de droits, à une stigmatisation fondée sur des critères d’appartenance telle que définie par le pays dit « d’accueil ». Qu’ils soient Français ou non importe peu : ils ne le seront jamais vraiment.

      L’année 1996 a vu naître le rapport parlementaire sur « l’immigration clandestine » qui s’est concrétisé en octobre par le projet de loi « Jean-Louis Debré » imposant notamment les certificats d’hébergement. Puis le durcissement des lois a abouti, malgré les protestations, à la loi Chevènement définitivement adoptée en mars 1998. Les années 2000, quant à elles, ont infléchi les oppositions en fonction des nécessités économiques du pays selon une logique ultralibérale : en parallèle à la construction des centres de rétention et à la multiplication des reconduites à la frontière, le gouvernement Sarkozy a engagé de manière explicite une action de tri des populations pour favoriser ce qu’il a cru bon de nommer une « immigration choisie » supposément réparatrice des torts de l’« immigration subie ». Il ne s’est plus agi d’accueillir des personnes désireuses de venir en France mais d’endiguer les « flux migratoires à la source », par le biais d’un ensemble de mesures dissuasives de surveillance aux frontières de l’Europe. Le tout-puissant dispositif géré par Frontex — agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne — s’est doté d’un nombre considérable de nouvelles expressions (« contrôle de l’immigration illégale », « force de réaction rapide [RABITs] », « directive de retour », « centre de rétention », etc.) et de nouveaux outils de contrôle et de coercition (Eurosur, Eurodac, Système d’Information Schengen [SIS], Visa Information System [VIS], Système d’entrée-sortie, European Initiative on Integrates Return Management [EURINT], etc.).

      C’est dans ce contexte socio-discursif rapidement tracé que l’arrivée de Syriens, d’Irakiens et d’Afghans, mais aussi d’Érythréens et de Soudanais en grand nombre constitue pour les gouvernants une « crise migratoire ». Ajoutés à tous ceux qui, bloqués aux frontières, attendent souvent depuis longtemps l’entrée dans la « forteresse Europe », ces derniers font l’objet de violences et de réactions de rejet avant d’être finalement acceptés. Pour Al Jazeera comme pour le HCR (Haut Comité aux Réfugiés), il importe alors de faire une distinction entre ces futurs demandeurs d’asile, fuyant la guerre et les persécutions, et les « immigrés économiques ».
      La politique des catégories performatives

      La nécessité de questionner les mots pour comprendre les réalités migratoires ne date pas de l’été 2015. La supposée alternative entre « migrants » et « réfugiés » s’est pourtant progressivement constituée comme sujet de débat avec l’arrivée des personnes fuyant la guerre par la « route des Balkans ». Ainsi, France Info s’interrogeait dès le 29 mai 2015 : « Migrants ou réfugiés : où est la frontière ? ». Carine Fouteau, spécialisée dans les questions migratoires à Mediapart, faisait paraître le 12 août 2015 un article intitulé « Réfugiés, intrusion, hotspots : le nouveau lexique des migrations ». En rappelant qu’aucun mot n’est neutre mais toujours investi « de significations singulières liées au contexte actuel », la journaliste mettait en garde quant au poids des médias et des politiques dans le façonnage et les représentations des opinions publiques. Elle faisait état de ce qui devient un enjeu politique majeur, le changement de connotation pris par le terme « migrants », longtemps utilisé par les chercheurs comme un terme « générique », englobant (« tout individu se déplaçant d’un lieu à un autre »), devenu un moyen pour « disqualifier les personnes ne relevant a priori pas de l’asile ». En accentuant cette opposition, les responsables politiques mettent ainsi en compétition les demandeurs d’asile et les « migrants économiques », ces derniers « perçus comme indésirables » étant « destinés à être renvoyés dans leur pays d’origine ». Une constellation de termes négatifs (« intrusion », « effraction », « flux », « vagues », « flots de migration », « traite », « passeurs », « trafiquants », « mafieux ») décrivent les migrants qui deviennent alors l’objet d’une gestion managériale (« points de fixation », « hot spots », « clef de répartition », « quotas », « centres de tri », « centres d’attente »…) performant une logique de sélection. Il s’agit de mettre en œuvre le partage engagé aux frontières tel qu’annoncé dès le 17 juin par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, au conseil des ministres.

      La polémique lancée par Al Jazeera, si elle prend acte de la charge « péjorative » attribuée au terme « migrants » devenu synonyme de « nuisance », ne dénonce pas cette logique de tri déjà en place aux frontières. Le texte semble même s’en accommoder : Barry Malone cite les nationalités (Afghans, Syriens, Irakiens, Libyens, Érythréens, Somaliens) pour lesquelles il faut utiliser « réfugiés » afin de ne pas les confondre avec des « migrants économiques ». S’il ne dit rien des autres nationalités, les « migrants économiques », il entérine une distinction que personne ne va plus questionner, excepté quelques chercheurs.

      L’emballement compassionnel qui s’est emparé de tous les médias et réseaux sociaux au cours de l’été 2015 et plus particulièrement début septembre lors de la diffusion de la photo du petit Alan Kurdi, explique en partie l’adoption du terme « réfugiés » contre celui de « migrants ». Il s’est agi dans un premier temps de s’opposer aux discours « de haine » prononcés en Europe, notamment par le ministre anglais des Affaires étrangères Philip Hammond ou David Cameron lui-même [8], et des pratiques de violence à l’égard des personnes dans les Balkans. C’est contre les « discours infamants » et une politique européenne inhumaine que s’insurgent alors les journalistes d’Al Jazeera ainsi qu’ils le décrivent dans la présentation de l’émission du 21 août 2015.

      Au-delà de l’empathie suscitée par cette accusation, le découpage implicite entre les « bons » et les « mauvais » arrivants et la possibilité de chasser les uns (plus noirs, peu qualifiés…) au profit des autres (plus blancs, plus compétitifs…) se sont révélés efficaces pour entériner la politique du tri déjà effective : il suffisait donc de mettre les mots sur les choses, de nommer plus clairement ce qui existait pour le rendre acceptable, et pourquoi pas souhaitable.

      Des journaux comme Le Monde [9], Le Figaro ou Libération, des radios comme France Culture ou Europe 1 se sont focalisés sur les usages linguistiques, certains rappelant la difficulté de diluer le sens juridique de « réfugiés », d’autres insistant sur le sens péjoratif du participe présent « migrant » réduisant les personnes « à une errance ». Sollicités, les spécialistes des questions migratoires ont été parfois bien ennuyés puisqu’ils utilisent, comme les militants, le terme « migrants » depuis longtemps dans leurs travaux [10]. L’injonction à n’utiliser qu’un seul terme a toutefois été remise en cause par Claire Rodier rappelant que le terme « migrants » s’était imposé pour éviter de hiérarchiser les « exilés », afin de ne pas enfermer « les gens dans des cases ». Plus encore, Danièle Lochak a mis en garde : « Nous avons toujours refusé de les distinguer. »

      Les nuances apportées par les chercheurs n’y ont rien fait, la préconisation d’Al Jazeera a été relayée par Libération (« Ne plus dire migrants mais réfugiés [11] ») comme par Le Figaro. Ce dernier est même allé plus loin en criminalisant les « migrants » par le biais d’une réorientation du débat : « Réfugiés ou clandestins », éditorial d’Yves Thréard. L’objectif était bien clair : « La générosité envers les réfugiés politiques n’est concevable que si la plus grande fermeté est opposée aux clandestins économiques », énoncé repris par France 24. Chez chacun, la multiplicité des usages des « termes imparfaits » est symptomatique d’une recherche d’objectivité visant à contourner les partis pris idéologiques déterminant les choix. La plupart de ces glossaires s’appuient en fait sur la Charte de Rome, document élaboré par la Fédération internationale des journalistes avec le HCR, dans lequel les définitions sont orientées vers une valorisation des « réfugiés ». Les « migrants » y sont systématiquement appréhendés par la négative : « des personnes qui se déplacent pour des motifs qui ne sont pas inclus dans la définition légale de ce qu’est un réfugié », ou qui « choisissent de s’en aller non pas en raison d’une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d’améliorer leur vie en trouvant du travail… » « Point de vue du HCR : “réfugié” ou “migrant” ? Quel est le mot juste ? », l’organisme hiérarchise définitivement l’opposition entre les arrivants, et use de son statut d’organisation internationale pour infléchir les catégories de pensée. Le poids de ce discours dans l’espace politique et médiatique est sans précédent, ce que les chercheurs Jurgen Carling [12] et Judith Vonberg [13] dénoncent avec virulence, tout comme Olivier Adam s’insurge contre le « tri sélectif » qui entraîne une « diabolisation mécanique » des migrants. L’opposition ainsi tracée entre deux catégories qui regroupent grosso modo les Syriens, Irakiens et Afghans d’un côté et les Africains de l’autre, n’est donc pas sans liens avec l’élaboration des politiques migratoires et son imposition dans l’espace social. Ce débat sémantique occulte au fond un partage entre les êtres humains qui ne comptent pour rien, les « sans-part » (Rancière) : ceux qui peuvent encore prétendre à la vie parce qu’ils sont bons à recycler dans les économies du capitalisme tardif, et ceux dont la mort n’importe décidément plus, et que l’on n’hésite pas à abandonner au sort funeste qui est le leur aux portes de l’Europe, selon une logique du tri [14] devenue impitoyable.
      Façonner les esprits, diriger les conduites

      Tout au long de cette bataille pour les mots, jamais la parole n’est donnée aux exilés/migrants/demandeurs d’asiles eux-mêmes, qui peuvent dans certains cas préférer d’autres termes, comme « exilés », « voyageurs » ou « aventuriers [15] ». Au contraire, le monopole de la nomination est toujours assuré par ceux qui détiennent le monopole de la domination institutionnelle et médiatique et parlent au nom des autres.

      La réalité vécue est toujours très complexe, et il n’existe aucune possibilité de différencier les personnes en fonction d’un critère unique : « C’est toujours un ensemble de choses qui poussent les gens à partir sur la route. »

      Les rhétoriques affichées comme objectives, et élaborées sur des oppositions binaires, dissimulent habilement des partis pris politiques dont les effets sur les intéressés sont d’une rare efficacité. La définition sur le modèle du dictionnaire supposé neutre est une des formes de dissimulation privilégiée. Toutefois, plus que d’espérer, comme le souhaite Jørgen Carling, que le terme « migrants » puisse encore faire office de terme générique englobant, ce qui supposerait de sortir le langage des relations de pouvoir, il convient plutôt de suivre attentivement les méandres des significations et resignifications des énoncés en fonction des instances énonciatrices afin de comprendre les enjeux politiques qui innervent nos sociétés. Aucun mot ne viendra dire le réel, construit justement par les discours : nommer c’est toujours faire exister, dire c’est toujours faire. En ce sens, la moralisation qui s’instaure actuellement dans l’appréhension des personnes arrivant en Europe est symptomatique d’un changement de conception mais reste tributaire des exigences utilitaristes de l’économie libérale. Comme le rappelle Virginie Guiraudon, « rien ne dit qu’un jour prochain les indésirables soient les réfugiés, et les migrants économiques les étrangers “utiles”. C’est donc bien le débat qui est mal posé, puisque pour le patronat allemand par exemple, « les réfugiés actuels sont une chance pour l’économie allemande [et] pour qui le mot-valise “réfugié économique” signifie force de travail motivée et à forte valeur ajoutée » [16].

      La réalité vécue est toujours très complexe, et il n’existe aucune possibilité de différencier les personnes en fonction d’un critère unique : « C’est toujours un ensemble de choses qui poussent les gens à partir sur la route [17]. » À rebours de cette exigence, les médias et les politiques n’envisagent nullement de restituer cette complexité : les catégories visent au contraire à orienter la lecture de ce qui est en train d’arriver, à donner à interpréter selon des grilles, des angles de vue, des perspectives. La bataille n’est pas sémantique au sens où des définitions existeraient en dehors des enjeux politiques et sociaux : c’est une bataille discursive où le discours s’élabore selon un certain « ordre » (Foucault). Faire la généalogie de ces discours est le seul moyen de comprendre comment le sens fait advenir le réel, alors qu’il le construit socialement et politiquement. Il ne s’agit donc ni de langue, ni de linguistique et encore moins de définition de dictionnaire : il s’agit de lieux et de moments de parole qui entrent en lutte les uns avec les autres. C’est ainsi que, concernant cette séquence médiatique, le HCR a clairement imposé son point de vue au détriment par exemple de la définition générique des Nations unies.

      Si les personnes qui arrivent en France ne sont ni des réfugiés, ni des migrants, puisque chaque situation est spécifique, les catégories réifiées et binaires ne nous sont d’aucun secours. Choisir les mots pertinents en fonction des situations, des devenirs, des histoires de vie, des trajectoires, des subjectivités relève toutefois de la gageure. L’historicisation de ces phénomènes devient alors primordiale afin de reconstituer les interdiscours. Si, en 1905, l’Angleterre adoptait les Aliens Acts instituant déjà la différence entre « réfugiés politiques » et « migrants économiques », les derniers glossaires institutionnels des mots de la migration sont actuellement en train d’escamoter le terme « intégration ». Ainsi, alors que la mise en catégorie des étrangers est une vieille histoire européenne, il semble aujourd’hui que l’impératif de réciprocité et le souci d’hospitalité, malgré tout présents dans le projet d’intégration, soient même portés à s’effacer de nos pratiques sociales : sombre présage qui ferait d’un étranger un individu ayant vocation à s’identifier, à s’oublier… ou bien à disparaître.

      https://vacarme.org/article2901.html

  • DE LA NÉCESSITÉ DE LA FIN D’UN MONDE

    La production de biens s’est développée par la technique, qui s’est approprié notre société d’êtres humains. Cette technique rend productible tout ce qui existe sur Terre en le rendant accessible par l’intermédiaire du marché. L’outil reste au service de l’usage que la main veut en faire, mais la machine nous force à nous soumettre à elle. La machine est étrangère à l’homme, elle le rend étranger à sa production, et il devient alors étranger à lui-même. La machine entraîne par nécessité la machinisation du monde, et la technique sa marchandisation. Tout est calculable par les machines comme valeur marchande, l’homme y compris. Tout est profitable aux plus puissants pour produire toujours plus d’argent. Les choix technologiques des industriels ont verrouillé les progrès scientifiques à venir, bloquant toute évolution sociétale humanisante.

    Notre société est un système machinique d’oppression où le pouvoir a été usurpé grâce à la dictature d’une économie mondialisée qui se dissimule comme technique incontournable. Marx parle du capitalisme comme un automate, un rapport social d’exploitation de l’homme par l’argent, où « Il ne s’agit plus d’échanger une marchandise contre une autre par le biais de l’argent, mais de produire plus d’argent grâce à des marchandises » (Le Capital, tome I). Avec de l’argent, par le biais d’une marchandise on produit plus d’argent. Mais la marchandise est aujourd’hui partout, l’argent lui-même est devenu marchandise. C’est alors qu’avec l’informatisation du monde, l’argent peut maintenant se multiplier automatiquement à l’infini, échappant aux contraintes de la production, par des spéculations financières opaques, dans des réseaux parallèles en dehors de tout contrôle. Plus de 80 % des richesses du monde passent par des échanges immatériels entre ordinateurs qui se font sans entrave à la vitesse de la lumière, à l’ombre de réseaux obscurs.

    La crise permet à certains de bien meilleurs bénéfices. Les entreprises du CAC40 ont reversé 54 milliards d’euros à leurs actionnaires en 2018. Ce qui rapporte le plus de nos jours ce sont les financements des dettes, des crédits et des obligations. La dette publique mondiale représente deux fois le poids de l’économie du monde. Les intérêts de la dette française, versés à des milliardaires, coûtent près de 50 milliards d’euros par ans. Les dettes créent de l’argent, et c’est beaucoup trop de liquidités qui circulent dans les sphères de la haute finance. La fraude fiscale des plus riches représente plus de 80 milliards d’euros par an, supérieurs au déficit public du pays. Toutes ces escroqueries sont des armes financières inventées par une haute bourgeoisie prédatrice, pour appauvrir et asservir toujours plus les populations. La crise est une source de profit sans limites pour des milliardaires suicidaires qui ruinent l’avenir. Plus des trois quarts de l’argent des hyperriches sert à la spéculation, pariant sur un avenir incertain et un peu près n’importe quoi, sans même avoir les fonds nécessaires, multipliant les dettes, faisant gonfler des bulles financières qui leur rapporteront des fortunes lors de leurs éclatements, tout en provoquant des désastres économiques planétaires sans précédent. Le futur a été pillé, il est en faillite, l’effondrement du capitalisme a déjà commencé.

    L’explosion démographique, la course effrénée aux profits, l’obsolescence programmée des marchandises, le gaspillage institué, l’exploitation destructrice de la nature et de l’homme démolissent une société fragilisée en ruinant la vie. La destruction des forêts et des espèces, déjà 80 % des insectes ont disparu, dont une grande partie de pollinisateurs, et 58 % des vertébrés en 40 ans. Les pollutions chimiques, nucléaires et électromagnétiques risquent de se répandre et de s’accentuer dangereusement menaçant notre santé. La montée des eaux dues au dérèglement climatique, plus de deux mètres à la fin du siècle, va inonder une grande partie du littoral, condamnant à l’exode 75 % de la population mondiale. La quantité d’eau potable a diminué de moitié en 50 ans. La fonte des glaciers menace d’assèchement la plupart des fleuves, durant l’été, compromettant l’irrigation et les cultures. On a perdu en 50 ans un tiers des terres arables. L’érosion des sols et la désertification s’étendent dangereusement. L’épuisement des ressources naturelles, et des métaux rares nécessaires à la fabrication de batteries et du matériel informatique. L’effondrement de la fertilité des sols, la chute vertigineuse de la biodiversité, les dérèglements écologiques, la nouvelle instabilité climatique et la dégradation générale de la nature mettent en danger l’agriculture et l’alimentation des populations. La croissance de la pauvreté et les famines qui s’annoncent, notamment en Afrique, vont provoquer d’énormes migrations des populations menacées de mort.

    Toutes les courbes indicatrices de production ou de consommation sont exponentielles et grimpent à toute vitesse alors que les ressources s’épuisent. Les décennies qui arrivent s’annoncent catastrophiques. Les spécialistes cherchent à limiter le désastre, minimiser les dommages à quelques millions de morts acceptables, sans trop savoir ce qu’ils font. Il n’est pas possible d’appréhender le changement d’un système du point de vue de son fonctionnement interne, selon ses propres termes. Les dirigeants tâtonnent à l’aveugle dans un enchevêtrement de doubles contraintes, prisonniers de paradoxes qu’ils ne discernent pas. Ce système d’exploitation marchand n’envisage d’autres solutions que celle de perdurer dans son auto-destruction mortifère, occultant en permanence la fin de son existence comme seule condition de survie. C’est cette omission qui crée l’illusion d’un bien-être d’apparence dans une intoxication mentale généralisée.

    Plus on a une connaissance des catastrophes que le système enchaîne, des détériorations désastreuses, plus on cherche à s’adapter et essaient de survivre dans des conditions devenues extrêmes. Notre adaptation à la machine nous intègre peu à peu à son fonctionnement, elle nous machinise à son programme. Nos conditions d’existences sont gérées par ordinateurs qui nous ordonnent dans leurs procédures. Dans une société informatisée, on résout les problèmes de façons techniques par une fuite en avant technologique. La raison technique passe pour un moyen de légitimisation du pouvoir dominant, l’oppression devient une nécessité technique, et tout s’accélère dans une atrocité inhumaine. En s’emballant, le système engendre un technocapitalisme dictatorial du désastre qui prétend gérer la catastrophe tout en la produisant, pour en tirer les meilleurs profits jusqu’à la fin.

    Selon le MIT, le sauvetage de ce système, encore possible il y a quarante ans, est devenu caduc et inopérant. Notre planète a ses propres limites à la destruction, et lorsque le système dépasse ses seuils de tolérance, ses pics butoirs, s’amorce une rupture, il accélère le dépassement des autres limites, et la courbe de croissance exponentielle atteint sa dernière phase, dépassant un niveau qui ne garantit plus la stabilité, l’interconnexion des réseaux produisant alors un emballement général, une contagion qui devient instable, inconnue, imprévisible, inévitable et irréversible. Notre monde et notre espèce sont maintenant dangereusement menacés de disparition.

    Le catastrophisme préfigure la fin du monde sans renversement possible ni changement de perspective. Sans prédire l’avenir, les risques sont là et le processus a déjà commencé. Déjà, plusieurs pays se sont effondrés dans l’ignorance du grand public, et c’est ce déni général qui précipitera l’écroulement. Le choc sidère, la perte des illusions conformistes commotionne et fige les perceptions dans un dénie aveugle, dans un refus de comprendre la réalité traumatisante des évènements en cours.
    Le système est en train de s’autodétruire rapidement. Nous sommes au seuil d’un effondrement global du capitalisme technologique, sans échappatoire, à l’aube obscure d’un nouveau monde, peut-être encore possible. Personne ne peut prévoir ce qui va émerger de ce chaos inouï, les réactions provoquées par cette dévastation sans précédent ouvrant les portes de l’incertitude, du hasard, de la vie. Sortir d’urgence de cette société marchande inégalitaire, injuste, invivable et mortifère est inévitable et fondamental.

    Lukas Stella
    http://inventin.lautre.net/linvecris.html

  • COMMUNIQUÉ SUR LE MOUVEMENT DES GILETS JAUNES EN FRANCE

    Le onzième samedi du mouvement des gilets jaunes en France, le 26 janvier 2019, a vu la mobilisation se maintenir un peu partout en France. Selon la police, il y a eu 69 000 manifestants dans tout le pays. Il est pourtant évident que le chiffre est largement minoré : elle annonçait 2500 manifestants à Paris alors qu’il y en avait bien entre 8000 à 10000 lorsque les deux principaux cortèges se sont rejoints à 16 heures à la Bastille. Les affrontements qui ont alors éclaté ont permis à la police de disperser la foule qui allait se réunir sur la place. Mais peu importe en vérité le chiffre exact. Le fait est que ce mouvement des gilets jaunes exprime une rage et une volonté d’opposition à la misère croissante imposée et promise par le capitalisme et de confrontation à l’État que la bourgeoisie n’arrive pas à éteindre. Tout comme les grèves en Iran de 2018 ou encore la grève de masse de dizaines de milliers d’ouvriers du nord de Mexique en ce moment-même, pour ne citer que celles-ci 7, la radicalité, la combativité, l’obstination de ce mouvement des gilets jaunes signale le degré atteint par les antagonismes de classe et le fait que nous sommes entrés dans une nouvelle période de confrontations massives entre les classes au niveau mondial. Ce climat généralisé de révolte sociale potentielle, et en partie déjà en acte, est pour l’essentiel la résultante des effets de la crise de 2008 qui se font toujours sentir et qui exacerbent les contradictions actuelles de tout ordre, politique, écologique, impérialiste, migratoire, social, etc. du capitalisme.

    Aujourd’hui, ces contradictions se sont accumulées et elles explosent les unes après les autres. Dans ce climat international de révolte sociale générale en devenir, le "ralentissement de la croissance mondiale" – pour reprendre les termes des économistes bourgeois – et les risques de krach financier et boursier ne peuvent qu’accentuer cette ambiance de fin de monde, de fin du monde capitaliste pour être exact, et porter les générations actuelles de prolétaires à la nécessité, à la conscience et la volonté de s’opposer à la misère du capitalisme et à la guerre généralisée qu’il nous prépare et, finalement, de le détruire. L’ensemble de la classe capitaliste, du moins ses fractions les plus éclairées, s’en inquiète au point que « les éminences réunies au sommet de Davos estiment qu’il est temps de "remoraliser" la globalisation (dixit Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial) et de rechercher les voies d’une économie mondiale "plus inclusive" » (Libération, 23 janvier 2019) et que les États s’y préparent déjà tant au plan politique qu’au plan de la répression violente et massive.

    Mais avant de revenir sur la situation en France de cette fin de janvier, il convient de faire un bref résumé des événements depuis le communiqué que nous avions publié le 2 décembre pour les lecteurs qui ne vivent pas en France et n’ont pas pu suivre de près le cours de la situation. Les affrontements violents du 2 décembre autour de l’Arc de Triomphe à Paris mais aussi en province, y compris dans des toutes petites villes, et la rage qu’ils exprimaient ont surpris, et même en partie paniqué, la fraction des quadragénaires de Macron au pouvoir pour qui, formés dans les écoles de commerce et au management, la lutte des classes avait disparu. Il a fallu le renfort d’autres fractions politiques, Sarkozy en particulier, et de grands patrons, pour imposer à Macron le fait qu’il devait faire des "concessions" 8. À ce moment là, les médias se lamentaient du fait que les gilets jaunes n’avaient pas de leaders "avec qui négocier" tout comme du fait que les syndicats étaient discrédités et impuissants. Ce n’est qu’à la veille au soir de la manifestation du 8 décembre qu’un véritable premier contact s’est fait avec les principaux porte-paroles des gilets jaunes qui furent reçus par le Premier ministre et qui, à leur sortie, déclarèrent qu’ils attendaient une déclaration de Macron qu’on leur avait promise pour la semaine suivante. Ils lui redonnaient ainsi l’initiative et la contre-offensive politique de l’État se mettaient en place. Les manifestations du 8 furent aussi massives et violentes que celles du samedi précédent. Le lundi 10, Macron annonça une augmentation de 100 euros du SMIC – en fait une prime saurons-nous dans les jours suivants – et quelques autres mesures. En soi, elles ne sont que des concessions marginales même si elles vont contraindre le gouvernement à présenter un déficit budgétaire au-delà des 3% requis par l’Union Européenne 9. Politiquement, elles représentent cependant le premier véritable recul significatif de l’État face à une mobilisation massive depuis... 1968. Mais surtout, à l’occasion du 1er janvier, Macron annonce l’organisation d’un grand débat national planifié jusqu’au 15 mars pour répondre à la revendication des gilets jaunes sur une démocratie directe et, plus particulièrement, sur celle d’un "référendum d’initiative populaire".

    Depuis lors, c’est cette revendication typiquement petite- bourgeoise que l’ensemble de l’appareil d’État a repris à son compte et imposé comme question centrale de la situation faisant passer au second plan, sinon oublier, les revendications d’ordre salarial et de conditions de vie. En parallèle, la gestion des manifestations hebdomadaires s’est limitée alors à la répression violente qui, outre les milliers de victimes graves causés par les flash-ball et les grenades de désencerclement (les deux interdits dans la plupart des pays européens), visait à réduire la popularité massive du mouvement dans "l’opinion publique". En cette occasion, les discours officiels des politiciens, des médias et des éditorialistes rivalisaient d’appel à la répression la plus brutale et de morgue pour ce "peuple stupide, haineux, factieux, voire fasciste" : un ancien ministre de... l’Éducation de Sarkozy, philosophe de profession et grand bourgeois délicat et distingué des beaux quartiers de Paris de son état, appela même les policiers à se servir « de leurs armes une bonne fois ! (...) Ça suffit, ces nervis d’extrême droite et extrême gauche ou des quartiers qui viennent taper des policiers. (...) On a la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies ! » (Luc Ferry, Radio Classique, 8 janvier 2019). La haine de classe des Versaillais de mai 1871 face aux communards parisiens ne demande qu’à resurgir. Même s’il faut relever que ces discours provocateurs appelant à la répression généralisée et jusqu’au meurtre ont sans doute eu pour effet de participer à relancer la mobilisation des gilets jaunes, il n’en reste pas moins que depuis lors, l’initiative politique est restée dans les mains de la bourgeoisie. L’ensemble de l’appareil d’État s’est alors mobilisé pour focaliser toute la vie politique autour de l’organisation de ce "grand débat" : le président, les ministres, les députés, les préfets, les maires de villes et de villages, les médias, l’ensemble des partis politiques, jusqu’à faire que les gilets jaunes eux-mêmes se divisent entre eux sur le fait d’y participer ou non. Et y compris, ceux qui prônaient la non participation, pensant à juste titre qu’il ne s’agissait que d’un "enfumage", et en l’absence d’autre perspective de lutte, se sont enfermés dans l’impasse en justifiant le maintien des manifestations par la nécessité de faire pression sur le... grand débat ! La boucle est bouclée. Il ne suffit plus que de la serrer petit à petit sans briser la corde par une maladresse 10.

    Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Le terrain est balisé par la bourgeoisie qui détient le timing des
    événements... jusqu’à l’appel du principal syndicat, la CGT, à une journée d’action et de grève pour le 5 février à laquelle les gilets jaunes les plus "radicaux" avec l’aide des trotskistes, NPA en particulier, appellent à se joindre pour une grève illimitée. Au cas où l’incendie reprendrait, le contre-feu est déjà en place. Le tour est joué et tous les terrains sont occupés maintenant par l’ensemble de l’appareil étatique bourgeois. Seules la rage et la colère peuvent maintenir plus ou moins longtemps les mobilisations du samedi.

    Le mouvement des gilets jaunes se trouve donc aujourd’hui dans une impasse politique sans réelle perspective alors même que le gouvernement Macron et, derrière lui, l’ensemble de l’appareil d’État ont repris la maîtrise des événements. Ce qui faisait la force et le dynamisme du mouvement des gilets jaunes dans un premier temps, jusqu’à la déclaration de Macron du 10 décembre pouvons nous dire, est devenu sa faiblesse et ses limites une fois que le gouvernement eut repris l’initiative politique. Son caractère "interclassiste", s’identifiant au peuple français et non à la classe prolétarienne, a alimenté et entretenu les illusions sur la démocratie du peuple, c’est-à-dire de fait la démocratie bourgeoise, et a fait que les revendications de classe qui tendaient à émerger sont maintenant noyées et étouffées au profit d’un référendum d’initiative citoyenne et, finalement, au profit de l’organisation par le gouvernement et l’État d’un grand débat national sur le terrain de la démocratie bourgeoise.

    Or même les comités locaux de gilets jaunes les plus liés à la classe ouvrière, dans les limites de notre connaissance, comme ceux de Commercy et de Saint Nazaire, sont entraînés sur le terrain de l’impasse, de "l’auto-organisation" et de la mystification idéologique de la démocratie au nom du peuple :
    « Depuis Commercy, nous appelons maintenant à une grande réunion nationale des comités populaires locaux. Fort du succès de notre 1er appel, nous vous proposons de l’organiser démocratiquement, en janvier, ici à Commercy, avec des délégués de toute la France, pour rassembler les cahiers de revendications et les mettre en commun. Nous vous proposons également, d’y débattre tous ensemble des suites de notre mouvement. Nous vous proposons enfin de décider d’un mode d’organisation collectif des gilets jaunes, authentiquement démocratique, issu du peuple et respectant les étapes de la délégation. Ensemble, créons l’assemblée des assemblées, la Commune des communes C’est le sens de l’Histoire, c’est notre proposition.

    La mise en place de structures d’auto-organisation telles que les Assemblées Générales est aujourd’hui un enjeu central pour le mouvement des Gilets Jaunes.
    VIVE LE POUVOIR AU PEUPLE, PAR LE PEUPLE, ET POUR LE PEUPLE ! » (Deuxième appel des gilets jaunes de Commercy, 30 décembre 2018 11).

    Dans la confusion générale et l’hétérogénéité sociale qui régnaient, et continue de régner, au sein des gilets jaunes, seul le maintien des revendications salariales, augmentation du SMIC et des salaires, "indexation" des retraites pour ne citer que les principales, peut asseoir leur combat et rejeter le terrain du démocratisme bourgeois dans lequel le "grand débat" veut les enfermer et les étouffer. L’augmentation des salaires et du "pouvoir d’achat" était, est encore au moment où nous écrivons, la seule revendication... politique, celle dans laquelle l’ensemble de la classe prolétarienne peut s’identifier comme classe, qui puisse permettre encore d’opposer une réelle résistance immédiate face à la contre-offensive du gouvernement et de la bourgeoisie.

    Malgré plusieurs conflits ou grèves locales, parfois en lien direct ou indirect avec les gilets jaunes, la classe ouvrière comme telle, à partir de ses lieux de travail et comme classe, n’est pas entrée directement en lutte. À l’exception de peu, trop peu, d’exemples comme ces jours-ci les débrayages chez Arc International dans la ville d’Arques dans le Nord, ou encore ceux à l’entrepôt Geodis à Bonneuil en région parisienne, les occupations de bureaux de Pole emploi à Vitry, à Rennes, à Lorient, les actions de gilets jaunes auprès des hôpitaux (informations reprises du Collectif Agitation et Gilets Jaunes IDF)12. C’eut été alors fournir une autre perspective à la révolte sociale qui eut pu briser le cadre et le timing du "grand débat" en imposant les revendications de classe comme question centrale. C’était là la seule voie. C’est toujours là la seule voie même si, chaque jour passant, elle devient plus improbable.

    Nous n’étions pas les seuls à avancer le mot d’ordre appelant à la constitution de comité de lutte ou de travailleurs pour lutter pour cette perspective qui aurait pu déplacer le cadre et les termes politiques de l’affrontement imposé par le gouvernement et la bourgeoisie depuis le 10 décembre. Force est de constater, dans la limite de nos connaissances, qu’il ne s’est pas réalisé. Et qu’ainsi aucune alternative politique réelle de classe n’a pu être présentée et, encore moins, représenter un facteur matériel de la situation.

    Pour autant ce mouvement des gilets jaunes, qu’il perdure ou non encore des semaines, marque un avant et un après dans la dynamique même du conflit de classe en France et une référence pour le prolétariat international. En particulier, au grand dam des syndicats et de leur tactique de journée d’action, il a montré qu’un mouvement "incontrôlé" et sans organisation – incontrôlé et inorganisé du point de vue de l’État et de l’idéologie bourgeoise – pouvait faire reculer la bourgeoisie 13. Il a montré aussi que le refus de subir la menace et la violence répressive de l’État, la volonté de ne pas céder à la répression et de continuer à manifester massivement malgré les risques, pouvait obliger la bourgeoisie à céder, dans certaines conditions et moments, à des revendications. Enfin, cet épisode particulier de la lutte des classes a fait entrer dans le combat des couches et des générations de prolétaires qui restaient à ce jour étrangères à celui-la et dont nous ne pouvons préjuger de l’expression dans les combats à venir tout comme de la prise de conscience. Il est trop tôt pour en déduire qu’une nouvelle génération de militants révolutionnaires puisse, directement ou indirectement, en émerger mécaniquement.

    C’est pourtant aussi à cette tâche que les révolutionnaires doivent s’atteler par la propagande et l’intervention. La (notre) faiblesse et la (notre) quasi absence des communistes comme force matérielle politique dans les manifestations et sur les ronds-points, aussi difficile une intervention active était-elle vu les réticences politiques des gilets jaunes et leur "interclassisme" affiché, est un élément de faiblesse, non pas en soi de ce mouvement en particulier qui ne fait que le souligner, mais du rapport de force international et historique actuel entre les classes. Nous ne développons pas plus ce point dans le cadre de ce communiqué dont l’objet immédiat se limite à la fois à fournir un positionnement immédiat sur la situation pour tous ceux qui y sont directement intéressés et pour l’ensemble du camp révolutionnaire international.

    Le GIGC, le 27 janvier 2019.
    Révolution ou Guerre # 11
    www.igcl.org

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    7 . Des États-Unis à la Chine, en passant par l’Afrique et tous les continents, grèves et conflits tendent à se multiplier ces derniers mois...

    8 . À ce titre, si le gouvernement et Macron ne comprirent pas ce qui se passait jusqu’au 10 décembre, l’appareil d’État comme un tout, à commencer par sa police, en passant par les syndicats et jusqu’aux autres forces politiques bourgeoises (dont l’ancien parti de Sarkozy mais aussi le PS) n’a à aucun moment perdu le contrôle de la situation. Contrairement à ce que des médias laissaient à entendre, nous étions loin d’une situation insurrectionnelle, voire révolutionnaire, même au plus fort des affrontements du 2 décembre. Macron et le gouvernement ont vacillé. Pas l’appareil d’État comme un tout, loin s’en faut.

    9 . Macron s’était engagé à la respecter... surtout pour asseoir son crédit international – impérialiste – auprès de la bourgeoisie allemande. De ce point de vue, le mouvement des gilets jaunes a affaibli le crédit et l’autorité de Macron auprès de ses alliées européens censé redonner à l’impérialisme français une place plus centrale, en particulier pour animer le renforcement de l’axe impérialiste germano-français.

    10 . Hier, 26 janvier, un des porte-paroles très populaire et "pacifiste", Jérôme Rodrigues a reçu un tir de flashball à l’œil alors qu’il filmait la scène – un Facebook live – et qu’il appelait les gilets jaunes à quitter la place de la Bastille. Et alors qu’il n’y avait aucun affrontement ou danger quelconque pour les policiers
    à ce moment-là . Il risque de le perdre définitivement et a été mis sous coma artificielle selon la presse de ce matin. Un tel dérapage peut très bien occasionner un sursaut de la mobilisation, voire en changer les termes et le timing tels que le gouvernement a réussi à les installer jusqu’alors.

    11 . cf le compte-rendu "à chaud", aujourd’hui même, de la réunion pour une coordination nationale des gilets jaunes à l’appel de Commercy réalisé par Matière et Révolution : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5237.

    12 . La diffusion de ce tract Place de la République le 26 janvier, là où devait se réunir les gilets jaunes après la manifestation, a été interdite par des gilets jaunes : « pas de politique au sein des gilets jaunes ! ». S’en est suivi une discussion difficile dans laquelle nous étions peu à critiquer cet "apolitisme" primaire et à argumenter sur la nécessité de s’emparer à bras le corps de la dimension politique de classe dans cette lutte comme dans toute lutte...

    13 . Nous-mêmes avions sous-estimé les potentialités de ce mouvement et écarté, trop rapidement, toute possibilité de "gain" pour les prolétaires dans notre communiqué du 2 décembre :
    « Sur ce terrain, les ouvriers qui s’y retrouvent isolés et noyés en tant que prolétaires dans une masse aux intérêts hétérogènes et même souvent contradictoires, isolés et noyés dans le "peuple", ne gagneront rien ». L’affirmation tranchée, sans doute car nous
    étions prisonniers d’un schéma, fut démentie par la réalité – du moins en partie. Le fait que nous n’ayons pas été les seuls à nous tromper sur ce point précis, n’enlève rien à la nécessité de comprendre où se situe l’erreur et quelle est sa dimension. En particulier, nous ne pensons qu’elle remette en cause l’analyse générale de ce mouvement et de ses limites du fait de son "interclassisme".