continent:asie

  • Cyberespace : la guerre mondiale des données
    https://www.lemonde.fr/international/visuel/2018/07/23/cyberespace-la-guerre-mondiale-des-donnees_5334901_3210.html

    Une bascule vers l’Asie

    Les données sont le liquide vital de l’économie numérique. La plupart des géants du Web se sont développés grâce à elles, et elles chamboulent les modèles d’affaires des entreprises dans tous les secteurs de l’activité humaine.

    Jusqu’à présent, les Etats-Unis dominaient culturellement et économiquement cet espace, profitant d’être le pays où a été inventé Internet et où sont nés les principaux mastodontes du secteur. Cette suprématie est pourtant de plus en plus contestée, notamment par la Chine, qui a su créer des géants technologiques, protégés par sa grande muraille numérique, qui n’ont presque plus rien à envier à leurs homologues d’outre-Pacifique. L’empire du Milieu toise désormais la Silicon Valley et mise beaucoup sur les technologies d’intelligence artificielle, dont le développement repose justement sur la quantité des données à disposition.

  • Les plus anciens virus humains découverts étaient âgés d’environ 450 ans, mais la plupart n’avaient pas plus de 50 ans. Maintenant c’est 4500 ans !

    Une étude pionnière a identifié les preuves les plus anciennes de VHB dans les vestiges antiques et prouvé que les virus peuvent disparaître. La signification scientifique de la recherche a été décrite comme « vraiment remarquable » et comparée à la découverte des premiers fossiles.

    Oldest genetic evidence of Hepatitis B virus found in ancient DNA from 4,500 year-old skeletons | University of Cambridge

    http://www.cam.ac.uk/research/news/oldest-genetic-evidence-of-hepatitis-b-virus-found-in-ancient-dna-from-4500-y

    (...)

    La nouvelle recherche, menée par un groupe d’universitaires au Centre for Pathogen Evolution du Département de Zoologie de l’Université de Cambridge et du Centre de GéoGénétique de l’Université de Copenhague, a prélevé des échantillons génétiques de squelettes en Europe et en Asie depuis l’âge du bronze. à la période médiévale, et trouvé 25 squelettes HBV-positifs parmi les restes. Dans 12 de ces squelettes, ils ont trouvé suffisamment de génome du VHB pour effectuer des analyses détaillées - dont la plus ancienne avait 4 500 ans [Soit l’Age du Bronze].

    À partir de ces données, ils ont pu extraire les séquences génétiques du VHB qui ont infecté les individus il y a des milliers d’années.

    (...)

    Bien que le VHB soit un problème de santé mondial, on sait peu de choses sur son origine et son évolution. Comme c’est le cas pour de nombreux virus humains, ceci est dû en grande partie à l’absence de preuves historiques difficiles à localiser et à identifier.

    Le Dr Terry Jones, premier auteur conjoint basé au Département de zoologie de l’Université de Cambridge, a expliqué : « Les scientifiques étudient principalement les souches de virus modernes et nous avons principalement été dans l’ignorance des séquences anciennes - jusqu’à maintenant. C’était comme essayer d’étudier l’évolution sans fossiles. Si nous étudions seulement les animaux qui vivent aujourd’hui, cela nous donnerait une image très inexacte de leur évolution - c’est la même chose avec les virus. "

    En savoir plus sur le VHB peut maintenant être possible. Montrer que le virus a circulé chez les humains depuis au moins l’âge du bronze est un grand progrès scientifique, car les tentatives précédentes pour estimer combien de temps le virus a infecté les humains ont varié de 400 ans à 34 000 ans.

    L’étude a été menée par le professeur Eske Willerslev, qui occupe des postes à la fois au St John’s College, à l’Université de Cambridge et à l’Université de Copenhague.

    Il a déclaré : « Ces données nous donnent une idée de la façon dont ce virus se comporte, et cela nous donne une meilleure idée de ce qui est biologiquement possible dans le futur. L’analyse d’autres échantillons d’ADN anciens pourrait révéler d’autres découvertes et cette étude pionnière pourrait avoir d’énormes implications sur la façon dont le virus affecte les humains aujourd’hui. »

    La recherche montre également l’existence d’anciens génotypes du VHB dans des endroits incompatibles avec leur distribution actuelle, ce qui contredit les origines géographiques du virus précédemment suggérées.

    (...)

    #Préhistoire #Age_du_Bronze #Virus #Université_de_Cambridge #Barbara_Mühlemann #Terry_C._Jones #Eske_Willerslev
    #University_of_Copenhagen #2500BP

    Ancient Hepatitis B viruses from the Bronze Age to the Medieval period.
    Nature (2018).
    DOI : 10.1038/s41586-018-0097-z

  • Les humains ont-ils quitté l’Afrique plus tôt que prévu ?
    Découverte d’anciens outils en Chine

    11/07/2018

    Hominin occupation of the Chinese Loess Plateau since about 2.1 million years ago
    https://www.nature.com/articles/s41586-018-0299-4

    Les anciens outils et os découverts en Chine par des archéologues suggèrent que les premiers humains ont quitté l’Afrique et sont arrivés en Asie plus tôt que prévu.

    Les artefacts montrent que nos premiers ancêtres humains ont colonisé l’Asie de l’Est il y a plus de deux millions d’années. Ils ont été trouvés par une équipe chinoise dirigée par le professeur Zhaoyu Zhu de l’Académie des Sciences de Chine et comprenait le professeur Robin Dennell de l’Université d’Exeter. Les outils ont été découverts dans une localité appelée Shangchen dans le sud du plateau de Loess en Chine. Les plus anciens sont 2,12 millions d’années environ, et sont 270 000 ans plus vieux que les restes squelettiques et les outils en pierre de 1,85 million d’années de Dmanisi, en Géorgie, qui étaient auparavant la première preuve de l’humanité en dehors de l’Afrique .

    Les artefacts comprennent une encoche, des grattoirs, des galets, des pierres de marteau et des pièces pointues. Tous montrent des signes d’utilisation - la pierre a été intentionnellement émiettée. La plupart étaient en quartzite et en quartz provenant probablement des contreforts des monts Qinling, à 5 ou 10 km au sud du site, et les cours d’eau en découlent. Des fragments d’os d’animaux âgés de 2,12 millions d’années ont également été trouvés.

    (...)

    Le professeur Dennell a déclaré : « Notre découverte signifie qu’il est nécessaire maintenant de reconsidérer le moment où les premiers humains ont quitté l’Afrique. »

    #Paléolithique #Chine #Out_of_Africa #Chinese_Academy_of_Sciences #Exeter_University
    #Zhaoyu_Zhu #Robin_Dennell et al.
    Hominin occupation of the Chinese Loess Plateau since about 2.1 million years ago. Nature, 2018 ; DOI : 10.1038/s41586-018-0299-4

  • https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/07/12/des-geants-du-petrole-livrent-de-l-essence-toxique-a-l-afrique-de-l-ouest_53

    Bientôt, peut-être, l’Afrique de l’Ouest cessera d’être intoxiquée par de l’essence et du diesel émettant de grandes quantités de particules fines exportés par des géants du négoce sans scrupule. C’est la fameuse « qualité africaine », comme disent les courtiers : des produits pétroliers de piètre qualité mélangés à des substances très chimiques dans les cuves de tankers décatis.

    Ca tient un peu du crime contre l’humanité non ?

    • Des géants du pétrole livrent de l’essence toxique à l’Afrique de l’Ouest

      Selon un rapport des Pays-Bas, les tradeurs exportent vers le continent africain des hydrocarbures mélangés à des substances chimiques dangereuses pour la santé.

      Bientôt, peut-être, l’Afrique de l’Ouest cessera d’être intoxiquée par de l’essence et du diesel émettant de grandes quantités de particules fines exportés par des géants du négoce sans scrupule. C’est la fameuse « qualité africaine », comme disent les courtiers : des produits pétroliers de piètre qualité mélangés à des substances très chimiques dans les cuves de tankers décatis.

      La teneur en soufre est entre 200 et 1 000 fois supérieure aux normes européennes, les conséquences en matière de santé publique dévastatrices et les bénéfices pour les pétroliers considérables. Un scandale révélé par une enquête rigoureuse de l’organisation suisse Public Eye (ex-Déclaration de Berne) en septembre 2016.

      Cette fois, ce n’est pas de la « propagande » d’ONG ou de militants écologistes passionnés, comme ont tenté de le faire croire certains tradeurs de grands groupes spécialisés dans la confection et l’exportation de ce « dirty diesel » invendable ailleurs qu’en Afrique.

      Dans un rapport officiel rendu public lundi 9 juillet, l’Inspection pour l’environnement humain et les transports des Pays-Bas note que « les carburants destinés à l’Afrique de l’Ouest sont mélangés autant que possible ».

      Mélange de produits pétroliers

      A l’issue d’une enquête portant sur les cargaisons de quarante-quatre tankers en partance pour l’Afrique de l’Ouest, la police environnementale hollandaise constate l’usage « à grande échelle » de manganèse et de benzène, des substances hautement cancérigènes, ainsi que d’autres produits pétrochimiques interdits dans la majeure partie du monde. Elle note dans les carburants destinés à cette partie du monde « 300 fois plus de soufre qu’autorisé par les standards européens », recoupant les révélations de Public Eye.

      Si les Pays-Bas ont diligenté cette enquête qui sera présentée au Parlement à une date encore inconnue et dont certains cas d’illégalité pourraient être transmis à la justice, c’est que près de 50 % des produits pétroliers exportés vers l’Afrique de l’Ouest partent des ports d’Amsterdam et de Rotterdam auxquels s’ajoute Anvers, en Belgique, selon les Nations unies (ONU). Les mélanges toxiques s’effectuent dans ces terminaux dotés de raffineries.

      Le rapport d’enquête hollandais pointe une dizaine de géants du courtage pétrolier tels que les suisses Vitol et Gunvor, l’anglo-suisse Glencore ou encore Trafigura, et leurs filiales chargées des activités « aval » (raffinage, distribution, commerce). Mais aussi des grandes compagnies pétrolières comme Total et Shell citées parmi les principaux acteurs de ce mélange de produits pétroliers.

      Parfois, par souci de discrétion, ces opérations sont réalisées en pleine mer, à quelques miles des côtes africaines et des mégapoles hyperpolluées où se concentrent une partie des 7 millions de personnes qui meurent chaque année à la suite de pathologies provoquées par la pollution d’un air trop chargé en particules fines, selon l’Organisation mondiale de la santé. Des métropoles comme Lagos et Dakar affichent des taux de particules fines supérieurs à ceux des villes d’Asie les plus polluées de la planète.

      Les choses sont en train de changer

      « La livraison de carburants toxiques à l’Afrique de l’Ouest n’est rien de moins qu’un scandale environnemental et de santé publique, a réagi le diplomate norvégien Erik Solheim, à la tête du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). L’idée que certaines parties du monde ne méritent pas la même protection sanitaire que les autres est tout simplement choquante. »

      Et d’appeler les industriels à cesser de tirer le maximum de bénéfices des faiblesses des standards d’Etats en la matière, avec des teneurs en soufre autorisées variant de 2 000 à 5 000 parties par million (ppm) pour le diesel et entre 150 et 3 500 ppm pour l’essence, contre des normes européennes fixées à 10 ppm depuis 2009.

      Mais les choses sont en train de changer en Afrique de l’Ouest. Le Ghana, pays producteur de pétrole, a ouvert la voie en s’alignant sur les recommandations du PNUE. Depuis le 1er juillet 2017, ce pays anglophone n’importe plus que des carburants à faible teneur en soufre (maximum 50 ppm contre 3 000 ppm auparavant). Pour ce qui est de sa raffinerie nationale, Accra se laisse jusqu’à 2020 pour se conformer au nouveau standard.

      « Le Ghana a décidé un changement radical tout en ayant trouvé une solution pour sa raffinerie qui ne parvient pas à produire des carburants conformes à cette nouvelle législation, constate Marc Guéniat, de Public Eye. Plutôt que de fermer sa raffinerie, il l’oblige à mélanger sa production avec du carburant importé pour se conformer aux normes, ce qui peut être un modèle pour les autres pays de la région. »

      Pressions des lobbys pétroliers

      Le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Nigeria et le Togo s’étaient aussi engagés à réduire drastiquement les limites de teneur en soufre des carburants autorisées et à mettre aux normes leurs vieilles raffineries d’ici à juillet 2017. Mais aucun n’y est parvenu à temps. La mise en application varie d’un pays à l’autre, en fonction des pressions des lobbys pétroliers et des risques de hausse des prix des carburants à l’importation qui se répercuterait sur le consommateur.

      Pour le moment, la Côte d’Ivoire n’a pas vraiment engagé de réformes. Le Nigeria, géant pétrolier africain et premier importateur de carburants de la sous-région, devrait suivre l’exemple ghanéen, à son rythme. Ses raffineries ont jusqu’en 2021 pour s’adapter à la nouvelle limitation qui vient de passer de 3 000 ppm à 150 ppm pour le diesel, et sera appliquée en octobre 2019 pour l’essence, dont le processus est plus coûteux, comme l’a annoncé Anibor O. Kragha, le patron des raffineries au sein de la Compagnie pétrolière nationale du Nigeria (NNPC).

      « Le premier virage vers une essence plus propre devrait coûter 11,7 millions de dollars [10 millions d’euros] par mois. La réduction [du soufre] dans le diesel devrait coûter 2,8 millions de dollars par mois », a-t-il indiqué. Les Etats semblent déterminés à se débarrasser des carburants toxiques jusque-là exportés par les géants du négoce pétrolier et à faire oublier la sordide « qualité africaine ».

  • Nicolas Hulot annonce un décret pour interdire les pailles en plastique
    https://www.bfmtv.com/politique/nicolas-hulot-annonce-un-decret-pour-interdire-les-pailles-en-plastique-14837

    Nicolas Hulot a annoncé la parution « bientôt » d’un décret visant les pailles

    Sur sa pierre tombale sera écrit : "il a sauvé le monde en interdisant « bientôt » les pailles en plastique".

  • En Inde, l’escalade du prix du carburant touche les plus pauvres Avec Ucanews, New Delhi - 28 Juin 2018 - Eglises d’Asie
    http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud/inde/2018-06-28-en-inde-lescalade-des-prix-du-carburant-touche-les-plus-

    En Inde, le prix du carburant a grimpé d’environ 30 % cette année, entraînant l’envolée des factures des sociétés de transports de marchandises. Les premiers touchés sont les plus démunis du pays, qui subissent de plein fouet la situation. La situation est particulièrement difficile pour les petits commerçants, qui se voient obligés d’augmenter les prix des produits de base comme les fruits et les légumes. Une tendance qui pourrait se retourner contre le BJP au pouvoir, en amont des élections de 2019. En 2014, le parti avait en effet assuré que s’ouvrait une période de croissance économique. 

    Sarjot Singh Das, qui vend ses légumes en périphérie de New Delhi, a du mal à joindre les deux bouts depuis que la société de transports qui lui fournit ses produits a augmenté ses factures de plus de 50 % en douze mois. Sarjot fait venir ses légumes par camion tous les jours, depuis l’État voisin de l’Uttar Pradesh. Il s’inquiète face à la montée des prix du pétrole. Si ça continue, ses charges finiront par atteindre un niveau intenable. « Avant, je devais payer 600 roupies (8,83 dollars) par mois pour le transport, mais aujourd’hui, cela me coûte 900 roupies », confie-t-il. « Que deviendront mes revenus si cela continue ainsi ? »

    
En Inde, les prix du carburant ont grimpé de près de 30 % cette année, atteignant des records. Les gens comme Sarjot subissent de plein fouet les conséquences de la politique du gouvernement indien, qui a décidé plusieurs augmentations des taxes d’accise sur l’essence. Cela a eu un effet direct sur le coût des fruits, des légumes et autres produits de bases, les vendeurs étant forcés de monter les prix en conséquence. Beaucoup de vendeurs en ville se fournissent en effet dans les fermes et les villages alentour, et les coûts de livraison représentent pour eux une dépense significative.

    Un niveau de prix historique
    Le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti au pouvoir du premier ministre Narendra Modi, avait promis, en arrivant au pouvoir en 2014, la croissance économique et l’« achhe din » (ou les beaux jours à venir). Mais pour l’instant, cela ne s’est pas reflété sur les prix du carburant. Le 14 juin à Bombay, la capitale financière du pays, l’essence a en effet atteint le niveau historique de 84,74 roupies (1,20 dollar) le litre. Une hausse de 70 roupies par rapport à son niveau d’il y a quatre ans. Arshad Khan, un commerçant d’un centre commercial dans le nord de l’État de l’Uttar Pradesh, explique que ses allers et retours à moto pour venir travailler font fondre ses économies d’une façon inquiétante. « Je parcours environ 50 kilomètres tous les jours », ajoute-t-il. « L’essence a augmentée, donc mes dépenses aussi… Avant, l’aller-retour me coûtait 60 roupies, et aujourd’hui, cela me coûte 100 roupies. »

    Le gouvernement a déclaré que les hausses des prix suivent les fluctuations du cours du pétrole brut sur le marché international, mais selon les économistes et l’opposition, cela n’explique pas la hausse considérable des taxes imposées sur l’essence en Inde. L’ancien premier ministre Manmohan Sinh, un économiste, a confirmé le mois dernier auprès des médias locaux que « les prix de l’essence sont à un niveau historique parce que le gouvernement de Modi a choisi de prélever des taxes d’accise excessives ». Le gouvernement fédéral comme les gouvernements des États imposent des taxes sur l’essence, et le gouvernement fédéral a vu ses revenus liés à l’essence et au diesel plus que tripler en quatre ans. En 2013-2014, ces revenus étaient de 12 millions de dollars ; ils avaient atteint 36,11 millions de dollars en 2016-2017. « Le gouvernement ne peut pas rejeter la faute sur les prix du pétrole brut à l’international », pour Vijay Kumar, un activiste de l’Uttar Pradesh. « Si le gouvernement baisse les taxes d’accise, les prix du carburant cesseront d’augmenter. »

    L’épreuve des élections
    Les slogans qu’employait le BJP durant les élections générales de 2014 contre l’opposition du Congrès du peuple indien, en annonçant le développement et la croissance économique, deviennent aujourd’hui contre-productifs à l’approche des élections de 2019, estime le journaliste politique Owais Ahmad. Le BJP a remporté les élections contre le parti du Congrès, qui était au pouvoir depuis 1947, à cause de l’inflation, de la pauvreté et du chômage. « Mais maintenant que la situation a empiré sur tous ces fronts, qu’est-ce que le gouvernement va pouvoir dire ? » , demande Owais Ahmad. Le 10 juin, les membres de la Fédération démocratique des jeunes Indiens (Democratic Youth Federation of India) ont organisé des manifestations dans tout le pays contre la montée des prix du carburant. Aakash Kumar, qui a participé à plusieurs manifestations, explique que les jeunes n’acceptent plus le discours avancé par les groupes politiques et par le gouvernement, « parce que ce sont les gens ordinaires qui paient le prix de leurs mauvaises politiques ».

    Une étude de l’Institut de la croissance économique (Institute of Economic Growth) de l’université de Delhi montre que la croissance économique rapide a entraîné une hausse des demandes en essence et en énergie, faisant de l’Inde le quatrième consommateur mondial de pétrole brut. L’étude affirme que durant la période de 2011 à 2025, les demandes de pétrole brut devraient grimper de 90 %, tandis que les demandes en diesel devraient augmenter de 110 %, et les demandes en essence de 165 %. L’étude suggère au pays de prendre des mesures en améliorant son utilisation des produits pétroliers, et en développant l’offre grâce des accords de production partagée entre les compagnies pétrolières locales et d’autres pays. L’Inde devrait également, selon l’étude, développer les énergies nucléaire, hydraulique et solaire, ainsi que les énergies alternatives. Elle devrait également prévoir ses besoins pétroliers afin de pouvoir « soutenir une croissance économique rapide dans le futur », confie Pradeep Agrawal, directeur des recherches conduites en 2012.

    #Inde #pétrole #énergie #BJP #Narendra_Modi #transports #croissance #pauvreté

  • L’Eugénisme En Marche - ou Heureux les pauvres en esprit car le royaume de la manipulation génétique leur est promis Gérard COLLET - 23 Juillet 2018 - Le Grand Soir
    https://www.legrandsoir.info/l-eugenisme-en-marche-ou-heureux-les-pauvres-en-esprit-car-le-royaume-

    Le sieur Laurent Alexandre, ci-devant urologue et actuel entrepreneur [1] a récemment confié à l’Express une tribune fort humblement intitulée « Pourquoi #Bourdieu avait tort » [2]. Voilà donc le sort de P. Bourdieu et d’un pan de la sociologie scellé sans appel par les 50 lignes à l’emporte-pièce du tribun.

    Les lignes en question au demeurant, et quelque provocantes qu’elles paraissent, semblent avoir soulevé fort peu d’intérêt, ne déclenchant apparemment pas le moindre buzz : une recherche sur l’Internet ne mentionne en effet qu’une seule recension notable d’ailleurs fort peu élogieuse, et une critique acerbe qui à vrai dire s’intéresse davantage au journal qu’il l’a publiée qu’à l’auteur [3].

    Ce faible écho n’est guère surprenant, car le tribun, sous des dehors révolutionnaires au sens #macronien du terme, n’y fait montre que du positivisme le plus suranné, d’un #scientisme béat qu’on croyait passé de mode, et du réductionnisme le plus élémentaire. Toutes ces qualités étant rehaussées il est vrai d’un si singulier manque de curiosité. En effet, M. Alexandre semble ignorer les mises en garde précises et nombreuses de l’auteur grâce auquel il pense pulvériser pour le compte Pierre Bourdieu et tous les travaux mettant en évidence l’importance du milieu dans la réussite sociale. Enluminées aussi d’un esprit si rigoureusement critique qu’il passe sous silence les réflexions de fond sur le réductionnisme scientifique pourtant au principe de son article historique.


    Reste que quelques aspects conjoncturels de cette tribune, bien inscrite dans l’air du temps, suggèrent de creuser un peu plus avant le pourquoi et le comment d’un tel pétard mouillé. Car ce pétard passablement truqué œuvre à l’accréditation lancinante d’idées fort dangereuses.

    Qui est L.A.
    Il est évidemment utile de connaître une part du parcours et des engagements de l’auteur afin de tenter comprendre d’où il parle, pourquoi il le fait, et quels sont les credo intellectuels et politiques qui constituent le soubassement de son interprétation des travaux en neurologie et en sciences cognitives. Et ses éventuels intérêts trébuchants.
    Si l’on en croit sa biographie telle que décrite par Wikipédia et confortée par nombre d’articles répertoriés sur le web, L.A. est donc médecin urologue, mais il est bien davantage un représentant de la classe IEP/ENA et créateur d’entreprises. Personnalité libérale proche d’#Alain_Madelin, il est également présent dans la presse via ses rachats et plusieurs journaux font obligeamment place à ses credo.

    L’essentiel de ses interventions (tribunes, conférences) se situe dans le domaine des « technologies », en particulier celles de l’ingénierie génétique ; elles révèlent un héraut du #transhumanisme dissertant complaisamment sur l’immortalité à court terme et les éventuels bienfaits « humanistes » des dites #NBIC. Cette passion visionnaire restant bien entendu totalement indépendante de ses intérêts personnels, investis entre autres dans une société de séquençage d’#ADN. Celle-ci n’étant que le prolongement concret de celle-là.

    On trouve également parmi ses fort nombreuses déclarations, des prises de position erratiques et tonitruantes sur le sujet, allant de la mise en garde alarmiste contre les apprentis sorciers à la #futurologie enthousiaste. Le dénominateur commun étant comme par hasard l’appel à des « investissements massifs ». Car L.A. n’ignore évidemment pas que les avancées technologiques fulgurantes en NBIC et en IA ne tombent pas du ciel, ni de laboratoires marginaux et improvisés, mais sont bel et bien le produit de choix politiques influencés par les nombreux lobbyistes si attentifs au progrès humain...

    Que nous dit-il ?
    De manière fort simpliste [4], L.A. assène des chiffres dont la signification est assez sibylline, mais qu’il explicite aimablement pour nous après les avoir radicalement simplifiés :

    On sait aujourd’hui que l’ADN détermine plus de 50 % de notre intelligence. L’école et la culture familiale ne pèsent pas beaucoup face au poids décisif de la génétique.

    La formule chiffrée présente la compacité d’une publicité de pâte dentifrice ou de crème anti-rides, et le pourcentage bien rond est évidemment garant d’élégance scientifique [5].

    Cette rigueur prend cependant quelques libertés avec l’arithmétique : les deux parts de 50% sont apparemment modulées par un mystérieux coefficient idéologique, puisque la moitié revenant à l’école et à la culture « ne pèse pas beaucoup », tandis que l’autre moitié est « décisive ». Voilà donc une manière singulière d’accommoder les chiffres à la sauce ingénierie génétique.

    On apprend ensuite que pour la lecture elle-même, le rôle de l’école et de l’environnement culturel est marginal. Et l’on se prend à regretter que l’analyse soit encore incomplète puisqu’elle peine toujours à démontrer que le gène de la lecture est usiné à l’origine pour la lecture syllabique et tout à fait incompatible avec la lecture globale.

    En dépit de ce petit goût d’inachevé, le degré de précision des analyses mentionnées est tel qu’il laisse envisager qu’il faudrait doubler l’effort individuel et la contribution familiale des malheureux ayant reçu un « mauvais #patrimoine » pour qu’ils puissent espérer concurrencer les heureux #héritiers [6].

    Notre tribun s’essaye ensuite à démontrer que l’évidente corrélation entre #QI et #pauvreté est taboue [7], ce qui participe incontestablement au déclin de la France.

    Alexandre insiste lourdement, dans de nombreux articles, sur le rôle joué par le QI (et par son origine génétique sous-entendue) dans la « réussite » [8]. Derrière cette affirmation s’en dissimule (mal) une seconde : celle de l’origine raciale de cet « avantage comparatif » génétique.

    L. Alexandre prend ici appui sur le phénomène amorcé en France par la sidération des sphères ministérielles devant les résultats des enquêtes internationales de « compétences ». Le nouveau ministre, comme ses prédécesseurs, se devant de fournir une explication. Qui mette si possible hors de cause les choix institutionnels.

    Pour ce qui concerne la lecture, les résultats de l’enquête #Pirls (Programme international de recherche en #lecture #scolaire, touchant les écoliers de CM1) n’étaient pas très bons en 2012 (cf. Le Monde du 13/12/2012). Ceux de 2017 sont encore plus mauvais, au point de déclencher une prise de parole quasi immédiate du ministre de l’Éducation nationale.

    Mais alors ? La baisse continue du QI de la France [9], d’emblée imputée par le ministre aux horreurs du « #pédagogisme », traduit-elle une baisse génétique corrélée ? Les résultats comparés au niveau européen représentent-ils le potentiel génétique des différentes populations ? Faut-il révéler que les irlandais sont particulièrement doués de gènes performants, et les maltais particulièrement handicapés par leurs #gènes insulaires ?

    En fait, contrairement à ce que disent ces auteurs, sans cesse pleurnichant sur les interdits dont ils seraient victimes malgré les titres de presse et les chaires dont ils disposent dans les journaux, c’est bien l’idée d’un « héritage » des dons qui est la plus répandue. On en trouve trace partout dans le langage, dans les récits historiques, et dans les discussions de Bar du commerce [10].

    Énoncer la théorie #complotiste de l’éléphant dans le couloir est en effet une contre vérité totale [11].

    Reste juste à préciser ce que sont ces « capacités » devenant subrepticement « intelligence » [12]. Mais il est assez clair que l’unité de mesure suggérée ici est en dernier ressort la capacité à « créer sa boîte » et à « développer » l’ « #innovation » susceptible d’arracher des « parts de marché ».

    Il existe en fait deux variétés de fans des fondements génétiques de « l’intelligence » : il y a les « conservateurs », dans l’acception macroniste du monde, pour qui la #race, l’origine, la #caste... disent tout sur l’intelligence de manière définitive, et il y a les « progressistes », En Marche vers l’amélioration de l’espèce, qui dissimulent leur condescendance de classe derrière le vœu pieu de « réparer » les héritages pénalisants. Ces derniers peuvent alors se réclamer d’un « humanisme » qui fleure bon la pitié charitable, mais en réalité se placent d’emblée dans le cadre de la guerre de tous contre tous : la supériorité chinoise doit être surclassée de toute urgence !

    Ce discours a pour but d’ancrer l’idée de supériorités « naturelles » indiscutables, de contrer toute réflexion suggérant des politiques égalitaires voire compensatoires, et surtout de rendre « l’égalitarisme » responsable du « déclin », par l’étouffement de l’énergie des plus doués. Lesquels bien évidemment ne rêvent qu’entreprise, reprises, placements, start-up, concurrence et parts de marché.

    Ce que font semblant d’ignorer ces tartuffes, c’est que l’égalitarisme n’est pas un « programme » mais une attitude philosophique et politique refusant l’enfermement des individus pour cause d’hérédité, de race, de couleur, de QI. Ils feignent d’avoir oublié que l’assise des anciens régimes féodaux était précisément de cette nature, de même que celle des privilèges ici, des castes là-bas. Que la déclaration des droits de l’homme est une déclaration de principe et d’intention et prétend justement affranchir l’Homme d’un calcul de QI ou des résultats d’un séquencement de #génome.

    Les malheureux semblent n’avoir pas compris, que la relativisation de l’interprétation du QI et la défiance vis-à-vis de son utilisation partent du même principe qui refuse que l’on prétende définir, limiter, arrêter le devenir d’un individu, son chemin, ses désirs et sans ambitions en lui opposant un bête chiffre censé le résumer.

    Mais le point d’orgue de l’article en est sans conteste l’émouvant prétexte humaniste : lutter contre le déterminisme génétique pour compenser les inégalités. Beau projet. En contradiction cependant avec l’opposition radicale et méprisante à « l’égalitarisme ». Car l’égalitarisme on le sait, est gauchiste, irresponsable et contraire au progrès lorsqu’il s’agit d’éducation, mais il devient humaniste et porteur d’avenir dès qu’il s’agit d’ingénierie génétique.

    Pourquoi cette tribune n’a pratiquement aucun intérêt scientifique et frôle l’imposture.
    Il faut d’abord noter que les déclarations à l’emporte-pièce de #Laurent_Alexandre ne se préoccupent d’aucune des mises au point de R. Plomin lui-même, et ne font allusion qu’à des aspects parcellaires des travaux de P. Bourdieu.

    Comme le rappelle en effet dans un article assez complet la rédaction du site Chronik [13], les découvertes de Plomin ne nient pas, contrairement à ce que fait croire Laurent Alexandre, l’influence de l’environnement : bien au contraire, elles lui donnent une place fondamentale. Dans un article de 2004 publié par l’American Psychological Association,Robert Plominexplique en effet : http://webspace.pugetsound.edu/facultypages/cjones/chidev/Paper/Articles/Plomin-IQ.pdf

    « Si l’influence des facteurs génétiques sur l’intelligence est d’environ 50 %, cela signifie que les facteurs environnementaux expliquent le reste de la variance. »
    
 
Plus grave encore, selon les mêmes auteurs, la présentation donnée par notre tribuniste émérite constitue l’erreur type que dénonce R. Plomin :

    Nombre de lecteurs de bonne foi peuvent comprendre que l’intelligence de leur enfant est à plus de 50 % déterminée par les gènes dont il a hérité. Mais voilà, c’est précisément cette manière de « comprendre » qui est la plus importante contre-vérité, la plus grave erreur, la « number one fallacy » contre laquelle nous prévient Plomin, notamment dans son interview à la BBC en octobre 2015. [14]

    Le site Mute fournit pour sa part de manière bien documentée quelques précisions sur le travail entrepris par Plomin et son équipe :

    Mais lorsque des centaines de milliers de marqueurs génétiques furent ainsi passées au crible, les chercheurs n’ont trouvé que quelques associations entre des SNPs (polymorphismes d’un seul nucléotide), dont le plus efficient expliquait un peu moins de 1 % de la variance aux tests psychométriques, et les autres moins de 0,4 % (cf par exemple Harlar 2005, Craig 2006, Butcher 2008). L’effet est si faible qu’il faut répliquer ce genre d’études pour exclure les faux positifs. Et, en aucun cas, on ne trouve pour le moment de gène massivement impliqué dans les différences d’intelligence entre individus. De plus, Les deux propriétés essentielles sont ici la pléiotropie (un même gène a plusieurs effets) et la polygénicité (un même trait dépend d’une multitude de gènes) [15]

    Ce qui adoucit singulièrement les déclarations à l’emporte-pièce de L.A., mais nécessite il est vrai un peu plus de réflexion.

    D’où sortent encore des chiffres hallucinants de précision comme :

    Nos différences de capacités de lecture en sont issues à 64 % du patrimoine génétique, la famille, l’école et nos efforts individuels n’y sont que pour un tiers.

    Mais de quelle lecture s’agit-il donc, et comment sont mesurées ces « capacités » ?

    Par ailleurs, il y a une contradiction absolue à avancer ces affirmations et dans le même temps à charger les méthodes d’apprentissage de tous les maux. Et comment interpréter alors avec un tel prisme les nombreux résultats d’enquêtes internationales ? Le surgissement des « capacités » des chinois, coréens et autres signe-t-il donc une modification de leur patrimoine génétique [16], eux qui étaient considérés il y a un siècle comme des « peuples de coolies » [17] ? Ou bien seuls 50% de ces résultats sont-ils attribuables aux gènes chinois ?

    Ou bien encore, la #Chine aurait-elle, avant-même les « #start-up » macroniennes et nonobstant les brevets en gestation dans l’entreprise de L.A., découvert la pierre philosophale NBIC permettant la production en série de génies de la recherche-développement ?

    Ignorent-ils aussi, Alexandre et ses followers , qu’au XIX° siècle les premiers touristes anglais riches qui visitent notre pays, et singulièrement les Alpes (E. Whymper entre autres), y sont stupéfaits par l’omniprésence du « crétinisme » et l’arriération générale des populations qu’ils découvrent. Il faut croire que là encore un phénomène improbable a modifié les gènes des alpins pour en faire, au XXI° siècle des humains quasi normaux.

    On pourrait également renvoyer L.A. -mais il est vrai qu’à la date de sa tribune il ignorait probablement les faits- au rapport parlementaire [18] rendu public ce printemps.

    On y lit par exemple :

    Le département (93) cumule des taux de chômage, de pauvreté et de difficultés scolaires bien supérieurs aux moyennes nationales. Face à ce constat, les moyens humains y sont pourtant inférieurs aux autres territoires : deux fois moins de magistrats, par exemple, au tribunal d’instance d’Aubervilliers, que dans un tribunal parisien équivalent. Dans les écoles « le moins bien doté des établissements parisiens est mieux doté que le plus doté des établissements de la Seine-Saint-Denis »

    Les dés sont donc singulièrement pipés, et il devient très délicat, M. Alexandre, de distinguer ce qui relève de la supériorité des gènes des élèves parisiens de ce qui relève du milieu, n’est-il pas vrai ?

    A travers l’ensemble de ces recherches, au fond, il apparaît que les liens désespérément recherchés entre « gènes » et « intelligence » s’obstinent à ne pas se montrer, et bien entendu, à part Laurent Alexandre on ne trouve pas un seul chercheur pour suggérer encore qu’il existerait des « séquences de code » directement responsables de l’intelligence. Si toutefois il avait pris la peine de tenter une définition de la dite intelligence, mais sans doute veut-il encore faire croire que le QI dont il se gargarise dans nombre d’interventions est un indicateur largement satisfaisant.

    Plus honnête, croisant les réflexions des neurologues, de l’épigénétique, de la sociologie, de la psychologie, de la pédagogie, des sciences cognitives en général, l’article pourrait alors se résumer à la formule :

    P’têt bien que l’héritage génétique a une certaine influence sur l’intelligence, et p’têt bien que l’environnement, les conditions de la croissance et de l’éducation en ont aussi une.

    Ce qui avouons-le est totalement renversant et en surprendra plus d’un. Et que Pierre Bourdieu admettait parfaitement [19]. Notre hardi tribuneur aurait certes gagné à lire quelques autres textes plus larges et plus synthétiques sur le sujet [20] ; mais une compréhension correcte, étayée, de bon sens et non biaisée n’était sans doute pas dans le propos de L.A., archétype des vulgarisateurs à l’affût de bribes de travaux scientifiques susceptibles d’apporter de l’eau à leur moulin quitte à en commettre une exégèse aventureuse. Toutes époques, tous les intérêts et toutes les idéologies ont tenté ainsi de subtiliser les travaux de recherche. Et à l’ère technocratique, surtout s’ils produisent de beaux chiffres [21].

    Au final, l’apport de la tribune alexandrine serait inexistant si elle n’était faussée et caricaturale, et s’il ne tirait des conclusions tout à fait gratuites, primaires et dangereuses.

    On voit donc sans effort exagéré transparaître dans le texte publié par l’Express, ce que L.A. et un certain nombre de commentateurs ont voulu faire dire à R. Plomin, lequel comme on l’a vu s’en est bien défendu.

    Il s’agit essentiellement de prétendre raviver la querelle #inné-acquis sur de nouvelles bases incontestables parce que chiffrées, pour espérer enfin faire basculer l’histoire dans le sens de l’inné. Or quelles que soient les intentions charitables (et surtout pragmatiques) affichées, vouloir à tout prix privilégier l’inné est une démarche enfermante, celle-là même qui renvoie les dominés à leur prétendue #infériorité « naturelle ». Discours que l’on retrouve dans les discours de tous les dominants, de l’esclavage au nazisme en passant par la droite américaine la plus obscurantiste et ségrégationniste. Alors que le choix de l’éducabilité est par nature émancipateur, qui présuppose une égalité de principe et s’attache à la rendre réalisable.

    Il s’agit aussi de redonner vie au #scientisme [22], que l’on croyait durablement disqualifié mais qui ressurgit de ses cendres à chaque « #innovation #R&D ». Il s’agit d’y ajouter hypocritement la promesse de l’amélioration génétique, faisant ainsi le lit d’un transhumanisme au masque humaniste et égalitariste. Hypocrisie fort utile cependant à toute la #startuposphère de l’ingénierie génétique, qui trépigne d’impatience à l’idée de pouvoir un jour fabriquer de l’humain OGM et tenter de damer le pion à la croissance de Facebook.

    Reste que si cette promesse est déçue, comme celle de l’immortalité au bout du chemin de la recherche NBIC, il demeurera la « démonstration » de la nature génétique des différences d’intelligence, justifiant bien entendu les différences de statut humain.

    Il s’agit enfin d’accréditer obstinément une approche réductionniste, fétiche des technocrates avides de chiffres. Un réductionnisme dopé par l’informatique et sa nouvelle dimension « big data » qui n’en est pas avare, et en produit bien davantage que tous les L.A. de la terre peuvent en digérer.

    Il semble pourtant que, prévenu par Karl Popper, tout scientifique sait les limites de cette approche, mère du déterminisme. Car si le réductionnisme peut selon Popper constituer une étape méthodologique fructueuse, il ne peut en aucun cas constituer une doctrine, et l’extrapolation de résultats « réduits » à la réalité est toujours hasardeuse [23].

    Et l’on retrouve également dans cette rhétorique le projet de la sociobiologie, qui prétend expliquer tous les comportements humains sur des bases biologiques, puis plus tard génétiques. Et nombreux sont les scientifiques de toutes disciplines qui ont mis en garde contre un schéma explicatif dont ils dénoncent les évidents effets pervers tant socio-politiques que scientifiques.

    Ou tout cela nous mène-t-il ?
    On serait donc tenté de conclure que la tribune en question est tout simplement totalement dénuée d’intérêt, et n’est qu’un pot-pourri d’approximations, de contre-vérités, de travestissements partiaux de résultats scientifiques, d’absence de réflexion et de rigueur. De soupçonner qu’elle n’était là que pour faire acte de présence dans les média et rester en vue. Le premier réflexe serait donc de l’ignorer simplement et de ne plus jamais ré-ouvrir le journal qui l’a publiée [24].

    Mais ce serait oublier que ce texte poursuit en réalité deux objectifs bien précis, complémentaires, et lourds de conséquences.

    Le premier est d’alimenter en eau fraîche le moulin de la macronie en avançant l’hypothèse de « start-up » susceptibles de doper au CRISPR-Cas9 l’intelligence française dont L.A. et ses amis nous révèlent qu’elle laisse tant à désirer, et qu’elle sera bien insuffisante dans le « monde réel » de la lutte de tous contre tous [25].

    Le second est que compère L.A., par là même avance ses pions en tentant de montrer tout ce que l’ingénierie génétique pourrait apporter à l’économie française, se chiffrant comme à l’ordinaire en points de croissance et donc en créations d’emploi. Hypothétiques. En tous cas en perspectives radieuses pour les intérêts de ce secteur prometteur.

    L’invocation du ministre #Blanquer, de son proche collaborateur Dehaene et de la vision macronienne du monde souligne d’ailleurs la nature éminemment politique de la prétendue avancée scientifique :

    .. C’est-à-dire accentuer la stratégie du ministre Blanquer, développer la recherche en pédagogie et donner des moyens aux grands spécialistes de la cognition : Stanislas Dehaene, François Taddei, Franck Ramus...

    Et bien entendu l’approche « pédagogique » suggérée est majoritairement centrée sur cette vision selon laquelle, comme le déclare volontiers S. Dehaene, l’imagerie cérébrale va ouvrir les portes à la compréhension de l’acte de lire. Loin de cette équipe l’idée de s’appuyer sur les travaux pédagogiques d’approche globale et humaine : il s’agit plutôt d’un « retour à l’ancien monde (!), avec la glorification du modèle purement transmissif. Et elle ignore superbement l’ensemble des travaux de fond, de longue haleine, nourris de savoirs, de savoir-faire et d’expériences multiples. Là encore, « La #Science » aurait tranché de manière indiscutable et désigné les procédures « efficaces ». Il n’est pour s’en rendre compte que de lire certaines réactions approfondies aux projets du ministre [26].

    Tout ce galimatias n’a finalement pour but que de déguiser sous les aspects d’une « science dure » à la mode, capable de présenter des chiffres et des images numériques, une démarche idéologique non explicitée.

    Or cette démarche conduit tout naturellement à faire surgir un eugénisme -bien entendu positif- et à un transhumanisme justifié par la concurrence déloyale et le péril du « gène jaune » augmenté [27]...

    Il y a là, répétons-le, le fond commun de tous les racismes, les esclavagismes, les misérabilismes et de toutes les formes de mépris social : la volonté de renvoyer les dominés à leur place en affirmant qu’ils sont « nés comme ça ». On l’a trouvé à toute époque et sous tous climats, et la convocation des « neurosciences » (extrapolées, tronquées, manipulées, parfois même trahies) n’est que le nouvel alibi justificatif, paré des plumes de l’imagerie cérébrale.

    Laurent Alexandre, toutefois, manque singulièrement d’audace dans la voie qu’il s’est tracée, et hésite à exposer toutes les conséquences prévisibles de son approche de l’inné et de l’acquis : s’il se lâchait vraiment, il nous révélerait sans aucun doute la base génétique des inégalités qui perdurent entre hommes et femmes. Mais nous proposerait bien vite une ingénierie susceptible d’upgrader le second chromosome X des malheureuses.

    On sait évidemment l’idée de « l’amélioration de la race » vieille comme le monde, elle n’a pas attendu L.A., ni le « traitement de textes génétique » ; et depuis le II° Reich jusqu’aux inventeurs du transistor, nombreux sont ceux qui ont parié sur cette voie... Sans grand succès et avec moult dégâts.

    Un chemin beaucoup plus direct vers l’amélioration de la race que celui prêché par L.A. (encore que pas accessible à tous) fut en effet imaginé dans les années 80 du XX° par une Banque des spermes d’exception créée par R.K. Graham [28]. C’était aux US bien entendu, la Chine n’étant alors pas encore le point de mire des eugénistes. L’un des plus célèbres des généreux et altruistes donateurs fut William_Shockley, glorieux inventeur de l’effet transistor et prix Nobel de physique 1956 [29].

    Mais il semble bien, hélas, qu’aucun des rejetons des spermatozoïdes hyper-performants n’ait inventé la Moulinette-à-faire-la-vinaigrette ni même le Repasse-limaces, et l’on ignore si le « pack » fourni par la Banque Graham comprenait à la fois le gêne des semi-conducteurs et celui des traces de paranoïa...

    La seule nouveauté de cette tribune est donc bien sa conclusion en forme d’humanisme en trompe l’œil : certes les nuls sont nuls de naissance et aucune éducation n’y pourra rien, mais la macronie dans sa grande générosité (à moins qu’il s’agisse de pragmatisme) va les aider en faisant appel à L.A. et ses collègues. Elle va « réparer » ces mal dotés de l’ADN, et du même coup de ciseau génétique assurer les « avantages concurrentiels » de la France face à l’Asie.

    L’émouvant slogan : « Se battre et dynamiter le déterminisme génétique ! » claque comme une bannière progressiste, et propulse même L.A. et toute la techno-sphère macronienne dans l’univers sulfureux de l’insoumission, de la révolte, de la lutte finale contre les injustices de la nature...

    Le procès, ici, est clair et a deux aspects complémentaires. Affirmer la grande générosité visionnaire des nouvelles équipes gouvernementales, prêtes à faire la courte échelle aux sous-doués pour qu’ils viennent faire concurrence aux élites. Conforter la volonté de Macron de transformer la France en start-up nation, en privilégiant les visées réductionnistes et scientistes de Blanquer [30] et des équipes de numéricologues et de leur amis entrepreneurs. Lesquels n’attendent que les investissements massifs (publics ?) qui vont leur permettre de créer les « boîtes » de demain [31]. Et tout cela sans laisser place une seconde à la réflexion sur le monde dans lequel ils prétendent ainsi nous entraîner.

    Il n’est au reste pas surprenant que tout ce que la macronie compte de Laurent Alexandre et autres hérauts de la croissance innovante s’empare avec gourmandise de travaux tels que ceux de l’équipe de R. Plomin. Quitte à ne lire que la surface des résultats scientifiques, à se hâter de détourner les travaux pour les citer à l’appui de leur vision orientée du monde.

    Et c’est dans ce droit fil qu’apparaît l’argument massue : la dénonciation hypocrite de la licence qui régnerait en Chine vis-à-vis de l’IA et du transhumanisme : « Aucune norme éthique ne semble freiner les transhumanistes chinois ».

    Et c’est pour mieux conclure : « La Chine disposera d’un avantage considérable dans la société de l’intelligence », suggérant que les « lois de la concurrence » nous obligeraient aussi à accepter à contrecœur l’eugénisme du XXI° siècle à visage (trans)humain.

    Gérard COLLET

    [1] D’une société belge de séquençage ADN selon sa biographie Wikipédia.
    [2] Voir : https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/determinisme-pourquoi-bourdieu-avait-tort_2002043.html
    [3] Sciences : peut-on publier n’importe quoi dans L’Express... En un mot : oui. Voir : http://www.acrimed.org/Sciences-peut-on-publier-n-importe-quoi-dans-L
    [4] Mais il est vrai que le format « Tribune » de l’Express ne permet pas de faire dans la dentelle.
    [5] On sait en effet très bien qu’Oral-B élimine 100% de plaque dentaire en plus, que par certaine crème anti ride « l’ovale du visage est redéfini pour 82 % des femmes » tandis que 96% des femmes constatent plus de fermeté...
    [6] En effet, « Nos différences de capacités de lecture sont issues à 64 % de cet héritage, tandis que la famille, l’école et nos efforts individuels n’y sont que pour un tiers. » Or il est clair que 2 x 33 % est supérieur à 64 %.
    [7] Tabou indiscutablement lié à la domination culturelle des idées crypto-marxistes, diffusées sournoisement par les chaînes de télévision et les organes de presse écrite.
    [8] Voir par exemple : https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/face-a-l-intelligence-artificielle-le-tabou-du-qi-est-suicidaire_1894152.ht puis aussi : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/manipulations-genetiques-augmentation-cerebrale-la-chine-est-ultratranshuma
    [9] Statistiquement s’entend, car il y demeure heureusement quelques grands esprits échappant à la malédiction.
    [10] A titre d’exemple, cet extrait de L’Autre Amérique, Arte, 29/5/2018. : « Ce portrait le Justin Trudeau présente en beau gosse bien né, fils de Pierre Elliott Trudeau [...]. Outre ce lignage, qu’en est-il des convictions de Justin, de sa vision pour le Canada [...] . »
    [11] Cette théorie a été popularisée par Mme Smith-Woolley, une élève du professeur Robert Plomin, personnalité controversée qui a longtemps soutenu l’idée que l’intelligence est très fortement héréditaire. Elle compare la génétique à “l’éléphant dans le couloir” [en référence à l’expression anglaise “the elephant in the room”, qui évoque un problème évident que personne ne veut ou ne peut voir et ne veut discuter, ndt] et pense qu’elle devrait être enseignée aux futurs professeurs. Toby Young, libertarien provocateur et activiste en matière d’éducation, apparaît comme co-auteur de cet article. M. Young s’est récemment attiré l’opprobre pour avoir écrit que la génétique étant le facteur dominant de la réussite scolaire, les écoles ne faisaient que peu de différence. (https://www.lenouveleconomiste.fr/financial-times/reussite-la-spirale-du-succes-63020)
    [12] Dont le sens reste propriété de M. Alexandre. En tous cas, il n’aura pas la place de les définir.
    [13] https://chronik.fr/denigrement-de-pierre-bourdieu-laurent-alexandre-t-nom.html
    [14] Voir note précédente.
    [15] Article publié sur le site Mute : http://we-the-mutants.blogspot.fr/2008/09/plomin-et-la-chasse-aux-gnes-de.html
    [16] http://www.bilan.ch/techno/made-china/le-succes-du-systeme-scolaire-chinois
    [17] En tous cas par les entrepreneurs de l’époque, ancêtres spirituels de L.A.. A ce sujet, on lira avec intérêt Cochinchine de Léon Werth.
    [18] L’état recule en Seine Saint-Denis, rendu public en mai 2018.
    [19] Voir note 11.
    [20] Albert Jacquard dans « L’Héritage de la liberté » expliquait de manière lumineuse l’articulation des deux genèses.
    [21] Rapprocher des instrumentalisations de Darwin (Contresens_Darwin) Voir aussi https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2017/09/09/lecobusiness-de-darwin-leur-evolution-et-la-notre : l’entreprise Darwin à Bordeaux !)
    [22] Tout problème humain quel qu’il soit peut être résolu par « la science ».
    [23] Voir à ce sujet Karl Popper ou la connaissance sans certitude, ChapitreXVII Échec au réductionnisme, Page 109.
    [24] Voir à ce sujet l’article d’ACRIMED : « Sciences : peut-on publier n’importe quoi dans L’Express ? »
    [25] Selon Acrimed, il s’agit là d’ « un article pseudo-scientifique cachant mal ses objectifs politiques : défendre une certaine vision de l’éducation, en l’occurrence celle du gouvernement actuel ». Voir note 1.
    [26] Dans ce contexte, la création du conseil scientifique, présidé par Stanislas Dehaene et où neurobiologistes et psychologues cognitivistes sont dominants, est une forme de coup de force qui, de plus, désorganise le paysage français de l’évaluation où les acteurs sont déjà nombreux. (Fondation Copernic – Axel Trani (coord.) : Blanquer : un libéralisme autoritaire contre l’éducation, Éditions Syllepse.
    [27] Selon une autre « tribune tonitruante de L.A. : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/manipulations-genetiques-augmentation-cerebrale-la-chine-est-ultratranshuma
    [28] Le narcissique homme d’affaires pense que son action va permettre de maintenir « un certain niveau d’intelligence » dans une société américaine en crise. Graham avait 38 ans d’avance sur L.A..
    [29] Selon sa biographie Wikipédia : A partir de là, les tendances dominatrices et paranoïaques de Shockley commencèrent à s’exacerber. Et il s’évertua à éclipser les deux autres co-inventeurs du célèbre effet.
    [30] M. Blanquer ne limite évidemment pas sa vision à cette facette. Cependant il est clair que le ministre veut une place primordiale pour les neurosciences et affirme volontiers que sur plusieurs débats pédagogiques « la science a tranché ». Confortant ainsi l’approche réductionniste.
    [31] M. Alexandre, pour sa part, ne pourra pas participer pleinement à ces investissements massifs en France, puisque sa biographie le décrit comme résident fiscal belge. (Wikipédia cite à ce sujet « L’Obs). Mais il pourrait bien en profiter.

  • Enquête. OxyContin, un antidouleur addictif à la conquête du monde | Courrier international
    https://www.courrierinternational.com/article/enquete-oxycontin-un-antidouleur-addictif-la-conquete-du-mond

    Face à l’épidémie d’addiction aux opioïdes analgésiques qui a déjà causé 200 000 morts dans le pays, l’establishment médical américain commence à prendre ses distances avec les antalgiques. Les plus hauts responsables de la santé incitent les généralistes à ne plus les prescrire en cas de douleur chronique, expliquant que rien ne prouve leur efficacité sur le long terme et que de nombreux indices montrent qu’ils mettent en danger les patients.

    Les prescriptions d’OxyContin ont baissé d’environ 40 % depuis 2010, ce qui se traduit par plusieurs milliards de manque à gagner pour son fabricant, basé dans le Connecticut, Purdue Pharma.

    La famille Sackler, propriétaire du laboratoire, a donc décidé d’adopter une nouvelle stratégie : faire adopter l’oxycodone, l’analgésique qui a déclenché la crise des opioïdes aux États-Unis, dans les cabinets médicaux du reste du monde.
    Best-seller pharmaceutique

    Un réseau d’entreprises internationales détenues par la famille est en train de s’implanter en Amérique latine, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et dans d’autres régions, et d’encourager le recours généralisé aux antalgiques dans des endroits très mal outillés pour faire face aux ravages de l’abus d’opioïdes et de la dépendance qu’ils induisent.

    Pour mener à bien cette expansion mondiale, ces entreprises, regroupées sous le nom collectif de Mundipharma, utilisent quelques-unes des méthodes controversées de marketing qui ont fait de l’OxyContin un best-seller pharmaceutique aux États-Unis. Au Brésil, en Chine et ailleurs, les sociétés mettent en place des séminaires de formation dans lesquels on encourage les médecins à surmonter leur “opiophobie” et à prescrire des antalgiques. Elles sponsorisent des campagnes de sensibilisation qui poussent les gens à solliciter un traitement médical de leurs douleurs chroniques. Elles vont même jusqu’à proposer des ristournes aux patients afin de rendre plus abordables les opioïdes sur ordonnance.
    Les leçons de l’expérience américaine

    Le directeur américain de la santé publique [surgeon general], Vivek H. Murthy, a déclaré qu’il conseillerait à ses homologues étrangers d’être “très prudents” avec les médicaments opiacés, et de tirer les leçons des “erreurs” américaines. “Je voudrais les exhorter à envisager avec une extrême prudence la commercialisation de ces médicaments”, a-t-il déclaré dans une interview.

    Aujourd’hui, avec le recul, nous nous rendons compte que pour nombre d’entre eux les bénéfices ne compensaient pas les risques.”

    L’ancien commissaire de l’agence des produits alimentaires et des médicaments [Food and Drug Administration] David A. Kessler a estimé que l’aveuglement face aux dangers des antalgiques constitue l’une des plus grosses erreurs de la médecine moderne. Évoquant l’entrée de Mundipharma sur les marchés étrangers, il a déclaré que la démarche était “exactement la même que celle des grands fabricants de cigarettes. Alors que les États-Unis prennent des mesures pour limiter les ventes sur leur territoire, l’entreprise se développe à l’international.”
    Un marketing agressif

    Des représentants de Mundipharma et certains de ses matériels promotionnels s’emploient à minorer les risques d’addiction des patients aux opioïdes. Ces affirmations rappellent la première campagne de commercialisation de l’OxyContin aux États-Unis à la fin des années 1990, dans laquelle Purdue avait trompé les médecins au sujet de la nature addictive du médicament.

    En 2007, Purdue et trois hauts responsables de l’entreprise ont plaidé coupable face aux accusations fédérales de publicité mensongère sur leurs médicaments. Ils ont été condamnés à une amende de 635 millions de dollars. L’agence fédérale de lutte contre la drogue [Drug Enforcement Administration] a estimé en 2003 que le marketing “agressif, excessif et inapproprié” de l’entreprise avait “aggravé de manière très importante” l’usage abusif et le trafic illégal de l’OxyContin.

    Purdue était une petite firme pharmaceutique new-yorkaise lorsque les frères Mortimer et Raymond Sackler, tous deux

    [...]
    Harriet RyanLisa Girion et Scott Glover

    #Mundipharma #Sackler #Opioides

  • L’œuvre négative du colonialisme français aux Antilles : la production et la reproduction d’une pigmentocratie Saïd Bouamama - 15 Juin 2018 - wordpress.com
    https://bouamamas.wordpress.com/2018/06/15/loeuvre-negative-du-colonialisme-francais-aux-antilles-la-produ

    La Guadeloupe et la Martinique sont célébrées dans le discours dominant comme le symbole du métissage réussi. L’angle mort de ce discours est celui de la reproduction de ce que Raphaël Confiant nomme la « pigmentocratie[i] » qui structure le système social des Antilles dites « françaises » de l’époque esclavagiste et coloniale jusqu’à aujourd’hui. Ce système social reste en effet caractérisé, rappelle le chercheur canadien Adrien Guyot, par « une hiérarchisation sociale basée sur les notions de race et de couleur, amenant par là même la création de néologismes comme « éthnoclasse » pour faire référence aux classes sociales dont le principal critère d’appartenance est l’ethnie[ii] ». Sur le plan économique la structure des Antilles dites « françaises » reste coloniale. La prise en compte des contextes historique, économique et géostratégique est incontournable pour saisir cette réalité coloniale qui se reproduit.
     


      Le génocide des autochtones et intensification de la traite
    C’est avec l’arrivée de Christophe Colomb que commence la violence puis le génocide des peuples autochtones des Antilles. La colonisation d’Haïti par les espagnols en 1496, de Puerto-Rico en 1508, de la Jamaïque en 1509 et de Cuba en 1511 impose la domination espagnole sur l’ensemble des Grandes Antilles. Le résultat de cette domination ne tarde pas : l’extermination des peuples autochtones. « Rien que pour l’île d’Hispaniola où débarque Colomb lors de son premier voyage, on dénombre 300000 personnes en 1492, 50000 en 1510, 16000 en 1530, 1000 en 1540[iii] » rappelle l’historien Frédéric Dorel. Pour les petites Antilles la résistance des peuples autochtones (Les Kalinas ou Kallinagos que les colonisateurs espagnols appellent « indiens Caraïbe ») est telle que les espagnols ne parviennent pas à s’implanter[iv]. La colonisation française qui débute en 1635 poursuit le génocide des peuples autochtones enclenché par les espagnols : « Les nouveaux conquérants entreprennent l’élimination systématique des Indiens et la colonisation des petites Antilles par le moyen de la traite africaine[v] » résume Chantal Maignan–Claverie, spécialiste des Antilles françaises.

    La résistance des peuples autochtones conduit en réponse au projet d’éliminer les « Caraïbe » comme groupe social sur leur propre terre. Trois leviers sont actionnés pour atteindre ce but : L’appel à la traite pour répondre au besoin en main-d’œuvre du capitalisme de plantation ; l’expulsion des autochtones de leurs îles (Ainsi en 1650 les « Caraïbes », sont expulsés de Martinique) ; la pratique systématique du viol des femmes autochtones. « Le viol des femmes indiennes par les colons s’inscrivait dans une politique « d’épuration ethnique » visant à faire disparaître les Caraïbes en tant que groupe[vi] » souligne l’historien Nicolas Rey. L’extermination des autochtones a, bien sûr, comme conséquence immédiate une intensification de la traite.

    La résistance des esclaves fut comme ailleurs au rendez-vous. Elles prennent en premier lieu la forme de révoltes. Argumentant son projet d’abolition de l’esclavage, Victor Schoelcher met en avant ces révoltes récurrentes. Répondant à ses opposants qui affirment que les noirs préfèrent la servitude, il déclare : « Pourquoi donc alors tant de révoltes d’esclaves de tous côtés ? […] Si les Nègres se félicitent tant de leur sort, pourquoi donc alors les colons tremblent-ils sans-cesse[vii] ? ».

    La seconde forme de la résistance fut comme dans toute la région le marronnage c’est-à-dire la fuite des esclaves pour constituer une société parallèle libre dans les montagnes des colonies. Si la taille des îles ne permet cependant pas à cette forme de révolte de prendre l’ampleur qu’elle a prise dans d’autres pays du continent américain, elle contribue avec les insurrections à mettre à l’ordre du jour la question de l’abolition. Abolir l’esclavage apparaît aux yeux de républicains de plus en plus nombreux comme la seule manière de sauvegarder les colonies et le capitalisme de plantation qui les caractérisent.

    Le capitalisme de plantation  
    Le capitalisme de plantation que permet la traite débute par la culture du tabac pour très vite se réorienter vers la canne à sucre et la banane. Au même moment où en Europe le travail servile est abandonné au profit du salariat, l’esclavage devient aux Antilles la forme prédominante du travail. Le capitalisme de plantation peut dès lors se résumer comme suit :
    « Elle suppose, d’une part, l’organisation du travail de centaines d’esclaves encasernés ou casés, travaillant en brigades surveillées par des équipes de gardes-chiourme, pour la production extensive d’une plante unique (la canne à sucre) dont la transformation industrielle (toujours effectuée sur place, sur la plantation même) donnent lieu à des produits (essentiellement le sucre, la mélasse et le rhum) valorisables avec profit sur un marché. Elle implique par conséquent, d’autre part, l’investissement d’importants capitaux […], La plantation suppose enfin l’existence d’un vaste marché aux prix rémunérateurs dans les métropoles européennes[viii]. »
    La concentration des terres dans les mains de latifundistes est ainsi dès le début du capitalisme de plantation une caractéristique essentielle des économies antillaises. La concrétisation matérielle en est l’habitation-sucrerie, « centre moteur de l’économie coloniale[ix] ». En Martinique, rappelle l’historien Antillais Jean-Pierre Sainton, « une trentaine de propriétaires se partageait plus de 43 % des terres » dès 1671 en ajoutant qu’ « avec un temps de retard, l’évolution sera similaire en Guadeloupe[x] ». Quelques dizaines de familles blanches possèdent la plus grande partie de la terre et contrôlent ainsi l’ensemble de l’économie.
    L’abolition de l’esclavage ne mettra pas fin à la concentration foncière mais au contraire l’accentuera. L’indemnisation des propriétaires d’esclaves au moment de l’abolition contribuera à cette reproduction et accentuation de la concentration foncière. La loi du 30 avril 1849 prévoit en effet que les maîtres recevront une indemnité de dédommagement de 470 francs 20 centimes par esclave en Guadeloupe et de 430 francs 47 centimes pour la Martinique. Pour les anciens esclaves aucune indemnisation n’est prévue. « La restructuration post-esclavagiste, grandement impulsé par le capital bancaire, accentuera le degré d’accaparement des principaux moyens de production par la minorité oligarchique[xi] » résume le chercheur en sciences politiques Alain Philippes Blérald. Si la concentration foncière est commune, les processus vont cependant être différents pour les deux colonies. En Martinique les grandes familles békés de l’industrie sucrière restent les propriétaires des grands domaines, alors qu’en Guadeloupe le capital financier prend le relais. Les multinationales Somdia, Grands Moulins, Shneider, etc., investissent massivement dans le capitalisme de plantation. Cette différence a bien entendu des effets sur la structure foncière contemporaine.

    Le projet d’une généralisation de l’auto-exploitation en Guadeloupe
    En Guadeloupe la crise de l’économie sucrière sous le double effet du développement du sucre de betterave et de la concurrence de nouveaux pays producteurs conduira au retrait de ces grands groupes à la recherche d’investissement plus rentables. La production passe ainsi de 175 000 tonnes en 1965 à 107 000 tonnes en 1975 et à 56 000 tonnes en 1981[xii].

    L’Etat français accompagne ce retrait en achetant près de 11 000 hectares confiés à une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Sur ces terres vivent 3300 agriculteurs soit 1000 ouvriers agricoles et 2300 exploitants ayant un « bail de colonat partiaire », un statut hérité de la période de l’abolition définit comme suit par le géographe Guy Lasserre : « le propriétaire maintint la jouissance gratuite de la case et du jardin vivrier aux esclaves libérés qui acceptaient de rester sur le domaine. Une parcelle de 1 ou 2 ha était attribuée en métayage au colon, à charge pour lui de livrer ses cannes au propriétaire de l’habitation. Le colon partiaire recevait pour son travail, le tiers ou la moitié de la valeur de la production[xiii]. »

    La naissance de la SAFER en 1965 se réalise alors que la production cannière a commencé sa chute et que des mobilisations des salariés agricoles pour de meilleurs salaires d’une part et pour l’accès à la terre, d’autre part, se développent. A partir de 1977 ces mobilisations se radicalisent et prennent la forme d’une occupation et d’une mise en exploitation des terres vacantes non exploitées. C’est ce contexte qui explique le projet de « réforme foncière » dès la décennie 60 mais avec une accélération à partir de la décennie 80. Le projet est résumé comme suit par le sociologue Christian Deverre : « [Un] transfert de la production directe à des exploitants individuels, mais contrôle du débouché final par les anciens groupes de planteurs, [Une] substitution du prix du marché au salaire comme forme de soumission du travail agricole […] Ce type de « réforme agraire » [est] basée sur l’hypothèse de l’acceptation par le paysan de son auto-exploitation – et de celle de sa famille[xiv] ».

    Il s’agit on le voit d’une tentative de généralisation du colonat partiaire dont l’effet est de faire passer l’exploitation d’une forme directe à une forme indirecte. Le discours idéologique d’accompagnement est, bien entendu, celui de la « justice sociale ». Dans les faits, précise Christian Lasserre, nous sommes en présence : « [D’un] contournement de l’obstacle que représente la hausse continue des coûts salariaux sur les domaines capitalistes. Toute l’organisation des redistributions foncières tend à maintenir la production de canne sur les nouvelles exploitations, tandis que les usines restent entre les mains et sous la gestion des grands groupes sucriers[xv]. »

    La Cofepp par exemple (Compagnie financière européenne de prise de participation) est prédominante dans le contrôle de la production de cannes à sucre. Actionnaire principale à 51 % de la SMRG (Sucrerie Rhumerie de Marie Galante), la Cofepp est contrôlée par la famille Cayard, des Békés de Martinique. Elle a fait un bénéfice de 23 millions d’euros en 2015 et contrôle 80 % du rhum guadeloupéen mais aussi 70 % du Rhum martiniquais et réunionnais[xvi].

    La culture de la banane qui bénéficie de la baisse de celle de la canne à sucre et qui devance désormais celle-ci est également dominée par de grands groupes industriels et financiers sous la forme du colonat. Les gros planteurs békés dominent l’ensemble du système sur fond de « collusion entre l’Etat et planteurs békés […] dénoncée à de nombreuses reprises[xvii] ». Ces gros planteurs disposent, en outre, de moyens de réagir dont sont dépourvus les petits et moyens producteurs. Ceux-ci disposent « d’un monopole de fait » que l’économiste Athanasia Bonneton résume comme suit : « lorsque les cours de la banane baissent dans le marché métropolitain, les gros planteurs réduisent la coupe. Par contre, les petits et moyens planteurs ne peuvent pratiquement pas refuser de fournir leurs régimes[xviii]. »
     
    Le « grand féodalisme » béké en Martinique
     
    La concentration foncière et le pouvoir des grandes familles békés est encore plus forte en Martinique. Le capital local a gardé en Martinique une prédominance perdue en Guadeloupe. Nous empruntons l’expression « grand féodalisme » béké à André Breton qui l’utilise en 1942 pour caractériser Eugène Aubéry, une des figures caricaturale des grandes familles béké[xix]. L’origine de cette différence avec la Guadeloupe est le résultat de la séquence historique de la révolution française :

    « Le destin de la Guadeloupe s’est séparé de celui de la Martinique lors de la période révolutionnaire, au cours de laquelle s’est déroulée une séquence d’événements dont la portée symbolique demeure encore aujourd’hui particulièrement prégnante. Les planteurs de la Martinique se réfugièrent en effet dans le giron de la Grande-Bretagne, échappant ainsi à la première libération des esclaves promulguée en 1794 à la Guadeloupe par le représentant de la Convention Victor Hugues, suite à sa reconquête de l’île sur les Anglais. L’esclavage fut rétabli sur l’île par Bonaparte en 1802, au prix d’une répression sanglante contre la résistance menée, sous la conduite de certains de leurs officiers, par les anciens esclaves devenus soldats de la République. Mais la plantocratie locale, décimée durant les troubles, se trouvait trop amoindrie pour absorber les événements postérieurs du XIXe siècle, à savoir l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 et la concentration foncière autour des usines centrales de la seconde moitié du siècle. La Martinique, quant à elle, avait conservé intactes les vieilles structures antérieures à la Révolution, les planteurs ayant pu maintenir leur contrôle sur les terres et garantir la prééminence du capital local, ce qui a assuré le prolongement direct du système mis en place aux origines[xx]. »
     
    Plus de 75 ans après la citation d’André Breton la situation reste fondamentalement la même. Le leader indépendantiste Guy Cabort-Masson résume comme suit en 2002 la place des Békés dans l’économie martiniquaise : « Une caste faisant 0,8 % de la population contrôlant 60 % des terres utiles, plus de 15 % de l’économie du pays alors que le peuple de couleur n’a qu’environ 10 % de cette économie atomisée en « entreprises » ayant en moyenne entre 1 et 2 employés ![xxi] » Sept ans plus tard, un reportage de l’émission Spéciale Investigation intitulé « les derniers maîtres de la Martinique » avance les chiffres suivants : « ces personnes qui représentent 1 % de la population martiniquaise, détiennent 52 % des terres agricoles et 20 % de la richesse de l’île[xxii]. »

    La répartition des terres et des richesses selon un critère de couleur conduit à une structure sociale basée sur « hiérarchie socio-raciale[xxiii] ». Esquissant une description de cette hiérarchie, le sociologue Miche Giraud décrit comme suit la classe dominante en 1980 : « constituées de propriétaires latifundistes, des dirigeants et des principaux actionnaires des usines, des grands commerçants, dont l’immense majorité sont des Blancs créoles regroupés en quelques familles étendues le plus souvent alliées entre eux. Ces derniers possèdent plus des 2/3 des terres cultivables, la quasi-totalité des usines à sucre, les 9/10 des plantations de bananes, la totalité des conserveries d’ananas et ont également le quasi-monopole du commerce d’import-export[xxiv]. » Si les chiffres avancés ont légèrement variés depuis 1980, la structure de base reste fondamentalement la même.

    Une telle structure sociale où la couleur est le symptôme visible de la place sociale n’est possible que par l’intériorisation profonde d’un sentiment d’infériorité. « Aux Antilles la perception se situe toujours sur le plan de l’imaginaire. C’est en termes de Blanc que l’on y perçoit son semblable. […] C’est donc en référence à l’essence du Blanc que l’Antillais est appelé à être perçu par son congénère[xxv] » analysait déjà Frantz Fanon en 1953. « Les structures idéologiques héritées de l’esclavage restent gravées dans les mémoires, malgré l’évolution liée au cours de l’histoire[xxvi] » confirme l’ethnologue Ulrike Zandle 61 ans après. Ces structures continuent à irriguer la quotidienneté martiniquaise en imposant le « blanc » comme critère du souhaitable et du légitime. Un tel processus existe bien sûr également en Guadeloupe et ailleurs mais sa prégnance en Martinique est notable. Cette prégnance est un résultat historique conduisant à une correspondance plus forte qu’ailleurs entre hiérarchie sociale et hiérarchie de couleur. 
     
    Le pacte colonial maintenu
    Les inégalités colorées liées à la concentration foncière sont encore renforcées par le maintien d’un lien avec la « métropole » qui garde toutes les caractéristiques du « pacte colonial ». L’expression est définit comme suit par un document officiel de 1861 : « Sous l’empire de ce qu’on appelait le pacte colonial, la France se réservait le droit exclusif d’approvisionner ses colonies de tous les objets dont elles avaient besoin ; il était défendu aux colonies de vendre leurs produits à d’autres pays que la métropole, et de les élever à l’état de produit manufacturés ; le transport entre la métropole et les colonies était réservé aux bâtiments français[xxvii]. » Officiellement ce « pacte colonial » n’existe plus, les acteurs économiques étant libres de commercer avec qui ils veulent. Dans les faits au contraire le pacte reste, selon nous, une réalité indéniable.

    Le premier principe figurant dans cette définition, le monopole de l’approvisionnement, reste une réalité des colonies dites « françaises » des Antilles. Un regard sur les importations suffit à prendre la mesure du lien de dépendance. En 2016 la France hexagonale fournit 68.9 % du montant des importations pour la Martinique et 60, 6 % pour la Guadeloupe[xxviii]. Le deuxième partenaire étant les autres pays de l’Union Européenne (avec 13 % pour la Guadeloupe et 14.8 % pour la Martinique), nous sommes en présence d’une socialisation européenne du pacte colonial. Les importations avec les autres pays des Caraïbes plane péniblement à 5 ou 6% selon les années.

    Le deuxième principe du pacte colonial, le monopole de la métropole sur les exportations, reste lui aussi activée aujourd’hui. Les destinations des exportations révèlent la même dépendance que celle des importations. Pour la Guadeloupe les données sont les suivantes : 40 % vers la France ; 17, 7 % vers la Martinique et 12 % vers le reste de l’Union européenne. Pour la Martinique les données sont les suivantes : 73.6 % vers la France et 19 % vers deux autres colonies françaises (la Guadeloupe et la Guyane).

    Le troisième principe du pacte colonial, la spécialisation des colonies dans des cultures de rentes et de la métropole dans les produits manufacturés, est tout aussi vivace. La structure des exportations est sensiblement le même pour les deux pays, révélant la nature coloniale du lien avec la France : Ils importent des biens de consommation non durable (produits alimentaires, pharmaceutiques, etc.), des biens d’investissement (produits de l’industrie automobile, machines et équipements, etc.) et des biens intermédiaires (caoutchouc, plastiques, etc.). Ils exportent des produits agro-alimentaires (Bananes, cannes, etc.). Daniel Guérin résume comme suit en 1956 cette dépendance économique : « En bref les Antilles servent de marchés à peu près exclusifs pour les denrées alimentaires et les produits fabriqués métropolitains qu’elles échangent contre leur sucre et […] contre leur banane[xxix] ». A part des variations dans la part du sucre ou de la banane dans les exportations, rien n’a véritablement changé.

    L’enjeu économique des Antilles dites « françaises » ne se limite pas au capitalisme de plantation. Comme pour les colonies du pacifique la Zone Economique Exclusive (47 000 km² pour la Martinique et 86 000 km² pour la Guadeloupe) contient des nodules polymétalliques exploitables. A ces enjeux strictement économique, il faut ajouter ceux relevant de la géostratégie que le géographe François Taglioni résume comme suit :

    La Caraïbe présente, en outre, par l’intermédiaire des DOM français, un solide réseau de points d’appui. Fort-de-France, abrite une station-relais pour les transmissions en provenance des satellites. La Guadeloupe est une escale aérienne garante de l’indépendance militaire française. […] Enfin les forces navales françaises, anglaises et néerlandaises affirment leur présence militaire dans la zone. Les nodules polymétalliques exploitables, à des coûts certes encore très élevés, sur les fonds marins représentent peut-être pour l’avenir une richesse non négligeable.[xxx].

    Une telle logique économique avec 7000 km de séparation a, bien entendu, un coût que payent les peuples guadeloupéen et martiniquais. La dernière étude de l’INSEE datée de 2015 sur la comparaison des prix entre l’hexagone et les colonies des Antilles met en évidence des écarts de prix « significatifs » : le niveau général des prix est 12,3 % plus élevé en Martinique qu’en métropole (12.5 % pour la Guadeloupe). Cet écart est essentiellement issu d’un poste peu compressible, les produits alimentaires, qui indiquent un différentiel beaucoup plus important : 38 % pour la Martinique et 33 % pour la Guadeloupe[xxxi].

    Mais le coût payé ne concerne pas que le niveau de vie. Les guadeloupéens et martiniquais payent également ce rapport colonial sur le plan de la santé. L’utilisation de pesticides à outrance, y compris ceux dont la dangerosité est avérée, est une caractéristique de ce modèle. Avec la complicité de l’Etat français des pesticides interdits en France ont continués à être utilisés massivement en Guadeloupe et Martinique. Le scandale du chlordécone, un pesticide cancérogène et mutagène, en est une illustration dramatique. Il a été utilisé massivement aux Antilles dites « française » de 1972 à 1993 alors qu’il était interdit dans l’hexagone à partir de 1989. L’Etat français a, en effet, accordé, sur pression des gros planteurs, un moratoire de trois ans. Les effets sur la santé étaient pourtant déjà connus : cancer de la prostate, puberté précoce, prématurité lors des grossesses, troubles de la motricité et de la mémoire visuelle, etc. La journaliste du Monde Faustine Vincent résume comme suit les conséquences de cette dérogation meurtrière :
    La quasi-totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais sont contaminés par ce pesticide ultra-toxique, utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies. Une situation unique au monde. […] Les Antilles sont contaminées pour des siècles, car la molécule est très persistante dans l’environnement − jusqu’à sept cents ans. A partir du début des années 2000, on a découvert que le chlordécone, qui passe dans la chaîne alimentaire, avait non seulement contaminé les sols, mais aussi les rivières, une partie du littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés, les légumes-racines… et la population elle-même. La quasi-totalité des 800 000 habitants de la Guadeloupe (95 %) et de la Martinique (92 %) sont aujourd’hui contaminés[xxxii].

    Interdire dans l’hexagone et autoriser aux Antilles, voilà un bel exemple d’un traitement d’exception, qui est une des caractéristiques essentielles du colonialisme. Le mépris pour la santé des indigènes révélé ici par les pesticides est du même type que le mépris révélé en Polynésie avec les essais nucléaires.
     
    Les dessous d’une déportation de la jeunesse
    Le modèle colonial de développement crée logiquement une « disproportion entre la population et les ressources que le système économique actuel met à sa disposition » remarque en 1956 Daniel Guérin[xxxiii]. Toute une littérature se développe alors pour expliquer cette « poussée démographique » et proposer des solutions. Les explications sont généralement essentialistes et les solutions orientées vers le malthusianisme. Les causes sont ainsi recherchées dans la culture antillaise et la piste privilégiée en solution est celle du contrôle des naissances. Or nous le savons depuis longtemps un des facteurs déterminants de la fécondité se situe dans les conditions matérielles d’existence.

    L’inquiétude sur la fécondité antillaise est à inscrire dans le contexte des décennies 50 et 60 qui inaugure des transformations profondes aux Antilles dites « française ». La première d’entre elle est l’ébranlement du complexe d’infériorité que les écrits d’Aimé Césaire résument. Frantz Fanon décrit comme suit en 1955 ce processus de réaffirmation de soi : « Pour la première fois, on verra un professeur de lycée donc apparemment un homme digne, simplement dire à la société antillaise « qu’il est beau et bon d’être nègre […] Ainsi donc l’Antillais, après 1945, a changé ses valeurs. Alors qu’avant 1939 il avait les yeux fixés sur l’Europe blanche […] il se découvre en 1945, non seulement un noir mais un nègre et c’est vers la lointaine Afrique qu’il lancera désormais ses pseudopodes[xxxiv]. »

    L’Afrique est pendant la décennie 50 en pleine effervescence anticoloniale avec une guerre d’Algérie qui devient rapidement une centralité dans le positionnement politique des militants africains. Se penchant sur l’identité antillaise en 1979, le sociologue Jean-Pierre Jardel résume comme suit les bouleversements de ces deux décennies :
     Depuis deux décennies environ, des changements rapides se produisent aux différents paliers de la réalité socio-culturelle des Antilles françaises. Les discours prononcés par des hommes politiques, les idées diffusées par les écrivains de la négritude, l’autonomie ou l’indépendance acquise par plusieurs îles de l’archipel Caraïbe, ont fait comprendre à une large fraction de la population qu’il existait une entité antillaise ayant ses propres valeurs, face aux valeurs de la métropole européenne. On se trouve donc en présence d’une phase de réajustement des normes et par conséquent d’une situation conflictuelle généralisée.[xxxv]

    Les émeutes de Fort de France du 20 décembre 1959 et celles du Lamentin en mars 1961 sonnent comme un avertissement aux yeux des autorités françaises. De cette époque date l’encouragement à une émigration de la jeunesse des Antilles dites « françaises » vers la métropole qui sera systématisé trois ans plus tard par la création du BUMIDOM en 1963 (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer). De 1963 à 1982, ce bureau utilise toute une panoplie de moyens divers et de promesses (de formation, de logement, d’emplois, de salaires élevés, etc.) pour pousser à l’exil toute une jeunesse afin de désamorcer une crise sociale et politique latente. Le journaliste et écrivain guadeloupéen Hugues Pagesy donne la lecture suivante de l’action du BUMIDOM en quatrième de couverture de l’ouvrage qu’il lui consacre :

    « La traite négrière n’aurait-elle servi à rien pour que, 115 ans après l’abolition de l’esclavage, un organisme d’État répondant au nom de BUMIDOM […] mette en place un système pour vider la Réunion, la Guadeloupe et la Martinique, de toute une partie de leur jeunesse ? Sous prétexte de lutter contre le manque d’activité qui frappe ces régions, le BUMIDOM va en fait organiser une déportation de ces jeunes vers la France, que d’aucuns dénonceront comme étant un vrai génocide par substitution. […] L’empire qui perd petit à petit une bonne partie de ses territoires veut museler ceux d’Outre-mer. Les prétextes évoqués sont leur démographie galopante et un chômage endémique[xxxvi].

    Au total se sont près de 260 000 personnes qui ont migrés vers l’hexagone sous l’effet direct ou indirect du Bumidom dont 42 622 martiniquais et 42 689 guadeloupéens[xxxvii] : une véritable saignée dans la jeunesse antillaise compte tenu de la taille de la population et de l’âge des personnes concernées. Aimé Césaire qualifie à l’assemblée nationale cette politique de « génocide par substitution » et la délégation guadeloupéenne à la Tricontinentale de la Havane en janvier 1966 (Conférence de solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine) dénonce « la politique coloniale du gouvernement français à la Guadeloupe, notamment l’expatriation de la jeunesse[xxxviii] ».
     
    « Dissiper les malentendus » sur la question nationale
     « L’heure est venue de clarifier les problèmes et de dissiper le malentendus », c’est par ces mots que Frantz Fanon conclue l’article consacré aux émeutes de Fort de France du 20 décembre 1959 cité plus haut. Pour lui cette révolte indique une mutation dans le processus d’émergence d’une conscience nationale antillaise. Celui-ci est complexe du fait des spécificités de la colonisation aux Antilles : ancienneté pluriséculaire de la colonisation, génocide des peuples autochtones, hétérogénéité de peuplement liée à l’esclavage et aux immigrations suscitées par le colonisateur, ampleur du processus d’assimilation liée à la violence esclavagiste initiale puis par la durée pluriséculaire de la domination, histoire politique spécifique de chacune des îles, etc.

    L’ensemble de ces facteurs explique l’épisode de 1946 où « des larges masses antillaises » rappelle Aimé Césaire ont approuvées la départementalisation c’est-à-dire ont votées pour rester française. Césaire lui-même a soutenu cette option en raison du danger que constitue la proximité avec les Etats-Unis : « Une autre objection plus sévère encore est l’existence à côté des Antilles d’un voisin dont la puissance et l’appétit ne sont que trop connus[xxxix]. » Coincés entre deux dominations, les Antillais ont dans le contexte de l‘époque considérés qu’obtenir une égalité plus grande dans le cadre français étaient la seule voie possible complète Aimé Césaire[xl]. 

    Au moment où Césaire tire ce bilan de la loi de 1946 (en 1956), les peuples des Antilles dites « françaises » ont fait leur expérience de l’impasse de l’assimilationnisme. Si des spécificités sont indéniables dans le processus de conscientisation nationale, celui-ci est tout aussi indéniablement en accélération rapide dans les deux colonies.

    En Martinique le processus se traduit par la création de l’OJAM (’Organisation de la jeunesse anticolonialiste de la Martinique) qui inaugure son action politique par l’apposition d’immense banderoles sur les murs de tous les bâtiments publics de l’île, portant le slogan « la Martinique aux Martiniquais » le 23 décembre 1962. Un tabou est brisé. Pour la première fois une organisation revendique ouvertement l’indépendance. Dans le même temps le « manifeste de l’OJAM » est placardé sur les murs proclamant :
    Que la Martinique est une colonie, sous le masque hypocrite de département français, comme l’était l’Algérie, parce que dominée par la France, sur le plan économique, social, culturel et politique. […] En conséquence l’O.J.A.M […] Proclame le droit des martiniquais de diriger leurs propres affaires. Demande aux Guadeloupéens, aux Guyanais de conjuguer plus que jamais leurs efforts dans libération de leur pays pour un avenir commun. Soutien que la Martinique fait partie du monde antillais. Appelle les jeunes de la Martinique, quelles que soient leurs croyances et leurs convictions, à s’unir pour l’écrasement définitif du colonialisme dans la lutte de libération de la Martinique[xli].

    La réponse de l’Etat français est, bien sûr, la répression. 18 militants de l’OJAM sont déférés devant la Cour de sûreté de l’Etat pour « atteinte à l’intégrité du territoire ». 5 militants écopent de peine de prisons et les autres sont relaxés. Si l’OJAM ne survit pas à cette épreuve, le mouvement indépendantiste existe désormais, même s’il reste encore minoritaire et éparpillé. A partir de la fin de la décennie 60 et tout au long de la décennie 70, les organisations indépendantistes se multiplient : Mouvement National de Libération de la Martinique (MNLA) en 1969, Groupe Révolution socialiste (GRS) en 1970, Groupe d’Action Prolétarienne (GAP) au début de la décennie 70, Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM) en 1978, le Pati kominis pour lendépandans èk sosyalizm (Parti Communiste pour l’Indépendance et le Socialisme) en 1984, le Parti pour la Libération de la Martinique (PALIMA) en 1999. Malgré cet éparpillement l’idée indépendantiste progressera de manière significative depuis dernières décennies du siècle dernier. Lors des élections régionales de 1986 les indépendantistes ne comptent que pour 3 %, 6 ans plus tard le MIM devient la première force organisée du pays. Aux régionales de 1998 le MIM obtient 31, 71 % des suffrages et son président, Alfred Marie-Jeanne, devient président du conseil régional (il sera reconduit à ce poste en 2004). En dépit des multiples divisions et de la bureaucratisation suscitée par la participation au jeu institutionnel et encouragée par l’Etat français, le projet indépendantiste est désormais une réalité incontournable en Martinique.

    La décennie 60 est également celle qui voit s’organiser un mouvement indépendantiste en Guadeloupe. C’est au sein du mouvement étudiant en métropole, dans l’AGEC (Association Générale des Etudiants Guadeloupéen), qu’est lancé pour la première fois le mot d’ordre d’indépendance nationale. En Guadeloupe même c’est en 1963 qu’est constitué le GONG (Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe) dont certains membres fondateurs sont issus de l’AGEG. Peu nombreux les militants du GONG sont très actifs. Ils ont présent systématiquement pour soutenir chaque grève ouvrières, ce qui les rend rapidement populaire. « Chaque fois que des ouvriers, qu’ils soient du bâtiment ou de la canne étaient en grève ou en difficulté quelconque, le GONG, et ses militants devaient venir leur prêter main-forte[xlii] » se souvient le militant nationaliste Claude Makouke. Le mouvement social qui secoue la Guadeloupe en 1967 et le massacre qui l’accompagne, est le prétexte que prendra l’Etat français pour décapiter ce mouvement indépendantiste ayant une audience populaire grandissante.

    A l’origine du mouvement se trouve une grève des ouvriers du bâtiment pour exiger une hausse de 2,5 % des salaires. Les négociations entre le patronat et le syndicat CGTG échouent le 26 mai et une manifestation devant la Chambre de commerce de Pointe-à-Pitre se transforme en émeute. Les CRS tirent sur la foule provoquant les premiers décès. Les affrontements s’étendent alors à toute la ville. Lorsqu’elles cessent le lendemain un bilan officiel annonce 8 morts. La réalité du massacre mettra vingt ans à percer. En 1985 Georges Lemoine, secrétaire d’Etat chargé des départements et territoires d’Outre-mer reconnaîtra le chiffre de 87 victimes et plus d’une cinquantaine de blessés. C’est dans ce contexte que l’Etat français décide de profiter de la situation pour décapiter le mouvement indépendantiste. L’organisation et ses militants sont accusés de la responsabilité des émeutes et des victimes. 19 militants du GONG sont arrêtés et inculpés « d’atteinte à la sureté de l’Etat et à l’intégrité du territoire ». La presse colonialiste exulte à l’image du journal France-Antilles qui titre en première page et en gros caractère le 13 juin : « Le Gong est décapité. Dix-neuf arrestations à Paris et en Guadeloupe[xliii] ». Le mouvement massif de solidarité qui s’organise alors sauvera les inculpés dont le jugement de février 1968 prononce 6 peines avec sursis et 13 acquittements. En Guadeloupe même cependant 70 autres militants attendent leur jugement. Six d’entre eux écoperont de peines de prison ferme allant d’1 à 6 mois.

    Le GONG ne survie pas à cette dure épreuve mais ses militants sont nombreux à être présent dans la création ultérieure d’autres organisations indépendantistes. Ils réinvestissent d’abord leurs forces dans la dynamique syndicale en créant l’UTA (Union des Travailleurs Agricole) en 1970, l’Union des Paysans Pauvres de Guadeloupe (UPG) en 1972 et enfin l’Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe (UGTG) qui regroupe les deux précédente et d’autres syndicats en 1973. Tels sont les facteurs qui expliquent le lien étroit entre indépendantistes et syndicalistes en Guadeloupe. En témoigne l’élection à la tête de l’UGTG de l’indépendantiste Elie Domota et sa désignation comme porte-parole du LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon– Collectif contre l’exploitation outrancière), un regroupement syndical, associatif et politique qui a mené le vaste mouvement social en janvier et février 2009.

    En 1977 ces militants créent l’Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG) qui reste jusqu’à aujourd’hui la principale organisation politique indépendantiste. A côté de celle-ci existe également le Mouvement pour une Guadeloupe Indépendante (MPGI) crée en 1981, le Konvwa pou liberasyon nasyonal Gwadloup (KNLG) fondé en 1997 et Fòs pou konstwi nasyon Gwadloup (Forces pour batir la nation guadeloupéenne) fondé en 2010. Des tentatives de luttes armées ont également eu lieu par le GLA (Groupe de Libération Armée) qui mène une série d’attentats contre des édifices publics en 1980 et 1981, puis par l’ARC (Alliance Révolutionnaire Caraïbe) menant le même type d’actions de 1983 à 1989.

    Si comme en Martinique la multiplicité des organisations, l’institutionnalisation de certains leaders, la répression et les divisions du mouvement nationaliste, le rapport des forces disproportionné avec une des principales puissances mondiale, etc., rendent difficile une perspective d’indépendance à court terme, cela ne veut pas dire que la question de l’indépendance nationale est enterré. « Le Mouvement Patriotique Guadeloupéen au niveau organisationnel et militant connaît une passe difficile, un mouvement de reflux, mais c’est là le paradoxe, les idées nationalistes n’ont jamais cessé de progresser et d’irriguer au quotidien la vie des guadeloupéens[xliv] » résume le journaliste Danik Zandwonis.

    Comme nous le disions dans nos précédents articles consacrés à Mayotte, la Kanaky et la Polynésie, la faiblesse de la conscience internationaliste et du mouvement anticolonialiste en France fait partie du rapport des forces défavorable auquel sont confrontés les militants nationalistes des colonies françaises. Qu’un tel mouvement se développe et que le rapport de forces mondial se transforme et la perspective indépendantiste redeviendra un objectif atteignable rapidement. A plus ou moins long terme l’indépendance est inévitable : la situation géographique, la rationalité économique et la communauté des traits culturels avec les autres peuples de la région orientent structurellement vers un projet de fédération des Antilles.

    Saïd Bouamama

    Notes :  
    [i] Raphaël Confiant, Aimé Césaire, une traversée paradoxales du siècle, Stock, Paris, 1993,
    [ii] Adrien Guyot, L’Amérique, un ailleurs partagé, Départment of Modern Languages and Cultural Studies, University of Albama, 2016, pp. 104-105. .
    [iii] Frédéric Dorel, La thèse du « génocide indien » : guerre de position entre science et mémoire, Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques, N° 6, 2006.
    [iv] Nicolas Rey, Quand la révolution aux Amériques était nègre … Caraïbes noirs, negros franceses et autres « oubliés » de l’histoire, Karthala, Paris, 2005, p. 48.
    [v]Chantal Maignan-Claverie, Le métissage dans la littérature des Antilles françaises. Le complexe d’Ariel, Karthala, Paris, 2005, p. 118.
    [vi] Nicolas Rey, Quand la révolution aux Amériques était nègre … Caraïbes noirs, negros franceses et autres « oubliés » de l’histoire, op. cit., p. 53.
    [vii] Victor Schoelcher, Abolitions de l’esclavage ; Examen critique du préjugé contre la couleur des Africains et des Sang-Mêlés, Porthmann, Paris, 1840, p. 138.
    [viii] Alain Bihr, Recension du livre de Caroline Oudin-Bastide, Travail, capitalisme et société esclavagiste. Guadeloupe, Martinique (XVIIe-XIXe siècle), Revue « Interrogation ? », n° 10, mai 2010.
    [ix] Alain Philippe Blérald, Histoire économique de la Guadeloupe et de la Martinique : du XVIIe siècle à nos jours, Karthala, Paris, 1986, p. 26. 
    [x] Alain Philippe Blérald, Histoire économique de la Guadeloupe et de la Martinique : du XVIIe siècle à nos jours, Karthala, Paris, 1986, p. 26. 
    [xi] Ibid, p. 138.
    [xii] Christian Deverre, Crise sucrière et réforme foncière en Guadeloupe, Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 17, 1990, p. 100.
    [xiii] Guy Lasserre, La Guadeloupe. Etude géographique, Union Française d’Edition, Bordeaux, 1961, p. 393.
    [xiv] Christian Deverre, Crise sucrière et réforme foncière en Guadeloupe, Cahiers d’économie et sociologie rurales, op. cit., p. 108.
    [xv] Ibid, p. 111.
    [xvi] Luce Blanchard, Qui se cache derrière le projet de centrale thermique d’Albioma à Marie-Galante, https://blogs.mediapart.fr/luce-blanchard/blog/020217/qui-se-cache-derriere-le-projet-de-centrale-thermique-dalbioma-marie, Consulté le 10 juin 2018 à 19 h 55.
    [xvii] Muriel Bonin et Cécile Cathelin, Conversion environnementale de la production bananière guadeloupéenne : une stratégie politique et économique, Economie rurale, n° 341, mai-juin 2014, p. 76.
    [xviii] Athanasia Bonneton, La banane en Guadeloupe : les conditions économiques et sociales de la culture et de la commercialisation, CDDP Guadeloupe, 1988, p. 52.
    [xix] André Breton, Martinique charmeuse des serpents, 10/18, Paris, 1973.
    [xx] Jean-Luc Boniol, Janvier-mars 2009, trois mois de lutte en Guadeloupe, Les Temps modernes, 1/2011, n° 662-663, pp. 82-113.
    [xxi] Guy Cabort-Masson, Interview à la revue Antilla, n° 961, 9 novembre 2001, p. 6.
    [xxii] Les derniers maîtres de la Martinique, http://www.fxgpariscaraibe.com/article-27520586.html, consulté le 11 juin 2018 à 16 h 30.
    [xxiii] Ulrike Zander, La hiérarchie « socio-raciale »en Martinique. Entre persistance postcoloniale et évolution vers un désir de vivre ensemble, Revue en ligne Asylon (s), n° 11, mai 2013, http://www.reseau-terra.eu/article1288.html#nh37, consulté le 11 juin 2018 à 16 h50.
    [xxiv] Michel Giraud, races, clases et colonialisme à la Martinique, L’Homme et la société. Volume n° 55. Nº 1, 1980, p. 206.
    [xxv] Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Seuil, Paris, 1971, p. 132.
    [xxvi] Ulrike Zander, La hiérarchie « socio-raciale »en Martinique. Entre persistance postcoloniale et évolution vers un désir de vivre ensemble, op. cit.
    [xxvii] Rapport du secrétaire d’Etat de la Marine et des Colonies du 2 février 1861, Revue maritime et coloniale, tome 2, Lahure, Paris, juillet 1861, p. 53.
    [xxviii] L’ensemble des données de cette partie sont issues de deux documents de l’Institut d’Emission des Département d’Outre-Mer (IEDOM) : Guadeloupe 2016 et Martinique 2016, Paris, 2017.
    [xxix] Daniel Guérin, Les Antilles décolonisées, Présence Africaine, Paris, 1956, p. 55.
    [xxx] François Taglioni, Géopolitique et insularité : l’exemple des petites Antilles, in André-Louis Sanguin (coord.), Vivre dans une île, L’Harmattan, Paris, 1997, p. 179.
    [xxxi] INSEE première, n° 1589, avril 2016, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908163, consulté le 13 juin 2018 à 10 h 00.
    [xxxii] Faustine Vincent, Scandale sanitaire aux Antilles, Le Monde du six juin 2018, https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/06/06/scandale-sanitaire-aux-antilles-qu-est-ce-que-le-chlordecone_5310485_3244.ht, consulté le 13 juin 2018 à 10 h 45.
    [xxxiii] Daniel Guérin, Les Antilles décolonisées, op. cit., p. 37.
    [xxxiv] Frantz Fanon, Antillais et Africains, in Pour la révolution africaine, La Découverte, Paris, 2001, p. 31 et 34.
    [xxxv] Jean-Pierre Darnel, Langues et identité culturelle aux Antilles françaises, Pluriel débat, n° 17, année 1979, p. 27.
    [xxxvi] Hugues Pagesy, Kolombie 2 : Bumidom la vérité, Editions Nestor, Gourbeyre – Guadeloupe, 2017, quatrième de couverture.
    [xxxvii] André Calmont, et Cédric Audebert, Dynamique migratoire de la Caraïbe, Karthala, Paris, 2007, p. 99.
    [xxxviii] Première conférence Tricontinentale, Interventions et résolutions, La Havane, 1966, p. 90.
    [xxxix] Aimé Césaire, Introduction au livre de Daniel Guerin, Antilles décolonisées, op. cit., p. 9.
    [xl] Ibid, pp. 10-11.
    [xli] Manifeste de l’OJAM, https://afcam.org/index.php/fr/dossiers/dossiers-4/les-collectivites-invitees-au-haut-comite/2-uncategorised/4194-le-manifeste-de-l-o-j-a-m, consulté le 14 juin 2018 à 8 h 30.
    [xlii] Xavier-marie Bonnot et Francois-Xavier Guillerm, Le sang des nègres, Galaade, Paris, 2015.
    [xliii] Raymond Gama et Jean-Pierre Sainton, Mé 67 : Mémoire d’un évènement, Société Guadeloupéenne d’Edition et de Diffusion, 1985, p. 122.
    [xliv] Danik I. Zandwonis, Guadeloupe. L’indépendance est plus proche qu’on ne le dit …, http://7seizh.info/2014/12/11/guadeloupe-lindependance-est-plus-proche-quon-ne-le-dit, consulté le 14 juin 2018 à 16 h 45.

    #barbarie génocide #histoire #colonialisme #colonisation #Noirs #Noir #nègre #Antilles #Guadeloupe #Martinique #Mayotte, #Kanaky #Polynésie #DOM #Haïti #Hispaniola #Caraïbe #France #néo-colonialisme #libéralisme_postcolonial #peuples_autochtones #békés #Révolte #Kalinas #métissage #banane #sucre #mélasse #rhum #canne_à_sucre #Indépendance
    #SAFER #auto-exploitation #migration #Cofepp #SMRG #BUMIDOM #OJAM #MNLA #GAP #MIM #PALIMA #AGEC #GONG #UTA #UPG #UGTG #LKP #UPLG #MPGI #KNLG #GLA #Cayard #importations #exportation #UE #union_européenne #prix #Santé #chlordécone
    Eugène_Aubéry Guy_Cabort_Masson #Alfred_Marie_Jeanne #Elie_Domota

  • Les îles militarisées en mer de Chine du Sud : la partie émergée de la puissance de frappe de Pékin

    http://theconversation.com/les-iles-militarisees-en-mer-de-chine-du-sud-la-partie-emergee-de-l

    En dépit d’un semblant de détente en Asie entre Donald Trump et Kim Jong‑un, la « guerre d’influence en mer de Chine entre Pékin et Washington ne va pas cesser quels que soient les développements sur le dossier nord-coréen » notait le correspondant du journal Le Monde Gilles Paris, envoyé spécial à Singapour, lors d’un live avec les lecteurs du quotidien.

    #chine #océan_indien #thalassocratie #mer_de_chine_méridionale
    Début juin, le sentiment était le même au sommet annuel du Shangri-La Dialogue à Singapour sur les enjeux de sécurité en Asie-Pacifique.

    La ministre française des Armées, Florence Parly avait particulièrement rappelé l’urgence au respect du droit international en mer de Chine du Sud et que la zone était marquée par la compétition entre pays plus que par la coopération régionale qu’il convenait, selon elle, de soutenir.

  • De #villes en #métropoles, #Tôkyô, métropole #japonaise en #mouvement perpétuel :
    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient3.htm
    Publié le 20/09/2006
    Vu le 08/06/2018

    Cet article de Natacha Aveline du bureau #CNRS #Japon Corée à Tôkyô, Institut d’#Asie #orientale, publié sur le site #géoconfluences, traite du mouvement perpétuel de Tokyo de différents points de vue. Elle rappelle d’abord l’importance #démographique de la ville, notamment par rapport au #monde et ses #lieux les plus peuplés tout en invoquant les raisons #économiques de cette #croissance par rapport à l’#histoire de la ville. Elle précise que la ville et la #campagne sont difficilement discernables et nous pouvons en conclure que la #périurbanisation doit contribuer non seulement à l’importance démographique de la ville, mais aussi à tous les #changements qui s’y opèrent, la périurbanisation progressant sans cesse sur le #territoire : c’est ce qu’elle évoque par la notion d’#émiettement #urbain. Malgré les perspectives actuelles en matière d’#économie et de #démographie, ce phénomène pose toujours #problème.

    Près de 80% des Japonais vivent en ville. […] Le #gigantisme urbain atteint sur l’#archipel des niveaux inégalés en Europe. Onze villes ont plus d’un #million d’habitants (2006), dont onze se regroupent dans quatre grandes #conurbations qui structurent un cordon urbain quasi-continu de mille kilomètres s’étirant le long du littoral Pacifique de Tôkyô à Fukuoka. Deux se distinguent par leur #démesure : Tôkyô, première #agglomération de la planète avec 34 millions d’habitants, et Ôsaka, la dixième avec 17 millions d’habitants, cumulent un produit régional brut de quelque 1 850 milliards de dollars, équivalent à celui de l’Italie et des Pays-Bas réunis.
    Si la #macrocéphalie est un phénomène commun à bien des pays d’Asie, la structuration en #mégalopole […] est plus spécifique au Japon. Elle résulte des choix industriels effectués dès l’époque Meiji (1868-1912), mais aussi de l’#expansion singulière d’un espace #urbanisé d’autant plus difficile à cerner que la ville ne s’est jamais opposée à la campagne, dans un pays où seuls les châteaux étaient fortifiés à l’époque féodale. Le phénomène d’émiettement urbain atteint ainsi une intensité sans équivalent dans les autres grands pays #industrialisés. Il a été, au Japon, une cause majeure de pathologies pendant la Haute Croissance et reste source de #problèmes aujourd’hui, en dépit de perspectives économiques et démographiques radicalement nouvelles.

    Ainsi, différentes #questions sont soulevées, d’abord celle des « logiques d’#urbanisation », elle évoque alors « l’#entremêlement de #fonctions #rurales et urbaines dans les #périphéries et […] les #zones #centrales » desquelles résulte « la faible hauteur des #constructions » et l’« #étalement du bâti » qu’elle nuance légèrement en rappelant la #verticalisation de Tôkyô entre 1980-1990 « sous l’effet des multiples opérations de #rénovation urbaine » ; et qui provient en partie de « la faible #intervention de l’#État dans la #gestion urbaine, le rôle majeur qu’ont joué à cet égard les #opérateurs #ferroviaires #privés, la toute-puissance de la propriété #foncière et l’extraordinaire #plasticité du bâti. »
    Elle donnera le la précision sur cette « faible intervention de l’État » en évoquant la #désorganisation des villes, les conséquences de l’#occupation #américaine et les problèmes qui en découle quant à la part de #responsabilité donnée aux #pouvoirs #publics.


    Plan du "quartier-gare" de Shinjuku selon N. Aveline

    Elle donnera également par la suite plus de précision quant aux réseaux ferroviaires privés, leur expansion et leur influence sur la #structure urbaine, ce qui semble pouvoir lui permettre, plus tard, d’aborder la question « statut du foncier dans l’économie #japonaise » et ainsi des rénovations et du #morcellement et de l’aspect #juridique des #parcelles #cadastrales.


    Rénovation urbaine dans le quartier d’affaires de Shinjuku-ouest (1989) - UDC (ex-HUDC / Housing and Urban Development Corporation)

    Elle en déduit de la valeur accordée au #sol et non aux constructions, ce qui lui permet d’expliquer le phénomène de la plasticité du bâtit.


    Autel shinto (inari jinja) inséré entre les immeubles du quartier de Yûrakuchô, dans l’hypercentre de Tôkyô - N. Aveline, 2002 / 2003

    Ainsi, elle évoque enfin les nouvelles #difficultés en #ville avec « l’arrêt de la hausse quasi-interrompue des prix fonciers depuis 1955 et mis un terme à la #croissance exceptionnelle qui soutenait l’économie ». Ce qui lui permet d’évoquer la nouvelle politique de #revitalisation des villes avec le "#renouvellement urbain" (toshi saisei) […] des "#périmètres #spéciaux d’#intervention d’#urgence" […] (Tôkyô, Osaka et Nagoya) », de manière à stabiliser les #prix pour la #spéculation ; le choix de #développer le #commerce et la #restauration et l’utilisation des « #friches #ferroviaires et #industrielles. »

  • N’être pas gouvernés - Ballast
    https://www.revue-ballast.fr/netre-pas-gouvernes

    « La #Zomia est la dernière région du monde dont les peuples n’ont pas été intégrés à des États-nations6 ». Zone de deux millions et demi de kilomètres carrés en Asie du Sud-Est, la Zomia est avant tout une construction géographique dont les caractéristiques politiques et culturelles s’opposent fondamentalement à tout type d’État — en l’occurrence celui fondé sur la riziculture sédentaire autour des collines et montagnes de cette partie de l’Asie. « Zone refuge » formée de multiples « zones de morcellement7 », la Zomia n’obéit pas à des frontières fixes ; plus précisément, elle s’inscrit contre ces dernières, les fuyant à mesure qu’elles se sont étendues. Bien que la ZAD (Zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes se soit inscrite dans la délimitation stricte d’une ZAD (Zone d’aménagement différé) créée dans les années 1970, c’est sa pluralité d’identités, fédérées contre un projet et le monde qui le porte, qui la caractérise. Si l’on remplace dans le texte de James C. Scott le terme de « #colline », propre à son terrain d’étude, par celui de « #bocage », la #ZAD apparaît comme un lieu exemplaire illustrant ce qu’est une Zomia. « Les collines ne sont pas seulement un espace de #résistance_politique : elles sont une zone de refus culturel8 ». C’est justement cet ajout que ne veulent pas voir les pourfendeurs de la ZAD, et qui les empêche d’en comprendre la portée.

    Et Zomia référencé ici
    https://seenthis.net/messages/185210

    Cela me fait penser (en beaucoup plus modeste) au livre de Vidalou, « Être #forêts » qui décrit (entre autre) l’acharnement de l’état français, à travers son bras militaire et son armée d’ingénieurs – militaires et ingénieurs comme aménageurs du territoire– à soumettre les Cévennes (coucou @philippe_de_jonckheere) et imposer un parc géré par les mêmes ingénieurs militaires.
    https://seenthis.net/messages/666956

  • #ARTISTE ET #HUMANITAIRE : L’#ART COMME AIDE AU #DÉVELOPPEMENT HUMAIN ?

    On associe souvent la question du développement humain à celle du développement économique d’un pays, bien que la notion se soit étendue au sens plus général de « bien être ». Or, de toutes les activités diverses qui fleurissent dans nos sociétés, l’art est sans aucun doute celle que l’on juge la plus inutile car associée au loisir. Peut-on alors légitimement considérer qu’il existe un rapport entre le développement humain, le développement économique d’une société et son développement artistique ?

    https://photos.app.goo.gl/FLvev8bJBJ6Pv0aG2
    J’ai réalisé cette carte à la main : les informations qui sont présentées ne sont par conséquent pas très lisibles.
    Je n’ai volontairement pas indiqué le détail des éléments, ce qui aurait rendu la carte d’autant plus illisible (je reporterai en fin d’article les sources qui m’ont permis de réaliser ce travail).

    Si l’on ne distingue pas précisément la localisation et le nombre des activités artistiques représentées, il n’est cependant pas difficile de distinguer trois « pôles » : Les États-Unis d’Amérique, l’Europe de l’ouest et le Japon (bien que ce dernier soit largement dépassé par les deux autres). Excepté au Brésil et en Chine, on observe à l’inverse l’absence des activités représentées en Amérique du sud, en Asie et, surtout, en Afrique, dont les IDH sont, pour la plupart, inférieurs à 0,8, voire à 0,6.
    À titre d’exemple, il existe 59 studios d’animation dans le monde, dont la production de seulement deux d’entre eux, situés aux États-Unis d’Amérique, dépasse 50 films. Ainsi, 436 films sont produits dans les 21 studios d’Amérique du nord, dont 18 sont situés aux États-Unis (125 films étant réalisés par le studio Walt Disney Pictures, 301 films ont été produits dans les 17 autres studios). En Europe, 27 studios d’animation ont produit 111 films, dont 88 proviennent des 16 studios français. Le Japon possède 7 studios et a produit en tout 71 films. Le seul studio du reste de l’Asie est possédé par la Chine, qui a produit 4 films. Les 2 studios d’animation australien sont à l’origine de la production de 6 films. En Afrique, enfin, seule l’Afrique du Sud possède un studio d’animation à l’origine de la production de 3 films.

    Ainsi, sans pour autant en tirer de conclusions hâtives, dans la mesure où la source de des informations est essentiellement européenne, nous pouvons supposer que « l’art est un luxe », comme l’affirme Gustave Flaubert. En outre, si nous ne pouvons pas tirer des information présentées la certitude du lien entre la censure (ou la guerre) et l’absence d’activités artistiques, l’Histoire nous a cependant montré à plusieurs reprises à quel point l’Art était objet de liberté. Censuré et strictement contrôlé, en premier lieu, par toute dictature, il est également, dans de nombreux cas, privilégié comme moyen de résistance, c’est-à-dire comme affirmation de la liberté de penser.

    Nous remarquons donc que les pays les plus artistiquement actifs disposent d’un niveau plutôt élevé de développement humain, ainsi que d’une censure faible. Mais l’art est-il seulement une conséquence du développement humain ? Ne peut-il pas également en être l’une des causes ?
    C’est à cette question que je tenterai de répondre tout au long de mon travail de curation.

    Sources :
    https://www.google.com/search?q=carte+dictatures+monde&client=firefox-b-ab&source=lnms&tbm=isch&sa= :
    https://www.google.fr/search?q=carte+idh&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwi558jf16XbAhUEIpoKHTV :
    https://www.google.fr/search?tbm=isch&sa=1&ei=rogKW9ncOMOH6AT9wKj4BQ&q=limite+nord+sud&oq=limite+n& :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Sept_Merveilles_du_monde
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Sept_nouvelles_merveilles_du_monde
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_Expositions_universelles
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_mus%C3%A9es_d%27art_les_plus_visit%C3%A9s_au_monde
    http://www.filmsanimation.com/studio
    http://www.toptoptop.fr/top-20-des-livres-les-plus-vendus-au-monde.html
    http://10meilleurs.fr/les-10-operas-les-plus-connus
    https://www.geoado.com/actus/musique-artistes-plus-ecoutes-monde

  • Comment nous sommes redevenus cannibales - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2018/05/23/comment-nous-sommes-redevenus-cannibales_1652141

    Il faut se rendre au musée de l’Homme, à Paris, et suivre l’anthropologue suisse, Mondher Kilani, auteur du Goût de l’autre (Seuil), dans l’exposition consacrée à la femme et à l’homme de Néandertal pour comprendre qu’il y a quelque chose de cassé dans notre chaîne alimentaire et découvrir que nous sommes tous des Néandertaliens, donc d’ex-cannibales qui se demandent aujourd’hui s’ils peuvent rester carnivores. L’auteur démonte dans cet ouvrage la notion même de cannibalisme en partant de ces hommes primitifs, qui mangeaient leurs semblables, pour arriver à ses contemporains plantés devant leur assiette de viande en se demandant : « Que faire ? »
    BUSTES SIMIESQUES

    En parcourant rapidement l’histoire de l’humanité, la femme et l’homme de Néandertal vivaient il y a 400 000 ans en Europe, au Moyen-Orient ou en Asie, et pratiquaient le cannibalisme, pense-t-on. Longtemps, il a fallu, pour cette raison, les éloigner de l’Homo sapiens, c’est-à-dire de nous, en les faisant ressembler à de grands singes pas très intelligents avec des orbites enfoncées et une mâchoire proéminente. La génétique avançant, nous avons dû admettre que nous avions des gènes en commun, entre 1 % et 3 % pour chacun d’entre nous. Il faut donc les réintégrer dans la famille des Homo sapiens et les laver des accusations mal fondées voire diffamatoires.

    « Néandertal l’Expo » (1) retrace ce parcours en partant « du » crâne, pas une reproduction, mais « le » crâne de cet homme de Néandertal, en poursuivant avec des portraits et des bustes simiesques du XIXe siècle quand l’imagination des chercheurs les guidait, pour finalement, dans la dernière salle de l’exposition, se retrouver face à une femme habillée d’un blue-jean et cardigan bleu Agnès b., qui passerait inaperçue place du Trocadéro, où se trouve le musée de l’Homme. Si « elle » n’avait pas disparu il y a 35 000 ans.

    La réintégration des Néandertaliens dans la famille de l’homme moderne suppose que l’on porte un autre regard sur le cannibalisme. L’incertitude prévaut aujourd’hui quand il s’agit de l’évoquer. La lecture du cartelde l’exposition présentant des os entaillés et brûlés, retrouvés dans la grotte de Krapina (Croatie), montre que le sujet est désormais traité avec d’énormes pincettes : « La présence sur plusieurs ossements de stries faites par un couteau en pierre et de traces de calcinations […] suscite la controverse. Ces traces résulteraient d’un traitement complet des corps, désarticulés et décharnés intentionnellement dans le but d’en prélever la chair », est-il écrit.

    Longtemps le cannibalisme a permis de tracer une frontière entre l’autre et nous, « le sauvage » et « le civilisé », « le primitif » et « l’être évolué », ou entre celui qui ne sait pas que manger son prochain « c’est pas bien », et celui qui a intégré le tabou.
    « FÉTICHISME »

    Le combat en réhabilitation, mené depuis des années par Marylène Patou-Mathis, directrice de recherches au CNRS et co-commissaire de l’exposition, est terminé : la femme et l’homme de Néandertal font partie de la famille des humains (2).

    Pour Kilani, ces frontières n’ont pas grand sens puisqu’il s’agit avant tout de projections de celui qui construit un discours scientifique. Il a lui même franchi la borne qui sépare le sauvage, supposé anthropophage, de l’homme civilisé. Un jour, en 1984, le jeune docteur en anthropologie, il a alors 36 ans, se trouve dans la région de Sepik, en Papouasie-Nouvelle-Guinée en compagnie d’un « ancien », un sage nommé Laplap. Alors qu’ils cheminent, ce dernier lui demande si ses ancêtres venus de l’autre côté de la planète n’avaient pas ingéré les siens. Berbère, originaire de Tunisie, il a les yeux un peu bridés et pourrait être, pour son interlocuteur, un descendant des soldats japonais qui auraient pratiqué l’anthropophagie dans l’île pendant la Seconde Guerre mondiale. « La question était d’autant plus surprenante que je m’étais justement attelé à l’examen des catégories de l’anthropologie comme la magie, le fétichisme, le mythe ou la rationalité à travers lesquelles la discipline appréhendait alors les sociétés dites primitives. C’était un travail qui accompagnait le tournant critique et réflexif de l’anthropologie en France et dans le monde francophone », s’amuse aujourd’hui encore Kilani qui voit alors la perspective s’inverser. L’intéressant n’est plus de regarder le sauvage, mais le civilisé avec les yeux du sauvage. Toute l’anthropologie de l’époque, et notre chercheur avec, opérait ce retournement du questionnement.

    Avec méthode le Goût de l’autre reprend cette construction du sauvage, de l’homme cannibale à la femme de Néandertal plantée fièrement au bout de l’exposition, qui, bras ballant, pourrait être devant une boucherie se demandant si elle doit entrer ou s’abstenir.

    En 2018, l’homme n’est plus cannibale ou de manière très marginale, mais la question posée est de savoir s’il va cesser d’être carnivore. Mondher Kilani s’interdit d’avancer une réponse toute faite dans un domaine trop éloigné de ses sujets de prédilection. Mais, il ne s’interdit pas de baliser le terrain. « Dans les sociétés traditionnelles, le lien était sacré, les interdits religieux et les tabous alimentaires imposaient de n’abattre un animal que selon un rituel strict, de ne pas consommer certains animaux ou certaines parties des animaux, de modérer la chasse, etc. Dans notre société moderne non seulement ce lien sacré a disparu mais toute dimension symbolique également, ne laissant place qu’à une appréhension purement utilitariste et objectiviste de notre rapport à la nourriture et à l’animal, par exemple, avec la crise de la vache folle. A cause du régime alimentaire "carnivore" que nous avons imposé à un herbivore, nous redécouvrons le lien secret, donc symbolique, qui lie le mangeur à ce qu’il mange. Dans le cas particulier de la vache rendue carnivore et cannibale quand elle mange ses semblables, nous nous imaginons aussi cannibales. Et, au lieu d’assumer d’emblée notre dimension cannibale, nous mangeons des êtres sensibles, qui nous ressemblent, nous vivons cet état honteusement. »

    Il faudrait donc d’urgence reconstruire la dimension symbolique ou imaginaire qui nous relie à la nourriture que nous ingurgitons. « Le malaise conceptuel attaché à la consommation de la viande d’animaux, poussait les populations amazoniennes, et l es sociétés paysannes traditionnelles, à sacraliser l’objet de leur appétit et à modérer leur consommation. Nous nous sommes libérés d’un tel lien et nous pensons nous en sortir par des calculs purement utilitaristes. Or, quand l’animal devient un semblable, la limite entre carnivore et cannibale s’estompe. Dès lors on ne peut s’en tirer avec des considérations purement utilitaires. »

    Entre Néandertal et nous, Homère avait déjà posé la question de la modération de la consommation de viande. Quand les compagnons d’Ulysse trouvent refuge sur une île, ils ont interdiction de manger les bœufs d’Elios, le dieu qui éclaire les vivants. Ces derniers, profitant de l’absence d’Ulysse, ne résistent pas à la tentation déclenchant la colère des dieux : « Ils ont tué audacieusement les bœufs dont je me réjouissais quand je montais à travers l’Ouranos étoilé, et quand je descendais de l’Ouranos sur la Terre. Si vous ne me donnez pas une juste compensation je descendrai dans la demeure d’Hadès, et j’éclairerai les morts. » Pour éviter ce cataclysme les compagnons d’Ulysse vont périr.
    DE MONTAIGNE À L214

    Ce qui se redessine, quand L214 diffuse des images insoutenables de la manière dont les animaux sont tués dans les abattoirs industriels, est sans doute cette frontière entre barbare et homme civilisé. Comme le rappelle Kilani dans son ouvrage, cette limite n’a cessé de bouger. Quand il faut conquérir les contrées habitées d’Amérique du Sud ou d’ailleurs, il suffit de déclarer que les autochtones sont des cannibales pour les disqualifier. L’anthropologue se met lui dans les pas de Jean de Léry (1534-1613) et de Hans Staden (1525-1579), les premiers qui ont adopté un discours bienveillant à propos des populations du Brésil. Il suit aussi Sade (1740-1814), Claude Lévi-Strauss, le père de l’anthropologie moderne, Bataille ou Vázquez Montalbán.

    Mais le premier arpenteur de l’humain qui a, de son propre aveu, influencé Kilani est Montaigne (1533-1592) quand il appelle l’homme « moderne » à la prudence dans son texte Des cannibales : « Il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n’avons autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usages du pays où nous sommes. » Et de conclure : « Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. »
    EUCHARISTIE

    Pour achever d’appeler à la reconstruction d’une frontière symbolique entre ce que l’on peut manger et ce que l’on ne peut pas, Kilani s’amuse à rappeler que la pratique de l’eucharistie revient à faire du catholique un cannibale du dimanche. Quand les protestants ne voient qu’un symbole dans le pain et le vin, c’est-à-dire l’évocation du dernier repas du Christ, l’Eglise de Rome, elle, en appelle régulièrement aux paroles de Jean (6, 53-56) : « En vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle […] qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. »

    On peut avoir bon appétit et manger le fils de Dieu à condition que ce soit sacré. Mondher Kilani n’invite pas au sacré, il est resté marxiste : mais il propose de reconstruire la limite symbolique qui nous sépare du sauvage alors que nous ne regardons plus que le bilan économique de la filière viande.

    #cannibalisme

  • Une ancienne carte inconnue de l’Amérique, la première où figure le futur détroit de Behring - Persée
    https://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1921_num_13_1_2899

    M. Vignaud, Président de la Société des Américanistes de Paris, nous présente la découverte d’une carte apparemment datée des environs de 1563, du cartographe Gastaldi.Il s’agit de la première où figure le détroit de Behring, sous le nom du détroit d’Anian, quelque 165 ans avant sa découverte par le fameux explorateur en 1728. Gastaldi se serait inspiré du témoignage laissé par Marco Polo pour déduire que le continent américain ne formait pas un bloc avec le continent asiatique mais qu’il était au contraire bien distinct.

    [La conception de Gastaldi] d’un détroit de séparation entre les deux mondes n’est pas hypothétique Elle est déduite d’indications géographiques positives recueillies dans la région même par un voyageur intelligent et véridique. C’est une interprétation judicieuse de ces indications qui l’a amené à la conclusion que le détroit qu’il trace existait véritablement, et c’est sa connaissance des conditions dans lesquelles les terres prennent certaines formes qui lui a permis de déterminer son emplacement. Gastaldi a ainsi apporté une modification considérable à la connaissance que nous avions du globe, au XVIe siècle. Et si, avec le temps, on a dû rectifier graduellement le cours et la largeur qu’il a donnés à ce détroit, il reste néanmoins dans ses traits essentiels là-même où il l’a mis, alors que les suppositions faites à ce sujet par les autres géographes se sont complètement évanouies.

    #carte #cartographie #géographie #découverte #Amérique #Marco_Polo

  • L’antiquité était-elle blanche de peau ?

    " Pour avoir défendu, en 2017, un dessin animé de la BBC qui dépeignait un officier de la légion romaine, habitant l’île ­britannique, sous les traits d’un homme noir, l’historienne Mary Beard, professeure à Cambridge, a été l’objet d’une ­campagne infamante sur les réseaux ­sociaux. Dernièrement, la diffusion d’une série (BBC One/Netflix), « Troie. La chute d’une cité », a suscité de nombreuses critiques : Achille est joué par David Gyasi, un acteur britannique de peau noire. Que vous inspire la vivacité de ces réactions ?

    On ne touche pas à l’Antiquité gréco-romaine ! Depuis la ­Renaissance, au moins, elle est la surface de projection des fantasmes, des désirs et des peurs contemporains. Comme elle ne peut guère se défendre et que, au-delà des spécialistes et des étudiants, la connaissance que le grand public en a se résume à quelques images de péplum, elle est très plastique : conjointement matrice de la démocratie (Athènes), forge des empires (Rome), utopie militaro-homo-érotique (Sparte), etc., elle est un palimpseste qui illustre bien que toute histoire est contemporaine. En l’espèce, elle est le conservatoire supposé d’une identité européenne blanche, bien plus prestigieuse qu’un Moyen Age, qui a ses mérites Charles Martel, les croisades , mais qui apparaît comme irréductiblement mal dégrossi. Il est bien plus valorisant de se réclamer d’un Périclès nimbé de lumière que d’un hobereau sale et velu.

    Comment intervient ici le mythe de la pureté des origines ? Dans vos travaux, vous rappelez que, pour les nazis, la Grèce et Rome ont dû leur chute à un « empoisonnement de leur sang », comme l’écrivait Hitler. Est-ce la même peur de « souiller » l’origine qui se rejoue ?

    A la fin des années 1970, la nouvelle droite française crée une sorte de think tank baptisé GRECE. Ce Groupe de recherche et d’étude sur la civilisation européenne recycle alors sans ­­bar­guigner tous les travaux des spécialistes nazis de la race « nordique » pour réaffirmer que l’Europe ne peut être sauvée, dans un ­contexte de turbulences et de migrations internationales les boat people, à l’époque , que si elle demeure fidèle à son identité originelle supposée. La thèse, assez banale, est ­essentialiste et continuiste : il y a une essence culturelle et ­biologique de l’Europe, et les plumitifs du GRECE en sont les ­rejetons en ligne directe.

    Pour des esprits anxieux en quête d’identité et de repères, la Grèce et Rome sont une bénédiction : les mathématiques, la ­philosophie, le droit, les légions et toute une palette d’amé­nités érotiques ont été inventés par des Blancs européens qui ont su, dit-on, ériger des murs comme Hadrien et porter le fer en Asie et en Afrique. Ce catéchisme à l’usage des identi­taires est consternant.

    Outre les résistances idéologiques, d’autres explications ne peuvent-elles pas être données à ces réticences, ­notamment le fait que nous nous représentons la Grèce ­antique (ses ­temples, ses statues, ses tuniques, ses ­habitants...) comme d’une blancheur uniforme ?

    Le « mythe de la Grèce blanche » a été très travaillé par l’historien Philippe Jockey, qui montre bien que, s’il ne nous reste de la Grèce que le squelette blanchi de ses ruines, l’architectonique et la sculpture grecques étaient chatoyantes, riches de couleurs, comme les cathédrales médiévales. Lieu fantasmé d’une pureté originelle supposée, l’Antiquité était un carrefour d’échanges et de mélanges : les Germains ont commencé à écrire en runes en imitant l’alphabet grec, et la pax romana a permis des circulations et des mobilités à large échelle. Les Zemmour de l’époque dénoncent déjà le « grand remplacement » des Romains des origines par les Levantins, les Arabes et les Juifs : Juvénal s’émeut, dans une formule célèbre, que l’Oronte s’écoule dans le Tibre.

    Les nazis ne s’y étaient pas trompés : dans leur recherche obsessionnelle du moment incontestable de pureté immaculée, ils ne cessent de reculer le terme chronologique. Aux yeux de leurs ­historiens, le Ve siècle avant notre ère est déjà, en Grèce, un ­moment de perdition biologique et culturelle. On voit bien, à cet exemple, combien le fantasme identitaire se détruit lui-même : le raisonnement récursif, la quête de la pureté, est une vis d’Archimède qui enferme les esprits dans des représentations fantasmatiques et dans des cercles vicieux. Au lieu de perdre son temps à ces âneries, on peut tout aussi bien lire ces livres qui nous peignent une Antiquité à hauteur d’hommes qui furent et vécurent : ceux de Paul Veyne, de Corinne Bonnet, de Giusto Traina..."

    [ Johann Chapoutot , Professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne. Spécialiste du nazisme, il est notamment l’auteur du livre Le National-socialisme et l’Antiquité (PUF, 2008).]

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/11/l-antiquite-etait-elle-blanche-de-peau_5297319_3232.html

  • #Accaparement_de_terres : le groupe #Bolloré accepte de négocier avec les communautés locales
    –-> un article qui date de 2014, et qui peut intéresser notamment @odilon, mais aussi d’actualité vue la plainte de Balloré contre le journal pour diffamation. Et c’est le journal qui a gagné en Cour de cassation : https://www.bastamag.net/Bollore-perd-definitivement-son-premier-proces-en-diffamation-intente-a

    Des paysans et villageois du Sierra-Leone, de #Côte_d’Ivoire, du #Cameroun et du #Cambodge sont venus spécialement jusqu’à Paris. Pour la première fois, le groupe Bolloré et sa filiale luxembourgeoise #Socfin, qui gère des #plantations industrielles de #palmiers_à_huile et d’#hévéas (pour le #caoutchouc) en Afrique et en Asie, ont accepté de participer à des négociations avec les communautés locales fédérées en « alliance des riverains des plantations Bolloré-Socfin ». Sous la houlette d’une association grenobloise, Réseaux pour l’action collective transnationale (ReAct), une réunion s’est déroulée le 24 octobre, à Paris, avec des représentants du groupe Bolloré et des communautés touchées par ces plantations.

    Ces derniers dénoncent les conséquences de l’acquisition controversée des terres agricoles, en Afrique et en Asie. Ils pointent notamment du doigt des acquisitions foncières de la #Socfin qu’ils considèrent comme « un accaparement aveugle des terres ne laissant aux riverains aucun espace vital », en particulier pour leurs cultures vivrières. Ils dénoncent également la faiblesse des compensations accordées aux communautés et le mauvais traitement qui serait réservé aux populations. Les représentants africains et cambodgiens sont venus demander au groupe Bolloré et à la Socfin de garantir leur #espace_vital en rétrocédant les terres dans le voisinage immédiat des villages, et de stopper les expansions foncières qui auraient été lancées sans l’accord des communautés.

    https://www.bastamag.net/Accaparement-de-terres-le-groupe-Bollore-accepte-de-negocier-avec-les
    #terres #Sierra_Leone #huile_de_palme

    • Bolloré, #Crédit_agricole, #Louis_Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres
      –-> encore un article de 2012

      Alors que 868 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, selon l’Onu, l’accaparement de terres agricoles par des multinationales de l’#agrobusiness ou des fonds spéculatifs se poursuit. L’équivalent de trois fois l’Allemagne a ainsi été extorqué aux paysans africains, sud-américains ou asiatiques. Les plantations destinées à l’industrie remplacent l’agriculture locale. Plusieurs grandes entreprises françaises participent à cet accaparement, avec la bénédiction des institutions financières. Enquête.

      Au Brésil, le groupe français Louis Dreyfus, spécialisé dans le négoce des matières premières, a pris possession de près de 400 000 hectares de terres : l’équivalent de la moitié de l’Alsace, la région qui a vu naître l’empire Dreyfus, avec le commerce du blé au 19ème siècle. Ces terres sont destinées aux cultures de canne à sucre et de soja. Outre le Brésil, le discret empire commercial s’est accaparé, via ses filiales Calyx Agro ou LDC Bioenergia [1], des terres en Uruguay, en Argentine ou au Paraguay. Si Robert Louis Dreyfus, décédé en 2009, n’avait gagné quasiment aucun titre avec l’Olympique de Marseille, club dont il était propriétaire, il a fait de son groupe le champion français toute catégorie dans l’accaparement des terres.

      Le Groupe Louis-Dreyfus – 56 milliards d’euros de chiffre d’affaires [2] – achète, achemine et revend tout ce que la terre peut produire : blé, soja, café, sucre, huiles, jus d’orange, riz ou coton, dont il est le « leader » mondial via sa branche de négoce, Louis-Dreyfus Commodities. Son jus d’orange provient d’une propriété de 30 000 ha au Brésil. L’équivalent de 550 exploitations agricoles françaises de taille moyenne ! Il a ouvert en 2007 la plus grande usine au monde de biodiesel à base de soja, à Claypool, au Etats-Unis (Indiana). Il possède des forêts utilisées « pour la production d’énergie issue de la biomasse, l’énergie solaire, la géothermie et l’éolien ». Sans oublier le commerce des métaux, le gaz naturel, les produits pétroliers, le charbon et la finance.

      Course effrénée à l’accaparement de terres

      En ces périodes de tensions alimentaires et de dérèglements climatiques, c’est bien l’agriculture qui semble être l’investissement le plus prometteur. « En 5 ans, nous sommes passés de 800 millions à 6,3 milliards de dollars d’actifs industriels liés à l’agriculture », se réjouissait le directeur du conglomérat, Serge Schoen [3]. Le groupe Louis Dreyfus illustre la course effrénée à l’accaparement de terres agricoles dans laquelle se sont lancées de puissantes multinationales. Sa holding figure parmi les cinq premiers gros traders de matières premières alimentaires, avec Archer Daniels Midland (États-Unis), Bunge (basé aux Bermudes), Cargill (États-Unis) et le suisse Glencore. Ces cinq multinationales, à l’acronyme ABCD, font la pluie et le beau temps sur les cours mondiaux des céréales [4].

      L’exemple de Louis Dreyfus n’est pas isolé. États, entreprises publiques ou privées, fonds souverains ou d’investissements privés multiplient les acquisitions – ou les locations – de terres dans les pays du Sud ou en Europe de l’Est. Objectif : se lancer dans le commerce des agrocarburants, exploiter les ressources du sous-sol, assurer les approvisionnements alimentaires pour les États, voire bénéficier des mécanismes de financements mis en œuvre avec les marchés carbone. Ou simplement spéculer sur l’augmentation du prix du foncier. Souvent les agricultures paysannes locales sont remplacées par des cultures industrielles intensives. Avec, à la clé, expropriation des paysans, destruction de la biodiversité, pollution par les produits chimiques agricoles, développement des cultures OGM... Sans que les créations d’emplois ne soient au rendez-vous.

      Trois fois la surface agricole de la France

      Le phénomène d’accaparement est difficile à quantifier. De nombreuses transactions se déroulent dans le plus grand secret. Difficile également de connaître l’origine des capitaux. Une équipe de la Banque mondiale a tenté de mesurer le phénomène. En vain ! « Devant les difficultés opposées au recueil des informations nécessaires (par les États comme les acteurs privés), et malgré plus d’un an de travail, ces chercheurs ont dû pour l’évaluer globalement s’en remettre aux articles de presse », explique Mathieu Perdriault de l’association Agter.

      Selon la base de données Matrice foncière, l’accaparement de terres représenterait 83 millions d’hectares dans les pays en développement. L’équivalent de près de trois fois la surface agricole française (1,7% de la surface agricole mondiale) ! Selon l’ONG Oxfam, qui vient de publier un rapport à ce sujet, « une superficie équivalant à celle de Paris est vendue à des investisseurs étrangers toutes les 10 heures », dans les pays pauvres [5].

      L’Afrique, cible d’un néocolonialisme agricole ?

      L’Afrique, en particulier l’Afrique de l’Est et la République démocratique du Congo, est la région la plus convoitée, avec 56,2 millions d’hectares. Viennent ensuite l’Asie (17,7 millions d’ha), puis l’Amérique latine (7 millions d’ha). Pourquoi certains pays se laissent-il ainsi « accaparer » ? Sous prétexte d’attirer investissements et entreprises, les réglementations fiscales, sociales et environnementales des pays les plus pauvres sont souvent plus propices. Les investisseurs se tournent également vers des pays qui leur assurent la sécurité de leurs placements. Souvent imposées par les institutions financières internationales, des clauses garantissent à l’investisseur une compensation de la part de l’État « hôte » en cas d’expropriation. Des clauses qui peuvent s’appliquer même en cas de grèves ou de manifestations.

      Les acteurs de l’accaparement des terres, privés comme publics, sont persuadés – ou feignent de l’être – que seul l’agrobusiness pourra nourrir le monde en 2050. Leurs investissements visent donc à « valoriser » des zones qui ne seraient pas encore exploitées. Mais la réalité est tout autre, comme le montre une étude de la Matrice Foncière : 45% des terres faisant l’objet d’une transaction sont des terres déjà cultivées. Et un tiers des acquisitions sont des zones boisées, très rentables lorsqu’on y organise des coupes de bois à grande échelle. Des terres sont déclarées inexploitées ou abandonnées sur la foi d’imageries satellites qui ne prennent pas en compte les usages locaux des terres.

      40% des forêts du Liberia sont ainsi gérés par des permis à usage privés [6] (lire aussi notre reportage au Liberia). Ces permis, qui permettent de contourner les lois du pays, concernent désormais 20 000 km2. Un quart de la surface du pays ! Selon Oxfam, 60% des transactions ont eu lieu dans des régions « gravement touchées par le problème de la faim » et « plus des deux tiers étaient destinées à des cultures pouvant servir à la production d’agrocarburants comme le soja, la canne à sucre, l’huile de palme ou le jatropha ». Toujours ça que les populations locales n’auront pas...

      Quand AXA et la Société générale se font propriétaires terriens

      « La participation, largement médiatisée, des États au mouvement d’acquisition massive de terre ne doit pas masquer le fait que ce sont surtout les opérateurs privés, à la poursuite d’objectifs purement économiques et financiers, qui forment le gros bataillon des investisseurs », souligne Laurent Delcourt, chercheur au Cetri. Les entreprises publiques, liées à un État, auraient acheté 11,5 millions d’hectares. Presque trois fois moins que les investisseurs étrangers privés, propriétaires de 30,3 millions d’hectares. Soit la surface de l’Italie ! Si les entreprises états-uniennes sont en pointe, les Européens figurent également en bonne place.

      Banques et assurances françaises se sont jointes à cette course à la propriété terrienne mondiale. L’assureur AXA a investi 1,2 milliard de dollars dans la société minière britannique Vedanta Resources PLC, dont les filiales ont été accusées d’accaparement des terres [7]. AXA a également investi au moins 44,6 millions de dollars dans le fond d’investissement Landkom (enregistré dans l’île de Man, un paradis fiscal), qui loue des terres agricoles en Ukraine. Quant au Crédit Agricole, il a créé – avec la Société générale – le fonds « Amundi Funds Global Agriculture ». Ses 122 millions de dollars d’actifs sont investis dans des sociétés telles que Archer Daniels Midland ou Bunge, impliquées comme le groupe Louis Dreyfus dans l’acquisition de terres à grande échelle. Les deux banques ont également lancé le « Baring Global Agriculture Fund » (133,3 millions d’euros d’actifs) qui cible les sociétés agro-industrielles. Les deux établissement incitent activement à l’acquisition de terres, comme opportunité d’investissement. Une démarche socialement responsable ?

      Vincent Bolloré, gentleman farmer

      Après le groupe Louis Dreyfus, le deuxième plus gros investisseur français dans les terres agricoles se nomme Vincent Bolloré. Son groupe, via l’entreprise Socfin et ses filiales Socfinaf et Socfinasia, est présent dans 92 pays dont 43 en Afrique. Il y contrôle des plantations, ainsi que des secteurs stratégiques : logistique, infrastructures de transport, et pas moins de 13 ports, dont celui d’Abidjan. L’empire Bolloré s’est développée de façon spectaculaire au cours des deux dernières décennies « en achetant des anciennes entreprises coloniales, et [en] profitant de la vague de privatisations issue des "ajustements structurels" imposés par le Fonds monétaire international », constate le Think tank états-unien Oakland Institute.

      Selon le site du groupe, 150 000 hectares plantations d’huile de palme et d’hévéas, pour le caoutchouc, ont été acquis en Afrique et en Asie. L’équivalent de 2700 exploitations agricoles françaises ! Selon l’association Survie, ces chiffres seraient en deçà de la réalité. Le groupe assure ainsi posséder 9 000 ha de palmiers à huile et d’hévéas au Cameroun, là où l’association Survie en comptabilise 33 500.

      Expropriations et intimidations des populations

      Quelles sont les conséquences pour les populations locales ? Au Sierra Leone,
      Bolloré a obtenu un bail de 50 ans sur 20 000 hectares de palmier à huile et 10 000 hectares d’hévéas. « Bien que directement affectés, les habitants de la zone concernée semblent n’avoir été ni informés ni consultés correctement avant le lancement du projet : l’étude d’impact social et environnemental n’a été rendue publique que deux mois après la signature du contrat », raconte Yanis Thomas de l’association Survie. En 2011, les villageois tentent de bloquer les travaux sur la plantation. Quinze personnes « ont été inculpées de tapage, conspiration, menaces et libérées sous caution après une âpre bataille judiciaire. » Bolloré menace de poursuivre en justice pour diffamation The Oakland Institute, qui a publié un rapport en 2012 sur le sujet pour alerter l’opinion publique internationale.

      Au Libéria, le groupe Bolloré possède la plus grande plantation d’hévéas du pays, via une filiale, la Liberia Agricultural Company (LAC). En mai 2006, la mission des Nations Unies au Libéria (Minul) publiait un rapport décrivant les conditions catastrophiques des droits humains sur la plantation : travail d’enfants de moins de 14 ans, utilisation de produits cancérigènes, interdiction des syndicats, licenciements arbitraires, maintien de l’ordre par des milices privées, expulsion de 75 villages…. La LAC a qualifié les conclusions de la Minul « de fabrications pures et simples » et « d’exagérations excessives ». Ambiance... Plusieurs années après le rapport des Nations Unies, aucune mesure n’a été prise par l’entreprise ou le gouvernement pour répondre aux accusations.

      Une coopératives agricole qui méprise ses salariés

      Autre continent, mêmes critiques. Au Cambodge, la Socfinasia, société de droit luxembourgeois détenue notamment par le groupe Bolloré a conclu en 2007 un joint-venture qui gère deux concessions de plus de 7 000 hectares dans la région de Mondulkiri. La Fédération internationale des Droits de l’homme (FIDH) a publié en 2010 un rapport dénonçant les pratiques de la société Socfin-KCD. « Le gouvernement a adopté un décret spécial permettant l’établissement d’une concession dans une zone anciennement protégée, accuse la FIDH. Cette situation, en plus d’autres violations documentées du droit national et des contrats d’investissement, met en cause la légalité des concessions et témoigne de l’absence de transparence entourant le processus d’approbation de celles-ci. » Suite à la publication de ce rapport, la Socfin a menacé l’ONG de poursuites pour calomnie et diffamation.

      Du côté des industries du sucre, la situation n’est pas meilleure. Depuis 2007, le géant français du sucre et d’éthanol, la coopérative agricole Tereos, contrôle une société mozambicaine [8]. Tereos exploite la sucrerie de Sena et possède un bail de 50 ans (renouvelable) sur 98 000 hectares au Mozambique. Le contrat passé avec le gouvernement prévoit une réduction de 80% de l’impôt sur le revenu et l’exemption de toute taxe sur la distribution des dividendes. Résultat : Tereos International réalise un profit net de 194 millions d’euros en 2010, dont 27,5 millions d’euros ont été rapatriés en France sous forme de dividendes. « De quoi mettre du beurre dans les épinards des 12 000 coopérateurs français de Tereos », ironise le journaliste Fabrice Nicolino. Soit un dividende de 2 600 euros par agriculteur français membre de la coopérative. Pendant ce temps, au Mozambique, grèves et manifestations se sont succédé dans la sucrerie de Sena : bas salaires (48,4 euros/mois), absence d’équipements de protection pour les saisonniers, nappe phréatique polluée aux pesticides... Ce doit être l’esprit coopératif [9].

      Fermes et fazendas, nouvelles cibles de la spéculation

      Connues ou non, on ne compte plus les entreprises et les fonds d’investissement français qui misent sur les terres agricoles. Bonduelle, leader des légumes en conserve et congelés, possède deux fermes de 3 000 hectares en Russie où il cultive haricots, maïs et pois. La célèbre marque cherche à acquérir une nouvelle exploitation de 6 000 ha dans le pays. Fondée en 2007 par Jean-Claude Sabin, ancien président de la pieuvre Sofiproteol (aujourd’hui dirigée par Xavier Beulin président de la FNSEA), Agro-énergie Développement (AgroEd) investit dans la production d’agrocarburants et d’aliments dans les pays en développement. La société appartient à 51% au groupe d’investissement LMBO, dont l’ancien ministre de la Défense, Charles Millon, fut l’un des directeurs. Les acquisitions de terres agricoles d’AgroEd en Afrique de l’Ouest sont principalement destinées à la culture du jatropha, transformé ensuite en agrocarburants ou en huiles pour produits industriels. Mais impossible d’obtenir plus de précisions. Les sites internet de LMBO et AgroED sont plus que discrets sur le sujet. Selon une note de l’OCDE, AgroEd aurait signé un accord avec le gouvernement burkinabé concernant 200 000 hectares de Jatropha, en 2007, et négocient avec les gouvernements du Bénin, de Guinée et du Mali.

      « Compte tenu de l’endettement massif des États et des politiques monétaires très accommodantes, dans une optique de protection contre l’inflation, nous recommandons à nos clients d’investir dans des actifs réels et notamment dans les terres agricoles de pays sûrs, disposant de bonnes infrastructures, comme l’Argentine », confie au Figaro Franck Noël-Vandenberghe, le fondateur de Massena Partners. Ce gestionnaire de fortune français a crée le fond luxembourgeois Terra Magna Capital, qui a investi en 2011 dans quinze fermes en Argentine, au Brésil, au Paraguay et en Uruguay. Superficie totale : 70 500 hectares, trois fois le Val-de-Marne ! [10]

      Le maïs aussi rentable que l’or

      Conséquence de ce vaste accaparement : le remplacement de l’agriculture vivrière par la culture d’agrocarburants, et la spéculation financière sur les terres agricoles. Le maïs a offert, à égalité avec l’or, le meilleur rendement des actifs financiers sur ces cinq dernières années, pointe une étude de la Deutsche Bank. En juin et juillet 2012, les prix des céréales se sont envolés : +50 % pour le blé, +45% pour le maïs, +30 % pour le soja, qui a augmenté de 60 % depuis fin 2011 ! Les prix alimentaires devraient « rester élevés et volatils sur le long terme », prévoit la Banque mondiale. Pendant ce temps, plus d’un milliard d’individus souffrent de la faim. Non pas à cause d’une pénurie d’aliments mais faute d’argent pour les acheter.

      Qu’importe ! Au nom du développement, l’accaparement des terres continuent à être encouragé – et financé ! – par les institutions internationales. Suite aux famines et aux émeutes de la faim en 2008, la Banque mondiale a créé un « Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale » (GFRP). Avec plus de 9 milliards de dollars en 2012, son fonds de « soutien » au secteur agricole a plus que doublé en quatre ans. Via sa Société financière internationale (SFI), l’argent est distribué aux acteurs privés dans le cadre de programme aux noms prometteurs : « Access to land » (accès à la terre) ou « Land market for investment » (marché foncier pour l’investissement).

      Des placements financiers garantis par la Banque mondiale

      Les deux organismes de la Banque mondiale, SFI et FIAS (Service Conseil pour l’Investissement Étranger) facilitent également les acquisitions en contribuant aux grandes réformes législatives permettant aux investisseurs privés de s’installer au Sierra Leone, au Rwanda, au Liberia ou au Burkina Faso… Quels que soient les continents, « la Banque mondiale garantit nos actifs par rapport au risque politique », explique ainsi l’homme d’affaire états-unien Neil Crowder à la BBC en mars 2012, qui rachète des petites fermes en Bulgarie pour constituer une grosse exploitation. « Notre assurance contre les risques politiques nous protège contre les troubles civils ou une impossibilité d’utiliser nos actifs pour une quelconque raison ou en cas d’expropriation. »

      Participation au capital des fonds qui accaparent des terres, conseils et assistances techniques aux multinationales pour améliorer le climat d’investissement des marchés étrangers, négociations d’accords bilatéraux qui créent un environnement favorable aux transactions foncières : la Banque mondiale et d’autres institutions publiques – y compris l’Agence française du développement – favorisent de fait « la concentration du pouvoir des grandes firmes au sein du système agroalimentaire, (...) la marchandisation de la terre et du travail et la suppression des interventions publiques telles que le contrôle des prix ou les subventions aux petits exploitants », analyse Elisa Da Via, sociologue du développement [11].

      Oxfam réclame de la Banque mondiale « un gel pour six mois de ses investissements dans des terres agricoles » des pays en développement, le temps d’adopter « des mesures d’encadrement plus rigoureuses pour prévenir l’accaparement des terres ». Que pense en France le ministère de l’Agriculture de ces pratiques ? Il a présenté en septembre un plan d’action face à la hausse du prix des céréales. Ses axes prioritaires : l’arrêt provisoire du développement des agrocarburants et la mobilisation du G20 pour « assurer une bonne coordination des politiques des grands acteurs des marchés agricoles » Des annonces bien vagues face à l’ampleur des enjeux : qui sont ces « grands acteurs des marchés agricoles » ? S’agit-il d’aider les populations rurales des pays pauvres à produire leurs propres moyens de subsistance ou de favoriser les investissements de l’agrobusiness et des fonds spéculatifs sous couvert de politique de développement et de lutte contre la malnutrition ? Les dirigeants français préfèrent regarder ailleurs, et stigmatiser l’immigration.

      Nadia Djabali, avec Agnès Rousseaux et Ivan du Roy

      Photos : © Eric Garault
      P.-S.

      – L’ONG Grain a publié en mars 2012 un tableau des investisseurs

      – La rapport d’Oxfam, « Notre terre, notre vie » - Halte à la ruée mondiale sur les terres, octobre 2012

      – Le rapport des Amis de la Terre Europe (en anglais), janvier 2012 : How European banks, pension funds and insurance companies are increasing global hunger and poverty by speculating on food prices and financing land grabs in poorer countries.

      – Un observatoire de l’accaparement des terres

      – A lire : Emprise et empreinte de l’agrobusiness, aux Editions Syllepse.
      Notes

      [1] « En octobre 2009, LDC Bioenergia de Louis Dreyfus Commodities a fusionné avec Santelisa Vale, un important producteur de canne à sucre brésilien, pour former LDC-SEV, dont Louis Dreyfus détient 60% », indique l’ONG Grain.

      [2] Le groupe Louis Dreyfus ne publie pas de résultats détaillés. Il aurait réalisé en 2010 un chiffre d’affaires de 56 milliards d’euros, selon L’Agefi, pour un bénéfice net de 590 millions d’euros. La fortune de Margarita Louis Dreyfus, présidente de la holding, et de ses trois enfants, a été évaluée par le journal Challenges à 6,6 milliards d’euros.

      [3] Dans Le Nouvel Observateur.

      [4] L’ONG Oxfam a publié en août 2012 un rapport (en anglais) décrivant le rôle des ABCD.

      [5] Selon Oxfam, au cours des dix dernières années, une surface équivalente à huit fois la superficie du Royaume-Uni a été vendue à l’échelle mondiale. Ces terres pourraient permettre de subvenir aux besoins alimentaires d’un milliard de personnes.

      [6] D’après les ONG Global Witness, Save My Future Foundation (SAMFU) et Sustainable Development Institute (SDI).

      [7] Source : Rapport des Amis de la Terre Europe.

      [8] Sena Holdings Ltd, via sa filiale brésilienne Açúcar Guaraní.

      [9] Une autre coopérative agricole, Vivescia (Ex-Champagne Céréales), spécialisée dans les céréales, investit en Ukraine aux côtés Charles Beigbeder, fondateur de Poweo (via un fonds commun, AgroGeneration). Ils y disposent de 50 000 hectares de terres agricoles en location.

      [10] La liste des entreprises françaises dans l’accaparement des terres n’est pas exhaustive : Sucres & Denrée (Sucden) dans les régions russes de Krasnodar, Campos Orientales en Argentine et en Uruguay, Sosucam au Cameroun, la Compagnie Fruitière qui cultive bananes et ananas au Ghana…

      [11] Emprise et empreinte de l’agrobusiness, aux Editions Syllepse.


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    • Crime environnemental : sur la piste de l’huile de palme

      L’huile de palme est massivement importée en Europe. Elle sert à la composition d’aliments comme aux agrocarburants. Avec le soutien de la région Languedoc-Roussillon, une nouvelle raffinerie devrait voir le jour à Port-la-Nouvelle, dans l’Aude. À l’autre bout de la filière, en Afrique de l’Ouest, l’accaparement de terres par des multinationales, avec l’expropriation des populations, bat son plein. Basta ! a remonté la piste du business de l’huile de palme jusqu’au #Liberia. Enquête.

      Quel est le point commun entre un résident de Port-la-Nouvelle, petite ville méditerranéenne à proximité de Narbonne (Aude), et un villageois du comté de Grand Cape Mount, au Liberia ? Réponse : une matière première très controversée, l’huile de palme, et une multinationale malaisienne, #Sime_Darby. D’un côté, des habitants de Port-la-Nouvelle voient d’un mauvais œil la création d’« une usine clés en main de fabrication d’huile de palme » par Sime Darby, en partie financée par le conseil régional du Languedoc-Roussillon. À 6 000 km de là, les paysans libériens s’inquiètent d’une immense opération d’accaparement des terres orchestrée par le conglomérat malaisien, en vue d’exploiter l’huile de palme et de l’exporter vers l’Europe, jusqu’à Port-la-Nouvelle en l’occurrence. Un accaparement de terres qui pourrait déboucher sur des déplacements forcés de population et mettre en danger leur agriculture de subsistance.

      Le petit port de l’Aude devrait donc accueillir une raffinerie d’huile de palme. Deux compagnies, la néerlandaise #Vopak et le malaisien #Unimills – filiale du groupe Sime Darby – sont sur les rangs, prêtes à investir 120 millions d’euros, venant s’ajouter aux 170 millions d’euros du conseil régional. La Région promet la création de 200 emplois, quand Sime Darby en annonce 50 pour cette usine qui prévoit d’importer 2 millions de tonnes d’huile de palme par an [1].

      Du Languedoc-Roussillon au Liberia

      Une perspective loin de réjouir plusieurs habitants réunis au sein du collectif No Palme [2]. Ces riverains d’une zone Seveso ont toujours en tête l’importante explosion de juillet 2010 dans la zone portuaire, après qu’un camion transportant du GPL se soit renversé. « La population n’a jamais été consultée ni informée de ce projet de raffinerie, relève Pascal Pavie, de la fédération Nature et Progrès. Ces installations présentent pourtant un risque industriel surajouté. » Le mélange du nitrate d’ammonium – 1 500 tonnes acheminées chaque mois à Port-la-Nouvelle – avec de l’huile végétale constituerait un explosif cocktail. Avec les allers et venues de 350 camions supplémentaires par jour. Cerise sur le gâteau, l’extension du port empièterait sur une zone côtière riche en biodiversité. « Notre collectif s’est immédiatement intéressé au versant international et européen de ce projet », explique Pascal.

      L’opérateur du projet, Sime Darby, est un immense conglomérat malaisien, se présentant comme « le plus grand producteur mondial d’huile de palme ». Présent dans 21 pays, il compte plus de 740 000 hectares de plantations, dont plus d’un tiers au Liberia. Et c’est là que remonte la piste de l’huile que l’usine devra raffiner.

      De Monrovia, la capitale, elle mène à Medina, une ville de Grand Cape Mount. D’immenses panneaux de Sime Darby promettent « un avenir durable ». Scrupuleusement gardés par des forces de sécurité privées recrutées par la compagnie, quelques bâtiments en béton émergent au milieu des pépinières d’huile de palme. C’est là que les futurs employés pourront venir vivre avec leurs familles. 57 « villages de travail » seront construits d’ici à 2025, promet la firme. Mais quid des habitants qui ne travailleront pas dans les plantations ? L’ombre d’un déplacement forcé de populations plane. « Quand Sime Darby a commencé à s’installer, ils ont dit qu’ils nous fourniraient des centres médicaux, des écoles, du logement… Mais nous n’avons rien vu, se désole Radisson, un jeune habitant de Medina qui a travaillé pour l’entreprise. Comment pourraient-ils nous déplacer alors qu’aucune infrastructure n’est prévue pour nous accueillir ? »

      Agriculture familiale menacée

      Le village de Kon Town est désormais entouré par les plantations. Seuls 150 mètres séparent les maisons des pépinières d’huile de palme. « Le gouvernement a accordé des zones de concession à la compagnie sans se rendre sur le terrain pour faire la démarcation », déplore Jonathan Yiah, des Amis de la Terre Liberia. Un accaparement qui priverait les habitants des terres cultivables nécessaires à leur subsistance. Les taux d’indemnisation pour la perte de terres et de cultures sont également sous-évalués. « Comment vais-je payer les frais scolaires de mes enfants maintenant ? », s’insurge une habitante qui ne reçoit qu’un seul sac de riz pour une terre qui, auparavant, donnait du manioc, de l’ananas et du gombo à foison.

      La compagnie Sime Darby se défend de vouloir déplacer les communautés. Pourtant, un extrait de l’étude d’impact environnemental, financée par la compagnie elle-même, mentionne clairement la possibilité de réinstallation de communautés, si ces dernières « entravent le développement de la plantation » [3]. Du côté des autorités, on dément. Cecil T.O. Brandy, de la Commission foncière du Liberia, assure que le gouvernement fait tout pour « minimiser et décourager tout déplacement. Si la compagnie peut réhabiliter ou restaurer certaines zones, ce sera préférable ». Faux, rétorque les Amis de la Terre Liberia. « En laissant une ville au milieu d’une zone de plantations, et seulement 150 mètres autour pour cultiver, plutôt que de leur dire de quitter cette terre, on sait que les habitants finiront par le faire volontairement », dénonce James Otto, de l’ONG. Pour les 10 000 hectares déjà défrichés, l’association estime que 15 000 personnes sont d’ores et déjà affectées.

      Des emplois pas vraiment durables

      L’emploi créé sera-t-il en mesure de compenser le désastre environnemental généré par l’expansion des monocultures ? C’est ce qu’espère une partie de la population du comté de Grand Cape Mount, fortement touchée par le chômage. Sime Darby déclare avoir déjà embauché plus de 2 600 travailleurs permanents, auxquels s’ajouteraient 500 travailleurs journaliers. Quand l’ensemble des plantations seront opérationnelles, « Sime Darby aura créé au moins 35 000 emplois », promet la firme. Augustine, un jeune de Kon Town, y travaille depuis deux ans. D’abord sous-traitant, il a fini par être embauché par la compagnie et a vu son salaire grimper de 3 à 5 dollars US pour huit heures de travail par jour. Tout le monde ne semble pas avoir cette « chance » : 90 % du personnel de l’entreprise disposent de contrats à durée déterminée – trois mois en général – et sous-payés ! Les chiffres varient selon les témoignages, de 50 cents à 3 dollars US par jour, en fonction de la récolte réalisée. « Dans quelle mesure ces emplois sont-ils durables ?, interroge Jonathan, des Amis de la Terre Liberia. Une fois que les arbres seront plantés et qu’ils commenceront à pousser, combien d’emplois l’entreprise pourra-t-elle maintenir ? »

      L’opacité entourant le contrat liant le gouvernement à Sime Darby renforce les tensions [4]. Malgré l’adoption d’une loi sur les droits des communautés, les communautés locales n’ont pas été informées, encore moins consultées. « Sime Darby s’est entretenu uniquement avec les chefs des communautés, raconte Jonathan Yiah. Or, la communauté est une unité diversifiée qui rassemble aussi des femmes, des jeunes, qui ont été écartés du processus de consultation. »

      Contrat totalement opaque

      Même de nombreux représentants d’agences gouvernementales ou de ministères ignorent tout du contenu du contrat, certains nous demandant même de leur procurer une copie. C’est ainsi que notre interlocuteur au ministère des Affaires intérieures a découvert qu’une partie du contrat portait sur le marché des crédits carbone. Des subventions qui iront directement dans la poche de la multinationale, comme le mentionne cet extrait en page 52 du contrat : « Le gouvernement inconditionnellement et irrévocablement (...) renonce, en faveur de l’investisseur, à tout droit ou revendication sur les droits du carbone. »

      « C’est à se demander si les investisseurs son vraiment intéressés par l’huile de palme ou par les crédits carbone », ironise Alfred Brownell, de l’ONG Green Advocates. « Nous disons aux communautés que ce n’est pas seulement leurs terres qui leur sont enlevées, ce sont aussi les bénéfices qui en sont issus », explique Jonathan Yiah.

      La forêt primaire remplacée par l’huile de palme ?

      Les convoitises de la multinationale s’étendent bien au-delà. Le militant écologiste organise depuis des mois des réunions publiques avec les habitants du comté de Gbarpolu, plus au nord. Cette région abrite une grande partie de la forêt primaire de Haute-Guinée. Sime Darby y a obtenu une concession de 159 827 hectares… Du contrat, les habitants ne savaient rien, jusqu’à ce que les Amis de la Terre Liberia viennent le leur présenter. La question de la propriété foncière revient sans cesse. « Comment le gouvernement peut-il céder nos terres à une compagnie alors même que nous détenons des titres de propriété ? », interrogent-ils. La crainte relative à la perte de leurs forêts, de leurs terres agricoles, d’un sol riche en or et en diamants s’installe.

      Lors d’une réunion, au moment où James énonce la durée du contrat, 63 ans – reconductible 30 ans ! –, c’est la colère qui prend le pas. « Que deviendront mes enfants au terme de ces 63 années de contrat avec Sime Darby ? », se désespère Kollie, qui a toujours vécu de l’agriculture, comme 70 % de la population active du pays. Parmi les personnes présentes, certaines, au contraire, voient dans la venue de Sime Darby la promesse d’investissements dans des hôpitaux, des écoles, des routes, mais aussi dans de nouveaux systèmes d’assainissement en eau potable. Et, déjà, la peur de nouveaux conflits germent. « Nous ne voulons de personne ici qui ramène du conflit parmi nous », lance Frederick. Les plaies des deux guerres civiles successives (1989-1996, puis 2001-2003) sont encore ouvertes. Près d’un million de personnes, soit un Libérien sur trois, avaient alors fui vers les pays voisins.

      Mea culpa gouvernemental

      « En signant une série de contrats à long terme accordant des centaines de milliers d’hectares à des conglomérats étrangers, le gouvernement voulait relancer l’économie et l’emploi, analyse James, des Amis de la Terre Liberia. Mais il n’a pas vu toutes les implications ». D’après un rapport de janvier 2012 réalisé par le Centre international de résolution des conflits, près de 40 % de la population libérienne vivraient à l’intérieur de concessions privées ! Aux côtés de Sime Darby, deux autres compagnies, la britannique Equatorial Palm Oil et l’indonésienne Golden Veroleum, ont acquis respectivement 169 000 et 240 000 hectares pour planter de l’huile de palme.

      Dans le comté de Grand Cape Mount, en décembre 2011, des habitants se sont saisis des clés des bulldozers de Sime Darby afin d’empêcher la poursuite de l’expansion des plantations et d’exiger des négociations. Une équipe interministérielle a depuis été mise en place, où siègent des citoyens du comté. « Oui, il y a eu des erreurs dans l’accord », reconnait-on à la Commission foncière. « Nous essayons de trouver des solutions pour que chacun en sorte gagnant », renchérit-on au ministère des Affaires intérieures. Difficile à croire pour les habitants du comté, qui n’ont rien vu, jusque-là, des grandes promesses philanthropes de Sime Darby.

      De l’huile de palme dans les agrocarburants

      Et si le changement venait des pays où l’on consomme de l’huile de palme ? Retour dans l’Aude, au pied du massif des Corbières. En décembre 2011, Sime Darby a annoncé geler pour un an son projet d’implantation de raffinerie à Port-la-Nouvelle. Les prévisions de commandes d’huile de palme sont en baisse, alors que le coût de l’usine grimpe. L’huile de palme commence à souffrir de sa mauvaise réputation, alimentaire et environnementale. De nombreuses marques l’ont retirée de la composition de leurs produits. L’huile de palme contribuerait à la malbouffe. Une fois solidifiée par injection d’hydrogène, elle regorge d’acides gras qui s’attaquent aux artères : un cauchemar pour les nutritionnistes. Dans les enseignes bios, elle commence également à être pointée du doigt comme l’une des causes de la déforestation, en Indonésie, en Afrique ou en Amérique latine. Pourtant, bien que la grande distribution réduise son besoin en huile de palme, cette dernière demeure aujourd’hui, et de loin, la première huile végétale importée en Europe. Merci les agrocarburants…

      « La consommation moyenne d’un Européen est d’environ 12 litres/an d’huile de palme, ce qui représente un accaparement d’environ 25 m2 de plantation de palmiers à huile dans un autre pays », souligne Sylvain Angerand, des Amis de la Terre France. « Relocaliser l’économie, développer les transports en commun, lutter contre l’étalement urbain seraient autant de mesures structurelles permettant de réduire notre consommation de carburant », propose l’écologiste. Réduire nos besoins ici, en Europe, pourrait diminuer partiellement l’accaparement des terres dans le Sud. À Port-la-Nouvelle, le collectif No Palme planche déjà sur des plans de développement alternatif pour le port. Avec en tête, les témoignages de leurs compères libériens.

      https://www.bastamag.net/Crime-environnemental-sur-la-piste