• Giorgia Meloni érige la stratégie migratoire de l’Italie en modèle
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/09/28/immigration-en-europe-giorgia-meloni-erige-la-strategie-migratoire-de-l-ital

    Giorgia Meloni érige la stratégie migratoire de l’Italie en modèle
    Par Allan Kaval (Rome, correspondant) et Nissim Gasteli (Tunis, correspondant)
    Publié le 28 septembre 2024 à 14h00, modifié hier à 09h11
    La politique étrangère que mène, depuis son accession au pouvoir il y a deux ans, la présidente du conseil italienne, Giorgia Meloni, est dominée par une priorité : la lutte contre l’immigration irrégulière. Le thème a été de tous ses discours, de toutes ses rencontres internationales, jusqu’à la tribune des Nations unies où elle a répété, mardi 24 septembre, son mot d’ordre habituel : la défense du « droit à ne pas émigrer ».
    Ses efforts portent sur la construction de partenariats économiques, encore balbutiants, avec des Etats du continent africain, mais ils se sont surtout traduits par une externalisation toujours plus prononcée du contrôle des frontières européennes sur la rive sud de la Méditerranée. Et cela malgré les graves violations des droits humains qui y sont commises contre les migrants désireux de rejoindre l’Europe. Sur ce front, où la Tunisie est son principal partenaire, Mme Meloni a remporté un succès certain aux yeux de son électorat. Les arrivées sur les côtes italiennes ont connu une baisse remarquable. Le 25 septembre, on en comptait 47 569 pour l’année 2024 contre 133 098 à la même période en 2023, selon les chiffres du ministère de l’intérieur italien. Par ailleurs, d’après les données de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières, les flux sur la route migratoire de la Méditerranée centrale ont diminué de 61 %.
    La présidente du conseil a aussi su utiliser la question migratoire comme un levier d’influence internationale pour l’Italie. Elle est devenue incontournable pour le dossier à Bruxelles et érige désormais sa stratégie en modèle. Elle a d’ailleurs bénéficié du soutien appuyé et constant de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur ce dossier. La dirigeante d’extrême droite a aussi reçu les louanges du premier ministre britannique, Keir Starmer (Parti travailliste), qui, en visite officielle à Rome le 16 septembre, a salué les « remarquables progrès » de l’Italie dans sa lutte contre les entrées illégales.
    Au ministère de l’intérieur allemand, dirigé par la sociale-démocrate Nancy Faeser, on parle même de « modèle albanais » pour désigner les centres de rétention de droit italien que Rome construit en Albanie pour traiter les demandes d’asile de certains migrants. La question migratoire a d’ailleurs été au cœur d’un entretien entre Mme Meloni et son homologue allemand, Olaf Scholz, jeudi 26 septembre, les deux parties convenant de maintenir une « liaison étroite » sur le sujet « en vue des prochains conseils européens ». « En Europe, la dimension interne de la migration, la répartition des migrants, est une source de conflit. En l’abordant par sa dimension externe, Giorgia Meloni peut mettre tout le monde d’accord et rallier à sa méthode », analyse Matteo Villa, spécialiste de la question migratoire à l’Istituto per gli studi di politica internazionale, un centre de recherche milanais.
    Si l’accord passé avec Tirana est un de ses succès diplomatiques les plus spectaculaires, Mme Meloni a multiplié les déplacements en Afrique du Nord. Elle s’est rendue de manière répétée en Libye, avec qui le protocole d’accord sur le soutien aux gardes-côtes a été renouvelé en 2023. En mars 2024, elle était en Egypte avec Mme von der Leyen et trois chefs de gouvernement européens pour la signature d’un accord avec l’Union européenne (UE) portant notamment sur le contrôle des flux migratoires et prévoyant un soutien de 7 milliards d’euros au Caire.
    « Rome mise sur le lien entre développement et immigration pour parler avec les pays de transit comme avec les pays de départs en Afrique subsaharienne », explique Akram Ezzamouri du centre de recherche Istituto affari internazionali. A la présidence du conseil, on fait, en effet, savoir que la clé de cette politique serait de ne pas parler uniquement de migrations avec les interlocuteurs africains, mais d’insister sur des coopérations économiques, censées faire reculer les causes profondes des flux migratoires.
    La destination prioritaire de Mme Meloni reste la Tunisie de l’autocrate Kaïs Saïed, adepte comme certains partisans de la présidente du conseil de la théorie raciste du « grand remplacement ». Elle s’y est rendue quatre fois. En juillet 2023, accompagnée de Mme von der Leyen, elle a conclu un accord avec Tunis conditionnant de fait une aide budgétaire de 150 millions d’euros en plus d’un transfert de 105 millions d’euros destinés au contrôle des frontières à la lutte de Tunis contre les migrations irrégulières.
    Si sa mise en œuvre a tardé, ses effets se font désormais ressentir avec brutalité sur les côtes tunisiennes. Les autorités ont renforcé leur présence le long du littoral nord du gouvernorat de Sfax, principale zone de départ vers l’Italie. Avec le déploiement d’hélicoptères et d’unités spéciales, elles ont dépêché d’importants moyens pour cibler l’économie illicite de la frontière. De nombreux passeurs ont ainsi été arrêtés et plusieurs ateliers de fabrication de bateaux en métal ont été démantelés, affaiblissant considérablement ces réseaux.
    La reprise en main s’est accompagnée d’une violente répression des migrants par les autorités tunisiennes, qui ont systématisé les expulsions vers les frontières algériennes et libyennes des candidats à l’exil interceptés en mer, comme l’a montré une enquête du Monde et de ses partenaires de Lighthouse Reports, publiée en mai 2024. Les personnes migrantes qui avaient trouvé refuge à Sfax à la suite des violences racistes du début de l’été ont été déplacées vers la région rurale d’El-Amra. D’autres ont subi des agressions sexuelles et des actes de torture. Mardi, un collectif lié à l’opposition
    Pour Camille Cassarini, chercheur à l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, à Tunis, l’accord entre Bruxelles et Tunis est « forcément une solution court-termiste. D’abord, sa mise en œuvre nécessite un coût logistique et financier considérable, qui ne peut être tenu de manière indéfinie par les acteurs sécuritaires dans la région. Ensuite, et c’est le plus problématique, il a un coût humain très important. Cette solution entame le socle des droits humains sur lequel reposent les démocraties européennes et la démocratie tunisienne ».
    Si les départs de Tunisie sont désormais limités, les arrivées explosent aux Canaries. Sur la route migratoire de l’ouest de l’Afrique, les flux ont augmenté de 174 % selon Frontex. « Il est toujours délicat de dresser des liens de cause à effet sur des routes aussi distantes, mais on sait très bien qu’elles sont connectées. Toute route migratoire est définie par sa réversibilité : lorsqu’une se ferme, une autre s’ouvre », observe M. Cassarini.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#tunisie#albanie#routemigratoire#migrationirreguliere#frontex#canaries#immigration#developpement

    • La France se rapproche de l’Italie sur la question migratoire
      https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/05/la-france-se-rapproche-de-l-italie-sur-la-question-migratoire_6344028_3210.h

      Bruno Retailleau a participé à une réunion des ministres de l’intérieur du G7, en Campanie, consacrée au trafic de migrants.
      Par Allan Kaval (Rome, correspondant)

      Pour sa première rencontre internationale, le ministre de l’intérieur français, Bruno Retailleau, s’est rallié sur la question migratoire à l’approche du gouvernement italien dominé par l’#extrême_droite de Giorgia Meloni, tournant la page d’une relation abîmée par ce dossier sous la majorité précédente à Paris.

      Vendredi 4 octobre, à l’occasion du sommet du #G7 des ministres de l’intérieur, présidé par l’Italie, qui s’est tenu en Campanie, il a notamment annoncé avec son homologue, Matteo Piantedosi, la signature d’une déclaration d’intention sur la création d’une unité de recherche opérationnelle franco-italienne. Vouée à l’échange de renseignements sur le « trafic de #migrants », cette nouvelle entité devrait s’installer à Vintimille. Près de la frontière française, la ville et ses environs sont un lieu de passage de migrants, de refoulement et de tensions depuis que Paris y a rétabli les contrôles en 2015.

      Plus largement, la position de la France se rapproche de la méthode de Mme Meloni, avec l’#externalisation renforcée sur la rive sud de la Méditerranée du #contrôle_des_frontières au moyen d’accords avec les pays de transit et de départ. M. Retailleau a d’ailleurs affirmé, lors de la session plénière sur les #migrations, que l’Italie avait joué à cet égard un rôle de précurseur auquel la France entendait désormais s’associer.

      Seul le résultat compte

      L’approche italienne, présentée comme obéissant au principe de « donnant-donnant » implique d’obtenir un renforcement de la répression des migrations irrégulières contre des accords économiques. A cet égard, le pacte passé entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie en juillet 2023 sert de modèle. Et ce en dépit des graves violations des droits de l’homme à l’encontre des personnes migrantes qui ont été documentées dans le pays. Vu des capitales européennes, seul le résultat compte : les flux ont chuté de 61 % sur la route migratoire de Méditerranée centrale lors des six premiers mois de 2024 d’après les chiffres de #Frontex, l’agence européenne de gardes-frontières.

      Vendredi, l’Italie a d’ailleurs associé à la rencontre consacrée aux migrations le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères tunisien ainsi que les ministres algériens et libyens de l’intérieur . Organisé dans un luxueux salon de mariage avec piscine de la bourgade de Mirabella Eclano, dans la région de l’Irpinia dont M. Piantedosi est originaire, le sommet a donné l’occasion au pays hôte de faire la promotion d’une approche des questions migratoires qui concentre l’essentiel des efforts menés par Giorgia Meloni en matière de politique étrangère.

      « Une ligne de pensée est partie d’Italie et elle a suscité l’adhésion en Europe et au-delà », s’est félicitée M. Piantedosi, assurant que Bruxelles considérait désormais Rome comme un « point de référence » sur le dossier. Pour un membre de la délégation tunisienne, « l’aspect sécuritaire et l’aide au développement économique doivent toujours être envisagés ensemble. Nous avons à cet égard un rapport de confiance avec les Italiens (…) Ils ont joué un rôle d’initiateur ».

      Le « modèle » italien

      Ursula von der Leyen, la présidente de la commission européenne, avait largement appuyé les efforts de Giorgia Meloni en direction de la #Tunisie ayant abouti à un accord entre Tunis et l’UE sur une aide budgétaire de 150 millions d’euros et un transfert de 105 millions d’euros pour le contrôle des frontières. Un accord comparable a été passé avec l’Egypte prévoyant un soutien de 7 milliards d’euros [!!?].

      Depuis, le premier ministre travailliste britannique, Keir Starmer, a loué à Rome la politique migratoire de Mme Meloni. A Mirabella Eclano, M. Piantedosi a aussi affirmé que la future ouverture en #Albanie de centres de rétention de droit italien censés traiter les demandes d’asiles de migrants était un « modèle ». Berlin a déjà montré son intérêt tout comme quinze Etats membres qui ont invité Bruxelles à étudier cette option. En marge du sommet, une source britannique a aussi indiqué y voir une alternative au ruineux et inopérant accord d’externalisation de l’asile passé par Londres avec le Rwanda.
      Jusqu’à il y a peu, la France manquait à l’appel du concert d’éloges que reçoit Mme Meloni. Le passif entre Paris et Rome sur la question migratoire est chargé. Dès les premières semaines du mandat de la présidente du conseil, à l’automne 2022, une première et grave crise diplomatique avait éclaté autour de l’Ocean-Viking, navire de sauvetage de l’ONG SOS Méditerranée. Se voyant refuser l’accès aux ports italiens, il avait dû accoster en France pour débarquer 234 personnes. En mai 2023, une rencontre entre ministres des affaires étrangères avait aussi été annulée à la suite des propos du ministre français de l’intérieur d’alors Gérald Darmanin, qui avait jugé Mme Meloni « incapable de régler les problèmes migratoires ».

      Prises de position dures

      Avec son successeur, le ton a changé. Bruno Retailleau, qui a rythmé ses débuts Place Beauvau par des prises de position dures sur les questions migratoires, entend faire front commun avec l’Italie et l’Allemagne pour un durcissement du cadre européen organisant les #expulsions, avec une révision de la directive dite « retour ». Il avait déjà pris Giorgia Meloni en exemple lors d’un entretien sur TF1, à la fin de septembre.

      Jeudi, il a de nouveau loué « l’efficacité des accords avec la Tunisie et l’Egypte » au micro de CNews et de BFM-TV lors d’un point presse dont Le Monde a été tenu à l’écart annonçant œuvrer à de futurs accords bilatéraux avec les Etats concernés. Une source italienne se réjouit d’ailleurs du « très grand intérêt » de la partie française pour la méthode de Rome. Sur le « modèle albanais », Paris ne présente pas d’opposition de principe mais attend de juger sur pièce.

      Dans le salon de mariage de Mirabella Eclano enfin, toutes les questions sur les violations des droits des migrants en Tunisie et en Libye ont été accueillies par des références à la présence, vendredi, de représentants du Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU et à l’Organisation internationale des migrations. Ces entités internationales étaient présentées comme les improbables garants de la politique de sous-traitance frontalière à laquelle les Européens se rallient.

      #Algérie #Lybie #Égypte #Méditerranée #frontières

  • « Contrôler » les migrations : entre laisser-mourir et permis de tuer

    À l’heure où le Conseil européen se réunit à Bruxelles, les 26 et 27 octobre 2023, pour évoquer, dans un monde en plein bouleversement, le renforcement des frontières européennes, le réseau Migreurop rappelle le prix exorbitant de cette #surenchère_sécuritaire et la #responsabilité accablante des États européens dans la #mise_en_danger constante des personnes en migration, qui tentent d’exercer leur #droit_à_la_mobilité au prix de leur vie.

    Depuis plus de 30 ans, la lutte contre l’immigration dite « clandestine » est la priorité des États européens, qui ont adopté diverses stratégies visant au fil des années à renforcer les #contrôles_migratoires et la sécuritisation des frontières des pays de destination, de transit et de départ. Quoi qu’il en coûte. Y compris au prix de vies humaines, les #morts_en_migration étant perçues par les autorités comme une conséquence dommageable de cette même « lutte ».

    Comme le dénonçait déjà Migreurop en 2009, « nombreuses sont les #frontières où tombent des dizaines de migrants, parfois tués par les #forces_de_l’ordre : des soldats égyptiens tirant à vue sur des Soudanais et des Érythréens à la frontière israélienne ; des soldats turcs abattant des Iraniens et des Afghans ; la marine marocaine provoquant sur les côtes d’Al Hoceima le naufrage de 36 personnes en partance pour l’Espagne (…) en perforant leur zodiac à coups de couteaux ; des policiers français à Mayotte faisant échouer volontairement des embarcations (Kwassa-kwassa) pour arrêter des migrants, engendrant ainsi la noyade de plusieurs d’entre eux. En Algérie, au Maroc, des migrants africains sont refoulés et abandonnés dans le désert, parfois miné, sans aucun moyen de subsistance » [1].

    Si l’objectif sécuritaire de #surveillance et #militarisation_des_frontières européennes reste le même, la stratégie mise en œuvre par les États européens pour ne pas répondre à l’impératif d’accueil des populations exilées a évolué au fil des années. Depuis des décennies, les « drames » se répètent sur le parcours migratoire. Ils ne relèvent en aucun cas de la #fatalité, de l’#irresponsabilité des exilé·e·s (ou de leurs proches [2]), du climat ou de l’environnement, de l’état de la mer, ou même d’abus de faiblesse de quelconques trafiquants, mais bien d’une politique étatique hostile aux personnes exilées, développée en toute conscience à l’échelle européenne, se traduisant par des législations et des pratiques attentatoires aux droits et mortifères : systématisation à l’échelle européenne des #refoulements aux portes de l’Europe [3], déploiement de dispositifs « anti-migrants » le long des frontières et littoraux (murs et clôtures [4], canons sonores [5], barrages flottants [6], barbelés à lames de rasoir [7], …), conditionnement de l’aide au développement à la lutte contre les migrations [8], #criminalisation du sauvetage civil [9]... Une stratégie qualifiée, en référence au concept créé par Achille Mbembe [10], de « #nécro-politique » lors de la sentence rendue par le Tribunal Permanent des Peuples en France, en 2018 [11].

    Déjà en août 2017, le rapport relatif à « la mort illégale de réfugiés et de migrants » de la rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l’Homme onusien sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, mettait en évidence « de multiples manquements des États en matière de respect et de protection du #droit_à_la_vie des réfugiés et des migrants, tels que des homicides illégaux, y compris par l’emploi excessif de la force et du fait de politiques et pratiques de #dissuasion aggravant le #danger_de_mort » [12].

    Mettant en place une véritable stratégie du #laisser-mourir, les États européens ont favorisé l’errance en mer en interdisant les débarquements des bateaux en détresse (Italie 2018 [13]), ont retiré de la mer Méditerranée les patrouilles navales au bénéfice d’une surveillance aérienne (2019 [14]), signe du renoncement au secours et au sauvetage en mer, ou en se considérant subitement « ports non-sûrs » (Italie et Malte 2020 [15]). Migreurop a également pointé du doigt la responsabilité directe des autorités et/ou des forces de l’ordre coupables d’exactions à l’égard des exilé·e·s (Balkans 2021 [16]), ou encore leur franche complicité (UE/Libye 2019 [17]).

    Le naufrage d’au moins 27 personnes dans la Manche le 24 novembre 2021 [18], fruit de la non-assistance à personnes en danger des deux côtés de la frontière franco-britannique, est une illustration de cette politique de dissuasion et du laisser-mourir. Le #naufrage de #Pylos, le 14 juin 2023, en mer Ionienne [19], est quant à lui un exemple d’action directe ayant provoqué la mort de personnes exilées. La manœuvre tardive (accrocher une corde puis tirer le bateau à grande vitesse) des garde-côtes grecs pour « remorquer » le chalutier sur lequel se trouvaient environ 700 exilé·e·s parti·e·s de Libye pour atteindre les côtes européennes, a probablement causé les remous qui ont fait chavirer le bateau en détresse et provoqué la noyade d’au moins 80 personnes, la mer ayant englouti les centaines de passager·e·s disparu·e·s.

    Le rapport des Nations unies de 2017 [20] pointe également les conséquences de l’#externalisation des politiques migratoires européennes et indique que « les autres violations du droit à la vie résultent de politiques d’extraterritorialité revenant à fournir aide et assistance à la privation arbitraire de la vie, de l’incapacité à empêcher les morts évitables et prévisibles et du faible nombre d’enquêtes sur ces morts illégales ». Le massacre du 24 juin 2022 aux frontières de Nador/Melilla [21], ayant coûté la vie à au moins 23 exilés en partance pour l’Espagne depuis le Maroc, désignés comme des « assaillants », 17 ans après le premier massacre documenté aux portes de Ceuta et Melilla [22], est un clair exemple de cette externalisation pernicieuse ayant entraîné la mort de civils. Tout comme les exactions subies en toute impunité ces derniers mois par les exilé·e·s Noir·e·s en Tunisie, en pleine dérive autoritaire, fruits du #racisme_structurel et du #marchandage européen pour le #contrôle_des_frontières [23].

    Nous assistons ainsi ces dernières années à un processus social et juridique de légitimation de législations et pratiques étatiques illégales visant à bloquer les mouvements migratoires, coûte que coûte, ayant pour conséquence l’abaissement des standards en matière de respect des droits. Un effritement considérable du droit d’asile, une légitimation confondante des refoulements – « légalisés » par l’Espagne (2015 [24]), la Pologne (2021 [25]) et la Lituanie (2023 [26]) –, une violation constante de l’obligation de secours en mer, et enfin, un permis de tuer rendu possible par la progressive #déshumanisation des personne exilées racisées, criminalisées pour ce qu’elles sont et représentent [27].

    Les frontières sont assassines [28] mais les États tuent également, en toute #impunité. Ces dernières années, il est manifeste que les acteurs du contrôle migratoire oscillent entre #inaction et action coupables, entre laisser-mourir (« let them drown, this is a good deterrence » [29]) et permis de tuer donné aux acteurs du contrôle frontalier, au nom de la guerre aux migrant·e·s, ces dernier·e·s étant érigé·e·s en menace(s) dont il faudrait se protéger.

    Les arguments avancés de longue date par les autorités nationales et européennes pour se dédouaner de ces si nombreux décès en migration sont toujours les mêmes : la défense d’une frontière, d’un territoire ou de l’ordre public. Les #décès survenus sur le parcours migratoire ne seraient ainsi que des « dommages collatéraux » d’une #stratégie_de_dissuasion dans laquelle la #violence, en tant que moyen corrélé à l’objectif de non-accueil et de mise à distance, est érigée en norme. L’agence européenne #Frontex contribue par sa mission de surveillance des frontières européennes à la mise en danger des personnes exilées [30]. Elle est une composante sécuritaire essentielle de cette #politique_migratoire violente et impunie [31], et de cette stratégie d’« irresponsabilité organisée » de l’Europe [32].

    Dans cet #apartheid_des_mobilités [33], où la hiérarchisation des droits au nom de la protection des frontières européennes est la règle, les décès des personnes exilées constituent des #risques assumés de part et d’autre, la responsabilité de ces morts étant transférée aux premier·e·s concerné·e·s et leurs proches, coupables d’avoir voulu braver l’interdiction de se déplacer, d’avoir exercé leur droit à la mobilité… A leurs risques et périls.

    Au fond, le recul que nous donne ces dernières décennies permet de mettre en lumière que ces décès en migration, passés de « évitables » à « tolérables », puis à « nécessaires » au nom de la protection des frontières européennes, ne sont pas des #cas_isolés, mais bien la conséquence logique de l’extraordinaire latitude donnée aux acteurs du contrôle frontalier au nom de la guerre aux migrant·e·s 2.0. Une dérive qui se banalise dans une #indifférence sidérante, et qui reste impunie à ce jour...

    Le réseau Migreurop continuera d’œuvrer en faveur de la liberté de circulation et d’installation [34] de toutes et tous, seule alternative permettant d’échapper à cette logique criminelle, documentée par nos organisations depuis bien trop longtemps.

    https://migreurop.org/article3211.html
    #nécropolitique #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #guerre_aux_migrants

  • De la définition de « migrant », par #François_Gemenne

    « Un migrant, c’est quelqu’un qui refuse que sa vie et les #opportunités qui lui seront offertes soit déterminées par son seul #lieu_de_naissance. Il y a aujourd’hui une très grande injustice dans le monde qui est liée au lieu de naissance. »

    https://twitter.com/RomainVeys/status/1318087047136018433

    François Gemenne interviewé par Romain Veys autour de son dernier livre « #On_a_tous_un_ami_noir »


    https://seenthis.net/messages/879416#message879417

    #définition #migrations #migrant

    ping @karine4 @isskein @reka

  • Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes : le Conseil adopte un règlement révisé.

    Le Conseil a adopté ce jour un nouveau règlement relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, qui constitue un élément important de l’approche globale de l’UE en matière de gestion des migrations et des frontières.

    L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) est renforcée en termes de #personnel et d’#équipements_techniques. En outre, son #mandat est élargi en vue de soutenir l’action des États membres, notamment en matière de #contrôle_des_frontières, de #retour et de #coopération avec les #pays_tiers. Le nouveau règlement intégrera dans le cadre du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes le système européen de surveillance des frontières (#Eurosur), afin d’améliorer son fonctionnement.

    Le bon fonctionnement de la gestion des #frontières_extérieures est essentiel au maintien d’un #espace_Schengen pleinement fonctionnel et à une gestion des migrations efficace et humaine. Les nouvelles règles permettront à Frontex de jouer un rôle plus important dans le soutien aux États membres pour le contrôle aux frontières, les retours et la coopération avec les pays tiers.
    Maria Ohisalo, ministre finlandaise de l’intérieur

    #Contingent permanent de garde-frontières et de garde-côtes et experts en matière de retour

    Pour assurer une gestion cohérente des frontières extérieures de l’UE et être en mesure de répondre aux crises, Frontex aura à sa disposition un #contingent_permanent. Ce contingent, qui sera mis en place progressivement, comprendra jusqu’à 10 000 agents opérationnels d’ici 2027. Il sera notamment composé de membres du #personnel_opérationnel de Frontex, ainsi que de #personnes_détachées par les États membres pour une longue durée ou déployées pour une courte durée, et d’une réserve de réaction rapide qui sera maintenue jusqu’à la fin de 2024.

    #Retours

    Les règles envisagées permettront à Frontex d’apporter un soutien technique et opérationnel aux États membres dans le cadre des opérations de retour. L’Agence apportera un soutien soit à la demande de l’État membre concerné soit de sa propre initiative et en accord avec l’État membre concerné. Ce soutien portera sur toutes les phases du retour, des activités préparatoires au retour aux activités consécutives au retour et consécutives à l’arrivée.

    Coopération avec les pays tiers

    Les règles envisagées contribueront à renforcer la coopération avec les pays tiers, en élargissant le champ d’action de l’Agence, sans limiter les possibilités d’opérations conjointes aux seuls pays voisins.

    https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/11/08/european-border-and-coast-guard-council-adopts-revised-regulation/?amp;utm_medium=email
    #Frontex #règlement #frontières #EU #UE #contrôles_frontaliers #renvois #expulsions

    Pour télécharger le règlement :
    https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-33-2019-INIT/en/pdf

    ping @isskein

  • Le Macron dans tous ses états :

    Les responsables de la tuerie du 13 novembre selon Macron | L’Humanité
    http://www.humanite.fr/les-responsables-de-la-tuerie-du-13-novembre-selon-macron-590589?IdTis=XTC-

    Devant les Gracques, le 21 novembre, le ministre de l’Economie a suggéré que les travailleurs qui défendent leurs conditions de vie et leur emploi avaient une part de responsabilité dans la radicalisation des auteurs de la tuerie du 13 novembre.

    Grâce à Emmanuel Macron , nous savons désormais qui a armé mentalement les tueurs de la soirée du 13 novembre à Paris. Devant une assemblée des Gracques -ces sociaux démocrates plus libéraux que les sarkosystes en économie- il a suggéré le 21 novembre que les hommes et les femmes qui se battent pour travailler dans des conditions dignes de l’époque dans laquelle nous vivons empêchaient certains jeunes de trouver leur place dans une société où l’emploi devient chaque jour plus rare et plus précaire du fait des politiques gouvernementales de soumission au libéralisme.

    La vache !... Ça envoie du bois !

    #bêtisier

    • Valls bastonne Macron.
      http://www.challenges.fr/politique/20151126.CHA1998/attentats-de-paris-quand-manuel-valls-bastonne-emmanuel-macron.html

      Le ministre de l’Economie s’est risqué à une analyse des terroristes avec des mots de la #gauche morale. Son « chef » n’a pas hésité pas à prendre position contre ses propos, et non sans virulence…

      Macron, se hasarde à une analyse, non pas des attentats, mais des terroristes eux-mêmes. Et de retrouver formules et accents de la gauche traditionnelle, celle qu’il est censé dynamiter, celle que Valls combat sans relâche depuis une décennie déjà, l’accusant, cette gauche traditionnelle, de ne plus rien comprendre aux Français et d’avoir ainsi favorisé la progression ininterrompue du Front National. Et Macron qui, à la surprise générale, s’y met ou plutôt s’y remet à son tour, et avec quel éclat !

      « Les terroristes, qui ne venaient pas de milieux défavorisés, comment et pourquoi s’étaient-ils transformés en assassins de leur mère nourricière ? Il nous faut trouver les causes profondes, le terreau de cette radicalisation ». Dans la bouche de Macron, les mots de la gauche dite morale, ceux qui hérissent tant Manuel Valls et les tenants de la nouvelle pensée unique, celle qui a décrété en perdition l’identité nationale française. Dans l’esprit du Premier ministre, la suite ne vaut sans aucun doute pas mieux : « Le terreau ? Les injustices, les discriminations et surtout l’échec de la mobilité sociale. Nous sommes dans une société toujours endogame où les élites se ressemblent de plus en plus et ferment la porte. Lorsqu’on étouffe la société, on nourrit l’amertume, l’exclusion et, au bout du compte, la folie totalitaire. Notre premier devoir, ce n’est donc pas seulement de prendre des mesures sécuritaires, mais d’ouvrir la société, sinon elle ne tiendra pas ». Prise de position « de gauche » d’un homme de « gauche », proche, si proche d’ailleurs d’un raccourci qui, quelques jours après les attentats suscita une émotion non feinte, à droite comme à gauche, déplorant que les jeunes des cités subissent un « apartheid social, territorial et ethnique ». Mais qui est donc l’auteur de cette formule pour le moins brutale et sans nuance ? Ah, Manuel Valls ! (...)

      Manuel Valls en a d’ailleurs fournit un nouvel exemple d’une impressionnante brutalité, théorique comme humaine. Recevant des journalistes de la presse européenne, le chef du gouvernement a voulu prendre acte de l’état des opinions publiques de notre continent. Deux phrases, pas une de plus : « L’Europe doit dire qu’elle ne peut plus accueillir autant de #migrants. Ce n’est pas possible ». Ce que François Hollande n’ose pas dire à la chancelière Merkel, Valls, lui, le fait d’avoir dans le Süd-deutsche Zeitung, l’un des quotidiens allemands de référence. Et d’en rajouter une couche : « Le #contrôle_des_frontières extérieures de l’Union européenne est essentiel pour son futur. Si nous ne le faisons pas, alors les peuples vont dire ça suffit l’Europe » !

  • "L’afflux massif de migrants en Europe est à relativiser" : entretien avec le géographe Olivier Clochard
    http://www.alterechos.be/fil-infos/lafflux-massif-de-migrants-en-europe-est-a-relativiser

    Dès ce 13 juin, le Centre Culturel Jacques Franck accueille l’exposition Moving Beyond Borders. Elle s’intéresse au parcours des migrants et pointe les dispositifs responsables de leurs périlleuses traversées dans le Sahara, en Méditerranée ou aux frontières orientales de l’Union européenne. Moving Beyond Borders se veut aussi un outil de sensibilisation à la question des migrations auprès du grand public. Une nécessité à l’heure où des milliers de personnes, victimes d’une politique sécuritaire non respectueuse des droits de l’homme, perdent la vie sur la route de l’exil. Rencontre avec Olivier Clochard, géographe, membre du réseau Migreurop(1),à l’initiative de cette exposition.

    #Géographie #Migrations #Olivier_Clochard #Géographie_des_Migrations #Migrants #Immigration #Asile #Droit_d_Asile #Cartographie #Cartographie_des_Migrations #Forteresse_Europe #Géographie_de_l_Europe #Géographie_Critique #Cartographie_Radicale #Politiques_Migratoires #Politiques_Migratoires_européennes #Union_EUropéenne #Migreurop #Exil #Exposition #Frontex #Frontières #Géographie_des_Frontières #Contrôle_des_Frontières

  • Qui sauvera les migrants du cimetière de la Méditerranée ? - Rue89 - L’Obs
    http://rue89.nouvelobs.com/2014/11/29/sauvera-les-migrants-cimetiere-mediterranee-256143

    En laissant tomber Mare Nostrum, l’Europe tourne le dos à la plus grande opération humanitaire lancée en Méditerranée, qui a permis de secourir plus de 150 000 personnes. Avec Triton, la priorité redevient le contrôle des frontières. Reportage.

    #migrants #méditerranée #Europe #Mare_Nostrum #Triton

  • #Amaël_Cattaruzza : “#Mur ou #réseau : le #contrôle_des_frontières en question”

    Cette communication part d’un constat : les dispositifs de #sécurité aux #frontières oscillent aujourd’hui entre deux architectures complémentaires : celle du « mur » et celle du « réseau ». Les murs, ce sont ces #barrières plus ou moins épaisses, permettant de canaliser les #flux matériels et humains, et de les #filtrer par l’intermédiaire du #checkpoint, du point de #passage. Les réseaux, ce sont les #interconnexions toujours plus fortes d’agences de renseignements, permettant par l’accumulation et le croisement de données d’anticiper, d’identifier et de tracer tous types de flux (modèle #Frontex et #Eurosur). Ces dispositifs de contrôle méritent l’un comme l’autre d’être interrogés et évalués. Le mur est coûteux et engendre toute une économie du contournement qui amène à se demander si le remède n’est pas pire que le mal. Le réseau déplace le #contrôle_frontalier du lieu physique aux bases de données virtuelles et centralisées. Mais l’émergence de ce contrôle virtuel, mis en place sans avoir donné lieu à aucun débat, nécessite de réfléchir à la validité des données collectées, à leur traitement, à leur stockage et à leur sécurisation.

    http://www.antiatlas.net/blog/2014/06/16/colloque-cattaruzza

    Avec #vidéo