• Face à la haine et aux amalgames : « Redonner ses lettres de noblesse à la solidarité et à l’#hospitalité française »

    Elle appelle cela « l’#hospitalité_citoyenne ». #Julia_Montfort, journaliste et réalisatrice, a accueilli, comme beaucoup d’autres Français, un « migrant », Abdelhaq, originaire du Tchad. Elle raconte cette rencontre à Basta !, rencontre dont elle a tiré une web-série, #Carnets_de_solidarité. Son histoire nous rappelle que, loin des scènes indignes de harcèlement policier ou de commentaires racistes, des dizaines de milliers de citoyens font preuve de solidarité.

    Julia Montfort appelle cela « l’hospitalité citoyenne ». Comme beaucoup d’autres personnes en France, elle a ouvert sa porte pour accueillir un « migrant », Abdelhaq. Il avait alors 21 ans et ne devait rester que quelques jours. Il aura finalement vécu un an et demi chez Julia et Cédric, son mari. De cette expérience personnelle est alors née l’envie de raconter ce mouvement de #solidarité qui a gagné de nombreux foyers français – une réalité trop souvent invisibilisée – pendant que les politiques en œuvre choisissent trop souvent de harceler, humilier, reléguer dans la rue les exilés en quête d’accueil, ne serait-ce que temporaire. Réalisatrice, elle en a tiré une web-série passionnante, Carnets de Solidarité, qui offre la meilleure des réponses, en actes, à tous les préjugés, tous les cynismes ou toutes les haines qui s’accumulent sur ce sujet.

    Basta ! : Le point de départ de votre travail, c’est le #récit_intime de l’accueil d’Abdelhaq, chez vous, dans votre appartement. Avec le recul, qu’avez-vous appris de cette expérience d’hospitalité ?

    Julia Montfort [1] : Beaucoup de choses. Nous n’avons pas accueilli un citoyen français avec des références culturelles partagées : Abdelhaq est le fils d’un berger nomade, dans le sud du Tchad, qui parle un dialecte dérivé de l’arabe – le kebet – dont la vie consistait à garder les chèvres de son père ou à aller récolter du miel, autant dire une vie diamétralement opposée à la mienne. Tout nous séparait, et nous avons appris à trouver des #liens, à construire des ponts entre nos deux cultures.

    J’ai réalisé la portée de ce geste dès que j’ai ouvert ma porte devant ce grand gaillard de plus d’1 m 90, et que j’ai compris que le #langage ne nous permettrait pas de communiquer. Il apprenait les rudiments du français, mais il ne faisait pas de phrases, je ne parvenais même pas à savoir s’il aimait les pâtes. De fait, ce genre de situation permet aussi d’en apprendre beaucoup sur soi-même et sur notre rapport à l’autre. Cela m’offre aujourd’hui un ancrage très différent dans le présent.

    Il y a cette anecdote significative, lorsque vous racontez que vous hésitez plusieurs jours avant de lui signaler qu’il ne priait pas dans la bonne direction…

    Il se tournait exactement à l’opposé de la Mecque, nous ne savions pas comment lui annoncer, cela nous pesait, alors qu’au final, Abdelhaq a juste explosé de rire lorsque nous lui avons montré la boussole ! Une partie de notre complicité est née ce jour-là… Abdelhaq a une pratique très ouverte de sa religion, c’est notamment une façon de maintenir un lien avec son pays. Quand il est arrivé à Paris, son premier réflexe a été d’aller dans une mosquée, où il a pu être hébergé. C’est un peu son repère, son cadre. Mais depuis, on a constaté qu’il s’intéressait beaucoup aux autres religions.
    De notre côté, nous sommes parfaitement athées, et c’est probablement la première fois que j’ai côtoyé quelqu’un de religieux aussi longtemps, et aussi intimement. La probabilité que je puisse, à Paris, me retrouver directement confrontée à la réalité de la vie d’Abdelhaq était tout de même très faible, jusqu’à présent. Cela cultive une certaine #ouverture_d’esprit, et cela a généré aussi beaucoup de #respect entre nous.

    Pour autant, vous ne faites pas l’impasse sur les difficultés qui se présentent, aussi, à travers cette expérience. « L’hospitalité n’est pas un geste naturel, c’est une #épreuve », dites-vous.

    Il ne faut pas enjoliver cette expérience par principe, cela n’a rien de simple d’accueillir un étranger chez soi. Il faut s’ouvrir à lui, accepter qu’il entre dans notre #intimité, c’est une relation qui demande beaucoup d’énergie. Faire entrer l’exil à la maison, c’est aussi faire entrer des vies brisées et tous les problèmes qui accompagnent ces parcours du combattant… Et c’est compliqué quand, au petit-déjeuner, vous devez affronter son regard dans le vide, que vous voyez qu’il n’est pas bien. Tout paraît assez futile. J’ai parfois eu l’impression de plonger avec Abdelhaq. C’est le principe même de l’empathie, partager l’#émotion de l’autre. Mais quand c’est sous votre toit, il n’y a pas d’échappatoire, c’est au quotidien face à vous.

    Dans votre récit, vous utilisez très souvent les termes de « #générosité », de « #bienveillance », d’ « #humanité », comme si vous cherchiez à leur redonner une importance qu’ils ne semblent plus vraiment avoir, dans la société. Faut-il travailler à repolitiser ces valeurs, selon vous ?

    On pense toujours que la solidarité, l’#altruisme, l’#entraide, tout ça n’est que l’apanage des faibles. Ce seraient des vertus désuètes, bonnes pour les « bisounours ». Il a en effet fallu que j’assume, à l’écriture, de redonner des lettres de noblesse à ces mots-là. Car on a bien vu que tous ces petits #gestes, cette empathie, ces regards, ce n’était pas anodin pour Abdelhaq. On a vu comment cette solidarité qui s’est organisée avec les voisins l’a porté, lui a permis de se regarder autrement, de retrouver des prises sur le réel. Petit à petit, on l’a vu changer, reprendre pied. Et ça, c’est considérable.
    Et partant de là, on peut aussi se demander ce qui nous empêche d’appliquer cela à toutes nos relations – personnellement, j’essaye désormais d’être plus attentive à cette forme de #bienveillance dans mes échanges avec mes voisins ou mes amis, au travail. Cela semble toujours une évidence un peu simple à rappeler, mais c’est vertueux. C’est même l’un des principaux enseignements que nous avons tiré de notre expérience, à notre échelle : au-delà des difficultés, cela fait du bien de faire du bien. Diverses études documentent les bienfaits pour la santé de ces #émotions positives ressenties, cela porte même un nom – le « #helper’s_high », l’euphorie de celui qui aide. Donc oui, la solidarité fait du bien, et il faut en parler.

    De fait, votre initiative a rapidement fait la preuve de son effet multiplicateur auprès du voisinage, c’est ce que vous appelez la « #contagion_solidaire ».

    C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit qu’il y avait quelque chose à raconter de cette expérience personnelle. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le discours sur « l’invasion » battait son plein. En 2017-2018, on est en plein dans la séquence où l’on entend partout que les migrants sont trop nombreux, qu’ils sont dangereux, qu’ils vont nous voler notre pain, notre travail et notre identité. Or à mon échelle, à Bagnolet, au contact de différentes classes sociales, j’ai vu le regard des gens changer et ce mouvement de solidarité se mettre en place, autour de nous. Et c’était d’autant plus significatif que nous étions officiellement devenus « hors-la-loi » puisque nous n’avions pas le droit d’héberger un sans-papier… De fait, lorsqu’on a reçu une enveloppe avec de l’argent pour payer le pass Navigo d’Abdelhaq, nous avons compris que nous étions plusieurs à accepter de transgresser cette règle absurde. Et à entrer ensemble dans l’absurdité du « #délit_de_solidarité ».

    « La chronique des actions en faveur de l’accueil des migrants montre une évolution au sein des sociétés européennes. Par leur ampleur et l’engagement qui les sous-tend, les formes de solidarité et d’hospitalité que l’on y observe s’apparentent de plus en plus à un mouvement social » affirme l’anthropologue Michel Agier, que vous citez dans votre livre. De fait, à l’échelle de la France, votre enquête tend à montrer que les démarches d’#accueil sont bien plus nombreuses et conséquentes qu’on ne le laisse souvent croire, vous parlez même d’une « #révolution_silencieuse ». Peut-on dresser une sociologie de ce mouvement social émergent ?

    C’est encore un peu tôt, on n’a pas assez de recul, on manque de chiffres. De nombreux chercheurs travaillent là-dessus, mais c’est un mouvement encore difficile à évaluer et à analyser. La plupart des gens restent discrets, par crainte de l’illégalité mais aussi par humilité, souvent. Mais lorsque j’ai présenté la bande-annonce avec l’objet de mon travail, j’ai été submergé de messages en retour, sur internet. Et de toute la France. J’ai réalisé qu’il y avait un défaut de #narration, et un défaut de connexion les uns avec les autres. La plupart agisse, chacun de leur côté, sans s’organiser de manière collective. Des mouvements et des plateformes se sont créés, sur internet, mais cette solidarité reste encore très « électron libre ». Il n’y a pas véritablement de #réseau_citoyen, par exemple.

    Pour ma part, ce que j’ai vu, c’est une France particulièrement bigarrée. J’ai vu des gens de tous les milieux, pas nécessairement militants, et beaucoup de #familles. En général, ils racontent avoir eu un déclic fort, comme par exemple avec la photo du petit #Aylan. Ce sont des gens qui ressentent une #urgence de faire quelque chose, qui se disent qu’ils « ne-peuvent-pas-ne-rien-faire ». La certitude, c’est qu’il y a énormément de #femmes. L’impulsion est souvent féminine, ce sont souvent elles qui tendent en premier la main.

    Ce #mouvement_citoyen est aussi, malheureusement, le reflet de l’#inaction_politique sur le sujet. Cette dynamique peut-elle continuer longtemps à se substituer aux institutions ?

    Il y a un #burn-out qui guette, et qui est largement sous-estimé, chez ces citoyens accueillants. Ils s’épuisent à « l’attache ». À l’origine, cette solidarité a vraiment été bricolé, avec les moyens du bord, et dans la précipitation. Et même si elle remplit un rôle fondamental, ça reste du #bricolage. Or ce n’est pas aux citoyens de pallier à ce point les défaillances de l’#État, ce n’est pas normal que nous ayons à héberger un demandeur d’asile qui se retrouve à la rue… La réalité, c’est qu’aujourd’hui, très régulièrement en France, on ne notifie pas leurs droits aux gens qui arrivent. Or toute personne qui pose le pied en France a le droit de demander l’asile, c’est une liberté fondamentale. Commençons donc, déjà, par respecter le #droit_d’asile !

    Je crois qu’on ne se rend pas bien compte de ce qui se passe, parce que cela se joue dans des zones de frontières, loin de Paris, donc cela reste assez discret. Mais on est face à quelque chose d’assez considérable en termes de violations de #droits_humains, en France, actuellement : à la fois dans le fait de bafouer ces droits fondamentaux, mais aussi dans le fait de criminaliser les personnes qui leur viennent en aide… Et pendant ce temps-là, on remet la légion d’honneur à Nathalie Bouchart, la maire de Calais, qui avait interdit les distributions d’eau pour les exilés ? Il y a quand même quelque chose qui cloche, dans ce pays.

    Cela n’a pas toujours été comme ça, rappelez-vous, en évoquant notamment l’exemple des « #Boat_People » (en 1979, l’accueil de 120 000 réfugiés vietnamiens et cambodgiens avaient obtenu un large consensus national, ndlr). Qu’est-il arrivé à cette grande « tradition française d’hospitalité », depuis ?

    Le contexte est très différent, par rapport aux Boat people. À l’époque, cela semblait sûrement circonscrit, tant dans le nombre que dans le temps. Aujourd’hui, la multiplication des conflits, un peu partout dans le monde, alimente cette idée que c’est un puits sans fond, qu’on va être submergé si on commence à accueillir trop largement… Plus fondamentalement, on le sait bien, une certaine #rhétorique s’est imposée dans les discours, sur ces questions : on parle de « flux », de « pompe aspirante », et tout ce vocable n’est plus l’apanage de l’extrême droite, on le retrouve dans la bouche des gouvernants. Tout ça insinue et conforte l’horrible mythe de « l’#appel_d’air ». Je crois qu’on oublie parfois combien les #discours_politiques contribuent à forger un cadre de pensée. Et en face, il y a un véritable défaut de pédagogie, on ne traite jamais de ces sujets à l’école, on ne produit pas de #contre-discours. Donc effectivement, c’est important de le rappeler : on a su accueillir, en France.

    Après l’assassinat terroriste du professeur Samuel Paty, vendredi 16 octobre, le débat public a pris des airs de course aux amalgames, avec une tendance à peine cachée à essentialiser toute une catégorie de population (demandeur d’asile, mineurs isolés...) comme de potentiels terroristes. Qu’est-ce que cela vous inspire, en tant qu’accueillante ?

    La #peur légitime et le #danger, bien réel, du #terrorisme ne doivent pas nous faire plonger dans une grande #confusion, en bonne partie entretenue par ma propre profession. Les journalistes ont une part de #responsabilité en entretenant ce lien dangereux, insufflé par nos gouvernants, qui envisagent la migration sous le spectre uniquement sécuritaire depuis les attentats terroristes de 2015. Nous avons besoin de #recul, et de #nuances, pour ne pas tomber dans la #stigmatisation à tout-va de tout un pan de la population, et éviter les #amalgames simplistes du type "immigration = terrorisme". Ce pur discours d’extrême droite n’est basé sur aucune étude formelle, et pourtant il s’est installé dans les esprits au point que ces femmes et ces hommes sont victimes d’un changement de perception. Hier considérés comme des personnes en détresse, ils sont désormais vus dans leur ensemble comme de potentiels terroristes car un assassin – ayant commis un acte effroyable – a préalablement été demandeur d’asile et a obtenu son statut de réfugié... Il s’agit d’un itinéraire meurtrier individuel. Les demandeurs d’asile, les mineurs isolés, les réfugiés sont les premiers à pâtir de ces amalgames. Les entend-on ? Très rarement. Leur #parole est souvent confisquée, ou bien nous parlons à leur place.

    Alors, il faut le rappeler : ces personnes exilées et arrivées en France aspirent simplement à s’intégrer et à mener une vie « normale », si tant est qu’elle puisse vraiment l’être après tout ce qu’elles ont traversé, et avec la douleur du #déracinement. Et ces étrangers, nous les côtoyons au quotidien sans même le savoir : ils livrent nos repas à domicile, se forment à des métiers dans des secteurs en tension où la main d’œuvre manque, ils changent les draps dans les hôtels. Nombre de médecins réfugiés furent en première ligne pendant le confinement... Ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est justement de ramener de la mesure dans ce débat toxique et dangereux en humanisant ces destins individuels.

    https://www.bastamag.net/Redonner-ses-lettres-de-noblesse-a-la-solidarite-et-a-l-hospitalite-franca

    ping @isskein @karine4

  • Schiappa annonce une « unité de contre-discours républicain » sur les réseaux sociaux
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/schiappa-annonce-une-unite-de-contre-discours-republicain-sur-les-reseaux-s

    Lundi, l’entourage de Marlène Schiappa avait insisté sur la nécessité pour l’État de ne pas être absent du net et d’organiser « un contre-discours » pour répondre aux propos haineux. « On voit se développer des discours d’islamistes sur la toile, de victimisation systématique, sans que personne ne les démente », souligne la ministre dans son interview, en ajoutant que le gouvernement veut porter « un discours de contre-propagande ».

    Elle cite en exemple, « la perquisition des locaux de l’association Baraka City [que le gouvernement souhaite désormais dissoudre, ndlr] », qui a donné lieu à des commentaires accusant le gouvernement « d’islamophobie ». « Mais nous sommes dans un État de droit. S’il y a eu une perquisition sous l’autorité du juge, c’est parce qu’il y avait des éléments dans un dossier judiciaire. Nous avons mis plusieurs jours à répondre », par le biais de la porte-parole du ministère de l’Intérieur. « La prochaine fois, il faut que le contre-discours soit prêt, pour défendre nos valeurs. Il y a des exemples en Angleterre, en Allemagne, dont on peut s’inspirer ! », ajoute la ministre.

    Assez connement, je croyais que ça existait déjà et que s’appelerio « les médias ». Ou aussi « les trolls fachos ».

  • Un arsenal parlementaire contre la menace djihadiste
    http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/06/01/les-propositions-de-la-commission-d-enquete-sur-les-filieres-djihadistes_464

    La commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus #djihadistes, créée en décembre 2014 à l’initiative du député UMP des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, se proposait d’examiner l’adéquation de la réponse publique à la menace terroriste. Après six mois de travail, son rapporteur, le député PS des Bouches-du-Rhône, Patrick Mennucci, soumettra son rapport, que Le Monde a pu consulter, au vote de la commission mardi 2 juin.

    Un mois après l’adoption à une large majorité du projet de loi renseignement par l’Assemblée nationale, ces travaux parlementaires ont de nouveau fait l’objet d’un « large consensus » , selon Patrick Mennucci, signe que le sentiment d’ urgence face à la menace terroriste transcende les clivages politiques. (...)

    La commission d’enquête appelle le gouvernement à renforcer les moyens administratifs et judiciaires destinés à l’endiguer, tout en insistant sur la nécessité « d’apporter une réponse autre que sécuritaire à un phénomène qui a pris profondément racine dans notre corps social » .

    Lutter contre la radicalisation en prison
    Le rôle de la #prison dans le processus de radicalisation est « controversé », souligne le rapport. Plus de la moitié des personnes parties vers la zone irako-syrienne étaient inconnues des services de police, et seuls 15 % des condamnés pour terrorisme avaient déjà été incarcérés. Pour autant, « la quasi-totalité de ceux qui ont commis des actes violents au nom du djihad » avaient un passé de délinquant , de Khaled Kelkal aux frères Kouachi en passant par Mohammed Merah et Mehdi Nemmouche.

    La prison apparaît comme un pivot essentiel de la lutte contre le djihadisme : point de départ de nombreux parcours de radicalisation, elle en constitue également le point de chute pour la moitié des 213 Français rentrés de Syrie (105 individus sont incarcérés pour leur implication dans des filières irako-syriennes).

    S’il salue les expériences menées dans plusieurs prisons visant à isoler les « leaders recruteurs » et à créer des quartiers dédiés pour les autres détenus radicalisés, le rapport met en garde contre le risque de mélanger les « djihadistes endurcis », les « repentants », les « traumatisés » et ceux qui sont « en voie de radicalisation ». Le document suggère donc d’améliorer la « grille d’#évaluation du degré de radicalisation » et de repenser les critères de regroupement de ces détenus. Patrick Mennucci appelle également à une réflexion « sur un régime d’#isolement plus adapté aux détenus radicalisés » (il est aujourd’hui limité à deux ans), en s’inspirant de la législation italienne prévue pour les groupes mafieux ou #terroristes.

    Le rapporteur juge que le bureau du #renseignement_pénitentiaire ne dispose « que de très peu de moyens pour assumer ses missions » et appelle à la création d’un véritable service de renseignement pénitentiaire. Cette disposition, qui figure dans le projet de loi renseignement, se heurte à l’opposition de la ministre de la justice, Christiane Taubira, qui avait été, contre toute attente, mise en minorité lors des débats par les députés socialistes alliés à ceux de l’UMP. La mesure devrait faire l’objet d’âpres discussions lors de la lecture devant le Sénat cette semaine.

    Renforcer les services d’enquête
    La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) suit actuellement 162 enquêtes judiciaires, contre 40 au 1er janvier 2012. Or les services judiciaires spécialisés ne comptent que 300 enquêteurs : le rapporteur appelle donc de ses vœux « un doublement des #effectifs de policiers enquêteurs formés à la lutte antiterroriste ».

    La section antiterroriste du parquet de Paris ne compte que neuf magistrats, qui dirigent 157 enquêtes, quand le pôle de l’instruction se limite à huit juges antiterroristes, chargés d’instruire 218 informations judiciaires, dont 112 concernent l’islam radical. Une conjoncture qui conduit Eric Ciotti à déplorer « une situation de tension intenable et de déficit des moyens humains et matériels ».

    Afin de désengorger le #parquet de Paris, le rapport suggère d’assouplir la compétence centralisée de la juridiction parisienne en matière de terrorisme, en permettant à certaines juridictions interrégionales spécialisées, comme celles de Lyon et Marseille, de traiter des infractions terroristes de moindre gravité.

    Etendre l’accès aux #fichiers
    Le rapport regrette par ailleurs que seuls les services « spécialisés » de renseignement, comme la #DGSI, aient accès à certains fichiers tels que le système d’immatriculation des véhicules, le système de gestion des passeports ou des cartes nationales d’identité. Il déplore que les différents services « concourant » au renseignement, comme le Service central du renseignement territorial (SCRT), la DRPP et la gendarmerie « ne bénéficient pas d’un accès à ces différents fichiers ».

    Renforcer le #contrôle aux #frontières
    Le rapporteur propose une batterie de mesures pour mieux contrôler les entrées et sorties du territoire. Il déplore que la mise en place d’un #fichier_de_données_passagers (PNR) européen « ait pris beaucoup de retard ». Conscient qu’un PNR strictement français serait d’un intérêt limité, il appelle de ses vœux la création rapide d’un PNR européen et, « s’il doit être vidé de sa substance », suggère de l’abandonner « au profit de plusieurs PNR bilatéraux ». Les discussions autour de la création d’un PNR communautaire se heurtent pour l’instant aux fortes réticences du Parlement européen.

    Le document propose également de modifier l’article 7 du code Schengen pour permettre un contrôle systématique des passeports des ressortissants de l’espace Schengen venant d’un pays tiers. « Si une personne faisant l’objet d’une fiche “S” [Sûreté de l’Etat] peut revenir dans l’espace Schengen sans que l’Etat ait les moyens juridiques de le savoir – parce que l’article 7 du code Schengen lui interdit de contrôler systématiquement les passeports des ressortissants Schengen – n’est-ce pas l’intérêt même de la fiche “S” qui est remis en cause ? », s’interroge Patrick Mennucci.

    Il suggère enfin de rétablir l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs, supprimée en 2010 et remplacée en 2014 par une « opposition parentale » à la sortie du territoire. Pour être efficiente, cette mesure supposerait que les parents aient détecté la volonté de départ de leur enfant, ce qui n’est pas toujours le cas, souligne-t-il.

    Comment gérer les retours ?
    Entre « djihadistes endurcis », « djihadistes repentants » et « djihadistes traumatisés », les intentions des Français de retour de Syrie peuvent être diverses, et leur dangerosité « particulièrement difficile à évaluer ». A côté de la réponse pénale, mise en œuvre dès qu’il existe des preuves suffisantes, il conviendrait d’accompagner le retour en France des profils les moins dangereux en imaginant « une réponse autre que sécuritaire ».

    La commission salue donc l’annonce par le premier ministre en avril de la création d’un centre destiné à prendre en charge les jeunes de retour des zones de combat, sur le modèle danois. Cette structure « va constituer le maillon qui faisait défaut au traitement de la radicalisation : la prise en charge des individus de retour du djihad et qui ne font pas l’objet de poursuites judiciaires ». Le rapport s’interroge toutefois sur la pertinence du caractère « volontaire » de cette démarche.

    Patrick Mennucci suggère également de mettre en place des référents, ou « mentors », qui assureront le suivi de chaque personne radicalisée, sur le #modèle_danois là encore. Il appelle enfin à l’élaboration d’un véritable #contre-discours à la propagande djihadiste, en développant la recherche universitaire et en donnant une plus grande publicité aux témoignages de « #repentis ».

    LA FRANCE, PREMIER FOURNISSEUR EUROPÉEN DE DJIHADISTES
    Selon un dernier bilan, en date du 26 mai, 457 Français sont actuellement en Syrie (dont 137 femmes et 80 mineurs), 320 personnes seraient en transit vers les zones de combat, 105 individus y ont déjà perdu la vie (dont huit dans des opérations-suicides), et deux y seraient détenus. 213 personnes seraient déjà rentrées en France tandis que 521 auraient des projets de départ.

    En agrégeant ces données, « la France apparaît actuellement comme le principal pays européen de départ [avec 884 personnes au total], suivie par le Royaume-Uni (700 départs), l’Allemagne (600) et la Belgique (250 environ) », souligne le rapport. Rapporté à la population des Etats européens, le ratio de départs est cependant plus important en Belgique (22 départs par million d’habitants) ou au Danemark (17 départs par million d’habitants).

    Ai mis ici tout l’article, un festival.