• Sortie de « B.A.BA du sexe entre meufs et personnes queer »
    https://infokiosques.net/spip.php?article1750

    Un groupe de meufs et personnes queer a bossé sur la traduction depuis l’anglais de Girl Sex 101, d’Allison Moon : un manuel de cul entre meufs (trans comme cis, bien entendu) mais aussi avec et entre personnes queer. Il est publié aux éditions Goater, une petite maison d’édition militante de Rennes. Les pré-commandes sont closes pour le moment, mais vous pouvez quand même trouver pas mal d’infos sur le livre sur la page de la cagnotte. Le livre est en vente auprès des éditions Goater à Rennes à 16 (...) #ailleurs

    https://www.kengo.bzh/projet/2341/baba-du-sexe-entre-meufs-et-personnes-queer
    https://www.calameo.com/read/00525597391a9f29d2a4a

  • Chemins de traverse : #Atelier d’écriture sur la ville en mouvement

    http://liminaire.fr/au-lieu-de-se-souvenir/article/chemins-de-traverve

    https://youtu.be/P-OvX7C7qA0

    Pour la thématique de cet atelier j’ai pensé à nos envies d’évasion en cette période de confinement qui s’inscrit dans la durée. Nous sommes en effet tous contraints à limiter nos déplacements dans l’espace d’un kilomètre autour de chez nous. Dans cet espace clos, notre esprit cherche à s’échapper, il envisage son dépassement et nous pensons avec une légère nostalgie aux lieux que nous aimons mais qu’on ne pouvons plus atteindre, rejoindre, et nous nous y transportons en pensée. Nous imaginons traverser la ville.

    Je vous propose de travailler sur cette notion de mouvement, de traversée, et la manière qu’elle a de transformer notre environnement, notre vision des choses, à partir de deux livres de poésie : Sombre les détails de Guillaume Fayard (Le Quartanier), et Regard fatigué, de Christophe Marchand-Kiss (Collection PaRDèS, Éditions Aleph).
    #Atelier / #Ecriture, #Paris, #Ecriture, #Récit, Ville, #Paysage, Absence, #Corps, #Dérive, #Mouvement, #Temps, (...)❞

  • « Même confinées, on enjoint les femmes à cacher leurs cheveux blancs, à faire du sport pour ne pas grossir, à se maquiller… Et si, en l’absence du regard des autres, c’était plutôt l’occasion d’enterrer une fois pour toutes les injonctions sur leur apparence ? »

    https://www.lesinrocks.com/2020/04/15/actualite/societe/confinement-et-si-on-foutait-la-paix-aux-corps-des-femmes

    #corps #confinement #féminisme

  • Une politique des corps écologiste(s) | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/vanessa-jerome/blog/120420/une-politique-des-corps-ecologistes

    Ici se révèle toute la pertinence du militantisme écologiste. Au-delà de ses échecs et insuffisances, il a su forger, de par le monde, des corps conscients de leur fragilité, prêts à lutter pour un monde plus juste. Raillé, stigmatisé, minorisé, le corps écologiste se caractérise par un ensemble d’apprentissages adaptés au défi de la transition. Parmi tous, deux sont particulièrement structurants : celui de la limite et celui du temps.

    L’écologiste, c’est celui qui dit « Nous n’avons ni le temps ni l’espace, nous sommes finis, le monde aussi » ou « Oyé ! Nous sommes si fragiles, si petits, si rares ! ». A contrario de l’air du temps, il signifie les limites au lieu de les repousser. Il a l’air d’être contre le Progrès, le « Sens de l’Histoire », ne s’épate guère de pouvoir aller sur la Lune. Pour les autres, l’écologiste est un arriéré, une frustration permanente. Pour lui-même, un sacrifice de presque tous les instants, auquel il concède d’autant plus volontiers qu’il y est socialement préparé. Natif ou converti, l’écologiste sait qu’il n’est pas d’idéal sans acceptation de quelques formes de contention, sans plaisir de l’ascèse. Il est finitude et rareté.

    L’écologiste, c’est aussi le constructeur d’un nouveau temps des sociétés. Le temps qui manque, pour convaincre du bienfondé de la conversion écologique. Le temps qu’il faut, pour démontrer dans les faits, les pratiques, les gestes quotidiens, que cette conversion est nécessaire et désirable. Le temps gâché, d’une mission, d’une expertise, d’une conférence internationale, dont les préconisations vertueuses sont vite enterrées. Le temps d’une campagne électorale, d’un mandat, d’un ministère, dont les réalisations sont nécessairement trop peu ambitieuses, imparfaites, critiquées.

    Surtout, le temps qui passe, qui s’impose et qui rapproche des catastrophes qu’il s’agit justement d’éviter. Être écologiste, c’est accepter d’être à la fois pressé et patient, de vivre dans cette sorte d’élasticité du temps qui impose un va-et-vient constant entre le temps de la nature et celui de l’agenda politique, entre le temps du présent et celui d’un futur dont on ne sait finalement pas grand chose. L’écologiste est urgence et lenteur combinées.

    Et voici peut-être, finalement, la plus importante des tâches qui attendent les écologistes : enseigner aux autres à le devenir.

    #minorités_politiques #écologie #corps #Vanessa_Jérôme

  • #Essais_cliniques : quand la #science recrute ses doublures en #Afrique ou chez les #pauvres

    Alors qu’il est question sur LCI de vérifier une molécule en Afrique avant d’en faire bon usage face au Covid-19 ou que le protocole du professeur Raoult est mis en question, retour sur l’histoire des essais cliniques : quand le progrès médical faisait bombance des corps de peu d’importance.

    C’était sur LCI la semaine dernière, et la scène en a cueilli plus d’un devant le direct :

    Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le Sida. Chez les prostituées, on essaye des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas.

    En plateau, c’est #Jean-Paul_Mira, chef de la réanimation à l’hôpital Cochin de Paris, qui prononce cette phrase. En duplex, Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, acquiesce :

    Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une #étude en parallèle en Afrique.

    Soigner ou punir, pourquoi choisir ?

    L’idée n’a pas choqué ce microbiologiste parce qu’elle est banale : la #délocalisation des essais cliniques, notamment en Afrique, et/ou sur des prostituées, relève au fond d’une pratique ordinaire de la #recherche_médicale. Mais elle a heurté de nombreux spectateurs parce qu’elle embarque tout un chapelet de représentations qui ne ressortent pas seulement de l’#histoire_de_la_médecine mais aussi de l’#histoire_sociale et de l’#histoire_coloniale. Car l’histoire des essais cliniques est l’histoire d’un #rapport_de_pouvoir, et plus précisément d’un rapport profondément inégalitaire. Longtemps, c’est sur cette inégalité-là que s’est juché le progrès scientifique. A bien des égards, c’est toujours vrai.

    L’exemple des prostituées (celles qui “ne se protègent pas”), que prend le médecin sur LCI, ne vient pas de nulle part : dans l’histoire de la médecine clinique, de nombreuses expérimentations ont été pratiquées sur les travailleuses du sexe. Et souvent, de façon coercitive. Leur marginalité par rapport à la société y a souvent été pour beaucoup, au XIXe siècle, à une époque où justement l’expérimentation médicale se stabilisait. Ces femmes n’étaient pourtant pas hors la loi : ni le tout premier code pénal français (qu’on doit aux révolutionnaires, en 1791), ni celui de 1810 (qui restera en vigueur jusqu’en 1994), n’interdiront la prostitution, qui d’ailleurs est aussi pratiquée de façon ordinaire par les femmes de classes populaires, mariées ou non. Mais même si on appelait ça “le cinquième quart”, c’est-à-dire, celui qui met du beurre dans les épinards et souvent sauve le ménage de la misère, la pratique est stigmatisée par les autorités en dépit de ce que l’historienne Clyde Plumauzille appellera une “dépénalisation silencieuse”. Et c’est depuis ce stigmate-là, et aussi parce qu’elles peuvent propager les maladies, qu’on décidera régulièrement de tester sur elles des remèdes.

    A la fin des années 1820, par exemple, on décide de créer un dispensaire spécialement pour elles, géré par les médecins de la Préfecture de police, qui obligent les filles, prostituées officielles ou non (on dit "soumises" ou "insoumises"), à se faire soigner. A partir de 1836, à Paris, les filles soumises (celles qui se sont déclarées) qui pensent être touchées par des maladies vénériennes comme la syphilis n’ont plus le droit de se présenter dans aucun autre hôpital, et relèvent uniquement de l’infirmerie construite sur les flancs de la prison Saint-Lazare. Un hôpital-prison où, au passage, les médecins peuvent aussi renvoyer toutes les autres, dès lors qu’on les jugerait trop turbulentes, rappellent les historiennes Claire Barillé et Sandie Servais dans leur contribution au livre collectif Impossibles victimes, impossibles coupables.
    Un petit goût de mercure dans la tisane

    C’est dans ce cadre répressif-là que se généralisent les essais thérapeutiques sur les prostituées, sur qui l’on teste, par exemple, différents dosages de mercure. Sont-elles averties du risque inhérent aux expérimentations ? Dans sa formidable généalogie des essais cliniques et de la médecine expérimentale, Les Corps vils, parue en 2008 à La Découverte, le philosophe Grégoire Chamayou racontait qu’une véritable sédition avait eu lieu, entre ces murs parisiens où le soin et le contrôle se superposaient : les prostituées avaient découvert qu’une partie d’entre elles, à qui on administrait un simple placebo et non le traitement au mercure, pouvaient aussi guérir. Réponse de l’administration sanitaire : on inventa alors un breuvage suffisamment amer pour donner au placebo le goût du mercure, et leur faire croire ainsi qu’elles étaient toutes à la même enseigne.

    Car le consentement aux essais cliniques est une invention bien plus tardive que la pratique. C’est tout le sens du terme “corps vils”, qui traduit une locution latine centrale dans l’histoire du jargon médical : “fiat experimentum in corpore vili”, qui rappelle explicitement qu’historiquement, on a d’abord testé les médicaments sur ces “corps de peu d’importance” - mais sans toujours leur demander leur avis. Dans le même ouvrage, Chamayou rappelle que, longtemps, on s’accommodera de faire porter sur les plus pauvres, comme sur les prostituées, le risque des essais, puisqu’après tout, c’est leur mode de vie tout entier qui les exposerait à la mort :

    Le médecin ne portera pas la responsabilité d’un risque que la pauvreté leur aurait de toute façon fait courir.

    Ce rapport sacrément décomplexé à l’administration du risque sur les plus modestes vous semble à peine croyable ? On le comprend mieux si on a en tête deux éléments. D’abord, qu’on a longtemps pratiqué les premiers essais sur les suppliciés et les condamnés. Ainsi, il était très courant de voir des médecins faire le pied de grue au pied de l’échafaud en quête de corps à peine morts, prêts pour l’expérimentation. La science prenant son essor, ce seront bientôt les corps des condamnés qui seront mis à disposition, de leur vivant. Au premier chef, les condamnés à mort, mais aussi des bagnards, sur qui l’on testera par exemple au bagne de Rochefort, en Charente-Maritime, divers remèdes qu’on hésitait encore à administrer aux marins. Ces corps-là sont toujours vivants, mais déchus de leur statut social, et c’est depuis cette déchéance-là qu’on les met à disposition pour la recherche. Ils deviennent au fond profitables pour la médecine quel qu’en soit le prix, parce qu’ils n’ont plus de valeur sociale.
    Droit de guerre ou droit de... guérir ?

    Mais il faut aussi avoir en tête que les hôpitaux du XIXe siècle ne sont pas ceux qu’on connait aujourd’hui, mais d’abord des lieux d’accueil, des hospices, dédiés aux indigents. Ainsi s’installe aussi l’idée que les pauvres, dont les soins mais aussi l’inhumation, représentent une charge pour la collectivité, peuvent bien rembourser leur dette vis-à-vis de la société en soumettant leur corps à divers essais réputés nécessaires. Immoral ? Le débat s’installera à l’échelle de toute l’Europe, dès le XVIIIe siècle, et impliquera, dans le giron des Lumières, aussi bien les Encyclopédistes français qu’Emmanuel Kant. La controverse enfle ainsi, tandis qu’on découvre le principe de la vaccination qui implique d’inoculer dans certains corps la maladie à titre de test. Kant répondra par exemple qu’on n’a pas le droit de risquer la vie d’une partie de la population pour que l’autre vive. Mais bien des philosophes des Lumières estiment, eux, que le progrès de la science prime, et Grégoire Chamayou compare finalement la légitimation des expérimentations à un “droit de guerre”, quand un pouvoir politique lève une armée en masse pour sauver un pays.

    Longtemps, ces corps-là, qu’on pense d’une valeur sociale inférieure, font ainsi office de “doublures”, pour reprendre l’image, très éloquente, développée par Grégoire Chamayou dans son livre. Puis l’idée que le consentement éclairé du patient est nécessaire s’installe bon an, mal an. Si le cobaye est consentant, encore faut-il que les essais soient viables. Or la fin du XIXe siècle est aussi le moment où la recherche médicale se sophistique et se rationalise, avec la généralisation des statistiques, et des mesures qui se systématisent dans les essais (on dit notamment “métrologie”). Ce qu’on appelle “la médecine des preuves” est née, et elle implique des tests à grande échelle... et donc, des corps. La conquête coloniale viendra suppléer au manque de corps à cette échelle, et fournir une nouvelle catégorie de “doublures”. C’est dans cette histoire-là que s’enracine la réaction du médecin sur LCI : aujourd’hui, des essais sont encore pratiqués en grand nombre dans les pays en voie de développement, et notamment en Afrique.
    Les doublures africaines

    En 2015, 658 essais étaient pratiqués en Afrique, dont 280 en Egypte - qui, contre toute attente, tiendrait lieu d’eldorado justement parce que ses infrastructures de santé et ses universités y sont plutôt plus développées. Sur place, on n’en est plus aux gigantesques camps coloniaux, où la nouvelle administration coloniale faisait procéder à des tests à grande échelle dans des régions subalternes, qui correspondent aujourd’hui au Sénégal ou au Cameroun. Ces pays sont aujourd’hui indépendants. Mais leur politique sanitaire reste étroitement liée aux anciennes puissances coloniales, ou à leurs industries pharmaceutiques. Si elles sont correctement menées, c’est à dire que les populations y ont un bénéfice thérapeutique réel, ces recherches sont essentielles pour donner accès à des pays entiers à des traitements cruciaux. C’est pour ça, par exemple, qu’une chercheuse sonnait l’alerte dans Le Monde, le 3 avril, alors qu’aucun des 359 essais cliniques aujourd’hui enregistrés sur terre pour la recherche sur les traitements Covid-19 n’avait encore débuté en Afrique. Mais encore faut-il que ces recherches se déroulent dans les règles de l’art. Car, malgré une naissance aussi tardive que laborieuse, des standards ethiques existent aujourd’hui.

    La bascule remonte au procès de Nüremberg, en 1946, après quoi il sera entendu qu’on doit encadrer la recherche pour que rien ne ressemble plus à ce qui a pu se pratiquer dans les camps nazis. Dans les deux ans qui suivent, un premier squelette de charte éthique prend forme, qui débouche, six ans plus tard, sur ce qui restera comme “la déclaration d’Helsinki”.

    La Déclaration d’Helsinki date de 1964, et c’est le tout premier texte qui encadre les essais. Un texte fondateur, qui reconnaît la nécessité des expérimentations humaines “pour le progrès de la science et pour le bien de l’humanité souffrante”, et qui distingue par exemple les expérimentations menées au chevet du malade, des essais sur un non-malade, dans le but d’élargir la connaissance scientifique. L’idée du consentement du cobaye y figure noir sur blanc. Mais il ne s’agit encore que d’une charte de bonnes pratiques : aucune contrainte dans la Déclaration d’Helsinki ou dans les textes qui verront le jour dans la foulée, et qui précisent par exemple que la personne sur qui on expérimente doit avoir un intérêt. Charge, en fait, aux pays de s’en saisir pour transformer ces grands principes moraux en loi. Il faudra 24 ans en tout pour que la France y vienne : la profession médicale et les juristes sont divisés, et une part non négligeable d’entre eux sont loin d’être acquis à l’idée d’avaliser pour de bon l’expérimentation sur des sujets humains.
    1988, et la toute première loi française

    Mais en 1983, la création du Comité national d’éthique, qui prendra position en faveur des essais, paraît avoir accéléré le calendrier : la toute première proposition de loi sur les essais thérapeutiques en France est débattue en 1985 à l’Assemblée nationale. Le blocage du texte dans le champ politique montre bien toute la charge polémique qui entoure la question de l’expérimentation thérapeutique, en France, dans les années 1980. C’est finalement après un rappel à l’ordre du Conseil d’Etat que sera votée la toute première loi sur les essais : du nom des parlementaires qui la portent, ce sera la loi Huriet-Sérusclat, entrée en vigueur un 20 décembre 1988. On y trouve notamment le principe que ceux sur qui sont pratiqués les tests, qui n’ont pas de bénéfice thérapeutique direct, parce qu’ils ne sont pas malades, peuvent être indemnisés - mais pas les autres. Et aussi que les essais ne sont possibles pour toute une catégorie de personnes qu’à la condition expresse qu’elles y aient intérêt pour leur santé : ça concerne par exemple les mineurs, ou des adultes vulnérables comme les détenus et des patients en situation d’urgence.

    Un quart de siècle plus tard, de nombreuses ONG signalent que les essais cliniques ont explosé en Afrique. Même MSF fait désormais des essais sur le sol africain : les premiers essais de l’ONG sur Ebola remontent à 2014 mais dès les années 1990, on trouve dans les archives de Médecins Sans Frontières la trace d’essais liés au paludisme, avec par exemple cette explication :

    Face à l’absence de données, Médecins sans frontières (MSF) a mis en place des études cliniques afin de mesurer l’efficacité des antipaludéens et d’adapter les traitements au sein de ses missions. Entre 1996 et 2004, plus de 12 000 patients furent inclus dans 43 études réalisées dans 18 pays d’Asie et d’Afrique.

    Comme ici, il s’agit parfois de tester, sur place, des pathologies spécifiques, qui séviraient dans certains pays, et pas dans d’autres. Mais pas toujours. Il arrive aussi qu’une firme pharmaceutique délocalise son expérimentation parce que c’est parfois jusqu’à cinq fois moins cher de mener des essais dans un pays africain qu’en Europe. Et aussi parce que la loi Huriet-Sérusclat ne contraint pas les industriels qui délocalisent leurs essais, même lorsqu’il s’agit de laboratoires français ? Et qu’on prendrait bien des libertés sous les tropiques vis à vis de ces principes éthiques dont l’ébauche fut si tardive en France ? Il est caricatural, et souvent carrément faux, d’imaginer qu’on ferait n’importe quoi dans ce nouveau far west de l’innovation thérapeutique. Des protocoles existent, qui montrent que l’éthique n’a pas tout bonnement disparu quelque part au dessus du Détroit de Gibraltar. Et en 1981, un texte international, resté comme “la Déclaration de Manille”, avait complété celle d’Helsinki, en précisant les conditions des essais cliniques dans les pays en voie de développement.
    Asymétrie Nord-Sud

    Malgré tout, le rapport Nord-Sud en matière d’essais reste marqué par une forte asymétrie. Ainsi, plusieurs scandales, dont certains se sont soldés par des actions en justice, montrent que bien des protocoles peuvent se révéler plus laxistes une fois les essais menés à l’étranger. Par exemple, pour tout ce qui concerne le bénéfice des traitements : quand on voit le tarif de commercialisation de bien des molécules, ou encore les maladies pour lesquelles on procède à des tests, on peut douter parfois que la balance des bénéfices et des risques soit toujours favorables aux populations qui se prêtent aux tests. Jean-Philippe Chippaux est médecin et directeur de recherche à l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement. Dans un ouvrage éclairant qui date de 2004, et disponible par ici, ce chercheur de terrain, qui a longtemps travaillé depuis Dakar, concluait qu’il y avait urgence à ce que “les Africains s’approprient le concept de l’essai clinique pour répondre à leurs besoins spécifiques de santé publique”. Il rappelait à cette occasion la dimension infiniment politique des essais cliniques. C’était vrai au XVIIIe siècle lorsqu’au pied de l’échafaud, la science faisait bombance des corps des suppliciés ramenés au rang d’objet. Mais c’est toujours vrai à présent qu’il s’agit de géopolitique sanitaire :

    L’essai clinique apparaît comme un instrument incontournable de l’indépendance sanitaire. Car, au-delà de cette appropriation, la finalité de la pratique d’essais cliniques dans les pays africains est bien de susciter une capacité locale permettant d’y décider, réaliser, surveiller et exploiter en toute indépendance les recherches cliniques. Cela nécessite une compétence technique et une maîtrise politique, donc financière, de la recherche et de la santé.

    L’essai thérapeutique comme une émancipation plutôt qu’une double peine ? L’idée a quelque chose de rassérénant tant la lecture de la généalogie de Grégoire Chamayou, Les Corps vils, est édifiante. Mais elle rend encore plus décisive la question du consentement des sujets de l’expérimentation. Or, de ce point de vue-là, c’est peu dire que les garanties ne sont pas équivalentes selon que l’essai a lieu sur le sol français ou, par exemple, au Cameroun. Un essai sur le VIH s’est déroulé sur place entre 2004 et 2005, qui ciblait plus particulièrement 400 prostituées. Objet de l’essai à l’époque : un antiviral du nom de "Tenofovir", qui sera commercialisé en France à partir de février 2002. Mais avant sa mise sur le marché, il avait fallu le tester. Or Act-up avait révélé que, non seulement, les femmes camerounaises qui faisaient partie de la cohorte sous placebo étaient insuffisamment protégées. Mais que, de surcroît, elles étaient très nombreuses parmi toutes celles impliquées dans l’étude du laboratoire Gilead, à avoir signé en pensant qu’on allait leur administrer un vaccin. Et pour cause : le protocole écrit, auquel on leur avait donné furtivement accès, était en anglais. Or, pour la plupart, ces femmes étaient illettrées, et surtout, francophones.

    Le consentement de ces femmes n’était donc pas réel. Leur situation paraît d’autant plus asymétrique qu’en France, au contraire, bien des candidats aux essais cliniques doivent au contraire faire carrément acte de candidature. Contrairement aux travaux sur le don du sang, il existe peu d’enquêtes sociologiques sur les essais thérapeutiques. Mais il existe un travail passionnant, signé du politiste Olivier Filleule. Pour une journée d’études en 2015 (qui donnera lieu à l’ouvrage collectif Recrutement-engagement dans des essais cliniques en prévention, sous la direction de Mathilde Couderc et Caroline Ollivier-Yaniv, également en ligne et en acces libre par ici), le chercheur, spécialiste de l’engagement, a passé au crible les lettres de motivation envoyées par 4259 candidats, entre 1991 à 2001, pour des essais vaccinaux sur le VIH. Il a cherché à comprendre non seulement qui se proposait de participer à de tels essais, non rémunérés (et pourquoi), mais aussi qui était retenu.

    Et on prend bien la mesure, en lisant Olivier Filleule, combien un protocole en bonne et due forme, ici, en France, implique non seulement une information au cordeau des volontaires, à qui on exposera clairement les coûts de l’engagement ou les risques encourus. Mais aussi un tri des motivations des candidats, que les promoteurs des essais avertissent par exemple du “caractère illusoire de rétributions pouvant être espérées”. On découvre ainsi au tamis de son enquête qu’un certain nombre des candidats, notamment du côté des hommes, plaçaient beaucoup d’espoir dans l’idée qu’ils pouvaient se faire d’un partenariat privilégié avec les chercheurs au bénéfice de la science. Pas sûr que c’était ce qu’entendaient ces deux médecins sur LCI, début avril, sur fond d’épidémie de Covid 19.

    https://www.franceculture.fr/societe/essais-cliniques-quand-la-science-recrute-ses-doublures-en-afrique-ou-
    #tests_cliniques #coronavirus #néo-colonialisme #covid-19 #médecine #rapports_de_pouvoir #pouvoir

  • Peuples du monde, encore un effort !

    Raoul Vaneigem

    https://lavoiedujaguar.net/Peuples-du-monde-encore-un-effort

    Le monde change de base

    Le choc du coronavirus n’a fait qu’exécuter le jugement que prononçait contre elle-même une économie totalitaire fondée sur l’exploitation de l’homme et de la nature.

    Le vieux monde défaille et s’effondre. Le nouveau, consterné par l’amoncellement des ruines, n’ose les déblayer ; plus apeuré que résolu, il peine à retrouver l’audace de l’enfant qui apprend à marcher. Comme si avoir longtemps crié au désastre laissait le peuple sans voix.

    Pourtant, celles et ceux qui ont échappé aux mortels tentacules de la marchandise sont debout parmi les décombres. Ils s’éveillent à la réalité d’une existence qui ne sera plus la même. Ils désirent s’affranchir du cauchemar que leur a asséné la dénaturation de la terre et de ses habitants.

    N’est-ce pas la preuve que la vie est indestructible ? N’est-ce pas sur cette évidence que se brisent dans le même ressac les mensonges d’en haut et les dénonciations d’en bas ? (...)

    #effondrement #lutte #vivant #poésie #nature #oppression #peuple #monde #justice #cultures #militarisation #corps #tyrannie #servitude #inhumanité #désastre #autogestion #richesse #volonté

  • #Immunity_passports' could speed up return to work after Covid-19

    “Immunity passports” for key workers could be a way of getting people who have had coronavirus back into the workforce more quickly, scientists and politicians in the UK have suggested.

    Researchers in Germany are currently preparing a mass study into how many people are already immune to the Covid-19 virus, allowing authorities to eventually issue passes to exclude workers from restrictive measures currently in place.

    The study, which is yet to finalise funding, would involve testing the blood of more than 100,000 volunteers for coronavirus antibodies from mid-April. The test would then be repeated at regular intervals on an accumulatively larger sample of the population, to track the pandemic’s progress.

    The shadow health secretary, Jonathan Ashworth, said: “Germany appears to be leading the way in the testing and we have much to learn from their approach. I’ve repeatedly called for more testing and contact tracing in the UK, and we should be looking at initiatives like this closely.”
    Coronavirus: the week explained - sign up for our email newsletter
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    The results of the German study, organised by the government’s public health body, the Robert Koch Institute, the German Centre for Infection Research, the Institute for Virology at Berlin’s Charite hospital and blood donation services, would make it easier to decide when and where schools in the country could reopen, and which people are safe to go back to work.

    “Those who are immune could be issued with a kind of vaccination pass that would for example allow them to exempted from restrictions on their activity,” said Gerard Krause, head of epidemiology at the Helmholtz Centre for Infection Research in Braunschweig. The German government has not yet officially commented on the proposal for such a certificate made by scientists.

    Dr Philippa Whitford, an SNP MP and former surgeon, said immunity passports could be used specifically for key workers in healthcare in the UK but would be difficult to roll out more widely across the country because of the level of administration needed.

    Whitford, who is also chair of the all-party parliamentary group for vaccines, said the length of time someone may have immunity after they have had Covid-19 was still largely unknown. Someone contracting Sars, which is also a coronavirus, did not have long-term immunity – potentially only up to a year after the infection.

    Prof Peter Openshaw, a member of the government’s new and emerging respiratory virus threats advisory group, said people who have recovered and test positive for coronavirus antibodies should no longer be infectious themselves and would be expected to have at least some immunity to the virus.

    He said the worse case scenario – based on what is known about immunity to coronaviruses that cause common colds – is that former patients would have only partial resistance for about three months.

    “It could be that this coronavirus causes a pretty robust immune response, which is durable and protective for much longer, maybe a year or even five years, but we don’t know because it’s a new virus,” he said.

    Immunity passports are a “reasonable provisional measure”, Openshaw said, but he stressed that people granted the passports would have to be kept under close observation to ensure they were not becoming reinfected.

    “In subsequent monitoring, it would be really important to determine whether those who do return to normal circulation are in fact protected,” he said.
    But Openshaw said it would be “highly inadvisable” to breach the government’s lockdown rules and intentionally risk infection.

    “Although there are risk factors for severity of illness and admission to intensive care, quite a high proportion who are being admitted are otherwise well and do not have those risk factors,” he said.

    “It would be putting your life at risk to try and catch it at the moment. It would be much better to adhere to social distancing and to wait for the vaccine.”

    https://www.theguardian.com/world/2020/mar/30/immunity-passports-could-speed-up-return-to-work-after-covid-19?CMP=sha
    #le_monde_d'après #passeport #frontière_mobile #frontières_mobiles #corps #contrôles_frontaliers #frontières #immunité #passeport_d'immunité #mobilité #Allemagne

    ping @reka @fil @mobileborders

  • Une ville vide : #Atelier d’écriture sur la ville et ses inventions

    http://liminaire.fr/au-lieu-de-se-souvenir/article/une-ville-vide

    Cet atelier s’inscrit dans le cadre d’une série d’ateliers d’écriture sur le thème de la ville que j’anime, depuis janvier 2020 et jusqu’en juin, pour le compte de la bibliothèque François Villon (fermée en ce moment pour travaux de rénovation) à la Maison des Associations et de la vie Citoyenne du 10ème. Dans l’impossibilité de le mener sur place, suite aux mesures sanitaires de confinement, je propose aux participants inscrits une version vidéo, à distance, de cet atelier d’écriture. J’en profite pour inviter celles et ceux qui souhaiteraient y participer, de m’envoyer leur texte pour que je les diffuse sur mon blog ou de m’indiquer l’adresse de leur blog s’ils y participent pour que je puisse m’en faire le relais, et si vous le diffusez sur les réseaux sociaux vous pouvez y associer le hashtag : #VilleVide
    #Atelier / #Architecture, #Paris, #Ecriture, #Récit, Ville, #Paysage, Absence, #Corps, #Dérive, #Sensation, #Solitude, #Fantôme, #Temps, (...)❞

  • Lettre d’un soignant à ceux qui nous gouvernent – ACTA
    https://acta.zone/lettre-dun-soignant-a-ceux-qui-nous-gouvernent

    Vos politiques néolibérales, telles que vous les poursuivez depuis plusieurs années, ont abouti à cela (pour ne parler que du secteur médical). Avant le coronavirus déjà, et bien plus avec lui, il faudra que nous parvenions un jour à estimer le nombre de morts qui vous est dû. Vous pourrez alors vous préparer à en payer le prix, celui des criminels. Car votre monde est un crime organisé : le travail casse et tue, les patrons encaissent, les flics jouent les hommes de main, les politiques entérinent ça en droit. Et, tout en écrasant le secteur de la santé (coupes budgétaires, gestion managériale, objectifs de rentabilité, suppressions de poste et de matériel), vous nous confiez la précieuse mission d’agir en recycleur du capitalisme : assurer la reproduction de la force de travail en réparant les corps broyés pour les remettre à votre disposition sur le marché du travail. Nous le savons, et détestons trop souvent notre travail. Tiraillés entre l’envie profonde de prendre soin des autres, et le refus catégorique de répondre à vos missions. Entre le désir d’accompagner les patients parfois en détresse, et la course au temps et à l’argent qui nous est imposée. Et vous, vous savez pertinemment notre impuissance face à vos politiques assassines. Car s’y opposer signifie tout bloquer ; et tout bloquer, c’est inévitablement mettre en danger celles et ceux qui ont besoin de soins. On ne peut que tristement constater à quel point la grève massive des services d’urgences de ces derniers mois n’a abouti à rien (sans jamais bien sûr remettre en question le courage et la détermination de celles et ceux qui l’ont menée). Imaginez la rage de les voir vanter le mérite et l’abnégation des soignants en cette période de crise, du haut de leur hypocrisie.

    #colère

  • L’indécise #Absence
    http://liminaire.fr/derives/article/l-indecise-absence

    Tant de fois tu avais imaginé, et secrètement espéré, cette curieuse situation sans t’y confronter réellement, tu rêvais parfois de lieux vides dans lesquels tu pourrais marcher librement, mais sans ressentir ce que tu percevais désormais, maintenant que tu traversais effectivement la #Ville déserte, à l’abandon, sans croiser un seul passant, dans l’inquiétude tenace et grandissante de ces circonstances incompréhensibles. Avancer seul dans une ville vide, c’était un peu comme s’endormir au cinéma pendant (...) #Dérives / #Architecture, #Paris, #Récit, Ville, #Paysage, Absence, #Corps, #Dérive, #Sensation, #Solitude, #Fantôme, #Temps, (...)

    #Amour
    https://lesheurescreuses.net/2020/03/15/une-aubaine-pour-les-oiseaux

  • Césars : « Désormais on se lève et on se barre » | Virginie Despentes
    https://www.liberation.fr/debats/2020/03/01/cesars-desormais-on-se-leve-et-on-se-barre_1780212

    Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Source : (...)

    • Et vous savez très bien ce que vous faites - que l’humiliation subie par toute une partie du public qui a très bien compris le message s’étendra jusqu’au prix d’après, celui des Misérables, quand vous convoquez sur la scène les corps les plus vulnérables de la salle, ceux dont on sait qu’ils risquent leur peau au moindre contrôle de police, et que si ça manque de meufs parmi eux, on voit bien que ça ne manque pas d’intelligence et on sait qu’ils savent à quel point le lien est direct entre l’impunité du violeur célébré ce soir-là et la situation du quartier où ils vivent.

    • https://medias.liberation.fr/photo/1297226-adele-haenel-walked-out-of-the-cesars-paris.jpg?modified_a

      oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse. C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir. La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant. C’est la seule réponse possible à vos politiques. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre mascarade de respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’imbéciles funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.

    • Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout.

      Le public a été voire en masse le dernier Polansky, la cérémonie ne se foute pas du tout du public. C’est le public qui se fout des violé·es. Le public se branle sur du porno plusieurs fois par semaine et il est aussi misogyne et violophile que le jury des césars.
      Le public ce qu’il a préféré du cinéma franças c’est « Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? » qui à la 4eme place au Box office, Polansky est 32eme un peu derrière Nicky Lason, autre fleuron du ciné français.
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      On se casse, Ok, c’est bien mais ou on va si on quitte la Macronie avec nos talons hauts et notre robe de soirée de femmes-cis-non-dominée ? on va en Trumpie, en Poutinie, ou en Sevrerinie ? Ou il est ce pays sans viol et sans violophiles ou on irait si on se casse ? Il n’existe même pas en rêve !

    • Césars : « Désormais on se lève et on se barre », par #Virginie_Despentes

      Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture, vous, les puissants, vous exigez le #respect entier et constant. Ça vaut pour le #viol, les exactions de votre #police, les #césars, votre #réforme des #retraites. En prime, il vous faut le #silence de #victimes.

      Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi #mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de #49-3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer #Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais #patrons, les gros #caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de #consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des #puissants s’il fallait tenir compte du consentement des #dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de #rage et d’#impuissance depuis votre belle #démonstration_de_force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’#impunité.

      Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des césars élise #Roman_Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est #grotesque, c’est #insultant, c’est #ignoble, mais ce n’est pas surprenant. Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. Si la lutte contre la montée de l’antisémitisme intéressait le cinéma français, ça se verrait. Par contre, la voix des opprimés qui prennent en charge le récit de leur calvaire, on a compris que ça vous soûlait. Alors quand vous avez entendu parler de cette subtile comparaison entre la problématique d’un cinéaste chahuté par une centaine de féministes devant trois salles de cinéma et Dreyfus, victime de l’antisémitisme français de la fin du siècle dernier, vous avez sauté sur l’occasion. Vingt-cinq millions pour ce parallèle. Superbe. On applaudit les investisseurs, puisque pour rassembler un tel budget il a fallu que tout le monde joue le jeu : Gaumont Distribution, les crédits d’impôts, France 2, France 3, OCS, Canal +, la RAI… la main à la poche, et généreux, pour une fois. Vous serrez les rangs, vous défendez l’un des vôtres. Les plus puissants entendent défendre leurs #prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la #puissance de vos grosses fortunes : avoir le #contrôle_des_corps déclarés #subalternes. Les #corps qui se taisent, qui ne racontent pas l’histoire de leur point de vue. Le temps est venu pour les plus riches de faire passer ce beau message : le #respect qu’on leur doit s’étendra désormais jusqu’à leurs bites tachées du sang et de la merde des enfants qu’ils violent. Que ça soit à l’#Assemblée_nationale ou dans la #culture - marre de se cacher, de simuler la gêne. Vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, ça vaut pour les exactions de votre #police, ça vaut pour les césars, ça vaut pour votre réforme des retraites. C’est votre politique : exiger le silence des victimes. Ça fait partie du territoire, et s’il faut nous transmettre le message par la #terreur vous ne voyez pas où est le problème. Votre #jouissance_morbide, avant tout. Et vous ne tolérez autour de vous que les valets les plus dociles. Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’#argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le #cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout. C’est votre propre puissance de frappe monétaire que vous venez aduler. C’est le gros budget que vous lui avez octroyé en signe de soutien que vous saluez - à travers lui c’est votre puissance qu’on doit respecter.

      Il serait inutile et déplacé, dans un commentaire sur cette cérémonie, de séparer les corps de cis mecs aux corps de cis meufs. Je ne vois aucune différence de comportements. Il est entendu que les grands prix continuent d’être exclusivement le domaine des #hommes, puisque le message de fond est : #rien_ne_doit_changer. Les choses sont très bien telles qu’elles sont. Quand #Foresti se permet de quitter la fête et de se déclarer « écœurée », elle ne le fait pas en tant que meuf - elle le fait en tant qu’individu qui prend le risque de se mettre la profession à dos. Elle le fait en tant qu’individu qui n’est pas entièrement assujetti à l’#industrie_cinématographique, parce qu’elle sait que votre #pouvoir n’ira pas jusqu’à vider ses salles. Elle est la seule à oser faire une blague sur l’éléphant au milieu de la pièce, tous les autres botteront en touche. Pas un mot sur Polanski, pas un mot sur #Adèle_Haenel. On dîne tous ensemble, dans ce milieu, on connaît les mots d’ordre : ça fait des mois que vous vous agacez de ce qu’une partie du public se fasse entendre et ça fait des mois que vous souffrez de ce qu’Adèle Haenel ait pris la parole pour raconter son histoire d’enfant actrice, de son point de vue.

      Alors tous les corps assis ce soir-là dans la salle sont convoqués dans un seul but : vérifier le #pouvoir_absolu des puissants. Et les puissants aiment les violeurs. Enfin, ceux qui leur ressemblent, ceux qui sont puissants. On ne les aime pas malgré le viol et parce qu’ils ont du talent. On leur trouve du #talent et du style parce qu’ils sont des violeurs. On les aime pour ça. Pour le courage qu’ils ont de réclamer la #morbidité de leur #plaisir, leur #pulsion débile et systématique de destruction de l’autre, de #destruction de tout ce qu’ils touchent en vérité. Votre plaisir réside dans la #prédation, c’est votre seule compréhension du style. Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski : vous exigez qu’on vous admire jusque dans votre #délinquance. C’est cette exigence qui fait que lors de la cérémonie tous les corps sont soumis à une même #loi_du_silence. On accuse le #politiquement_correct et les réseaux sociaux, comme si cette #omerta datait d’hier et que c’était la faute des féministes mais ça fait des décennies que ça se goupille comme ça : pendant les cérémonies de cinéma français, on ne blague jamais avec la susceptibilité des patrons. Alors tout le monde se tait, tout le monde sourit. Si le violeur d’enfant c’était l’homme de ménage alors là pas de quartier : police, prison, déclarations tonitruantes, défense de la victime et condamnation générale. Mais si le violeur est un puissant : #respect et #solidarité. Ne jamais parler en public de ce qui se passe pendant les #castings ni pendant les prépas ni sur les tournages ni pendant les promos. Ça se raconte, ça se sait. Tout le monde sait. C’est toujours la loi du silence qui prévaut. C’est au respect de cette consigne qu’on sélectionne les employés.

      Et bien qu’on sache tout ça depuis des années, la #vérité c’est qu’on est toujours surpris par l’outrecuidance du pouvoir. C’est ça qui est beau, finalement, c’est que ça marche à tous les coups, vos saletés. Ça reste #humiliant de voir les participants se succéder au pupitre, que ce soit pour annoncer ou pour recevoir un prix. On s’identifie forcément - pas seulement moi qui fais partie de ce sérail mais n’importe qui regardant la cérémonie, on s’identifie et on est humilié par procuration. Tant de silence, tant de #soumission, tant d’empressement dans la #servitude. On se reconnaît. On a envie de crever. Parce qu’à la fin de l’exercice, on sait qu’on est tous les employés de ce grand merdier. On est humilié par procuration quand on les regarde se taire alors qu’ils savent que si Portrait de la jeune fille en feu ne reçoit aucun des grands prix de la fin, c’est uniquement parce qu’Adèle Haenel a parlé et qu’il s’agit de bien faire comprendre aux victimes qui pourraient avoir envie de raconter leur histoire qu’elles feraient bien de réfléchir avant de rompre la loi du silence. Humilié par procuration que vous ayez osé convoquer deux réalisatrices qui n’ont jamais reçu et ne recevront probablement jamais le prix de la meilleure réalisation pour remettre le prix à Roman fucking Polanski. Himself. Dans nos gueules. Vous n’avez décidément #honte de rien. Vingt-cinq millions, c’est-à-dire plus de quatorze fois le budget des Misérables, et le mec n’est même pas foutu de classer son film dans le box-office des cinq films les plus vus dans l’année. Et vous le récompensez. Et vous savez très bien ce que vous faites - que l’#humiliation subie par toute une partie du public qui a très bien compris le message s’étendra jusqu’au prix d’après, celui des Misérables, quand vous convoquez sur la scène les corps les plus vulnérables de la salle, ceux dont on sait qu’ils risquent leur peau au moindre contrôle de police, et que si ça manque de meufs parmi eux, on voit bien que ça ne manque pas d’intelligence et on sait qu’ils savent à quel point le lien est direct entre l’impunité du violeur célébré ce soir-là et la situation du quartier où ils vivent. Les réalisatrices qui décernent le prix de votre impunité, les réalisateurs dont le #prix est taché par votre #ignominie - même combat. Les uns les autres savent qu’en tant qu’employés de l’#industrie_du_cinéma, s’ils veulent bosser demain, ils doivent se taire. Même pas une blague, même pas une vanne. Ça, c’est le #spectacle des césars. Et les hasards du calendrier font que le message vaut sur tous les tableaux : trois mois de grève pour protester contre une réforme des retraites dont on ne veut pas et que vous allez faire passer en force. C’est le même message venu des mêmes milieux adressé au même peuple : « Ta gueule, tu la fermes, ton consentement tu te le carres dans ton cul, et tu souris quand tu me croises parce que je suis puissant, parce que j’ai toute la thune, parce que c’est moi le boss. »

      Alors quand Adèle Haenel s’est levée, c’était le sacrilège en marche. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation. Adèle se lève comme elle s’est déjà levée pour dire voilà comment je la vois votre histoire du réalisateur et son actrice adolescente, voilà comment je l’ai vécue, voilà comment je la porte, voilà comment ça me colle à la peau. Parce que vous pouvez nous la décliner sur tous les tons, votre imbécillité de séparation entre l’homme et l’artiste - toutes les victimes de viol d’artistes savent qu’il n’y a pas de division miraculeuse entre le #corps_violé et le #corps_créateur. On trimballe ce qu’on est et c’est tout. Venez m’expliquer comment je devrais m’y prendre pour laisser la fille violée devant la porte de mon bureau avant de me mettre à écrire, bande de bouffons.

      Adèle se lève et elle se casse. Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose qu’on ignorait sur la belle industrie du cinéma français par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée. A la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts : comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de #colère et les épaules ouvertes. La plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie - Adèle Haenel quand elle descend les escaliers pour sortir et qu’elle vous applaudit et désormais on sait comment ça marche, quelqu’un qui se casse et vous dit merde. Je donne 80 % de ma bibliothèque féministe pour cette image-là. Cette leçon-là. Adèle je sais pas si je te male gaze ou si je te female gaze mais je te love gaze en boucle sur mon téléphone pour cette sortie-là. Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’#arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre #respect. #On_se_casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse. C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir. La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant. C’est la seule réponse possible à vos politiques. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre #mascarade_de_respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’#imbéciles_funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/03/01/cesars-desormais-on-se-leve-et-on-se-barre_1780212

    • Il y a une sorte de dimension religieuse dans ces cérémonies cinéphiles. Comme chez les Aztèques dans leur rites sacrificiels où l’on droguait les prisonnier·ères avant de les allonger sur un autel pour leur ouvrir la poitrine et en extirper leur cœur palpitant. Les « dieux » aiment le sang et si si on se laisse convaincre par leurs prêtres qu’on va gagner l’éternité en se soumettant à leurs fantasmes, on se fera fatalement arracher le cœur. C’est à dire déposséder de notre part la plus intime d’êtres vivants et pensants et donc nous briser. Les aristocrates, de quelque obédience soient-ils, exigent avant toute chose la soumission de leurs subordonné·es. Et ils ont même poussé leur perversité sans limite à faire accepter au langage commun le qualificatif de « nobles ».
      Et si toutes ces célébrations dilatoires n’étaient qu’une mise en abyme du mauvais scénario que nous subissons depuis 2016, année précédant la dernière élection présidentielle en date ?

      #aristocratie_guerrière #théocratie #nos_bons_maîtres #R.A.G.E.

    • Césars : ce que veut dire #quitter_la_salle

      La « #honte » exprimée par Adèle Haenel vendredi, lors de la cérémonie, est une expérience morale et politique qui permet de sortir du statut de victime pour construire une résistance collective.

      De la 45e cérémonie des césars, il ne faudra retenir que l’« exit » de plusieurs femmes dont Adèle Haenel qui quitte la salle en se fendant d’un « c’est une honte », Florence Foresti qui refuse de venir clôturer la soirée et qui écrira ce mot sur Instagram : « écœurée ». Ce sont des mots de l’émotion et aussi du discernement. De la honte à l’écœurement se déploie une contre-scène à la masculinité affirmée des césars : une même puissance de nommer le mal, de faire jaillir l’indécence d’une situation.

      Généralement la honte est du côté de la personne vulnérable qui, non seulement, est victime d’une violence mais ne parvient pas à s’extirper de la honte d’être violentée. La honte s’y affirme alors en honte d’avoir honte. Une personne agressée est traversée par les souffrances dont elle est l’objet mais elle est aussi saisie par l’incapacité de s’extirper de cette scène de violence qui se met à vivre dans la vie psychique sous forme de rumination mélancolique ou d’état de paralysie hypothéquant l’avenir.
      Un dispositif masculiniste

      La honte peut cependant avoir une autre signification : dans le jugement « c’est une honte », le terme de honte est renvoyé au lauréat du césar, Polanski, mais plus profondément encore au dispositif masculiniste des césars comme dispositif de pouvoir qui maintient les femmes à leur place et annule les scandales de genre. Surtout, la phrase d’Adèle Haenel contribue à désingulariser la situation des césars pour la projeter sur toutes les autres situations de ce type. La honte est alors une expérience morale et politique qui permet de sortir de la singularité de la victime pour construire une résistance collective et politique. Elle est le discernement du juste à même la perception d’une injustice typique d’un état des rapports de pouvoir.

      Le terme d’écœurement parachève cette forme de résistance. Il indique l’écart entre ce qui aurait dû être (tout sauf Polanski meilleur réalisateur) et ce qui est ; il le dénonce pour construire la possibilité d’une voix collective du refus. Albert Hirschman, dans un livre important, Exit, Voice and Loyalty avait, en 1970, souligné que, face aux défaillances des institutions, les individus ont le choix entre trois comportements : prendre la porte de sortie (exit), prendre la parole (voice) ou se résigner (loyalty). Adèle Haenel, Cécile Sciamma, Florence Foresti et toutes les personnes qui sont sorties de la salle ont montré que l’« exit » était bien le commencement de la voix.

      Face au courage de celles qui partent, il y a le cynisme de ceux qui verrouillent toutes les positions et se cramponnent pour que rien ne change. Le débat sur l’indépendance de l’œuvre face à l’artiste risque alors fort d’être un leurre. Tout d’abord, Roman Polanski a toujours affirmé jusqu’à J’accuse (en se comparant à Dreyfus à travers les rouages de persécution qu’il affirme lui-même vivre) que son cinéma était en lien avec sa vie, ce qui est le cas de bien des artistes d’ailleurs. Ensuite, il n’est pas sûr que le terme d’œuvre soit le plus adéquat pour évoquer un film tant l’industrie culturelle y est présente. L’Académie des césars elle-même incarne cette industrie puisque les quelque 4 700 votants, dont la liste est confidentielle, appartiennent aux différents métiers du cinéma. Pas plus que l’œuvre, la défense de l’artiste en être d’exception ne tient.
      De la reconnaissance des « grands hommes »

      Et les femmes ? On sait combien elles ont du mal à convaincre dès qu’elles souhaitent faire un film ; elles ne disposent jamais des mêmes budgets que les hommes. La remise du prix de meilleur réalisateur à Roman Polanski relève du maintien d’un ordre des grandeurs, lequel impose la reconnaissance des « grands hommes » envers et contre tout ; le film qui coûte cher et mérite d’être honoré est masculin. Tout ceci a été rappelé au milieu du cinéma qui s’y est largement plié, hormis la sortie d’Adèle Haenel, de Cécile Sciamma, de l’équipe du film et d’une centaine de personnes. Malgré les sketches de Florence Foresti et le discours d’Aïssa Maïga sur la diversité, il a été réaffirmé que le monde du cinéma appartient aux hommes hétérosexuels et qu’à ce titre, il repose sur un schéma précis quant aux positions les plus visibles : les hommes comme metteurs en chef ou acteurs, les femmes comme actrices.

      Dans le milieu des réalisateurs, les « grandes femmes » n’existent pas et il n’est pas d’actualité qu’elles commencent à apparaître. On se souvient qu’en 1979, Ariane Mnouchkine fut nommée pour « le meilleur réalisateur » et pour le meilleur film. Elle n’obtint aucun des deux prix ; ils furent attribués à Christian de Chalonge et à son film l’Argent des autres. Molière est resté dans notre imaginaire culturel mais qui se souvient encore de l’Argent des autres ? Une seule femme a pu tenir dans ses bras la fameuse statuette pour la réalisation, Tonie Marshall en 2000 pour Vénus Beauté (Institut), un film qui semble porter sur des questions de femmes ! Roman Polanski l’avait déjà obtenu quatre fois (en 1980, 2003, 2011 et 2014). J’accuse avait déjà tout eu : un battage médiatique exceptionnel, un succès dans les salles. Ce prix du réalisateur, attribué pour la cinquième fois, a servi à rappeler aux femmes leur place dans le milieu du cinéma comme dans la société : elles sont le deuxième sexe et destinées à le rester, ce qui autorise tous les abus de pouvoir, et bien évidemment les faveurs sexuelles pour ceux qui détiennent un pouvoir qui est aussi symbolique. Non seulement les violences faites aux femmes ne doivent pas compter mais les femmes qui sont dans le milieu du cinéma ont intérêt à ne pas sortir des places que l’on a définies pour elles : rester dans l’ombre des hommes quitte à les faire rêver.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/03/02/cesars-2020-ce-que-veut-dire-quitter-la-salle_1780305

    • Dommage, pas un mot sur #Aissa_Maiga qui va prendre cher. #Nadine_Morano lui a déjà dit de rentrer en Afrique si elle n’était pas contente...

      Aux César 2020, Aïssa Maïga livre un plaidoyer pour plus de diversité au cinéma
      Huffington Post, le 28 février 2020
      https://www.huffingtonpost.fr/entry/aissa-maiga-plaidoyer-cesar-2020-diversite_fr_5e598d41c5b6450a30be6f7

      On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménages à l’accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées... Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille.

      César 2020 : Nadine Morano somme l’actrice Aïssa Maïga de « repartir en Afrique »
      BERTRAND GUAY, La Dépêche, le 2 mars 2020
      https://www.ladepeche.fr/2020/03/02/cesar-2020-nadine-morano-somme-a-aissa-maiga-de-repartir-en-afrique,876904

      #Césars

    • Cinéma français : la nuit du déshonneur
      Camille Polloni et Marine Turchi, Médiapart, le 29 février 2020
      https://seenthis.net/messages/828230

      À Mediapart, Adèle Haenel explique qu’« alors que la cérémonie avait plutôt bien débuté, qu’il se passait quelque chose », avec plusieurs prises de parole fortes « comme Lyna Khoudri [meilleur espoir féminin – ndlr], Aïssa Maïga, l’équipe du film Papicha [de Mounia Meddour, qui traite du combat des femmes en Algérie – ndlr], et le numéro d’équilibriste réussi de Florence Foresti », la soirée s’est ensuite « affaissée dans les remerciements ». « Comme si, cette année, il n’y avait pas autre chose à dire : sur les violences sexuelles, sur le cinéma qui traverse actuellement une crise, sur les violences policières qui s’intensifient, sur l’hôpital public qu’on délite, etc. » « Ils voulaient séparer l’homme de l’artiste, ils séparent aujourd’hui les artistes du monde », résume l’actrice à Mediapart.

      (...)

      Comme quelques autres, l’actrice Aïssa Maïga a quitté la salle après l’annonce de l’attribution du César du meilleur réalisateur à Roman Polanski. « J’étais d’abord un peu clouée sur place. Et puis une minute après, je n’étais pas bien, je suis partie, réagit-elle auprès de Mediapart en sortant. J’ai été terrassée, effrayée, dégoûtée, à titre vraiment personnel, dans mes tripes. J’ai vu la réaction d’Adèle Haenel, très forte, et honnêtement, j’ai pensé à toutes ces femmes. Toutes ces femmes qui voient cet homme plébiscité et je pense, au-delà de ces femmes, à toutes les autres, toutes les personnes victimes de viols, de violences sexuelles. J’imagine quel symbole cela peut revêtir pour elles. Et pour moi l’art n’est pas plus important que tout. L’humain d’abord. »

      L’actrice marque une pause, puis reprend : « Vous savez, c’est comme dans une famille : on croit se connaître un petit peu et puis, parfois, à la faveur d’une extrême révélation, on découvre qui sont les gens, ce qui est important pour eux, et parfois on constate avec un peu d’amertume qu’on n’a pas tout à fait les mêmes valeurs. » « Ce n’est pas grave, il faut le savoir et pouvoir avancer avec ça. Et moi, là, j’ai envie d’aller rejoindre les manifestantes dehors, c’est tout. J’aime beaucoup le cinéma, les tapis rouges, les films, les cinéastes, j’aime tout ça, mais moi je suis une fille qui n’a pas été éduquée dans l’élite, ni dans un esprit d’élitisme, je me sens une citoyenne comme les autres et là je vais aller les rejoindre », conclut-elle en se dirigeant vers le rassemblement des féministes face à la salle Pleyel. À quelques mètres du tapis rouge, les cris des militantes, parquées derrière les barrières, redoublent : « Polanski violeur, César complices ! » ; « Mais vous n’avez pas honte ? ».

      (...)

      Remettant le César du meilleur espoir féminin, l’actrice Aïssa Maïga, membre du collectif Noire n’est pas mon métier, a elle jeté un pavé dans la marre avec sa longue intervention sur l’invisibilisation des personnes non blanches dans le monde du cinéma.

      « Je peux pas m’empêcher de compter le nombre de Noirs dans la salle, a-t-elle ironisé à la tribune. Je sais qu’on est en France et qu’on n’a pas le droit de compter. C’est douze ce soir, le chiffre magique ? [...] On a survécu au whitewashing, aux blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménage à l’accent bwana, aux rôles de terroristes, de filles hypersexualisées... On refuse d’être les bons Noirs. On est une famille, non ? On se dit tout. L’inclusion, elle ne va pas se faire toute seule. Ça ne va pas se faire sans vous. Pensez inclusion. […] Faisons une maison qui soit fière d’inclure toutes les différences. »

      À Mediapart, après la cérémonie, elle relate « l’effroi dans la salle » qu’elle a constaté au moment de sa prise de parole. « Je ne savais pas très bien comment l’interpréter. J’avais l’impression de plonger dans un bain de glaçons, de dire des choses qui pourtant me paraissent assez évidentes et audibles. J’ai eu l’impression que chez certains, il y a une sorte de ras-le-bol, comme si on les gavait avec la question de la diversité, qui n’est autre qu’une question de justice sociale. Et on a une responsabilité qui est énorme. Je ne pense pas que les artistes ou les décideurs ou les techniciens puissent se soustraire à cette question de l’identification du public aux films qu’on fait. Ça me paraît totalement aberrant. » Et la comédienne d’« assumer pleinement » ses propos : « J’avais besoin de dire ce que j’avais à dire. Aucun des mots que j’ai choisis n’était un accident. Je me sens aussi portée par une lame de fond. »

    • « À propos de l’impunité des artistes criminels, réflexions autour du cas de Roman Polanski en France. »
      https://lisefeeministe.wordpress.com/2020/02/15/a-propos-de-limpunite-des-artistes-criminels-reflexions-au
      source : #Christine_Delphy
      https://christinedelphy.wordpress.com/2020/03/02/lise-bouvet-a-propos-de-limpunite-des-artistes-criminels-
      je l’ai pas encore lu mais comme je suis abonné au blog de Delphy, je transmets. Abonné aussi à @tradfem et Seenthis, ça commence à faire beaucoup et j’ai pas que ça à foutre, j’ai aussi ma #tenue_de_soirée à repriser, entre autres !

    • Pour le texte de libé sur la honte l’accroche est mal fichu. j’ai l’impression qu’elle n’a pas été faite par une personne qui n’a pas compris le texte car elle réintroduit de blâme sur la victime en sous entendant que la victime ne peut pas être résistante, ce que le texte ne fait pas.
      #phallosophe #victime_blaming #victimophobie #grand_homme #grands_hommes

      La « honte » exprimée par Adèle Haenel vendredi, lors de la cérémonie, est une expérience morale et politique qui permet de sortir du statut de victime pour construire une résistance collective.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/03/02/cesars-2020-ce-que-veut-dire-quitter-la-salle_1780305

    • Interessant le texte sur le site de C.Delphy

      Patrizia Romito classe en premier lieu ce qu’elle appelle les tactiques d’occultation : euphémisation (notamment dans le langage) des faits, déshumanisation de la victime, culpabilisation de la victime, inversion victime-agresseur, accusation de mensonge (ou d’exagération), psychologisation de l’affaire (réduction à des passions individuelles hors champ d’analyse sociale ou politique), naturalisation des actes (invocation de « pulsions » notamment), tactique de distinction- séparation (relativisation, enfouissement de l’acte criminel dans une masse d’autres considérations futiles).

      En second lieu, P. Romito présente ce qu’elle nomme des stratégies d’occultation : légitimations de la violence, négation des faits, discours pédophile sur la prétendue sexualité consentie des enfants et jeunes adolescentes, disparition de l’agresseur dans le récit journalistique et social, concentration de l’attention médiatique sur les victimes et/ou ce qu’elles auraient fait ou mal fait (dérivation de l’attention qui protège l’agresseur). Ce classement s’applique parfaitement à l’analyse de nos quatre dossiers, même si tous les éléments n’y figurent pas à chaque fois en même temps. Typiquement, il est difficile de remettre en cause la matérialité des faits dans le dossier Marie Trintignant qui a été tuée par Bertrand Cantat ni même dans celui de Samantha Geimer puisque Roman Polanski a plaidé coupable. On montre que les tactiques et les stratégies du « discours agresseur » varient et s’adaptent en fonction des violences dont il est question. Ce discours n’est d’ailleurs pas forcément conscient, il est énoncé par un certain nombre de locuteurs, puis repris, ou non, par les médias. Cependant, nous le verrons, on observe au fur et à mesure des affaires une véritable évolution du discours médiatique et une prise de conscience grandissante par certains journalistes des travers de ce discours, notamment grâce à la mobilisation et aux dénonciations d’acteurs sociaux tels que les associations ou personnalités féministes.

      Malheureusement je n’ai qu’un temps limité ici et je ne pourrai pas parler de tout aujourd’hui, à ce titre je vous renvoie à notre ouvrage. Pour résumer le propos très rapidement je dirais que l’impunité se déploie sur trois niveaux . C’est d’abord celle de tous les agresseurs en France et c’est ce que nous avons découvert dans l’analyse statistique qui a révélé ceci : l’impunité est quasi totale et la justice ne fonctionne quasiment pas. Le deuxième niveau d’impunité c’est celle d’hommes célèbres et puissants qui ont les moyens financiers d’organiser non seulement leurs défenses mais aussi la destruction des plaignantes. Ici encore faute de temps je vous renvoie à notre ouvrage et ma co·autrice qui est juriste en parle beaucoup mieux que moi. C’est du troisième niveau d’impunité dont je vais parler aujourd’hui, qui est celui du différentiel artiste – politique.

      En effet, en analysant a posteriori nos quatre dossiers nous avons réalisé que les plus intouchables des intouchables ce sont les artistes , contrairement aux hommes politiques qui, si ils arrivent à échapper à une condamnation judiciaire, ne peuvent pas esquiver l’opprobre sociale.

      Le papier à été écrit avent l’affaire Matzneff, et l’affaire Adèle Haenel, il manque donc l’info que l’artiste est protégé selon son degrès de notoriété, car si Polansky, Cantat, Besson et tant d’autres trouvent toujours des soutiens, c’est pas le cas pour les « has been » qui servent de cache-sexe aux complices des violeurs par exemple Matzneff, Ruggia, Brisseau ne sont pas autant soutenus car ils sont moins connus ou moins puissants que leur victimes.

      –----
      Question du « génie » de l’artiste, statut qui le place au niveau du divin, du surnaturel =

      Dans un essai passionnant (1), De l’humanisation de la création divine à la divinisation de la création humaine, l’historienne de l’art Lucile Roche analyse avec brio ce thème du dieu-artiste dans la théorie esthétique moderne Occidentale. Elle écrit : « C’est alors dans son éloignement du modèle divin au profit d’un recentrement de l’artiste, soumis au seul caprice de ses vues et exigences téléologiques, focalisé sur ses propres aptitudes créatrices – l’originalité, l’imagination – que se referme l’analogie Artiste-Dieu et Dieu-Artiste. Source inépuisable d’une créativité dont il est l’unique source, l’artiste romantique relève du divin (avec lequel il partage le ex-nihilo) sans pour autant s’y soumettre. Dans son humanité, l’artiste est alors, paradoxalement, divinisé ». Tout est dit : les jusqu’au-boutistes dans la défense d’auteurs tels que Polanski sont pris dans une représentation sociale surannée qui porte une vision profondément romantique de l’artiste, que l’on illustrera par cette phrase de Victor Hugo : « L’art est à l’homme ce que la nature est à Dieu ». Si ces hommes sont au niveau des dieux alors ils échappent à la justice des hommes, voilà l’impensé fondamental des défenseurs de Polanski, et autres artistes criminels, non seulement gardiens de leurs castes sociales et de ses corollaires impunités, mais surtout, selon nous, enlisés dans des conceptions de l’art dépassées, qui sont mises au service de l’impunité.

      La théoricienne de l’art Carole Talon-Hugon (2) dans une récente interview a éclairé ces impensés autour de l’artiste : « Un viol commis par un anonyme et un viol commis par un artiste, c’est à la fois la même chose – parce que le crime est tout autant répréhensible – et pas la même chose. Parce qu’il fait notamment figure d’exemple, l’artiste bénéficie d’un statut particulier dans la société. En tout cas, depuis le XVIIIe siècle. À cette époque-là, on va commencer à considérer l’art comme un domaine à part, totalement distinct, soumis à la seule règle de la beauté et indépendant de la question du bien. Ainsi, pour Diderot, « il y a une morale propre aux artistes qui peut être à rebours de la morale usuelle ». On retrouve cette idée chez Oscar Wilde (XIXe siècle) ou André Breton (XXe siècle). L’artiste devient alors une individualité sauvage et singulière, en rupture, en opposition et totalement indépendante de la morale ordinaire. Cette image-là, construite sur plus de 200 ans, nous empêche de regarder la réalité de ces agressions en face. »

      C’est ici que, selon nous, le roi apparait nu : en contradiction profonde avec nos valeurs démocratiques, les artistes sont devenus la nouvelle aristocratie au-dessus des lois. Non seulement, en consacrant les uns au détriment des autres on abdique la communauté des citoyens et l’on dit qu’il y a des valeurs supérieures à la vie humaine, mais en outre, l’on comprend désormais la thèse sous jacente des « amis de Polanski » qui est que le talent exceptionnel de cet homme devrait pouvoir se transcrire dans un statut politique dérogatoire exceptionnel. On fera remarquer avec ironie que ces gens là se réclament souvent de gauche, alors qu’ils portent la vision féodale d’une société où le talent et le statut des uns leur accorderait des droits particuliers sur les autres, et leur corps, a fortiori des personnes mineures. Position d’autant plus fragile quand on a compris que les demandes d’exceptionnalité de traitement pour le cinéaste Roman Polanski ne reposent finalement que sur des conceptions discutées comme discutables de théories de l’art. Et après tout, les amis de Polanski ont bien le droit de s’attacher à une théorie particulière que nous ne partageons pas. Ce qui est en revanche indiscutable, c’est que nous vivons dans un régime politique où les artistes, aussi doués soient-ils, sont des citoyens et des justiciables comme les autres.
      ...
      L’impunité de ces hommes repose en grande partie sur une conception non seulement de l’artiste démiurge, mais d’un public passif et docile dans sa réception d’une œuvre vue comme sacrée, et, comme par hasard ces qualités recouvrent les valeurs traditionnellement associées au masculin et au féminin… On voit là qu’on se trouve en plein dans une pensée religieuse et réactionnaire, paradoxalement portée par des « gens de gauche » .

      La dernière phrase fait écho à ta remarque sur la religiosité de tout ca @sombre

      #talent #génie #surhomme #caste #privilège #démiurge #virilité #mâle-alphisme #mérite #star #lumière

      Le comble selon nous est que par exemple, China Town est une oeuvre remarquable sur l’inceste et le viol… Peut-être que nous effleurons ici la plus grande injustice sociale et le plus grand privilège masculin : ces hommes, non seulement violent en toute impunité, mais ensuite, de ces viols, font des chefs-d’oeuvre, acclamés, primés et applaudis. Et, à jamais c’est le chef-d’oeuvre du violeur qui restera gravé dans l’histoire de l’art, alors que, poussière, la vie dévastée des victimes retournera à la poussière. Ceci nous amène à un point important à propos des films de ces réalisateurs notamment pédocriminels. Parmi les injonctions dont on nous accable, il y a l’interdiction corollaire de ne pas juger les films de l’homme, qu’on nous conjure de ne pas condamner (particulièrement en France comme l’a dénoncé le critique de cinéma Paul Rigouste (6). Or la critique de genre, c.a.d en terme d’analyse de rapports sociaux de sexe, s’est développée comme champ théorique universitaire autonome depuis bien longtemps, y compris en France grâce aux travaux de Geneviève Sellier, et bien entendu ce qui chagrine nos fans, qui sont dans la dévotion, c’est que l’on puisse mener une critique cinématographique impertinente des œuvres de ces hommes. Par exemple, un visionnage attentif des films de Woody Allen permet de repérer son obsession pédophile pour les très jeunes filles, de même qu’il me semble que Polanski affronte sans détour dans son œuvre des problématiques très personnelles de crimes et culpabilités, et ce, de manière quasi systématique. Par définition, le travail de la pensée et de l’analyse ne peut être limité, la critique doit adresser l’ensemble de l’oeuvre et il semble aussi invraisemblable que contre productif de limiter le champ des études cinématographiques par des interdictions sous peine de « lèse génie ». Il faut dénoncer cette double injonction sur laquelle repose la défense de ces criminels : non seulement l’institution judiciaire n’aurait pas son mot à dire sous prétexte qu’ils sont des artistes, mais leurs œuvres elles-mêmes seraient comme immunisées de toute lecture en lien avec leurs crimes , lecture qui pourtant me semble très intéressante d’un point de vue de théorie de l’art. Nous avons là l’occasion inouïe d’analyser des œuvres de criminels qui précisément n’hésitent pas à créer à partir de leur propre criminalité, donc au nom de quoi se priver de ces recherches ? On voit là qu’on doit aller frontalement à contre sens de l’opinion commune : Non seulement on ne peut pas séparer l’homme de l’artiste comme on vient de le voir, mais il est spécifiquement ici pertinent de rattacher l’artiste à ses crimes afin d’étudier son œuvre à partir de son activité criminelle, sans pour autant l’y réduire bien entendu.

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      Enfin, un aspect qui me semble également important et à prendre en compte dans l’analyse de ces discours de défense des cinéastes criminels, c’est le phénomène de la fascination du grand public pour ces agresseurs. Fascination dont ils jouent pour faire valoir leur défense, qui bien entendu ne peut que bénéficier de sentiments confus, qu’il faut déconstruire.

      Dans La Photographie, le théoricien de l’art André Rouillé fait une analyse remarquable de ce qu’est une « star » dans nos sociétés contemporaines. Star en anglais signifie étoile, c’est-à-dire un objet qui brille même dans la nuit, à l’image de cette aura qui repose sur l’exposition médiatique, véritable machine optique d’exposition. Les stars sont des êtres à part, des êtres de lumière, qui scintillent, éclairées en réalité par la machine « people » qui selon nous fonctionne sur une ambivalence fondamentale : ces gens nous sont familiers, ils nous ressemblent mais ils sont différents, ils vivent dans une sphère sociale supérieure qui suscite crainte et respect. Ce jeu de reflets permet des identifications-évasions, des phénomènes confusants mais gratifiants, et surtout, profondément duels. Le public est saisi dans des positions contradictoires : entre l’admiration et la dévotion pour ces stars mais aussi le sentiment d’injustice que leur inspire le fait que contrairement à lui, elles échappent à un système judiciaire qui frappe plus durement les modestes et les anonymes. De plus, comme le note la philosophe Michela Marzano, les hommes et les femmes ne sont pas affectés de la même façon dans ce phénomène : dans un contexte patriarcal les hommes sont tentés de s’identifier aux accusés célèbres et puissants, quand les femmes sont piégées dans plusieurs conflits d’allégeance.

      ...

      La chercheuse Judith Herman nous met en garde que « C’est très tentant de prendre le parti de l’agresseur. La seule chose qu’il demande au témoin est de ne rien faire. Il en appelle à notre désir universel de rester neutre et ne pas condamner. La victime au contraire nous demande de prendre part à sa douleur. La victime nous demande d’agir, de nous engager et de nous rappeler pour elle. »

      On l’observe en chacun de nous dans ces cas précis : il existe un conflit entre le citoyen et le spectateur. Le citoyen condamne les crimes de l’artiste mais le spectateur veut continuer à jouir de l’oeuvre de l’artiste criminel. Parce que nous avons aimé ces œuvres, parce qu’elles font partie de notre vie désormais, de notre culture. Parce que l’oeuvre d’art est considérée comme unique et qu’on voue un quasi culte à son auteur, parce que les créateurs sont les nouveaux dieux de notre société sécularisée. Cette résistance autour de l’artiste tient selon nous à une imprégnation puissante d’un télescopage de conceptions de l’art des siècles derniers et de mythes néolibéraux ultra contemporains ; l’artiste incarnant dans notre mythologie capitaliste, à la fois l’individu exceptionnel, la liberté, la transgression, l’exception morale et une forme de sacré archaïque.

      #art #artiste

    • « Les César 2020 consacrent l’extraordinaire impunité de Roman Polanski »

      « À ce jour, le cinéaste Roman Polanski est accusé de viols et d’agressions sexuelles par 12 femmes, notamment alors qu’elles étaient mineures. Le réalisateur a reconnu avoir drogué puis violé l’une d’entre elles, une jeune fille âgée de 13 ans en Californie, puis a fui la justice.

      Il a ensuite tourné librement de nombreux films, reçu tous les grands honneurs et récompenses de sa profession, ainsi que le soutien de la quasi-totalité de l’establishment, pouvoirs publics compris, au point qu’il a obtenu les financements pour tourner en 2019 un film sur le capitaine Dreyfus, dont il prétend – par un renversement qui laisse pantois – que leurs destins sont similaires. Ce film a obtenu 12 nominations aux César, c’est-à-dire autant que le nombre de femmes accusant le réalisateur de « J’accuse ».

      publié par l’Express le 28/02/2020, en intégralité sur le blog de Lise’s B.
      https://lisefeeministe.wordpress.com/2020/03/02/les-cesar-2020-consacrent-lextraordinaire-impunite-de-roma

      « L’impunité repose sur une conception de l’artiste démiurge et d’un public passif », estiment Yael Mellul et Lise Bouvet , coautrices de Intouchables ? People, Justice et impunité, ouvrage dédié notamment aux affaires Polanski, Cantat, DSK et Tron.

      Juriste et ex-avocate, Yael Mellul est coordinatrice juridique du pôle d’aide aux victimes de violences du centre Monceau. Politiste et philosophe de formation, Lise Bouvet est traductrice de textes féministes anglophones et autrice.

    • Je recommande ce texte qui pointe certains défauts du texte de Despentes en particulier le féminisme blanc mais ne parle pas de l’aspect misogyne de l’idéologie trans et proxénète qui s’y est glissé. https://seenthis.net/messages/828705

      Sur le texte de Lise B pointé par @vanderling

      « Les amis de Polanski » nous disent, entre autres, qu’il n’est pas un justiciable ordinaire car c’est un auteur accompli, un grand artiste, créateur d’une œuvre sublime. On peut tout d’abord relever un lien logique suspect entre son talent (qui est indéniable) et le rapport de ce dernier avec la justice criminelle. A écouter ces gens-là, ce talent aurait pour conséquence qu’il serait hors de question de porter un quelconque jugement sur sa consécration ni qu’il perde une journée de plus de sa vie en prison. Mais qui décide de cette utilité sociale extra-ordinaire ?

      Prenons un exemple particulièrement saillant en ce moment : en plein mois de février, quand nous avons froid et que notre chaudière tombe en panne, qui peut se passer d’un bon plombier-chauffagiste ? Nous serions sûrement très fâchées que notre excellent chauffagiste, lui aussi nommé Roman Polanski, aille en prison pour le viol d’une jeune fille de 13 ans précisément en plein hiver, mais la loi est ainsi faite en démocratie que même les professionnels exceptionnels et indispensables sont comme tous les autres citoyens, passibles des mêmes peines pour les mêmes crimes.

      Personne ne parle du talent perdu de ces 12 victimes de Polanski. Si Polanski avait été arrêté pour les 12 viols qu’il a commis, ces films n’auraient pas été fait et on ne s’en serait pas plus mal sorti. Mais le talent (qui est indéniable) de Polanski c’est un talent qui compte car on ne dénie pas le talent des phallopores qu’ils soient cis ou femmes-trans. Le talent qui ne compte pas c’est celui des femmes cis et des hommes-trans, car personne ne parle du talent perdu de ces 12 femmes (et peut être plus) qui s’est peut être perdu à cause de Polanski. Ca me fait pensé à la sœur de Sheakspear dont parle Virginia Woolf. Qui pleur le talent perdu de toutes ces filles et femmes que les hommes détruisent à coup de bite ? Combien de génie au féminin avons nous perdus à cause des violences masculines ? aucune en fait car contrairement au talent de Polanski qui est INDENIABLE, le talent des femmes cis et des hommes-trans est toujours DENIABLE. Les Césars l’ont montré très clairement à Adèle Haenel et à Sciamma et illes le montrent jours après jours aux femmes d’Alice Guy à aujourd’hui.

      Il y a aussi cet exemple du talent du plombier chauffagiste ou du boulanger qui serait non reconnu au pretexte qu’il violerait. Ca me fait pensé que pour le talent d’une boulangère ou d’une plombière-chauffagiste on ne se pose même pas la question. Elle n’aura pas besoin de commetre des crimes pour se voire dénier son talent, il suffit qu’elle ne sois pas belle, qu’elle ne sois pas mère, qu’elle ne sois pas douce, et son « talent » de boulangère-plombière,chauffagiste ne vaudra pas tripette.
      #déni #talent

    • « Seul le bras de Lambert Wilson fait de la résistance, seul ce bras sait s’il tremble de peur ou de colère, ou des deux ».
      https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/et-le-bras-du-general-trembla

      Un bras tremble, ce matin, sur mon Twitter. C’est pourtant un bras ferme, un bras qui ne devrait pas trembler, le bras du général. Du général ? De Gaulle, bien entendu. Ou plutôt, le bras de Lambert Wilson, qui incarne le général dans un film du moment. Le général de 40, celui de l’Appel, dont le bras, justement, n’a pas tremblé. Et pourtant ce bras tremble, alors que sa partenaire Isabelle Carré (Yvonne de Gaulle dans le film) vient de prendre la parole, pour répondre à une question sur Polanski...

    • « Général de Gaulle, tu es notre idooole,
      A toi nos cœurs, nos braaas,
      Général de Gooaaal..! »
      J’ai entendu, l’autre matin à la radio, Lambert Wilson s’étonner de qui étaient ces gens ?

      « Je suis très en colère, c’est n’importe quoi ! Si on estime qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le fait que Polanski ait des nominations, alors on ne vient pas ! Oser évoquer un metteur en scène en ces termes… Parler d’Atchoum, montrer une taille… Et en plus, qu’est-ce qu’on va retenir de la vie de ces gens par rapport à l’énormité du mythe de Polanski ? Qui sont ces gens ? Ils sont minuscules. »

      Qui sont ces gens sur le plateau de #CàVous ? Qui est Lambert Wilson ? Qui est Atchoum ? Qui a engrossé blanche-neige ?


      Fluide Glacial n°515 (avril 2019)avec une couverture de Relom qui signe son retour dans le magazine avec une #BD de 7 pages " Petit avec des grandes oreilles " qui vaut bien le meilleur des Polanski !
      #Lambert_Wilson #2_mètres_de_connerie_avec_des_grandes_oreilles

    • Oui, c’est vrai, Despentes mélange tout. Oui, elle aligne dans la même colère les abus sexuels, la domination économico-politique (le 49.3) et la répression policière. Oui, elle superpose le manifestant qui défend sa future retraite dans la ligne de mire du LBD du policier de Macron, et la fillette de 13 ans sodomisée par Polanski. En apparence, c’est vrai, un esprit rationnel devrait s’efforcer de distinguer les situations. Ce qui les rapproche pourtant, s’appelle la domination. Sans guillemets. Et ce qui atteste le mieux de cette domination, c’est l’impunité. Le manifestant et la fillette, livrés à plus puissant qu’eux, savent que la justice ne leur sera jamais rendue. Qu’il y aura toujours des avocats retors, des arrangements financiers, une machine à enterrer les enquêtes nommée IGPN, pour que justice ne leur soit pas rendue. Et que le reste est littérature.

      Celà s’appelle, une analyse systémique. C’est grossier, c’est simpliste, ça ne fait pas le détail, désolé. Il y a bien entendu toujours des contre-exemples. Il y a des miracles. Il y a des puissants punis. Il y a de sublimes résiliences. Il y a des trèfles à quatre feuilles. Il y a des coincées moches qui deviennent des reines des chaînes d’info. Vu à l’échelle de l’individu, c’est d’ailleurs toujours plus compliqué, et il y a dans chaque individu du dominant et du dominé (Polony est femme ET bourgeoise reine des medias). C’est d’ailleurs cette complexité, qui fait le bonheur de la littérature, et le sel de la vie. Mais l’illusion proclamée que ces contre-exemples invalident les lois économico-sociales classe simplement Polony à droite (ce n’est pas moi qui le dis, c’est un certain Deleuze). Ce qui d’ailleurs n’est pas infâmant. Il faut bien une droite, pour que la gauche se souvienne pourquoi elle est la gauche.

      https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/natacha-polony-reine-des-medias-ex-coincee

    • Vu à l’échelle de l’individu, c’est d’ailleurs toujours plus compliqué, et il y a dans chaque individu du dominant et du dominé (Polony est femme ET bourgeoise reine des medias).

      L’ndividu « résilient » est l’arbre qui cache la forêt de la misère absolue.

    • Virginie Despentes responds to the Césars and Roman Polański
      by: Virginie Despentes translated by Lauren Elkin , March 2, 2020
      https://maifeminism.com

      I’m going to begin like this: don’t worry. O you great and powerful leaders, you lot who are in charge: it hurts. No matter how well we know you, no matter how many times we’ve taken your power on the chin, it always hurts. All weekend we’ve listened to you whinging and whining, complaining that you’ve had to resort to passing your laws by decree instead of by vote [à coups de 49.3] and that we haven’t let you celebrate Polański in peace, and that we’re ruining the party, but behind your moans, don’t worry—we can hear your pleasure at being the big bosses, the big shots, and the message comes through loud and clear: you don’t plan to let this idea of consent take hold. Where would be the fun in being in charge if you always had to ask permission from the people you rule over? And I am certainly not alone in wanting to scream with rage and impotence ever since your magnificent show of force, certainly not the only one to feel defiled after the spectacle.

      It is not at all surprising that the César Academy would award Roman Polański the prize for best director in 2020. It’s grotesque, it’s insulting, it’s vile, but it’s not surprising. When you award 25 million euros to a guy to make a TV film, the message is in the budget. If the fight against anti-Semitism interested French cinema, we’d know it by now. However, the voice of the oppressed who seize the change to tell their story, we can understand how that might bore you. So when you heard people talking about the subtle comparison between a filmmaker being heckled by a hundred feminists in front of three movie theatres and Dreyfus, a victim of French anti-Semitism at the turn of the last century, you jumped on board. 25 million euros to make this comparison. Amazing. We ought to acknowledge the investors, because to pull together that kind of budget, everyone had to be in on the game: Gaumont Distribution, the CNC, France 2, France 3, OCS, Canal +, RAI… everyone reached into their pockets, and deeply, for once. You closed ranks, you defended one of your own. The strongest defend their rights: it’s part of your elegance, rape is even the foundation of your very style. The law protects you, the courtroom is your domain, the media belongs to you. And that’s exactly what a major fortune is there for: to control the bodies of those who have been declared subaltern. Bodies that clam up, that don’t tell stories from their point of view. The time has come for the richest to hear this message: the respect we owe them will from now on extend to their dicks, stained with the blood and the faeces of the children they’ve raped. Whether at the Assemblée Nationale or in the culture—enough hiding, enough pretending not to be upset. You require entire and constant respect, whether we’re talking about rape, the brutality of your police, the Césars, your retirement reform. That is your politics: that victims remain silent. It comes with the territory, and if you have to get the message to us through terror you don’t see what the problem is. Your sick pleasure, above all. And the only people you tolerate around you are the most docile of lackeys. There is nothing surprising in the fact that you’ve thus sanctified Polański: it’s always money we’re celebrating; in these ceremonies we don’t give a shit about the cinema. Or the audience. It’s the striking capability of your own monetary power that you are worshipping. It’s the massive budget you’ve given him as a sign of support that you were saluting—and through him, your own power that must be respected.

      It would be pointless and inappropriate, in a comment on this ceremony, to separate the bodies of cis men from those of cis women. I don’t see any difference of behaviour. It is understood that these major prizes continue to be the exclusive domain of men, because the underlying message is: nothing must change. Things are very good as they are. When [the comedian and mistress of ceremonies Florence] Foresti left the awards and declared herself ‘disgusted’, she didn’t do it as a woman—she did it as an individual who was taking the risk of turning the profession against her. And she did it as an individual who is not entirely at the mercy of the film industry, because she knows you don’t have the power to deprive her of an audience. She was the only one who dared make a joke about the elephant in the room; everyone else avoided mentioning it. Not a word about Polański, not a word about Adèle Haenel. We all dine together, in this milieu; we all know how it goes. For months you have had your panties in a twist that part of the public is being listened to, and for months you have suffered because Adèle Haenel has spoken up about her experience as a child actress, from her own point of view.

      So all the bodies in that room that evening had been gathered together with one end in mind: to validate the absolute power of the men in charge. And the men in charge love rapists. That is, those who are like them, who are powerful. They don’t love them in spite of the rapes, because they have talent. They find them talented and stylish because they are rapists. They love them for that. For the courage they have to acknowledge the sickness of their pleasure, their idiotic and systematic drive to destroy the other, the destruction, in truth, of everything they touch. Your pleasure dwells in preying, that is your only understanding of style. You know very well what you are doing when you defend Polański: you demand to be admired even in your delinquency. It is this demand which results in everyone at the ceremony being subject to a law of silence. They blame political correctness and social media, as if this code of silence were something recent, the fault of the feminists, but it’s gone on like this for decades. During French cinematic ceremonies, you never joke about the bosses’ sensitivities. So everyone shuts up, everyone smiles. If the child rapist were the bin man there would be no mercy—police, prison, thunderous proclamations, victim defence and general condemnation. But if the rapist is a powerful man: respect and solidarity. Don’t speak in public of what goes on doing castings or pre-production or during filming or promotion. It’s well-known. The law of silence prevails. Respect for this advice is how you choose whom to hire.

      And although we’ve known this for years, the truth is we’re always surprised by the overconfidence of power. That’s what’s so amazing, in the end—it’s that you get away with your dirty tricks every time. Every time, it’s humiliating to see the participants take their place on stage, whether it’s to announce or to receive a prize. We see ourselves in them—not only me because I’m an insider, but anyone watching the ceremony. We identify with them and are humiliated by proxy. So much silence, so much submission, so much pressing into servitude. We recognise ourselves. We want to die. Because at the end of the night, we know that we are all the employees of this whole heap of shit. We are humiliated by proxy when we see them keep quiet even though they know that Portrait of a Lady on Fire won’t receive a single one of those big prizes at the end, and only because Adèle Haenel spoke up and because somehow they have to make the victims understand that though they might want to tell their stories, they would do well to think twice before breaking the vow of silence. Humiliated by proxy that you dared to nominate two female directors who have never received and probably never will receive the prize for best director so that you can give it to Roman fucking Polański. Himself. [Both words in English in the original] In your face! You are, decidedly, ashamed of nothing. 25 million, that’s more than fourteen times the budget of Les Misérables [dir. Ladj Ly, which won best film], and the guy can’t even claim his film was one of the five most-seen films of the year. And you reward him. And you know very well what you’re doing—that the humiliation experienced by an entire segment of the population who got your message loud and clear will spill over into the following prize, the one you gave to Les Misérables, when you bring onto the stage the most vulnerable bodies in the room, the ones which we know risk their lives at the slightest police inspection, and if there are no girls among them at least we see they are intelligent and can tell there is a direct link between the impunity of the famous director that night and the situation in the neighbourhood where they live. The female directors who awarded the prize of your impunity, the directors whose awards are stained with your dishonour— same struggle. They each are aware that as employees of the film industry, if they want to work tomorrow, they have to shut up. No joke. That’s the spectacle of the Césars. And what timing—three months of strikes to protest reforms to the retirement system that we don’t want, which you passed by force. The same message conveyed to the people at the same time: ‘Shut up, keep your mouths shut, shove your consent up your ass, and smile when you pass me in the street because I am powerful, because I have all the money, because I am the boss.’

      So when Adèle Haenel got up, it was a sacrilege on the move [en marche, a nice dig at Macron’s political party]. A repeat offender of an employee, who didn’t force herself to smile when her name was dragged through the mud in public, who didn’t make herself applaud the spectacle of her own humiliation. Adèle got up, as she had already to say look, this is how I see the story of the filmmaker and the adolescent actress, this is how I lived it, how I carry it with me, how it sticks to my skin. Because you can tell us about it any way you like, your idiotic distinction between the man and the artist—all victims of rape know there is no miraculous division between the body that is raped and the body that creates. We carry around what we are and that’s that. Explain to me how I should take advantage of her and then shove a violated girl out the door of my office to get down to work, you bunch of clowns.

      Adèle got up and left. On the 28th of February we didn’t learn much we didn’t already know about the French film industry, but we did learn how to wear an evening gown: like an Amazon [guerrière]. How to walk in high heels: as if we were going to tear the whole building down. How to walk with our heads held high, our necks rigid with anger, and our shoulders bare. The most beautiful image in forty-five years of the ceremony: Adèle Haenel going down the stairs to leave, while you’re all applauding. Now we know how it works, someone who walks out while telling you to fuck off. I would trade 80% of my feminist books for that image. That lesson. Adèle, I don’t know if I’m male gazing you or female gazing you but I keep love gazing you [all in English and as verbs] on my phone for that exit. Your body, your eyes, your back, your voice, all your gestures say it: yes, we are dumb bitches, we are the ones who’ve been humiliated, yes, we only have to shut our mouths and take your blows, you’re the boss, you have the power and the arrogance that goes with it, but we will not remain seated without saying anything. You do not have our respect. We’re getting the hell out. Enjoy your bullshit on your own. Celebrate yourselves, humiliate each other, kill, rape, exploit, smash everything that falls between your hands. We’re getting up and we’re getting out. It’s probably a prophetic image of the days to come. The real difference is not between men and women, but between the dominators and the dominated, between those who intend to suppress the story and impose their decisions and those who are going to get up and get out while complaining, loudly. It’s the only possible response to your politics. When it’s no longer tenable, when it goes too far, we’re going to get up and get out while hurling insults at you. Even if we are your subalterns, even if we take your shitty power on the chin, we despise you. You make us want to vomit. We have no respect for the mockery you make of respectability. Your world is disgusting. Your love of the strongest is sick. Your power is sinister. You are a gruesome bunch of imbeciles. The world you created to reign over the wretched lacks oxygen. We’ve been getting up and we’re getting the hell out. It’s over. We’re getting up. We’re getting out. We’re shouting: Go fuck yourselves.

    • Vendredi dernier, pour la première fois depuis un paquet de temps, les flics ont mis les casques et tiré les lacrymos à un rassemblement féministe ; pour la première fois depuis longtemps, on les a débordés même si c’est rien qu’un peu. Ce soir-là, on s’est senties puissantes ensemble, entre meufs, on a mis nos corps ensemble, pour que de victimes nous nous changions en menace et en vengeance : parce que si certain.es se lèvent et se cassent, nous, de plus en plus nombreuses, on se soulève et on casse.

      https://paris-luttes.info/il-y-a-ceux-qui-se-taisent-il-y-a-13599

      Le jour où les hommes auront peur de se faire lacérer la bite à coups de cutter quand ils serrent une fille de force, ils sauront brusquement mieux contrôler leurs pulsions “masculines”, et comprendre ce que “non” veut dire.

      Virginie Despentes, King Kong Théorie, 2006.

  • #Philippe_Lévy : « L’#hôpital va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue »

    Dans une tribune au Parisien - Aujourd’hui en France, le professeur des universités Philippe Lévy « lance une #alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler » à l’hôpital.

    « De tous les centres hospitalo-universitaires (#CHU) et de la majorité des #centres_hospitaliers généraux s’élève la même plainte. L’#épuisement du #personnel, la #perte_de_sens et — c’est nouveau — l’#insécurité_des_soins y sont décriés. L’#AP-HP est emblématique car c’est le plus grand établissement hospitalier d’Europe. Je souhaite par ces quelques lignes lancer une alerte de plus afin que le grand public perçoive les enjeux de ce qui est en train de se dérouler.

    Le personnel non médical — infirmier(e) s, aide-soignant(e) s, psychologues… — est écrasé en raison de #salaires de misère, de plannings sans cesse modifiés, de l’impossibilité de se loger à proximité des hôpitaux, de la destruction des équipes attachées à un service, ne permettant pas une #formation adéquate ni la #transmission_du_savoir ni la #solidarité. Les infirmières n’ont plus les moyens d’accomplir leurs tâches dans le temps imparti… On doit fermer des lits par secteurs entiers, restreignant les capacités d’accueil. Il n’y a plus d’assistantes sociales pour accompagner la prise en charge des patients précaires.

    Dans les hôpitaux, il manque des manipulateurs radio. L’AP-HP remplace les #secrétaires par des #logiciels qui font des courriers. Mais les secrétaires organisent le temps des médecins, sont capables de distinguer l’urgence de l’accessoire, de gérer l’angoisse… L’#encadrement ne contrôle plus le #soin. Il est saturé par la gestion des plannings, les glissements de tâches. L’AP-HP a été sévèrement touchée par la #réforme_des_pôles qui a détruit les #unités_fonctionnelles qu’étaient les #services autour du #chef_de_service. La création des #pôles a généré d’innombrables réunions, des mises en place d’#indicateurs de #performance. Les super #pôles_interhospitaliers ont été inventés avec un responsable médical et un #cadre_paramédical très éloignés des différents services et de leurs préoccupations. Les #super_pôles ont encore moins bien fonctionné que les pôles. Puis on a créé, sans plus de succès, les #départements_médico-universitaires. Les jeunes #médecins sont maintenus dans un état précaire pendant des années. Malgré des besoins évidents de titulaires, ils restent #contractuels et sont renouvelés (ou non) tous les six mois. Ce sont pourtant des bacs +10, responsables de vies humaines !

    Les rapports avec les directions sont de plus en plus difficiles. Elles ne sont plus au service des équipes médicales, c’est l’inverse. Il nous faut remplir des #objectifs, expliquer des déficits, signer des contrats qui n’engagent que le #corps_médical. Il y a à l’AP-HP un #administratif pour deux médecins…

    On le comprendra, le problème de l’hôpital ne se limite pas aux urgences. C’est être aveugle que de le croire, de le dire, voire de le clamer. Voilà, mesdames et messieurs les futurs usagers, rapidement brossé le paysage dévasté de ce qui est fait de l’#hôpital_public censé pourtant assurer les soins au plus haut niveau de tous, pauvres comme riches, et assurer la recherche d’excellence et la formation. Nous sommes à un #point_de_non-retour où l’hôpital public va s’effondrer comme une barre obsolète de banlieue sous le regard avide de l’#hospitalisation_privée. Le #corps_médical et paramédical ainsi que la population doivent dire stop et se lever. Plus que temps ! »❞

    http://www.leparisien.fr/societe/philippe-levy-l-hopital-va-s-effondrer-comme-une-barre-obsolete-de-banlie
    #effondrement #privatisation #macronisme #santé #hôpital_public #accès_aux_soins #soins #précarité #new_management_public #néo-libéralisation #services_publics

  • Des nuits d’invention, des rêves à reculons
    http://liminaire.fr/entre-les-lignes/article/des-nuits-d-invention-des-reves-a-reculons

    L’air fait du bruit en passant au creux de l’oreille. Rien n’est si quelque chose paraît. Par-dessus tout par-dessus. Distance heureuse prétendent certains. Une timide lumière, un trait de soleil tiède. Le réel se refuse et nous prévient parfois par effractions. Une journée d’embardées, comme je l’avais imaginée. Tout n’est enfin qu’ordre et beauté. Aujourd’hui demain ne fait aucune promesse, n’a donc rien à tenir. Avec audace jusqu’à la chimère. Audace sans aucune hardiesse. Masque sur masque. L’illusion du (...) #Entre_les_lignes / #Poésie, #Photographie, #Nuit, #Langage, #Paris, #Ciel, #Nature, #Silence, #Sensation, #Corps, (...)

    #Traces

  • Notre corps, nous-mêmes (Collectif NCNM, Hors d’atteinte, 20.02.2020)
    https://www.horsdatteinte.org/produit/notre-corps-nous-memes

    La réactualisation, après quarante ans, d’un des plus grands classiques internationaux du #féminisme.

    Contrairement à ce qui nous est demandé, notre #corps ne peut pas être constamment en forme, beau, maigre, épilé, désirant, sans carence ni hématome. Il a des coups de pompe, des baisses et des montées d’hormones, des addictions. Il est parfois blessé. Notre corps doit pouvoir reprendre son souffle. Il nous appartient, il est notre meilleur instrument : nous le voulons en bonne #santé, capable de se défendre, et #libre.

    Ce livre s’adresse à toutes les #femmes, et parle de ce qu’elles ont toutes en commun : le corps. #Puberté, #sexualité, #contraception, #avortement, #accouchement, #vieillesse, mais aussi #riposte et #émancipation… À travers de multiples récits d’expérience, des témoignages récoltés lors de groupes de parole et d’entretiens, mais aussi des données médicales et scientifiques, ce manuel féministe propose des outils permettant aux femmes de mieux se connaître et de se sentir plus sûres et plus fortes, ensemble.

    Paru pour la première fois aux États-Unis en 1973, rédigé par un collectif de femmes, Notre corps, nous-mêmes a été adapté dans 35 langues, dont le français en 1977. Ce livre en est une version entièrement réactualisée.

  • Les ateliers du groupe soin volume 2
    https://infokiosques.net/spip.php?article1740

    "Le groupe soin est né officiellement en 2017, au moment de la campagne contre les élections présidentielles (« 2017 n’aura pas lieu » ou « soyons ingouvernables »). Dans ce cadre, #A Lyon, le comité métropolitain a organisé une série d’événements dont des banquets révolutionnaires. L’idée était la suivante : se rendre ingouvernable ne pouvait se résumer à une campagne abstentionniste ou de subversion de la mascarade présidentielle. Se rendre ingouvernable, cela voulait dire se donner les moyens de faire croitre notre autonomie, de destituer certaines choses, de rendre crédible un horizon sans Etat. [...] A partir de septembre 2017, le groupe soin s’est donc réuni publiquement une à deux fois par mois. II s’est constitué autour d’une idée simple : tout le monde a fait l’expérience de la maladie et de la (...)

    #Guides_pratiques #Infokiosque_fantôme_partout_ #Corps,_santé
    https://infokiosques.net/IMG/pdf/Les_Ateliers_du_Groupe_Soin_vol_2-36p-fil-2018_2019.pdf
    https://infokiosques.net/IMG/pdf/Les_Ateliers_du_Groupe_Soin_vol_2-36p-cahier-2018_2019.pdf

  • De l’intime, les «beaux moments» d’Hervé Guibert
    http://liminaire.fr/entre-les-lignes/article/de-l-intime-les-beaux-moments-d-herve-guibert

    Hervé Guibert commence une collaboration au journal Le Monde qui publiera ses chroniques sur l’actualité photographique et culturelle, entre 1977 et 1985. L’Image fantôme, son essai sur la #Photographie, qui prolonge cette réflexion sur la photographie comme fait d’écriture, est paru aux Éditions de Minuit en 1981. La photographie d’Hervé Guibert ne documente pas, elle recrée, elle réinvente l’instant avec un noir et blanc qui déréalise ce qui est saisi, comme l’écrivain l’écrit dans son recueil (...) #Entre_les_lignes / #Art, #Écriture, #Livre, Photographie, #Portrait, #Regard, #Quotidien, #Paris, #Musée, #Paysage, #Bonheur, #Temps, #Corps, (...)

    #Travail
    http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-L%E2%80%99Image_fant%C3%B4me-1665-1-1-0-1.html
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Herv%C3%A9_Guibert
    http://www.lesdoucheslagalerie.com/fr/expositions/presentation/93/de-l-intime
    http://www.lesdoucheslagalerie.com

  • La #Ville au loin
    http://liminaire.fr/palimpseste/article/la-ville-au-loin

    Il y a des photographies qu’on ne prend pas, pas le temps de sortir l’appareil, pressé par le temps, on s’arrête juste avant, in extremis, pour photographier ce qui a attiré notre #Regard, une immense flaque qui reflète le #Paysage des immeubles et de la rue de notre quartier, dans cette lumière si particulière d’après tempête, cinglante et platiné, où ces derniers jours, chaque matin le ciel bleu paraît lavé par les vents violents de la nuit, très vite recouvert par de nouveaux nuages, des averses et des (...) #Palimpseste / #Cinéma, #Photographie, #Biographie, #Récit, #Paris, Ville, #Art, #Dérive, Regard, #Corps, (...)

  • Les #outils_numériques de l’#humanitaire sont-ils compatibles avec le respect de la #vie_privée des #réfugiés ?

    Pour gérer les opérations humanitaires dans le camp de réfugiés syriens de #Zaatari en #Jordanie, les ONG ont mis en place des outils numériques, mais l’#innovation a un impact sur le personnel humanitaire comme sur les réfugiés. Travailler sur ce camp ouvert en 2012, où vivent 76 000 Syriens et travaillent 42 ONG, permet de s’interroger sur la célébration par le monde humanitaire de l’utilisation de #nouvelles_technologies pour venir en aide à des réfugiés.

    Après plusieurs années d’observation participative en tant que chargée d’évaluation pour une organisations non gouvernementales (ONG), je suis allée plusieurs fois à Amman et dans le camp de Zaatari, en Jordanie, entre 2017 et 2018, pour rencontrer des travailleurs humanitaires de 13 organisations différentes et agences de l’Onu et 10 familles vivant dans le camp, avec l’aide d’un interprète.

    Le camp de Zaatari a été ouvert dès 2012 par le Haut Commissariat aux Réfugiés pour répondre à la fuite des Syriens vers la Jordanie. Prévu comme une « #installation_temporaire », il peut accueillir jusqu’à 120 000 réfugiés. Les ONG et les agences des Nations Unies y distribuent de la nourriture et de l’eau potable, y procurent des soins et proposent un logement dans des caravanes.

    Pour faciliter la #gestion de cet espace de 5,2 km2 qui accueille 76 000 personnes, de très nombreux rapports, cartes et bases de données sont réalisés par les ONG. Les #données_géographiques, particulièrement, sont collectées avec des #smartphones et partagées via des cartes et des #tableaux_de_bord sur des #plateformes_en_ligne, soit internes au camp comme celle du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), soit ouvertes à tous comme #Open_Street_Map. Ainsi, grâce à des images par satellite, on peut suivre les déplacements des abris des réfugiés dans le camp qui ont souvent lieu la nuit. Ces #mouvements modifient la #géographie_du_camp et la densité de population par zones, obligeant les humanitaires à modifier les services, tel l’apport en eau potable.

    Les réfugiés payent avec leur iris

    Ces outils font partie de ce que j’appelle « l’#humanitaire_numérique_innovant ». Le scan de l’#iris tient une place à part parmi ces outils car il s’intéresse à une partie du #corps du réfugié. Cette donnée biométrique est associée à la technologie de paiement en ligne appelée #blockchain et permet de régler ses achats au #supermarché installé dans le camp par une société jordanienne privée. Avant l’utilisation des #scanners à iris, les réfugiés recevaient une #carte_de_crédit qu’ils pouvaient utiliser dans divers magasins autour du camp, y compris dans des #échoppes appartenant à des réfugiés.

    Ils ne comprennent pas l’utilité pour eux d’avoir changé de système. Nour*, une réfugiée de 30 ans, trouvait que « la #carte_Visa était si facile » et craint de « devenir aveugle si [elle] continue à utiliser [son] iris. Cela prend tellement de temps : “ouvre les yeux”, “regarde à gauche”, etc. ». Payer avec son corps n’a rien d’anecdotique quand on est réfugié dans un camp et donc dépendant d’une assistance mensuelle dont on ne maîtrise pas les modalités. Nisrine, une autre réfugiée, préférait quand « n’importe qui pouvait aller au supermarché [pour quelqu’un d’autre]. Maintenant une [seule] personne doit y aller et c’est plus difficile ». Sans transport en commun dans le camp, se rendre au supermarché est une contrainte physique pour ces femmes.

    Le principal argument des ONG en faveur du développement du scan de l’iris est de réduire le risque de #fraude. Le #Programme_Alimentaire_Mondial (#Pam) contrôle pourtant le genre de denrées qui peuvent être achetées en autorisant ou non leur paiement avec la somme placée sur le compte des réfugiés. C’est le cas par exemple pour des aliments comme les chips, ou encore pour les protections hygiéniques. Pour ces biens-là, les réfugiés doivent compléter en liquide.

    Des interactions qui changent entre le personnel humanitaire et les réfugiés

    Les effets de ces #nouvelles_technologies se font aussi sentir dans les interactions entre le personnel du camp et les réfugiés. Chargés de collecter les #données, certains humanitaires doivent régulièrement interroger des jeunes hommes venant de zones rurales limitrophes (qui forment la majorité des réfugiés) sur leur hygiène ou leurs moyens de subsistance. Cela leur permet de créer des #indicateurs pour classer les réfugiés par catégories de #vulnérabilité et donc de #besoins. Ces interactions sont considérées par les réfugiés comme une intrusion dans leur espace de vie, à cause de la nature des questions posées, et sont pourtant devenues un des rares moments d’échanges entre ceux qui travaillent et vivent dans le camp.

    Le #classement des ménages et des individus doit se faire de manière objective pour savoir qui recevra quoi, mais les données collectées sont composites. Difficile pour les responsables de projets, directement interpellés par des réfugiés dans le camp, d’assumer les choix faits par des logiciels. C’est un exercice mathématique qui décide finalement de l’#allocation de l’aide et la majorité des responsables de programmes que j’ai interrogés ne connaissent pas son fonctionnement. Le processus de décision est retiré des mains du personnel humanitaire.

    Aucune évaluation de la #protection_des_données n’a été réalisée

    La vie privée de cette population qui a fui la guerre et trouvé refuge dans un camp est-elle bien protégée alors que toutes ces #données_personnelles sont récoltées ? Le journal en ligne The New Humanitarian rapportait en 2017 une importante fuite de données de bénéficiaires du Pam en Afrique de l’Ouest, détectée par une entreprise de protection de la donnée (https://www.thenewhumanitarian.org/investigations/2017/11/27/security-lapses-aid-agency-leave-beneficiary-data-risk). En Jordanie, les #données_biométriques de l’iris des réfugiés circulent entre une banque privée et l’entreprise jordanienne qui exploite le supermarché, mais aucune évaluation de la protection des données n’a été réalisée, ni avant ni depuis la mise en œuvre de cette #innovation_technologique. Si la protection des données à caractère personnel est en train de devenir un objet de légalisation dans l’Union européenne (en particulier avec le Règlement Général sur la Protection des Données), elle n’a pas encore été incluse dans le #droit_humanitaire.

    De la collecte de données sur les pratiques d’hygiène à l’utilisation de données biométriques pour la distribution de l’#aide_humanitaire, les outils numériques suivent en continu l’histoire des réfugiés. Non pas à travers des récits personnels, mais sur la base de données chiffrées qui, pense-t-on, ne sauraient mentir. Pour sensibiliser le public à la crise humanitaire, les équipes de communication des agences des Nations Unies et des ONG utilisent pourtant des histoires humaines et non des chiffres.

    Les réfugiés eux-mêmes reçoivent peu d’information, voire aucune, sur ce que deviennent leurs données personnelles, ni sur leurs droits en matière de protection de données privées. La connexion Internet leur est d’ailleurs refusée, de peur qu’ils communiquent avec des membres du groupe État Islamique… La gestion d’un camp aussi vaste que celui de Zaatari bénéficie peut-être de ces technologies, mais peut-on collecter les #traces_numériques des activités quotidiennes des réfugiés sans leur demander ce qu’ils en pensent et sans garantir la protection de leurs données personnelles ?

    http://icmigrations.fr/2020/01/16/defacto-015-01

    #camps_de_réfugiés #numérique #asile #migrations #camps #surveillance #contrôle #biométrie #privatisation

    ping @etraces @reka @karine4 @isskein

  • Corpi e recinti. Estetica ed economia politica del decoro

    Le politiche per il decoro occupano da qualche tempo una posizione di punta nelle strategie per il governo dei comportamenti e delle diseguaglianze sociali. Apparentemente il divieto di stendere il bucato alle finestre o di coricarsi sulle panchine di un parco sembrerebbe rinviare al confine tra le prerogative del giudizio estetico e i problemi di ordine morale, ma osservate più da vicino tutte queste proibizioni si rivelano il prolungamento della guerra ai poveri e delle politiche migratorie con altri mezzi. Quelle che il decoro bandisce sono le impronte urbane della classe e della razza, la memoria vivente di una città sufficientemente porosa da lasciar intravvedere gli aspetti meno neutrali del paesaggio connaturato al potenziamento della rendita e del profitto. Delle pessime ragioni della pubblica decenza, dunque, è possibile tratteggiare un’economia politica che attraverso la formazione ottocentesca dei quartieri operai in Inghilterra, l’urbanistica coloniale di Algeri, gli uffici di collocamento nella Berlino degli anni Trenta, l’Italia delle migrazioni interne, gli Stati Uniti della tolleranza zero e i centri deputati allo smistamento dei migranti non ha mai smesso di assegnare allo spazio il compito di molestare e colpevolizzare le vite degli sconfitti. Ma il senso di queste molestie emerge in tutta evidenza attraverso l’analisi di quanto accade sui boulevard del Secondo Impero, dove all’allontanamento dei soggetti sgraditi dovevano innanzitutto corrispondere la produzione dei bisogni, i desideri e l’esperienza corporea dei soggetti conformi. Le politiche per il decoro, allora, si potrebbero definire forme di «recinzione percettiva», misure di intervento sulla realtà percepita che delle vecchie enclosure trattengono la valenza sia predatoria che disciplinare, alimentando la percezione dell’insicurezza.


    http://www.ombrecorte.it/more.asp?id=607&tipo=novita
    #livre #anti-SDF #decoro (que je ne sais pas bien comment traduire en français: #décence #décorum #bienséance...) #esthétique #villes #urban_matter #anti-pauvres #géographie_urbaine #morale #bancs #guerre_aux_pauvres #corps
    ping @albertocampiphoto @wizo

    • Città indesiderabili come dispositivi che assimilano per esclusione

      La miseria dà spettacolo. Il suo allontanamento, anche coatto, è parte dello spettacolo attorno al quale si riunisce una popolazione alienata, isolata, indebolita, stanca, se non impaurita.
      All’opera è quella che il geografo Neil Smith ha chiamato, negli anni ‘90 del secolo scorso, la città revanscista, ossia una città che richiede e attiva politiche di pulizia spaziale per allontanare le condizioni e le figure sociali del disordine: gli intollerabili, gli inappropriati, emblematicamente rappresentati dalle persone che vivono per strada, senzatetto.

      SIAMO NELL’ORDINE, estetico oltre che sociale e politico, della città punitiva, la quale costruisce recinzioni e, insieme, asseconda il risentimento. Si tratta di una città assoggettante, che esclude, vuole escludere, si impegna a escludere, tutto ciò che non rientra nel canone della conformità, in cui per conformità si devono intendere il consumo e la buona educazione del consumare.
      Un libro da leggere Corpi e recinti. Estetica ed economia politica del decoro, scritto da Pierpaolo Ascari, professore a contratto di estetica all’università di Bologna, e pubblicato da ombre corte (pp.134, euro 13), proprio perché ci fa entrare dentro l’attualità e la storia della costruzione della città armoniosa secondo i codici del buon consumo. È la città priva di fastidi sociali quella in cui ci stiamo costringendo a vivere. È la città del decoro, il cui abitante legittimo è il buon consumatore, che non vuole turbolenze né politiche né estetiche, ma vuole solo spendere in pace.

      LO SPAZIO E I LUOGHI sono pensati e costruiti secondo tali sentimenti e richieste, depoliticizzando la povertà, le disuguaglianze e il conflitto, definiti come elementi indecorosi, antipatici, se non proprio osceni, e nemici della buona convivenza e sicurezza collettiva. E sono costruiti secondo tali sentimenti e richieste in maniera apparentemente non conflittuale, «mimetizzandosi nel buon gusto e nella decenza di tutti». D’altronde, chi può affermare di essere contro il decoro? Si può essere a favore di una città indecorosa? O insicura?

      SIAMO, DUNQUE, immersi nella città del decoro, definito da Ascari come un «dispositivo che assimila per esclusione». Questo tipo di città non è di oggi; ha una lunga storia, le cui tracce si ritrovano già nel governo dei boulevard parigini nell’800, così come nella formazione delle città industriali inglesi e nelle città coloniali. Questa storia arriva fino a oggi, entrando nella cronaca quotidiana e nelle pratiche amministrative delle ordinanze e delibere comunali. È la storia di quella che Ascari definisce città postcoloniale, da comprendere in combinazione con il concetto di città punitiva.

      LA CITTÀ POSTCOLONIALE è caratterizzata dalla «sopravvivenza dei vecchi progetti imperiali nella strutturazione o nella produzione dell’attuale spazio europeo e nordamericano». Tali progetti, nel rapporto di dominazione tra occupanti e occupati, si fondano sulla doppia funzione di raggruppamento e detenzione del campo, secondo la logica costitutiva di ogni colonizzazione, come spiegato dai citati Joël Kotek e Pierre Rigoulot nel libro Il Secolo dei campi. Questo tipo di progetto si estende ai corpi dei colonizzati, i quali, come analizzato da Frantz Fanon, sono in permanente tensione. Nella stessa condizione, di continua attivazione, sono i corpi degli «espellibili» (gli immigrati) e i corpi degli indesiderati e dei membri delle nuove classi pericolose, oggetti privilegiati delle politiche di decoro, come mostrato, ad esempio, dai lavoratori ambulanti stranieri, sempre pronti a difendersi o nascondere la merce, anche quando titolari, come in quasi tutti i casi, di regolari licenze per la vendita.

      CORPI IN TENSIONE e corpi estetizzati sono quelli di chi è bersaglio privilegiato delle politiche di decoro, i quali devono essere ubbidienti anche sul piano estetico. Essi devono rispondere e corrispondere ad un sistema di segni e stili, altrimenti vengono trasformati nell’oggetto della repressione percettiva e, se necessario, della repressione amministrativa e di polizia.
      Questo accade «perché nella città postcoloniale e punitiva del decoro, qualunque interferenza alla chiusura in un sistema di segni, dalla povertà al writing, viene perseguita in quanto crimine di stile», secondo l’interpretazione di Sarah Nuttall e Achille Mbembe, tra i riferimenti di un libro ricco, alimentato dalla lettura e dall’uso critico di strumenti di analisi fondamentali.

      https://ilmanifesto.it/citta-indesiderabili-come-dispositivi-che-assimilano-per-esclusione
      #exclusion

  • [Les Promesses de l’Aube] Féminismes en mouvement : faire monde commun
    http://www.radiopanik.org/emissions/les-promesses-de-l-aube/feminismes-en-mouvement-faire-monde-commun

    Ce mercredi, les Prommesses de l’Aube accueilleront Manon Legrand et Camille Wernaers pour présenter le Hors Série Spécial du magazine #Axelle, consacré aux féminismes.

    Il sera question de précarité et d’oppression, d’inégalités et de #domination, de #corps mutilés et multiples et mais surtout de la possibilité de faire monde commun, de diversité, de #bienveillance et de #luttes.

    #féminisme #diversité #féminisme,luttes,corps,diversité,Axelle,bienveillance,domination
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/les-promesses-de-l-aube/feminismes-en-mouvement-faire-monde-commun_08072__1.mp3

  • Une #relève académique en #souffrance

    Il est urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux le #mal-être profond des doctorants, post-doctorants, enseignants et chercheurs, et qu’ils en tirent les conséquences en matière de #politique_de_la_recherche, écrivent cinq post-doctorants en sociologie de l’Université de Neuchâtel.

    Le monde académique est devenu un environnement de #travail toxique. L’article de la Tribune de Genève intitulé « Burn-out en série chez les chercheurs genevois » (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) (8.1.2020) offre un témoignage éclairant sur une réalité méconnue. Il souligne que les #conditions_de_travail très précaires sont le lot commun des doctorant-e-s, post-doctorant-e-s et autres enseignant-e-s et chercheurs-euses réuni-e-s sous l’appellation de « #corps_intermédiaire » – et ce pendant de longues années : contrats à durée déterminée et à temps partiel, salaires insuffisants, dépendance personnelle aux professeur-e-s, problèmes de management, inégalités de traitement, harcèlement, multiplication des #burn-out. Mais comment en est-on arrivé là ? Cette réalité relève d’un #problème_structurel qu’il est nécessaire de prendre à la racine afin d’y apporter des réponses.

    L’#effet_Bologne

    Le système académique international a connu une restructuration profonde avec la mise en place du #processus_de_Bologne. Celui-ci a permis de créer un espace européen de l’enseignement supérieur en mettant en #concurrence les universités. Dans ce contexte, le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) se donne pour mission d’encourager la #compétitivité et la mise en réseau de la recherche scientifique suisse au niveau international (art. 1 de ses statuts). Au sein des universités et hautes écoles spécialisées (HES), dont la marge de manœuvre se réduit, cela s’est traduit par une mise en concurrence extrême des chercheurs-euses à l’échelle internationale. Pour espérer trouver une stabilité professionnelle après le doctorat, il est désormais indispensable de disposer d’articles dans des revues prestigieuses, évalués de façon anonyme, suivant un processus long et pénible. Sans compter que l’#anglais (et la forme d’#écriture_scientifique_standardisée) a pris le dessus sur les langues nationales. Individualisée, la #performance est mesurée d’après des critères précis, qui imposent à chaque chercheur-euse d’indiquer explicitement dans son CV sa « #productivité_scientifique » (sic). L’#impact_factor (citations des travaux par les pairs) détermine toujours les chances d’obtention d’une chaire, peu importe s’il conduit à l’auto-référentialité ou à la multiplication d’articles sans plus-value pour la science.

    Les effets de cette #mise_en_concurrence sont néfastes tant pour la #santé des chercheurs-euses que pour la qualité des connaissances produites. Les #rapports_de_travail se dégradent fortement. Il n’est pas rare qu’un-e collègue de bureau soit vu-e comme un-e concurrent-e direct-e. Pour répondre aux critères d’éligibilité, il faut travailler régulièrement le soir et le week-end. L’injonction d’une #mobilité_internationale favorise des profils conjugaux particuliers, au risque d’impliquer le renoncement à une #vie_familiale et d’accroître les #inégalités_de_genre. Les burn-out en série – qui connaissent une forte hausse généralisée (NZZaS, 12.1.2020) – témoignent de la #solitude dans laquelle les #souffrances sont vécues. Une situation renforcée à l’#université par l’absence d’organisations de défense collective de type syndical.

    Les mécanismes de concurrence

    Pour ces différentes raisons, il nous semble de plus en plus urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux ce mal-être profond et qu’ils en tirent les conséquences en matière de politique de la recherche. Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des #financements_par_projet doivent être sérieusement envisagés. La réflexion devrait également questionner l’impératif d’une mobilité internationale (lorsqu’elle se fait contre la volonté des chercheurs-euses) et une course à la #productivité à tout prix.

    Daniel Burnier, Nicola Cianferoni, Jacinto Cuvi, Thomas Jammet, Miriam Odoni (post-doctorant-e-s en sociologie, Université de Neuchâtel)

    https://www.letemps.ch/opinions/une-releve-academique-souffrance
    #Suisse #université #science

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    ajouté à cette métaliste sur la #précarisation de la #carrière des enseignant·es-chercheur·es dans les universités suisses.
    https://seenthis.net/messages/945135

    • « Burn-out » en série chez les chercheurs genevois

      Il arrive que l’Université se transforme en machine à broyer. Doctorants et chercheurs témoignent.

      Yvan* aurait aimé terminer son doctorat « par une invitation à lecture publique ». Las. Alors qu’il lui restait encore un an pour achever une thèse en sciences politiques entamée en 2016, ce Genevois de 31 ans a dit « stop » il y a quelques semaines. Il s’en explique dans un long message sur Facebook, suscitant une avalanche de commentaires. Il y dénonce la condition « très précaire » des chercheurs et la « culture de travail toxique » à l’œuvre selon lui au sein de l’Université de Genève (UNIGE).

      En trois ans, Yvan a découvert « les coulisses du monde académique ». Du moins celles de la Faculté des sciences de la société. « Et ce n’est pas beau à voir, écrit-il. Des collègues surexploités et surmenés dont on peut voir dans leur regard qu’ils ne dorment pas assez la nuit. Une anxiété insidieuse et une dépression présente partout, à quoi s’ajoutent des burn-out en série. »

      Jungle de contrats

      Les départs « abrupts » font toutefois figure d’exception, tient à préciser l’UNIGE. Brigitte Galliot, la vice-rectrice en charge des relations humaines, explique qu’elle demande à voir toutes les lettres de démission. « Nous cherchons à déterminer si l’encadrement n’a pas été satisfaisant », assure-t-elle.

      Dans son appartement de la Servette, Yvan se souvient de son premier jour en tant que doctorant. « Je n’avais pas de bureau, pas d’assignation, aucune personne de contact. Je ne savais pas quoi faire. J’ai fini par m’asseoir à la place d’une personne qui était absente. » Son contrat de recherche mentionne un 70% rémunéré 3920 francs brut par mois. « Comme premier salaire, on se dit que 4000 francs, c’est bien. Mais quand on soustrait les charges et avec le coût de la vie à Genève, il ne reste pas grand-chose. » Exemple de cette précarité : il est rare que les étudiants vivent seuls. La plupart sont en colocation ou emménagent avec leur copain ou copine.

      Débute la quête de financements complémentaires. Un sport national à l’université. « On te dit : ne t’en fais pas, signe déjà ce contrat à temps partiel, et ensuite on trouvera quelque chose », explique Yvan. De fait, les 2300 doctorants évoluent dans une « véritable jungle de contrats ». Durant un semestre, Yvan a même hérité d’un 5%. Le pourcentage varie, le type de contrat également. Certains sont financés par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), d’autres par le Département de l’instruction publique (DIP). Ces derniers donnent droit à une annuité, qu’il est conseillé de négocier habilement.

      Finir sa thèse au chômage

      Yvan poursuit : « Tu es toujours en train de chercher un bout de contrat pour boucher le prochain trou. Quand tu ajoutes à cela le manque de suivi et de reconnaissance inhérente au milieu universitaire, ça devient infernal. » Un premier burn-out survient en 2017. « Je ne l’ai pas fait parce que je bossais trop mais en raison de cet environnement toxique. »

      Yvan retrouve son bureau six mois plus tard. La perspective de devoir effectuer la dernière année de sa thèse au chômage semble inéluctable. « C’est très fréquent. On t’engage pour trois ou quatre ans et si tu n’as pas fini ton doctorat, on te dit que tu le peux terminer au chômage. » Le chômage devient un « outil pour pallier le manque de financement », dénonce Yvan. Qui raccroche définitivement en novembre.

      Ce tableau très noir est le propre de très nombreuses universités en Suisse et à l’étranger. Dans l’ultracompétitif monde académique, c’est « up or out » : soit on progresse, soit on sort. Mais certains mettent des années à s’en extraire, guettant le prochain contrat dans l’espoir de décrocher ensuite un poste de professeur. À y regarder de plus près, les doctorants sont encore les mieux lotis. La situation peut devenir « catastrophique » pour ceux qui restent dans le giron universitaire par la suite : les postdoctorants, les assistants, les chargés de cours et les maîtres d’enseignement. On appelle cela le corps intermédiaire. À l’UNIGE, il dénombre 3760 personnes, contre seulement 766 professeurs, les seuls à disposer d’un contrat fixe et à temps plein.

      « Système seigneurial »

      Pour accéder à ce « Graal », Cristina Del Biaggio a dû se résoudre à quitter Genève. Cette Tessinoise de 42 ans y avait fait son doctorat, puis enchaîné les contrats. « Vingt au total entre 2007 et 2017 », détaille celle qui officie désormais comme maîtresse de conférence à l’Université de Grenoble, en montrant son attestation. On y remarque qu’elle est passée une fois de la classe23 à la 19. « J’ai donc reculé de classe salariale. Était-ce bien légal ? » s’interroge-t-elle.

      Les étudiants dépendent de leurs professeurs, relais inévitables pour obtenir un nouveau financement ou soumettre un projet de recherche. Un « système seigneurial », selon Yvan. « Quoi que tu fasses, tu dois passer par ton seigneur », dit-il. Il vaut donc mieux s’entendre avec lui, même si son pouvoir s’avère souvent limité.

      Pour « joindre les deux bouts », mais aussi parce qu’elle n’a jamais vu le monde universitaire comme « une fin en soi », Cristina Del Biaggio s’engage en parallèle pour l’association Vivre Ensemble. La crise des politiques migratoires bat alors son plein et la géographe s’exprime régulièrement dans les médias. « J’y étais plus utile. Je n’ai jamais été dans cette logique de course à la publication pour des revues inaccessibles qu’imposent les universités. »

      Liberté académique

      Les « inégalités de statut » et l’opacité ambiante font partie des défis de l’Agrass, l’Association pour la relève académique de la Faculté des sciences de la société. « Il y a énormément de disparités, relève d’emblée Davy-Kim Lascombes, de l’Agrass. Entre les facultés mais aussi entre les différents départements. » Les cahiers des charges peuvent varier sensiblement d’un assistant à l’autre.

      Ces inégalités, le rectorat les déplore, tout en rappelant que les neuf facultés jouissent de « beaucoup d’autonomie ». « C’est à elles de faire le ménage chez elles », relève la vice-rectrice Brigitte Galliot. En vertu de la notion de la liberté académique, les étudiants ont en principe le droit de faire un doctorat sans être payés. Il revient toutefois au directeur de thèse de veiller aux conditions de financement. « Nous nous bagarrons contre les professeurs qui prennent douze étudiants et ne peuvent pas les payer. Certaines facultés, comme les sciences et la médecine, refusent d’inscrire des doctorants non financés », insiste Brigitte Galliot.

      Entre 2007 et 2011, Simon Anderfuhren a rédigé une thèse sur les questions de motivation au travail. Il aborde la gestion des ressources humaines et le burn-out. « J’ai consacré une bonne partie de mon temps à enquêter sur des choses dont, par ailleurs, j’ai été témoin », constate ce quadragénaire. Pour lui, l’aventure universitaire s’achève en 2016 par deux ans de chômage et six mois sans salaire. En « valorisant » ses charges de cours, Simon Anderfuhren est aujourd’hui en passe de réussir sa reconversion dans l’enseignement. « L’université est un milieu qui n’est pas habitué à la souffrance au travail », dit-il.

      Problèmes de harcèlement

      Cristina Del Biaggio va plus loin. Selon elle, la précarité devient un « terrain fertile » pour le harcèlement. Des affaires qui n’ont pas épargné l’UNIGE ces dernières années. « Cela tombe toujours sur des personnes précaires. Car elles ont souvent peur de parler et de ne pas voir leur contrat renouvelé », avance Cristina Del Biaggio. Elle regrette le manque de formation des professeurs. « Ils se retrouvent à gérer des carrières universitaires, sans pour autant avoir des compétences managériales avérées », complète Simon Anderfuhren.

      Le rectorat rappelle que la « cellule confiance » est à la disposition de ceux qui veulent faire part, en toute confidentialité, d’un problème de harcèlement ou de sexisme. « Un soutien psychologique et non juridique », regrette Davy-Kim Lascombes. Une charte universitaire du doctorat est par ailleurs en préparation. « C’est une période où les étudiants peuvent être vulnérables s’ils se retrouvent avec un seul superviseur, reconnaît Brigitte Galliot. L’objectif, c’est qu’ils soient évalués par trois personnes à la fin de la première année. » La vice-rectrice ajoute que depuis deux ans, les nouveaux professeurs doivent suivre une formation de management en milieu académique.

      Plus de contrats stables

      En septembre, les représentants du corps intermédiaire ont présenté au rectorat le rapport 2018 « Next Gen » de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales. Parmi ses recommandations, la hausse du nombre de contrats stables. « Tout ce qu’a proposé le rectorat, c’est la création d’un groupe de travail », regrette Davy-Kim Lascombes. Brigitte Galliot : « Si l’on veut que l’Université crée des postes d’enseignements en CDI, il faut revoir son organisation et que les moyens alloués augmentent en conséquence. »

      De leurs années à l’UNIGE, Cristina Del Biaggo et Simon Anderfuhren gardent quand même un bon souvenir. « On sait pertinemment que tout le monde ne peut pas faire carrière. On connaît les règles du jeu. Mais on continue à y jouer », médite Simon Anderfuhren. Cristina Del Biaggio se remémore son dernier jour : « Cela faisait dix ans que j’y travaillais et je ne savais pas à qui donner la clé de mon bureau. J’ai fini par la laisser dans un casier. » D’une moue, elle ajoute : « Ce jour-là, personne ne m’a dit au revoir, ni merci. »

      *Identité connue de la rédaction

      https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762
      #santé_mentale

      –-> vous allez voir mon nom apparaître dans cet article dans lequel j’ai témoigné...

    • Malaise dans la recherche

      En ce mois de janvier, les langues se délient sur les conditions des chercheur-e-s en Suisse. Le Temps publie le 23 janvier le constat d’une équipe de post-doctorant-e-s de l’Université de Neuchâtel qui enjoint les instances responsables de la recherche de revoir leur politique, ou du moins de prendre conscience des conséquences qu’elle provoque (“Une relève académique en souffrance“). Quelques jours avant (08.01.2020), La Tribune de Genève informait sur les burn-out qui touchent les chercheur-e-s genevois-e-s (“Burn-out en série chez les chercheurs genevois“).

      Oui, le #malaise est là et les causes sont connues de toutes et tous, surtout de celles et ceux qui les vivent ! Pourtant, il n’est pas si aisé de faire part de son malaise, de peur des conséquences, c’est-à-dire de péjorer encore plus sa propre situation !

      Pour l’étudiant-e qui souhaite entreprendre un doctorat, le système suisse est performant et encadrant : écoles doctorales, ateliers divers aidant à entrer dans les métiers de la recherche, soutien financier pour se rendre à des colloques internationaux, aller se former un semestre à l’étranger ou effectuer des recherches de terrain, aides à la publication, etc. Durant ces années de formation, on apprend à devenir chercheur-e dans toutes ses dimensions, y compris celle de l’enseignement. Le travail intense (qui comprend régulièrement vacances et week-ends) fait déjà partie du jeu…Mais il faut bien admettre qu’il est impossible d’achever une thèse si, à un moment donné, on ne vit pas uniquement pour son travail de recherche…

      Les vrais ennuis surviennent après l’obtention du doctorat. Votre contrat ou votre bourse sont terminés, vous n’êtes plus affilié-e à aucune institution, mais il vous faut redoubler d’effort, car la vraie #compétition commence ! Ou vous vous retirez du jeu et essayez d’intégrer le monde professionnel, ce qui, quoi qu’on en dise, est très compliqué si vous vous êtes construit un profil de chercheur-e durant la thèse et implique souvent une formation complémentaire (nombreux sont ceux et celles qui se tournent vers la Haute école pédagogique par exemple…ce qui est, à juste titre, très mal vécu après des années d’étude !). Soit vous restez dans le jeu. Et c’est à ce moment-là qu’il faut devenir une bête de concours et être en mesure de cocher le plus de cases possible : prix, mobilité, publication de la thèse, articles dans des revues prestigieuses, réseau international, participation à des congrès internationaux, organisation de colloques, etc., etc., la liste est longue et augmente à chaque nouvelle demande et au fur et à mesure des années. Puisqu’il est un élément important à prendre en considération, la date de soutien de la thèse qui devient votre an zéro. A partir de là, votre cv doit obligatoirement s’allonger, c’est indispensable pour rester dans la course. Actuellement, il doit même comporter une dimension “utile à la société”, c’est-à-dire que vous devez être à même de justifier d’activités mettant en lien votre recherche et la société dans son ensemble : activités de vulgarisation, organisation d’expositions ou d’événements culturels, participation à des concours, etc. (voir un précédent article sur ce blog : https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2019/06/05/le-metier-de-chercheuse-en-etudes-indiennes).

      Toutes ces activités post-doctorat peuvent être menées soit par le biais de bourses du FNS (Fonds national suisse pour la recherche scientifique), soit en étant engagé-e par une université pour un poste appartenant au corps intermédiaire, souvent à temps partiel et généralement pour une durée déterminée. Et c’est bien là que le bas blesse, dans le cumul de contrats précaires sur une longue durée et parfois pour toute la carrière, lorsque l’accès au statut de professeur-e n’a pu être possible (pour des raisons qu’il serait trop long d’expliciter ici).

      A l’entrée dans le monde de la recherche académique, le-la chercheur-e est tout à fait conscient-e que ce qui est recherché est l’#excellence. Il faut travailler dur, il faut être passionné-e, il faut donner de son temps et dans certaines périodes, tout son temps, il faut répondre à un certain nombre de critères, qui ne sont pas inutiles, mais qui permettent de faire avancer la recherche. En prenant cette voie, tout-e chercheur-e est d’accord avec cela, pour une simple raison qui est la #passion. La passion pour ce que l’on fait. On est aussi le plus souvent d’accord de passer par la case mobilité, car on sait pertinemment combien notre recherche est susceptible de profiter de cette mobilité. A noter cependant que dans cette mobilité, aucun soutien logistique n’est fourni par les institutions suisses.

      Mais ce qui mène au burn-out, à la dépression ou à un profond #mal-être, ce n’est pas tant la #surcharge_de_travail, mais c’est surtout le statut précaire de chercheur-e et le fait de pouvoir à tout moment se voir complètement exclu du champ pour lequel on a tant travaillé. Dans quel autre domaine reste-t-on sur le carreau après tant de compétences accumulées et reconnues (puisque financées et récompensées) ?

      Le problème relève bien du politique. Veut-on vraiment financer des chercheur-e-s pour qu’ils-elles fassent des doctorats, des post-doctorats à l’étranger, des publications en open-access, puis leur dire au bout de dix ans, alors qu’ils-elles sont ultra-spécialisé-e-s et ultra-formé-e-s, que la recherche scientifique suisse n’a pas besoin d’eux ? Où doivent-ils-elles aller ? A l’étranger ? Au chômage ? Doivent-ils-elles se contenter d’un emploi à temps partiel sous-évalué, lorsqu’ils-elles en ont un ?

      Les chercheur-e-s de l’Université de Neuchâtel pointent du doigt la mise en concurrence : “Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des financements par projet doivent être sérieusement envisagés.”

      La #mise_en_concurrence en vue de l’excellence est un mécanisme largement utilisé, dans d’autres domaines également : musique, danse, sport. Je pense qu’elle est bénéfique en début de carrière car elle permet une implication totale et fait ressortir le meilleur des potentialités. Mais elle est destructrice sur le long terme et comporte de nombreux effets pervers (voir l’article pré-cité) ! Un-e danseur-se qui gagne des concours se voit offrir une place dans une compagnie de ballet. Il-elle ne sera peut-être jamais danseur-se étoile, mais il-elle pourra travailler et si ses performances seront toujours évaluées, il lui faudra une grande baisse de performance pour être rejeté-e. Le chercheur-e quant à lui-elle, passe des concours à intervalles réguliers, parfois sur une carrière entière et avec des périodes sans financement aucun. Comment travailler avec cette #pression et cette #instabilité dans un domaine où le temps long nourrit la réflexion et est indispensable à une recherche de qualité ? Veut-on réellement faire de la précarité le lot des chercheur-e-s suisses ?

      https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2020/02/02/malaise-dans-la-recherche

    • J’ai demandé à des chercheurs étrangers pourquoi ils étaient venus en France. Ils viennent chercher la stabilité de l’emploi et la liberté académique. Ils veulent un cadre stable pour pouvoir prendre des risques. C’est quelque chose que le système anglo-saxon ne permet pas car tout est remis en cause tous les cinq ans pour chercher de nouveaux financements. Ce qui rend la France attractive, ce n’est pas le salaire, c’est le cadre.

      https://www.liberation.fr/france/2020/01/31/on-ne-peut-pas-reformer-la-recherche-sans-les-chercheurs_1776027

    • #Actionuni der Schweizer Mittelbau. Representing scientific staff in Switzerland

      actionuni der Schweizer Mittelbau / actionuni le corps intermédiaire académique suisse / actionuni il collegio intermediario academico svizzero represents young researchers as well as the associations of non-professorial academic staff of the Swiss cantonal universities, the Federal Institutes of Technology, the Swiss Universities of Applied Sciences, and the Swiss Universities of Teacher Education on the Swiss national as well as the international level. actionuni’s objectives are to improve the academic career tracks and to coordinate the activities of the Swiss associations of non-professorial academic staff.

      http://www.actionuni.ch
      #jeunes_chercheurs #jeune_recherche

    • Des doctorants suisses réclament de meilleures conditions de travail

      En publiant dimanche dernier, “Prise de Positions concernant L’Encouragement de la Relève Académique dans les Hautes Écoles Suisses“ (http://www.actionuni.ch/wp-content/uploads/2019/02/PP_FRE_V1.pdf), Actionuni, organisation représentante de jeunes chercheurs en Suisse, appelle à de meilleures conditions de travail pour les doctorants.

      Leur position paper liste 8 revendications :

      Diversification des Parcours Professionnels au sein des Hautes Écoles et Carrières Alternatives, avec des profils alternatifs, à durée indéterminée, et ne dépendant pas d’une chaire.
      Gestion Professionnelle du Personnel.
      Profil double „Recherche/Pratique“, pour dépasser le dogme du « up or out ».
      Transparence des Parcours Professionnel.
      Renforcement des hiérarchies horizontales et des modèles de travail inclusif.
      Temps Minimal de Recherche : la recherche doit être considérée comme une activité professionnelle donnant droit à une rémunération au même titre que n’importe quelle autre prestation. La recherche devrait représenter au moins 60% de temps absolu des doctorants, qui devraient également se voir accorder des semestres de recherche rémunérés.
      Des carrières Compatibles avec la Vie de Famille et autres Obligations.
      Droits de Participation aux choix des établissements en matière de stratégie et de règlements.

      Ce qui ressort principalement de cet appel, c’est une critique de la précarité des doctorants et la centralité de la recherche dans leur pratique. Pour la rectrice de l’Université de Lausanne, l’université n’a pas vocation à faire de la recherche, ni les moyens de contenter en postes stables tous les appétits de recherche, et doit se concentrer sur la formation (https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail. ).


      https://academia.hypotheses.org/5087

    • Les doctorants de Suisse réclament de meilleures conditions de travail

      Les doctorants de Suisse se plaignent de leurs conditions de travail, qu’ils estiment néfastes pour la recherche et l’innovation. Dans un papier de position publié dimanche, ils demandent davantage de contrats à durée indéterminée.

      Dans son article, Actionuni, la faîtière des associations de chercheurs des hautes écoles suisses, revendique également une organisation compatible avec la vie de famille.

      « C’est difficile de se lancer dans un boulot si vous savez que, potentiellement, dans un an, ou même dans trois ans, il sera terminé. Ce sont des postes instables et souvent mouvants. Il faut tout le temps déménager, on vous pousse à le faire pour des critères d’excellence. C’est compliqué à gérer », explique Maximilien Stauber, secrétaire général de l’association ACIDUL à l’Université de Lausanne.

      Pour lui, un réel problème de précarité financière et de l’emploi subsiste : « Nous voulons que davantage de postes avec des durées indéterminées soient ouverts et qu’un temps minimal soit réservé pour la recherche. Dans ces emplois, il y a aussi souvent des tâches administratives et d’enseignement. A Lausanne, le temps minimal pour la recherche est de 50%, la faîtière propose maintenant 60%. »
      Mission de formation

      « Je comprends ces revendications. Le métier de la recherche est extrêmement dur, mais il me semble que la mission de l’université est avant tout de former les gens et pas de les employer pour faire de la recherche », estime la rectrice de l’Université de Lausanne Nouria Hernandez.

      « Il faut se rendre compte qu’il y a beaucoup plus de chercheurs et d’étudiants qui veulent faire de la recherche que de postes stables. Même si nous doublons ou triplons ce type de postes, cela va toujours être le cas », assure la biologiste.

      https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail.

    • Dans les universités suisses, huit chercheurs sur dix n’ont pas de contrat fixe

      Dans le système académique suisse, seuls les professeurs bénéficient de postes fixes, à quelques exceptions près. Après l’obtention d’un doctorat, ceux qui veulent poursuivre une carrière dans la recherche et gravir les échelons vers ce statut tant convoité cumulent souvent pendant de longues années des contrats à durée déterminée. Ils forment une armée de chercheurs qui enseignent et publient, sans qui la « machine universitaire » ne tournerait pas, mais qui se battent avec des conditions de travail difficiles et des perspectives incertaines

      Pourquoi on en parle. Les incertitudes liées aux carrières dans la recherche universitaire ne sont pas nouvelles, ni propres à la Suisse. Mais le nombre de doctorants en Suisse augmente, ce qui accroît la pression sur le système et accentue la précarité. En 2018, les universités suisses ont décerné 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Les Académies suisses des sciences ont consacré l’an dernier un important rapport à ce sujet sensible. Et la pression est montée d’un cran ce printemps, avec la publication d’une série de revendications de la faîtière des associations de chercheurs, Actionuni.

      https://www.heidi.news/articles/dans-les-universites-suisses-huit-chercheurs-sur-dix-n-ont-pas-de-contrat-fi

    • Ein Königreich für einen Lehrstuhl

      Sie sind die neunzig Prozent, die den akademischen Betrieb aufrechterhalten: Berichte aus dem Inneren eines Systems, das aus der Perspektive des wissenschaftlichen Nachwuchses so nicht länger funktionieren darf.

      «Das hätte auch bei uns passieren können» – ein Satz, der immer wieder fällt. Gemeint sind die eskalierenden Konflikte an der ETH Zürich, die mit Mobbingvorwürfen von Doktorierenden am Astronomielehrstuhl begannen.

      Geäussert haben den Satz Mittelbauangehörige verschiedener Deutschschweizer Universitäten. Denn dieselben Probleme wie an der ETH dräuen auch an den Unis in Basel, Bern, Zürich, Luzern und St. Gallen. Das geht aus internen Dokumenten und zahlreichen Gesprächen mit Doktorierenden, Postdocs und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen dieser Universitäten hervor. Sie waren nur unter Zusicherung absoluter Anonymität überhaupt bereit zu reden (Mittelbauangehörige werden hier als MBAs zitiert), weil ihre akademische Karriere andernfalls ein abruptes Ende nehmen könnte.

      Dabei stellt niemand von ihnen eine Einzelperson an den Pranger – die Probleme, unter denen primär der akademische Nachwuchs leidet, haben strukturelle Wurzeln. Und auch für die ProfessorInnen, das betonen viele aus dem Mittelbau, funktioniere dieses System immer weniger. Gemeint ist das Deutschschweizer Universitätsmodell mit seinen «Grossordinariaten», das im internationalen Vergleich anachronistisch, ja feudalistisch anmutet: Wenige, üppig ausgestattete Lehrstühle vereinen sämtliche Macht auf sich; die ProfessorInnen, die sie besetzen, sind auf Lebenszeit gewählt und gebieten über ein Heer von Nachwuchsforschenden – sie stellen neunzig Prozent des wissenschaftlichen Personals –, das unter höchst prekären Arbeitsbedingungen den universitären Betrieb aufrechterhält. Prekär bedeutet erst einmal: befristet angestellt, meist zu fünfzig Prozent bezahlt, aber hundert Prozent arbeitend, oft auch abends und am Wochenende.
      Das akademische Prekariat

      «Wer ein akademisches Karriereziel vor Augen hat, der kommt mit einer 42-Stunden-Woche nicht weit», so Thomas Grob, Vizerektor der Uni Basel, im hausinternen Magazin vom April 2019. Er reagierte auf eine breit angelegte Umfrage unter Doktorierenden und Postdocs, in der vierzig Prozent angeben, während ihres bezahlten Arbeitspensums keine Zeit für die eigene Forschung zu haben, mit der sie sich für die nächste Karrierestufe qualifizieren müssen. Im Schnitt wenden die Befragten über das bezahlte Pensum hinaus sogar noch einen Arbeitstag zusätzlich pro Woche zur Bewältigung von Arbeiten für den Lehrstuhl auf: Sie erledigen administrative Aufgaben, betreuen Studierende, unterrichten, korrigieren Prüfungen und helfen in anderen Projekten mit.

      Ähnliche Umfragen zur Arbeitssituation von Doktorierenden und Postdocs organisierte der Mittelbau in den letzten Monaten und Jahren auch an den anderen Deutschschweizer Unis. Mit praktisch deckungsgleichen Resultaten – obwohl sich die Rahmenbedingungen zwischen den Fakultäten, Instituten und einzelnen Lehrstühlen zum Teil stark unterscheiden. Sie zeigen: Prekär bedeutet auch, dass die befristete Anstellungsdauer oft zu kurz ist, um erfolgreich zu doktorieren oder sich zu habilitieren. Meist ist man auf drei Jahre hinaus angestellt, mit der Option auf Verlängerung um maximal drei weitere Jahre. In Basel erhalten Doktorierende sogar bloss einen einjährigen, Postdocs einen zweijährigen Vertrag, den sie um drei respektive vier Jahre verlängern können. Vier von fünf bekommen allerdings, wenn überhaupt, eine Verlängerung von einem Jahr oder weniger.

      Prekär bedeutet darüber hinaus: Der Lohn reicht kaum zum Leben – zumal, wenn man in der Stadt wohnt oder bereits eine Familie gegründet hat. In Luzern etwa hatte zum Zeitpunkt der Umfrage jedeR zweite Oberassistierende Kinder, der Bruttojahreslohn von 50 000 Franken genügte indes niemandem, um die Familie zu ernähren. Und familiäre Betreuungspflichten lassen sich, das betonte über die Hälfte aller Befragten mit Kindern, kaum mit einer wissenschaftlichen Qualifikation vereinbaren.

      Zunehmend prekär – namentlich mit Blick auf eine alternative Berufskarriere – wirkt sich auch die biografisch späte Selektion aus. «Über viele Jahre wissen bestens qualifizierte Akademikerinnen und Akademiker im Alter von 35–45 Jahren nicht, ob sie eine gesicherte Existenz an einer Hochschule oder im Wissenschaftssystem im Allgemeinen erreichen werden», hält der Report «Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung» (2018) der Akademien der Wissenschaften Schweiz fest. Denn an Deutschschweizer Universitäten gibt es nur einen einzigen Karriereweg: «up or out» – rauf oder raus. Drei von vier Postdocs streben eine Professur an, aber nur jedeR zehnte unter ihnen schafft es tatsächlich, einen Lehrstuhl zu ergattern.

      Vor diesem Hintergrund bezeichnen MBAs den Rekrutierungspool, in dem sie selber schwimmen, als «Haifischbecken». In der Selektion sei die viel beschworene wissenschaftliche «Exzellenz» kein entscheidendes Kriterium – andere Kompetenzen seien gefragt: die Bereitschaft, sich auf prekäre Arbeitsbedingungen einzulassen, sich finanziell einzuschränken, sich selbst auszubeuten und unsichere Zukunftsperspektiven auszuhalten. «Wer im System überlebt, entspricht einem gewissen Typus Mensch: Haie, die ellbögeln, sich nur um sich selbst kümmern und gleichzeitig kuschen und das System nicht hinterfragen», bilanziert eine MBA.
      Alles QuerulantInnen

      Wer sich wehrt, auch darin sind sich MBAs verschiedener Unis einig, gilt rasch als QuerulantIn. Mitunter genüge bereits ein «kritisches Nachfragen», um dieses Label zu erhalten, sagt einer. Und seit an einem Kollegen «ein Exempel statuiert» worden sei, herrsche im Mittelbau seiner Uni ein «Klima der Angst». «Dieses System bietet viel Platz für Willkür. Und dieser Willkür werden keine Grenzen gesetzt von denjenigen, die es könnten: den Professoren. Sie haben alle Macht, aber eine verschwindend geringe Zivilcourage.» Auch an anderen Unis lautet die Diagnose ähnlich: Die ProfessorInnen getrauten sich nicht, einander auf die Finger zu klopfen – sei es «aus Angst, als Nestbeschmutzer zu gelten», sei es im Wissen darum, sich so selbst zur Zielscheibe zu machen.

      Im universitären Feudalsystem ist die Macht der ProfessorInnen quasi absolut. Jeder Lehrstuhl, jedes Institut, jede Fakultät ist ein kleines Königreich für sich, über das die ProfessorInnen im Rahmen der universitären Selbstverwaltung uneingeschränkt herrschen. Sie verfügen nicht nur über die Mittel, aus denen sie das wissenschaftliche Personal finanzieren, sondern bestimmen auch über die Pflichten und Rechte der damit Angestellten. Der Institutsleiter, die Fakultätsdekanin sowie der Unirektor sind bloss auf Zeit gewählt und werden aus den eigenen Reihen rekrutiert.

      Ähnlich absolut ist umgekehrt die Machtlosigkeit der Assistenten, Oberassistentinnen und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen respektive ihre Abhängigkeit von einzelnen ProfessorInnen – eine Art Leibeigenschaft, um im Bild des Feudalsystems zu bleiben. Dieser Professor – in weit selteneren Fällen ist es eine Professorin – ist nämlich zugleich Arbeitgeber, Betreuer und Beurteiler der wissenschaftlichen Qualifikation. Konkret bedeutet das: Er bestimmt nicht nur über Dauer, Umfang, Lohn und Inhalt der Arbeit, er hält auch alle Fäden in der Hand, wenn es um die Chancen auf eine akademische Karriere geht, waltet er doch nicht nur als Förderer und Mentor, sondern beurteilt auch die wissenschaftliche Leistung.
      Macht und Missbrauch

      Der Förderung von «Exzellenz» ist diese Machtkonzentration in keiner Weise zuträglich, wie sämtliche Mittelbauumfragen zeigen. Im Gegenteil: Die Missstände sind deutlich und so weitverbreitet, dass von einem systembedingten Machtmissbrauch gesprochen werden kann. Eine Ausdrucksform davon ist Vernachlässigung. In den Umfragen beklagen sich je nach Uni 25, 35 oder gar über 40 Prozent aller Befragten über eine mangelnde oder völlig fehlende Betreuung und Unterstützung in Bezug auf ihre wissenschaftliche Qualifizierung. An der ETH hatten 60 Prozent der Doktorierenden nie ein Feedback- und Laufbahngespräch mit dem Professor. An der Universität Zürich schreiben viele von «Desinteresse vonseiten des Profs»: Er habe «keine Zeit, antwortet auf keine Mails», «nimmt sich keine Zeit, meine Beiträge / Kapitel der Diss zu lesen, und kommt unvorbereitet in eine Besprechung. Jedes Mal anderes Feedback.»

      Vielen ist bewusst, dass die ProfessorInnen selbst völlig überlastet sind: Die Zahl der Studierenden und Doktorierenden wächst ebenso wie der Aufwand, Drittmittel einzuwerben, und sie werden im Rahmen der universitären Selbstverwaltung mit immer mehr Administrationsaufgaben betreut. Vernachlässigen sie darob ihre Betreuungsfunktion zu stark, kann das für den Nachwuchs akademisch fatale Folgen haben. Eine MBA erzählt im Gespräch von mehreren ihr bekannten Fällen, in denen der Professor respektive die Professorin nach drei Jahren eine Dissertation oder sogar Habilitation abgelehnt habe – etwa mit der Begründung, es sei halt das «falsche Thema».

      Sowohl an der ETH wie an der Uni Zürich wird der Vorwurf des Machtmissbrauchs von jeder vierten Person in den Umfragen explizit erhoben – die persönlichen Erfahrungen sind die immer gleichen: Man wird gezwungen, auch am Wochenende zu arbeiten, stets erreichbar zu sein, selbst in den Ferien, die mitunter sogar verweigert werden. Vertragsverlängerungen werden an Bedingungen geknüpft. «Die Leute werden auf drei bis sechs Monate hinaus angestellt, Verträge als Druckmittel eingesetzt», sagt auch ein MBA einer anderen Uni.

      Zu den häufig und überall genannten Fällen von Machtmissbrauch gehört wissenschaftliches Fehlverhalten aufseiten von ProfessorInnen. So kommt es an einzelnen Unis offenbar immer wieder vor, dass sie Doktorierende Publikationen für Fachzeitschriften schreiben lassen, ohne sie auch nur als MitautorInnen zu nennen. Oder der Professor setze einfach seinen Namen drauf, obwohl er gar nichts zur eigentlichen Forschung beigetragen habe. Ein MBA berichtet, die Professorin habe ihn vor die Wahl gestellt, das zu akzeptieren oder sich einen neuen Job zu suchen.

      «Moralisch verwerfliches Verhalten im Umgang mit Angestellten ist häufig legal», sagt ein anderer MBA. Auch wenn an den einzelnen Unis unterschiedlichste Reglemente den Anstellungsrahmen definieren – das Reglement zu den Rechten und Pflichten von Assistierenden und Oberassistierenden der Uni Luzern gibt ihm recht: «Die Autorschaft und die Koautorschaft werden von der vorgesetzten Person (…) ermöglicht.» Oder, so der Tenor aus dem Mittelbau aller Unis: «Man ist dem Goodwill des Profs komplett ausgeliefert.»
      Bitte recht unverbindlich

      Wissenschaftliche Publikationen wie auch ausgewiesene Lehrerfahrung sind zentrale Meilensteine auf dem akademischen Karriereweg. Doch obwohl besonders in den philosophisch-historischen Fakultäten Assistierende und Oberassistierende extrem stark in die Lehre involviert sind, können sie das kaum je als eigene wissenschaftliche Leistung ausweisen. Zwar gibt es an den meisten Universitäten mittlerweile Reglemente, die den maximalen Umfang der Lehrverpflichtung festlegen – sie reichen von 20 Prozent der bezahlten Anstellung in Basel bis zu 66 Prozent in Luzern –, «das reicht aber nirgends hin», so eine MBA. «Einfordern kann die Beschränkung sowieso niemand», sagt eine andere: «Aufgrund der Machtverhältnisse getraut sich das keiner.»

      Das extreme und einseitige Abhängigkeitsverhältnis von Doktorierenden und Postdocs haben die Universitätsleitungen mittlerweile als Problem anerkannt. Man ist bemüht, die Abhängigkeit von einer einzigen Betreuungsperson zu reduzieren. Reglemente und Doktoratsvereinbarungen halten fest, dass eine zweite Betreuungsperson entweder als fachliche Zweitgutachterin oder besser noch als Förderin und Mentorin eingesetzt werden soll. An der Uni Zürich versucht man es seit 2010 mit Doktoratskomitees und seit Anfang des Jahres mit einer Graduiertenschule in der Philosophischen Fakultät, in der die Betreuung und Förderung aller Doktorierenden auf eine Leitungskommission, verschiedene KoordinatorInnen sowie Fachausschüsse verteilt ist. Auch gestehen die Reglemente dem wissenschaftlichen Nachwuchs ein Mindestmass an Zeit für die eigene Forschung sowie das Recht auf Unterstützungs- und Fördermassnahmen und regelmässige Laufbahngespräche zu.

      Bloss: Die Umsetzung all dieser Massnahmen ist freiwillig und bleibt den Fakultäten, Instituten und damit letztlich den einzelnen ProfessorInnen überlassen. Es gibt keine Zahlen darüber, ob und wie es tatsächlich geschieht. Oft wissen Doktorierende und Postdocs nicht einmal um ihre Rechte. «Wenn ich eine einjährige Assistenzstelle antreten will, muss ich mich selber um die Reglemente kümmern», sagt ein MBA. In den meisten Fakultäten kommt eine Mehrheit aller Doktorierenden und Postdocs aus dem Ausland und ist weder mit den hiesigen Gepflogenheiten noch mit der Sprache vertraut, in der Reglemente fast immer verfasst sind. Das verschärfe die Machtlosigkeit noch, empört sich eine andere MBA: «Es kann doch nicht sein, dass Doktorierende ihnen zustehende Rechte selber einfordern müssen!» Tatsache sei, so eine MBA einer dritten Uni, dass gerade Doktoratsvereinbarungen von den ProfessorInnen häufig ignoriert würden. Und die Umfrage an der Uni Zürich zeigt: Vier von fünf Befragten, die eine Doktoratsvereinbarung unterzeichnet haben, halten diese für «nicht hilfreich». Kein Wunder, fordern mehr als die Hälfte, es müssten Massnahmen zur Einhaltung der Reglemente und Vereinbarungen ergriffen werden.

      Als Reaktion hat die Uni Zürich einen «Best-Practice-Leitfaden» für die Doktoratsstufe erstellt, der genau darauf pocht. Allein, verbindlich ist auch dieser nicht. «Wir legen viel Wert auf akademische Selbstverwaltung», lautet die Begründung von Michael Schaepman, Prorektor Forschung, im «UZH Journal». «Es besteht immer ein Abhängigkeitsverhältnis zwischen Doktorierenden und ihren Professorinnen und Professoren und damit ein Potenzial für Konflikte», hält er fest. «Aber angesichts der speziellen Situation von Doktorierenden, die sich von den meisten anderen Arbeitsverhältnissen unterscheidet, ist die Zahl der Konflikte klein.»
      Deckel drauf

      Wohin sollten sie sich auch wenden? Aus der Perspektive des Mittelbaus bedeutet «akademische Selbstverwaltung» nichts anderes als innerbetriebliche Kontrolle und Unterdrückung. Zwar gibt es an allen Unis eine wachsende Zahl interner Beratungs- und Anlaufstellen personalrechtlicher, psychologischer und konfessioneller Natur sowie Ombudspersonen. In Basel und Zürich dürfen sich Doktorierende und Postdocs seit kurzem in jeder Fakultät an eine designierte «Vertrauensperson» wenden. Bloss handelt es sich bei ihnen um ProfessorInnen aus derselben Fakultät. Schlimmstenfalls landet also, wer Knatsch mit seiner Betreuungsperson hat, bei ebendieser.

      Die Rolle sämtlicher Stellen beschränkt sich darauf, zu beraten, zu vermitteln oder allenfalls zu schlichten. Im Zentrum stehen «Deeskalation, Krisenbewältigung, Kooperation und das Erreichen von Win-win-Situationen», wie es bei der neu eingerichteten Beratungs- und Schlichtungsstelle der Uni Zürich heisst. Auch die Ombudsperson kann nur Empfehlungen aussprechen, die «niemanden zu etwas verpflichten» (Bern), sie ist «kein Richter und trifft keine Entscheide» (Basel). Letztinstanzlich entscheidet immer das Rektorat.

      «Grundsätzlich will die Uni alle Konflikte intern regeln», sagt ein MBA, der selber erfahren hat, wie aussichtslos es ist, sich zu wehren. Sämtliche Stellen hätten sich im Verlauf der Schlichtungsgepräche auf die Seite der Uni geschlagen. «Mir sind keine Verfahren bekannt, die weitergegangen wären oder in Disziplinarverfahren gemündet hätten.» Und wer sich zu stark wehrt, dem bleibt im System des «up or out» nur die eine Option: out.

      Jüngst hat Actionuni, der Dachverband der Mittelbauorganisationen, ein Positionspapier zur Nachwuchsförderung veröffentlicht, das mit dem Dogma des «up or out» brechen will und einen radikalen Strukturwandel fordert. Im Zentrum steht eine Diversifizierung der Karrierewege ab Doktoratsstufe. Die Hälfte der Anstellungen soll unbefristet sein und alternative Karriereprofile in Forschungsmanagement, Lehre oder wissenschaftlicher Verwaltung eröffnen. Der Report «Next Generation» stärkt dieser Forderung den Rücken und zeigt sogar im Detail auf, wie sie sich praktisch umsetzen liesse – unter anderem mit einer Verlagerung der finanziellen Mittel weg von den «Grossordinariaten» hin zu unbefristeten Mittelbaustellen. «Da steckt viel Utopie drin», meint ein MBA, «so beharrlich, wie die Machtverhältnisse an den Universitäten sind.»

      https://www.woz.ch/-9ce8

    • Forschende der Universität Zürich fühlen sich ausgebeutet

      Eine Umfrage zeigt: An einem Zürcher Institut ist Gratisarbeit normal. Es ist kein Einzelfall.

      Am Historischen Institut der Universität Zürich müssten wissenschaftliche Angestellte weit mehr arbeiten, als in ihrem Vertrag steht. Zu diesem Ergebnis kommt eine Umfrage des Studierendenmagazins «etü» (http://www.etue.ch/die-mittelbau-umfrage). Von den gut 90 Doktoranden, Postdocs und Assistenten hat die Hälfte geantwortet. Zwei Drittel geben an, dass sie mehr als das vereinbarte Pensum arbeiten würden. Die Hälfte kommt sich ausgebeutet vor, wie aus den Zahlen hervorgeht, die der «NZZ am Sonntag» vorliegen.

      «Tatsächlich sind die Anstellungsbedingungen des Mittelbaus teils problematisch, teils – um es nett zu sagen – kreativ», schreiben die Autoren im Magazin, das am 15. Februar online erschien und am Montag, 17. Februar, zum Semesterbeginn verteilt wird.

      Wie die Autoren schreiben, müssen die Befragten bei einem vertraglichen Arbeitspensum von meist 50 bis 60 Prozent im Durchschnitt knapp einen Tag pro Woche zusätzlich unentgeltlich für den Lehrstuhl arbeiten. Oft betreiben sie ihre Forschung in der Freizeit, obwohl ihnen dafür ein Teil der Arbeitszeit zur Verfügung stehen sollte.
      Gut für die Wissenschaft

      Das Historische Seminar steht diesbezüglich nicht allein da in der Schweiz. Das Missverhältnis zwischen vereinbartem Pensum und effektivem Aufwand ist im Mittelbau allgegenwärtig. Das bestätigen nicht nur Vertreter der Standesorganisationen: «Es ist ein gesamtschweizerisches Phänomen», sagt auch Antonio Loprieno, ein Kenner der akademischen Welt. Loprieno war Präsident der Akademien der Wissenschaften, sitzt im Zürcher Universitätsrat und präsidierte einst die Uni-Rektorenkonferenz.

      Dazu muss man wissen, dass ein grosser Teil der Forschung und Lehre an den Universitäten von ebendiesem Mittelbau geleistet wird. Schweizweit sind dies 32 000 Personen, davon allein an der Uni Zürich 5300. Es sind Doktorierende, Postdocs und Assistierende, die den Wissenschaftsbetrieb am Laufen halten.

      Gleichzeitig arbeiten sie an ihrer akademischen Karriere, indem sie ihre Forschungsprojekte vorantreiben – viele mit dem Ziel einer Professur. Diese Stellen seien rar, entsprechend gross sei die Konkurrenz, sagt Loprieno: «Für die Wissenschaft ist das gut, für die Wissenschafter ist es schlecht.» Vor diesem Hintergrund sind fast alle bereit, ein Teilpensum anzunehmen und mehr zu arbeiten.

      Wie eine Auswertung von Zahlen des Bundesamtes für Statistik zeigt, sind die Mittelbauangehörigen je nach Universität im Durchschnitt zwischen 45 und 93 Prozent angestellt. Hohe Werte weisen die ETH Zürich und Lausanne auf, tiefe die Unis St. Gallen und Luzern.

      In den Geisteswissenschaften sind kleine Pensen weiter verbreitet als in den Naturwissenschaften. An der Universität Zürich ist das Problem schon länger bekannt: Bereits 2013 ergab eine Umfrage der Vereinigung akademischer Mittelbau, dass 64 Prozent mehr arbeiten, als im Vertrag steht.

      Dass sich seither wenig geändert hat, zeigt nun die Umfrage am Historischen Institut. Konkret heisst das, dass ein Assistent auf einen Lohn von rund 3500 Franken kommt für ein 50-Prozent-Pensum. Gemäss Umfrage von «etü» liegt der Median der Löhne der Befragten bei 4200 Franken im Monat. Ein Zusatzverdienst ist für viele nicht möglich, da sie mehr als das Pensum arbeiten und forschen müssen. «Es braucht einen Kulturwechsel an den Universitäten», fordert darum eine Sprecherin von Actionuni, der Vereinigung des Schweizer Mittelbaus. «Es geht nicht an, dass wir unser Privatleben aufgeben müssen für unsere Arbeit.»
      Uni erwartet Engagement

      Erstaunt ob der Umfrageergebnisse am Historischen Institut ist Co-Seminarvorstand Simon Teuscher: «Wir werden diesen Zahlen nachgehen», sagt der Professor. Sollte sich die Umfrage bestätigen, wäre er dafür, die Pensen der Angestellten zu erhöhen. Das Budget müsste aber gleich bleiben, das heisst: «Weniger Angestellte mit höheren Pensen und dafür bessere Förderung.»

      Übers Knie brechen liessen sich solche Massnahmen nicht. Die Uni selber sieht kaum Handlungsbedarf: «Bei den Doktoratsanstellungen handelt es sich um ein langjährig bewährtes Modell», schreibt die Pressestelle. Sie verweist auf die Rahmenpflichtenhefte, die den Angestellten einen Anteil der Arbeitszeit für die eigene Forschungszeit zur Verfügung stellen. Zudem sei ein «hohes, auch privates Engagement selbstverständlich», heisst es. «Es handelt sich ja auch um eine persönliche Weiterqualifizierung.»

      Auch Antonio Loprieno sieht kaum einen Ausweg. «Das System ist zwar für den Einzelnen brutal, aber es lässt sich nicht leicht verbessern.» Die Budgets der Universitäten blieben beschränkt und der Druck auf den wissenschaftlichen Output gross.

      https://nzzas.nzz.ch/schweiz/problematische-arbeitsbedingungen-uni-forschende-fuehlen-sich-ausgebeutet-

      #Zurich #université_de_Zurich #travail_gratuit

    • Le débat - La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      Débat entre Yves Flückiger, recteur de l’UNIGE, président de swissuniversities, Ola Söderström, président de la division Sciences humaines et sociales du FNS, Verity Elston, responsable conseil en carrières, doctorat et postdoctorat au Graduate Campus de l’UNIL, et Céline Guérin, docteur en neurosciences.


      https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/le-debat-la-suisse-forme-t-elle-trop-de-chercheurs?id=11080302

      –-> Le journaliste fait référence à l’article de la Tribune de Genève (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) et demande au recteur de l’Université de Genève invité sur le plateau de réagir...
      Et il ne répond pas du tout, mais alors pas du tout !!!!!!

      Ola Söderström, lui, parle en tant que représentant du Fonds national suisse de la recherche scientifique... et commence par « les situations sont singulières »... évidemment, rien de structurel, tout est « individuel et singulier »... Et puis, eh voilà... il défend bec et ongles le « propre » du FNS : compétition, faut que les meilleurs restent, sélection précoce... et il faut plus de #tenure_track et de profs assistants qui sont évalués de manière « fine » pour pouvoir obtenir un poste de prof ordinaire...

    • Un environnement de travail toxique ? Débat sur les conditions de travail du corps intermédiaire

      Quel est votre degré de satisfaction ? C’est ce que le magazine zurichois d’étudiant·e·s « etü » a voulu savoir auprès des quelque 90 membres du corps intermédiaire du département d’histoire. La moitié d’entre eux ont répondu à l’enquête en ligne. Le magazine a publié les résultats à la mi-février. Deux tiers des participant·e·s ont déclaré travailler plus que la charge de travail convenue, la moitié a même affirmé se sentir parfois exploité·e·s. Le comité du département a mis les résultats en perspective dans une prise de position. Le co-directeur du département, Simon Teuscher, s’est quant à lui exprimé dans une interview en faveur de salaires et, surtout, de taux d’occupation plus élevés dans le corps intermédiaire.

      Les conditions de travail du corps intermédiaire académique, que beaucoup de personnes concernées considèrent comme précaires, font depuis longtemps l’objet d’une attention particulière dans les médias : le monde universitaire serait devenu un « environnement de travail toxique », selon un article d’opinion rédigé par cinq post-doctorant·e·s en sociologie de l’Université de Neuchâtel dans le journal « Le Temps ».

      Le Conseil fédéral, le Fonds national et les hautes écoles devraient de toute urgence prendre au sérieux le malaise des doctorant·e·s, des post-doctorant·e·s ainsi que des chercheurs et chercheuses afin d’en tirer les conséquences pour leur politique de recherche. Cette contribution a été précédée par un article publié en janvier dans la « Tribune de Genève » sur les conditions de travail précaires à l’Université de Genève.
      La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      En 2018, les universités suisses ont décerné un total de 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Un nouveau rapport de l’Association suisse de science politique a examiné la situation dans son domaine et a recommandé un débat plus ouvert sur le nombre et les possibilités de carrière des doctorant·e·s. Un débat radiophonique diffusé par la Radio Télévision Suisse réunissant des acteurs du paysage de la recherche en Suisse a posé la même question sur les structures de promotion de la relève dans le système universitaire, mais en la formulant de manière plus provocante : « La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ? » En 2018, l’ASSH avait déjà esquissé une vision structurelle pour le nombre croissant de chercheurs et chercheuses de la relève en Suisse dans son rapport « Next Generation », qui envisageait des parcours de carrière diversifiés et davantage de postes bénéficiant d’un contrat de durée indéterminée.

      https://sagw.ch/fr/assh/offre/publications/newsletter/details-newsletter/news/ein-toxisches-arbeitsumfeld-debatte-zu-den-arbeitsbedingungen-des-mittelbaus

    • Parliamentary resolutions

      Thanks to the outreach of the petition, the Petition Committee and mid-level staff associations have been in touch with local and national politicians. This led to several parliamentary resolutions that support better working conditions and open-ended contracts for PhD Students and Post-docs in Swiss universities. All resolutions and responses can be downloaded in the links below.

      Federal Council

      - Interpellation 20.4622 de Christian Dandrès : "Lorsque la faim est à la porte, les chercheurs et chercheuses s’en vont par la fenêtre"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20204622

      - Question 20.5974 de Christian Dandrès : "Conditions de travail du “corps intermédiaire” dans les universités et les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20205974

      – Interpellation 20.3121 de Fabien Fivaz : "Statut précaire du corps intermédiaire dans les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203121

      Canton of Neuchâtel

      - Interpellation Sera Pantillon 21.140 : "Quelle est la précarité du corps intermédiaire à l’UniNE ?"
      https://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Interpellations/2021/21140_RepEcr.pdf

      Canton of Geneva

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1429-A : "Fonctions et rémunérations à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01429A.pdf

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1430-A : "Typologie des contrats et taux d’activité des membres du corps intermédiaire à l’Université de Genève"
      https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjBo_nS2_rvAhXN4KQKHRxoBcw

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1431-A : "Origine des financements des postes à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01431A.pdf

      https://info.petition-academia.ch/parlamentary-resolutions

    • Les hautes écoles universitaires s’emploient à promouvoir des conditions de travail, d’enseignement et de recherche optimales en faveur de la relève scientifique

      La pétition nationale pour mettre fin à la précarité dans les hautes écoles suisses exige de meilleures conditions de travail pour le personnel scientifique, notamment la création d’emplois permanents dans le monde académique après l’obtention du doctorat. Les hautes écoles universitaires sont sensibles aux demandes formulées dans la pétition. Elles offrent aux jeunes chercheur·se·s un encadrement et un environnement aussi favorables que possible, tout en mettant l’accent sur les plus hautes exigences de qualité selon les standards internationaux.

      Les associations du corps intermédiaire de différentes hautes écoles suisses ont lancé en octobre 2020, en concertation avec des syndicats, une pétition adressée à l’Assemblée fédérale. Cette pétition exige des mesures concrètes visant à améliorer les conditions de travail du personnel scientifique. Conscientes des préoccupations des pétitionnaires, les hautes écoles universitaires poursuivent leurs efforts visant à renforcer la promotion de la relève au cours de ces prochaines années.

      Les profils et les carrières académiques sont différents suivant les domaines d’études et le cadre institutionnel. Aussi les hautes écoles universitaires plaident-elles en faveur d’une compréhension globale des carrières académiques présentant des options au sein et en dehors des hautes écoles. Pour que les carrières puissent être planifiées, il faut que les procédures de sélection soient claires et transparentes et que les personnes concernées sachent à quel moment les décisions importantes sont prises. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour que les membres du corps intermédiaire puissent participer activement à la gestion de leur carrière.

      Les hautes écoles universitaires ont pour mission de mener des recherches de haute qualité et d’offrir un enseignement exigeant. La meilleure promotion de la relève consiste à former de jeunes chercheur·se·s à même de réussir une carrière scientifique internationale. Par conséquent, les hautes écoles universitaires souhaitent leur offrir un environnement propice au plein développement de leur potentiel.

      Différents instruments déjà existants permettent de répondre aux objectifs visés par la pétition. En effet, les hautes écoles universitaires ont pris de nombreuses mesures au cours de ces dernières années en vue d’améliorer la situation du personnel scientifique et poursuivront leurs efforts dans ce sens. Elles ont notamment augmenté le nombre de postes de professeur·e·s assistant·e·s en tenure track et créé de nouvelles positions et de nouveaux emplois permanents au-dessous des postes de professeur·e·s. Grâce à ces mesures, elles seront à même d’offrir à la relève différentes options de carrière aux objectifs et aux possibilités de développement clairement définis. Outre les carrières académiques classiques, les profils du troisième espace (« third space ») peuvent également offrir de nouveaux débouchés au sein de la haute école. Par ailleurs, elles entendent structurer davantage la phase post-doctorale. Cette mesure va de pair avec une sélection précoce, des objectifs précis et une orientation de carrière personnelle. Enfin, les doctorant·e·s et les post-doctorant·e·s disposent d’instruments efficaces qui les soutiennent dans leur carrière académique ou en vue d’une activité hors de la haute école : attribution de temps protégé (« protected time »), possibilités d’allègement, mesures et offres permettant de renforcer l’égalité des chances, mentorats, consultations et cours pratiques.

      Les hautes écoles universitaires sont sensibles à l’argumentation des pétitionnaires selon lesquels les conditions de travail et d’emploi des chercheur·se·s et des enseignant·e·s devraient être améliorées afin qu’il·elle·s disposent d’un cadre optimal pour compléter leur formation et planifier leurs prochaines étapes de carrière. A cet égard, il faut tenir compte du fait que les postes de qualification après l’obtention du doctorat revêtent aussi un caractère formatif. Par ailleurs, il ne faudrait pas que la mise en place d’emplois fixes entrave la mobilité des jeunes chercheur·e·s censé·e·s se perfectionner et se qualifier dans d’autres universités. Enfin, la flexibilité du système ne devrait pas subir de restriction au détriment des futur·e·s chercheur·se·s.

      Du point de vue des hautes écoles universitaires, la création de postes stables constitue une mesure parmi d’autres. Pour que leur mise en œuvre soit efficace et garantie durablement, ces mesures doivent être réalisées par chaque haute école en fonction de son cadre institutionnel respectif. La création de postes stables pour les chercheur·se·s et les enseignant·e·s ayant obtenu un doctorat requiert des moyens financiers correspondants. Le financement de base des hautes écoles doit pouvoir suivre le rythme de croissance de l’encouragement à la recherche. En l’occurrence, swissuniversities a demandé une augmentation des contributions de base dans sa planification stratégique 2021-2024 afin de pouvoir poursuivre la concrétisation ciblée de mesures visant à améliorer la situation de la relève scientifique.

      https://www.swissuniversities.ch/fr/actualite/les-hautes-ecoles-universitaires-semploient-a-promouvoir-des-condi

    • Das Bild der Exzellenz hängt schief in der Akademie

      Über die Arbeitsbedingungen im akademischen Mittelbau wird lebhaft diskutiert. Ein neuer Bericht des Wissenschaftsrats analysiert die Situation der Postdocs.

      Diskussionen über akademische Karrierewege und den sogenannten «Mittelbau» im Hochschulsystem sind ein wissenschaftspolitischer Dauerbrenner. Schon 1962 forderte der damals 35-jährige Astronom Uli Steinlin in seiner Streitschrift «Hochschule wohin?» in Anlehnung an das amerikanische Modell eine flachere Hierarchie an den Universitäten, einen Abbau von Lehrstühlen und dafür mehr Assistenzprofessuren. 60 Jahre später sind die Universitäten zwar nicht mehr dieselben (die Zahl der Studierendaen hat sich seither fast verzehnfacht), das Grundproblem einer steilen Pyramide mit höchst unsicheren Karriereperspektiven ist aber noch immer da.
      Wird die Postdoc-Blase überschätzt?

      In den letzten zwei Jahren hat die Mittelbau-Debatte wieder Fahrt aufgenommen. Nun legt auch der Schweizerische Wissenschaftsrat, ein Beratungsorgan des Bundes, einen Bericht dazu vor. Anhand quantitativer und qualitativer Daten untersucht er darin die Situation der Postdocs an den Schweizer Hochschulen und formuliert Empfehlungen.

      Erfreulich ist: Der quantitative Teil des Berichts, der zusammen mit dem Bundesamt für Statistik (BfS) erarbeitet wurde, legt erstmals belastbare Zahlen über Zahl und Karriereverläufe der Postdocs vor. Das BfS schätzt, dass gegenwärtig rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt sind, 62 Prozent davon in den Mint-Disziplinen, 18 Prozent in den Bereichen Medizin und Pharmazie und ebenfalls 18 Prozent in den Geistes- und Sozialwissenschaften. Seit 2014 ist die Zahl der Postdocs nur leicht angestiegen. Daraus könnte man ableiten, dass das Bild einer «Postdoc-Blase», wie es unter anderem der SAGW-Bericht «Next Generation» von 2018 zeichnete, hinterfragt werden muss. Allerdings muss die Aussagekraft des kurzen Untersuchungszeitraums 2014–2020 ebenfalls hinterfragt werden. Wenn man zum Beispiel den Zeitraum seit der Jahrtausendwende in den Blick nimmt, zeigt sich ein ganz anderes Bild der Mengenausweitung punkto Zahl der Studierenden, der Doktoranden, der Postdocs, der Projekte, der Publikationen.

      „Heute sind schätzungsweise rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt“

      Aufhorchen lässt aber vor allem eine andere Zahl: Von den Forscherinnen und Forschern, die 2015 ihr erstes Postdoktorat antraten, haben nach vier Jahren lediglich rund 16 Prozent eine feste Anstellung in der Schweiz gefunden, die ihren Qualifikationen entspricht und mit Wissenschaft und Forschung zu tun hat. Gerade einmal ein Prozent der Kohorte erreichte in diesem Zeitraum eine Professur.
      Zurück auf Feld eins der Mittelbau-Debatte

      Die SAGW, die Mittelbauvereinigung Actionuni oder die Petition Academia haben in den letzten Jahren eine ganze Reihe von Berichten, Studien und Empfehlungen publiziert. Im Grundsatz sind sie sich einig: Das derzeitige Postdoc-System ist dysfunktional und muss grundlegend restrukturiert werden. Eine der wichtigsten Änderungen, die sie vorschlagen, ist die Einführung von mehr unbefristeten Stellen, im Mittelbau oder im sogenannten Third Space, beispielsweise als Lecturer, Data Stewards oder Forschungsmanager. Sie stehen damit weitgehend in Einklang mit den Schlussfolgerungen des 2021 veröffentlichten OECD-Berichts «Reducing the precarity of academic research careers».

      Die Empfehlungen des Wissenschaftsrats gehen in die entgegengesetzte Richtung. Sie stehen in einem losen Verhältnis zu den empirisch-analytischen Teilen des Berichts und beruhen teilweise auf «den kollektiven Erfahrungen» der Ratsmitglieder, wie SWR-Präsidentin Sabine Süsstrunk auf einem zur Publikation organisierten Podium sagte.

      Für ein auf Exzellenz ausgerichtetes System sei eine grosse «Postdoc-Population» eine flexible, kostengünstige und letztlich «unverzichtbare Ressource». Dass nur eine kleine Minderheit davon langfristig Chancen auf eine akademische Karriere hat, sei «an sich nicht problematisch, da ein Postdoc als die letzte Phase der wissenschaftlichen (und nicht nur akademischen) Ausbildung betrachtet werden sollte.» Der Wissenschaftsrat empfiehlt den universitären Hochschulen zwar, mehr Tenure-Track-Positionen zu schaffen, von unbefristeten Stellen unterhalb der Professur hingegen rät er aus ökonomischen Überlegungen ab.

      Postdocs, so ein Lösungsansatz des Berichts, sollten nach ihren Lehr- und Wanderjahren vielmehr dazu ermutigt werden, sich nach Stellen ausserhalb der akademischen Wissenschaft umzusehen oder unternehmerisch tätig werden und Start-ups gründen.

      Wer die Mittelbau-Debatte in den letzten Jahren verfolgt hat, reibt sich verwundert die Augen über dieses, nun ja, traditionelle Verständnis der Rahmenbedingungen für akademische Selektion, Kompetivität und Exzellenz, bei der jede unbefristete Stelle unterhalb der Professur die Universität in einen mediokren Ponyhof zu verwandeln droht.
      Dann heisst es «Pech gehabt» – für Forschende, Unis und Steuerzahler

      Weshalb sollten die besten Köpfe überhaupt mitmachen in einem System, das theoretisch für Exzellenz sorgt, in der Praxis aber erwiesenermassen anfällig für Fehler und Missbrauch ist? Ein aus dem Leben gegriffenes Beispiel für einen Karriereweg im heutigen System: Eine frisch habilitierte Politologin, Schweizerin, Promotion in England mit Auszeichnung, Forschungsaufenthalte in den USA und anderswo auf dem Erdball, wirbt mit 36 Jahren einen der angesehenen und in einem höchst kompetitiven Verfahren vergebenen Eccellenza-Fellowships des Nationalfonds ein. Sie wird schulterbeklopft und darf nun als Assistenzprofessorin an einer Schweizer Uni selbstständig forschen und lehren. Aber nur fünf Jahre lang, dann ist Schluss. Zu einer Tenure-Track-Position mit Entfristung bei guter Leistung kann oder will sich ihre Uni nicht entscheiden. Und die unbefristeten Professuren in ganz Europa in ihrem Spezialgebiet kann die Assistenzprofessorin an einer Hand abzählen. Wenn in dieser Zeit zufällig keine frei wird, gilt: Pech gehabt.

      „Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie“

      Aber wer hat hier eigentlich Pech? Die gut vernetzte Politologin, die sich nebenbei vielleicht längst ein zweites Standbein ausserhalb der Akademie als Beraterin aufgebaut hat? Oder die auf Exzellenz ausgerichtete Uni, die nun eine vom SNF als – eben – exzellent ausgewiesene Forscherin und Hochschullehrerin verliert? Oder die Steuerzahler, die jahrelang eine Karriere mitfinanzierten, die systembedingt in die Sackgasse führte?
      Hinkende Vergleiche mit dem Spitzensport

      Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie. Ins Bild passen die hinkenden Vergleiche mit dem Spitzensport, wie sie neulich auch am Podium des Wissenschaftsrats zu hören waren. Klar: Nur die wenigsten, die gerne und gut Fussball spielen, schaffen es auch in den Profi-Fussball oder gar in die Nationalmannschaft. Und wer zu wenig Leistung bringt, der fliegt aus dem Kader. Aber: Im Fussball gilt die laufende Evaluation nicht nur für die Spieler, sondern auch für die Trainer und die Sportdirektoren. Genauso klar: Nur wer herausragende Leistungen bringt, schafft es in die Top 10 der Tennisweltrangliste. Aber: Roger Federer ist mit 41 Jahren nach einer «Geschichte anhaltender Exzellenz», wie eine Sponsorin seine Karriere in einem Werbespot bezeichnete, als Tennis-Methusalem in einem Alter zurückgetreten, mit dem man im Wissenschaftsbetrieb gut und gerne noch als Nachwuchs durchgeht.
      Auf die Disziplin kommt es an

      Der Bericht des Wissenschaftsrats ist bewusst aus einer Makroperspektive verfasst. Das ist nachvollziehbar. Gleichzeitig scheint es sinnvoll, die Spezifika der einzelnen Fachbereiche stärker in den Vordergrund zu rücken. In den Geistes- und Sozialwissenschaften beispielsweise zeigen sich einige Probleme ausgeprägter als in den Natur- oder Technikwissenschaften: Geistes- und Sozialwissenschaftler sind im Durchschnitt etwas älter, wenn sie ihre erste Postdoc-Stelle antreten als Personen aus anderen Fächern (34 Jahre, Durchschnitt 32 Jahre) und sie sind früher wissenschaftlich unabhängig, weil Gruppen- und Laborarbeit weniger verbreitet sind als in den Mint-Disziplinen. Gleichzeitig sind sie viel häufiger in Teilzeitpensen angestellt.1 Zudem scheint in den Geistes- und Sozialwissenschaften ein Postdoc für den ausserakademischen Arbeitsmarkt tendenziell keinen Vorteil zu bringen, was für eine frühere Selektion und eine berufliche Weichenstellung nicht erst auf Postdoc-Stufe spricht. Eine Analyse der BfS-Daten spezifisch für die Geistes- und Sozialwissenschaften wäre aufschlussreich.

      «Die akademische Welt muss sich an die Anforderungen des heutigen Arbeitsmarktes anpassen, insbesondere an die Erwartungen der neuen Generationen, was ihre Unabhängigkeit und ihre Perspektiven betrifft», liess sich SNF-Direktorin Angelika Kalt kürzlich zitieren. Der Bericht des Wissenschaftsrats hat in seinen empirisch-analytischen Teilen die Grundlagen, auf denen diese Anpassungen gemacht werden müssen, erweitert. Die Schlüsse, die er daraus zieht – und an denen die SWR-Präsidentin in der Podiumsdiskussion eisern-orthodox festhielt – stimmen aber wenig zuversichtlich, dass sich in absehbarer Zeit ein produktives Gleichgewicht einstellen könnte. Die Mittelbau-Debatte bleibt so vorerst ein Dauerbrenner – zuungunsten vieler junger Forscherinnen und Forschern und zum Nachteil der Attraktivität der Universitäten und letztlich der Gesellschaft.
      Fussnoten

      1 2020 waren ein Viertel der Postdocs in den Geistes- und Sozialwissenschaften in einem Pensum von weniger als 60 Prozent angestellt. Gleichzeitig ist die Zahl der Studierenden in den Geistes- und Sozialwissenschaften deutlich höher als in anderen Fachbereichen und das Betreuungsverhältnis entsprechend schlechter. Im Jahr 2021/22 gab es rund 48 000 Studierende in den Geistes- und Sozialwissenschaften, rund 33 000 in den Naturwissenschaften, und je 21 000 in der Medizin und den technischen Wissenschaften.
      Referenzen

      Actionuni (2017): Positionspapier zur Nachwuchsförderung an Schweizer Hochschulen.

      Hildbrand, Thomas (2018): Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung (Swiss Academies Reports 13,1). https://doi.org/10.5281/zenodo.1216424

      OECD (2021). Reducing the precarity of academic research careers (OECD Science, Technology and Industry Policy Papers 113).

      Pétition Academia (2021) : Pétition adressée à l’Assemblée Fédérale: Pour la création d’emplois permanents dans le monde académique: de meilleures conditions de recherche, d’enseignement et de travail.

      Schmidlin, Sabina, Eva Bühlmann und Fitore Muharremi (2020): Next Generation und Third Space: neue Karriereprofile im Wissenschaftssystem. Studie im Auftrag der Schweizerischen Akademie der Geistes- und Sozialwissenschaften (Swiss Academies Reports 15,3). https://doi.org/10.5281/zenodo.3923494

      Schweizerischer Wissenschaftsrat (2022): Postdoktorierende an Schweizer Hochschulen.
      Erkenntnisse und Empfehlungen des Schweizerischen Wissenschaftsrates SWR.

      Zürcher, Markus und Marlene Iseli (2018): Zur Diskussion: Qualität vor Quantität (Swiss Academies Communications 13,5). https://doi.org/10.5281/zenodo.1409674

      Zürcher, Markus: Vier Handlungsoptionen zur Stärkung des akademischen Mittelbaus (SAGW-Blog décodage), 14. Oktober 2021. https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/vier-handlungsoptionen-zur-staerkung-des-akademischen-mittelbaus

      https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/das-bild-der-exzellenz-haengt-schief-in-der-akademie

  • Avancer sans chercher son chemin
    http://liminaire.fr/proces-verbal/article/avancer-sans-chercher-son-chemin

    Avancer sans savoir où silencieux s’élançant timide ou hésitant tuer le #Temps penaud à petits pas maladroit jambes et bras liés et serrés contre le #Corps engoncé évincé dans des vêtements trop étriqués souffrant du froid sec froissé qui serre étreint le tissu raide. Ride et sourire à la trace bouche muette le silence à l’intérieur la commissure à peine désirable bat la mesure sans déborder outre. #Sensation d’enfermement perdu en soi instable souffle blanc comme un léger sifflement du vent dans les feuilles des (...) #Procès-verbal / #Poésie, #Écriture, #Absence, #Dérive, Corps, Sensation, Temps, #Langage, #Portrait, #Photographie