• Philippe Descola : « Les lieux alternatifs expérimentent une cosmopolitique inédite »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/26/philippe-descola-les-lieux-alternatifs-experimentent-une-cosmopolitique-ined

    L’anthropologue détaille, dans un entretien au « Monde », la manière dont il a travaillé avec l’auteur de BD Alessandro Pignocchi sur les nouvelles façons de faire de la politique, de l’Amazonie à Notre-Dame-des-Landes.

    Professeur émérite au Collège de France, Philippe Descola estime que les différentes manières de vivre observées par les ethnologues sur le terrain peuvent être « des tremplins pour imaginer des futurs différents ».

    Pourquoi l’anthropologie apporte-t-elle la preuve que d’autres voies, que d’autres « mondes à venir » sont possibles ?

    Parce que, conjointement avec l’histoire, elle nous offre le témoignage que d’autres façons d’être au monde sont possibles, radicalement différentes de celles que la modernité a inventées. Si l’on se débarrasse de l’illusion évolutionniste, à savoir que les Indiens d’Amazonie, les Inuits ou les tribus des hautes terres de Birmanie représentent notre passé et qu’il leur reste un long chemin à parcourir pour devenir comme nous, si l’on admet plutôt qu’ils représentent des alternatives originales à ce que nous sommes devenus, alors ces autres manières de vivre la condition humaine représentent non des modèles immédiatement transposables, mais des tremplins pour imaginer des futurs différents.

    En quoi est-elle « une science intrinsèquement subversive » ?

    Le « regard éloigné », pour reprendre l’expression de Lévi-Strauss, c’est celui que l’ethnologue acquiert lorsqu’il ou elle partage pendant plusieurs années l’existence d’un peuple dont les mœurs et les institutions sont très différentes de celles dans lesquelles il ou elle a été élevé. Au retour, l’ethnologue ne peut manquer d’appréhender le monde d’où il est issu avec les yeux de ceux dont il a appris à apprécier le style de vie. Apparaissent alors avec une crudité effrayante tous les défauts et toutes les iniquités de nos propres sociétés, les inégalités, l’adoration de la marchandise et de l’argent, la séparation d’avec les autres espèces, etc.
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    Pour quelles raisons avez-vous noué ce dialogue avec l’auteur de BD Alessandro Pignocchi ?

    Nous nous sommes rapprochés au départ parce qu’Alessandro avait voulu partager la vie des Achuar de l’Amazonie équatorienne quelques années après que j’y suis allé moi-même, non pas par curiosité touristique, mais parce qu’il pressentait après m’avoir lu que ce peuple aurait beaucoup à lui apprendre. J’ai trouvé que le compte rendu graphique qu’il a fait de son expérience chez les Achuar était à la fois très juste et plein d’humour (Anent. Nouvelles des Indiens Jivaros, Steinkis, 2016), et j’ai retrouvé le même genre d’ironie dans ses BD ultérieures, notamment ses trois petits traités « d’écologie sauvage ». C’est une autre façon de pratiquer le « regard éloigné ».

    Qu’est-ce qui vous séduit et vous réconforte à Notre-Dame-des-Landes ? Et faut-il rapprocher les ZAD de Sciences Po, où vous avez donné, en cette rentrée, la conférence inaugurale ?

    Je ne suis pas sûr que les ZAD et Sciences Po aient envie d’être appariés. En revanche, j’invite les élèves de cette vénérable institution, et plus encore ceux qui se préparent à devenir de hauts fonctionnaires de l’Etat, à aller se rendre compte par eux-mêmes à Notre-Dame-des-Landes, ou dans des lieux alternatifs du même genre, de ce que peut être une expérience cosmopolitique inédite, une forme de vie commune récusant le productivisme, le consumérisme et l’accumulation, attentive à laisser chacun s’exprimer dans des structures égalitaires et fondée sur une identification profonde entre les habitants humains et non humains d’un territoire autonome.

    Pourquoi vous lancez-vous à présent dans l’élaboration d’une nouvelle cosmopolitique ?

    La plupart des concepts aux moyens desquels nous décrivons notre condition moderne et les institutions au sein desquelles nous la vivons – « société », « nature », « culture », « économie », « politique », « histoire », « progrès », etc. – sont le produit d’une trajectoire historique tout à fait singulière, celle de l’Europe s’émancipant de l’Ancien Régime. Ces concepts décrivent très mal la façon dont d’autres civilisations se représentent leurs modes d’assemblage, leurs rapports aux non-humains et les valeurs qu’elles estiment. Pourtant, ce sont ces concepts que nous employons, depuis la naissance des sciences sociales, pour parler des peuples en marge du front de la modernisation : nous les habillons de nos propres vêtements, en faisant comme s’ils les avaient toujours portés.

    Or, non seulement le vocabulaire des sciences sociales est impropre à parler des autres, il est aussi devenu pathétiquement inadéquat pour parler de l’anthropocène, un régime dans lequel on serait bien en peine de déceler une séparation nette entre humains et non-humains, entre institutions politiques et systèmes techniques, entre récits émancipateurs et évolution des espèces. Un énorme effort de reconceptualisation de ce nouveau monde émergent est donc nécessaire pour que nous puissions disposer des catégories permettant, au minimum, de mieux le décrire.

    De quelle manière êtes-vous affecté par la catastrophe écologique ? Et quelles sont les pistes pour y remédier ?

    C’est la perte de la diversité qui me fait mesurer l’ampleur de la catastrophe, puisque je fais partie des privilégiés qui résident une partie de l’année à la campagne. Qui veut d’un monde vide, totalement anthropisé, où toutes les formes de vie auraient disparu, hormis celles qui nous sont utiles ? Quant à la catastrophe écologique, elle est le symptôme d’un mal plutôt que le mal principal ; elle rend tangible la dévastation que la frénésie d’accumulation capitaliste a répandue sur la planète, et c’est en confrontant ce mal-là que quelque chose pourra enfin changer.

    #Descola #anthropologie #Pignocchi #cosmopolitique

  • Contextualizing Coronavirus Geographically

    Contextualizing Coronavirus Geographically

    Knowing Birds and Viruses – from Biopolitics to Cosmopolitics (Pages: 192-213)

    Mapping microbial stories: Creative microbial aesthetic and cross‐disciplinary intervention in understanding nurses’ infection prevention practices

    Biosecurity and the topologies of infected life: from borderlines to borderlands

    Mapping careful epidemiology: Spatialities, materialities, and subjectivities in the management of animal disease

    The tactile topologies of Contagion

    The spatial anatomy of an epidemic: #influenza in London and the county boroughs of England and Wales, 1918–1919

    The tyranny of empty shelves: Scarcity and the political manufacture of antiretroviral stock‐outs in South Kivu, the Democratic Republic of the Congo

    The strange geography of health inequalities

    Maintaining the sanitary border: air transport liberalisation and health security practices at UK regional airports

    For the sake of the child: The economization of reproduction in the #Zika public health emergency

    The avian flu: some lessons learned from the 2003 #SARS outbreak in Toronto

    Airline networks and the international diffusion of severe acute respiratory syndrome (SARS)

    Indeterminacy in‐decisions – science, policy and politics in the BSE (#Bovine_Spongiform_Encephalopathy) crisis

    Biosecure citizenship: politicising symbiotic associations and the construction of biological threat

    The Spatial Dynamics of Epidemic Diseases in War and Peace: #Cuba and the Insurrection against Spain, 1895–98

    Pandemic cities: biopolitical effects of changing infection control in post‐SARS #Hong_Kong

    Biosecurity and the international response to HIV/AIDS: governmentality, globalisation and security

    Portable sequencing, genomic data, and scale in global emerging infectious disease #surveillance

    Disease, Social Identity, and Risk: Rethinking the Geography of AIDS

    Who lives, who dies, who cares? Valuing life through the disability‐adjusted life year measurement

    (Global) health geography and the post‐2015 development agenda

    When places come first: suffering, archetypal space and the problematic production of global health

    After neoliberalisation? Monetary indiscipline, crisis and the state

    Humanitarianism as liberal diagnostic: humanitarian reason and the political rationalities of the liberal will‐to‐care

    In the wake: Interpreting care and global health through #Black_geographies

    Avian influenza and events in political biogeography

    ‘We are managing our own lives . . . ’: Life transitions and care in sibling‐headed households affected by AIDS in Tanzania and Uganda

    https://rgs-ibg.onlinelibrary.wiley.com/doi/toc/10.1111/(ISSN)1475-4959.contextualizing-coronavirus-geographica

    #géographie #coronavirus #covid-19 #pandémie #épidémie #biopolitique #cosmopolitique #contagion #histoire #inégalités #frontières #aéroports #aviaire #Hong-Kong #HIV #AIDS #SIDA #Tanzanie #Ouganda #revue

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  • https://www.cairn.info/l-emergence-des-cosmopolitiques--9782707152008.htm



    L’émergence des cosmopolitiques

    Nos sociétés modernes se sentent en rupture face à ce qu’elles ont fabriqué. Crise environnementale, changements climatiques, risques et insécurités marquent cette rupture et, face à elle, notre perplexité à comprendre et à agir : d’une part, nous commençons à dépendre des conséquences imprévues et menaçantes de nos actes ; d’autre part, nous voyons se dresser contre nous une seconde nature composée de tous les exclus de la modernité – les non modernes (migrants du sud, marginaux, ruraux sédentaires), les non-humains (entités environnementales) ou encore des sur-natures (religions, croyances…). Or ces séries d’exclus étaient tout à la fois la condition et la conséquence pour que la société moderne puisse croire à sa maîtrise sur la nature et sur elle-même. Les cosmopolitiques – ces politiques du monde (kosmos en grec ancien) repensées par Isabelle Stengers et Bruno Latour – s’appuient sur ce constat pour élargir la politique à d’autres êtres que les humains. Leur dimension planétaire leur est conférée par les risques globaux qui pèsent désormais sur l’ensemble de la planète. Cet ouvrage collectif explore les implications de cette mutation du politique dans les différents champs disciplinaires et professionnels, et notamment celui de l’aménagement du territoire. Trois questions seront abordées plus particulièrement : la recomposition du collectif (avec qui, avec quoi devrons-nous cohabiter, et comment le faire ?) ; la participation du public (comment associer la définition d’un problème public et celle du public concerné ?) ; les transformations de l’aménagement du territoire (comment rendre crédible, sensée et utile une pensée de l’aménagement bousculée par la question environnementale ?).

    #cosmopolitiques #STS #Epistemologie #Aménagement_du_territoire