country:brésil

  • Le Brésil perd 8300 médecins cubains pour des raisons purement politiques Céline Tzaud/afp/oang - 23 Novembre 2018 - RTS
    https://www.rts.ch/info/monde/10017945-le-bresil-perd-8300-medecins-cubains-pour-des-raisons-purement-politiqu

    Les premiers des quelque 8300 médecins cubains exerçant au Brésil sont arrivés vendredi à La Havane. Leur départ, qui risque de provoquer des déserts médicaux, fait suite aux menaces du président brésilien élu Jair Bolsonaro.


    Les milliers de praticiens cubains concernés avaient été envoyés au Brésil depuis 2013 dans le cadre du programme « Mais Médicos » (Plus de médecins) initié par l’ancienne présidente de gauche Dilma Roussef pour remédier à la pénurie de médecins.

    Les premiers d’entre eux - partis jeudi du Brésil - ont été reçus avec les honneurs vendredi à La Havane. En blouses blanches et portant des drapeaux cubains et brésiliens, ils ont été accueillis à leur descente d’avion par le président Miguel Diaz-Canel.

    Hostilités déclenchées par le président élu brésilien
    Leur rapatriement, qui doit être achevé d’ici le 12 décembre, a été décidé par les autorités cubaines en réaction à des propos tenus par le président brésilien élu Jair Bolsonaro.

    Ce dernier avait prévenu qu’il allait conditionner la poursuite de ce programme à la mise en place d’un examen de compétences pour ces médecins et au versement de leur salaire intégral.

    L’accord conclu à l’époque prévoit en effet le versement, par le Brésil, d’un salaire mensuel de plusieurs milliers de francs à Cuba pour chaque médecin. Mais La Havane ne reverse que moins d’un tiers de ce montant aux praticiens. Farouche anticommuniste, Jair Bolsonaro a laissé entendre que ce système finançait la « dictature socialiste » cubaine.
    . . . . .
    Le programme continue toutefois dans une soixantaine de pays, principalement au Venezuela qui vient de renforcer sa collaboration.
    . . . . . .
    Les Noirs et les indigènes particulièrement touchés
    L’Affaire fait la Une des médias au Brésil, où de nombreuses régions périphériques défavorisées ou des zones rurales risquent de se transformer en déserts médicaux.

    Dans des Etats comme Bahia, on parle d’une perte de la moitié des médecins dans certaines villes.

    L’association nationale des maires du Brésil (FNP) a tiré la sonnette d’alarme, rappelant dans un communiqué que près de 80% des municipalités du pays « dépendent exclusivement du programme pour les soins médicaux et que 90% de la population indigène est traitée par des professionnels cubains ».

    De nombreuses populations risquent donc de n’avoir plus accès à des services médicaux. "Bolsonaro a provoqué cet acte raciste car ce sont principalement les Noirs qui en pâtiront, a dénoncé pour sa part l’ancienne superviseuse du programme Mais Médicos à Rio.

    #jair_bolsonaro #Brésil #Santé #Cuba #guerre_aux_pauvres

  • Des termites ont construit une « structure » aussi vaste que la Grande-Bretagne
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/11/23/decouverte-au-bresil-d-une-construction-de-termites-vaste-comme-la-grande-br

    Ils se dressent, mystérieux, sur une étendue de 230 000 km2 dans le nord-est du #Brésil, dans une région encore épargnée par l’agriculture intensive. Deux cents millions de monticules de terre d’environ 2,5 m de haut, fruit du travail patient d’une colonie de #termites depuis près de quatre mille ans, ont été découverts par une équipe de biologistes britanniques et brésiliens.

    Il s’agit de « la plus grande structure construite par une seule espèce d’insecte jamais découverte à ce jour », selon les chercheurs, qui ont publié lundi 19 novembre les résultats de leur étude dans la revue scientifique Current Biology.[...]

    Cet impressionnant chantier était longtemps resté dissimulé par la végétation de cette région semi-aride. Mais les récents effets de la #déforestation en ont mis au jour les contours.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=41&v=FlRz-Iqy-XQ

    #termitière

  • Pourquoi les gauches s’effondrent-elles en Amérique du Sud ?
    https://lemediapresse.fr/international/pourquoi-les-gauches-seffondrent-elles-en-amerique-du-sud

    La tension, aussi bien politique que sociale, a atteint son paroxysme au Brésil. L’extrême droite est au pouvoir après la victoire de Jair Bolsonaro. Ce dernier a su tirer profit des scandales de corruption qui ont fait chuter Lula et Dilma Roussef. Plus largement, il y a également des problèmes relatifs à une conjoncture économique […]

  • « Gilets jaunes » : la démocratie directe en germe ? Collectif Lieux Communs - 20 Novembre 2018
    https://collectiflieuxcommuns.fr/?Gilets-jaunes-la-democratie-en-germe

    Tract Gilets jaunes : la démocratie directe en germe ?
    Le mouvement populaire en cours, qu’il le sache ou non, défie toute l’organisation de la société et récolte un mé­pris officiel à la hauteur. Le surgissement de cette colère réveille des questions enfouies depuis si longtemps que leur simple formulation effraie. Pourtant la dégradation de la situation générale est telle qu’un choix s’impose entre le chaos qui s’avance et la reconquête, lente et laborieuse, d’une souveraineté véritablement collective.

    La colère des « gilets jaunes » est authentiquement populaire
    C’était immédiatement reconnaissable au mépris des médias et des politiciens : le bourrage de crâne des premiers pendant trois semaines était proportion­nel à la fébrilité du petit personnel politique. Mouvement hors partis, hors syndicats, hors associa­tion, il démon­tre en acte le décalage profond entre toutes les institutions et la réalité du pays. Il ne peut donc qu’être la cible de tous les chefs, les bu­reaucrates, les arrivistes et tous leurs discours bien-pensants qui chantent la « démocratie » mais chouinent dès que le peuple se mani­feste.

    Cette auto-organisation générale contraste avec tous les mouvements précédents
    Autant des mouvements-veto manipulés par les syndi­cats que des soubresauts récents (« pigeons », bonnets rouges, jour de colère) ou même les ’coor­dinations’ des années 1986-88. Il semble plutôt reprendre timi­dement l’élan et les pratiques des mou­vements ou­vriers des XVIII-XXe siècles, aujour­d’hui largement oubliés. Les ’réseaux sociaux’ électroniques ne font donc que jouer le rôle d’un lien social disparu, mais qui pourrait réapparaître autour d’un projet politique. Des gens se mani­festent, se rencontrent, se découvrent et tâtonnent pour se consti­tuer en corps politique par l’action.

    C’est un peuple sous les radars médiatiques qui s’est mobilisé
    C’est la ’France périphérique’, celle des grandes ban­lieues, de la semi-ruralité et des campagnes. Mais plus généralement celle des milieux modestes en voie de déclassement, pris en tenaille entre l’oli­garchie préda­trice et l’ensauvagement de l’espace publique. Ce sont les petites gens, les sans-grade, les « sans-dents », la France « rance » et « moisie » dont aucun média imbi­bé de libéralisme et de gau­chisme culturel au service des métropoles festives ne veut entendre parler. Ce sont tous ceux qui paient depuis quarante ans le prix fort de la ’mon­dialisation’ : désindustrialisation, pré­carisation, dé­sertification, insécurité sociale et cultu­relle, etc. C’est évidemment cet abandon qu’expriment épisodi­quement paysans ou employés, artisans ou pe­tits patrons, retraités ou chômeurs, policiers ou infir­mières, en Creuse ou à Mayotte, en Corse ou en Bre­tagne, en Guyane ou dans les Vosges.

    Les mots d’ordre initiaux sont simples : contre les prix élevés, les taxes et l’incurie gouvernementale
    Ils reflètent cet univers abandonné par tous les gou­vernements depuis des décennies et qui n’a plus que son bon sens pour s’orienter au jour le jour. Ils proviennent du monde de ceux qui ont renoncé, de­puis les deux guerres mondiales, à transformer la société et se sont résignés à se conformer au mo­dèle qui s’est imposé : ils jouent le jeu du salariat, de l’impôt, du crédit, de la consommation, de la voiture, de la télé et de la passivité politique « ré­publicaine ». En échange, l’oligarchie garantissait l’augmentation du niveau de vie, la société de consommation, la sécurité et la paix. Ce contrat so­cial, sur chaque point, se défait, et provoque un ras-le-bol latent à la fois viscéral et diffus mais conser­vateur puisque visant à revenir à une si­tuation anté­rieure jugée comme ’normale’.

    C’est la colère d’un peuple qui commence à comprendre que ce contrat social ne sera plus tenu
    Que sa part, réelle et symbolique, diminue au fil des années au profit de tous ces milieux qui ont dé­cidé de rompre ce qui faisait tenir la société en­semble. Ni l’abondance, ni la sécurité ne semblent plus assurées. C’est le grand patronat qui pille le pays et saigne à blanc les salariés ; c’est l’oligar­chie médiatique et politique qui accompagne en souriant le chaos social, culturel et écologique ; ce sont les classes aisées ur­baines et leur haine politi­quement correcte du populo. Et ce sont évidem­ment tous les bénéficiaires choyés du pré­tendu « multiculturalisme » ; élus clientélistes, in­digénistes revanchards, communautaristes racistes, islamistes sécessionnistes, gangs barbares, mafias in­ternationales, faux réfugiés, etc. Ces prédateurs et opportunistes de partout et de nulle part es­croquent les finances publiques et la solidarité gé­nérale pour asseoir leurs dominations sur plus pauvres, ou plus scru­puleux, qu’eux.

    Plus profondément, nous assistons à la transformation profonde des sociétés contemporaines
    Les couches dominantes et la finance internationale ne rencontrent aujourd’hui plus de résistances populaires conséquentes. Elles prennent des réflexes féodaux, impériaux, orientaux en instrumentalisant les migra­tions massives, les intégrismes et la voyoucratie pour diviser et terroriser les populations afin d’anéantir toute volonté et toute visée d’auto-détermination des peuples. Et il y a, en toile de fond, la dévastation écologique qui condamne, de toute façon, la société de consommation et le mode de vie qui l’accompagne, et qu’annonce la fin du pétrole à plus ou moins long terme. L’oligarchie se sert évidemment de la « transition énergétique » pour accroître les inégalités et affermir sa domination, interdisant toute solution durable. La situation, abso­lument nouvelle, est similaire à l’échelle européenne et mondiale.

    Les mouvements populaires plus ou moins radicaux ont donc un avenir certain
    Un nouvel ordre mondial s’installe, qui balaie la soli­darité collective, le cadre national, l’abondance éner­gétique et le consumérisme pour tous. Face à cela, des réactions instinctives de survie surgissent un peu par­tout, aboutissant au « populisme », sous diverses formes aux États-Unis, en Angleterre, en Grèce, en Allemagne, au Brésil, etc. Ces crises de régime peuvent aboutir à des mesures ponctuelles : relance de la croissance, redistribution relatives des richesses, limitation des privilèges médiatiques, fermeté migra­toire ou juridique, etc. Mais elles ne feront que repousser l’échéance en faisant perdurer et miroiter un mode de vie qui n’est pas généralisable à toute la pla­nète. Il n’est pas viable, à terme, ni économique­ment, ni énergétiquement, ni écologique­ment, ni culturel­lement. Il n’existe aucune ’solution cachée’ : il n’y a que les peuples qui pourraient inventer de réelles alternatives.

    Nous devons nous confronter aux vraies contradictions qui nous traversent
    Quels que soient les démagogues portés au pouvoir, les problèmes de fond resteront inchangés car les désirs des populations sont aujourd’hui intenables. On ne peut pas vouloir du pétrole, du gaz ou du charbon en abondance sans composer avec les dictatures qui nous les vendent. Il n’est pas possible d’exiger un niveau de vie croissant tout en dénonçant des catastrophes écologiques ou des immigrations massives. Lorsque l’on fait grandir des enfants entourés d’écrans et de gadgets technologiques il ne sert à rien de déplorer la montée de l’analphabétisme, des pathologies mentales et du désert social. Enfin, revendiquer plus de démocratie n’a de sens que si le divertissement passe enfin derrière la réflexion, la délibération et l’action poli­tique. Ces attitudes contradictoires, les nôtres, sont le terreau de tous les bonimenteurs.

    Depuis plusieurs années, quelques courants évoquent la démocratie directe
    C’est effectivement la seule manière pour le peuple de s’occuper de ses propres affaires et d’abord de se confronter à lui-même, à ses lâchetés, à ses responsabilités, à ses choix. Mais cela ne se fera jamais du jour au lendemain, sinon au profit de quelques manipula­teurs comme tous les milieux politiciens en sécrètent naturellement. La démocratie ne peut que partir de la base, s’enraciner dans une auto-organisation populaire pratiquée au quotidien, dans la durée. Des mouvements, trop éphé­mères, inventent d’autres pratiques politiques comme la tenue d’assemblée générale, la rotation des tâches, le tirage au sort, le mandat direct ou la révocation des délégués. Il est donc question de l’émergence d’une nouvelle culture politique populaire, de l’apparition de nouvelles formes politique, de l’avènement d’une autre manière de faire société.

    S’engager dans la voie de l’auto-gouvernement, c’est travailler sur le long terme
    C’est être capable de survivre à la médiatisation, à la récupération, au sabotage, à la menace et à la répress­ion y compris indirecte. Mais c’est, avant tout, parve­nir à se reconstituer comme un corps politique, face à l’atomisation sociale, la confusion idéologique, la fragmentation ethnico-religieuse et le découragement. Les risques d’affrontements violents sont réels et iront grandissant. Ils n’auront de sens que selon une ligne explicitement politique : il s’agit de séparer ceux qui veulent reprendre le projet d’émancipation individuel et collectif dont la France, l’Europe, l’Occident sont encore porteurs, de ceux qui cherchent à priver les peuples des moyens d’agir sur leurs destinées au profit d’intérêts particuliers.

    Lieux Communs
19-20 novembre 2018
    #GiletsJaunes #politique #mépris #colère #domination #oligarchie #france_périphérique #devastation

  • Carlos Ghosn, l’arbre qui cache la forêt des dérives patronales
    https://www.bastamag.net/Carlos-Ghosn-l-arbre-qui-cache-la-foret-des-derives-patronales

    Carlos Ghosn, l’emblématique PDG de Renault – également PDG de l’alliance Renault-Nissan et président non exécutif de Nissan et Mitsubishi Motors – vient d’être écroué au Japon, à la surprise générale. Il est accusé d’avoir sous-déclaré ses revenus issus de l’achat et de la vente d’actions, ainsi que d’avoir utilisé les fonds de l’entreprise à des fins personnelles – en l’occurrence pour acquérir et faire rénover des villas aux Pays-Bas, en France, au Liban et au Brésil. Aussi bien Mitsubishi que Nissan ont annoncé (...)

    En bref

    / #Multinationales, #Oligarchies

  • Ultra-libéral, pro-pesticides et climatosceptique : le nouveau gouvernement brésilien de Bolsonaro
    https://www.bastamag.net/Ultra-liberal-pro-pesticides-et-climatosceptique-le-nouveau-gouvernement

    Élu avec 55 % des voix le 28 octobre, le nouveau président du Brésil, Jair Bolsonaro entrera officiellement en fonction le 1er janvier prochain. Il a commencé à composer son gouvernement. Des généraux s’occuperont des ministères de la Défense et de l’Intérieur, un ultra-libéral, issu des « Chicago boys », siègera à l’Economie, une pro-pesticide, liée aux intérêts de l’agro-business, héritera de l’agriculture, un climato-sceptique pro-Trump dirigera la diplomatie… Panorama du futur gouvernement d’extrême-droite. (...)

    #Décrypter

    / #Droites_extrêmes, #Amériques, #Climat, #Oligarchies, #Droits_fondamentaux, A la (...)

  • Ailton Krenak, figure historique des luttes indigènes au Brésil, à propos de l’élection de Bolsonaro.
    https://lundi.am/Le-projet-politique-de-creer-une-nation-appelee-Bresil-est-si-petit-qu-il-est

    Je dis que le Brésil est une petite nation car il est petit dans son rêve. Il rêve petit. Un territoire qui ébauche une telle vision de souveraineté peut être grand géographiquement mais il continuera à être petit dans son expression envers le monde.

    #brésil #peuples_autochtones

  • Au Brésil, les profs craignent une chasse aux sorcières (France 24)
    https://www.france24.com/fr/20181112-bresil-profs-craintes-chasse-sorcieres-bolsonaro

    Depuis une dizaine d’années, ce groupe ultra-conservateur a gagné du terrain au Brésil. « Escola sem Partido » veut bannir des écoles l’utilisation de certains mots tels « genre » ou « orientation sexuelle » et remet en question le contenu des programmes d’histoire. Pour ces activistes, Pinochet n’était pas un dictateur, mais le sauveur de sa patrie menacée par le communisme.

    Organisant sans relâche manifestations (parfois violentes) et pétitions visant des intellectuels défendant la théorie du genre, il préconise aussi de rendre optionnel l’enseignement des sciences sociales et de la philosophie.

    « Escola sem Partido » a déjà remporté quelques batailles. Un projet de loi qui porte son nom est actuellement débattu au Parlement. Il prévoit des sanctions pénales contre les enseignants coupables de « dogmatisme ou de prosélytisme » et affirme « le droit des parents à ce que leurs enfants reçoivent l’éducation morale qui correspond à leurs convictions ».

    Au Brésil, Jair Bolsonaro lance la guerre de l’école (Le Monde)
    https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/11/17/au-bresil-jair-bolsonaro-lance-la-guerre-de-l-ecole_5384906_3222.html

    Fomenté par la droite dure et le lobby évangélique, le texte, rebaptisé « loi du bâillon » par l’opposition, se fonde sur l’idée d’une école hantée par le communisme, où l’on ferait l’apologie de mœurs ­débridées et la publicité d’une pseudo « théorie du genre ». Un propos qui fait écho au discours de campagne de Jair Bolsonaro promettant le « lance-flammes » pour les ouvrages de Paulo Freire,pédagogue connu pour son travail pour l’alphabétisation des pauvres, et fustigeant le « marxisme » comme la « sexualisation précoce » des enfants à l’école.

    #éducation #Brésil #fascisme

  • Vibrant éloge de Jair Bolsonaro.

    Je n’avais vu passer cet "article" de @lescrises...
    https://seenthis.net/messages/735054

    Chronique d’un succès annoncé : le succès du peuple
    Jamais un candidat n’a été pilonné grâce à un tel tir de barrage par la presse de la bienpensance internationale – celle qui s’autorise à définir le bien et le mal – dans les semaines ayant précédé le premier tour d’une élection présidentielle, mais surtout le second au Brésil. Grâce à sa boule de cristal et à son de clairvoyance, elle voit déjà « l’extrême droite au pouvoir, un illusionniste sans scrupule »5. Jair Messias Bolsonaro, puisque c’est de lui dont il s’agit est traité de tous les qualificatifs les plus injurieux : « populiste », fachiste », « sexiste », « homophobe », « raciste », de Donald Trump version tropicale, de « fasciste aux portes du pouvoir », « Jair Bolsonaro ou la haine de la démocratie », de « petit frère sud-américain de Donald Trump »6 … En voilà un qui est habillé pour l’hiver. Mais, rien n’y fait ! Lors du second tour des élections présidentielles du 28 octobre 2018, il l’emporte avec 55% des suffrages contre son adversaire du parti des travailleurs (P.T.), Fernando Haddad7. Comment aurait-il peu en être autrement, et quoi qu’en puisse penser du nouvel élu, le Brésil est confronté à une très grave crise : corruption généralisée des politiques, insécurité insupportable et situation économique particulièrement dégradée ? De quel crédit de confiance disposait, le candidat du parti des travailleurs lorsque l’on se souvient de la destitution de Dilma Rousseff en août 2016, la condamnation de son prédécesseur Lula, en juillet 2017, puis son emprisonnement en avril 2018 et son interdiction de briguer un nouveau mandat ?

    "Pour ce qui est du programme du futur président de la République brésilienne, voici ce que nous en savons à ce jour11.
    Sur le plan économique, il se situe dans une approche typiquement libérale en administrant un remède de cheval pour réduire les déficits et redonner du dynamisme à une économie qui tourne au ralenti12.
    Sur le plan de la sécurité, il entend donner un sérieux tour de vis et faire donner l’armée, le cas échéant, pour remettre de l’ordre dans les favelas et autres lieux de haute criminalité. On peut lui faire confiance.
    Sur le plan de la justice, il choisit comme ministre le juge Sergio Moro, magistrat à l’origine de l’incarcération du charismatique Lula. Un fonctionnaire dont on dit qu’il s’est sacrifié pour combattre la corruption"

    "Dans la même veine, il a promis d’extrader l’Italien Cesare Battisti, condamné en Italie pour quatre assassinats dans les années 1970. L’asile politique de ce militant d’extrême gauche avait été obtenu sous le règne de la corruption du chef des « pettistes »"

  • [Éloge de Jair Bolsonaro...] De Brasilia à Wiesbaden : La revanche des peuples… Par Guillaume Berlat - Les Crises ( ce site créé par d’Olivier Berruyer, et très régulièrement cité sur seenthis)
    https://archive.is/FHhL3

    Jamais un candidat n’a été pilonné grâce à un tel tir de barrage par la presse de la bienpensance internationale – celle qui s’autorise à définir le bien et le mal – dans les semaines ayant précédé le premier tour d’une élection présidentielle, mais surtout le second au Brésil. Grâce à sa boule de cristal et à son de clairvoyance, elle voit déjà « l’extrême droite au pouvoir, un illusionniste sans scrupule »5. Jair Messias Bolsonaro, puisque c’est de lui dont il s’agit est traité de tous les qualificatifs les plus injurieux : « populiste », fachiste », « sexiste », « homophobe », « raciste », de Donald Trump version tropicale, de « fasciste aux portes du pouvoir », « Jair Bolsonaro ou la haine de la démocratie », de « petit frère sud-américain de Donald Trump »6 … En voilà un qui est habillé pour l’hiver. Mais, rien n’y fait ! Lors du second tour des élections présidentielles du 28 octobre 2018, il l’emporte avec 55% des suffrages

  • Education Is in the Crosshairs in Bolsonaro’s Brazil

    The president-elect seeks to ban from the classroom political opinions, debates, and any issues that could be construed as leftist.
    At universities across Brazil, the atmosphere may appear normal on the surface, but many are worried. “There is a climate of tension and of fear,” said Adriana D’Agostini, an education professor at the Santa Catarina Federal University (UFSC).


    https://www.thenation.com/article/brazil-bolsonaro-education-repression
    #Bolsonaro #Brésil #Freire #Paulo_Freire #censure #gauche #éducation #liberté_d'expression #université

  • O sussuro do jaguar
    https://www.nova-cinema.org/prog/2018/169-pink-screens/cloture/article/o-sussuro-do-jaguar

    Simon(e) Jaikiriuma Paetau & Thaïs Guisasola, 2017, DE-BR-CO, video, VO PT ST FR ANG, 79’

    Au milieu d’un champ, un·e artiste activiste se pénètre avec un épi de maïs transgénique. Mais la mort rôde. Ana, sœur de l’artiste, part sur ses traces, pour un voyage à travers la forêt amazonienne. Un voyage qui se transforme en une quête spirituelle. Sur son chemin, des rencontres bienveillantes et renforçantes, sexuelles parfois, rythmées par les apparitions de son frère/sœur, révélant l’histoire inévitable du colonialisme, de la modernisation et de la situation politique actuelle au Brésil et en Amérique latine. Un film incontournable de notre focus « Brasil ! ».

    samedi 17 novembre 2018 à (...)

  • Brésil en sol mineur
    http://www.zite.fr/amapa

    Le 30 octobre 2018, Jair Bolsonaro, candidat d’extrême-droite, accédait à la présidence du Brésil. Vécu sur le mode de la surprise, cette poussée d’autoritarisme paraît en réalité plus profonde et plus prévisible quand elle est vue depuis l’Amazonie. En effet, l’économie d’exportation de matières premières, fondée sur le maintien des oligarchies régionales et la corruption généralisée, n’est pas sans rapport avec les désillusions démocratiques.

    Texte : Théo Jacob et Noémie Wojtowicz Photos : Noémie Wojtowicz

    Cet article est directement inspiré du film documentaire No meio do mundo (« Au milieu du monde »), tourné en 2015 par Noémie Wojtowicz et Théo Jacob. Calé entre la Guyane française et l’estuaire de l’Amazone, le petit État brésilien de l’Amapá s’apprête, nous dit-on, à vivre des jours paisibles. Sur le port (...)

    #Article_à_la_Une #reportage-analyse #Z12

  • Quel est le poids des #importations françaises sur la #déforestation ?
    https://abonnes.lemonde.fr/ressources-naturelles/article/2018/11/08/quel-est-le-poids-des-importations-francaises-sur-la-deforestation_5

    Approvisionner la France en matières premières – dans les sept secteurs précédemment cités –, a nécessité en moyenne une superficie de 14,8 millions d’hectares cultivés durant la période 2012-2016, dont 5,1 millions sont suspectés avoir contribué à la déforestation.

    Le Brésil est aussi, avec la Chine notamment, un gros fournisseur de #bœuf, dont chaque Français mange en moyenne 23 kg par an. Pour les lui fournir, il faut en faire venir 260 000 tonnes, soit 17 % de la consommation nationale. Quant au cuir des chaussures, sacs, sièges, il correspond à une moyenne annuelle de 100 000 tonnes de peaux originaires d’autres pays. Le rapport décline d’autres chiffres qui permettent de prendre la mesure de nos appétits pour le cacao et les produits chocolatés (environ 10 % de la production mondiale), le caoutchouc (3 %), le bois, la pâte à papier.

    Le cas de l’#huile_de_palme
    Il cible aussi bien sûr l’huile de palme, une sorte de championne de la déforestation. Il semble que 84 % des importations françaises proviennent de pays qui y sont exposés, Indonésie et Malaisie en tête. Avec 0,97 million de tonnes, toujours en moyenne annuelle, l’empreinte française s’élève à 410 000 ha. C’est relativement peu pour un oléagineux qui entre dans la composition de plus de la moitié des produits transformés sur les rayons des supermarchés.

  • Le retour des valeurs - Éléments pour une critique des droites (pas si) nouvelles
    https://www.cetri.be/Le-retour-des-valeurs-Elements

    Alors que l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil consigne une nouvelle victoire du populisme dans les arènes démocratiques, une analyse des mouvements de fond qui mène les grands États aux portes du fascisme s’impose. Nous publions ici la traduction d’un article écrit au mois de mars par nos amis chiliens du collectif Vitrina Dystópica et du Groupe d’études expérimentales Paul K. Feyerabend. Ce texte permet de prendre un certain recule vis-à-vis de l’immédiateté de l’information et permet de tracer les (...)

    #Le_regard_du_CETRI

    / #Le_Sud_en_mouvement, #Mouvements_réactionnaires, #Néolibéralisme, #Autoritarisme, #Répression, (...)

    #lundi.am

  • Fascisme ou économisme ultra ? Nous voulons les deux
    https://lundi.am/Fascisme-ou-economisme-ultra

    Reprenons la question à l’envers.

    Nous allons actualiser la vieille thèse marxiste que le fascisme est le dernier rempart du capitalisme.
    Thèse développée dans les années 1930, après l’élimination des SA par les notables nazis, comme gage donné aux grands capitalistes allemands de l’acier ou de la chimie. Le « national-socialisme » se transformant en « national capitalisme ».
    Et le fascisme est devenu le vecteur de la répression violente « anti-communiste », anti-syndicale, anti-ouvrière, etc.
    Ne voyons-nous pas cela ressurgir au Brésil ? Mais également dans tous les pays « autoritaires », comme la Turquie, par exemple.
    Et comme en 1930, la droite, qui se dit « non fasciste » voire du centre, tente de jouer de la menace fasciste, mais décalée, pour faire de l’autoritarisme, anti-syndical en priorité, mais aussi contre tous les mouvements anti-économiques (dénoncés comme « chavezistes » partisans de la pénurie), pour faire de l’autoritarisme sans le fascisme : fascisme sans fascisme, comme le café décaféiné.
    Et c’est bien comme cela qu’il faut interpréter l’action répressive, tous azimuts, de la droite des macrons (« le centre »), faire du fascisme sans fascisme.
    Qu’est-ce donc que ce fascisme, franc comme au Brésil, ou déguisé en autoritarisme nationaliste, comme en Chine ou en Turquie, qu’est-ce que cette droite versaillaise, cet autoritarisme sous le double masque du « centre » ou de « la démocratie chrétienne » :
    Tout simplement un économisme ultra.
    Il faut toujours ramener les choses, dites politiques, culturelles ou morales, à l’économie ;
    À l’économisme.
    Le fascisme est la dernière défense, directe ou inversée (fantasmée comme menace), de l’économie menacée.
    L’exemple brésilien offre une caricature éclairante de cette vieille idée.
    Comment anéantir la forêt brésilienne, et les Indiens amazoniens en passant, pour le développement économique des exportations agro-industrielles (le futur pétrole vert) ?
    Il faut lire l’action du gouvernement ultra libéral (économiste ultra) des macrons, dont celui de Macron en France, à la lumière violente du fascisme économiste ultra brésilien.
    C’est depuis le Brésil qu’il faut regarder la France !

    #fascisme #économisme #extrême-centre

  • São Paulo (Brésil) : 9e salon anarchiste, le dimanche 18 novembre 2018
    https://infokiosques.net/spip.php?article1616

    Les collectifs Ativismo ABC, Biblioteca Terra Livre, Centro de Cultura Social et Nelca organisent le IXe salon anarchiste de São Paulo, en continuant les habituelles rencontres annuelles d’anarchistes et sympathisant.e.s du monde entier. Pour cette édition, comme pour les précédentes, il y aura des livres, brochures, journaux, revues, fanzines et d’autres matériaux libertaires. Le salon de São Paulo veut réunir des éditeurs libertaires du pays et de l’étranger. En même temps que les stands de (...)

    #ailleurs

    https://feiranarquistasp.wordpress.com

  • #Brésil : crise démocratique, dérive réactionnaire et menace fasciste
    https://www.cetri.be/Bresil-crise-democratique-derive

    « Je n’ai jamais été seul, j’ai toujours senti la présence de Dieu ». Voici les premiers mots prononcés par le nouveau président du Brésil à l’annonce de sa victoire électorale, le 28 octobre, après avoir prié devant les caméras aux côtés d’un pasteur évangéliste. Une ascension fascisante fulgurante Le désastre annoncé a donc eu lieu : pour cette huitième élection depuis la fin de la dictature, en 1985, l’ex-capitaine Jair Bolsonaro vient de conquérir l’exécutif du plus grand pays latino-américain et de la 7ème (...)

    #Le_Sud_en_mouvement

    / #Le_Sud_en_mouvement, Brésil, #Election, #L'école_émancipée

  • « Lula, le prisonnier politique le plus important au monde » | Textes à l’appui | Là-bas si j’y suis
    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-j-ai-rencontre-lula-le-prisonnier-politique-le-plus-important-a
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    Fin septembre, accompagné de sa femme, Noam CHOMSKY (89 ans) est venu à la prison de Curitiba, capitale du Paraná, pour rendre visite à LULA, ancien président du Brésil. Alors qu’il était donné largement favori pour les élections, LULA a été condamné à une peine de 12 ans de prison pour corruption. Une peine qu’il conteste tout comme une grande partie des Brésiliens. Pour CHOMSKY, LULA est avant tout un prisonnier politique. Il dit pourquoi dans un article publié sur THE INTERCEPT. Nous vous en proposons une traduction :

    « Ma femme Valeria et moi, nous venons de rendre visite à celui qui est sans doute le prisonnier politique le plus important de notre époque, d’une importance sans équivalent dans la politique internationale contemporaine. Ce prisonnier, c’est Luiz Inácio Lula da Silva – plus connu dans le monde sous le nom de « Lula » – condamné à la prison à vie et à l’isolement, sans accès à la presse et avec des visites limitées à un jour par semaine.

    Le lendemain de notre visite, au nom de la liberté de la presse, un juge a autorisé le plus grand journal du pays, Folha de S. Paulo, à interviewer Lula. Mais un autre juge est aussitôt intervenu pour annuler cette décision, alors que les criminels les plus violents du pays – les chefs de milice et les trafiquants de drogue – sont régulièrement interviewés depuis leurs prisons. Pour le pouvoir brésilien, emprisonner Lula ne suffit pas : ils veulent s’assurer que la population, à la veille des élections, n’entende plus parler de lui. Ils semblent prêts à employer tous les moyens pour atteindre cet objectif.

    Le juge qui a annulé la permission n’innovait pas. Avant lui, il y a eu le procureur qui a condamné Antonio Gramsci pendant le gouvernement fasciste de Mussolini en 1926, et qui déclarait : « nous devons empêcher son cerveau de fonctionner pendant 20 ans. »

    Nous avons été rassurés, mais pas surpris, de constater qu’en dépit des conditions de détention éprouvantes et des erreurs judiciaires scandaleuses, Lula reste un homme très énergique, optimiste quant à l’avenir et plein d’idées pour faire dévier le Brésil de sa trajectoire désastreuse actuelle.

    Il y a toujours des prétextes pour justifier un emprisonnement – parfois valables, parfois pas – mais il est souvent utile d’en déterminer les causes réelles. C’est le cas en l’espèce. L’accusation principale portée contre Lula est basée sur les dépositions d’hommes d’affaires condamnés pour corruption dans le cadre d’un plaider-coupable. On aurait offert à Lula un appartement dans lequel il n’a jamais vécu.

    Le crime présumé est parfaitement minime au regard des standards de corruptions brésiliens – et il y a à dire sur ce sujet, sur lequel je reviendrai. La peine est tellement disproportionnée par rapport au crime supposé qu’il est légitime d’en chercher les vraies raisons. Il n’est pas difficile d’en trouver. Le Brésil fait face à des élections d’une importance cruciale pour son avenir. Lula est de loin le candidat le plus populaire et remporterait facilement une élection équitable, ce qui n’est pas pour plaire à la ploutocratie.

    Bien qu’il ait mené pendant son mandat des politiques conçues pour s’adapter aux préoccupations de la finance nationale et internationale, Lula reste méprisé par les élites, en partie sans doute à cause de ses politiques sociales et des prestations pour les défavorisés – même si d’autres facteurs semblent jouer un rôle : avant tout, la simple haine de classe. Comment un travailleur pauvre, qui n’a pas fait d’études supérieures, et qui ne parle même pas un portugais correct peut-il être autorisé à diriger notre pays ?

    Alors qu’il était au pouvoir, Lula était toléré par les puissances occidentales, malgré quelques réserves. Mais son succès dans la propulsion du Brésil au centre de la scène mondiale n’a pas soulevé l’enthousiasme. Avec son ministre des Affaires étrangères Celso Amorim, ils commençaient à réaliser les prédictions d’il y a un siècle selon lesquelles le Brésil allait devenir « le colosse du Sud ». Ainsi, certaines de leurs initiatives ont été sévèrement condamnées, notamment les mesures qu’ils ont prises en 2010, en coordination avec la Turquie, pour résoudre le conflit au sujet du programme nucléaire iranien, contre la volonté affirmée des États-Unis de diriger l’événement. Plus généralement, le rôle de premier plan joué par le Brésil dans la promotion de puissances non alignées sur les Occidentaux, en Amérique latine et au-delà, n’a pas été bien reçu par ceux qui ont l’habitude de dominer le monde.

    Lula étant interdit de participer à l’élection, il y a un grand risque pour que le favori de la droite, Jair Bolsonaro, soit élu à la présidence et accentue la politique durement réactionnaire du président Michel Temer, qui a remplacé Dilma Rousseff après qu’elle a été destituée pour des motifs ridicules, au cours du précédent épisode du « coup d’État en douceur » en train de se jouer dans le plus important pays d’Amérique Latine.

    Bolsonaro se présente comme un autoritaire dur et brutal et comme un admirateur de la dictature militaire, qui va rétablir « l’ordre ». Une partie de son succès vient de ce qu’il se fait passer pour un homme nouveau qui démantèlera l’establishment politique corrompu, que de nombreux Brésiliens méprisent pour de bonnes raisons. Une situation locale comparable aux réactions vues partout dans le monde contre les dégâts provoqués par l’offensive néolibérale de la vieille génération.

    Bolsonaro affirme qu’il ne connaît rien à l’économie, laissant ce domaine à l’économiste Paulo Guedes, un ultralibéral, produit de l’École de Chicago. Guedes est clair et explicite sur sa solution aux problèmes du Brésil : « tout privatiser », soit l’ensemble de l’infrastructure nationale, afin de rembourser la dette des prédateurs qui saignent à blanc le pays. Littéralement tout privatiser, de façon à être bien certain que le pays périclite complètement et devienne le jouet des institutions financières dominantes et de la classe la plus fortunée. Guedes a travaillé pendant un certain temps au Chili sous la dictature de Pinochet, il est donc peut-être utile de rappeler les résultats de la première expérience de ce néolibéralisme de Chicago.

    L’expérience, initiée après le coup d’État militaire de 1973 qui avait préparé le terrain par la terreur et la torture, s’est déroulée dans des conditions quasi optimales. Il ne pouvait y avoir de dissidence – la Villa Grimaldi et ses équivalents s’en sont bien occupés. L’expérimentation était supervisée par les superstars de l’économie de Chicago. Elle a bénéficié d’un énorme soutien de la part des États-Unis, du monde des affaires et des institutions financières internationales. Et les planificateurs économiques ont eu la sagesse de ne pas interférer dans les affaires de l’entreprise Codelco, la plus grande société minière de cuivre au monde, une entreprise publique hautement efficace, qui a ainsi pu fournir une base solide à l’économie de Pinochet.

    Pendant quelques années, cette expérience fut largement saluée ; puis le silence s’est installé. Malgré les conditions presque parfaites, en 1982, les « Chicago boys » avaient réussi à faire s’effondrer l’économie. L’État a dû en reprendre en charge une grande partie, plus encore que pendant les années Allende. Des plaisantins ont appelé ça « la route de Chicago vers le socialisme ». L’économie, en grande partie remise aux mains des dirigeants antérieurs, a réémergé, non sans séquelles persistantes de la catastrophe dans les systèmes éducatifs, sociaux, et ailleurs.

    Pour en revenir aux préconisations de Bolsonaro-Guedes pour fragiliser le Brésil, il est important de garder à l’esprit la puissance écrasante de la finance dans l’économie politique brésilienne. L’économiste brésilien Ladislau Dowbor rapporte, dans son ouvrage A era do capital improdutivo (« Une ère de capital improductif »), que lorsque l’économie brésilienne est entrée en récession en 2014, les grandes banques ont accru leurs profits de 25 à 30 %, « une dynamique dans laquelle plus les banques font des bénéfices, plus l’économie stagne » puisque « les intermédiaires financiers n’alimentent pas la production, ils la ponctionnent ».

    En outre, poursuit M. Dowbor, « après 2014, le PIB a fortement chuté alors que les intérêts et les bénéfices des intermédiaires financiers ont augmenté de 20 à 30 % par an », une caractéristique structurelle d’un système financier qui « ne sert pas l’économie, mais est servi par elle. Il s’agit d’une productivité nette négative. La machine financière vit aux dépens de l’économie réelle. »

    Le phénomène est mondial. Joseph Stiglitz résume la situation simplement : « alors qu’auparavant la finance était un mécanisme permettant d’injecter de l’argent dans les entreprises, aujourd’hui elle fonctionne pour en retirer de l’argent ». C’est l’un des profonds renversements de la politique socio-économique dont est responsable l’assaut néolibéral ; il est également responsable de la forte concentration de la richesse entre les mains d’un petit nombre alors que la majorité stagne, de la diminution des prestations sociales, et de l’affaiblissement de la démocratie, fragilisée par les institutions financières prédatrices. Il y a là les principales sources du ressentiment, de la colère et du mépris à l’égard des institutions gouvernementales qui balayent une grande partie du monde, et souvent appelé – à tort – « populisme ».

    C’est l’avenir programmé par la ploutocratie et ses candidats. Un avenir qui serait compromis par un nouveau mandat à la présidence de Lula. Il répondait certes aux exigences des institutions financières et du monde des affaires en général, mais pas suffisamment pour notre époque de capitalisme sauvage.

    On pourrait s’attarder un instant sur ce qui s’est passé au Brésil pendant les années Lula – « la décennie d’or », selon les termes de la Banque mondiale en mai 2016 [1]. Au cours de ces années, l’étude de la banque rapporte :

    « Les progrès socio-économiques du Brésil ont été remarquables et mondialement reconnus. À partir de 2003 [début du mandat de Lula], le pays est reconnu pour son succès dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et pour sa capacité à créer des emplois. Des politiques novatrices et efficaces visant à réduire la pauvreté et à assurer l’intégration de groupes qui auparavant étaient exclus ont sorti des millions de personnes de la pauvreté. »

    Et plus encore :

    « Le Brésil a également assumé des responsabilités mondiales. Il a réussi à poursuivre sa prospérité économique tout en protégeant son patrimoine naturel unique. Le Brésil est devenu l’un des plus importants donateurs émergents, avec des engagements importants, en particulier en Afrique subsaharienne, et un acteur majeur dans les négociations internationales sur le climat. La trajectoire de développement du Brésil au cours de la dernière décennie a montré qu’une croissance fondée sur une prospérité partagée, mais équilibrée dans le respect de l’environnement, est possible. Les Brésiliens sont fiers, à juste titre, de ces réalisations saluées sur la scène internationale. »

    Du moins certains Brésiliens, pas ceux qui détiennent le pouvoir économique.

    Le rapport de la Banque mondiale rejette le point de vue répandu selon lequel les progrès substantiels étaient « une illusion, créée par le boom des produits de base, mais insoutenable dans l’environnement international actuel, moins clément ». La Banque mondiale répond à cette affirmation par un « non » ferme et catégorique : « il n’y a aucune raison pour que ces gains socio-économiques récents soient effacés ; en réalité, ils pourraient bien être amplifiés avec de bonnes politiques. »

    Les bonnes politiques devraient comprendre des réformes radicales du cadre institutionnel hérité de la présidence Cardoso, qui a été maintenu pendant les années Lula-Dilma, satisfaisant ainsi les exigences de la communauté financière, notamment une faible imposition des riches et des taux d’intérêt exorbitants, ce qui a conduit à l’augmentation de grandes fortunes pour quelques-uns, tout en attirant les capitaux vers la finance au détriment des investissements productifs. La ploutocratie et le monopole médiatique accusent les politiques sociales d’assécher l’économie, mais dans les faits, les études économiques montrent que l’effet multiplicateur de l’aide financière aux pauvres a stimulé l’économie alors que ce sont les revenus financiers produits par les taux d’intérêt usuraires et autres cadeaux à la finance qui ont provoqué la véritable crise de 2013 – une crise que « les bonnes politiques » auraient permis de surmonter.

    L’éminent économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira, ancien ministre des Finances, décrit succinctement le déterminant majeur de la crise en cours : « il n’y a pas de raison économique » pour justifier le blocage des dépenses publiques tout en maintenant les taux d’intérêt à un niveau élevé ; « la cause fondamentale des taux élevés au Brésil, c’est le fait des prêteurs et des financiers » avec ses conséquences dramatiques, appuyé par le corps législatif (élu avec le soutien financier des entreprises) et le monopole des médias qui relaient essentiellement la voix des intérêts privés.

    Dowbor montre que tout au long de l’histoire moderne du Brésil, les remises en question du cadre institutionnel ont conduit à des coups d’État, « à commencer par le renvoi et le suicide de Vargas [en 1954] et le putsch de 1964 » (fermement soutenu par Washington). Il y a de bonnes raisons de penser que la même chose s’est produite pendant le « coup d’État en douceur » en cours depuis 2013. Cette campagne des élites traditionnelles, aujourd’hui concentrées dans le secteur financier et servie par des médias qu’ils possèdent, a connu une accélération en 2013, lorsque Dilma Rousseff a cherché à ramener les taux d’intérêt extravagants à un niveau raisonnable, menaçant ainsi de tarir le torrent d’argent facile dont profitait la minorité qui pouvait se permettre de jouer sur les marchés financiers.

    La campagne actuelle visant à préserver le cadre institutionnel et à revenir sur les acquis de « la décennie glorieuse » exploite la corruption à laquelle le Parti des travailleurs de Lula, le PT, a participé. La corruption est bien réelle, et grave, même si le fait de diaboliser le PT est une pure instrumentalisation, en regard des écarts de conduite de ses accusateurs. Et comme nous l’avons déjà mentionné, les accusations portées contre Lula, même si l’on devait lui en reconnaître les torts, ne peuvent être prises au sérieux pour justifier la peine qui lui a été infligée dans le but de l’exclure du système politique. Tout cela fait de lui l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période actuelle.

    La réaction récurrente des élites face aux menaces qui pèsent sur le cadre institutionnel de l’économie sociopolitique au Brésil trouve son équivalent dans la riposte internationale contre les remises en cause, par le monde en développement, du système néocolonial hérité de siècles de dévastations impérialistes occidentales. Dans les années 1950, dans les premiers jours de la décolonisation, le mouvement des pays non-alignés a cherché à faire son entrée dans les affaires mondiales. Il a été rapidement remis à sa place par les puissances occidentales. En témoigne dramatiquement l’assassinat du leader congolais, très prometteur, Patrice Lumumba, par les dirigeants historiques belges (devançant la CIA). Ce crime et les violences qui ont suivi ont mis fin aux espoirs de ce qui devrait être l’un des pays les plus riches du monde, mais qui reste « l’horreur ! l’horreur ! » avec la collaboration des tortionnaires historiques de l’Afrique.

    Néanmoins, les voix gênantes des victimes historiques ne cessaient de s’élever. Dans les années 1960 et 1970, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, avec le concours important d’économistes brésiliens, a présenté des plans pour un Nouvel Ordre Économique International, dans lequel les préoccupations des « sociétés en développement » – la grande majorité de la population mondiale – auraient été examinées. Une initiative rapidement écrasée par la régression néolibérale.

    Quelques années plus tard, au sein de l’UNESCO, les pays du Sud ont appelé à un nouvel ordre international de l’information qui ouvrirait le système mondial des médias et de la communication à des acteurs extérieurs au monopole occidental. Cette initiative a déchaîné une riposte extrêmement violente qui a traversé tout le spectre politique, avec des mensonges éhontés et des accusations ridicules, et qui finalement a entraîné le retrait du président américain Ronald Reagan, sous de faux prétextes, de l’UNESCO. Tout cela a été dévoilé dans une étude accablante (donc peu lue) des spécialistes des médias William Preston, Edward S. Herman et Herbert Schiller [2].

    L’étude menée en 1993 par le South Centre, qui montrait que l’hémorragie de capitaux depuis les pays pauvres vers les pays riches s’était accompagnée d’exportations de capitaux vers le FMI et la Banque mondiale, qui sont désormais « bénéficiaires nets des ressources des pays en développement », a également été soigneusement passée sous silence. De même que la déclaration du premier sommet du Sud, qui avait rassemblé 133 États en 2000, en réponse à l’enthousiasme de l’Occident pour sa nouvelle doctrine d’« intervention humanitaire ». Aux yeux des pays du Sud, « le soi-disant droit d’intervention humanitaire » est une nouvelle forme d’impérialisme, « qui n’a aucun fondement juridique dans la Charte des Nations unies ni dans les principes généraux du droit international ».

    Sans surprise, les puissants n’apprécient guère les remises en cause, et disposent de nombreux moyens pour y répliquer ou pour les réduire au silence.

    Il y aurait beaucoup à dire sur la corruption endémique de la politique latino-américaine, souvent solennellement condamnée par l’Occident. Il est vrai, c’est un fléau, qui ne devrait pas être toléré. Mais elle n’est pas limitée aux « pays en voie de développement ». Par exemple, ce n’est pas une petite aberration que dans nos pays, les gigantesques banques reçoivent des amendes de dizaines de milliards de dollars (JPMorgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Deutsche Bank, Citigroup) à l’issue d’accords négociés à l’amiable, mais que personne ne soit légalement coupable de ces activités criminelles, qui détruisent pourtant des millions de vies. Remarquant que « les multinationales américaines avaient de plus en plus de difficultés à ne pas basculer dans l’illégalité », l’hebdomadaire londonien The Economist du 30 août 2014 rapportait que 2 163 condamnations d’entreprise avaient été comptabilisées entre 2000 et 2014 – et ces multinationales sont nombreuses à Londres et sur le continent européen [3].

    La corruption couvre tout un registre, depuis les énormités qu’on vient de voir jusqu’aux plus petites mesquineries. Le vol des salaires, une épidémie aux États-Unis, en donne un exemple particulièrement ordinaire et instructif. On estime que les deux tiers des travailleurs à bas salaire sont volés sur leur rémunération chaque semaine, tandis que les trois quarts se voient voler tout ou partie de leur rémunération pour les heures supplémentaires. Les sommes ainsi volées chaque année sur les salaires des employés excèdent la somme des vols commis dans les banques, les stations-service et les commerces de proximité. Et pourtant, presque aucune action coercitive n’est engagée sur ce point. Le maintien de cette impunité revêt une importance cruciale pour le monde des affaires, à tel point qu’il est une des priorités du principal lobby entrepreneurial, le American Legislative Exchange Council (ALEC), qui bénéficie des largesses financières des entreprises.

    La tâche principale de l’ALEC est d’élaborer un cadre législatif pour les États. Un but facile puisque, d’une part, les législateurs sont financés par les entreprises et, d’autre part, les médias s’intéressent peu au sujet. Des programmes méthodiques et intenses soutenus par l’ALEC sont donc capables de faire évoluer les contours de la politique d’un pays, sans préavis, ce qui constitue une attaque souterraine contre la démocratie mais avec des effets importants. Et l’une de leurs initiatives législatives consiste à faire en sorte que les vols de salaires ne soient pas soumis à des contrôles ni à l’application de la loi.

    Mais la corruption, qui est un crime, qu’elle soit massive ou minime, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La corruption la plus grave est légale. Par exemple, le recours aux paradis fiscaux draine environ un quart, voire davantage, des 80 000 milliards de dollars de l’économie mondiale, créant un système économique indépendant exempt de surveillance et de réglementation, un refuge pour toutes sortes d’activités criminelles, ainsi que pour les impôts qu’on ne veut pas payer. Il n’est pas non plus techniquement illégal pour Amazon, qui vient de devenir la deuxième société à dépasser les 1 000 milliards de dollars de valeur, de bénéficier d’allègements fiscaux sur les ventes. Ou que l’entreprise utilise environ 2 % de l’électricité américaine à des tarifs très préférentiels, conformément à « une longue tradition américaine de transfert des coûts depuis les entreprises vers les plus démunis, qui consacrent déjà aux factures des services publics, en proportion de leurs revenus, environ trois fois plus que ne le font les ménages aisés », comme le rapporte la presse économique [4].

    Il y a une liste infinie d’autres exemples.

    Un autre exemple important, c’est l’achat des voix lors des élections, un sujet qui a été étudié en profondeur, en particulier par le politologue Thomas Ferguson. Ses recherches, ainsi que celles de ses collègues, ont montré que l’éligibilité du Congrès et de l’exécutif est prévisible avec une précision remarquable à partir de la variable unique des dépenses électorales, une tendance très forte qui remonte loin dans l’histoire politique américaine et qui s’étend jusqu’aux élections de 2016 [5]. La corruption latino-américaine est considérée comme un fléau, alors que la transformation de la démocratie formelle en un instrument entre les mains de la fortune privée est parfaitement légale.

    Bien sûr, ce n’est pas que l’interférence dans les élections ne soit plus à l’ordre du jour. Au contraire, l’ingérence présumée de la Russie dans les élections de 2016 est un sujet majeur de l’époque, un sujet d’enquêtes acharnées et de commentaires endiablés. En revanche, le rôle écrasant du monde de l’entreprise et des fortunes privées dans la corruption des élections de 2016, selon une tradition qui remonte à plus d’un siècle, est à peine reconnu. Après tout, il est parfaitement légal, il est même approuvé et renforcé par les décisions de la Cour suprême la plus réactionnaire de mémoire d’homme.

    L’achat d’élections n’est pas la pire des interventions des entreprises dans la démocratie américaine immaculée, souillée par les hackers russes (avec des résultats indétectables). Les dépenses de campagne atteignent des sommets, mais elles sont éclipsées par le lobbying, qui représenterait environ 10 fois ces dépenses – un fléau qui s’est rapidement aggravé dès les premiers jours de la régression néolibérale. Ses effets sur la législation sont considérables, le lobbyiste allant jusqu’à la rédaction littérale des lois, alors que le parlementaire – qui signe le projet de loi – est quelque part ailleurs, occupé à collecter des fonds pour la prochaine campagne électorale.

    La corruption est effectivement un fléau au Brésil et en Amérique latine en général, mais ils restent des petits joueurs.

    Tout cela nous ramène à la prison, où l’un des prisonniers politiques les plus importants de la période est maintenu en isolement pour que le « coup d’État en douceur » au Brésil puisse se poursuivre, avec des conséquences certaines qui seront sévères pour la société brésilienne, et pour le monde entier, étant donné le rôle potentiel du Brésil.

    Tout cela peut continuer, à une condition, que ce qui se passe continue d’être toléré. »

    Noam Chomsky

  • Sommes nous dans les années 1930 ?
    https://noiriel.wordpress.com/2018/11/03/sommes-nous-dans-les-annees-1930

    Emmanuel Macron ayant affirmé, dans sa petite phrase du jour, qu’il était « frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux-guerres », aussitôt les « décrypteurs » d’actualité ont ressorti leur manuel d’histoire pour noter la copie présidentielle. Mais la quasi totalité d’entre eux en sont restés à des considérations purement événementielles (centrées sur une comparaison des relations internationales entre les années 1930 et aujourd’hui). Ces réflexions superficielles ont permis à Zemmour et consort de dénoncer la « dramatisation » de la situation actuelle pour défendre les dirigeants d’extrême droite ayant conquis récemment le pouvoir. Hashtag : « Salvini n’est pas Mussolini. Orban n’est pas Hitler ».

    Nous avons là une nouvelle illustration des « cécités croisées » (comme disait Bourdieu) qui caractérisent ceux qui s’affrontent dans le champ politico-médiatique. Il est vrai que cette petite phrase de Macron s’inscrit dans une stratégie développée en vue des élections européennes, visant à mobiliser le camp libéral dont il est l’un des chefs de file contre le camp nationaliste. Mais n’en déplaise aux idéologues de l’extrême droite française, l’Europe est effectivement confrontée aujourd’hui à un engrenage dangereux pour la démocratie qui peut être comparé à celui des années 1930.

    La comparaison entre les deux époques doit partir d’une similitude majeure : de même que la crise du capitalisme (le « jeudi noir » de Wall Street en octobre 1929) a joué un rôle décisif dans la montée en puissance des forces réactionnaires en Europe, de même c’est la crise du capitalisme financier qui explique aujourd’hui l’accession au pouvoir de l’extrême droite dans plusieurs pays européens (sans même parler du Brésil et des Etats-Unis).

    • « Retour des années 30 » : Macron fait joujou avec l’histoire. Un président post-tragique, ça se trompe énormément »

      "Comme le montre sa dernière sortie sur « le retour des années 30 », le rapport du jeune Macron à la vieille histoire fonctionne comme un extraordinaire révélateur. Du conformisme des jeunes élites, de l’inaptitude à penser l’irréductibilité des événements sans recourir à des cadres pré-établis, et de l’hubris de l’hyper-contemporanéité.

      Petit-fils des Trente glorieuses et de l’après-68, Macron est un président post-tragique. Il appartient en effet à une génération qui n’a rien connu, ou presque, des cruautés de l’histoire : ni guerre, ni révolution violente, tout au plus des conflits extérieurs par procuration.
      Le président d’une société post-historique

      Notre Occident de paix est parvenu à son objectif : disjoindre histoire et violence, anesthésier les injustices par la consommation, libérer le citoyen du devoir sacrificiel, substituer toujours plus de confort aux grandes fatalités, oublier in fine la conflictualité des peuples. L’adoucissement est la marque de notre temps, de ses enfants et de ses mœurs. Macron ne représente rien d’autre que cette forme de Finistère, mais ce Finistère est un réduit qui du haut de sa solitude se trompe d’histoire, tant l’histoire l’a abandonné. Emmanuel Macron est le président d’une société post-historique pour laquelle les traumas de l’histoire ont été mis à distance, abolis, comme endoloris au profit d’un homme consommateur, spectateur, visiteur de ce grand parc d’attractions que semble être devenue une cité toute tournée vers les délices hypnotiques du divertissement. Externalisée toujours plus au sein d’un ordre techno-économique, la politique renonce peu à peu à sa fonction originelle qui consiste à opérer l’histoire, à en exprimer non seulement toute l’acuité de l’action mais à en incarner également au plus haut point la conscience. Ruse du destin, cet homme issu de l’ultime génération de l’après-Guerre froide, insensibilisée à l’inattendu, se trouve bien malgré lui confronté au retour de l’histoire…

      Exhumer des angoisses passées pour éviter de penser le présent

      Face à l’histoire, Macron apparaît nécessairement désemparé. Il semble parfois tenté d’en faire une matière communicante, élément parmi d’autres de son storytelling qu’il transforme en appel au sursaut. Mais ses appels à la mobilisation tiennent de la tentative maladroite. L’inexpérience que le président laisse transparaître est celle des élites de son époque. Tâtonnants, instables et trébuchants comme les aveugles de Brueghel, nos jeunes dirigeants n’ont d’autre choix que de convoquer le passé pour affronter l’avenir. Ce contre-sens est le produit d’une hypertrophie mémorielle, caractéristique de l’instrumentalisation politique de l’historiographie. La référence aux années 30 pour caractériser la situation actuelle a pour vocation de réactiver un imaginaire exacerbé, anxiogène, aisément identifiable, d’en référer à une crise, celle de l’avant-guerre qui littéralement fonctionne comme un moment fatidique de la conscience contemporaine. Cette fétichisation d’une séquence primordiale de notre histoire récente traduit d’abord une impossibilité à penser le présent.

      Inapte à comprendre la nature des menaces

      Ironie de la comparaison, le seul point commun entre nos années et celles qui précédèrent la déflagration de la Seconde guerre mondiale échappe au discours présidentiel : l’inaptitude à comprendre la nature des menaces, à les confondre dans la même généralisation hâtive qui incita en son temps par exemple les gouvernants d’avant-guerre à voir dans le nazisme une simple répétition de la volonté de puissance prussienne de toujours.

      En “absolutisant” la référence au second conflit mondial, le président s’empêche de saisir ce qui est au cœur des dynamiques historiques, leur incommensurable exclusivité. Il fait sien à mi-chemin seulement le mot fameux de Marx selon lequel « les hommes font leur histoire dans des conditions directement héritées du passé mais ne savent pas l’histoire qu’ils font ». Ainsi, Macron préfère le prêt-à-penser à une appréhension sans concessions du réel. Ce faisant, le président puise dans les ressources d’une historiographie aussi bien-pensante que dominante pour s’économiser une réflexion sur les impasses de l’Europe de Maastricht et les défis identitaires qu’il doit relever.

      Macron refait le match en noir et blanc

      Ce qui frappe à la porte du vieux continent est tout simplement évacué au prix d’un passé convoqué pour mettre en scène l’opposition entre « progressistes » d’un côté, « populistes » de l’autre. En somme, il s’agit d’une pure et simple manœuvre de communication politique.

      En rejouant un match en noir et blanc, le chef de l’Etat cède à ce réflexe hyper contemporain qui consiste à se réapproprier – pour mieux la juger et la dénoncer – une histoire qui ne nous appartient pas, en y plaquant une grille de lecture forcément anachronique. L’histoire selon Macron se décline sur le mode de la désapprobation, du ressentiment, de la repentance… et parfois de la pudibonderie. Ses déclarations sur la France en Algérie, loin d’épouser la complexité de la présence française de l’autre côté de la Méditerranée, repoussent le curseur toujours plus en direction des autorités d’Alger. On reconnaît la responsabilité de l’Etat dans la mort d’Audin, mais les massacres d’Oran en juillet 62 demeurent un no man’s land mémoriel… Sur un autre plan, les célébrations de la fin de la Première guerre mondiale préféreront voir dans le choc des nationalismes la forge de l’hécatombe alors que les alliances inter-étatiques étaient aussi mues par d’indiscutables intérêts capitalistiques.

      Un progressiste aussi caricatural que ses ennemis

      Sur le fond, Macron n’innove pas. Il confirme que l’histoire demeure d’abord un terrain de projection idéologique, un outil de mobilisation symbolique, une arme pour polir les imaginaires. Il l’incorpore dans son appareil communicant en la simplifiant, en la brandissant dans une acception sommaire, appauvrie et répétitive. À trop la caricaturer, il agit comme ses adversaires qu’il entend dénoncer et combattre, trahissant ainsi face aux événements qui montent d’un horizon digne du Désert des tartares ou du Rivage des Syrtes le crépuscule de cette résilience indispensable au repos des institutions. La com’ n’a jamais dissous l’histoire."

      Arnaud Benedetti

  • Ces pays du monde où s’opère la jonction entre religion et nationalisme | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280918/russie-inde-pologne-israel-turquie-iran-quand-la-religion-rencontre-le-nat

    lusieurs dizaines d’États sur la planète sont aujourd’hui gouvernés par des régimes qui relèvent du nationalisme religieux ou qui sont influencés par cette configuration idéologique. Ce phénomène affecte tous les continents, démontrant que cette forme de nationalisme s’adapte à des religions très diverses, monothéistes ou non. Plus intolérant encore que les autres nationalismes face à la dissidence ou à l’opposition, plus inclusif aussi pour tous ceux qu’il entend incorporer au récit national, il se nourrit souvent de l’explosion des inégalités, des frustrations économiques et sociales, et semble désormais constituer une réponse traditionaliste de la « communauté nationale » à la globalisation et à la modernité.

    En Europe, il s’impose surtout à l’Est, au sein de feu l’empire soviétique. En Russie, où l’Église orthodoxe a joué un rôle central dans la quête de la nouvelle identité nationale post-communiste, Vladimir Poutine a été un acteur majeur du retour du religieux sur la scène russe et internationale. Retour qui se traduit aujourd’hui, selon le patriarche orthodoxe Kirill, par un « état de fusion symbiotique entre le fait national et le fait religieux ». En Arménie, en Ukraine, mais aussi en Pologne ou en Hongrie, c’est également le nationalisme religieux qui sous-tend les dérives xénophobes et autoritaires.

    Nous publions ici l’essentiel du chapitre consacré à l’Inde du livre coordonné par Oliver Da Lage, L’Essor du nationalisme religieux, à paraître début novembre.

    • Le nationalisme hindou aux commandes de « la plus grande démocratie du monde »

      par Olivier Da Lage

      Au seuil de l’année 2018, un parlementaire d’Uttar Pradesh, l’État le plus peuplé de l’Inde, dirigé depuis l’année précédente par le BJP (1), a déclaré que le nom du pays étant l’Hindoustan, ce pays était pour les Hindous et eux seuls. Peu auparavant, le ministère du tourisme de l’Uttar Pradesh avait retiré le Taj Mahal de la brochure publiée par le ministère pour vanter les sites à visiter : le monument, symbole de l’Inde dans le monde entier, se trouve être un mausolée construit par un empereur musulman. Parallèlement, un militant nationaliste hindou a – en vain – tenté de faire dire par un juge que le Taj Mahal était en fait un ancien temple hindou.

      À l’approche de Noël et du nouvel an, des brigades hindouistes ont tenté au Madhya Pradesh et au Rajasthan d’empêcher les écoles chrétiennes de célébrer Noël avec leurs élèves d’autres religions, ce qui, selon ces militants adeptes de la menace, relèverait de la « conversion forcée » ; en Andhra Pradesh, les temples hindous ont reçu interdiction de marquer l’entrée dans la nouvelle année du calendrier chrétien, qui ne relèverait pas de la culture hindoue.

      Dans plusieurs États, du nord au sud, des musulmans ou des dalits (ex-intouchables) ont été battus, parfois à mort, par des foules les soupçonnant de transporter de la viande de bœuf ou des vaches destinées à l’abattage. Dans bien des cas, le soupçon était infondé, ce qui n’a pas empêché plusieurs responsables régionaux du BJP, dont le chef du gouvernement du Chhattisgarh, de déclarer que les tueurs de vaches méritaient la pendaison.

      Depuis 2015, des intellectuels ou acteurs célèbres dénoncent un climat d’intolérance. En protestation, plusieurs ont rendu leur Padma Shri, équivalent indien de la Légion d’honneur. Ici et là, des intellectuels et des journalistes ont été tués sans que l’on retrouve leurs assassins. Le point commun de ces victimes était leur défense de la laïcité (secularism) et leur dénonciation des excès du nationalisme hindou. Parallèlement, tout avis négatif, ou simplement réservé sur l’action du gouvernement de Narendra Modi entraîne instantanément des réactions massives et très vives de ses partisans sur les réseaux sociaux, avec l’objectif manifeste d’intimider ceux qui seraient tentés par la critique.

      Bien entendu, les violences intercommunautaires et l’intolérance n’ont pas attendu l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi et du BJP pour se manifester en Inde. Ses partisans ne manquent jamais, et à juste titre, de le rappeler. On assiste cependant incontestablement à une radicalisation et à une intensification de cette intolérance et de ces manifestations violentes. Corollaire de cette banalisation de la violence, le seuil d’indignation s’élève inexorablement et, sans être militants pour autant, de très nombreux membres de la classe moyenne urbaine indienne, qui ont voté en 2014 pour le BJP sur la promesse du développement économique et de la prospérité, en viennent graduellement à trouver naturel que la majorité hindoue (80 % des Indiens) ne tolère les minorités, notamment les musulmans, qui ne représentent que 14 % des habitants, qu’à la condition qu’elles « restent à leur place », c’est-à-dire se rendent aussi invisibles que possible et acceptent un statut de citoyens de seconde zone.

      C’est très précisément la thèse que défendait en 1923 Vinayak Damodar Savarkar dans son manifeste : Hindutva,Who is a Hindu ?. L’idéologie de l’hindutva (hindouité) est restée très minoritaire, voire marginale, tant dans le combat contre l’occupation britannique que plusieurs décennies après l’indépendance, notamment du fait que Nathuram Godse, l’assassin du Mahatma Gandhi, avait appartenu au RSS (2), le mouvement fondé en 1925 pour propager l’hindutva.

      (1) Le BJP (Bharatiya Janata Party), parti nationaliste hindou, est au pouvoir en Inde depuis mai 2014.

      (2) Le Rashtriya Swayamsevak Sangh, créé en 1925 à Nagpur (Maharashtra), est une milice de volontaires chargés de défendre les hindous et de propager l’hindutva.
      Le renouveau hindouiste à la fin du XIXe siècle

      En un sens, le nationalisme hindou est le produit de la colonisation britannique. Il ne s’agit pas de prétendre qu’avant l’arrivée de la Compagnie des Indes orientales, les relations aient toujours été idylliques entre hindous et musulmans, mais, comme dans bien d’autres régions du monde, la colonisation a progressivement donné naissance à une réaction nationaliste qui a pris plusieurs formes. La naissance du Congrès national indien en 1885 incarnait au départ une revendication classique, partie de la demande d’égalité des droits pour évoluer vers une demande d’autonomie, puis aboutir, au fil des années et de la répression, à une exigence d’indépendance.

      Pour sa part, le nationalisme hindou, qui s’est développé à la fin du XIXe siècle, a été dès le départ fondé sur une démarche identitaire favorisée par l’insistance quasi entomologique des Britanniques à diviser les Indiens en sections et sous-sections, entre religions d’abord, et au sein de celles-ci ensuite. Si tous les hindous admettent le principe des quatre grandes castes, les varnas – brahmanes (prêtres), kshatrias (guerriers), vaishyas (commerçants), shudras (serviteurs) –, ce sont largement les Britanniques qui ont fait des jati (corporations dont le métier se transmet héréditairement) des sous-castes de celles-ci, morcelant ainsi une société hindoue déjà très divisée.

      En créant au début du XIXe siècle des établissements universitaires enseignant séparément le hindi et l’ourdou (qui, dans l’usage populaire, se fondaient largement dans ce qu’on appelait alors l’hindoustani), les Anglais ont accentué la séparation entre hindous et musulmans. Enfin, alors que montaient les revendications indépendantistes au seuil du XXe siècle, les Britanniques ont donné aux hindous le sentiment qu’ils appuyaient la minorité musulmane afin de contenir les aspirations de la majorité hindoue.

      En réaction, plusieurs initiatives ont tenté tout à la fois de moderniser l’hindouisme, en insistant sur ce qui rapproche plutôt que ce qui divise, et de rattacher l’essence de l’Inde moderne à ses racines anciennes remontant à l’époque védique. Cette défense des valeurs de l’Inde antique intervient alors même que les administrateurs coloniaux et les hommes politiques anglais insistaient dans leurs discours publics et dans leurs correspondances privées sur ce qu’ils dépeignaient comme la barbarie intrinsèque des traditions hindoues, auxquelles, pour la plupart, ils déniaient la qualité de civilisation.

      En 1875, l’arya samaj (la noble société) est fondée, avec pour ambition de promouvoir les valeurs védiques de l’hindouisme et la croyance en un seul dieu. L’arya samaj introduit le prosélytisme, notion jusqu’alors inconnue dans l’hindouisme. À Bombay, Lokmanya Bal Gangadhar Tilak, pourtant membre du Congrès et partisan d’un rapprochement avec les musulmans, relance la cérémonie hindoue de Ganesh Chathurthi, tombée en désuétude, par laquelle le dieu à tête d’éléphant est rituellement immergé chaque année dans l’océan Indien. C’est pour lui une façon de contourner l’interdiction des rassemblements édictée par le colonisateur. En 1893, Swami Vivekananda prononce à Chicago, au Parlement des religions, un discours marquant dans lequel il présente l’hindouisme comme une religion à la fois ancienne et moderne répondant aux problèmes du moment. Un peu plus tard, en réaction à la création de la Ligue musulmane et à la volonté du Congrès qu’hindous et musulmans mènent en commun le combat pour l’indépendance, se crée en 1915 la Hindu Mahasabha (assemblée hindoue panindienne), afin de défendre les intérêts des seuls hindous.

      Parallèlement, certains écrits occidentaux influencent ce nationalisme hindou naissant, notamment ceux de l’orientaliste anglais d’origine allemande Max Muller, fasciné par la civilisation indienne, particulièrement la culture aryenne. Quant aux écrits du Français Arthur de Gobineau, ils développent l’idée ouvertement raciste d’une race aryenne naturellement faite pour diriger, mais il critique les castes supérieures hindoues pour s’être métissées avec les castes inférieures. À une époque où la notion de « race », loin d’être contestée, allait jusqu’à celle de « race anglaise » dans les discours des politiciens les plus réputés, Gobineau et les orientalistes européens ont offert à certains nationalistes hindous le cadre de référence qui leur manquait pour élaborer une théorie fondée sur la supériorité de la « race hindoue ».
      L’hindutva, un projet avant tout culturel

      Ce corps doctrinal, élaboré au fil des années à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, a une date de naissance officielle : 1923. Cette année-là, paraît un livre de 141 pages intitulé Hindutva, who is a Hindu ?. Signé : « Un Marathe. » Son véritable auteur, Vinayak Damodar Savarkar, est alors emprisonné pour ses activités antibritanniques. La thèse qu’il développe dans cet ouvrage est que les hindous, tirant leur nom de la terre qui est la leur (Hindoustan), doivent reprendre leur destin en main face aux étrangers qui les dirigent (les Britanniques), mais aussi vis-à-vis des musulmans et des chrétiens qui, du seul fait qu’ils sont nés en Inde, se considèrent comme Indiens. Ce n’est pas suffisant, argue Savarkar, car l’appartenance à une nation suppose de réunir trois critères sans lesquels il n’est pas d’appartenance commune :

      • L’attachement à la terre des ancêtres, qui s’étend du « Sindhu au Sindhu », bordée par l’Himalaya et l’océan, en tant que mère patrie.
      • Le lien du sang, hérité de ses ancêtres, qui forge l’appartenance à la « race hindoue », peu important par ailleurs que la progéniture soit la conséquence d’unions sexuelles inter-castes.
      • L’appartenance revendiquée à la culture et à la civilisation hindoues, à des figures historiques vénérées en tant que héros, à des fêtes communes, à des rites et sacrements communs et à des lois communes.

      Il est clair, poursuit Savarkar, que si nombre de chrétiens et musulmans (dont les ancêtres hindous ont été convertis autrefois) peuvent se prévaloir des deux premiers critères, tel n’est pas le cas s’agissant du troisième. En conséquence, chrétiens et musulmans ne peuvent être considérés comme appartenant à la nation hindoue. Pour Savarkar, le problème est essentiellement culturel, bien davantage que religieux. Au point qu’il va jusqu’à préciser : « Certains d’entre nous sommes monothéistes, d’autres panthéistes, certains sont théistes, d’autres athées – nous sommes tous hindous et partageons le même sang. Nous ne sommes pas seulement une nation, mais une race, une fraternité de naissance. »

      L’idéologie de l’hindutva, ainsi développée par Savarkar, est précisée une quinzaine d’années plus tard avec la publication de We or Our Nationhood defined, édité en 1939 par MS Golwalkar (3), l’année même où il est choisi par le fondateur du RSS Hedgewar pour lui succéder. Disciple de Savarkar, Golwalkar est également un praticien de l’hindutva puisque cette idéologie constitue la colonne vertébrale du RSS, fondé en 1925 sur le modèle des milices fascistes.

      Dans son livre, il reprend et complète la thèse de Savarkar : les hindous ont contrôlé leur terre pendant 8 000 à 10 000 ans avant d’être envahis. Contrairement aux théories de Muller, ce ne sont pas les Aryens nordiques qui ont envahi l’Inde, mais le contraire, car jadis, soutient Golwalkar, le pôle Nord se trouvait dans ce qui est aujourd’hui le Bihar ou l’Orissa (nord-est de l’Inde). Ce sont donc bien les Indiens et nul autre peuple qui sont à l’origine de la grande civilisation indo-européenne.

      Golwalkar entreprend alors de faire l’éloge du pangermanisme ainsi que de la façon dont l’Allemagne traite la question des minorités culturelles et ethniques : afin de préserver la pureté de la race et de sa culture, l’Allemagne a choqué le monde en purgeant le pays des races sémitiques, les juifs. La fierté raciale s’est ici manifestée à son plus haut. L’Allemagne a également montré à quel point il est presque impossible pour les races et les cultures ayant des différences remontant à leurs racines d’être assimilées en un tout unifié, une bonne leçon à retenir pour nous en Hindousthan dont nous devons tirer profit.

      Et de conclure que le Congrès est une invention des Anglais (4) afin de diviser les hindous, ce qui a fait perdre à ces derniers le sens de la nation que Golwalkar les exhorte à retrouver. Savarkar, qui, en 1937, a pris la tête du Hindu Mahasabha, lance en 1942 un mot d’ordre : « Hindouiser la nation et militariser l’hindouisme », tout en s’opposant au mouvement Quit India lancé par Gandhi.

      Le nationalisme hindou est longtemps resté marginal dans la politique indienne. Interdit en 1948 après l’assassinat de Gandhi, puis préautorisé un an plus tard, le RSS a pris soin (comme il le fait encore aujourd’hui) d’affirmer que sa mission est avant tout culturelle et non politique. Les partis se réclamant de l’hindutva ne pesaient presque rien du temps de Nehru. Leur progression à partir des années 1960, mais surtout de la fin des années 1970, est dans une large mesure l’effet de l’usure du Congrès, qui a dominé la vie politique de façon hégémonique avant et après l’indépendance. De mouvement de libération nationale englobant toutes les tendances politiques, le Congrès s’est progressivement mué en parti dirigé par une dynastie (Nehru-Gandhi) et miné par la corruption, aboutissement logique de l’exercice du pouvoir pratiquement ininterrompu pendant plusieurs décennies.

      Il faut attendre 1977 pour qu’un gouvernement soit dirigé par un adversaire du Congrès. C’est la conséquence de la dictature exercée par Indira Gandhi pendant l’état d’urgence (1975-1977). Encore s’agit-il d’un gouvernement de coalition et le premier ministre Morarji Desai est lui-même un ancien dirigeant du Congrès. Le retour au pouvoir du Congrès en 1980 est à peine éclipsé en 1990 et 1991 par d’éphémères gouvernements de coalition, certes soutenus par le BJP, mais dont la politique n’est pas marquée par l’idéologie nationaliste hindoue.

      Cependant, l’Inde entre progressivement dans une culture d’alternance et le Congrès n’est plus voué à rester au pouvoir quoi qu’il arrive. C’est le BJP, qui a pris en 1980 la suite du Bharatiya Jana Sangh, qui incarne cette alternance. Ses cadres, depuis l’origine, sont généralement issus du RSS, qui les « délègue » au BJP, assuré qu’ils ont été formés à l’hindutva. Pourtant, après des débuts marqués par une intransigeance idéologique, tout particulièrement sous la présidence de Lal Krishna Advani (1993-1998), les échecs électoraux successifs amènent le parti à s’en remettre à l’un de ses fondateurs, Atal Bihari Vajpayee, partisan d’une ligne plus modérée. Ce dernier mène le parti à la victoire en 1998 et en tant que Premier ministre, Vajpayee parvient à la fois à s’inscrire dans la lignée des gouvernements précédents (Congrès) tout en infléchissant la politique suivie jusqu’alors vers un rapprochement marqué avec Israël et les États-Unis et une libéralisation accrue de l’économie (5).

      Ces inflexions sont par la suite assumées et reprises à son compte par la coalition dirigée par le premier ministre Manmohan Singh (Congrès), au pouvoir de 2004 à 2014. Car de 1998 à 2004, contraint par ses partenaires au sein de la coalition, Vajpayee n’était pas libre d’appliquer à sa guise le programme du BJP. Tout au plus a-t-il tenté de remanier les programmes scolaires en présentant les Moghols (musulmans) comme des envahisseurs ou en rehaussant le rôle des personnages opposés à Nehru dans la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Mais faute de majorité, il a prudemment évité de mettre en œuvre les points essentiels du programme du BJP, à savoir l’abrogation de l’article 370 de la Constitution qui accorde un statut particulier au Cachemire (État du Jammu et Kashmir), la construction à Ayodhya d’un temple consacré à Ram sur l’emplacement de la mosquée Babri, détruite par des militants nationalistes hindous en décembre 1992, et la mise en place d’un code civil uniforme, c’est-à-dire l’abolition des dispositions spécifiques aux chrétiens et surtout aux musulmans.

      (3) Madhav Sadashiv Golwalkar, originaire du Maharashtra, a dirigé le RSS de 1940 jusqu’à sa mort, en 1973.

      (4) De fait, c’est bien un fonctionnaire britannique, Allan Octavian Hume, qui en est à l’origine.

      (5) Cette libéralisation a permis un décollage économique, la réduction de la pauvreté et élargi considérablement la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, socle électoral du BJP. Mais les inégalités se sont aussi creusées : entre 1980 et 2014, la part de revenu captée par les 10 % des Indiens les plus riches est passée de 30 à 56 % (source : rapport publié le 14 décembre 2017 par le Projet World Wealth and Income Database WID, cité par Le Monde, 15 décembre 2018).
      La majorité hindoue se sent discriminée

      De fait, le choix de thèmes clivants, le recours à la violence se sont avérés électoralement bénéfiques pour le BJP. Pas nécessairement immédiatement : le BJP n’a pas remporté les élections générales de 1989 ni celles de 1991, alors même que le parti était dirigé par LK Advani, qui prônait une politique de rupture, qu’il a notamment incarnée par son fameux Ram Rath Yatra, marche politico-religieuse qu’il a conduite de septembre à octobre 1990 de Somnath (Gujarat) vers Ayodhya. Advani fut arrêté avant d’atteindre sa destination. En décembre 1992, la destruction de la mosquée Babri par des militants de la VHP (6) et du RSS a déclenché des violences entre hindous et musulmans, qui ont fait plusieurs milliers de morts à travers le pays, tout particulièrement à Bombay en 1993.

      Pour la première fois, le BJP accède au pouvoir au Gujarat en 1995, l’année même ou le Shiv Sena, un parti xénophobe et antimusulman, emporte les élections municipales à Bombay. En 2002, la mort de militants nationalistes et de pèlerins hindous, brûlés vifs dans leur wagon à bord du train qui les ramenait d’Ayodhya (7), déclenche des pogroms antimusulmans au Gujarat, qui font près de 2 000 morts, presque tous musulmans. Soupçonné d’avoir encouragé, ou du moins laissé faire, les milices nationalistes hindoues, Modi, chef du gouvernement du Gujarat depuis l’année précédente, est frappé d’ostracisme à l’étranger (les États-Unis lui refuseront un visa dix ans durant). L’intéressé laisse dire et refuse de commenter, entretenant le soupçon chez ses adversaires, mais renforçant sa stature au sein de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine hindoue, qui constituent le socle de l’électorat du BJP. Après 2002, le BJP progresse fortement dans les régions du Gujarat où les violences ont été les plus marquées.

      Modi a correctement lu l’évolution de la société indienne vers le « majoritarianisme » (8). De façon croissante, la population hindoue a le sentiment d’être discriminée en faveur de la minorité musulmane, cajolée (pampered) par le parti du Congrès [parfois surnommé de façon péjorative Khangress (9)], qui s’en sert comme d’un réservoir de voix (vote bank), et se reconnaît dans la politique du BJP, qui refuse les concessions (appeasement) envers les musulmans. On est désormais au cœur de l’hindutva telle que la concevaient Savarkar et Golwalkar : les minorités religieuses ne peuvent être tolérées en Bharat (Inde) que si elles se plient à la culture de la majorité hindoue (y compris les codes religieux) et renoncent toute revendication spécifique.

      Et pourtant, la campagne électorale du BJP en 2014 n’a pas été menée sur les thèmes de l’hindutva. Ils en sont même singulièrement absents. Cette campagne, très personnalisée autour de Modi, mettait en avant le développement (vikas) et la bonne gouvernance, la fin de la corruption (liée au Congrès) et la création d’emplois grâce aux investissements privés venus de l’étranger. En d’autres termes, il s’agissait d’appliquer à l’Inde tout entière les recettes économiques qui ont fait le succès du « modèle Gujarati » dont Narendra Modi était crédité dans l’opinion.

      Cependant, quatre ans après l’accession au pouvoir du BJP, les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Les milieux d’affaires reprochent au gouvernement la timidité et la lenteur des réformes économiques, en dépit des promesses. La création d’emplois se fait attendre et les investissements directs étrangers, bien qu’en progression, ne sont pas à la hauteur espérée, malgré les multiples voyages du premier ministre au cours desquels il martèle son slogan, Make in India, promettant dans chaque pays d’installer en Inde un climat favorable aux investisseurs. Séduits, ou simplement bienveillants, ceux-ci tardent néanmoins à venir car, nonobstant le volontarisme de Modi, l’Inde demeure un pays compliqué pour les entrepreneurs étrangers.

      De surcroît, la démonétisation surprise, en novembre 2016, des billets de 500 et 1 000 roupies, qui a soudainement retiré 86 % de la masse des billets en circulation, a fait perdre à l’Inde plus d’un point de croissance en 2017. Ce qui était présenté comme un coup politique hardi afin d’assécher l’argent noir de la corruption s’est avéré avoir été mal préparé et a privé de ressources les cultivateurs au moment où ils devaient acheter leurs semences (en espèces). Sans surprise, cela s’est traduit l’année suivante par une baisse des récoltes.

      L’exemple peut se décliner dans divers secteurs de l’économie. L’incapacité – du moins temporaire – du gouvernement BJP à tenir les promesses économiques de la campagne de 2014 a entraîné une dégradation de son image et de sa popularité, même si le BJP a encore enregistré des succès électoraux en 2016 et 2017, comme en Uttar Pradesh, où le BJP a remporté, en mars 2017, les trois quarts des sièges de l’Assemblée du plus grand État de l’Inde, dont la population équivaut à celle du Brésil. C’est Narendra Modi lui-même qui a choisi pour le diriger un moine connu pour ses positions extrémistes, Yogi Adityanath, très en pointe dans la dénonciation des musulmans.

      Il est notamment à l’origine des campagnes contre le love jihad, autrement dit le mariage entre une femme hindoue et un homme musulman. Selon la théorie du love jihad, il s’agirait d’un plan délibérément conçu pour islamiser la société hindoue en tirant parti de la naïveté de jeunes hindoues séduites par des « Roméo » musulmans. Des brigades font la chasse à ces couples mixtes et parviennent parfois à les faire arrêter par la police, et, plus rarement, à les faire traduire devant les tribunaux.

      Parallèlement, les milices de défense de la vache (gau rakshaks) traquent les consommateurs de viande de bœuf. Ces dernières années, les cas de violences, parfois mortelles, à l’encontre de personnes simplement soupçonnées de transporter ou de stocker de la viande de bœuf ou de convoyer des vaches pour les abattre, se sont multipliés. L’année 2018 a connu une succession de lynchages qui a amené la Cour suprême à enjoindre au gouvernement central de prendre des mesures pour mettre fin à la mobocratie (la loi de la populace). L’État du Mahrashtra, pour sa part, a interdit en 2015 le commerce et le stockage de la viande de bœuf. Il se trouve que la filière bovine emploie presque exclusivement des musulmans ou des dalits (ex-intouchables). Musulmans et dalits sont également, et de loin, les premières victimes de ces lynchages, dont les auteurs sont ouvertement soutenus par quelques élus régionaux du BJP.

      Cette radicalisation, ce repli sur les marqueurs identitaires, est manifeste dans la campagne menée en décembre 2017 par le BJP pour conserver le Gujarat (État que Narendra Modi a dirigé pendant dix ans). Il n’y était plus question de vikas ni de bonne gouvernance, mais d’insinuer que le Pakistan voulait la victoire du Congrès au Gujarat, avec des références à Aurangzeb (empereur moghol honni des hindous pour son intolérance), et de suggérer que le Congrès voulait désigner un musulman à la tête du Gujarat. En fin de compte, le BJP a conservé de justesse la majorité des sièges, au terme d’un scrutin qui fait figure de victoire à la Pyrrhus pour le parti au pouvoir.

      À la fin de 2017, un membre du gouvernement fédéral a publiquement déclaré que le BJP comptait bien abolir la laïcité de la Constitution indienne. Il n’a pas été suivi sur ce terrain par ses collègues, mais il ne fait pas de doute que le désaccord porte non sur l’objectif mais sur le rythme des réformes. Si les élections de décembre 2017 au Gujarat peuvent donner un aperçu des thèmes de la prochaine campagne au niveau fédéral pour les élections de 2019, il serait exagéré pour autant d’évoquer un rythme accru dans la mise en œuvre du calendrier idéologique du BJP. Il est vrai que depuis 2016, les diverses milices de la Sangh Parivar semblent avoir toute liberté pour défier, souvent par la violence, ceux qui « heurtent les sentiments » des hindous, vandalisant les salles de cinéma qui projettent des films où jouent des acteurs pakistanais ou remettant en question leur vision de l’histoire (même mythologique), s’en prenant physiquement aux mangeurs de bœuf (ou ceux qui sont simplement soupçonnés de l’être), etc.

      Le silence prolongé des autorités – et notamment de leur chef – après la plupart de ces incidents dramatiques est perçu, tant par les partisans de Modi que ses adversaires, comme un encouragement tacite. À plusieurs reprises, cependant, Modi a pris la parole pour condamner sévèrement les excès des milices de défense de la vache. Mais le caractère tardif de ces prises de position et leur inefficacité ne permettent pas de trancher sur le point de savoir s’il condamne vraiment ces exactions ou s’il ne s’agit que d’une concession de forme pour enrayer les critiques montant en Inde comme à l’étranger.

      De façon plus surprenante, le RSS ne semble pas pousser à une accélération du calendrier, tout particulièrement s’agissant de la construction du temple de Ram à Ayodhya. Il préfère manifestement donner la priorité à la révision des manuels scolaires (le nom de Nehru a été banni des manuels scolaires au Rajasthan) et éviter pour l’heure les sujets trop clivants. Son chef suprême, Mohan Bhagwat, multiplie même les déclarations conciliantes, affirmant par exemple en octobre 2017 devant des cadres du mouvement que l’« Inde est une nation d’hindous, mais n’exclut pas les autres », ce qui est une version très édulcorée de l’hindutva, que professe pourtant depuis l’origine le RSS, qu’il dirige depuis 2009. Tout se passe comme si le RSS, donnant la priorité à son projet à long terme, ne voulait pas brûler les étapes au risque de compromettre ses objectifs par un échec du BJP lors du scrutin national de 2019. Il sera toujours temps, après les élections, d’aller plus loin dans l’hindouisation de la société.

      Le BJP a remplacé le Congrès comme parti attrape-tout à l’échelle de l’Union indienne. Il est tiraillé entre la modération nécessaire afin de conserver cette audience et l’intransigeance idéologique de son noyau dur. Le retour de la croissance que prédit le FMI pour 2019 ainsi que les conseils du RSS pourraient inciter Narendra Modi et le BJP à abandonner les thématiques antimusulmanes, auxquelles ils ont eu recours lors des élections de 2017 au Gujarat, pour revenir à des slogans plus neutres idéologiquement, fondés sur le développement, l’environnement et la lutte contre la corruption, et à garder pour plus tard la mise en œuvre d’un programme intransigeant fondé sur l’hindutva.

      (6) La Vishva Hindu Parishad a été créée en 1964 à l’initiative du RSS pour « organiser, consolider la société » et « servir et protéger le dharma (loi naturelle) hindou ».

      (7) Le 27 février 2002, des pèlerins hindous, pour la plupart membres ou sympathisants de la VHP, reviennent d’Ayodhya. Lors de son arrêt en gare de Godhra, le train est attaqué et un incendie se déclare, tuant 59 personnes.

      (8) Ce néologisme, tiré du terme anglais majoritarianism, me semble mieux rendre compte de la réalité que les traductions habituelles (« fait majoritaire », « principe de majorité »).

      (9) Khan est l’un des noms musulmans les plus courants en Inde.

  • Fausses nouvelles : « WhatsApp constitue le plus grand défi »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/011118/fausses-nouvelles-whatsapp-constitue-le-plus-grand-defi

    Aux États-Unis et au Brésil, deux campagnes électorales, des colis piégés artisanaux et une tuerie antisémite ont tragiquement remis sur le devant de la scène la question de la régulation de ce qui s’écrit sur Internet. Alors que la France a toujours en préparation une loi « contre la manipulation de l’information », Mediapart a interrogé Luiz Fernando Marrey Moncau, coordinateur d’un atlas mondial de la législation sur les contenus. C’était il y a quinze jours, une éternité. Facebook faisait visiter à la (...)

    #Facebook #WhatsApp #algorithme #manipulation #publicité

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