country:inde

  • La survie des #guépards menacée par la mode des #félins de compagnie
    https://www.lemonde.fr/international/article/2019/01/19/la-survie-des-guepards-menacee-par-la-mode-des-felins-de-compagnie_5411453_3

    Chaque année, selon des experts, autour de 300 félins seraient arrachés à la savane pour finir dans des appartements de Riyad ou d’Abou Dhabi – soit 1 200 à 1 500 guépards sur les cinq dernières années. « Ces chiffres peuvent sembler modestes, comparés aux dizaines de milliers d’éléphants abattus tous les ans, mais ils sont en réalité dramatiques », selon William Crosmary, directeur de programme pour Traffic, un réseau de surveillance du commerce de faune sauvage en Afrique de l’Est.

    La population du félin, connu pour ses sprints à 120 km/h, s’est effondrée, passant de 100 000 individus au début du XXe siècle à seulement 7 100 aujourd’hui, avec une accélération brutale ces vingt dernières années. Autrefois présent du bassin du Congo jusqu’à l’est de l’Inde, il est maintenant confiné sur à peine 9 % de son territoire originel, essentiellement en Afrique australe et orientale, avec des groupes fragmentés ne comptant souvent plus que quelques dizaines d’individus.

    #trafic #biodiversité

  • En Inde, deux sœurs se travestissent pour maintenir le business familial
    http://www.slate.fr/story/172398/inde-soeurs-pere-malade-habillees-hommes-business-familial

    Dans un village de l’État de l’Uttar Pradesh, au nord de l’Inde, Jyoti, 18 ans, et sa sœur, Neha, 16 ans, ont prétendu être des garçons pendant quatre ans pour maintenir l’activité de barbier de leur père. En 2014, ce dernier est tombé malade au point de ne plus pouvoir travailler. Les deux jeunes femmes ont alors décidé de prendre les choses en main : elles ont coupé leurs cheveux, changé de style vestimentaire et enfilé chacune un bracelet en acier, signe de masculinité en Inde.

    « Nous avons rencontré beaucoup de problèmes lorsque nous avons commencé à travailler en 2014, a déclaré la cadette au Guardian. D’autres habitants du village se sont moqués de nous, mais nous les avons ignorés et nous nous sommes concentrées sur le travail, car nous n’avions pas d’autre choix. »

    Au sein de leur communauté rurale très religieuse et conservatrice, les deux jeunes femmes n’avaient d’autre option que de se travestir : les clients étaient sceptiques que des femmes touchent leurs cheveux et leurs barbes. Neha confie même que certains se comportaient mal avec elles. « Nous avons donc décidé de changer nos tenues, afin que personne ne puisse nous identifier. »

    À LIRE AUSSI En Inde, des femmes achetées pour quelques centaines d’euros
    Hommage du gouvernement

    Jyoti et Neha gagnaient 400 roupies [environ cinq euros] par mois, suffisamment pour payer le traitement médical de leur père et subvenir aux besoins de leur famille. Au fil des années, les sœurs ont pu dévoiler, petit à petit, leurs véritables identités à une partie de leur clientèle. Aujourd’hui, elles déclarent avoir suffisamment confiance en elles pour n’avoir peur de personne. L’aînée a d’ailleurs recommencé à se laisser pousser les cheveux.

    « Cela me fait beaucoup de peine lorsque je les trouve au travail, mais je suis très fier de mes filles. Elles ont sorti la famille d’une crise », a déclaré Dhruv Narayan, leur père. Le vieil homme n’est pas le seul à être impressionné : le gouvernement indien a également rendu hommage aux jeunes femmes. Abhishek Pandey, un officier, applaudit leur bravoure : « Les sœurs sont une inspiration pour la société et leur histoire doit être racontée à tout le monde. »

    #discrimination #femmes #sexisme #transgenrisme

  • La menstruation, #tabou tenace en #Inde

    Pour le Nouvel An, l’hebdomadaire Outlook a publié un numéro spécial dédié à un problème tenace en Inde, celui du tabou qui entoure la #menstruation. Comme l’illustre la bagarre autour de l’accès au #temple hindou de #Sabarimala, dans le Kerala, les règles rendant les femmes “impures” et donc indignes d’entrer dans le sanctuaire aux yeux des extrémistes de cette religion, beaucoup de fantasmes continuent de circuler.

    “En dehors de ce festival d’anxiétés, le paysage des deux dernières années a été marqué par une série de détonations visuelles”, rappelle Outlook, en référence à des manifestations où des serviettes hygiéniques avaient été brandies par des étudiantes. “Des codes inconscients régissent ce qui est ou non acceptable”, dénonce le magazine. Résultat, “ce sujet universel du vivant” suscite la répression et génère, en retour, de “mini-insurrections” jouant dans le registre de la provocation.


    https://www.courrierinternational.com/une/la-menstruation-tabou-tenace-en-inde
    #menstruations #femmes

  • Ces nouvelles armes qui vont donner une avancée militaire considérable à la Russie
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/ces-nouvelles-armes-qui-vont-donner-une-avancee-militaire-considerable-a-l


    La Russie développe des armes de rupture stratégique comme les missiles hypersoniques (Kinjal et Avangard) qui pourront lui conférer à termes une avancée technologique et militaire.
    Crédits : MAXIM SHEMETOV

    La Russie a réussi un test du nouveau système de missile hypersonique russe Avangard, capable de transporter des ogives nucléaires et conventionnelles.

    La Russie développe des armes de rupture stratégique, les missiles hypersoniques (#Kinjal et #Avangard) qui pourront lui conférer à terme une avancée technologique et militaire. Dans ce cadre, Vladimir Poutine a supervisé le test réussi du nouveau système de missile hypersonique russe Avangard, capable de transporter des ogives nucléaires et conventionnelles, a annoncé mercredi le Kremlin selon l’agence de presse RIA. De façon générale, le développement de vecteurs hypervéloces pourrait conférer une avance militaire considérable à un club restreint d’Etats détenteurs, estime le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

    Les armes hypersoniques marquent une rupture
    De telles armes grâce à leur vitesse supérieure à Mach 5, à la condition qu’elles soient associées à des manœuvres, disqualifient les capacités actuelles d’interception des défenses adverses (déni d’accès). Du coup, ces armements peuvent faire peser à tout moment et à toute distance une menace instantanée de frappe conventionnelle, voire nucléaire. Selon le SGDSN, les vecteurs hypersoniques restent encore très immatures et les premières mises en service opérationnelles ne devraient pas intervenir avant plusieurs années et ce, avec de probables limitations en termes de charge utile, d’autonomie de navigation et de précision terminale.

    Outre la France, quatre pays disposent de programmes visibles de recherche et de développement en matière d’armements hypersoniques : les Etats-unis, la Chine, la Russie et l’Inde (en coopération avec la Russie). Il est évident qu’à l’horizon 2030, les armements hypersoniques figureront très certainement dans les arsenaux de plusieurs puissances. La France elle-même envisage d’en disposer pour la composante aéroportée de sa dissuasion nucléaire à partir de 2035. Et vraisemblablement avant si la France choisit l’hypervélocité pour les missiles qui vont succéder au Scalp et à l’Exocet , le programme FMAN/FMC, en coopération avec la Grande-Bretagne.

    Le président russe a observé l’essai à distance, d’un bâtiment du ministère de la Défense à Moscou. Le test a eu lieu dans l’extrême-orient russe. Le maître du Kremlin a annoncé en mars une série de nouveautés dans le domaine de l’armement, parmi lesquelles l’Avangard, à l’occasion d’un discours au ton particulièrement offensif. Il a affirmé qu’elles pourraient frapper presque n’importe quel point du globe et échapper à un bouclier antimissile construit par les États-Unis.

    En mars, la Russie avait testé avec succès le nouveau missile hypersonique Kinjal (poignard) qualifié par le président Vladimir Poutine d’"arme invincible". Lors d’un discours au Parlement le 1er mars, le président russe avait assuré que les missiles Kinjal allaient dix fois plus vite que la vitesse du son et pouvaient déjouer les systèmes antimissiles existants.

  • Les piratages avec fuite massive de #données_personnelles, on va finir par s’y habituer. Avant, c’était une fois par semaine, maintenant trois en une journée. Bref, répétons-le une nouvelle fois : VOTRE BASE DE DONNÉES AVEC DES INFORMATIONS PERSONNELLES SERA PIRATÉE. Il est donc crucial de minimiser les données en récoltant moins voire, idéalement, pas du tout. Si vous collectez des donées personnelles, vous êtes responsable de la mauvaise utilisation qui en sera faite.

    Donc, hier :

    1) Piratage de la base #ARIANE du Ministère des Affaires Étrangères français (données sur les contacts des voyageurs) https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/salle-de-presse/communiques-techniques/article/ariane-piratage-de-donnees-communique-f-a-q-13-12-18 https://twitter.com/francediplo/status/1073157281217417216 et l’article de Libération : https://www.liberation.fr/planete/2018/12/13/piratage-au-quai-d-orsay-les-coordonnees-de-540-000-personnes-derobees_16

    2) Piratage d’un fichier du syndicat de policiers #Alliance https://www.lexpress.fr/actualite/societe/enquete/l-inquietante-fuite-des-coordonnees-de-500-policiers_2052828.html

    3) Piratage de la base nationale des citoyens au Brésil (après la Turquie et l’Inde, répétons que c’est une folie que d’avoir une base centralisée de tous les citoyens d’un pays, même si ça fait moderne, e-Gouvernement et tout). https://www.infosecurity-magazine.com/news/apache-misconfig-leaks-data-120

    La prochaine fois que vous entendrez un monsieur sérieux dire avec assurance « il n’y a rien à craindre, la base de données est sécurisée [ou autres éléments de langage comme « anonymisée » ou « cryptée »] », méfiez-vous.

  • Un nouveau monde toujours plus carboné - Journal de l’environnement
    http://www.journaldelenvironnement.net/article/un-nouveau-monde-toujours-plus-carbone,95080

    Ce sera le premier coup dur de cette COP 24. Après une faible croissance, qui suivait trois années de relative stagnation, les émissions de #CO2 anthropiques repartent fortement à la hausse. La mauvaise nouvelle nous est apportée par les contributeurs au Global Carbon Project (GCP), 76 scientifiques de 53 centres de recherche internationaux qui traquent les rejets carbonés.
     
    Entre 2016 et 2017, les émissions mondiales de gaz carbonique ont donc progressé de 1,6%. Les projections pour cette année sont pire encore : +2,7%, rythme accéléré que l’on n’avait observé que durant la première décennie du siècle.
     
    Cette année, le bilan carbone de la Chine et de l’Inde devrait s’alourdir, respectivement, de 4,7% et 6,5%. Malgré le fort recul du charbon dans leur bouquet électrique, les Etats-Unis devraient voir leur contribution carbonée au réchauffement remonter de 2,5%. Quant à l’Europe, elle devrait être l’une des rares régions du monde dont les émissions seraient à la baisse, de 0,7%, probablement. A eux 4, la Chine, les Etats-Unis, l’Union européenne et l’Inde ont émis 59% du carbone mondial. Estimés à 37,1 milliards de tonnes, les rejets carbonés de 2018 sont près de 4 fois supérieurs à ceux de 1960.

    #climat

  • Emmanuel Macron s’oppose à coups de couteau

    La Chine et l’Inde responsables de la forte hausse des émissions gouvernementales de CO2

    L’agriculture mondiale est responsable d’une pollution à télécharger

    La Belgique au bord d’une crise intensive

    Un contretemps à tout rétablissement de l’ISF devant une université des Hauts-de-Seine

    Un jour, un Biathlon « très largement sous-estimé » : le calendrier de l’avent Pixels

    jeu gratuit : Martin Fourcade change tout pour rester au pouvoir

    professeur tué et contradictions du sommet

    #de_la_dyslexie_créative

  • Un RIC chasse un BRICS
    http://www.dedefensa.org/article/un-ric-chasse-un-brics

    Un RIC chasse un BRICS

    Le BRICS (d’abord BRIC) eut son heure de gloire, durant les années 2008-2015, lorsque Lula (puis Rousseff) étai(en)t aux affaires au Brésil et que l’Afrique du Sud était dirigée par Jacob Zuma. Puis les temps ont changé et le BRICS a perdu sa dynamique politique avec des changements de présidents et d’orientation, l’effacement du Brésil et de l’Afrique du Sud, et aussi une certaine incertitude en ce qui concernait l’Inde avec son nouveau Premier ministre Modi.

    Mais voici qu’un événement a eu lieu en marge du G-20, que nous signale notre ami et remarquable commentateur retraité des affaires diplomatiques indiennes, M.K. Bhadrakumar. A l’initiative de Poutine s’est tenu un sommet à trois, avec Xi pour la Chine et Modi pour l’Inde. On voit qu’on retrouve le RIC du BRICS, avec les (...)

  • Quel bilan du G20 pour Ben Salman ? Par Abdelbari Atwan - Actuarabe
    http://actuarabe.com/quel-bilan-du-g20-pour-ben-salman

    La plupart des dirigeants qui ont serré la main au Prince Ben Salman l’ont rencontré en coulisses. Nous parlons ici des chefs des grandes nations telles que la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, la Grande-Bretagne, la France, le Canada et le Mexique. Certains se sont concentrés sur les liens commerciaux, d’autres comme Theresa May lui ont demandé de collaborer avec les enquêteurs turcs dans l’affaire Khashoggi afin que les responsables soient punis de manière transparente, et de soutenir les négociations au Yémen. Quant à Emmanuel Macron, il est allé encore plus loin en demandant une enquête internationale pour déterminer les coupables et les juger. Une vidéo de la rencontre entre les deux chefs d’Etat montre le Président français reconnaissant son inquiétude et accusant le Prince saoudien de ne pas l’écouter, ce que ce dernier a réfuté. Justin Trudeau, le Premier Ministre canadien et dont les liens entre son pays et l’Arabie saoudite sont tendus, a été le plus audacieux en ouvrant l’imposant dossier des violations des droits de l’homme en Arabie saoudite et en évoquant à nouveau la question des militants et militantes incarcérés, en plus de l’affaire Khashoggi.

  • Le Sénat inflige une fessée à Donald Trump
    L’assemble nationale relance le débat sur l’interdiction du désaveu

    Les députés italiens irritent Israël en n’honorant pas une visite promise
    Macron adopte la loi antigivrants souhaitée par Matteo Salvini

    A la frontière mexicaine, l’économie britannique risque de s’effondrer
    Sans accord sur le Brexit, les rêves brisés des migrants de la « caravane »

    Incident en mer Noire : Poutine pèse 300 milliards d’euros
    Les industriels de l’implant parlent d’une « provocation » de Kiev

    Elisabeth Badinter conserve son titre de championne du monde d’échecs
    Magnus Carlsen : « Je ne pense pas qu’on puisse parler librement sur internet »

    Parité : Netflix cible les intercommunalités
    Le haut-Conseil à l’égalité homes-femmes, canal d’émancipation sexuelle en Inde.

    A La Réunion, l’espérance de vie d’Annick a encore baissé
    Les Etats-Unis apportent des premières réponses aux « gilets jaunes »

    #de_la_dyslexie_créative

    Je laisse les antigivrants, création dyslexique du correcteur orthographique

  • " Nocturne indien " par Antonio Tabucchi
    https://enuncombatdouteux.blogspot.com/2018/11/nocturne-indien-par-antonio-tabucchi.html

    « Comment s’appelait-il ? »
    « Il s’appelait Xavier », répondis-je.
    « Comme le missionnaire ? » demanda-t-il. Et il ajouta ensuite : « Il n’est pas anglais, n’est-ce pas ? »
    « Non », répondis-je, « il est portugais, mais il n’est pas venu en tant que missionnaire, c’est un Portugais qui s’est perdu en Inde. »


    Le médecin hocha la tête en signe d’approbation. Il avait une demi-perruque brillante qui changeait de place chaque fois qu’il remuait la tête, comme une calotte de caoutchouc. « En Inde beaucoup de gens se perdent », dit-il, « c’est un pays qui est fait exprès pour cela. » Je dis : « En effet. » Et je le regardai, et lui aussi il me regarda d’un air absent, comme si sa présence était due au hasard, comme si tout était dû au hasard, parce qu’il devait en être ainsi.(...)

    Je me levai et il me précéda dans le long couloir jusqu’à la porte d’entrée. Je m’arrêtai un instant dans le hall et nous nous serrâmes la main. Tout en sortant, je le remerciai brièvement. Il sourit et ne répondit pas. Et puis, avant de fermer la porte, il me dit : « La science aveugle laboure des terres stériles, la foi folle vit le rêve de son culte, un dieu nouveau n’est qu’un mot, ne crois pas, ne cherche pas : tout est occulte. »

    Je descendis les marches et fis quelques pas dans l’allée de gravier. Puis je compris brusquement, et me retournai rapidement : c’étaient les vers d’un poème de Pessoa, mais il les avait dits en anglais, c’est pourquoi je ne les avais pas reconnus tout de suite. Le poème s’intitulait Noël. Mais la porte était déjà fermée et le serviteur, au bout de l’allée, m’attendait pour fermer le portail.

  • Le « barattage » de l’Orient et de l’Occident
    https://metaxu.org/2018/11/26/le-barattage-de-lorient-et-de-loccident

    Dans l’Inde de la fin du 19ème siècle, des intellectuels indiens voulurent comprendre la culture de l’Angleterre, le pays qui les avait colonisés. D.K. Gokhale apprit par cœur le Paradise Lost de Milton, les discours d’Edmund Burke et de John Bright, le Rokeby de Walter Scott.

    Il fut surpris de la vacuité spirituelle de ces textes, venus de la puissance occupante.

    Gokhale, fatigué de tant de superficialité, décida de retourner à ses racines védiques. S’efforçant de montrer au monde ce dont l’Inde était porteuse, il traduisit en anglais la Taittirīya-Upaniṣad avec le célèbre commentaire de Śaṃkara.

    Résumons. Pour les uns, la « Parole » est Silence, ou bien Souffle ou encore Sacrifice. Pour d’autres, la « Parole » est Loi, ou Verbe même, ou encore ‘Descente’.

    Comment expliquer de telles variations ? Génie propre des peuples ? Circonstances historiques et culturelles ? Hasards des temps ?

    Un jour peut-être, dans un monde où la culture sera devenue véritablement mondiale, et où l’esprit aura atteint une très grande conscience, dans la majorité des humains, la « parole » se présentera sous d’autres formes encore, sous d’autres visages.

  • Un Américain tué par les flèches d’une tribu coupée du monde | S. BINOY RAJ | Asie & Océanie
    https://www.lapresse.ca/international/asie-oceanie/201811/21/01-5205015-un-americain-tue-par-les-fleches-dune-tribu-coupee-du-monde.php

    Le 16 novembre, John Chau, un Américain de 27 ans, a été encerclé et tué à peine arrivé sur l’île de North Sentinel. Il avait payé des pêcheurs pour le transporter jusqu’à ce lieu, situé au large à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de la ville de Port Blair, mais il avait fini le trajet seul.

    Souvent décrites comme la tribu la plus isolée de la planète, les Sentinelles vivent en autarcie depuis des siècles sur cette île que l’État indien interdit d’approcher à moins de cinq kilomètres.

    Survival International pense que cette tribu descend des premières populations humaines à être parties d’Afrique et vit aux Andaman depuis 60 000 ans.

    Le gouvernement indien a tenté plusieurs expéditions pendant les années 1970 et 1980 pour entrer contact avec les Sentinelles. Après une succession d’échecs, l’Inde y a officiellement renoncé dans les années 1990.

    #résistance

    • Détruire la vie de ces indigènes

      @bce_106_6 effectivement ça fait partie des inquiétudes que soulève cet évenement , au delà des interrogations légitimes sur l’aspect « missionnaire » de cette tentative, la simple présence même fugace de ce type avec ses germes exotiques fait courir un risque sanitaire à la population de l’ile.

    • North Sentinel : deux missionnaires américains dans le viseur de la police indienne
      https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/01/north-sentinel-deux-missionnaires-americains-dans-le-viseur-de-la-police-ind


      Au moins deux missionnaires américains auraient encouragé John Chau (sur la photo) à se rendre dans une île isolée, où il a été tué par une tribu coupée du monde, a fait savoir la police indienne le 1er décembre 2018.
      SOCIAL MEDIA / REUTERS

      La police indienne a déclaré, samedi 1er décembre, enquêter sur le rôle de deux missionnaires américains qui auraient encouragé John Chau à se rendre dans une île isolée où il a été tué par une tribu coupée du monde, qu’il voulait christianiser.

      « Nous enquêtons sur le rôle d’au moins deux Américains, un homme et une femme, qui ont rencontré l’homme parti sur l’île », a déclaré Dependra Pathak, chef de la police dans l’archipel indien d’Adaman-et-Nicobar dans le golfe du Bengale. « Ces deux personnes, qui ont depuis quitté le pays, auraient eu des activités évangéliques et l’auraient encouragé à se rendre sur l’île ».

      hors-sujet : notez le crédit de la photo, Social Media, donc récupéré sur FB ou autre, mais quand même Reuters

  • En Israël, la culture est prise entre deux feux
    Pierre Sorgue, Le Monde, le 16 novembre 2018
    https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/11/16/en-israel-la-culture-est-prise-entre-deux-feux_5384505_4497186.html

    Lana Del Rey, Brian Eno, Peter Gabriel ou Arcade Fire… L’appel au boycott d’Israël pour dénoncer le sort des Palestiniens rencontre de plus en plus d’écho chez les artistes. Un dilemme pour le monde de la culture israélien.

    A trois heures du matin, The Block est à bloc. Le plus célèbre club électro de Tel-Aviv, enfoui sous le béton de la gare routière centrale, reçoit Carl Craig, ponte de la techno de Detroit (Michigan) aux Etats-Unis.

    La foule ondule, saute, tressaute au rythme des basses, dans le brouillard bleu que découpent les faisceaux de projecteurs épileptiques.

    BDS pour Boycott, désinvestissement, sanctions

    Yaron Trax, le maître des lieux, s’est glissé entre les danseurs pour s’assurer des bons réglages de sa sono analogique, réputée l’une des meilleures du monde. Le quadragénaire aux airs adolescents est aux anges parmi ces jeunes gens dont beaucoup sont venus au club comme ils étaient à la plage, en short et tee-shirt. Celui que porte Yaron ce soir-là reproduit les briques et la typographie reconnaissable entre toutes : Pink Floyd, The Wall. Lorsqu’on lui fait remarquer, il sourit comme un enfant contrit : « C’est un tee-shirt formidable et l’album l’est aussi. Quel dommage que Roger Waters soit devenu aussi décevant… »

    Car le musicien britannique, ex-membre de Pink Floyd, est le spectre qui hante la scène israélienne et dérange l’intelligentsia de gauche, celui qui empêche la bulle libérale et hédoniste qu’est Tel-Aviv de flotter innocemment à cinquante kilomètres du mouroir à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza.

    Depuis des années, Roger Waters offre sa voix aux militants internationaux du BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), mouvement né en 2005 de la société civile palestinienne, un an après que la Cour internationale de justice a jugé illégal le mur de séparation construit entre Israël et les territoires occupés.

    Il prône les pressions sur l’État d’Israël pour parvenir à ce que n’ont jamais obtenu des décennies de guerre, de résolutions de l’ONU et de vains processus de paix pendant lesquels le nombre des colons n’a cessé de croître (500 000 aujourd’hui) : la fin de l’occupation des territoires, la pleine égalité pour les citoyens palestiniens d’Israël, le droit au retour des réfugiés chassés de leurs terres.

    La scène musicale comme estrade politique

    Il suffit de voir les gratte-ciel bleutés qui poussent à Tel-Aviv pour s’en convaincre : le boycott économique n’a que peu d’effets. La « start-up nation » se porte bien, ses relations commerciales et diplomatiques n’ont cessé de se développer avec l’Afrique, l’Inde, la Chine, voire certains pays arabes. En ce mois d’octobre encore estival, les plages sont noires de monde, les ruelles de la vieille ville de Jérusalem, pleines de visiteurs : le pays aura accueilli plus de 4 millions de touristes à la fin de l’année, soit 46 % de plus qu’en 2016.

    Au-delà du portefeuille, le BDS s’attaque aussi aux cœurs et aux têtes. Il appelle au boycott culturel et académique, comme celui qui s’exerçait sur l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid. Et celui-là trouve, ces derniers mois, un écho bien supérieur. Depuis longtemps, la scène musicale sert d’estrade politique. D’un côté, Roger Waters, Peter Gabriel, Brian Eno, Elvis Costello, Lauryn Hill (The Fugees), Arcade Fire et d’autres ont annoncé qu’ils ne joueront plus en Israël tant qu’ils ne pourront en accepter la politique.

    De l’autre, Nick Cave, Radiohead, Paul McCartney, Alicia Keys, parmi beaucoup, sont venus au nom du dialogue et du refus de se voir dicter leur conduite. Mais, récemment, deux chanteuses moins politisées et plus populaires parmi les adolescents ont suivi le mouvement : en décembre, Lorde, la jeune rockeuse néo-zélandaise, annulait son concert après avoir été « alertée » par une lettre ouverte signée de deux fans – l’une Juive, l’autre Palestinienne –, puis en septembre, après de nombreux appels dont celui de Roger Waters, Lana Del Rey faisait faux bond. Parce qu’elle ne pourrait pas se produire également dans les territoires palestiniens, dit-elle, elle renonçait à jouer au festival Meteor qui devait être une sorte de Coachella version kibboutznik, dans le nord d’Israël.

    Un « tsunami d’annulations »

    Après le refus, en avril, de l’actrice Natalie Portman de recevoir le Genesis Prize (considéré comme un « Nobel » israélien) pour exprimer son désaccord avec le gouvernement Nétanyahou et les violences commises à Gaza, après la défection de l’équipe d’Argentine de Lionel Messi qui, en juin, a annulé une rencontre amicale avec celle d’Israël à la suite de pressions internationales (de menaces, dit-on du côté israélien), le retrait de Lana Del Rey fut une autre secousse médiatique.

    « Une belle surprise qui aidera peut-être les jeunes à se poser des questions sur une politique insoutenable dans les territoires occupés, mais aussi en Israël, où les Palestiniens, qui représentent 20 % de la population, sont victimes d’une cinquantaine de lois discriminatoires, à commencer par le logement et la terre », explique Kobi Snitz, chercheur en neurobiologie au Weizmann Institute et cofondateur de Boycott from Within (« boycott de l’intérieur »), qui rassemble une poignée de militants suffisamment téméraires pour affronter les torrents de haine qu’ils suscitent au sein du pouvoir, des médias et sur les réseaux sociaux.

    Dans la foulée de Lana Del Rey, quatorze artistes, dont plusieurs DJ, ont décliné l’invitation du festival. Des dizaines d’autres ont exprimé leur soutien au boycott sur les réseaux sociaux. Yaron Trax commence à se faire du souci pour « la capitale du clubbing » qu’est Tel-Aviv. Idit Frenkel, qui officie souvent derrière les platines de The Block, a signé un long article dans le quotidien israélien Haaretz, pour évoquer le « tsunami d’annulations ». Le titre de la tribune était emprunté aux paroles d’une chanson de Don McLean, American Pie (1971) : « The day the music died » [« le jour où la musique est morte »].

    Le boycott la laisse amère : « On peut comprendre ceux qui veulent lutter de manière non violente contre les morts de Gaza, le développement des colonies ou la décision de Trump d’installer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Mais ne pas venir, c’est punir ceux qui essaient de changer les choses, y compris dans la minuscule scène underground qu’abhorrent les nationalistes et les religieux du gouvernement. »

    Si certaines figures de l’électro, comme l’Américano-Chilien Nicolas Jaar ou les Français d’Acid Arab, viennent encore en Israël, ils ne jouent plus à Tel-Aviv mais à Haïfa, au Kabareet, tenu et animé par Jazar Crew, un collectif d’artistes palestiniens. Haïfa, la cité portuaire qui soigne sa réputation de tolérance et de coexistence entre Juifs et Arabes…

    Une forme d’apartheid ?

    Attablé dans un café du centre-ville, Ayez Fadel, 31 ans, l’un des fondateurs et DJ de Jazar Crew, connaît l’antienne par cœur : « Mais même ici, grandir en étant palestinien, c’est éprouver la discrimination. Les écoles publiques arabes moins dotées que les établissements juifs, les boîtes de nuit où l’on te demande ton “Hoger”, le livret militaire que tu n’as pas [la majorité des Arabes citoyens d’Israël n’effectuent pas leur service militaire], la langue… Une nouvelle loi fait de l’hébreu la seule langue officielle, elle dit aussi que le pays est “l’Etat-nation du peuple juif”, alors que je suis un Palestinien vivant ici par la force de l’histoire, que mes impôts servent à protéger les colonies juives et à financer une armée qui a tué 44 enfants palestiniens ces trois derniers mois… Parler d’apartheid ne me paraît pas exagéré. »

    Ayez Fadel comprend le boycott et revendique la dimension politique de Jazar Crew : « Une manière de sensibiliser les jeunes. Nous n’avons plus honte d’être palestiniens, nous sommes éduqués et confiants. Et nous ne cessons de répéter que nos positions ne sont pas contre les Juifs mais contre ce régime. » Le jeune homme se dit prêt à collaborer avec Yaron Trax, qui l’a appelé pour que The Block et Kabareet « organisent quelque chose ensemble ». Mais, précise-t-il, « à condition qu’il fasse une déclaration claire sur l’occupation des territoires et les droits des Palestiniens ».

    Les turbulences qui agitent le microcosme underground reflètent assez bien le désarroi du monde de la culture devant ces appels au boycott. « En ce moment, pas un dîner sans qu’on en parle », reconnaît la responsable d’une galerie d’art installée aux franges de Florentine, ancien quartier d’entrepôts et d’ateliers de Tel-Aviv devenu le préféré des artistes et des bobos. Comme beaucoup d’opposants à l’occupation, elle refuse d’acheter les produits des colonies – certaines se sont spécialisées dans l’agriculture et l’élevage bio – ou le vin venu du Golan. « Mais le BDS culturel, dit-elle, frappe ce qui reste de l’élite de gauche, celle que Nétanyahou et son gouvernement détestent. Si on la muselle, on n’entendra plus que les voix des plus réactionnaires… »

    C’est aussi ce que pense Avi Pitchon, écrivain, critique et commissaire d’expositions : « Le boycott culturel réduit le débat à une polarisation extrême entre les activistes et le gouvernement, il déshumanise et nourrit la paranoïa, ce “nous” contre “eux” dont joue un régime de moins en moins démocratique. Ce tout ou rien est un piège, quoi que disent les créateurs ils seront perdants. Alors, ils préfèrent laisser parler leur art… »

    C’est peut-être pour cela que chercher à les rencontrer pour évoquer la question relève de la chasse au dahu. Groupe pop connu pour ses textes radicaux, écrivain loué comme l’une des « grandes voix morales » du pays, cinéastes, producteurs de concerts, responsables de théâtre, de centre d’art contemporain… tous se disent trop occupés. D’autres se ravisent après avoir parlé et demandent à n’être plus cités.

    Pnina Blayer, la directrice artistique du Festival international du film de Haïfa qui s’est déroulé fin septembre sans les « grands noms » invités, exige les questions par courriel et adresse des réponses aussi sèches que le fleuve Jourdain surexploité : selon elle, la situation dans la bande Gaza et la guerre en Syrie sont les motifs des absences, dont aucune n’a été motivée par le BDS, qui n’aura découragé qu’un film marocain, et si Agnès Varda, à qui le festival rendait hommage, n’est pas venue, ce n’est pas pour des raisons politiques.

    Il faut comprendre sa prudence : pendant que le festival est soumis aux pressions de l’étranger, sa propre ministre de la culture, la très droitière Miri Regev, demande à celui des finances de lui couper les vivres pour avoir accueilli deux films israéliens qui « sapent les valeurs et symboles » de l’Etat (l’un d’eux raconte l’histoire d’un metteur en scène palestinien qui monte une pièce narrant un amour entre une Juive et un Arabe…).

    Le projet de loi « Loyauté dans la culture »

    La même ministre se démène pour l’adoption d’un projet de loi « Loyauté dans la culture » qui veut supprimer les fonds à toute organisation déniant « Israël comme un Etat juif et démocratique » ou qui ferait du jour de l’indépendance celui de la Nakba, la « catastrophe » que vécurent 700 000 Palestiniens expulsés en 1948.

    Le monde de la culture a manifesté le 27 octobre contre ce texte, de nombreux cinéastes israéliens, comme Amos Gitaï ou Ari Folman, sont parmi les signataires d’une tribune parue lundi 12 novembre dans Le Monde pour demander le retrait du texte. En attendant, des députés ont également proposé de punir de sept ans de prison tout appel au boycott et l’entrée du pays est déjà interdite à tout étranger qui soutient activement le BDS.

    Car, pour le gouvernement, c’est la guerre. Au vingt-neuvième étage d’une tour de Bnei Brak, dans la banlieue de Tel-Aviv, une trentaine de personnes travaillent au sein de la National Task Force for Countering Delegitimization (« force d’intervention contre la délégitimisation »), qui dépend du ministère des affaires étrangères.

    « Nous révélons les relations entre le BDS et des organisations terroristes comme le Hamas ou le Front populaire de libération de la Palestine ; comment, sous couvert de droits de l’homme, il s’attaque à la légitimité d’Israël ; comment il bombarde les artistes par des cyberattaques menées par des robots. Nous travaillons avec des centaines d’organisations pro-israéliennes en leur offrant articles, vidéos et autres outils pour affronter les arguments du BDS », résume Tzahi Gavrieli, le directeur.

    Le bureau a lancé la plate-forme 4il sur Internet, Facebook et Twitter : des images de jolies filles montrent la diversité du pays, des vidéos soulignent la réussite de certains « Arabes israéliens ». Des posts saluent la criminalisation du boycott en France (en 2015, la justice a confirmé la condamnation de militants ayant appelé au boycott des produits israéliens) ou en Allemagne (le BDS a été jugé antisémite par l’Office fédéral de la protection de la constitution de Berlin).

    Un post du 23 octobre relaie le rapport de Human Rights Watch sur la torture pratiquée par le Hamas et l’Autorité palestinienne en demandant si la communauté internationale va exercer sur eux les mêmes pressions que sur Israël… Des messages vantent le concours Eurovision de la chanson de mai prochain : avec ses 186 millions de téléspectateurs, la manifestation est une vitrine que le gouvernement ne veut pas voir entachée, malgré l’appel au boycott lancé par 140 artistes internationaux.

    L’« instrumentalisation » du monde de la culture ?

    La lutte contre le BDS est aussi l’affaire d’Adam Shay au sein du Jerusalem Center for Public Affairs, un think tank niché dans un quartier tranquille de la ville sainte. Il « scrute » les militants locaux, conseille les promoteurs de spectacles, essaie de convaincre des artistes ciblés que ce qu’on leur raconte est un tissu de mensonges et qu’ils ne regretteront pas de venir.

    « David Guetta était là la semaine dernière », se réjouit le jeune homme avant de confier qu’il cherchait à faire venir Rachid Taha, peu avant sa mort, en septembre : « Cela aurait été un gros truc » (vu les relations qui liaient le rockeur français à Brian Eno, très impliqué dans le BDS, on imagine mal une réponse positive).

    C’est cette « instrumentalisation » du monde de la culture qui, aux yeux des militants du BDS, justifie les appels au boycott de ceux dont les travaux ou les voyages sont financés par le gouvernement. Ils aident, disent-ils, le pays à soigner son image de démocratie favorable à la liberté d’expression. Les artistes se retrouvent coincés entre le marteau du gouvernement, qui tient (et serre) les cordons de la bourse, et l’enclume des pressions internationales.

    « À l’étranger, nous sommes considérés par certains comme des collaborateurs ; ici, comme des traîtres. Mais l’argent du ministère est aussi celui de mes impôts. Si la solution est de dire non, où va-t-il aller et qui va dire ce que l’on dit ? », demande Hillel Kogan, danseur et chorégraphe de la célèbre compagnie Batsheva, qui dut affronter cet été quelques militants pro-BDS à Montpellier et à Toulouse alors que, invité de la très diplomatique saison « France-Israël », il s’apprêtait, avec le Palestinien d’Israël Adi Boutros, à interpréter sa pièce We Love Arabs.

    Certains dans le pays ont regretté que l’écrivain David Grossman, considéré comme une « conscience » par le camp de la paix, se laisse « enrôler » par le pouvoir en acceptant le prix Israël de littérature 2018 des mains du ministre de l’éducation ou, en 2017, lorsqu’il accompagne à New York une pièce tirée de l’un de ses romans et adaptée par deux troupes israéliennes qui s’étaient produites dans les colonies (ce que l’auteur désapprouve). Ce, sous les yeux de la ministre de la culture qui avait fait le voyage. « Une manière de résister au BDS qui est une nouvelle forme d’antisémitisme », avait dit Miri Regev ce jour-là.

    Car c’est l’argument massue des contempteurs du BDS. Le mouvement a beau condamner racisme et antisémitisme, le public hétéroclite qu’il mobilise laisse parfois suinter des attaques haineuses, voire négationnistes. Dans le petit théâtre de Jérusalem où il travaille avec de jeunes comédiens juifs et arabes, Arik Eshet se souvient du festival de théâtre d’Édimbourg de 2014, lorsque des militants « agressifs » avaient fait annuler son spectacle : « Tu entends des gens crier qu’Israël ne devrait pas exister. C’est traumatisant… »

    La nécessaire mobilisation de la société civile

    Roger Waters est systématiquement accusé d’infamie. Du coup, Gideon Levy, le journaliste de Haaretz qui se démène inlassablement pour évoquer le sort des Palestiniens, ne cesse de défendre le chanteur. « J’ai passé de longues nuits à discuter avec lui, rien ne lui est plus étranger que les sentiments antisémites, ces accusations sont intolérables », assène-t-il dans le salon de sa maison, dont un mur est orné d’une vieille publicité ensoleillée où est inscrit : « Visit Palestine ».

    Un BDS efficace, ajoute-t-il, serait le seul moyen d’en finir avec les bains de sang : « Le changement ne viendra pas de l’intérieur d’Israël, la vie est trop bonne ici. Or les Etats-Unis soutiennent le pays et l’Europe est une plaisanterie : le seul espoir est la mobilisation de la société civile. La gauche sioniste appelle depuis des lustres à deux Etats mais n’a rien fait pour ça, nous devons en payer le prix. La criminalisation du BDS est un scandale : pourquoi serait-il légitime de boycotter l’Iran et pas Israël ? »

    En les réduisant au rang de producteurs de « biens culturels » ou d’instruments du soft power d’un Etat dont ils n’approuvent pas la politique, le BDS interroge les artistes de manière inconfortable sur leurs responsabilités de créateurs et de citoyens au cœur d’une opinion publique au mieux indifférente, au pis de plus en plus xénophobe. Et dans les conversations un nom revient souvent, comme s’ils étaient orphelins d’une figure capable d’indignation, de « courage », disent certains.

    « Il nous manque un penseur comme Leibowitz », glisse le photographe Miki Kratsman, l’un des fondateurs de l’ONG Breaking the Silence qui recueille les témoignages des soldats sur les exactions auxquelles les contraint l’occupation. C’est aussi ce que dit Zeev Tene, un vieux rockeur dont Ari Folman utilisa une chanson pour son film Valse avec Bachir et qui, depuis deux ans, part, le 6 juin, date anniversaire de la guerre des Six-Jours, le long du mur de séparation avec quelques musiciens et un camion en guise d’estrade pour jouer devant une banderole qui proclame « Make Israel small again ».

    Yeshayahu Leibowitz, mort en 1994, grand penseur et moraliste, religieux convaincu et sioniste affirmé, fut un critique féroce de l’occupation qui « détruit la moralité du conquérant ». Outré par la torture, il alla jusqu’à employer le terme de « judéo-nazis »… Or, constate l’historien « post-sioniste » Shlomo Sand, qui fait lui aussi référence à Leibowitz, « je n’ai pas vu l’Université se mettre en grève lorsqu’une succursale a été ouverte dans la colonie d’Ariel. Je n’ai entendu aucune de nos voix de la gauche sioniste prôner l’objection de conscience dans les territoires ou soutenir les refuzniks [qui refusent de servir dans l’armée]. Le BDS les met devant leurs contradictions… »

    Mais le malaise, explique-t-il, vient aussi du fait que, « en posant le droit au retour des réfugiés, le BDS questionne les conditions mêmes de la naissance d’Israël dans un pays encore hanté par la Shoah. Ce droit au retour ne peut être ignoré, mais il faut être honnête : on ne pourra pas accueillir 5 millions de réfugiés. Je soutiens le BDS à condition qu’il ne mette pas en danger l’existence d’Israël. »

    Une situation parfois absurde

    L’historien déplore aussi la « stupidité » de certains appels au boycott culturel. Les musiciens d’Apo and the Apostles, un Arménien de Jérusalem et trois Palestiniens de Bethléem, partagent sûrement son avis. Lorsque ces talentueux garçons qui mêlent leur folk-rock à des nuances orientales doivent se produire dans un festival de musique alternative arabe à Tel-Aviv, le BDS décrète que ce n’est pas acceptable parce qu’ils ne sont pas des « Palestiniens de 48 », ceux restés en Israël…

    Shady Srour aussi a quelques remarques à faire sur les censeurs du BDS : cinéaste palestinien de Nazareth, il a tourné un très joli film dans sa ville natale, Holy Air, où comment un homme essaie de s’en sortir en vendant de l’« air saint » aux touristes venus sur les traces de Jésus. C’est drôle, féministe, sexy, acide, « beckettien », plus grave lorsque les rêves sont empêchés par le seul fait de n’être pas un citoyen comme les autres.

    Mais le BDS ne rit pas : il a demandé son retrait d’un festival du film israélien à Londres, puis du Festival des cinémas arabes de l’Institut du monde arabe, à Paris, qui a congédié le réalisateur d’un bref courrier. « Je suis palestinien, mon père fut l’un de ceux chassés vers le Liban. Me boycotter, c’est m’empêcher d’affirmer mon propre récit face à celui des Israéliens. Le BDS vient chez moi pour me couper la langue… Aucun financement arabe ne m’est accordé parce que j’ai un passeport israélien, où est-ce que je trouve l’argent ? » On comprend que son film soit teinté de tristesse et d’absurde.

    #Palestine #Culture #Apartheid #BDS #Boycott_culturel

  • The Border Between Belgium & The Netherlands at #Baarle-#Hertog / Baarle-#Nassau

    The map above shows the incredibly strange and complex border between Belgium and the Netherlands at Baarle-Hertog (Belgium) / Baarle-Nassau (Netherlands).

    Baarle-Hertog is a Flemish municipality in the Belgian province of Antwerp and has a population of 2,663.
    Baarle-Nassau is a municipality in the Dutch province of North Brabant and has a population of 6,626.

    Baarle-Hertog consists of 26 separate parcels of land, including 22 exclaves in the Netherlands and 3 more on the border. There are also 7 Dutch exclaves within the Belgian exclaves.

    The border developed as a result of various medieval treaties, agreements, land-swaps and sales between the Lords of Breda and the Dukes of Brabant and was only finalised with the 1843 Treaty of Maastricht, 13 years after Belgium declared independence from the Netherlands.

    The border divides some houses between the two countries and has had some interesting commercial side effects:

    For many years the shops in Belgium were open on Sundays, those in the Netherlands not – with the exception of those in Baarle. Taxes in Belgium and The Netherlands differed sometimes a lot, so one could go shopping between two tax-regimes in one single street. There was a time when according to Dutch laws restaurants had to close earlier. For some restaurants on the border it meant that the clients simply had to change their tables to the Belgian side.

    Now that both countries are in the EU, Eurozone and part of the Schengen Area, the differences are now somewhat less important, but no less interesting.

    https://brilliantmaps.com/baarle-hertogbaarle-nassau
    #frontières #Belgique #Pays-Bas #cartographie #visualisation #frontière-ligne (le mythe de -) #complexité #enclaves

    ping @reka

  • LesInrocks - De l’hindi à l’argot français, l’étonnante histoire de la langue rom

    https://www.lesinrocks.com/2013/04/02/actualite/hindi-argot-francais-etonnante-histoire-langue-rom-11380026

    Par Eva Bester

    Parlée par des millions de Roms à travers le monde et ayant donné ses lettres de noblesses à l’argot français, la langue rromani n’en reste pas moins méconnue.

    Des mots comme surin (couteau), bouillave (forniquer) et chourer (de chourave, voler) font parti des nombreux emprunts du français au rromani qui vous permettent de traiter quelqu’un de narvalo (idiot), de plaisanter sur le nombre de berges (années) d’un vieillard, ou encore de menacer un ami cher, de le poukave (dénoncer) ou de le marave (cogner, frapper, tuer).

    Si le français se concentre surtout sur des termes canailles, le rromani reste une langue poétique, chantante et millénaire qui n’a vu l’officialisation de sa forme écrite qu’en 1990. Comme les Roms (normalement orthographié Rroms), elle est originaire de la ville de Kannauj, capitale de l’Inde, il y a plus de 1000 ans. Elle s’est constituée sur la base d’anciens parlers indiens populaires, dont la forme savante était le sanskrit.

    #roms #langues #chansons #musique

  • L’Inde, objet de toutes les convoitises
    http://chroniquesdugrandjeu.over-blog.com/2018/10/l-inde-objet-de-toutes-les-convoitises.html

    Des nombreuses fois où Poutine est passé par l’India Gate de New Delhi, celle-ci restera assurément dans les annales. Beaucoup a été dit et écrit sur la signature du contrat portant sur la livraison des S-400 à l’Inde. C’est la principale information...

  • Découvrez Firefox Lite pour Android
    https://linuxfr.org/news/decouvrez-firefox-lite-pour-android

    Autant je connais et utilise Firefox Focus (alias Firefox Klar sur F-Droid), autant j’étais passé à côté d’une autre variante officielle de Firefox sur Android : Firefox Lite, dont la version 1.0.0 est parue le 1er novembre dernier. lien n°1 : Billet de présentation : « Firefox Lite (Firefox Rocket) — A tailor-made browser for Indonesia »lien n°2 : GitHub du projetlien n°3 : Documentation officielle : « Débuter avec Firefox Lite »Pourquoi Firefox Lite ?

    Firefox Lite (précédemment Firefox Rocket), c’est en quelque sorte Firefox Focus avec des fonctionnalités supplémentaires destinées à ceux qui veulent minimiser leur consommation de données et ainsi faire des économies sur leur forfait.

    Il cible les pays en voie de développement comme la Chine, l’Indonésie, la Thaïlande, l’Inde et les Philippines, mais il (...)

  • Dans le scandale Macron-Pétain, tu dois absolument remarquer que personne ici ne rappelle les faits d’armes du Maréchal dans la guerre du Rif (terminée en 1926) : les massacres dans une guerre où les français ne faisaient jamais de prisonniers, et évidemment les bombardements systématiques à l’arme chimique des villages (avec son allié espagnol, Franco, qui commence déjà à être appelé caudillo).

    Mais l’indignation typiquement françaoui du moment démarre en 1940… (Dans le France post-coloniale, même l’indignation vertueuse peut chlinguer).

    • Il y a bâti son (immense) popularité sur cette illumination à Verdun, 2 ans après le début des combats, en «  découvr[ant] que #le_feu_tue   » (P. Valéry dans le discours de réception de Philippe Pétain à l’Académie française, le 22 janvier 1931).

      Ce qui montre, s’il en était besoin, le niveau de ses petits camarades…

    • A part #Pétain, il y avait #Joffre aussi. L’historien Roger Frænkel (l’auteur de Joffre, l’âne qui commandait les lions) a montré à quel point ce général - fait maréchal et dont de nombreuses rues et places portent encore son nom - était crapuleux, manipulateur, menteur et d’une médiocrité crasseuse. En cachant les désastres militaires du début de la guerre, il s’est fait responsable de la mort de plus de 300 000 soldats.

      Il y a quelques années, nous avons commis un atlas avec l’ami Vidal dans publié par un mensuel dont je tairai le nom, dans lequel Roger Frænkel avait résumé les faits d’armes de ce #grand_homme : Je reproduis ici les 4 000 signes de ce texte :

      Le général Joffre (1852-1931) est à l’origine d’un mot qui, sans que beaucoup le sachent, perpétue son souvenir : « limoger ». Il donna l’ordre, en effet, d’assigner à résidence à Limoges, en septembre-octobre 1914, une centaine de généraux qu’il jugeait incapables. Mais sa propre gloire est-elle bien méritée ?...

      LES ARMÉES FRANÇAISES SOUS LE COMMANDEMENT D’UN ÂNE, DOUBLÉ D’UN IMPOSTEUR

      Lorsqu’en 1911, le gouvernement français le propulse à la tête de l’État-major, Joseph Joffre, simple général de division, est encore inconnu. Formé à l’École Polytechnique, il n’est pas breveté par l’École de guerre – il appartient au Génie – et ses faits d’armes se limitent à la prise de Tombouctou le 12 février 1894, à coups de fusils et canons contre une bande d’indigènes équipés de javelots.

      C’est donc sous l’autorité d’un homme inexpérimenté que l’armée française se prépare à la guerre. Avec le colonel Grandmaison, Joffre élabore une tactique d’offensive à outrance au détriment de la défense du territoire. Le plan XVII, achevé en 1913, encourage – oui, encourage – les Allemands à déployer leur propre stratégie (le Plan Schlieffen) connue du ministère français de la Guerre depuis 1904 et qui prévoit d’attaquer la France par la Belgique. L’objectif de Joffre est ainsi d’attirer les troupes allemandes à la frontière franco-belge, pour ouvrir la voie à une victoire rapide en Lorraine.

      Les opérations d’août 1914 furent ce qu’elles devaient être. Volontairement tenus dans l’ignorance des objectifs poursuivis, les généraux français appliquent les instructions docilement ; l’armée allemande est laissée libre d’envahir la Belgique et peut avancer vers les Ardennes. Les troupes françaises attaquent à Sarrebourg et Morhange, mais, loin de surprendre l’ennemi, se heurtent à une défense solide : les Allemands, eux, ont pensé à protéger leurs frontières.

      Toutes les batailles livrées entre le 8 et le 24 août 1914 – toutes, sans exception – se soldent par des désastres. Le recul est général, la Belgique, submergée. Ces semaines furent les plus sanglantes du conflit : en seize jours, la France déplore autant de morts qu’à Verdun en quatre mois (INDIQUER DATES DE VERDUN ?).
      Pendant un an et demi, les défaites se succèdent, mais Joffre reste aux commandes. Ce n’est qu’en décembre 1916 qu’Aristide Briand obtient la démission du général qui, en compensation, est élevé à la dignité exceptionnelle de « Maréchal de France ». Pourquoi ce retard ? Pourquoi cet honneur ? En partie parce que, seul maître à bord dans la zone des combats, notre généralissime s’est rendu coupable de falsifications qui lui ont permis, grâce aux artifices d’un entourage menacé comme lui d’être congédié, de se maintenir en place.

      Pour cette opération de sauvetage personnel, il fabrique des informations erronées, destinées à tromper le gouvernement sur la réalité de la situation. Taisant les revers subis, il explique avoir disposé ses armées en supériorité numérique dans les meilleures positions, attendant qu’elles accomplissent leur devoir : « la parole est maintenant aux exécutants qui ont à tirer parti de cette supériorité », écrit-il dans un télégramme au ministre de la guerre le 26 août 1914.
      Vingt-quatre heures plus tard, affectant l’air navré du chef qui vient d’être contredit dans ses espérances, il avoue des désastres vieux de plus jours et accable les prétendus responsables : « Force est de se rendre à l’évidence. Nos corps d’armée, malgré la supériorité numérique qui leur avait été assurée, n’ont pas montré en rase campagne les qualités offensives que nous avaient fait espérer les succès partiels du début ».
      Une « évidence », des « succès partiels » ? En tués, blessés, disparus et prisonniers, la saignée d’août 1914 touche, côté français, plus de 370 000 hommes. Les généraux sur le terrain, qui n’ont fait qu’obéir aux ordres, sont décrétés coupables et « limogés ». La supériorité numérique revendiquée n’était pourtant qu’un mensonge.

      Les faits ne sont plus réfutés par personne, mais le souvenir de cette débâcle foudroyante a laissé peu de traces dans la mémoire nationale : Joffre demeure le fameux « vainqueur de la Marne », celui qui réquisitionna les taxis parisiens pour acheminer des hommes au front, celui que la foule ovationna le 14 juillet 1919 sous l’Arc de Triomphe, celui qui eut droit à des funérailles nationales, et dont le Parlement déclara en janvier 1931 qu’il « a bien mérité de la Patrie ». Combien de rues, places et autres avenues portent encore ce nom, celui d’un chef de guerre médiocre et affabulateur ?

      Comme pour Faidherbe, il faudra penser à faire débaptiser tout ce qui sappell Joffre dans ce pays.

      #bande_de_psychopathes #criminels_de_guerre

    • De Gaulle, donc :

      « Des événements excessifs, l’usure de l’âge mena le Maréchal Pétain à des défaillances condamnables, mais la gloire qu’il avait acquise à verdun et qu’il garda pendant 25 ans en conduisant l’armée française à la victoire, ne saurait être contestée et méconue par la patrie ! »

      Amen !

      Je comprends mieux d’où vient la France qui chérit les défilés militaires.

    • Je ne souviens pas qui a écrit que si les crimes d’Hitler sont considérés comme supérieurs à tous les autres, c’est largement parce qu’il a appliqué à des ressortissants européens le traitement usuellement appliqué, cela de manière plutôt banale et sans provoquer de grande indignations en Europe, aux peuples colonisés (Chomsky peut-être ?). Pas parce que, dans l’absolu, il aurait « innové » dans les procédés génocidaires (gazer des civils et éradiquer des populations entières).

      À part un peu la torture en Algérie, les crimes coloniaux français sont totalement occultés. Ce qui m’épate, c’est qu’à l’heure de l’internet et de l’accès immédiat à une foule de sources, des indignations vertueuses en 140 caractères à tout bout de champ, on arrive encore à passer totalement à côté des crimes de guerre et crimes contre l’humanité d’un type aussi connu. Gazer les populations civiles des villages de nos colonies, c’est un détail même pas digne d’être mentionné.

      Quand il y a eu des commémorations sur Churchill, au moins j’ai vu passer un bon nombre de rappels des indignités coloniales du bonhomme sur Twitter.

    • @nidal, tu penses sans doute à Aimé Césaire dans Discours sur le colonialisme :

      [...] et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.

    • S’il faut s’indigner, il n’est pas nécessaire d’aller loin dans l’histoire et le temps. Cette horrible guerre coloniale au Yémen peut très bien faire l’affaire… Maréchal Macron ?

    • Pétain : le rôle méconnu du maréchal dans la Guerre du Rif
      08.11.2018 Par Louis Witter
      https://ledesk.ma/culture/petain-le-role-meconnu-du-marechal-dans-la-guerre-du-rif

      (...) Alors que l’armée espagnole est victime de plusieurs défaites face aux résistants rifains à partir de 1921, la France sent que la République mise en place par Abdelkrim El Khattabi menace ses projets coloniaux en Afrique du Nord et décide d’intervenir dans la Guerre du Rif. La principale déroute espagnole, celle de juillet 1921 à Anoual, pose les bases de la féroce contre-offensive franco-espagnole qui interviendra quelques années plus tard. Le Général espagnol Sylvestre y perd quelques 20 000 hommes et se suicide sur le champ de bataille. A la tête du Protectorat français, le Maréchal Lyautey s’inquiète dans une directive du 20 décembre 1924 d’un éventuel retrait des troupes espagnoles et préconise alors une action de l’armée française pour asseoir de nouveau le pouvoir des armées coloniales dans la région. (...)

  • Sanctions contre l’Iran : les États-Unis redoutent une hausse du prix du pétrole
    https://www.crashdebug.fr/international/15239-sanctions-contre-l-iran-les-etats-unis-redoutent-une-hausse-du-prix

    "L’Inde a expliqué aux Etats-Unis qu’elle ne pouvait pas arrêter ses importations avant mars, alors qu’elle fait

    face à une crise monétaire grave" qui pèse sur le pouvoir d’achat, a commenté Joel Hancock, analyste chez

    Natixis. Le pétrole iranien est bon marché et adapté aux raffineries indiennes. (Crédits : Reuters)

    Après avoir adopté un ton dur à l’égard de Téhéran, Washington a assoupli sa position sur les sanctions, en accordant des exemptions à 8 pays, dont l’Inde et la Turquie, qui pourront continuer à acheter du brut iranien, principale ressource de revenus de l’Iran.

    Avec ses sanctions contre les importateurs de pétrole iranien, Washington pourrait faire basculer un marché à l’équilibre précaire et provoquer une flambée des prix du brut, le tout (...)

    #En_vedette #Actualités_internationales #Actualités_Internationales

  • Effondrement ? – Régis Chamagne
    https://www.regischamagne.fr/effondrement

    Le changement de paradigme géopolitique s’accélère. Les indicateurs, dans le domaine de la défense notamment, sont très clairs : nous assistons en direct à l’effondrement de la puissance militaire américaine. Le reste va suivre.

    Sourire :

    Du reste, la tendance actuelle des USA à lancer des menaces de sanctions économiques tous azimuts – Chine, Inde, Iran, Cuba, Venezuela, Nicaragua, Turquie, etc. -, pour des prétextes divers, est le signe évident d’un pays qui perd le contrôle. Il s’agit d’un aveu de faiblesse. Il faut être idiot ou soumis pour s’imaginer que ces menaces sont crédibles.

  • Ces pays du monde où s’opère la jonction entre religion et nationalisme | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280918/russie-inde-pologne-israel-turquie-iran-quand-la-religion-rencontre-le-nat

    lusieurs dizaines d’États sur la planète sont aujourd’hui gouvernés par des régimes qui relèvent du nationalisme religieux ou qui sont influencés par cette configuration idéologique. Ce phénomène affecte tous les continents, démontrant que cette forme de nationalisme s’adapte à des religions très diverses, monothéistes ou non. Plus intolérant encore que les autres nationalismes face à la dissidence ou à l’opposition, plus inclusif aussi pour tous ceux qu’il entend incorporer au récit national, il se nourrit souvent de l’explosion des inégalités, des frustrations économiques et sociales, et semble désormais constituer une réponse traditionaliste de la « communauté nationale » à la globalisation et à la modernité.

    En Europe, il s’impose surtout à l’Est, au sein de feu l’empire soviétique. En Russie, où l’Église orthodoxe a joué un rôle central dans la quête de la nouvelle identité nationale post-communiste, Vladimir Poutine a été un acteur majeur du retour du religieux sur la scène russe et internationale. Retour qui se traduit aujourd’hui, selon le patriarche orthodoxe Kirill, par un « état de fusion symbiotique entre le fait national et le fait religieux ». En Arménie, en Ukraine, mais aussi en Pologne ou en Hongrie, c’est également le nationalisme religieux qui sous-tend les dérives xénophobes et autoritaires.

    Nous publions ici l’essentiel du chapitre consacré à l’Inde du livre coordonné par Oliver Da Lage, L’Essor du nationalisme religieux, à paraître début novembre.

    • Le nationalisme hindou aux commandes de « la plus grande démocratie du monde »

      par Olivier Da Lage

      Au seuil de l’année 2018, un parlementaire d’Uttar Pradesh, l’État le plus peuplé de l’Inde, dirigé depuis l’année précédente par le BJP (1), a déclaré que le nom du pays étant l’Hindoustan, ce pays était pour les Hindous et eux seuls. Peu auparavant, le ministère du tourisme de l’Uttar Pradesh avait retiré le Taj Mahal de la brochure publiée par le ministère pour vanter les sites à visiter : le monument, symbole de l’Inde dans le monde entier, se trouve être un mausolée construit par un empereur musulman. Parallèlement, un militant nationaliste hindou a – en vain – tenté de faire dire par un juge que le Taj Mahal était en fait un ancien temple hindou.

      À l’approche de Noël et du nouvel an, des brigades hindouistes ont tenté au Madhya Pradesh et au Rajasthan d’empêcher les écoles chrétiennes de célébrer Noël avec leurs élèves d’autres religions, ce qui, selon ces militants adeptes de la menace, relèverait de la « conversion forcée » ; en Andhra Pradesh, les temples hindous ont reçu interdiction de marquer l’entrée dans la nouvelle année du calendrier chrétien, qui ne relèverait pas de la culture hindoue.

      Dans plusieurs États, du nord au sud, des musulmans ou des dalits (ex-intouchables) ont été battus, parfois à mort, par des foules les soupçonnant de transporter de la viande de bœuf ou des vaches destinées à l’abattage. Dans bien des cas, le soupçon était infondé, ce qui n’a pas empêché plusieurs responsables régionaux du BJP, dont le chef du gouvernement du Chhattisgarh, de déclarer que les tueurs de vaches méritaient la pendaison.

      Depuis 2015, des intellectuels ou acteurs célèbres dénoncent un climat d’intolérance. En protestation, plusieurs ont rendu leur Padma Shri, équivalent indien de la Légion d’honneur. Ici et là, des intellectuels et des journalistes ont été tués sans que l’on retrouve leurs assassins. Le point commun de ces victimes était leur défense de la laïcité (secularism) et leur dénonciation des excès du nationalisme hindou. Parallèlement, tout avis négatif, ou simplement réservé sur l’action du gouvernement de Narendra Modi entraîne instantanément des réactions massives et très vives de ses partisans sur les réseaux sociaux, avec l’objectif manifeste d’intimider ceux qui seraient tentés par la critique.

      Bien entendu, les violences intercommunautaires et l’intolérance n’ont pas attendu l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi et du BJP pour se manifester en Inde. Ses partisans ne manquent jamais, et à juste titre, de le rappeler. On assiste cependant incontestablement à une radicalisation et à une intensification de cette intolérance et de ces manifestations violentes. Corollaire de cette banalisation de la violence, le seuil d’indignation s’élève inexorablement et, sans être militants pour autant, de très nombreux membres de la classe moyenne urbaine indienne, qui ont voté en 2014 pour le BJP sur la promesse du développement économique et de la prospérité, en viennent graduellement à trouver naturel que la majorité hindoue (80 % des Indiens) ne tolère les minorités, notamment les musulmans, qui ne représentent que 14 % des habitants, qu’à la condition qu’elles « restent à leur place », c’est-à-dire se rendent aussi invisibles que possible et acceptent un statut de citoyens de seconde zone.

      C’est très précisément la thèse que défendait en 1923 Vinayak Damodar Savarkar dans son manifeste : Hindutva,Who is a Hindu ?. L’idéologie de l’hindutva (hindouité) est restée très minoritaire, voire marginale, tant dans le combat contre l’occupation britannique que plusieurs décennies après l’indépendance, notamment du fait que Nathuram Godse, l’assassin du Mahatma Gandhi, avait appartenu au RSS (2), le mouvement fondé en 1925 pour propager l’hindutva.

      (1) Le BJP (Bharatiya Janata Party), parti nationaliste hindou, est au pouvoir en Inde depuis mai 2014.

      (2) Le Rashtriya Swayamsevak Sangh, créé en 1925 à Nagpur (Maharashtra), est une milice de volontaires chargés de défendre les hindous et de propager l’hindutva.
      Le renouveau hindouiste à la fin du XIXe siècle

      En un sens, le nationalisme hindou est le produit de la colonisation britannique. Il ne s’agit pas de prétendre qu’avant l’arrivée de la Compagnie des Indes orientales, les relations aient toujours été idylliques entre hindous et musulmans, mais, comme dans bien d’autres régions du monde, la colonisation a progressivement donné naissance à une réaction nationaliste qui a pris plusieurs formes. La naissance du Congrès national indien en 1885 incarnait au départ une revendication classique, partie de la demande d’égalité des droits pour évoluer vers une demande d’autonomie, puis aboutir, au fil des années et de la répression, à une exigence d’indépendance.

      Pour sa part, le nationalisme hindou, qui s’est développé à la fin du XIXe siècle, a été dès le départ fondé sur une démarche identitaire favorisée par l’insistance quasi entomologique des Britanniques à diviser les Indiens en sections et sous-sections, entre religions d’abord, et au sein de celles-ci ensuite. Si tous les hindous admettent le principe des quatre grandes castes, les varnas – brahmanes (prêtres), kshatrias (guerriers), vaishyas (commerçants), shudras (serviteurs) –, ce sont largement les Britanniques qui ont fait des jati (corporations dont le métier se transmet héréditairement) des sous-castes de celles-ci, morcelant ainsi une société hindoue déjà très divisée.

      En créant au début du XIXe siècle des établissements universitaires enseignant séparément le hindi et l’ourdou (qui, dans l’usage populaire, se fondaient largement dans ce qu’on appelait alors l’hindoustani), les Anglais ont accentué la séparation entre hindous et musulmans. Enfin, alors que montaient les revendications indépendantistes au seuil du XXe siècle, les Britanniques ont donné aux hindous le sentiment qu’ils appuyaient la minorité musulmane afin de contenir les aspirations de la majorité hindoue.

      En réaction, plusieurs initiatives ont tenté tout à la fois de moderniser l’hindouisme, en insistant sur ce qui rapproche plutôt que ce qui divise, et de rattacher l’essence de l’Inde moderne à ses racines anciennes remontant à l’époque védique. Cette défense des valeurs de l’Inde antique intervient alors même que les administrateurs coloniaux et les hommes politiques anglais insistaient dans leurs discours publics et dans leurs correspondances privées sur ce qu’ils dépeignaient comme la barbarie intrinsèque des traditions hindoues, auxquelles, pour la plupart, ils déniaient la qualité de civilisation.

      En 1875, l’arya samaj (la noble société) est fondée, avec pour ambition de promouvoir les valeurs védiques de l’hindouisme et la croyance en un seul dieu. L’arya samaj introduit le prosélytisme, notion jusqu’alors inconnue dans l’hindouisme. À Bombay, Lokmanya Bal Gangadhar Tilak, pourtant membre du Congrès et partisan d’un rapprochement avec les musulmans, relance la cérémonie hindoue de Ganesh Chathurthi, tombée en désuétude, par laquelle le dieu à tête d’éléphant est rituellement immergé chaque année dans l’océan Indien. C’est pour lui une façon de contourner l’interdiction des rassemblements édictée par le colonisateur. En 1893, Swami Vivekananda prononce à Chicago, au Parlement des religions, un discours marquant dans lequel il présente l’hindouisme comme une religion à la fois ancienne et moderne répondant aux problèmes du moment. Un peu plus tard, en réaction à la création de la Ligue musulmane et à la volonté du Congrès qu’hindous et musulmans mènent en commun le combat pour l’indépendance, se crée en 1915 la Hindu Mahasabha (assemblée hindoue panindienne), afin de défendre les intérêts des seuls hindous.

      Parallèlement, certains écrits occidentaux influencent ce nationalisme hindou naissant, notamment ceux de l’orientaliste anglais d’origine allemande Max Muller, fasciné par la civilisation indienne, particulièrement la culture aryenne. Quant aux écrits du Français Arthur de Gobineau, ils développent l’idée ouvertement raciste d’une race aryenne naturellement faite pour diriger, mais il critique les castes supérieures hindoues pour s’être métissées avec les castes inférieures. À une époque où la notion de « race », loin d’être contestée, allait jusqu’à celle de « race anglaise » dans les discours des politiciens les plus réputés, Gobineau et les orientalistes européens ont offert à certains nationalistes hindous le cadre de référence qui leur manquait pour élaborer une théorie fondée sur la supériorité de la « race hindoue ».
      L’hindutva, un projet avant tout culturel

      Ce corps doctrinal, élaboré au fil des années à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, a une date de naissance officielle : 1923. Cette année-là, paraît un livre de 141 pages intitulé Hindutva, who is a Hindu ?. Signé : « Un Marathe. » Son véritable auteur, Vinayak Damodar Savarkar, est alors emprisonné pour ses activités antibritanniques. La thèse qu’il développe dans cet ouvrage est que les hindous, tirant leur nom de la terre qui est la leur (Hindoustan), doivent reprendre leur destin en main face aux étrangers qui les dirigent (les Britanniques), mais aussi vis-à-vis des musulmans et des chrétiens qui, du seul fait qu’ils sont nés en Inde, se considèrent comme Indiens. Ce n’est pas suffisant, argue Savarkar, car l’appartenance à une nation suppose de réunir trois critères sans lesquels il n’est pas d’appartenance commune :

      • L’attachement à la terre des ancêtres, qui s’étend du « Sindhu au Sindhu », bordée par l’Himalaya et l’océan, en tant que mère patrie.
      • Le lien du sang, hérité de ses ancêtres, qui forge l’appartenance à la « race hindoue », peu important par ailleurs que la progéniture soit la conséquence d’unions sexuelles inter-castes.
      • L’appartenance revendiquée à la culture et à la civilisation hindoues, à des figures historiques vénérées en tant que héros, à des fêtes communes, à des rites et sacrements communs et à des lois communes.

      Il est clair, poursuit Savarkar, que si nombre de chrétiens et musulmans (dont les ancêtres hindous ont été convertis autrefois) peuvent se prévaloir des deux premiers critères, tel n’est pas le cas s’agissant du troisième. En conséquence, chrétiens et musulmans ne peuvent être considérés comme appartenant à la nation hindoue. Pour Savarkar, le problème est essentiellement culturel, bien davantage que religieux. Au point qu’il va jusqu’à préciser : « Certains d’entre nous sommes monothéistes, d’autres panthéistes, certains sont théistes, d’autres athées – nous sommes tous hindous et partageons le même sang. Nous ne sommes pas seulement une nation, mais une race, une fraternité de naissance. »

      L’idéologie de l’hindutva, ainsi développée par Savarkar, est précisée une quinzaine d’années plus tard avec la publication de We or Our Nationhood defined, édité en 1939 par MS Golwalkar (3), l’année même où il est choisi par le fondateur du RSS Hedgewar pour lui succéder. Disciple de Savarkar, Golwalkar est également un praticien de l’hindutva puisque cette idéologie constitue la colonne vertébrale du RSS, fondé en 1925 sur le modèle des milices fascistes.

      Dans son livre, il reprend et complète la thèse de Savarkar : les hindous ont contrôlé leur terre pendant 8 000 à 10 000 ans avant d’être envahis. Contrairement aux théories de Muller, ce ne sont pas les Aryens nordiques qui ont envahi l’Inde, mais le contraire, car jadis, soutient Golwalkar, le pôle Nord se trouvait dans ce qui est aujourd’hui le Bihar ou l’Orissa (nord-est de l’Inde). Ce sont donc bien les Indiens et nul autre peuple qui sont à l’origine de la grande civilisation indo-européenne.

      Golwalkar entreprend alors de faire l’éloge du pangermanisme ainsi que de la façon dont l’Allemagne traite la question des minorités culturelles et ethniques : afin de préserver la pureté de la race et de sa culture, l’Allemagne a choqué le monde en purgeant le pays des races sémitiques, les juifs. La fierté raciale s’est ici manifestée à son plus haut. L’Allemagne a également montré à quel point il est presque impossible pour les races et les cultures ayant des différences remontant à leurs racines d’être assimilées en un tout unifié, une bonne leçon à retenir pour nous en Hindousthan dont nous devons tirer profit.

      Et de conclure que le Congrès est une invention des Anglais (4) afin de diviser les hindous, ce qui a fait perdre à ces derniers le sens de la nation que Golwalkar les exhorte à retrouver. Savarkar, qui, en 1937, a pris la tête du Hindu Mahasabha, lance en 1942 un mot d’ordre : « Hindouiser la nation et militariser l’hindouisme », tout en s’opposant au mouvement Quit India lancé par Gandhi.

      Le nationalisme hindou est longtemps resté marginal dans la politique indienne. Interdit en 1948 après l’assassinat de Gandhi, puis préautorisé un an plus tard, le RSS a pris soin (comme il le fait encore aujourd’hui) d’affirmer que sa mission est avant tout culturelle et non politique. Les partis se réclamant de l’hindutva ne pesaient presque rien du temps de Nehru. Leur progression à partir des années 1960, mais surtout de la fin des années 1970, est dans une large mesure l’effet de l’usure du Congrès, qui a dominé la vie politique de façon hégémonique avant et après l’indépendance. De mouvement de libération nationale englobant toutes les tendances politiques, le Congrès s’est progressivement mué en parti dirigé par une dynastie (Nehru-Gandhi) et miné par la corruption, aboutissement logique de l’exercice du pouvoir pratiquement ininterrompu pendant plusieurs décennies.

      Il faut attendre 1977 pour qu’un gouvernement soit dirigé par un adversaire du Congrès. C’est la conséquence de la dictature exercée par Indira Gandhi pendant l’état d’urgence (1975-1977). Encore s’agit-il d’un gouvernement de coalition et le premier ministre Morarji Desai est lui-même un ancien dirigeant du Congrès. Le retour au pouvoir du Congrès en 1980 est à peine éclipsé en 1990 et 1991 par d’éphémères gouvernements de coalition, certes soutenus par le BJP, mais dont la politique n’est pas marquée par l’idéologie nationaliste hindoue.

      Cependant, l’Inde entre progressivement dans une culture d’alternance et le Congrès n’est plus voué à rester au pouvoir quoi qu’il arrive. C’est le BJP, qui a pris en 1980 la suite du Bharatiya Jana Sangh, qui incarne cette alternance. Ses cadres, depuis l’origine, sont généralement issus du RSS, qui les « délègue » au BJP, assuré qu’ils ont été formés à l’hindutva. Pourtant, après des débuts marqués par une intransigeance idéologique, tout particulièrement sous la présidence de Lal Krishna Advani (1993-1998), les échecs électoraux successifs amènent le parti à s’en remettre à l’un de ses fondateurs, Atal Bihari Vajpayee, partisan d’une ligne plus modérée. Ce dernier mène le parti à la victoire en 1998 et en tant que Premier ministre, Vajpayee parvient à la fois à s’inscrire dans la lignée des gouvernements précédents (Congrès) tout en infléchissant la politique suivie jusqu’alors vers un rapprochement marqué avec Israël et les États-Unis et une libéralisation accrue de l’économie (5).

      Ces inflexions sont par la suite assumées et reprises à son compte par la coalition dirigée par le premier ministre Manmohan Singh (Congrès), au pouvoir de 2004 à 2014. Car de 1998 à 2004, contraint par ses partenaires au sein de la coalition, Vajpayee n’était pas libre d’appliquer à sa guise le programme du BJP. Tout au plus a-t-il tenté de remanier les programmes scolaires en présentant les Moghols (musulmans) comme des envahisseurs ou en rehaussant le rôle des personnages opposés à Nehru dans la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Mais faute de majorité, il a prudemment évité de mettre en œuvre les points essentiels du programme du BJP, à savoir l’abrogation de l’article 370 de la Constitution qui accorde un statut particulier au Cachemire (État du Jammu et Kashmir), la construction à Ayodhya d’un temple consacré à Ram sur l’emplacement de la mosquée Babri, détruite par des militants nationalistes hindous en décembre 1992, et la mise en place d’un code civil uniforme, c’est-à-dire l’abolition des dispositions spécifiques aux chrétiens et surtout aux musulmans.

      (3) Madhav Sadashiv Golwalkar, originaire du Maharashtra, a dirigé le RSS de 1940 jusqu’à sa mort, en 1973.

      (4) De fait, c’est bien un fonctionnaire britannique, Allan Octavian Hume, qui en est à l’origine.

      (5) Cette libéralisation a permis un décollage économique, la réduction de la pauvreté et élargi considérablement la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, socle électoral du BJP. Mais les inégalités se sont aussi creusées : entre 1980 et 2014, la part de revenu captée par les 10 % des Indiens les plus riches est passée de 30 à 56 % (source : rapport publié le 14 décembre 2017 par le Projet World Wealth and Income Database WID, cité par Le Monde, 15 décembre 2018).
      La majorité hindoue se sent discriminée

      De fait, le choix de thèmes clivants, le recours à la violence se sont avérés électoralement bénéfiques pour le BJP. Pas nécessairement immédiatement : le BJP n’a pas remporté les élections générales de 1989 ni celles de 1991, alors même que le parti était dirigé par LK Advani, qui prônait une politique de rupture, qu’il a notamment incarnée par son fameux Ram Rath Yatra, marche politico-religieuse qu’il a conduite de septembre à octobre 1990 de Somnath (Gujarat) vers Ayodhya. Advani fut arrêté avant d’atteindre sa destination. En décembre 1992, la destruction de la mosquée Babri par des militants de la VHP (6) et du RSS a déclenché des violences entre hindous et musulmans, qui ont fait plusieurs milliers de morts à travers le pays, tout particulièrement à Bombay en 1993.

      Pour la première fois, le BJP accède au pouvoir au Gujarat en 1995, l’année même ou le Shiv Sena, un parti xénophobe et antimusulman, emporte les élections municipales à Bombay. En 2002, la mort de militants nationalistes et de pèlerins hindous, brûlés vifs dans leur wagon à bord du train qui les ramenait d’Ayodhya (7), déclenche des pogroms antimusulmans au Gujarat, qui font près de 2 000 morts, presque tous musulmans. Soupçonné d’avoir encouragé, ou du moins laissé faire, les milices nationalistes hindoues, Modi, chef du gouvernement du Gujarat depuis l’année précédente, est frappé d’ostracisme à l’étranger (les États-Unis lui refuseront un visa dix ans durant). L’intéressé laisse dire et refuse de commenter, entretenant le soupçon chez ses adversaires, mais renforçant sa stature au sein de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine hindoue, qui constituent le socle de l’électorat du BJP. Après 2002, le BJP progresse fortement dans les régions du Gujarat où les violences ont été les plus marquées.

      Modi a correctement lu l’évolution de la société indienne vers le « majoritarianisme » (8). De façon croissante, la population hindoue a le sentiment d’être discriminée en faveur de la minorité musulmane, cajolée (pampered) par le parti du Congrès [parfois surnommé de façon péjorative Khangress (9)], qui s’en sert comme d’un réservoir de voix (vote bank), et se reconnaît dans la politique du BJP, qui refuse les concessions (appeasement) envers les musulmans. On est désormais au cœur de l’hindutva telle que la concevaient Savarkar et Golwalkar : les minorités religieuses ne peuvent être tolérées en Bharat (Inde) que si elles se plient à la culture de la majorité hindoue (y compris les codes religieux) et renoncent toute revendication spécifique.

      Et pourtant, la campagne électorale du BJP en 2014 n’a pas été menée sur les thèmes de l’hindutva. Ils en sont même singulièrement absents. Cette campagne, très personnalisée autour de Modi, mettait en avant le développement (vikas) et la bonne gouvernance, la fin de la corruption (liée au Congrès) et la création d’emplois grâce aux investissements privés venus de l’étranger. En d’autres termes, il s’agissait d’appliquer à l’Inde tout entière les recettes économiques qui ont fait le succès du « modèle Gujarati » dont Narendra Modi était crédité dans l’opinion.

      Cependant, quatre ans après l’accession au pouvoir du BJP, les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Les milieux d’affaires reprochent au gouvernement la timidité et la lenteur des réformes économiques, en dépit des promesses. La création d’emplois se fait attendre et les investissements directs étrangers, bien qu’en progression, ne sont pas à la hauteur espérée, malgré les multiples voyages du premier ministre au cours desquels il martèle son slogan, Make in India, promettant dans chaque pays d’installer en Inde un climat favorable aux investisseurs. Séduits, ou simplement bienveillants, ceux-ci tardent néanmoins à venir car, nonobstant le volontarisme de Modi, l’Inde demeure un pays compliqué pour les entrepreneurs étrangers.

      De surcroît, la démonétisation surprise, en novembre 2016, des billets de 500 et 1 000 roupies, qui a soudainement retiré 86 % de la masse des billets en circulation, a fait perdre à l’Inde plus d’un point de croissance en 2017. Ce qui était présenté comme un coup politique hardi afin d’assécher l’argent noir de la corruption s’est avéré avoir été mal préparé et a privé de ressources les cultivateurs au moment où ils devaient acheter leurs semences (en espèces). Sans surprise, cela s’est traduit l’année suivante par une baisse des récoltes.

      L’exemple peut se décliner dans divers secteurs de l’économie. L’incapacité – du moins temporaire – du gouvernement BJP à tenir les promesses économiques de la campagne de 2014 a entraîné une dégradation de son image et de sa popularité, même si le BJP a encore enregistré des succès électoraux en 2016 et 2017, comme en Uttar Pradesh, où le BJP a remporté, en mars 2017, les trois quarts des sièges de l’Assemblée du plus grand État de l’Inde, dont la population équivaut à celle du Brésil. C’est Narendra Modi lui-même qui a choisi pour le diriger un moine connu pour ses positions extrémistes, Yogi Adityanath, très en pointe dans la dénonciation des musulmans.

      Il est notamment à l’origine des campagnes contre le love jihad, autrement dit le mariage entre une femme hindoue et un homme musulman. Selon la théorie du love jihad, il s’agirait d’un plan délibérément conçu pour islamiser la société hindoue en tirant parti de la naïveté de jeunes hindoues séduites par des « Roméo » musulmans. Des brigades font la chasse à ces couples mixtes et parviennent parfois à les faire arrêter par la police, et, plus rarement, à les faire traduire devant les tribunaux.

      Parallèlement, les milices de défense de la vache (gau rakshaks) traquent les consommateurs de viande de bœuf. Ces dernières années, les cas de violences, parfois mortelles, à l’encontre de personnes simplement soupçonnées de transporter ou de stocker de la viande de bœuf ou de convoyer des vaches pour les abattre, se sont multipliés. L’année 2018 a connu une succession de lynchages qui a amené la Cour suprême à enjoindre au gouvernement central de prendre des mesures pour mettre fin à la mobocratie (la loi de la populace). L’État du Mahrashtra, pour sa part, a interdit en 2015 le commerce et le stockage de la viande de bœuf. Il se trouve que la filière bovine emploie presque exclusivement des musulmans ou des dalits (ex-intouchables). Musulmans et dalits sont également, et de loin, les premières victimes de ces lynchages, dont les auteurs sont ouvertement soutenus par quelques élus régionaux du BJP.

      Cette radicalisation, ce repli sur les marqueurs identitaires, est manifeste dans la campagne menée en décembre 2017 par le BJP pour conserver le Gujarat (État que Narendra Modi a dirigé pendant dix ans). Il n’y était plus question de vikas ni de bonne gouvernance, mais d’insinuer que le Pakistan voulait la victoire du Congrès au Gujarat, avec des références à Aurangzeb (empereur moghol honni des hindous pour son intolérance), et de suggérer que le Congrès voulait désigner un musulman à la tête du Gujarat. En fin de compte, le BJP a conservé de justesse la majorité des sièges, au terme d’un scrutin qui fait figure de victoire à la Pyrrhus pour le parti au pouvoir.

      À la fin de 2017, un membre du gouvernement fédéral a publiquement déclaré que le BJP comptait bien abolir la laïcité de la Constitution indienne. Il n’a pas été suivi sur ce terrain par ses collègues, mais il ne fait pas de doute que le désaccord porte non sur l’objectif mais sur le rythme des réformes. Si les élections de décembre 2017 au Gujarat peuvent donner un aperçu des thèmes de la prochaine campagne au niveau fédéral pour les élections de 2019, il serait exagéré pour autant d’évoquer un rythme accru dans la mise en œuvre du calendrier idéologique du BJP. Il est vrai que depuis 2016, les diverses milices de la Sangh Parivar semblent avoir toute liberté pour défier, souvent par la violence, ceux qui « heurtent les sentiments » des hindous, vandalisant les salles de cinéma qui projettent des films où jouent des acteurs pakistanais ou remettant en question leur vision de l’histoire (même mythologique), s’en prenant physiquement aux mangeurs de bœuf (ou ceux qui sont simplement soupçonnés de l’être), etc.

      Le silence prolongé des autorités – et notamment de leur chef – après la plupart de ces incidents dramatiques est perçu, tant par les partisans de Modi que ses adversaires, comme un encouragement tacite. À plusieurs reprises, cependant, Modi a pris la parole pour condamner sévèrement les excès des milices de défense de la vache. Mais le caractère tardif de ces prises de position et leur inefficacité ne permettent pas de trancher sur le point de savoir s’il condamne vraiment ces exactions ou s’il ne s’agit que d’une concession de forme pour enrayer les critiques montant en Inde comme à l’étranger.

      De façon plus surprenante, le RSS ne semble pas pousser à une accélération du calendrier, tout particulièrement s’agissant de la construction du temple de Ram à Ayodhya. Il préfère manifestement donner la priorité à la révision des manuels scolaires (le nom de Nehru a été banni des manuels scolaires au Rajasthan) et éviter pour l’heure les sujets trop clivants. Son chef suprême, Mohan Bhagwat, multiplie même les déclarations conciliantes, affirmant par exemple en octobre 2017 devant des cadres du mouvement que l’« Inde est une nation d’hindous, mais n’exclut pas les autres », ce qui est une version très édulcorée de l’hindutva, que professe pourtant depuis l’origine le RSS, qu’il dirige depuis 2009. Tout se passe comme si le RSS, donnant la priorité à son projet à long terme, ne voulait pas brûler les étapes au risque de compromettre ses objectifs par un échec du BJP lors du scrutin national de 2019. Il sera toujours temps, après les élections, d’aller plus loin dans l’hindouisation de la société.

      Le BJP a remplacé le Congrès comme parti attrape-tout à l’échelle de l’Union indienne. Il est tiraillé entre la modération nécessaire afin de conserver cette audience et l’intransigeance idéologique de son noyau dur. Le retour de la croissance que prédit le FMI pour 2019 ainsi que les conseils du RSS pourraient inciter Narendra Modi et le BJP à abandonner les thématiques antimusulmanes, auxquelles ils ont eu recours lors des élections de 2017 au Gujarat, pour revenir à des slogans plus neutres idéologiquement, fondés sur le développement, l’environnement et la lutte contre la corruption, et à garder pour plus tard la mise en œuvre d’un programme intransigeant fondé sur l’hindutva.

      (6) La Vishva Hindu Parishad a été créée en 1964 à l’initiative du RSS pour « organiser, consolider la société » et « servir et protéger le dharma (loi naturelle) hindou ».

      (7) Le 27 février 2002, des pèlerins hindous, pour la plupart membres ou sympathisants de la VHP, reviennent d’Ayodhya. Lors de son arrêt en gare de Godhra, le train est attaqué et un incendie se déclare, tuant 59 personnes.

      (8) Ce néologisme, tiré du terme anglais majoritarianism, me semble mieux rendre compte de la réalité que les traductions habituelles (« fait majoritaire », « principe de majorité »).

      (9) Khan est l’un des noms musulmans les plus courants en Inde.

  • Kleist et le transhumain vers 1800…
    http://www.dedefensa.org/article/kleist-et-le-transhumain-vers-1800

    Kleist et le transhumain vers 1800…

    Oublions les embarras de la géopolitique et demandons-nous à quelle sauce l’élite globale et milliardaire, technophile et transhumaniste va nous reprogrammer. BRICS et occidentaux tous dans le même sac ! L’Inde a interdit le cash ou presque, la Chine contrôle sa population par le portable, le suédois se fait scanner pour aller au théâtre… La race humaine est fatiguée, me disait Jean Parvulesco peu avant sa mort, et elle désire se faire remplacer non pas démographiquement mais anthropologiquement, et euphoriquement.

    Relisons la fameuse et merveilleuse interview de Lucien Cerise :

    « À vrai dire, une conscience numérique ne serait qu’une forme simulée de vie puisqu’elle serait dépourvue d’épiderme (ou alors un épiderme simulé, donc faux). En effet, le (...)

  • Protect the last of the wild
    http://www.nature.com/articles/d41586-018-07183-6

    A century ago, only 15% of Earth’s surface was used to grow crops and raise livestock1. Today, more than 77% of land (excluding Antarctica) and 87% of the ocean has been modified by the direct effects of human activities2,3. This is illustrated in our global map of intact ecosystems (see ‘What’s left?’).

    #terre #étendues_sauvages

  • L’ALGÉRIE EN 1992 : LE PREMIER PRINTEMPS ARABE QUI N’A JAMAIS LAISSÉ PLACE À L’ÉTÉ - RipouxBliquedesCumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2018/10/l-algerie-en-1992-le-premier-printemps-arabe-qui-n-a-jamais-laisse

    http://www.middleeasteye.net/#Algérie

    Peter Speetjens
    14 janvier 2017

    La guerre civile algérienne oubliée, qui a tué jusqu’à 200 000 personnes, a donné le ton au « printemps arabe » et au paradoxe de la démocratie

    Ce 11 janvier, cela faisait exactement 25 ans que les forces armées algériennes menèrent un coup d’État visant à empêcher le Front islamique du salut (FIS) de remporter les premières élections multipartites après l’indépendance du pays.

    Ce qui aurait pu être le début d’un printemps algérien – des années avant que quiconque n’ose parler d’un pseudo printemps arabe – a déclenché à la place une guerre civile cruelle et sale pendant une décennie.

    Le meurtre, la torture, les disparitions et le massacre de villages entiers devinrent monnaie courante. On estime que 150 000 à 200 000 personnes furent tuées dans ce qui est aujourd’hui un chapitre largement oublié.

    Un printemps algérien

    Malheureusement, le conflit algérien présente des parallèles remarquables avec les événements qui se sont déroulés dans le monde arabe depuis la fin de l’année 2010.

    Par exemple, tout a commencé de manière très semblable avec une série de manifestations de masse et d’émeutes.

    Alors que les prix du pétrole baissaient et que l’économie algérienne entrait en crise, la jeunesse désenchantée était descendue dans la rue en 1988 pour protester contre l’augmentation du chômage et de la pauvreté. Ceci venait s’ajouter à la croyance largement partagée que les immenses richesses pétrolières et gazières du pays ne retombaient jamais dans les poches des individus lambda.

    En réponse aux manifestations, qui firent des centaines de morts, le Front national de libération (FLN), unique entité politique d’Algérie, modifia la constitution pour permettre des élections multipartites libres pour la première fois depuis l’indépendance.

    Ainsi, en 1989, le FIS fut créé. Fortement influencé par les Frères musulmans, ce parti gagna rapidement en popularité. Il devint le plus grand parti lors des élections municipales de juin 1990 et remporta le premier tour des élections législatives en décembre 1991 avec deux fois plus de voix que le FLN au pouvoir.

    Des partisans du FIS se rassemblent dans les rues d’Alger au lendemain du premier tour des élections législatives libres organisées par l’Algérie le 27 décembre 1991 (AFP)

    Cependant, ce dernier avait toujours été intimement lié à l’armée, qui était alors sérieusement inquiète face à la perspective de perdre son pouvoir et ses privilèges. Les militaires n’étaient pas les seuls à commencer à s’inquiéter.
    Bénédictions de l’Occident

    Les Américains n’étaient pas satisfaits de la vive opposition du FIS à la première guerre du Golfe, ni de sa position pro-palestinienne.

    La France, ancienne puissance coloniale à la tête de l’Algérie qui continuait à avoir une mainmise sur l’économie du pays, s’inquiétait de plus en plus de la rhétorique du FIS concernant l’élimination de la langue, de la culture et de l’influence françaises.

    C’est ainsi que Washington et Paris donnèrent le feu vert à l’armée algérienne le 11 janvier 1992 pour annuler le second tour des élections législatives et déclarer l’état d’urgence. Deux mois plus tard, le FIS fut complètement interdit.

     

    Un membre des forces de sécurité algériennes arrête deux sympathisants du FIS dans le quartier de Bab el Oued à Alger le 31 janvier 1992 (AFP)

    En voyant le coup d’État égyptien de juillet 2013 et l’interdiction subséquente des Frères musulmans, il semble que l’armée égyptienne n’ait pas oublié le début du printemps algérien.
    « Nous avons poursuivi une politique d’exclusion des fondamentalistes radicaux en Algérie alors même que nous reconnaissions que cela était en contradiction avec notre soutien à la démocratie », a expliqué plus tard l’ancien secrétaire d’État américain James Baker.

    Le peuple algérien allait payer un lourd tribut pour cet amour sélectif de la démocratie. Après le coup d’État, des dizaines de milliers de membres et de sympathisants du FIS furent arrêtés. Ceux qui ne se retrouvèrent pas en camp de détention au Sahara s’exilèrent ou prirent les armes.

    Arrivée du mystérieux GIA

    Au début, la lutte fut dominée par le Mouvement islamique armé (MIA), qui était lié au FIS. Mais bientôt, le mystérieux Groupe islamique armé (GIA) fit son apparition.

    Opérant à et autour d’Alger, c’est surtout le GIA qui commit les atrocités les plus horribles. Les décapitations, par exemple, se produisaient régulièrement en Algérie bien avant que l’État islamique (EI) ne les filme et choque le monde à travers YouTube.

    Bien qu’officiellement « islamistes », il est aujourd’hui douloureusement clair que le GIA fut infiltré par les services secrets algériens. Plusieurs anciens officiers des renseignements algériens l’ont admis.

    L’objectif des atrocités était de montrer les islamistes algériens sous un mauvais jour, de briser leur base de soutien et de forcer le peuple algérien à choisir le régime militaire comme le moindre de deux maux. Certains soutiennent que le régime syrien, du moins dans une certaine mesure, a joué un jeu similaire avec l’EI.

    On pourrait arguer que, du point de vue du régime algérien, cette stratégie a fonctionné. Peu à peu, la violence a décliné et la guerre s’est terminée avec la mort du dernier émir du GIA, Antar Zouabri, en 2002.

    Héritage répressif

    Le pays est toujours régi par un triumvirat composé de l’armée, du FLN et des services de sécurité. Bien que l’état d’urgence ait été levé en 2011, ce sont eux qui décident des principales politiques, attributions de postes et sphères d’influence du pays.

    Un exemple de l’état général des choses en Algérie est que, pendant de nombreuses années, l’homme le plus puissant du pays était le général Mohamed « Toufik » Mediène, chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). De 1990 à 2015, le chef de l’espionnage algérien a pu faire ou briser n’importe qui.

    Pendant ce temps, l’Algérie n’a guère avancé sur l’échelle de la liberté. Les libertés d’expression, d’association et de réunion sont strictement restreintes.

    En 2016, un journaliste a été arrêté pour s’être interrogé sur la santé du président Bouteflika, un autre pour avoir remis en cause la corruption.

    La corruption est endémique en Algérie. En 2010, le scandale de la Sonatrach a éclaté. Responsable d’environ 98 % des recettes en devises étrangères du pays, la compagnie pétrolière publique algérienne a excellé dans les pots de vin et les dessous-de-table pour les personnes liées à ceux au pouvoir.

    Une entreprise italienne, par exemple, aurait payé 207 millions de dollars pour obtenir un contrat de 8,4 milliards de dollars. L’autoroute principale du pays reliant l’est et l’ouest est considérée comme la route la plus chère jamais construite au monde.

    Cependant, pendant que des pays comme la Tunisie et l’Égypte étaient confrontés à des soulèvements populaires, l’Algérie est restée relativement calme ces dernières années.

    Un mélange de réformes politiques minimales et une augmentation des dépenses du secteur public semblent avoir suffi à maintenir les gens satisfaits et éloignés de la rue.

    La question est : pour combien de temps ? En termes de liberté, de représentation équitable et de répartition égale, quasiment rien n’a changé dans le pays depuis la fin des années 1980.

    Pourtant, comme à la fin des années 1980, le prix du pétrole a chuté et l’Algérie estconfrontée à une crise économique croissante.

    En 2015, les exportations ont quasiment diminué de moitié, la monnaie locale a diminué en valeur, tandis que le déficit budgétaire a presque doublé et le chômage des jeunes a augmenté à près de 30 %.

    Si les autorités étaient obligées de couper certaines des nombreuses subventions qui maintiennent les pauvres sur leurs pieds, le 11 janvier 1992 pourrait soudainement sembler beaucoup moins lointain.

    – Peter Speetjens est un journaliste néerlandais qui a vécu plus de vingt ans au Liban, voyage régulièrement en Inde et s’intéresse plus particulièrement au rôle qu’ont joué les auteurs du XIXe siècle dans la conception actuelle du monde.

    Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

    Photo : plusieurs milliers de partisans du FIS assistent à un rassemblement de campagne au stade olympique d’Alger, trois jours avant le premier tour des élections législatives, le 23 décembre 1991 (AFP).

    Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

    http://lequotidienalgerie.org/2017/01/22/lalgerie-en-1992-le-premier-printemps-arabe-qui-na-jamais-laisse