Les Molly Maguires.
Contrastant singulièrement avec les organisations ordinaires et impuissantes de l’époque, les Molly Maguires, société secrète de mineurs opérant en Pennsylvanie dans les années 1860-1870, avaient commencé, pour atteindre leurs buts, une méthode principale que l’on peut résumer en deux mots : terrorisme et assassinat.
Pour comprendre le phénomène américain des Molly Maguires, il faut remonter dans l’histoire de l’Irlande féodale jusque vers 1840. A cette époque vivait là une petite veuve énergique nommée Molly Maguire, fortement hostile au système de rente alors en vigueur dans sa contrée. Bravant ledit système, elle devint le guide spirituel d’un mouvement de résistance plus ou moins organisé. Barbare à sa façon et, à tout le moins pittoresque personnage que cette Molly, qui se noircissait de temps à autre la face, transportait sous ses jupes un pistolet lié à chacune de ses fortes cuisses et vouait une haine particulièrement tenace aux propriétaires terriens et à leurs agents, aux baillis, aux huissiers. Il semble que l’expression de cette haine ait, chez notre petite veuve, essentiellement consisté à molester ou assassiner ce genre de personnage, qu’elle procédât elle-même ou en chargeât « ses garçons », lesquels s’étaient eux-mêmes baptisés les Molly Maguires, ou Mollies.
Molly avait une dent contre le gouvernement, qui procédait aux collectes d’impôts pour le compte des gros propriétaires tyranniques. Elle était à la tête d’un groupe qu’on appelait le Parti de la Terre Libre et dont l’emblème n’était autre que son propre jupon rouge.
Tout propriétaire, tout agent assermenté expulsant un paysan du coin pour cause d’impayés, prenait le risque de signer du même coup son arrêt de mort. La chose se passait très simplement. Des Mollies, sinon Mme Maguire elle-même en entendait d’abord forcément parler, à un moment ou un autre. Puis on retrouvait le cadavre de l’indélicat, balancé dans un fossé quelconque, ou étendu sans façon sur le sol de chez lui. Cette politique de suppression systématique se révéla tellement efficace que, pour un temps, des régions entières de l’Irlande (notamment Tipperary, West-Meath, les comtés de King et de Queen) furent considérées comme inhabitables par qui que ce fût d’autre que les Mollies eux-mêmes. Les autorités résolurent finalement, sur l’injonction des propriétaires désespérés, de se mettre à persécuter sérieusement la veuve, et ses garçons, jusqu’à ce que ces derniers se décidassent à émigrer en masse vers l’Amérique des années 1850.