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  • « Je suis devenu fou, je veux retourner au bled » : les migrants qui optent pour un #retour_volontaire

    L’aide au retour volontaire a concerné en 2018 plus de 10 000 personnes, dont beaucoup d’Afghans.

    Il a les yeux rouge vif. A plusieurs reprises, il demande s’il pourra aller aux toilettes après l’enregistrement. Dans un hall de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, Noorislam Oriakhail vit ses derniers moments en France, fébrile. Il prend l’avion pour la première fois de sa vie. Au bout du voyage : l’Afghanistan. Comme 1 055 Afghans en 2018, des hommes majoritairement, Noorislam a choisi de rentrer. Ils étaient déjà 970 à avoir opté pour un « retour volontaire » depuis la France en 2017. Volet peu connu de la politique d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, l’aide au retour volontaire a concerné cette année plus de 10 000 personnes au total, un chiffre en hausse de 58 % sur un an.

    Après les Albanais et devant les Moldaves, les Afghans sont les plus concernés par ce dispositif mis en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Une situation qui s’explique : ils sont les premiers demandeurs d’asile en 2018. En outre, précise Didier Leschi, le directeur général de l’OFII, « lorsqu’ils arrivent en France, ils ont déjà déposé en moyenne près de deux demandes d’asile en Europe, principalement en Allemagne et en Suède, où elle a été rejetée ». Ils entrent donc dans la catégorie dite des « Dublinés », ne peuvent pas demander l’asile en France avant un délai de six à dix-huit mois. Dans l’intervalle, ils sont en situation irrégulière.

    L’OFII assume une politique volontariste à leur endroit : « Nous les démarchons pour leur proposer l’aide au retour, d’autant que les retours forcés sont très difficiles », reconnaît Didier Leschi. Au premier semestre, avec 23 éloignements, le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français prononcées à l’encontre des Afghans atteignait 4 %. En plus d’être moins onéreux qu’un éloignement forcé, les retours volontaires ont beaucoup plus de succès.

    « Trop de pression »

    Noorislam est « fatigué » de ne pas parvenir à s’extirper d’une situation précaire. D’un voyage entamé en 2006 et financé par son père et un oncle, il est arrivé « jeune et fort » sur le continent, avec l’Angleterre en ligne de mire. « C’était un rêve, reconnaît-il. J’ai essayé cinq ou six fois avant de réussir à monter dans un camion. » Outre-Manche, il est pris en charge en tant que mineur. Mais, à sa majorité, sa demande d’asile est rejetée et il devient « illégal ».

    Dans la ville de Loughborough (centre de l’Angleterre), Noorislam s’enfonce, affaibli par des soucis de santé. Le petit sac à dos qui lui fait office d’unique bagage après plus d’une décennie en Europe est « rempli de médicaments ». Le jeune homme souffre d’une dystrophie de la rétine – une maladie génétique caractérisée par un déficit visuel très important – et, depuis un an et demi, il explique avoir des problèmes d’incontinence. « Les médecins disent que c’est dans ma tête, assure-t-il, en montrant sa boîte d’antidépresseurs. Si je n’avais pas été malade, j’aurais pu m’en sortir mais, vu ma situation, je lutte pour tout. »

    « Si je n’avais pas été malade, j’aurais pu m’en sortir mais, vu ma situation, je lutte pour tout », témoigne Noorislam Oriakhail avant de monter dans l’avion

    Avec le sentiment d’avoir « perdu [son] temps », Noorislam s’est glissé dans un camion en janvier pour faire le chemin inverse de celui réussi il y a dix ans. Arrivé à Calais, après une nuit dans « le froid et la pluie », il croise des agents de l’OFII. Il est hébergé et on l’informe sur l’asile et le retour volontaire. « J’avais deux semaines pour choisir ou je devais quitter le centre », se souvient-il. Après des atermoiements, Noorislam s’oriente vers l’asile. Mais il est « dubliné », ce qui signifie qu’il risque d’être transféré vers l’Angleterre ou, à défaut, d’errer plusieurs mois avant de pouvoir déposer une demande en France. Il jette l’éponge. « C’est trop de pression », confie-t-il. Le jeune homme rentre en Afghanistan mais, en réalité, il ne doit pas s’y attarder. Sa famille s’est installée au Pakistan alors qu’il était enfant. « Mon père m’a dit qu’il m’aiderait à passer la frontière. »

    Le jour où Noorislam a embarqué, un autre Afghan devait prendre l’avion, mais il ne s’est jamais présenté. En 2018, quelque 1 500 personnes se sont ainsi désistées après avoir demandé une aide au retour. « Ce sont des gens qui peuvent être instables psychologiquement, justifie Didier Leschi. Il y a quelques semaines, un Pakistanais a fait une crise d’angoisse et a dû être débarqué avant le décollage. Depuis, il veut repartir. »

    Qu’est-ce qui motive un retour au pays ? « On ne connaît pas le parcours de ces gens », reconnaît Nadira Khemliche, adjointe au chef du service voyagiste de l’OFII, qui accompagne les candidats au départ à Roissy ou à Orly, jusqu’à leur embarquement sur des vols commerciaux. Nadira Khemliche ne distingue que des profils, les Arméniens qui voyagent en famille, les Chinois qui ont des vols tous les jours, les Ethiopiens qu’elle ne croise que deux ou trois fois l’an… « Parfois, on se demande pourquoi ils veulent rentrer en sachant qu’il y a des bombes chez eux, confie-t-elle. Mais bon, ici, ils n’ont rien. » « Quel est le choix réel de ces gens ?, s’interroge Clémence Richard, en charge des questions « expulsions » à la Cimade. Ils sont à la rue, épuisés socialement, précarisés administrativement. »

    Candidatures marginales

    Pour promouvoir le retour volontaire, l’OFII se déplace sur des campements, dans des centres d’hébergement du 115 ou des centres de demandeurs d’asile dans lesquels s’éternisent des déboutés. L’office tient même des stands dans des salons « diasporiques ». Le retour volontaire donne droit à un billet d’avion et à un « pécule » dont le montant varie. Les Afghans ont actuellement droit à 1 650 euros. Un programme européen permet aussi de financer un projet de réinsertion à hauteur de 3 500 euros.

    Sur un pan de mur de son bureau, à Calais, Laura Defachel, agent du retour volontaire et de la réinsertion de l’OFII, a accroché des photos d’hommes devant des troupeaux de bêtes, dans les montagnes afghanes. « Beaucoup ont saisi l’opportunité pour se lancer dans l’élevage, ouvrir une épicerie ou un magasin de pièces détachées, devenir taxi, assure-t-elle. C’est déterminant pour ceux qui sont partis de leur pays avec la promesse de faire mieux. » Depuis deux mois, toutefois, ce programme a été suspendu, dans l’attente d’un renouvellement. En 2016, l’année du démantèlement de la « jungle », le bureau de Calais a monté plus de 500 dossiers de départs volontaires, les trois quarts en direction de l’Afghanistan et du Pakistan.

    Les candidats au départ restent toutefois marginaux. « Ce sont surtout les personnes épuisées qui ne souhaitent pas demander l’asile en France ou des personnes qui rentrent pour des raisons familiales », analyse Laura Defachel. Elle se souvient de cet homme qui a souhaité partir après la mort de son frère, qui avait fait le voyage avec lui. Il était monté à bord d’un camion et, réalisant qu’il ne prenait pas la direction de l’Angleterre, est descendu en marche. Il s’est tué sur l’autoroute.

    Warseem Mohamad Kareem rentre dans la première catégorie. « C’est Londres ou l’Afghanistan », résume-t-il. Alors qu’il s’apprête à embarquer pour un vol retour, le jeune homme de 27 ans dit avoir dépensé 11 000 dollars (9 645 euros) pour rejoindre l’Europe. Arrivé en France il y a trois mois, il s’est retrouvé dans un cul-de-sac, à Calais et à Grande-Synthe, dans des tentes ou sous un pont. Avec des passeurs afghans ou kurdes, il a tenté vingt ou trente fois de monter dans des camions pour l’Angleterre. A chaque fois, il a été attrapé par la police.

    Le froid, la pluie, la police qui le chasse tous les matins, l’échec ont finalement eu raison de sa détermination. Lors du dernier démantèlement de Grande-Synthe, il a croisé les maraudeurs de l’OFII. « Nous avons faim de paix, pas d’argent », dit-il à l’agent qui lui remet, dans la salle d’embarquement, une enveloppe de billets. Warseem ne s’interdit pas de revenir, un jour. Il semble ignorer qu’il fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire et d’une interdiction de retour pendant un an. Une pratique que toutes les préfectures ne mettent pas en œuvre, mais que l’OFII souhaite développer pour éviter les désistements et les retours. Des méthodes « déloyales », dénonce Clémence Richard : « Cela supprime de fait le droit au désistement. En outre, ces personnes ne rentrent pas dans les catégories de la loi susceptibles de se voir prononcer une interdiction de retour, c’est illégal et ça a aussi des conséquences graves, car cela rend quasi impossible toute demande de visa ultérieure. »

    A court d’argent et d’aide

    En matière de départ volontaire, la contrainte affleure. A partir du 1er janvier 2019, dans le cadre de la loi asile et immigration votée en 2018, les agents de l’OFII iront promouvoir l’aide au retour dans les centres de rétention administrative. Partir de gré, pour ne pas risquer de partir de force. C’est peut-être le dilemme qui aurait fini par se poser à Noorullah Nori. Débouté de l’asile en Allemagne, puis en France, à court d’argent et d’aide, il a signé pour un retour en Afghanistan, après quatre ans en Europe.

    « Moi aussi l’OFII m’a proposé le retour, mais jamais je ne rentrerai », jure Karimi, un Afghan qui a accompagné Noorullah à l’aéroport, après l’avoir recueilli tandis qu’il dormait à la rue. Passé par les errances d’un « Dubliné », Karimi est désormais réfugié en France. A voix basse, il dit à propos de son compatriote : « Il a des problèmes psychologiques. Il est resté longtemps sans parler à personne, avec des pensées négatives. » Il n’est pas le seul, dans le hall de Roissy, à sembler accuser le coup. Un autre Afghan a été déposé à l’aéroport par des infirmiers hospitaliers, prenant de court les agents de l’OFII qui n’avaient pas été informés et ont dû se procurer un fauteuil roulant tandis que l’homme, apathique, laissait son regard se perdre dans le vide, immobile.

    Un Soudanais s’apprête aussi à embarquer. Son air triste intrigue deux Afghans qui veulent savoir ce qui l’accable. Salah Mohamed Yaya a 19 ans. Il dit que depuis des mois il n’a plus de traitement contre le VIH. Cela fait deux ans qu’il est en France, passé par Toulouse, Paris, Nantes, les foyers pour mineurs, la rue, l’hôpital. « Je suis devenu fou, dit-il. Je veux retourner au bled. » Salah n’a pas fait de demande d’asile, sans que l’on sache s’il a vraiment été informé qu’il pouvait le faire. La veille de son départ, il a dormi porte de Villette. Il sent encore le feu de bois.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/31/je-suis-devenu-fou-je-veux-retourner-au-bled_5403872_3224.html

    #retour_au_pays #réfugiés_afghans #France #Afghanistan #asile #migrations #réfugiés

  • Start-ups et proxénétisme : la mutation néo-libérale de l’industrie du sexe | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/12/28/start-ups-et-proxenetisme-la-mutation-neo-liberale-de-l

    Concrètement – et sur la base du fait que deux Allemands sur trois ont acheté du sexe – cela signifie que les femmes allemandes doivent accepter le fait que leur partenaire visite des prostituées. Elles devront aussi accepter que leur fils, quand il aura 15 ans, sera probablement amené dans un bordel par ses copains. Elles ne doivent pas s’offusquer si leur mari donne ses rendez-vous d’affaires dans un bordel. Elles devront se résigner au risque d’attraper une MST si leur conjoint a eu des rapports sexuels non-protégés avec une prostituée avant d’avoir de rapports sexuels avec elles. Sans parler de la perte de confiance et de la grande détresse psychologique qu’entraîne pour ces « Schattenfrauen » (femmes de l’ombre) le fait de savoir que leur mari est client de la prostitution (22). Les femmes allemandes savent aussi qu’elles ne doivent pas aller dans certains quartiers, sous peine d’être harcelées comme si elles étaient elles-mêmes des prostituées. Elles doivent s’habituer au fait que, si elles se rendent avec des amies dans un bar, elles seront la cible d’un harcèlement sexuel insistant de la part des hommes présents – comportement qui est considéré socialement inacceptable en Suède. D’une façon générale, le comportement des hommes envers toutes les femmes est affecté si la prostitution et la pornographie sont socialement légitimées et omniprésentes. Comme en témoigne le fait qu’actuellement, presque toutes les jeunes femmes sexuellement actives se sont vu demander par un ou plusieurs partenaires de performer un acte sexuel proposé dans le porno. La prostitution et le porno représentant les femmes comme des objets sexuels achetables et vendables par les hommes à volonté et selon leur plaisir, leur validation sociale renforce inévitablement la misogynie et le mépris des femmes qui sont le ciment du patriarcat.

    Impressionnant de découvrir que 2/3 des allemands sont des putiers qui violent contre de l’argent pour leur petit confort narcissiques.

    #proxénétisme #prostitution #sexisme #capitalisme #racisme #néo-colonialisme #pédosexualité #esclavage #hommerie #violence_masculine #violences_sexuelles

  • Le revenu universel est-il féministe ?

    Ce fut l’une des propositions inattendues et insolites de la campagne présidentielle de 2017, le revenu universel. Mais quels en sont les effets pour les femmes ? Cette question est souvent balayée d’un revers de main, quand elle n’est pas tout simplement occultée. A l’occasion d’un numéro consacré à cette séquence électorale, la revue Travail, Genre et Sociétés revient sur cette mesure et ses implications pour les femmes. Un état des lieux éclairant proposé par des philosophes, des économistes et des sociologues, dans une perspective féministe. De quoi rappeler que cet axe d’analyse devrait être incontournable et pris au sérieux dans toute discussion sur le sujet.

    En finir avec une vision viriliste du travail La parole est à la défense. « Parce qu’il est utopique et polémique à la fois, [le revenu universel] ouvre une série de débats sur le prix du travail, la qualité des emplois… et de façon plus décisive encore sur les frontières du travail (ce qui en est, ce qui n’en est pas) ». Voilà un argument régulièrement mis en avant par les tenants du revenu universel et que reprennent la philosophe Sandra Laugier et la psychologue Pascale Molinier, qui y sont favorables.

    De manière plus originale – et féministe –, les deux universitaires invitent à « intégrer le care dans la réflexion sur le revenu universel ». Car le travail tel que nous l’entendons aujourd’hui (en réalité, bien souvent l’emploi) est construit sur « la valorisation des tâches réalisées par les hommes et l’exclusion des tâches réalisées par les femmes. Cette valorisation du travail masculin a reposé sur une héroïsation du travail comme activité virile (où l’homme prouve qu’il en est un), associée à un déni de réalité non seulement du travail des femmes, mais des conditions d’exploitation des hommes », soulignent-elles.

    La proposition d’un revenu universel est donc un moyen de « dévoiler la tromperie d’une “valeur travail” construite sur un déni de la masse des invisibles, relégués dans les coulisses d’un monde du travail qui veut les ignorer ». Prendre au sérieux le care dans toutes ses dimensions, c’est « transformer notre vision du travail aussi en faisant apparaître des tâches, et des personnes, comme indispensables au fonctionnement ordinaire du monde ». Et, concrètement, mettre au centre de la réflexion des phénomènes comme la féminisation des migrations transnationales pour prendre en charge les personnes âgées ou dépendantes.

    Les auteures ne sont pas dupes pour autant : oui, le revenu universel peut se transformer en salaire maternel ou rendre encore plus invisibilise le travail du care au lieu de le valoriser.

    Se battre sur le terrain de l’emploi C’est ici que des approches plus empiriques surgissent pour nuancer l’enthousiasme initial. L’économiste Rachel Silvera, qui avait déjà cosigné en 2000 une analyse des écueils du revenu universel pour les femmes, reprend les principaux points d’achoppement. Ces arguments sont aussi portés par le collectif des Economistes atterrés.

    Pour commencer, le diagnostic de départ (fin de l’emploi et fin du travail), qui semble hâtif. Plutôt qu’à une disparition de l’emploi sous l’effet de la révolution numérique, nous assistons à sa mutation (développement d’emplois dans l’informatique mais aussi dans le soin à la personne). Ici, la réponse consiste à améliorer les formations tout au long de la vie, plutôt qu’à mettre en place un revenu de base.

    Quant à la fin du travail, à sa perte de sens, la réalité paraît plus ambivalente notamment pour les femmes : le travail est pour nous à la fois facteur d’aliénation et d’émancipation, rappelle l’économiste. Ce qui n’empêche pas de chercher à remettre en cause la centralité du travail rémunéré ni chercher un meilleur équilibre des temps sociaux. Mais « d’un point de vue féministe, le travail demeure la clé de l’égalité », tranche-t-elle.

    Deuxième argument : le revenu universel redonne un pouvoir de négociation individuel aux précaires, face à l’employeur. Comme je suis assurée de toucher un revenu, je peux plus facilement refuser un emploi que je juge dégradant. Les femmes occupant de fait les emplois les plus précaires (temps partiel et temps de travail morcelé), cela revient à encourager le temps partiel des femmes, pointe la chercheuse. Conclusion là encore : la bataille doit se situer au sein de l’emploi, pour de meilleures conditions de travail et une meilleure reconnaissance des emplois dévalorisés (dont ceux du care).

    Troisième argument : le revenu universel est un moyen de rééquilibrer les temps sociaux, entre emploi et loisir. Mais quid des tâches domestiques et familiales dans les ménages ? Elles échoient très largement aux femmes. Même s’il est individuel et universel, le risque est que le revenu universel renforce les inégalités au sein des couples hétérosexuels. Mais aussi les inégalités sociales entre les femmes : entre celles qui auront un emploi valorisé et celles pour qui il sera plus intéressant de rester chez soi à réaliser un travail domestique rémunéré par le revenu universel.

    Enfin, dernier argument, le revenu universel, parce qu’il est individuel, permettra aux femmes de sortir du statut d’ayant-droits. Le modèle français d’Etat providence est en effet mixte avec des droits sociaux propres pour l’emploi et le chômage (je touche une allocation chômage en fonction de mes cotisations), et des droits dits familialisés pour les minima sociaux : le montant du RSA dépend ainsi de la composition du foyer. Là encore, Rachel Silvera est d’accord sur le diagnostic : un modèle familialisé pénalise les femmes. Mais elle défend une autre solution : individualiser les minima sociaux et supprimer (ou du moins limiter fortement) l’imposition fiscale conjointe.

    Pour changer la vision viriliste du travail, répond-elle donc à Sandra Laugier et Pascale Molinier, il faut changer l’emploi lui-même (revaloriser les « sales boulots », favoriser une mixité des métiers, développer la formation) et partager le travail en amont, par une réduction du temps de travail plutôt que d’accepter le partage du temps de travail tel qu’il existe actuellement et qui pénalise les femmes.

    L’engagement associatif a bon dos Emploi ou loisir ? Mais que recouvre exactement le « loisir » et qu’est-ce que ce loisir si valorisé qu’est l’engagement associatif ? C’est l’objet du troisième article de ce dossier, signé par la sociologue Maud Simonet, spécialiste du travail gratuit et semi-gratuit (type service civique, « indemnisé » à hauteur de 580 euros par mois et sans cotisation chômage) et auteure d’une livre récent, Travail gratuit : la nouvelle exploitation ?.

    Il n’y a pas un « bon » travail gratuit, porteur d’émancipation, dans la sphère associative et un « mauvais » travail gratuit, aliénant, lui, qui serait le travail domestique. « Loin d’échapper aux rapports sociaux de sexe et aux processus d’assignation au féminin, l’espace associatif les reproduit », souligne-t-elle.

    Dans les associations aussi la division du travail est sexuée : aux hommes les postes de pouvoir, aux femmes, le travail invisible et ingrat (préparer le repas et la table pour le repas associatif, nettoyer le centre social après son utilisation par l’association, etc.). A ce plafond de verre du monde associatif s’ajoute un « mur de verre » selon les termes de la chercheuse Sophie Rétif. Au sein du monde associatif, les femmes ont moins accès aux partis et syndicats que les hommes, « dont les carrières militantes sont marquées par une circulation entre ces différents types d’organisations et un pluri-engagement ».

    Bref, « “au nom de l’engagement”, s’opère ainsi dans les associations un “déni de travail”, qui n’est pas sans rappeler celui qui s’opère, “au nom de l’amour”, dans la maison ».

    Autre angle mort du débat qu’elle relève : le rôle de l’Etat dans l’organisation de ce travail gratuit. Il est vital « de saisir combien le bénévolat est aujourd’hui à la fois objet et instrument de politiques publiques, qu’il est en partie financé, construit et orienté par l’État, vers certains secteurs et pour certaines populations. Dans un contexte de rigueur budgétaire et de baisse des dépenses publiques, la mise au travail gratuit, ou indemnisé, de citoyens, qui sont bien souvent des citoyennes, dans les services publics, est l’une des conséquences – et sans doute en partie l’un des objectifs – de ces politiques qui valorisent et soutiennent l’“engagement citoyen” », analyse Maud Simonet. Concrètement, il s’agit du recours au bénévolat dans le cadre de l’aménagement des rythmes scolaires ou l’entrée des services civiques dans les services publics, à l’hôpital, dans l’Education nationale ou à Pôle emploi. Cette « “bénévolisation” du travail dans les services publics, si elle nous concerne tous comme citoyens, concerne au premier chef les femmes comme travailleuses ».

    Face à cela, il faudrait « expliquer en quoi et comment » le revenu universel permettrait enfin de reconnaître et de rendre visible le travail gratuit des femmes, demande-t-elle aux partisans de la mesure.

    D’autant plus que l’opposition entre travail domestique aliénant et engagement associatif émancipateur reproduit en réalité un rapport de classe. Comme le rappelle Bell Hooks à propos des mouvements féministes étasuniens des années 1970, « tandis que les féministes blanches “lasses d’être isolées dans [leurs] foyers” voulaient “être libérées de tout ça pour entrer dans le monde du travail”, les femmes noires qui avaient toujours travaillé en dehors du foyer mais aussi les femmes blanches des classes ouvrières désiraient, elles, “passer plus de temps avec leur famille” et “quitter le monde du travail aliéné” ».

    Devenir des sorcières Les deux dernières contributions nous emmènent au Japon et en Finlande.

    L’économiste Kaori Katada y voit le moyen de « devenir des sorcières », c’est-à-dire de refuser, pour les femmes, l’assignation au travail reproductif et productif, qu’il soit gratuit (travail domestique) ou rémunéré (emploi). Dans la société japonaise actuelle, les femmes sont, d’une part, encouragées à faire des enfants dans un contexte de faible taux de natalité et sans qu’il y ait de véritables dispositifs d’accompagnement (la part du PIB consacrée aux politiques familiales type allocations familiales est de moitié inférieure à ce qu’elle est en France ou en Suède). Et, d’autre part, incitées à travailler pour pallier la pénurie de main d’œuvre. Les mères célibataires sont particulièrement touchées par les bas salaires et la pauvreté, bien loin de l’image de la working girl parvenue à un poste de pouvoir d’une prestigieuse entreprise.

    Si elle prend au sérieux les objections faites au revenu universel (voir ci-dessus), elle répond, comme beaucoup de ses partisans, que son rôle n’est pas de venir à bout de la division sexuée du travail. Et que celui-ci doit donc s’accompagner d’autres mesures (partage ou réduction du temps de travail, congé parental substantiel, équité salariale, formation…).

    Enfin, le journaliste Alain Lefebvre revient sur l’expérimentation d’un revenu de base en Finlande. Imposée par un gouvernement pro-austérité dirigé par un ancien homme d’affaires, cette expérimentation n’avait en fait rien d’universelle puisqu’elle a porté sur des chômeurs de longue durée. Elle a de plus totalement fait l’impasse sur les questions de genre. Il y avait pourtant matière à y réfléchir dans un pays où les inégalités entre femmes et hommes restent conséquentes : l’écart de rémunération horaire entre femmes et hommes était par exemple de 17 % en Finlande en 2015, contre 16 % en France (et 13 % en Suède). « S’il y a une conclusion à tirer de cette expérimentation malheureuse, c’est qu’il faut se donner le temps de préparer sérieusement la mise en place d’un tel dispositif, et se poser la question de ses objectifs […]. En parallèle, une attention particulière doit être portée à la manière dont ce type de dispositif est susceptible d’atténuer, ou au contraire, de renforcer les inégalités », conclut le journaliste. Un message pour les 19 départements qui ont décidé de se lancer.

    https://www.alternatives-economiques.fr/revenu-universel-feministe/00087292

    #revenu #féminisme @revenu_universel #revenu_garanti

  • La peste, amenée par les migrations venues d’Asie n’est plus la responsable du déclin néolithique en Europe.

    Les chercheurs [venus de France, de Suède et du Danemark] ont identifié une nouvelle souche de Yersinia pestis, la bactérie à l’origine de la peste, dans l’ADN extrait de restes humains âgés de 5 000 ans. Leurs analyses [publiées le 6 décembre dans la revue Cell] suggèrent que cette souche est la plus proche jamais identifiée de l’origine génétique de la peste. Leurs travaux suggèrent également que la peste aurait pu être répandue parmi les colonies européennes du néolithique par les commerçants, contribuant ainsi au déclin des colonies à l’aube de l’âge du bronze.

    (...)

    Pour mieux comprendre l’histoire évolutive de la peste, Rasmussen et ses collègues ont fouillé dans les données génétiques accessibles au public provenant d’anciens humains, en recherchant des séquences similaires aux souches plus modernes de la peste. Ils ont découvert une souche qu’ils n’avaient jamais vue auparavant dans le matériel génétique d’une femme de 20 ans décédée il y a environ 5 000 ans en Suède. La souche avait les mêmes gènes qui rendent la peste pneumonique mortelle aujourd’hui et des traces de celle-ci ont également été trouvées chez un autre individu sur le même site de sépulture - suggérant que la jeune femme est probablement morte de la maladie.

    De multiples souches de peste à la fin du néolithique.

    Cette souche de la peste est la plus ancienne jamais découverte. Mais ce qui le rend particulièrement intéressant, c’est que, en le comparant à d’autres souches, les chercheurs ont pu déterminer qu’il s’agissait également de la souche la plus basale - c’est-à-dire que c’était la souche la plus proche de l’origine génétique de Y. pestis. Elle a probablement divergé par rapport aux autres souches il y a environ 5 700 ans, tandis que la peste qui était commune à l’âge du bronze et la peste qui est l’ancêtre des souches qui existent aujourd’hui ont divergé il y a 5 300 et 5 100 ans, respectivement. Cela suggère qu’il existait de multiples souches de peste à la fin du néolithique.

    Peste et migrations.

    Rasmussen pense également que cette découverte offre une nouvelle théorie sur la propagation de la peste. On sait que des migrations humaines massives de la steppe eurasienne vers l’Europe ont eu lieu il y a environ 5 000 ans, mais la façon dont ces cultures ont pu remplacer la culture agricole néolithique qui était présente en Europe à l’époque est encore débattue.

    Des chercheurs précédents ont suggéré que les envahisseurs avaient amené la peste avec eux, éliminant les vastes colonies de fermiers de l’âge de pierre à leur arrivée.

    Mais si la souche de peste découverte par les chercheurs suédois était différente du reste de Y. pestis il y a 5 700 ans, cela voudrait dire qu’elle a probablement dû évolué avant le début de ces migrations et vers le moment où les colonies européennes du néolithique commençaient déjà à s’effondrer.

    À l’époque, les méga-colonies de 10 000 à 20 000 habitants se généralisaient en Europe, ce qui rendait possible la spécialisation des emplois, les nouvelles technologies et le commerce. Mais elles peuvent aussi avoir été le terreau de la peste. « Ces méga-colonies étaient les plus grandes colonies d’Europe à l’époque, dix fois plus grandes que tout autre peuplement. Elles étaient composées des personnes, d’animaux et de denrées entreposées, et avaient probablement des installations sanitaires très médiocres. C’est l’exemple de ce dont vous avez besoin développer de nouveaux agents pathogènes », a déclaré Rasmussen.

    « Nous pensons que nos données sont bien ajustées. Si la peste évoluait dans les méga-colonies, alors, lorsque les gens commençaient à en mourir, les colonies auraient été abandonnées et détruites. C’est exactement ce qui a été observé dans ces colonies il y a 5 500 ans. La peste a aussi commencé à migrer le long de toutes les routes commerciales rendues possibles par le transport sur roues, qui s’était rapidement développé dans toute l’Europe au cours de cette période », a-t-il déclaré.
    Finalement, suggère-t-il, la peste serait arrivée par ces interactions commerciales dans le petit village suédois où vivait la femme que son équipe avait étudiée.

    Rasmussen soutient que [l’ADN de la jeune femme] fournit également une preuve supplémentaire de cette théorie : elle n’est pas génétiquement liée aux personnes qui ont envahi l’Europe depuis la steppe eurasienne, ce qui soutient l’idée que cette souche de peste est arrivée avant les migrations de masse. L’archéologie soutient également cette hypothèse, car il n’y avait toujours aucun signe des envahisseurs au moment de sa mort.

    Bien sûr, il existe certaines limitations à ce que les données de cette étude peuvent nous dire. Plus important encore, les chercheurs n’ont pas encore identifié la peste chez les individus des méga-colonies où elle a pu évoluer.

    "Nous n’avons pas vraiment trouvé la preuve, mais c’est en partie parce que nous n’avons pas encore cherché. Et nous aimerions vraiment le faire, car si nous pouvions trouver la peste dans ces colonies, cela soutiendrait fortement cette théorie , "dit Rasmussen.

    La peste n’était pas mortelle auparavant.

    Quoi qu’il en soit, il pense que cette étude est un pas en avant vers la compréhension du fait que la peste - et d’autres agents pathogènes - sont devenus mortels. « Nous pensons souvent que ces super-pathogènes ont toujours existé, mais ce n’est pas le cas », a-t-il déclaré. « La peste a évolué d’un organisme relativement inoffensif. Plus récemment, la même chose s’est produite avec la variole, le paludisme, Ebola et Zika. Ce processus est très dynamique - et il continue de se produire. Je pense qu’il est vraiment intéressant d’essayer de comprendre nous passons de quelque chose d’inoffensif à quelque chose d’extrêmement virulent. »

    #Préhistoire #Néolithique #5000BP #Peste #migration
    #Nicolás_Rascovan, Karl-Göran Sjögren, Kristian Kristiansen, Rasmus Nielsen, Eske Willerslev, Christelle Desnues, Simon Rasmussen.

    Emergence and Spread of Basal Lineages of Yersinia pestis during the Neolithic Decline. Cell, 2018 ; DOI : 10.1016/j.cell.2018.11.005

    https://www.cell.com/cell/abstract/S0092-8674(18)31464-8

  • Un splendide isolement (Olivier Fillieule, Fabien Jobard, La Vie des idées, 24.05.2016)
    http://www.laviedesidees.fr/Un-splendide-isolement.html

    Tandis qu’en France, la #police tenue pour coupable d’#acharnement appelle à un rassemblement contre la « haine anti-#flics », en Allemagne, en Suède, en Suisse, l’interaction entre police et #manifestants se distingue par la maîtrise et le dialogue. La police française résiste aux nouveaux modèles de #maintien_de_l’ordre, articulés autour de la notion de #désescalade.

  • POURPARLERS INTERYEMENITES : UNE "OCCASION CRUCIALE POUR PARVENIR A LA PAIX" (Le Monde Arabe-2018-12-07)

    "Les délégations houthistes et yéménites se retrouvent à Stockholm, en Suède, pour tenter de mettre un terme à la guerre.

    Cela faisait plus de deux ans que les parties ne s’étaient pas rencontrées. Autour d’une table et pour parler de la paix, du moins. Hier, Martin Griffiths, l’envoyé spécial des Nations unies (ONU) pour le Yémen, a souligné l’ « étape importante » que constituait « la reprise aujourd’hui d’un processus politique, après deux ans et demi sans convocation d’un processus politique formel, entre les deux délégations ». D’après le diplomate, qui a tout fait pour convaincre les rebelles Houthis et le gouvernement yéménite de la nécessité d’une entrevue, après les échecs de 2016 et, plus récemment, de septembre 2018, la rencontre de Stockholm (Suède) prouve que les deux parties sont prêtes à se réunir « au nom d’une solution politique pacifique au conflit ».

    « Solution politique »

    Celles-ci ont réclamé, ces dernières semaines, une désescalade de la violence, cristallisée autour de la ville d’Hodeïda (ouest), aux mains des Houthis mais assiégée depuis plusieurs mois par la coalition arabe qui épaule l’armée du président yéménite, Abd Rabo Mansour Hadi, en exil à Riyad. Après une période de cessez-le-feu d’une dizaine de jours, les combats ont repris, fin novembre, alors même que Martin Griffiths se trouvait sur place pour s’entretenir avec les belligérants. Qui, selon l’ONU, doivent absolument s’entendre sur une cessation durable des hostilités, 70 % des importations du Yémen (alimentation, humanitaire, santé…) transitant par le port d’Hodeïda, alors que le pays affronte « la pire crise humanitaire du monde ».

    Samedi dernier, Mark Lowcock, le responsable onusien des affaires humanitaires, a d’ailleurs alerté sur la détérioration alarmante de la situation au Yémen, où plus de 80 % de la population a besoin d’une aide humanitaire (soit près de 24 millions de personnes). Le pays, qui « n’a jamais été aussi proche de la famine » selon lui, est également celui « qui aura le plus gros problème en 2019 », entre l’insécurité, le conflit, la pauvreté mais également la mauvaise adaptation aux changements climatiques. Un « fardeau » que le « peuple yéménite porte depuis bien trop longtemps », a estimé hier Margot Wallström, la ministre suédoise des Affaires étrangères, qui s’attend à « des jours importants ».

    Martin Griffiths, de son côté, a estimé que « la barre est élevée » pour réussir les pourparlers de Stockholm. Tout en rappelant l’ « occasion cruciale » qu’ont les parties réunies en Suède de donner une impulsion au processus de paix et d’avancer vers un accord global. En commençant donc par l’arrêt des combats. « Une telle réduction de la violence et la retenue sur le champ de bataille ont un impact significatif sur la vie des Yéménites, et envoient également le message à la population que nous sommes ici avec la ferme intention de recherche une solution politique », a effectivement indiqué l’envoyé spécial de l’ONU. Qui s’est d’ores et déjà réjoui que les parties s’entendent sur un échange de plusieurs milliers de prisonniers ; un acte « d’une importance capitale pour des milliers de familles » selon lui.

    Appel de fonds

    La question économique devrait également être abordée à Stockholm, alors que tous les voyants nationaux sont au rouge – ou presque. La chute vertigineuse du riyal – qui s’échangeait avant la guerre à 220 riyals pour 1 dollar, aujourd’hui à 725 riyals pour 1 dollar – a fait grimper en flèche le prix des denrées de première nécessité. Au premier rang desquelles la nourriture, déclenchant ainsi une crise alimentaire, alors que « 240 000 personnes vivent dans des conditions catastrophiques, similaires à une famine », a indiqué l’ONG Care, se basant sur le dernier rapport de la plateforme humanitaire IPC (Integrated Phase Classification) publié hier.
    Alors qu’en septembre dernier, l’ONG Save the Children avait déjà fait le lien entre guerre et famine au Yémen, « ce rapport doit être un électrochoc pour le monde entier, estime Johan Mooij, le directeur de Care au Yémen. La flambée des prix des denrées alimentaires et l’insécurité sont telles que de nombreuses familles passent souvent plusieurs jours sans manger. Dans certaines régions, les gens achètent une cuillère d’huile à la fois car ils n’ont pas les moyens d’acheter plus ». En trois mois, révèle Care, les prix de l’huile ont effectivement augmenté de 215 %, quand celui d’un kilo de riz équivaut à 65 % du revenu quotidien d’une personne. Des rapports, absurdes mais alarmants, qui ont poussé les Nations unies à annoncer le plus grand appel de fonds jamais lancé : 4 milliards de dollars pour venir en aide à la population yéménite.
    Cette dernière pourra-t-elle compter sur une entente entre Houthis et gouvernement yéménite, pour mettre fin, dans un premier temps, à la violence ? Selon Samah Mohamed, historienne et spécialiste du Yémen, « il ne fait aucun doute que la paix au Yémen est étroitement liée aux intérêts des pays régionaux et internationaux » – l’Iran, bête noire des Saoudiens, aidant de loin les rebelles Houthis. Toutefois, pour l’heure, seuls les acteurs locaux sont invités à participer aux pourparlers de l’ONU ». D’autres, comme les groupes terroristes Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) et l’organisation Etat islamique (EI), ne sont évidemment pas représentés. Et pourraient poser problème au processus de paix, certains groupes salafistes s’opposant aux Houthis (chiites)."

  • Un splendide isolement. Les politiques françaises du maintien de l’ordre | Olivier Fillieule et Fabien Jobard
    https://laviedesidees.fr/Un-splendide-isolement.html

    Tandis qu’en France, la police tenue pour coupable d’acharnement appelle à un rassemblement contre la « haine anti-flics », en Allemagne, en Suède, en Suisse, l’interaction entre police et manifestants se distingue par la maîtrise et le dialogue. La police française résiste aux nouveaux modèles de maintien de l’ordre, articulés autour de la notion de désescalade. O. Fillieule et F. Jobard expliquent les raisons de ce retranchement doctrinal. Source : La Vie des idées, 24 mai 2016

    • La violence de la police entraine des réactions

      Appelés pour un malaise en gare, des policiers attaqués à Antony Le Parisien, ce jour
      http://m.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/hauts-de-seine-heurts-et-degradations-ce-vendredi-dans-une-quinzaine-de

      Incidents et heurts perturbent également des établissements de Gennevilliers, Antony, Bagneux, Meudon, Vanves, Montrouge et Le Plessis-Robinson.

      Par ailleurs, tandis que les forces de l’ordre interviennent devant les établissements perturbés, un groupe de policiers a été accueilli par des jets de projectiles alors qu’ils allaient porter secours à une jeune femme qui aurait fait un malaise, à la gare Chemin d’Antony. Des policiers ont été poussés sur les voies du RER. Le trafic a été interrompu.

    • Comme on le voit, les polices allemandes ne chôment pas. Elles affrontent des violences de gauche et des violences de droite ; des violences dont elles sont l’objet et des belligérant.e.s qu’elles séparent ; elles protègent des ministres et des foules ; elles emploient la force et elles interpellent. Mais le point crucial qui les distingue des polices françaises est ceci : force reste à la loi ; force reste dans la loi. Pas de manifestant.e.s menotté.e.s et frappé.e.s par un policier. Pas de manifestant.e.s à terre et frappé.e.s. Pas de manifestant.e.s injurié.e.s. Pas de jets indiscriminés de gaz lacrymogène dans une foule composite engouffrée dans le métro, au prétexte que s’y seraient glissé.e.s des autonomes ou des casseur.e.s. Pas de matraquage dans le dos de passant.e.s. Pas de perte de contrôle. Pas de gazage dans les entrées ou les enceintes du métro. Au final, pas de polémique.

  • D’où vient l’idée du moratoire ?

    Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, réagit au mouvement des Gilets jaunes, et s’alarme des conséquences économiques...

    Il y a des destructions massives, à Paris et dans de grandes villes de province et à la Réunion, et des blocages, qui ont un effet extraordinairement négatif sur le commerce, avec des baisses de chiffres d’affaires de -20 % à -30 % en moyenne dans le transport et le tourisme. Nous commençons aussi à voir des sites industriels qui ont des problèmes de fourniture et de production. Nous ne pouvons pas nous permettre un week-end supplémentaire de même nature que ceux que nous avons vécus. Sinon, il y aura un risque très fort sur l’emploi. Nous sommes sur le point de basculer vers du chômage partiel, voire pire. Nous sommes quasiment en état d’urgence économique...

    Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités. Il doit assurer la sécurité mais aussi dialoguer. Je propose, comme d’autres, un moratoire sur les augmentations de taxes sur les carburants prévues en janvier, le temps que les représentants des Gilets jaunes, en tous les cas les « modérés » qui ont des revendications raisonnables, se mettent autour de la table et discutent. Il ne s’agit pas d’abandonner la fiscalité écologique mais d’en revoir la trajectoire. La Suède, par exemple, a une taxe carbone plus élevée que la nôtre mais ils l’ont mise en place sur une période plus longue.

    http://www.leparisien.fr/economie/le-president-du-medef-je-propose-un-moratoire-sur-les-augmentations-de-ta
    #Medef_en_marche

  • LES GUERRES DU YEMEN-(Le Monde Arabe-Sama Mohamed (2018-12-03)

    La présente tentative de paix n’aura aucune chance de réussir si l’ONU ne renouvelle pas sa lecture du conflit yéménite.

    Porté par la vague révolutionnaire du printemps arabe de 2011, le Yémen se trouve depuis en proie à des bouleversements profonds. Bien que la révolution yéménite soit parvenue à mettre fin au régime autocratique du président Ali Abdallah Saleh, le pays n’a pas réussi sa transition politique. Cet échec s’est traduit par une guerre sanglante qui oppose des acteurs locaux, avec l’interposition d’autres acteurs régionaux et internationaux. La dynamique de ce conflit pluriel a fait émerger un véritable « système de guerres » qui rend extrêmement complexe la scène yéménite.

    Au commencement était le printemps yéménite
    Entamé en janvier 2011, un soulèvement de la jeunesse yéménite aux aspirations progressistes et démocratiques va faire tomber le régime du président Saleh, au pouvoir depuis 33 ans. Malgré une terrible répression en mars 2011, la révolution yéménite gagne en force, attirant dans ses rangs les partis politiques majoritaires et plusieurs groupes sociaux. De plus en plus isolé face aux voix qui réclament son départ, Saleh capitule et accepte un plan élaboré par les États-Unis et le Conseil de la Coopération du Golfe. En novembre 2011, il démissionne et transmet ses pouvoirs à son vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi.

    En février 2012, Hadi, qui vient d’être élu président à la faveur d’un scrutin à candidat unique, forme un gouvernement d’unité nationale. Entre 2013 et 2014, une Conférence de dialogue national est organisée et aboutit à la formation d’une Commission constitutionnelle. En charge d’une nouvelle organisation de la vie politique yéménite, la Commission décide d’une réduction des pouvoirs présidentiels et d’un modèle étatique basé sur une structure fédérale composée de six provinces.

    Les Houthistes à l’offensiveMais cette configuration est rejetée par les Ansar Allah (les partisans de Dieu), communément appelés « les Houthistes ». Il s’agit d’un mouvement contestataire, qui se revendique du chiisme zaydite, établi à Saada, à l’extrême nord-ouest du pays. La région de Saada a été intégrée à la province d’Azal qui s’étend de Sanaa jusqu’au nord du pays. Or, les Ansar Allah exigent que Saada soit considérée comme une province à part entière au sein de l’État fédéral et réclament, en outre, un accès à la Mer rouge. Ce désaccord marque la fin du processus pacifique de transition post-révolutionnaire et plonge le Yémen dans un conflit long et douloureux.

    Craignant que l’histoire se répète et qu’ils deviennent les perdants de la révolution yéménite, les Ansar Allah font le choix de l’affrontement. Le 21 septembre 2014, ils renversent le gouvernement de Hadi et s’emparent de la capitale yéménite, Sanaa. Après cette victoire, les milices d’Abd al-Malik al-Houthi, son dirigeant actuel et, par ailleurs, frère du fondateur du mouvement continuent leur progression vers les autres régions yéménites.

    Avant la fin de l’année 2014, les Houthistes se trouvent à la tête d’une vaste étendue de territoires situés dans le nord du pays. Cette extension territoriale leur a donné accès à des lieux stratégiques, tel le port de Hodeïda, sur la côte Est, par lequel transite la majeure partie des importations yéménites (environ 70 %).

    Face à l’ampleur que prend la rébellion houthiste, l’ancien envoyé spécial de l’ONU, Jamal Ben Omar, tente de jouer les médiateurs. Hadi et les Houthistes signent un accord appelé « Accord sur la Paix et le Partenariat » garantissant une meilleure représentation des rebelles au sein d’un nouveau gouvernement.

    Mais, le 20 janvier 2015, les Houthistes rompent cet accord sous prétexte que certaines de ses clauses n’ont pas été respectées dans le projet constitutionnel qui venait d’être publié par le gouvernement de Hadi. Ils s’emparent du palais présidentiel et poussent Hadi à démissionner. Le 21 février 2015, Hadi, assigné à résidence par les Houthistes, parvient à s’enfuir. Il quitte Sanaa pour la ville portuaire d’Aden, d’où il abroge sa démission et forme une alliance anti-Houthistes. Dès lors, deux gouvernements dirigent le Yémen – l’un établi à Sanaa et l’autre à Aden.

    Une alliance de circonstance avec l’ex-Président Saleh
    À ce stade, les Houthistes, dont le projet politico-territorial est entretenu par des alliances fragiles et incertaines, tentent de resserrer leurs rangs. Dans cette conquête du pouvoir et du territoire, ils jouissent d’un réseau de soutien basé sur les deux pôles du zaydisme au Yémen – religieux et tribal.

    Il s’agit de l’ancienne aristocratie religieuse zaydite (descendants du prophète Mohammed appelés Hachémites ou Sayyids) et des tribus des hauts plateaux yéménites. Ces tribus se situent dans les territoires des alliés historiques de l’imamat zaydite au Yémen, les Hashid et les Bakil. Cependant, il est largement admis que l’ascension rapide des Houthistes n’aurait pu se faire sans l’alliance fondée avec leur ancien ennemi, le président destitué Saleh, l’instigateur des six guerres brutales (appelées les guerres de Saada) dont ils ont été les victimes entre 2004 et 2010.

    Bien que Saleh soit d’origine zaydite, son alliance avec les Houthistes aura été purement stratégique : il s’agit pour lui de revenir sur la scène politique yéménite. De même, les Houthistes ont fait preuve de pragmatisme avec cette alliance qui leur a permis d’accéder à d’importantes ressources militaires. Malgré sa destitution, Saleh a en effet conservé une grande influence sur l’armée nationale, en particulier sur les forces de la garde républicaine et les forces de la sécurité centrale.

    Al-Qaïda, Daech et les sudistes, des obstacles sur la route des Houthistes
    Cependant, la prise de pouvoir des Houthistes n’est pas acceptée par tous au Yémen, loin de là. Des groupes sunnites situés dans la mouvance du salafisme et liés au parti politique Islah (antenne locale des Frères musulmans) forment des poches de résistance dans certains territoires (à Marib, Jawf et Taiz).

    Les Houthistes sont également confrontés aux groupes terroristes d’al-Qaeda dans la péninsule arabique (Aqpa) et de l’État islamique au Yémen (Daech). Le premier est né, courant 2009, de la fusion entre al-Qaeda au Yémen et al-Qaeda en Arabie saoudite, tandis que le second a émergé dans le pays en 2015. Ces groupes tirent profit du chaos engendré par la guerre pour étendre leur influence. Les multiples attentats commis depuis le début du conflit visent à la fois les Houthistes et les partisans de Hadi, et causent de nombreuses victimes parmi les populations, tant chiites que sunnites.

    « La régionalisation de la guerre modifie en effet considérablement les modalités et l’expression du conflit yéménite. »

    La fuite de Hadi à Aden en février 2015 a déplacé le centre de gravité du conflit vers les régions du sud, foyer d’un autre groupe qui s’oppose aux Houthistes. Il s’agit des partisans du mouvement séparatiste sudiste appelé al-Harak. Né en 2007, ce mouvement regroupe une large coalition d’acteurs qui proclament, par des manifestations pacifiques, l’indépendance du Yémen du Sud (unifié avec le Nord en 1990). L’avancée des Houthistes vers Aden est très mal perçue par les populations sudistes, largement acquises à la cause séparatiste, et qui considèrent le régime de Sanaa comme un « occupant ». Ce fort sentiment régionaliste est exploité par Hadi et ses alliés pour freiner l’expansion territoriale des Houthistes.

    Face à l’avancée de ces derniers vers Aden en février 2015, Hadi demande en urgence l’intervention militaire de l’Arabie saoudite et se réfugie à Riyad, où il forme un gouvernement en exil. Les Houthistes, de leur côté, cherchent du soutien auprès de l’Iran. Dès lors, la guerre au Yémen entre dans une nouvelle phase, encore plus violente. La régionalisation de la guerre modifie en effet considérablement les modalités et l’expression du conflit yéménite.

    L’Iran et l’Arabie saoudite entrent en scène
    Pour écarter d’emblée toute ambiguïté, il faut rappeler que le conflit irano-saoudien qui se joue au Yémen est géostratégique et en aucun cas confessionnel (chiite/sunnite). Il s’agit d’une rivalité maritime autour de l’accès aux infrastructures portuaires de la zone qui s’étend du détroit d’Ormuz, dans le Golfe arabo-persique, au détroit de Bab Al-Mandab, dans le Golfe d’Aden.

    Avec la progression des Houthistes vers la ville d’Aden, en février 2015, le détroit de Bab Al-Mandab – par lequel transite 4 % de la demande mondiale en pétrole – risque de tomber entre les mains d’un groupe pro-iranien. Le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite lance alors l’opération militaire « Tempête décisive », en s’appuyant sur une coalition de neuf pays arabes et musulmans. Ses objectifs déclarés sont de mettre fin à l’offensive des Houthistes et de rétablir au Yémen le gouvernement de Hadi, reconnu comme légitime sur le plan international.

    Dans le but de constituer un camp anti-Houthistes et de disposer de troupes locales loyales à Hadi, la coalition arabe mise sur les affiliations tribales, religieuses et régionales, qui jouent un rôle crucial dans l’espace politique yéménite.

    « Le conflit irano-saoudien qui se joue au Yémen est géostratégique et en aucun cas confessionnel (chiite/sunnite) »

    D’une part, l’Arabie saoudite s’appuie militairement sur certaines tribus yéménites, notamment les Hashids, qui bénéficient de ses subventions depuis de nombreuses années. Après la révolution de 1962, un comité saoudien doté d’un budget de 3,5 milliards de dollars a ainsi été mis en place pour former un réseau de chefs tribaux yéménites fidèles au Royaume.

    D’autre part, les Émiratis, très investis dans la coalition arabe, instrumentalisent le sentiment régionaliste dans le sud du pays afin d’alimenter la guerre contre les Houthistes. Ils soutiennent, en mai 2017, la formation du « Conseil de transition du Sud » à Aden, qui proclame la sécession du sud du Yémen.

    Du côté de l’État iranien, si le soutien aux Houthistes est avéré, son impact sur le déroulement du conflit au Yémen reste limité. Au cours de la formation de leur mouvement, les Houthistes se sont inspirés des codes et slogans de la Révolution iranienne de 1979. Le mouvement a également connu un processus de renouveau, rapprochant le chiisme zaydite du chiisme duodécimain, doctrine de l’État iranien.

    Toutefois, l’influence la plus significative de l’Iran dans le conflit yéménite se manifeste au niveau militaire avec la fourniture aux Houthistes d’une certaine capacité balistique. Depuis 2015, en effet, ces derniers pilonnent les frontières méridionales de l’Arabie saoudite par des tirs de missiles et frappent des navires civils et militaires (saoudiens et émiratis) dans le Golfe au moyen de missiles anti-navires.

    La lutte antiterroriste, l’autre guerre du Yémen
    Mais la complexité du conflit yéménite va au-delà des clivages internes et des rivalités régionales en raison de la guerre antiterroriste qui se joue en arrière-plan. Les questions sécuritaires liées à la présence de groupes terroristes au Yémen ont donné une dimension internationale à cette guerre.

    Depuis 2011, les frappes ciblées menées par les drones américains contre les camps d’entraînement des groupes terroristes (Aqpa et Daech) au Yémen se sont intensifiées, notamment dans les régions de Marib, Shabwa, Baydha, Hadramaout et Abyan. Le rôle des Américains dans la guerre contre le terrorisme au Yémen remonte aux années 2000, à l’attaque de l’USS Cole dans le port d’Aden et aux attentats du 11 septembre 2001. Dans le conflit actuel, les États-Unis offrent également un soutien logistique aux forces émiraties, cibles de plusieurs attentats terroristes.

    Néanmoins, l’intervention de ces acteurs régionaux et internationaux dans la guerre yéménite n’aura que très peu modifié les lignes sur le champ de bataille. Certes, l’opération « Tempête décisive » a stoppé la progression des Houthistes vers les régions méridionales placées, depuis septembre 2015, sous le contrôle des forces gouvernementales. En revanche, les Houthistes maintiennent toujours leurs positions dans le nord du pays, et cela malgré la rupture de leur alliance avec Saleh, qu’ils ont fait assassiner le 4 novembre 2017.

    Face à l’apocalypse yéménite, des efforts de paix hors de propos
    Aujourd’hui, à l’heure où la guerre fait toujours rage, les appels à la paix se multiplient. Les quatre années du conflit yéménite ont entraîné une crise humanitaire sans précédent. Les chiffres sont effrayants : environ 10 000 victimes (dont 60 % de civils), 50 000 blessés, 3 millions de déplacés (sur une population estimée à 27 millions), 80 % de la population dépendant de l’aide humanitaire, 7 millions de personnes exposées au risque de famine et plusieurs milliers de morts dus au choléra. À cela s’ajoutent les crimes de guerres perpétrés par tous les acteurs du conflit, dont la destruction des infrastructures et du patrimoine matériel, l’enrôlement d’enfants dans les forces armées, etc.

    En outre, la polarisation du conflit yéménite autour des clivages tribaux, régionaux et religieux a accentué les antagonismes dans une société qui est déjà profondément divisée. Ces déchirures compliquent la mise en place du processus de pacification.

    Jusqu’à présent, aucune des parties au conflit au Yémen n’a donné la moindre indication quant à la possibilité d’une solution autre que militaire. Ainsi, aucun des pourparlers engagés par l’ONU depuis 2014 (en Suisse et au Koweït) n’ont abouti à un résultat.

    « Il ne fait aucun doute que la paix au Yémen est étroitement liée aux intérêts des pays régionaux et internationaux »

    Dernièrement, l’affaire Khashoggi a incité les hauts responsables des gouvernements américain, français et britannique à hausser le ton, appelant le Royaume saoudien à mettre un terme à la guerre au Yémen. Depuis, on assiste à certaines avancées dans le dossier yéménite. La coalition arabe vient ainsi d’accepter un cessez-le-feu en stoppant ses offensives sur le port de Hodeïda, assiégé depuis le mois de juin.

    Parallèlement, le nouvel envoyé spécial de l’ONU au Yémen, Martin Griffiths, a relancé le processus de paix en annonçant de nouveaux pourparlers en Suède dans les semaines à venir. Mais cette énième tentative de paix n’aura aucune chance de réussir si l’ONU ne renouvelle pas sa lecture du conflit yéménite.

    Il ne fait aucun doute que la paix au Yémen est étroitement liée aux intérêts des pays régionaux et internationaux. Toutefois, pour l’heure, seuls les acteurs locaux sont invités à participer aux pourparlers de l’ONU. Pire, la représentation dans ces discussions se limite aux Houthistes et au gouvernement de Hadi. Ils sont pourtant loin d’être les seuls acteurs influents au niveau local.

    Cette configuration de la paix est très réductrice et ne reflète en rien la réalité que les quatre années de conflit ont engendrée sur la scène yéménite en termes de rapports de force. Il est illusoire d’élaborer un plan de paix sans prendre en considération la pluralité des acteurs du conflit yéménite et des enjeux locaux, régionaux et internationaux qui s’y superposent.

  • Deux millions d’enfants sont déscolarisés au Yémen, selon l’UNICEF, dont 500000 depuis l’entrée en guerre de la coalition saoudienne.
    Plusieurs dizaines de milliers de morts, 14 millions de personnes en situation de « pré-famine », un Etat en déréliction totale, une inflation insoutenable (41,8 %), unecroissance inexistante (-10 %)… Et une éducation nationale qui ne cesse de s’étioler. Depuis que le conflit yéménite s’est internationalisé, en mars 2015, 500000 enfants ont été contraints de quitter les bancs de l’école, vient d’alerter Meritxell Relaño, la représentante de l’UNICEF au Yémen. Ce qui porte le
    nombre d’enfants déscolarisés à plus de 2 millions sur l’ensemble du pays. Des chiffres qui indiquent, certes, que les Yéménites n’ont pas eu besoin qu’une guerre éclate pour voir leur système scolaire se casser la figure. Mais qui doivent tout de même inquiéter au plus haut point. Si les combats entre la coalition saoudienne – qui épaule l’armée du président yéménite, Abd Rabo Mansour Hadi – et les rebelles Houthis devaient durer encore des mois, combien de dizaines, voire de centaines de milliers d’enfants innocents supplémentaires seraient éloignés des écoles ?
    C’est notamment à Hodeïda, dans l’ouest du pays, que la situation est la plus alarmante. La ville portuaire, aux mains des combattants chiite mais assiégée depuis plusieurs mois par la coalition, a connu la semaine dernière un nouveau regain de violence, alors que Martin Griffiths, l’envoyé spécial des Nations unies (ONU) au Yémen, avait réussi à imposer une trêve de quelques jours. Le week-end dernier, les Saoudiens ont conduit quelque 35 raids aériens sur la zone, selon un porte-parole des Houthis, causant la mort d’une trentaine de personnes, combattants progouvernementaux comme rebelles. Dans ces conditions, impossible d’assurer l’acheminement des enfants à l’école – les convois de toute sorte étant régulièrement pris pour cible. Résultat : « Plus de 60 000 garçons et filles ne sont pas scolarisés à cause des combats dans et autour de la ville portuaire de Hodeïda, s’inquiète Meritxell Relaño. Seul un élève sur trois est en mesure de poursuivre ses études et moins d’un quart des enseignants est présents à l’école. »

    Pourparlers de paix.
    Tandis que la violence soutenue, dans la région, a contraint plus du tiers des écoles à fermer, dont 15 situées en première ligne et d’autres gravement endommagées ou utilisées comme abris pour des familles déplacées, la plupart du personnel éducatif
    n’a pas touché de salaire depuis plus de deux ans, selon l’UNICEF. Et si « beaucoup d’enseignants ont été obligés de fuir les violences ou de trouver d’autres moyens de joindre les deux bouts », ajoute Mme Relaño, d’autres continuent coûte que coûte d’aller à l’école pour éduquer les jeunes Yéménites. « Leur engagement en faveur de l’apprentissage des enfants à apprendre n’est rien d’autre qu’héroïque », a d’ailleurs souligné la représentante de l’UNICEF au Yémen. Afin de les aider – matériellement mais également moralement -, l’agence onusienne élabore en ce moment un programme visant à leur payer de petites sommes en espèces tous les mois. Le temps que la crise salariale passe. Ce qui n’est toutefois pas près d’arriver. Tous les fonctionnaires étant ainsi délaissés par l’Etat.
    D’où l’importance, selon Meritxell Relaño, que « les autorités yéménites travaillent de concert pour trouver une solution au paiement des salaires. » Et, surtout, pour que « la guerre sur les enfants au Yémen »cesse. Fin octobre dernier, Geert Cappelaere, le directeur de l’UNICEF pour le Moyen-Orient, avait déclaré que le
    pays de la péninsule Arabique, où 30 000 enfants meurent chaque année de malnutrition, selon lui, « est un enfer sur terre pour 50 % à 60 % des enfants. Un enfer pour chaque garçon et chaque fille. » Un enfer que seuls l’arrêt définitif des combats et l’érection d’une solution politique peuvent faire disparaître. La semaine dernière, alors que plusieurs tentatives de pourparlers entre coalition saoudienne et Houthis ont déjà échoué, l’ONU a annoncé que les deux parties semblaient d’accord pour s’assoir autour d’une même table et discuter de la paix. Ce qu’a confirmé l’ambassadeur britannique au Yémen, Michael Aron, après qu’il s’est entretenu avec les Saoudiens et les Houthis. Qui devraient donc, sauf revirement de
    dernière minute – du déjà vu… -, se retrouver cette semaine à Stockholm, en Suède.

    Le Monde Arabe (éditorial 2018-12-03)

  • 5 fois Neneh #cherry
    http://www.radiopanik.org/emissions/la-5e-semaine/5-fois-neneh-cherry

    La chanteuse suédoise cinquantenaire est l’auteure interprète de cinq albums. Revue de carrière dans la série cinq #femmes puissantes.

    Rip Rig & Panic - You’re my kind of climate

    New age Steppers - My love

    #Neneh_Cherry - Buffalo Stance

    Neneh Cherry - Money Love

    Neneh Cherry & Youssou ’n ’ Dour - 7 seconds (extrait)

    Neneh Cherry - Woman

    Cirkus - Starved (extrait)

    Neneh Cherry - Kong (Extrait)

    The Cherry Thing - Cashback

    Neneh Cherry - Fallen Leaves

    Neneh Cherry - Spit Three Times

    Neneh Cherry - I’ve got your under my skin

    #musique #Suède #musique,femmes,Suède,cherry,Neneh_Cherry
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/la-5e-semaine/5-fois-neneh-cherry_05803__1.mp3

  • La détention et l’isolement du monde de Julian Assange (La Republica) – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/11/30/la-detention-et-lisolement-du-monde-de-julian-assange-la-rep

    Ils le détruisent lentement. Ils le font par le biais d’une détention illimitée qui dure depuis huit ans et qui n’a pas de fin en vue. Julian Assange est devenu l’une des icônes les plus connues de la liberté de la presse et de la lutte contre le secret d’Etat. Récemment, sa détention à l’ambassade de l’Equateur à Londres s’est accompagnée d’isolement, de règles strictes et de diverses formes de pression qui ne semblent avoir d’autre but que de le briser. Une pression destinée à détruire sa capacité physique et mentale à résister jusqu’à ce qu’il s’effondre ou qu’il sorte de l’ambassade équatorienne, déclenchant ainsi le début de sa propre fin. Parce que s’il sort, il sera arrêté par les autorités britanniques et, à ce moment-là, les États-Unis pourraient demander son extradition afin qu’ils puissent le mettre en prison pour avoir publié des documents américains classifiés. Julian Assange est dans des conditions extrêmement précaires.

    Après huit mois de tentatives infructueuses, la Repubblica a finalement pu rendre visite au fondateur de WikiLeaks à l’ambassade d’Equateur à Londres, après que l’actuel président équatorien, Lenin Moreno, l’ait coupé de tout contact en mars dernier à l’exception de ses avocats. Pas de contact avec des amis, des stars, des journalistes, pas d’appels téléphoniques, pas d’accès Internet. En effet, un régime d’isolement très lourd pour n’importe qui, mais pour Julian Assange en particulier, étant donné qu’il est confiné dans cette minuscule ambassade depuis six ans, et considérant aussi que pour Assange l’internet n’est pas une option comme les autres : c’est son monde. 

    Dès que nous l’avons vu, nous nous sommes rendus compte qu’il avait perdu beaucoup de poids. Trop. Il est très maigre. Même son pull d’hiver ne peut pas cacher ses épaules maigres. Son joli visage, capturé par des photographes du monde entier, est très tendu. Ses longs cheveux et sa barbe le font ressembler à un ermite, mais pas à un fou : en échangeant nos salutations, il semble très lucide et rationnel.

    Ce régime d’isolement complet aurait brisé n’importe qui, mais Assange tient le coup : il passe son temps à réfléchir et à préparer sa défense contre les poursuites américaines. Mais il passe trop de temps complètement seul, à l’exception des agents de sécurité de l’ambassade. Il est complètement seul tout au long du week-end. Il est seul pendant la nuit, dans le bâtiment de l’ambassade qui a été ceint d’un échafaudage qui facilite les intrusions en pleine nuit.

    L’ambassade équatorienne est également problématique pour les journalistes : pour être autorisé à visiter Julian Assange, les autorités équatoriennes nous ont demandé de fournir : « Marque, modèle, numéro de série, numéro IMEI et numéro de téléphone (s’il y a lieu) de chacun des appareils téléphoniques, ordinateurs, caméras et autres équipements électroniques que le demandeur souhaite présenter à l’ambassade et conserver pendant son entretien ». Une telle demande expose malheureusement les journalistes à de sérieux risques de surveillance de leurs communications. Mais pour pouvoir visiter Assange, nous avons fourni ces données en espérant pouvoir garder nos téléphones. En fin de compte, peine perdue : lorsque nous sommes entrés à l’ambassade, nos téléphones ont de toute façon été saisis.

    L’atmosphère amicale que régnait lors de nos visites au cours des six dernières années a maintenant disparu. Le diplomate équatorien qui avait toujours soutenu le fondateur de WikiLeaks, Fidel Narvaez, a été destitué. Même le chat n’est plus là. Avec sa drôle de cravate rayée et ses embuscades sur les ornements de l’arbre de Noël à l’entrée de l’ambassade, le chat avait aidé à désamorcer les tensions à l’intérieur du bâtiment pendant des années. Mais Assange a préféré épargner au chat un isolement devenu insupportable et lui permettre une vie plus saine.

    La nouvelle qui a fait surface la semaine dernière, révélant l’existence d’accusations criminelles portées contre Julian Assange par les autorités américaines, accusations qui devaient rester sous scellés jusqu’à ce qu’il soit impossible pour Assange de se soustraire à son arrestation, confirme ce qu’Assange craint depuis des années. Il attend maintenant que les charges soient rendues publiques, mais en attendant, il se tait : le risque qu’il perde soudainement la protection de l’Équateur en raison d’une déclaration publique n’est pas improbable ces jours-ci.
     
    Il y a deux ans, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (UNWGAD) a établi que le Royaume-Uni (à l’époque, la Suède aussi) était responsable de la détention arbitraire d’Assange : il doit le libérer et l’indemniser. Londres n’a pas apprécié cette décision : ils ont essayé de faire appel, mais ont perdu l’appel et l’ont tout simplement ignoré depuis lors.

    Les médias britanniques n’ont jamais demandé aux autorités de leur pays de se conformer à la décision de l’organe de l’ONU, bien au contraire : certains s’en sont même pris à l’organe de l’ONU. Si Julian Assange se retrouve entre les mains des autorités britanniques dans les mois à venir et que les États-Unis demandent son extradition, quelle sera la position des autorités britanniques ? Jamais auparavant la vie du fondateur de WikiLeaks n’a été aussi dépendante de l’opinion publique et de l’un des rares pouvoirs dont la mission est de contrôler les pires instincts de nos gouvernements : la presse.

    Stefania MAURIZI

    Traduction « un seul grand journal qui a toujours défendu et défend encore Assange et Wikileaks, ça ne fait vraiment pas beaucoup » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.. » »https://www.repubblica.it/esteri/2018/11/26/news/the_detention_and_iso…URL de cet article 34145 
    https://www.legrandsoir.info/la-detention-et-l-isolement-du-monde-de-julian-assange-la-republica.ht

  • En #Suède, la hausse des #frais_d'université a fait fuir les #étudiants_étrangers

    Austérité budgétaire oblige, les études supérieures ne sont plus gratuites en Suède pour les étudiants étrangers, ce qui a fait chuter de façon spectaculaire leur nombre, au grand dam des employeurs et des universités, aux bancs parfois dégarnis.

    La chute est spectaculaire : la Suède ne compte plus qu’à peine 1.600 étudiants non européens, soit 80% de moins que les 7.600 qu’elle comptait avant l’introduction des frais de scolarité en 2011, d’après la Direction de l’enseignement supérieur.

    Cette réforme touche les étudiants dont le pays n’est pas dans l’Espace économique européen et n’a pas de programmes d’échanges avec la Suède.

    Principaux concernés : les étudiants asiatiques et africains, qui expliquent pour deux tiers la baisse du nombre d’étudiants en Suède depuis 2011.

    Ainsi Zhao Shuqi a vu ses frais d’études augmenter drastiquement, deux ans après avoir quitté la Chine. Son master d’ingénierie électrique à Stockholm lui coûte désormais 290.000 couronnes (près de 33.000 euros) pour deux ans, qu’elle finance grâce à ses parents et à des petits boulots.

    C’est l’équivalent de 10 ans de salaires en Chine. « C’est un peu cher, mais ça en vaut la peine », dit-elle à l’AFP.

    – Miser sur la qualité -

    Jusqu’en 2011, la Suède figurait parmi les rares pays à exempter de frais de scolarité tous ses étudiants sans exception. Elle attirait ainsi des jeunes des quatre coins du globe.

    Mais cela avait un coût pour les contribuables. La Suède doit attirer les étudiants parce qu’elle offre « un niveau élevé d’enseignement, pas parce que l’accès à l’université est gratuit », explique à l’AFP l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Tobias Krantz, aujourd’hui directeur du département Éducation, recherche et politique d’innovation de la Confédération des entreprises suédoises.

    Les études payantes sont la norme dans le monde, et les étudiants suédois qui quittent leur pays sont bien placés pour le savoir, souligne un professeur d’économie de l’Institut Royal de Technologie (KTH), Eskil Wadensjö.

    https://www.lepoint.fr/societe/en-suede-la-hausse-des-frais-d-universite-a-fait-fuir-les-etudiants-etranger
    #taxes_universitaires #université #études_supérieures

    v. la métaliste sur le sujet ici :
    https://seenthis.net/messages/739889

  • Fin du cash : pourquoi les banques centrales travaillent aux monnaies numériques d’Etat
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/fin-du-cash-pourquoi-les-banques-centrales--travaillent-aux-monnaies-numer

    La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a invité les États à embrasser les idées nouvelles comme une version électronique du cash, à la #Bitcoin. Selon une enquête de la BRI, 69% des 80 banques centrales sondées travaillent à un projet de monnaie digitale, utilisant la technologie de registre distribué. L’Uruguay a lancé une expérimentation, la Suède s’y prépare.

  • La crucifixion de Julian Assange – Ce qui arrive à Assange devrait terrifier la presse (Truth Dig) – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/11/14/la-crucifixion-de-julian-assange-ce-qui-arrive-a-assange-dev

    Le silence sur le traitement d’Assange n’est pas seulement une trahison à son égard, mais une trahison de la liberté de la presse elle-même. Nous paierons cher cette complicité.

    L’asile de Julian Assange à l’ambassade d’Equateur à Londres s’est transformé en une petite boutique des horreurs. Au cours des sept derniers mois, il a été largement coupé de toute communication avec le monde extérieur. Sa nationalité équatorienne, qui lui a été accordée en tant que demandeur d’asile, est en cours de révocation. Sa santé s’est détériorée. On lui refuse l’accès à soins médicaux appropriés [ie à l’extérieur de l’ambassade – NdT]. Ses efforts pour obtenir réparation ont été paralysés par les « règles du bâillon » [« gag rules » – Une règle de bâillon est une règle qui limite ou interdit la discussion, la considération ou la discussion d’un sujet particulier par les membres d’un organe législatif ou exécutif. – NdT], y compris les ordres équatoriens lui interdisant de rendre publiques ses conditions de vie à l’intérieur de l’ambassade dans sa lutte contre la révocation de sa citoyenneté équatorienne.

    Le Premier ministre australien Scott Morrison a refusé d’intercéder en faveur d’Assange, un citoyen australien, même si le nouveau gouvernement équatorien, dirigé par Lenín Moreno – qui appelle Assange un « problème hérité » et un obstacle à de meilleures relations avec Washington – rend la vie du fondateur de WikiLeaks dans cette ambassade insupportable. Presque tous les jours, l’ambassade impose des conditions plus dures à Assange, notamment en lui faisant payer ses frais médicaux, en lui imposant des règles obscures sur la façon dont il doit prendre soin de son chat et en lui demandant d’effectuer diverses tâches ménagères dégradantes.

    Les Équatoriens, réticents à expulser Assange après lui avoir accordé l’asile politique et la citoyenneté, ont l’intention de rendre son existence si pénible qu’il accepterait de quitter l’ambassade pour être arrêté par les Britanniques et extradé vers les États-Unis. L’ancien président de l’Equateur, Rafael Correa, dont le gouvernement a accordé l’asile politique à l’éditeur, qualifie les conditions de vie actuelles d’Assange de « torture ».

    Sa mère, Christine Assange, a déclaré dans un récent appel vidéo : [L’auteur cite de longs extraits. Voir l’appel en entier et en français : https://www.legrandsoir.info/unity4j-christine-assange-lance-un-appel-… – NdT]

    Assange était loué et courtisé par certains des plus grands médias du monde, dont le New York Times et le Guardian, pour les informations qu’il possédait. Mais une fois que ses documents sur les crimes de guerre commis par les États-Unis, en grande partie fournis par Chelsea Manning, ont été publiés par ces médias, il fut mis à l’écart et diabolisé. Un document du Pentagone qui a fait l’objet d’une fuite et préparé par la Cyber Counterintelligence Assessments Branch (Direction du contre-espionnage cybernétique) du 8 mars 2008 a révélé une campagne de propagande visant à discréditer WikiLeaks et Assange. Le document dit que la campagne de diffamation doit chercher à détruire le « sentiment de confiance » qui est le « centre de gravité » de WikiLeaks et à salir la réputation d’Assange. Cela a largement fonctionné. Assange est particulièrement vilipendé pour avoir publié 70 000 courriels piratés appartenant au Comité national démocrate (DNC) et à de hauts responsables démocrates. Les démocrates et l’ancien directeur du FBI, James Comey, affirment que les courriels ont été copiés des comptes de John Podesta, chef de campagne de la candidate démocrate Hillary Clinton, par des pirates du gouvernement russe. Comey a dit que les messages ont probablement été transmis à WikiLeaks par un intermédiaire. Assange a dit que les e-mails n’avaient pas été fournis par des « acteurs étatiques ».

    Le Parti démocrate, qui cherche à imputer sa défaite électorale à l’ » ingérence » russe plutôt qu’à la grotesque inégalité des revenus, à la trahison de la classe ouvrière, à la perte des libertés civiles, à la désindustrialisation et au coup d’Etat des entreprises que le parti a aidé à orchestrer, accuse Assange d’être un traître, bien qu’il ne soit pas un citoyen américain. Ni un espion. Et à ma connaissance, aucune loi ne lui interdit de publier les secrets du gouvernement US. Il n’a commis aucun crime. Aujourd’hui, les articles parus dans les journaux qui publiaient autrefois des articles de WikiLeaks mettent l’accent sur son comportement prétendument négligeant – ce qui n’était pas évident lors de mes visites – et sur le fait qu’il est, selon les mots du Guardian, « un invité indésirable » à l’ambassade. La question vitale des droits d’un éditeur et d’une presse libre a cédé le place à la calomnie contre la personne.

    Assange a obtenu l’asile à l’ambassade en 2012 afin d’éviter l’extradition vers la Suède pour répondre à des questions sur des accusations d’infractions sexuelles qui ont finalement été abandonnées. Assange craignait qu’une fois détenu par les Suédois, il soit extradé vers les États-Unis [un accord d’extradition entre la Suède et les Etats-Unis autorise l’extradition d’une personne comme simple « témoin » – NdT]. Le gouvernement britannique a déclaré que, bien qu’il ne soit plus recherché pour interrogatoire en Suède, Assange sera arrêté et emprisonné s’il quitte l’ambassade pour avoir violé les conditions de sa libération sous caution.

    WikiLeaks et Assange ont fait plus pour dénoncer les sombres machinations et crimes de l’Empire américain que toute autre organisation de presse. Assange, en plus de dénoncer les atrocités et les crimes commis par l’armée américaine dans nos guerres sans fin et de révéler les rouages internes de la campagne Clinton, a rendu publics les outils de piratage utilisés par la CIA et la NSA, leurs programmes de surveillance et leur ingérence dans les élections étrangères, notamment les élections françaises. Il a révélé le complot contre le chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn par des députés travaillistes au Parlement. Et WikiLeaks s’est rapidement mobilisé pour sauver Edward Snowden, qui a exposé la surveillance totale du public américain par le gouvernement, de l’extradition vers les États-Unis en l’aidant à fuir Hong Kong pour Moscou. Les fuites de Snowden ont également révélé, de façon inquiétante, qu’Assange était sur une « liste de cibles d’une chasse à l’homme » américaine.

    Ce qui arrive à Assange devrait terrifier la presse. Et pourtant, son sort se heurte à l’indifférence et au mépris sarcastique. Une fois expulsé de l’ambassade, il sera jugé aux États-Unis pour ce qu’il a publié. Cela créera un précédent juridique nouveau et dangereux que l’administration Trump et les futures administrations utiliseront contre d’autres éditeurs, y compris ceux qui font partie de la mafia qui tentent de lyncher Assange. Le silence sur le traitement d’Assange n’est pas seulement une trahison à son égard, mais une trahison de la liberté de la presse elle-même. Nous paierons cher cette complicité.

    Même si ce sont les Russes qui ont fourni les courriels de Podesta à Assange, il a eu raison de les publier. C’est ce que j’aurais fait. Ces courriers ont révélé les pratiques de l’appareil politique Clinton qu’elle et les dirigeants démocrates cherchaient à cacher. Au cours des deux décennies où j’ai travaillé en tant que correspondant à l’étranger, des organisations et des gouvernements m’ont régulièrement divulgué des documents volés. Ma seule préoccupation était de savoir si les documents étaient authentiques ou non. S’ils étaient authentiques, je les publiais. Parmi ceux qui m’en ont transmis, il y avait les rebelles du Front de Libération Nationale Farabundo Marti (FMLN) ; l’armée salvadorienne, qui m’a un jour donné des documents du FMLN ensanglantés trouvés après une embuscade, le gouvernement sandiniste du Nicaragua ; le Mossad, le service de renseignement israélien ; le FBI ; la CIA ; le groupe rebelle du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ; l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ; le service de renseignement français, la Direction générale de la sécurité extérieure, ou DGSE ; et le gouvernement serbe de Slobodan Milosovic, qui a ensuite été jugé comme un criminel de guerre.

    Nous avons appris par les courriels publiés par WikiLeaks que la Fondation Clinton a reçu des millions de dollars de l’Arabie saoudite et du Qatar, deux des principaux bailleurs de fonds de l’État islamique. En tant que secrétaire d’État, Hillary Clinton a remboursé ses donateurs en approuvant la vente de 80 milliards de dollars d’armes à l’Arabie saoudite, ce qui a permis au royaume de mener une guerre dévastatrice au Yémen qui a déclenché une crise humanitaire, notamment une grave pénurie alimentaire et une épidémie de choléra, et fait près de 60 000 morts. Nous avons appris que Clinton avait touché 675 000 $ pour une conférence chez Goldman Sachs, une somme si énorme qu’elle ne peut être qualifiée que comme un pot-de-vin. Nous avons appris que Mme Clinton avait dit aux élites financières, lors de ses entretiens lucratifs, qu’elle voulait » l’ouverture du commerce et des frontières » et qu’elle croyait que les dirigeants de Wall Street étaient les mieux placés pour gérer l’économie, une déclaration qui allait directement à l’encontre de ses promesses électorales. Nous avons appris que la campagne Clinton avait pour but d’influencer les primaires républicaines pour s’assurer que Donald Trump était le candidat républicain. Nous avons appris que Mme Clinton avait obtenu à l’avance les questions posées lors du débat pendant les primaires. Nous avons appris, parce que 1 700 des 33 000 courriels provenaient d’Hillary Clinton, qu’elle était l’architecte principale de la guerre en Libye. Nous avons appris qu’elle croyait que le renversement de Moammar Kadhafi lui permettrait d’améliorer ses chances en tant que candidate à la présidence. La guerre qu’elle a voulu a plongé la Libye dans le chaos, vu la montée au pouvoir des djihadistes radicaux dans ce qui est aujourd’hui un État en déliquescence, déclenché un exode massif de migrants vers l’Europe, vu les stocks d’armes libyens saisis par des milices rebelles et des radicaux islamiques dans toute la région, et fait 40 000 morts. Cette information aurait-elle dû rester cachée ? Vous pouvez dire oui, mais dans ce cas vous ne pouvez pas vous qualifier de journaliste.

    « Ils sont en train de piéger mon fils pour avoir une excuse pour le livrer aux États-Unis, où il fera l’objet d’un simulacre de procès« , a averti Christine Assange. « Au cours des huit dernières années, il n’a pas eu accès à un processus juridique approprié. A chaque étape, c’est l’injustice qui a prévalu, avec un énorme déni de justice. Il n’y a aucune raison de penser qu’il en sera autrement à l’avenir. Le grand jury américain qui produit le mandat d’extradition se tient en secret, a quatre procureurs mais pas de défense ni de juge.

    Le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis permet au Royaume-Uni d’extrader Julian vers les États-Unis sans qu’il y ait de preuve prima facie. Une fois aux États-Unis, la National Defense Authorization Act permet la détention illimitée sans procès. Julian risque d’être emprisonné à Guantánamo Bay et torturé, d’être condamné à 45 ans de prison de haute sécurité, ou la peine de mort.« 

    Assange est seul. Chaque jour qui passe lui est plus difficile. C’est le but recherché. C’est à nous de protester. Nous sommes son dernier espoir, et le dernier espoir, je le crains, pour une presse libre.

    Chris Hedges

    Chris Hedges, a passé près de deux décennies comme correspondant à l’étranger en Amérique centrale, au Moyen-Orient, en Afrique et dans les Balkans. Il a fait des reportages dans plus de 50 pays et a travaillé pourThe Christian Science Monitor, National Public Radio, The Dallas Morning News et The New York Times, pour lesquels il a été correspondant à étranger pendant 15 ans.

    Traduction « il y aura des comptes à rendre » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles » »https://www.truthdig.com/articles/crucifying-julian-assange/URL de cet article 34082 
    https://www.legrandsoir.info/la-crucifixion-de-julian-assange-ce-qui-arrive-a-assange-devrait-terri

  • Silvana
    https://www.nova-cinema.org/prog/2018/169-pink-screens/16-11/article/silvana

    Christina Tsiobanelis, Mika Gustafson & Olivia Kastebring, 2017, SE, video, VO ST FR ANG, 95’

    Silvana Imam est une icône du féminisme en Suède. Avec son rap engagé, elle annonce une révolution lesbienne et devient la représentante d’une génération prête à se battre contre les injustices d’un pays qui commence à se laisser gangrener par les idées de l’extrême-droite. Véritable phénomène social, le couple explosif qu’elle forme avec la pop star Beatrice Eli voit ses photos affichées partout. Le film s’attache à suivre une star en pleine ébullition tout en entamant une réflexion sur l’intimité de celle qui n’a pas cherché à devenir leader politique et encore moins un phénomène de masse. On assiste à des moments d’une grande intensité mais aussi de solitude : Silvana aimerait parfois être une fille comme une (...)

  • Sélection d’archives en accès libre à l’heure des élections de mi-mandat 2018 aux États-Unis.

    LES LEÇONS DE L’ÉLECTION DE TRUMP

    Pourquoi Donald Trump a séduit l’électorat populaire, par Arlie Hochschild (août 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/08/HOCHSCHILD/58963

    Dans un État américain très pauvre comme la Louisiane, souillée par les marées noires, une majorité de la population vote pour des candidats républicains hostiles aux allocations sociales et à la protection de l’environnement. Sociologue, femme de gauche, Arlie Hochschild a enquêté sur ce paradoxe. Quelques mois plus tard, Donald Trump l’emportait très largement en Louisiane.

    Stratagème de la droite américaine, mobiliser le peuple contre les intellectuels, par Serge Halimi (mai 2006)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2006/05/HALIMI/13441

    « Bureaucrate », « psychiatre », « éducateur » : l’élite stigmatisée n’est pas forcément riche, mais elle est cultivée. Pour la droite américaine, l’essentiel est en effet qu’appartenir au « peuple » – travailleurs, entrepreneurs et prêtres mêlés – ne soit plus une question de revenus, mais de goûts. Erudition et cosmopolitisme contre simplicité et tradition en somme.

    Toutes les Américaines ne s’appellent pas Hillary Clinton, par Florence Beaugé (novembre 2016)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2016/11/BEAUGE/56756

    Aux États-Unis, le taux de mortalité maternelle est le plus élevé du monde développé. Loin de diminuer, il a plus que doublé depuis la fin des années 1980. Selon l’organisation Black Women’s Roundtable, le nombre d’Afro-Américaines décédées des suites de leur grossesse ou de leur accouchement est aujourd’hui de 42,8 pour 100 000 naissances vivantes. Pour les femmes blanches, le taux est moindre, mais élevé lui aussi : 12,5, contre 9,6 en France et 4 en Suède.

    Élections américaines : la déroute de l’intelligentsia, par Serge Halimi (décembre 2016)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2016/12/HALIMI/56930

    Les Américains n’ont pas seulement élu un président sans expérience politique : ils ont également ignoré l’avis de l’écrasante majorité des journalistes, des artistes, des experts, des universitaires. Le choix en faveur de Donald Trump étant souvent lié au niveau d’instruction des électeurs, certains démocrates reprochent à leurs concitoyens de ne pas être assez cultivés.

    Les progressistes américains cèdent à la misanthropie, par Angela Nagle (avril 2017)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/04/NAGLE/57397

    Alors que le populisme de droite qu’incarne Donald Trump a pris le pouvoir aux États-Unis, une vague de mépris des classes populaires, qui auraient mal voté, monte chez les démocrates. Des militants démoralisés par leur débâcle à l’élection présidentielle de 2016 pansent leurs plaies en se berçant de l’illusion de leur supériorité. Sans toujours le savoir, ils ravivent ainsi une vieille idée.

    Comment le « Russiagate » aveugle les démocrates, par Aaron Maté (mai 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/05/MATE/58650

    Pour justifier leur défaite à la présidentielle de 2016, les démocrates américains ont avancé toutes sortes de raisons : l’iniquité du système électoral, les « fausses nouvelles », ou encore les Russes, accusés de collusion avec Donald Trump. Cette focalisation sur Moscou occulte les véritables causes de la déroute, notamment un programme économique entièrement tourné vers l’« innovation ».

    DES REPORTAGES

    Dans les cabines des routiers américains, icônes en voie de disparition, par Julien Brygo (août 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/08/BRYGO/58949

    En 2016, pour la première fois, un camion sans chauffeur a effectué une livraison commerciale aux États-Unis. Depuis, les essais se sont multipliés, ouvrant la voie à un monde où les marchandises se déplaceraient sans intervention humaine. Face à cette révolution technologique qui menace l’existence même de leur métier, les routiers américains oscillent entre panique, déni et incrédulité.

    Dans une société gangrénée par le crédit, par Maxime Robin (septembre 2015)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2015/09/ROBIN/53713

    Impossible, ou presque, de vivre aux Etats-Unis sans contracter un emprunt. Devant les difficultés de leurs clients à rembourser, les banques augmentent les pénalités et... leurs profits. En revanche, dans certains quartiers défavorisés, elles refusent d’ouvrir des agences. Les habitants doivent alors avoir recours aux échoppes de « prêteurs rapaces ».

    Vingt millions d’Américains au ban de la ville, par Benoît Bréville (février 2016)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2016/02/BREVILLE/54742

    Aux Etats-Unis, même les pauvres peuvent devenir propriétaires : il leur suffit d’acheter un mobile home, pour un prix qui dépasse à peine celui d’une voiture, puis de lui trouver un terrain. C’est alors que les difficultés commencent…

    En Arizona, le mur de Donald Trump existe déjà, par Maxime Robin (août 2017)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/08/ROBIN/57766

    À en croire Donald Trump, la frontière américano-mexicaine serait une passoire que seule la construction d’un « grand et beau mur », long de 3 200 kilomètres, pourrait obstruer. Les États-Unis n’ont pourtant pas attendu leur nouveau président pour traquer les migrants clandestins. En Arizona, le désert, les patrouilles de police et les milices citoyennes les tiennent en échec.

    Ma maison, ma voiture, mon puits de pétrole, par Christelle Gérand (juillet 2015)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2015/07/GERAND/53194

    La chute du prix du baril de brut, quasiment divisé par deux en un an, n’affecte pas seulement les multinationales de l’or noir et les pays producteurs. Aux Etats-Unis, elle touche également des millions de particuliers qui possèdent des puits de pétrole sur leur terrain et les louent à des compagnies privées. Lesquelles entendent profiter de cette période de vaches maigres pour obtenir des contrats plus avantageux.

    Dans les quartiers ravagés par les opiacés, par Maxime Robin (février 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/ROBIN/58390

    Ils tuent davantage que les accidents de la route ou les armes à feu. Après avoir ravagé les ghettos noirs dans les années 1990, les opiacés déciment désormais les banlieues pavillonnaires et la petite classe moyenne américaines. Inédite par son ampleur et par ses victimes, cette épidémie d’overdoses l’est aussi par son origine : les consommateurs sont devenus dépendants en avalant des antidouleurs prescrits par leur médecin.

  • L’UE face au défi du plan de paix israélo-palestinien de Trump - Mediapart - 31 octobre 2018 Par Agence Reuters
    https://www.mediapart.fr/journal/international/311018/lue-face-au-defi-du-plan-de-paix-israelo-palestinien-de-trump?onglet=full

    (...) PARTENAIRE ÉCONOMIQUE MAJEUR

    Sur le papier, l’UE est pourtant en position de force pour peser sur l’issue du conflit, puisqu’elle est à la fois le premier partenaire commercial d’Israël (34,3 milliards d’euros d’échanges en 2016 et un tiers des exportations israéliennes absorbées par les Vingt-Huit) et la première contributrice à l’aide aux Palestiniens, un rôle encore plus crucial depuis que les Etats-Unis ont cessé de financer l’UNRWA.

    Dans les arcanes de la diplomatie européenne, certains rêvent de voir Bruxelles hausser le ton, surtout si l’éventuel plan de paix de Donald Trump devait, comme il y a tout lieu de le craindre, remettre en cause la création, ou la viabilité, d’un Etat palestinien.

    « Une réponse potentiellement efficace serait d’annoncer que l’UE va reconnaître l’Etat palestinien », suggère un diplomate en poste à Paris.

    Plusieurs Etats membres ont récemment fait cette démarche à titre individuel (Portugal en 2012, Suède en 2014) et d’autres avant leur adhésion à l’UE et le lancement du processus de paix d’Oslo, lors de la proclamation unilatérale d’indépendance du Conseil national palestinien en 1988 (Malte, Chypre et les pays de l’ex-bloc de l’Est).

    Mais une reconnaissance collective aurait plus de poids et elle éloignerait le spectre d’un enterrement de première classe de la solution à deux Etats, veut croire le diplomate.

    « Cela permettrait à l’UE de faire pression sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle respecte sa part du marché, notamment le processus de réconciliation dans la bande de Gaza bloqué par (le président palestinien) Mahmoud Abbas pour des raisons de tactique politicienne intérieure, tout en faisant comprendre à Israël que la politique du fait accompli ne fonctionnera pas », argumente-t-il.

    Encore faudrait-il que l’UE accepte de se concevoir en tant que grande puissance, un enjeu qui dépasse de loin le cadre du processus de paix au Proche-Orient. (...)

    #Israel-UE

  • J’ai lu l’article de médiapart posté par @aude_v et je suis assez fatigué de toujours voir l’économie comme l’alpha et l’oméga de la montée des fascismes. Crise économique qui par extension ne parle que de la "réaction" de ceux qui sont les plus touchés par elle, les classes populaires et les pauvres.
    La Suède pays sous tension ne subit de crise économique.
    Je me pose la question du Brésil ,terre de colonisation et d’esclavage,et d’une tradition de la violence politique et raciale.
    La question aussi du poids américain sur les pressions exercées.
    Le PT peut représenter une avancée mais il reste un parti réformiste de pouvoir.

    La crise politique brésilienne : histoire et perspectives d’une ‘terre en transe’
    https://journals.openedition.org/bresils/2687

    Cet article cherche à interpréter la crise politique et sociale qui sévit au Brésil aujourd’hui à la lumière de son histoire, en essayant de dépasser les analyses conjoncturelles qui sont les plus fréquentes dans la presse d’opinion. Dans cette perspective, le texte examine l’impeachment de Dilma Rousseff et le conservatisme qui se fit jour durant ce processus comme produit des structures socio-politiques et des cultures politiques qui se rencontrèrent au moment de la formation de l’État national, du passé esclavagiste du Brésil et de la construction du régime républicain avec son projet de modernisation et d’exclusion. D’un manière synthétique, j’analyse le conflit entre le pouvoir législatif et l’exécutif comme étant l’une des caractéristiques du régime républicain brésilien, les interventions de type coups d’État dans les moments de crise politico-sociale et la présence de valeurs autoritaires qui s’inscrivent dans la longue durée de l’histoire brésilienne, en terminant par un examen rapide des impasses de la conjoncture présente.

    Racismes et antiracismes au Brésil-Démocratie raciale et blanchiment.
    https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1998_num_1213_1_3168

    Opinion Hitler in Brasilia : The U.S. Evangelicals and Nazi Political Theory Behind Brazil’s President-in-waiting

    Paywall-Mix up fascist geopolitics, Pat Robertson’s LGBT hate, Bannon’s nationalism and Putin’s shills and you get Jair Bolsonaro, who’s nostalgic for the U.S.-backed dictatorship that tortured and killed thousands of leftists - and he’s about to come to power
    https://www.haaretz.com/world-news/.premium-hitler-in-brasilia-the-u-s-evangelicals-and-nazi-political-theory-

    Les évangélistes en Amérique Latine : De l’expression religieuse à la mobilisation sociale et politique transnationale
    https://journals.openedition.org/conflits/201?lang=en

    Quelles transnationalités ? La transnationalité évangéliste est tributaire d’une dynamique de relations inter-individuelles et inter-organisationnelles structurée autour de multiples rencontres, de conférences et de colloques organisés à l’échelle régionale, nationale et mondiale. Comme nous l’avons souligné précédemment, les principaux acteurs de ces réunions sont des pasteurs dont l’importance est reconnue suivant l’appréciation de la taille de leur Eglise et de l’influence de celle-ci au sein de la société. La transnationalité, dans le cadre de la diffusion des évangélistes dans les sociétés latino-américaines, a pour fondement la reproduction d’un modèle que les groupes exportateurs ont pour vocation de proposer. Ainsi, se créent des espaces et des réseaux transnationaux construits autour d’un même modèle et d’une même dynamique. Les télé-évangélistes sont un exemple frappant de cette logique qui favorise une multiplication des acteurs à travers la transnationalité. Les télé-évangélistes, les pasteurs ayant accès aux médias et aux ressources économiques que ces médias permettent de collecter, étaient jusqu’à la fin des années 70 principalement nord-américains. Désormais, Billy Graham, Jimmy Swaggart ou Pat Robertson n’ont plus le monopole de la représentation religieuse évangéliste sur le sous-continent latino-américain. En l’espace de deux décennies, s’est créée une diplomatie religieuse autochtone, habituée aux rouages politiques et sociaux des bureaucraties locales. Cette diplomatie a été formée aux Etats-Unis et possède ses propres infrastructures dont le siège, bien souvent, se trouve dans ce pays du fait des conditions économiques et fiscales particulièrement favorable

    Le monopole étatique de la violence : le Brésil face à l´héritage occidental
    https://journals.openedition.org/conflits/1883

    Michel Wieviorka (2004) raises the hypothesis that Max Weber´s formulation of the legitimate monopoly of physical violence as the foundation of Modern State, in the western societies, is exhausted. Although one can agree with this proposition, we cannot accept it in absolute terms should we consider the societies of the Extreme Occident (Rouquié, 1986) as it is the case of Brazil. This paper explores the concept according to which, in contemporary Brazil, in spite of changes as result with globalization in its different aspects, the democratic control of violence and urban crime continues to challenge present double form: on the one hand, the social control of endemic violence within civil society; and on the other hand, the control both by civil and the government of the repressive forces of the State.

    Démocratie et Etat de non-droit au Brésil : analyse et témoignage
    https://journals.openedition.org/conflits/1887?lang=en

    Traces of autoritarism remain even in the founding moments – such as the two decades following 1985 – of the Brasilian democracy. I will discuss in this essay aspects related to the constitutional guarantees and in particular civil rights and the functionning of the judiciary power and the police. I will try to spot the light on the endemic violence and on systematical violations of human rights under the democratic constitutionnal governments, and in particular since the 1990s. I will also examine the efforts made by the Brasilian government and civil society aiming at enlarging the full enjoyment of individual rights to the whole population. Finally this essay also includes my personal account on my short stay at the Brasilian federal government.

    Le monopole étatique de la violence : le Brésil face à l´héritage ...
    PDF : https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=13&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjPgsHv6aH

    La récupération du « développement » par l’oligarchie dans le Nordeste brésilien ou la modernisation agraire détournée
    https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1991_num_32_126_4612

  • Dix géants de l’agroalimentaire émettent plus de gaz à effet de serre que quatre pays nordiques | Slate.fr
    http://www.slate.fr/life/87587/coca-danone-agroalimentaire-gaz-effet-serre-pollution

    La confédération d’ONG Oxfam International s’est penchée sur les émissions de gaz à effets de serre globales (pour les matières premières agricoles, le transport, la fabrication, la réfrigération…) et les efforts concernant le climat de plusieurs géants de l’agroalimentaire. Le bilan (PDF) est inquiétant : les dix plus grosses entreprises du secteur (Associated British Foods, Coca-Cola, Danone, General Mills, Kellogg’s, Mars, Mondelez International, Nestlé, PepsiCo et Unilever) émettent chaque année 263,7 millions de tonnes de gaz à effet de serre. C’est un peu plus que la Finlande, la Suède, le Danemark et la Norvège réunis, souligne le rapport.

  • Je regarde l’excellent « guerre de 30 ans » sur #Arte, qui met la plus grande rigueur à démontrer que dans cette horrible boucherie la religion n’était que le prétexte à une très profane lutte de pouvoir ; une #rigueur d’autant plus remarquable qu’elle est inversement proportionnelle à celle qui existe dans les reportages de cette même Arte sur les #guerres du #Moyen-Orient, qui sont expliquées essentiellement par la « haine millénaire qui existe entre chiites et sunnites ».

  • Appels sans suite (1) : le climat, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 12 octobre 2018)
    https://blog.mondediplo.net/appels-sans-suite-1

    Et pendant ce temps, l’hypocrisie médiatique fait son beurre — son beurre symbolique, s’entend, parce que question tirages… Quand les médias soutiennent toutes les insurrections climatologiques en même temps qu’ils font élire un banquier d’affaire, interdisent de questionner le néolibéralisme essentiel de l’Union européenne, disent l’archaïsme des résistances sociales et la modernité des dérégulations, ou bien ils ne savent pas ce qu’ils font ou bien ils savent ce qu’ils font, et aucun des deux cas n’est à leur avantage. Gageons d’ailleurs que, dans les rédactions, les hypothèses concurrentes de la bêtise ou du cynisme doivent se départager différemment selon les étages, si bien qu’aucune ne devrait être écartée a priori. En tout cas le fait est là : il s’agit de travailler à laisser délié ce qui devrait impérativement être relié. Car, non, on ne peut pas éditorialiser simultanément sur le changement climatique et pour faire avaler les déréglementations de Macron ; on ne peut pas expliquer que la planète est en danger et que les magasins doivent ouvrir le dimanche ; alarmer maintenant tous les quinze jours sur le bord du gouffre et célébrer l’efficacité de la privatisation générale, c’est-à-dire la remise aux logiques de l’accumulation du capital de pans entiers d’activité qui lui échappaient.

    • Climat : comment expliquer une aussi criminelle apathie face au drame annoncé ? (Synthèse de Frédéric Joignot)
      https://lemonde.fr/idees/article/2018/10/06/bienvenue-dans-le-capitalocene_5365671_3232.html

      Nous avons « parfois l’impression d’observer une tragédie grecque », dans le sens où « vous savez ce qu’il va se produire, et vous voyez les choses se produire ! », confessait, le 26 septembre, sur France Info, la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, inquiète des dernières mesures sur la dégradation du #climat. Il faut dire qu’un rapport publié la veille, conjointement par l’Organi­sation de coopération et de développement ­économiques (OCDE), l’ONU Environnement et le Groupe de la Banque mondiale, n’était pas fait pour rassurer : on apprenait que, sur les 180 signataires de l’accord de Paris de 2015 (COP21), neuf pays seulement ont soumis aux ­Nations unies des programmes concrets pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES).

      En attendant que les 171 autres respectent leur engagement devant l’opinion mondiale, l’OCDE constate sombrement que « les gouvernements continuent de consacrer près de 500 milliards de dollars par an [430 milliards d’euros] pour subventionner le pétrole, le charbon et le gaz, et que la plupart d’entre eux n’ont pas su mettre fin à leur dépendance à l’égard des recettes provenant des énergies fossiles ». Ils n’ont pas non plus pris les mesures suffisantes pour placer leurs économies sur « une trajectoire “bas carbone” ». Le secrétaire général de l’organisation, Angel Gurria, prévient : « Cette inertie risque de nous faire perdre la guerre contre le réchauffement climatique », c’est-à-dire l’objectif d’un réchauffement maximal de 2 degrés.

      Comment expliquer une aussi criminelle apathie face au drame annoncé ? Depuis quelques années, des chercheurs, historiens, économistes, et non des moindres, avancent une explication radicale. Nous ne sommes pas entrés dans l’anthropocène avec la révolution industrielle et la mondialisation des économies, tant et si bien que l’empreinte colossale des activités humaines a précipité la terre dans une nouvelle ère géologique, où tous les ­écosystèmes sont affectés. Nous sommes entrés dans le « capitalocène » : l’ère du système capitaliste triomphant, incapable de contenir sa course effrénée au profit.

      Ainsi, Andreas Malm, professeur au département d’écologie humaine à l’université de Lund (Suède), explique, dans L’Anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement ­climatique à l’heure du capital (La Fabrique, 2017), que ce n’est pas tant une « espèce humaine » abstraite qu’il faut rendre responsable du désastre écologique, mais d’abord l’Empire britannique. Il retrace ainsi l’histoire de la ­machine, puis de la locomotive à vapeur, brevetée par l’Ecossais James Watt en 1784, et décrit la manière dont les capitalistes anglais les ont popularisées en Europe, dans leurs colonies, puis dans le monde entier, démarrant ainsi la révolution industrielle.

      Malm rappelle ensuite comment l’exploitation des sources d’énergie a mené à la mise en place d’une « économie fondée sur la consommation croissante de combustibles fossiles », « en lien étroit avec le processus d’accumulation du capital qu’elle suppose ». C’est cette logique économique qui se perpétue aujourd’hui, générant « une croissance continue des émissions de gaz à effet de serre ». Pour Malm, « blâmer l’humanité du changement climatique revient à laisser le capitalisme se tirer d’affaire ».

      De leur côté, les chimistes américain et néerlandais Will Steffen et Paul J. Crutzen (Prix Nobel 1995), inventeurs du concept d’anthropocène, rappelaient en 2008, dans le Journal of Human Environment, comment la pression destructrice des activités humaines sur l’environnement a connu une « grande accélération » à partir des années 1950 : pollution industrielle massive, sixième extinction animale, acidification des océans, désertification, ­surpêche, fonte des glaces, concentration des GES, ­réchauffement, tout s’est aggravé – mondialisé. Si bien que le sociologue américain John Bellamy Foster comme la journaliste d’investigation canadienne Naomi Klein parlent d’un capitalisme dévastateur.

      En France, en 2016, Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences et des techniques, a ajouté un chapitre intitulé « Capitalocène » à la dernière édition de L’Evénement ­anthropocène. La Terre, l’histoire et nous (Seuil), livre qu’il a publié avec l’historien des sciences Christophe Bonneuil – popularisé par Thomas Piketty à l’Ecole d’économie de Paris. Ils expliquent que nous vivons aujourd’hui la confrontation violente du « système terre » et du « système monde » du capitalisme mondialisé, grand consommateur de matières premières et de ressources minérales, qui s’est « construit au moyen d’un accaparement des bienfaits de la terre et d’une externalisation des dégâts environnementaux, par le biais de phénomènes de dépossession et d’“échange inégal” ». Pour les auteurs, parler de « capitalocène » plutôt que d’anthropocène est stratégique : c’est désormais la fin du capitalisme qu’il faut penser, et non la fin du monde.

    • Lordon, Casaux, Ziegler, etc. : faut-il être anticapitaliste pour « sauver la planète » ? | Jean Gadrey | Les blogs d’Alternatives Économiques
      https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/10/16/lordon-casaux-ziegler-etc-faut-il-etre-anticapitalist

      Il se trouve que, comme signataire de certains de ces appels, je suis concerné par ce réquisitoire, que je prends d’ailleurs au sérieux en dépit de son ton polémique, qui fait partie des charmes d’écriture de Frédéric Lordon. J’ai un peu de mal à me situer entre la niaiserie humaniste et le refus catégorique de prendre parti sur le capitalisme…

      Lordon n’est pas le seul à sembler faire du combat explicite contre le capitalisme la précondition ou le cadre nécessaire de toute mobilisation pour sauver le climat, ou ce qui peut encore l’être. C’est ainsi que Jean Ziegler estime pour sa part que « Pour sauver la planète, il faut détruire le capitalisme » et que Nicolas Casaux, que je ne connaissais pas avant de le découvrir sur Facebook, s’en prend aux nombreux jeunes youtubeurs talentueux qui se sont engagés collectivement pour le climat (et dont la vidéo a été vue à ce jour plus de 9 millions de fois !). Il écrit ainsi : « nos youtubeurs… embrayent directement sur divers problèmes plus ou moins spécifiques… sans poser de diagnostic, sans déterminer la cause des problèmes, sans cibler le système économique dominant — le capitalisme. »

      J’explique en deux temps mon désaccord (partiel) avec ces points de vue, en privilégiant l’analyse de Frédéric Lordon qui est la plus complète et la plus radicale. Je serai bref sur le rôle du capitalisme dans l’effondrement écologique en cours, un peu plus explicite sur la condamnation sans appel de ces appels divers et de diverses autres initiatives, dont celles qui concernent la décroissance ou la post-croissance. Il faut d’ailleurs reconnaître à Lordon une certaine constance dans son manque d’appétence pour la critique de la croissance : « C’est d’ailleurs là le mot magique : pour ne pas avoir à dire « capitalisme », il suffit de dire « décroissance » ou, si la chose sent encore un peu trop le macramé, « post-croissance ». Brillant comme d’hab. mais pas forcément juste, j’y viens.

      LE CAPITALISME, ARME DE DESTRUCTION MASSIVE DE LA PLANÈTE ? OUI

      Sur ce premier point, je vais faire court car je m’en suis souvent expliqué ici et là, notamment dans ce billet de blog de 2010, qui m’a valu quelques réserves des plus sociaux-démocrates de mes amis (ils se reconnaîtront) : « Peut-on s’en sortir dans le cadre d’un capitalisme réformé ? ». J’y présentais « neuf caractéristiques structurelles du capitalisme qui font douter de sa capacité à nous sortir de la zone des tempêtes à répétition. » et je concluais ainsi : « il me semble que ceux mes amis qui pensent qu’un capitalisme régulé pourrait faire l’affaire devraient tenter soit de répondre aux questions qui précèdent, soit de m’expliquer en quoi elles sont mal posées. »

      Je suis donc d’accord avec Lordon, Ziegler, Casaux et d’autres sur l’énorme responsabilité (dans l’effondrement écologique mais aussi dans d’autres domaines) du capitalisme et de ses acteurs, et plus encore du capitalisme financier dont Lordon est l’un des meilleurs analystes. Il y a certes cet argument : on a connu, dans l’histoire, des systèmes non capitalistes tout aussi productivistes et destructeurs des écosystèmes. Exact, mais… il n’y en a plus… Une variante : certaines grandes entreprises publiques (non capitalistes) ont été ou sont encore clairement « climaticides », de même que certaines collectivités locales qui encouragent et financent de « grands projets inutiles », des aéroports par exemple, etc. C’est vrai, mais on peut rétorquer que le capitalisme néolibéral, avec ses lobbies, ses moyens de corruption, sa capacité à faire élire certains de ses meilleurs avocats et à orienter les grands médias (qu’il possède), est très largement à la manœuvre dans ces orientations publiques.

      On peut donc passer au point suivant.

      FAUT-IL ÊTRE EXPLICITEMENT ET PRIORITAIREMENT ANTICAPITALISTE POUR « SAUVER LA PLANÈTE » ?

      Pour moi, cette option désigne une stratégie d’une part perdante, d’autre part contradictoire avec ce que Frédéric Lordon lui-même écrivait dans son livre de 2009 « la crise de trop », qui est toujours pour moi une grande référence, je reste un étudiant de la « Lordon School of Economics »… Dans ce livre, les perspectives d’un dépassement du capitalisme ne sont évoquées qu’à l’extrême fin, dans une « projection » fort intéressante intitulée « Et pourquoi pas plus loin ? ». Mais le gros des propositions pour sortir de la crise, rassemblées dans les parties I (« Arraisonner la finance ») et II (« Défaire le capitalisme antisalarial » [traduisez : capitalisme actionnarial et financier]), est constitué de « réformes » certes ambitieuses mais qui ne consistent en rien à se débarrasser du capitalisme. Je cite : « à défaut du grand saut postcapitaliste, une transformation suffisamment profonde des structures actionnariales et concurrentielles serait déjà à même de produire le renversement non pas du capitalisme tout court, mais de ce capitalisme-là, le capitalisme antisalarial » (p. 160). Et, deux pages avant : « Le parti que je prends ici tient l’hypothèse que la sortie du capitalisme, dût-on le regretter, est l’issue la moins probable de la crise actuelle ». Positions que je partage depuis longtemps.

      Ce qui me sépare des points de vue critiques des « appels » en tout genre sur le climat ou sur le dogme de la croissance, ou de la critique des youtubeurs par Casaux, ne réside pas dans la portée, assez faible, de ces appels que je signe parfois. Non, ce qui me sépare est qu’il ne me viendrait pas à l’idée de reprocher à des initiateurs/trices ou signataires de ces textes, ou aux youtubeurs, de ne pas désigner explicitement le capitalisme comme adversaire principal. La seule question que je me pose avant de signer ou pas est : la cause ou les causes que ce texte met en avant, et ce qu’il revendique, invitent-ils ou non à agir en vue d’une réforme significative du « système » actuel dans ce qu’il a de plus détestable ? Ce n’est guère différent de mon attitude à l’égard de ce que Lordon propose pour « arraisonner la finance ».

      Prenons l’exemple de l’appel « nous voulons des coquelicots » (encore un que j’ai signé, en me déplaçant jusqu’à une mairie le 5 octobre pour le faire connaître). J’imagine que ça fait bien rigoler Lordon, Casaux et d’autres, qui doivent trouver ça au mieux « fleur bleue », si j’ose dire. Or de quoi est-il question : d’interdire les pesticides de synthèse, en tentant de mobiliser bien au-delà des cercles écolos usuels. Difficile de trouver plus clairement « anticapitaliste » : les multinationales des pesticides sont les premières cibles, avec l’agrobusiness. C’est assez comparable à l’interdiction des produits toxiques… des banques. Pourtant, le capitalisme n’est pas désigné en tant que tel dans l’appel. Ni dans les innombrables actions de désobéissance civique menées pour mettre fin aux paradis fiscaux ou aux investissement « climaticides » des banques.

      Depuis plus de quinze ans que j’ai quitté la recherche, je baigne dans des réseaux associatifs militants et je vois autrement les possibilités de s’en prendre au « système » en le mettant en difficulté par tous les bouts possibles, partout où il s’en prend à des biens communs auxquels les gens tiennent. Parmi ces biens communs à reconquérir en les « sortant du capitalisme financier », on trouve la monnaie et le climat, mais aussi la protection sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, une alimentation saine, la qualité de l’air en ville, les terres arables et les sols vivants, les forêts, etc.

      Mon hypothèse est, d’une part, que le néolibéralisme et le capitalisme financier ont plus à craindre de ces nouveaux mouvements sociaux autour de biens communs multiples que des discours anticapitalistes. Et que, d’autre part, la prise de conscience de la nocivité du « système » du capitalisme financier et de ses multinationales a plus de chances de se développer au cours de ces mouvements qu’en l’exigeant comme préalable à l’action.

      Quant aux « appels », un peu d’observation de ce qu’ils produisent est utile. Pour certains, rien de significatif, c’est vrai. Mais d’autres produisent du débat public et de l’action collective, par exemple le 8 septembre et le 13 octobre dernier à propos du climat. Et ce que j’ai vu, en participant à des réunions de préparation des actions (300 personnes à Lille pour préparer une marche qui a rassemblé 5000 personnes), c’est la forte présence de personnes, souvent jeunes, qui n’avaient jamais milité nulle part. Et qui sont souvent venues à la suite de ces « appels », dans la mesure où ils ont été relayés sur le terrain.

      « Après l’effacement de tant de systèmes politiques au cours des 50 derniers siècles et alors que de toutes parts nous parviennent des rapports sur les bouleversements qui affectent la Terre, n’est-il pas téméraire de considérer le capitalisme industriel et consumériste comme immortel ? Étant donné qu’il est la cause du dérèglement planétaire, il me semble plutôt intéressant de penser son effondrement, voire même de le préparer !

      Comment ?

      En multipliant par exemple les actes de non-coopération avec le modèle consumériste, en résistant aux dérives fascisantes ou aux oppressions que la crise écologique ne manque pas de favoriser, en s’opposant aux projets inutiles et à la poursuite de l’extraction des énergies fossiles comme des minerais, en renforçant les alternatives qui émergent. A l’image du « dernier homme » post-apocalyptique et individualiste hollywoodien, je préfère plutôt l’image des collectifs qui participent à l’effondrement d’un vieux monde productiviste : ceux qui bloquent les mines et font chuter le cours des actions des multinationales, ceux qui réinventent des communs – du mouvement de la transition aux zones à défendre. Une autre fin du monde est possible ! »

    • Appels sans suite (2)
      Migrants et salariés
      https://blog.mondediplo.net/appels-sans-suite-2

      Or c’est bien ce qu’il y a à discuter ici si l’intention particulière du « Manifeste » n’est pas tant d’attirer l’attention sur le sort des migrants en général que d’en finir avec l’imputation faite aux migrations d’entretenir la misère salariale. Donc de relever les migrants d’une causalité qui ne leur appartient pas, en tout cas pas en première instance, et de lui substituer la bonne : celle qui évite de dresser un salariat contre un autre. Mais alors, la logique élémentaire devrait commander, d’abord de nommer les vraies causes avec la plus grande clarté, et ensuite de s’en prendre très directement à elles, avec normalement le double bénéfice et d’améliorer les effets pour tous et d’en finir avec les débats mal posés. C’est à ce moment qu’on prend la mesure des blocages mentaux qui, le problème déplié, empêchent de se rendre à sa solution — et ni les migrants, ni les salariés nationaux ne sont sortis de l’auberge.

      Car on voit bien que la « frénésie » et la « ronde incessante » avaient surtout vocation à faire faire l’économie des mots — et surtout de ce qui peut s’en suivre une fois qu’on les a lâchés. Il fallait bien suggérer un petit quelque chose, mais le priver autant que possible de sa consistance logique et même de sa force nominale. Il est vrai qu’ayant fait à des degrés divers campagne pour savonner la planche de la seule force politique qui pouvait entraver la marche consulaire de Macron (c’est-à-dire entraver l’approfondissement des causes en question ici même !), voire pour certains ayant positivement servi la soupe à ce dernier, on ne pouvait guère attendre des initiateurs du « Manifeste » qu’ils prissent tout soudain une ligne autre que compatible avec leur projet foncier de reconstitution d’une force finalement socialiste-courtoise (satellites compris), avec une réelle amplitude de débat puisqu’on autorisera de discuter de tout pour savoir si c’est Benoît Hamon ou Christiane Taubira qui doit en prendre la tête — en tremblant même du fol espoir que Raphaël Glucksmann puisse faire don de son corps à l’Europe sociale et à l’accueil de l’Autre. De là d’ailleurs ce cycle asymétrique caractéristique, indexé sur le calendrier électoral, qui fait assaut de toutes les audaces pendant quatre ans et demi, puisqu’elles sont essentiellement verbales, et pendant les six mois qui précèdent l’élection enjoint de retourner à l’écurie pour voter Hollande, Macron, ou bien le prochain équivalent fonctionnel, il faut quand même être raisonnable — ou bien faire barrage. En tout cas ne rien commettre d’irréparable qui dérangerait l’ordre contemporain autrement qu’en mots (et encore).

      La question de l’euro n’étant que la projection régionale du problème global de la mondialisation, les élections européennes promettent de tracer à nouveau la ligne de fracture qui sépare les courtois, ou disons plutôt les stupéfiés : ils sont face à l’ordre du monde, en voient le principe mais, saisis de tremblements, se refusent à le changer et lui demandent simplement de bien vouloir jouer autrement (une autre Union européenne, une autre mondialisation, un autre commerce international, un autre appareil génital de ma tante pour qu’on puisse l’appeler mon oncle), et d’autre part ceux qui cherchent les voies pour mettre une ligne politique au bout d’une analyse. Pendant ce temps, Salvini donne au défi à l’Europe la plus sale gueule possible. Il aurait tort de se gêner : le boulevard est désert — ou plutôt déserté. Il est vrai qu’aux mauvais vouloirs et aux rationalisations démissionnaires, cette sale gueule-là s’avère parfaitement fonctionnelle.

      En tout cas l’inconséquence, qui est partout, donne la mesure de la profondeur à laquelle l’ordre présent a vissé dans les têtes l’idée de sa propre immuabilité, et conforté les tempéraments portés à l’accommodation. Aussi bien en matière de changement climatique que de migrants, les appels se partagent entre ceux qui ne voient même pas ce qu’il y a à voir et ceux qui ne veulent surtout rien faire quand bien même ils ont un peu vu. Ainsi donc, ce n’est pas tant la pratique des appels en général qui est à mettre en question (l’auteur de ces lignes en a signé suffisamment pour ne pas se déjuger au mépris de toute logique) que les usages qu’on en fait : pour dire quoi, ou pour éviter de dire quoi — et alors pour tirer quelles sortes de bénéfices de ces évitements...

  • Victimes du changement climatique, des Européens intentent un procès à l’Union européenne
    https://www.bastamag.net/Victimes-du-changement-climatique-des-Europeens-intentent-un-proces-a-l-Un

    Ils sont agriculteurs, bergers, forestiers, étudiants, propriétaires d’hôtels ou de restaurants. Ils vivent en Suède, au Portugal, en France, en Italie, en Allemagne et en Roumanie. Tous sont déjà victimes du changement climatique et en témoignent : Armando a perdu ses forêts dans les incendies qui ont décimé le Portugal, Sanna redoute de perdre son élevage de rennes menacé par la fonte du permafrost, Maurice peine à vivre de sa culture de lavandes du fait des sécheresses consécutives... Ensemble, ils (...)

    #Témoignages

    / #Le_défi_du_réchauffement_climatique, #Justice, #Europe, #Climat

  • William Nordhaus et Paul Romer reçoivent le 50e Prix Nobel d’économie - Le Temps
    https://www.letemps.ch/economie/william-nordhaus-paul-romer-recoivent-50e-prix-nobel-deconomie

    Laureate William Nordhaus’ research shows that the most efficient remedy for problems caused by greenhouse gas emissions is a global scheme of carbon taxes uniformly imposed on all countries. The diagram shows CO2 emissions for four climate policies according to his simulations.

    #carbone #climat « #nobel_d'économie »