• Retour sur la consultation avec un infectiologue à la Salpétrière. #apresJ20, @lapsyrevoltee
    https://twitter.com/lapsyrevoltee/status/1266061619660050433

    J’ai été très bien accueillie. Le Dr m’a gardée 1h15, il ne m’a pas coupé la parole, il m’a écoutée, a posé des questions, m’a laissé le temps de poser toutes mes questions, etc.
    Nous sommes BEAUCOUP

    Le service est submergé. Ils sont en train de réaliser l’ampleur du problème. L’Hôtel Dieu et Bichat ouvrent aussi un #suivi_post-covid. Ils voient beaucoup de gens avec des examens normaux ou quasi normaux et des symptômes très variés même s’il y a a souvent la tachycardie au premier plan.

    Voilà les hypothèses avec lesquelles ils travaillent (le Dr m’a bien précisé qu’il restait humble, que peut-être les études sur la maladie lui donneraient tort mais qu’il devait partir de quelque part et que donc, il partait de ce qu’il connaissait comme réactions similaires) :

    – Le virus n’est plus dans notre corps. Certaines familles de virus sont connues pour rester actives dans le corps (la mononucléose, la famille des herpès ou des zona par exemple) mais ce n’est pour le moment le cas d’aucun coronavirus connu. Donc quand on est aussi avancé dans la maladie, pour eux ce n’est pas une réactivation du virus (même s’il peut se détecter sur des cellules dites mortes).

    – Une partie des symptômes sont des micro-lésions dues à la #réaction_immunitaire forte qui a crée des dégâts en sécrétant des anticorps auto-immuns qui se sont attaqués à notre organisme. Ces micro-lésions peuvent ne pas se voir aux examens alors qu’elles se voient aux autopsies où on peut directement observer le tissus au microscope. Ces lésions sont réversibles. Ils sont plus inquiets des gens qui ont des choses visibles aux examens. La réaction auto-immune peut toucher tous les endroits où le corps a constaté la présence de virus et comme le virus a des affinités avec les récepteurs ACE qui se trouvent quasi dans tous les organes, ça explique la multiplicité des atteintes possibles

    – Après la réaction immunitaire, il y a un #état_inflammatoire qui peut durer très longtemps. D’après mes prises de sang, j’en sors à peine alors que je suis à J77. Cet état inflammatoire se voit sur divers paramètres à la prise de sang (pour moi c’était une forte élévation de la ferritine, de la vitesse de sédimentation et de certains globules blancs) et cet état inflammatoire peut toucher quasiment tous les endroits du corps. Cet état inflammatoire donne des douleurs, un épaississement du sang, etc. et il vient se surajouter aux lésions laissées par l’orage immunitaire

    – Une fois que tout cela est passé, il y a ce qu’on appelle le #syndrome_post-viral. Apparemment, cela existe dans beaucoup de virus à des pourcentages très faibles. Il semblerait que pour le covid, le syndrome post-viral touche beaucoup plus de personnes
    Ce syndrome est dû au fait que la lutte contre le virus a épuisé l’organisme de toutes ses forces. Il peut se manifester par de la fatigue au sens commun mais pas forcément. Pour eux, une partie de nos essoufflements seraient dus à ça, sans atteinte pulmonaire. On demande à notre corps un effort qu’il ne peut pas fournir et donc il montre des signes de lutte (essoufflement, tachycardie, douleur). Comme quand vous alliez bien et que vous essayiez de soulever un meuble hyper lourd vous aviez ces symptômes et bien là le seuil est fortement abaissé
    Ce syndrome peut durer quelques mois mais la plupart du temps il se résorbe. J’ai posé la question du syndrome de fatigue chronique qui a été évoqué ici, lui pense que ce sera un pourcentage minime de gens qui vont être confrontés à ça, que dans la plupart des cas cela va rentrer dans l’ordre (là il se base sur des comparaisons avec la dengue, la mononucléose, etc.).

    – Le corps étant très affaibli, il peut être en proie à d’autres problèmes connexes qu’il faut explorer : les maladies inflammatoires qui étaient en germe mais non déclarées peuvent survenir après un tel épisode et il faut faire une exploration pour vérifier que ce n’est pas le cas par exemple. De même, si on a été infecté dans notre vie par des virus qui restent dormants dans l’organisme comme ceux dont on parlait au début de ce thread (zona, herpes, varicelle, cytomegalovirus, mononucléose), ces virus habituellement tenus en respect par les défenses immunitaires du corps peuvent refaire des symptômes à la faveur de notre épuisement et cela peut se voir à la prise de sang. C’est pour ça que certain.e.s d’entre vous ont eu des zonas par exemple.

    – Son conseil c’est d’aller à notre rythme. Rester actif, marche, vélo d’appartement sans résistance, gym douce et s’arrêter dès qu’on se sent fatigué.e ou essoufflé.e. Bien écouter son corps, ne pas aller au-delà des limites. Essayer de se reposer, de ne pas s’exposer au stress, d’avoir une bonne alimentation pour recharger les réserves. Bref s’armer de patience et prendre soin de soi. Quand je lui ai rapporté les propos de ma généraliste il était outré, il m’a dit que vu mon état il ne fallait pas que je reprenne en présentiel que ça serait vraiment néfaste, que j’avais besoin de temps

    – Sur la question des sérologies, au-delà du seuil de détection qui devra être amélioré pour détecter des anticorps en petite quantité, il m’a expliqué que les sérologies sont actuellement fiables à 90% mais que c’est une histoire de protéines ciblées. On ne se bat pas tou.te.s contre le virus avec les mêmes protéines (qui s’associent à des types de globules blancs) et si une #sérologie cible un type de protéines qui n’est pas celui que vous avez utilisé pour combattre le virus alors forcément elle reviendra négative. Pour info, ma sérologie en laboratoire bien qu’elle fasse partie de la liste homologuée est revenue négative. J’attends de voir celle de l’hôpital...

    – Enfin concernant le suivi, comme j’avais déjà fait une écho du coeur et un scanner thoracique. Il m’a dit qu’il n’aurait peut être pas de réponse pour moi et qu’il en était désolé. Il m’a ensuite confiée à une infirmière adorable ! Elle m’a pris 12 tubes de sang pour vérifier que je n’ai pas déclaré une autre maladie inflammatoire, étudier en profondeur mon système immunitaire et voir s’il y a une #immunodépression à cause de l’épuisement, faire une autre sérologie et d’autres paramètres que j’ai oubliés. Ils m’ont fait sur place un électrocardiogramme qui a été revu avec le médecin et un test PCR. J’y retourne la semaine prochaine pour avoir un rendu des résultats sanguins, voir si j’ai d’autres questions qui sont venues et discuter de la possibilité de faire un électromyogramme. L’important étant d’éliminer ce qui pourrait être grave et de me soulager des symptômes mais tout ne me prévenant que pour l’instant ils n’ont pas les réponses.

    Même si j’ai payé l’effort de la route et la grosse prise de sang par une incapacité à faire quoi que ce soit aujourd’hui, j’ai trouvé que ça valait vraiment le coup de faire un point global avec un Dr à l’écoute. Ca rend plus facile de supporter le fait qu’il n’y ait pas de réponse. Je rappelle que je ne suis pas médecin et que je vous retranscris donc avec mes mots ce que j’ai compris de l’entretien, il peut y avoir des approximations.

    #post-covid #soin

    • « On commence à douter de soi-même » : après plusieurs semaines de Covid-19, des malades épuisés par des symptômes qui durent, Pascale Santi et Elisabeth Pineau
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/30/on-commence-a-douter-de-soi-meme-apres-plusieurs-semaines-de-covid-19-des-ma

      Fatigue extrême, douleurs articulaires, gêne respiratoire… Des dizaines de jours après l’apparition de la maladie, de nombreux convalescents continuent d’en ressentir les effets. Et se sentent parfois délaissés par le corps médical.

      « Un jour, j’ai mon âge, et le lendemain, j’ai la sensation d’avoir 90 ans. » Stéphane Gilles résume ainsi son quotidien depuis qu’il a ressenti les premiers symptômes du Covid-19, aux alentours du 18 mars. Plus de soixante-dix jours au cours desquels ce chef d’entreprise lyonnais de 57 ans, sportif et sans antécédents médicaux, a appris à vivre avec des hauts et des bas. Le test sérologique – destiné à repérer la présence d’anticorps spécifiques au SARS-CoV-2 – effectué il y a trois semaines lui est revenu positif. « Je suis toujours fatigué, j’ai encore du mal à respirer. Hier, j’ai monté deux escaliers, j’ai cru que j’allais tomber dans les pommes , explique-t-il d’une voix posée. Un sac de courses que je dépose sur une table, il me faut une heure pour m’en remettre. »

      Au bout de cinq semaines, il se croyait pourtant guéri de la maladie, qui s’est déclarée comme « une sorte de petite pharyngite ». Comme lui, combien sont-ils à ressentir des symptômes plusieurs semaines, voire plusieurs mois après avoir été contaminés ? Difficile à évaluer car il n’existe pas encore à ce jour de statistiques. Gêne respiratoire persistante, oppression thoracique, tachycardie, vertiges, névralgies de type sciatique, douleurs articulaires, crampes, fourmillements dans les jambes et les mains, migraines, pertes de mémoire, éruptions cutanées… le spectre des manifestations décrites est très large.

      Patricia (certains malades préfèrent témoigner sous le couvert de l’anonymat), elle, a eu les premiers symptômes du Covid-19 le 16 mars : fortes courbatures, maux de tête, grande fatigue, un peu plus de 38 °C de température, une pesanteur sur la poitrine et une toux plutôt faible. Près de onze semaines plus tard, cette femme de 55 ans, habituée des sports d’endurance, souffre toujours de cette inflammation thoracique, des sensations de brûlure comme de l’air glacé à l’intérieur des poumons, et une toux sèche que la chaleur aggrave, ce qui gêne sa respiration, notamment la nuit. Un suivi effectué en milieu hospitalier a montré des examens médicaux (scanner, bilan sanguin, exploration fonctionnelle respiratoire) normaux. Elle doit prendre un traitement utilisé habituellement contre l’asthme pour apaiser la gêne respiratoire. « J’ai repris le travail le 4 mai à plein temps, malgré la réticence du médecin du travail, en pensant qu’avec le télétravail ça passerait, mais il a fallu se rendre à l’évidence au bout de deux semaines et demie, et passer à mi-temps en raison d’un épuisement dès la mi-journée et de problèmes de concentration. »

      L’impression de ne pas être pris en compte

      Nombreux sont ces patients présentant une forme longue de la maladie – malgré l’absence supposée de facteurs de risque – à n’avoir pu se faire prescrire de test virologique (dit « PCR ») au début de l’épidémie, tests réservés alors aux cas graves et au personnel soignant. Quand elle s’est rendue aux urgences le 25 avril en raison d’un seuil de D-dimères (marqueurs biologiques d’une activation de la coagulation) trop élevé, Virginie, 42 ans, s’est vue répondre qu’elle n’avait peut-être jamais contracté le virus dans la mesure où elle n’avait pas été testée : « On m’a dit : “Ne vous inquiétez pas, le scanner thoracique et l’angioscanner sont bons” », raconte, entre deux toussotements, cette mère de famille de Seine-et-Marne, dont les premiers symptômes remontent au 18 mars. « Notre corps nous dit quelque chose et les résultats sanguins autre chose, c’est très perturbant, on commence à douter de soi-même. J’ai même pensé à aller voir un psy en me disant : c’est dans ma tête. »

      Pour ces malades dont l’état n’a pas nécessité une hospitalisation d’office, la médecine a encore trop peu de réponses à fournir. A l’épuisement de la maladie s’ajoutent un sentiment de désarroi et parfois l’impression de ne pas être pris en compte par le corps médical. Quand on n’invoque pas ouvertement devant eux le syndrome du malade imaginaire… « Le réflexe est de tout mettre sur l’anxiété. La dernière fois que j’ai appelé le SAMU, début mai, à cause de grosses céphalées et vertiges, on m’a envoyé balader » , témoigne Nicolas, 42 ans, éducateur sportif à Yerres (Essonne), symptomatique depuis le 12 mars.

      Quant aux entourages personnel et professionnel, eux non plus ne se montrent pas toujours empathiques : « Certains nous disent : est-ce que tu n’en fais pas un peu trop ? , raconte Arnaud Fillion, commercial de 57 ans résidant à Vaucresson (Hauts-de-Seine), qui vient de franchir le seuil des quatre-vingts jours de maladie. Dans l’esprit collectif, le Covid, soit c’est une grosse grippe, soit on est gravement malade et hospitalisé, mais si votre état est entre les deux, ça déstabilise les gens. »

      Une « courbe parfaite »
      Estimant que ces patients représentent en quelque sorte l’ « angle mort » de l’épidémie, une psychologue de la région parisienne, connue sur Twitter sous le pseudonyme @lapsyrévoltée, a décidé le 12 avril de lancer le mot-dièse #apresJ20. Depuis, sous ce mot-clé – et désormais #apresJ60 –, ils sont des centaines d’internautes à partager leurs expériences et décrire, jour après jour, l’évolution de leur propre tableau clinique.

      En compilant depuis deux mois et demi leurs témoignages, la psychologue observe une « courbe parfaite » : après une première phase virale entre dix et quinze jours souvent peu intense, parfois sans fièvre, puis une accalmie entre cinq et dix jours, survient une rechute brutale entre J20 et J30. « La tachycardie et l’essoufflement sont alors systématiques, puis des symptômes périphériques s’installent comme des problèmes rénaux ou neurologiques. Plus on avance dans le temps, plus ce sont des symptômes d’allure inflammatoire » , résume-t-elle. Sur Facebook, des groupes ont également vu le jour, comme « Soutien Covid19 de J1 à #apresJ60 », dont le millier de membres sont invités chaque jour à faire part de leur « météo intérieure » . Les médecins font, eux aussi, état de patients ayant du mal à remonter la pente.

      Prises de sang, électrocardiogramme, scanner thoracique, tests PCR et sérologique négatifs… malgré la batterie de tests effectués, les maux de Nicolas restent à ce jour inexpliqués. Certains malades ont pu voir poser un diagnostic sur une partie de leurs symptômes. C’est le cas d’Anaïs Enet-Andrade, malade depuis près de quatre-vingts jours, dont le cardiologue a décelé une péricardite (inflammation de la membrane autour du cœur) à J35. Depuis, cette Parisienne sportive de 35 ans suit un traitement et observe que la tachycardie qui s’était déclarée « s’est arrêtée depuis quelques semaines » . Son compagnon, en revanche, dont la maladie s’est manifestée vingt-cinq jours après elle, « n’a rien cliniquement donc il n’a pas de traitement, pourtant il a parfois les poumons en feu. C’est déroutant et désespérant » .

      La jeune femme, chargée de projet dans une association, déplore aussi le manque d’accompagnement de ces personnes qui font le « yo-yo » par #Covidom, la plate-forme permettant un suivi à distance quotidien et automatisé des malades ne nécessitant pas d’hospitalisation. Elle-même a été accompagnée jusqu’au 30e jour « et du jour au lendemain, plus rien. Quand j’ai eu une rechute à J35, j’ai essayé plusieurs fois de les recontacter, en vain » . Pour ces patients, des consultations post-Covid commencent à être mises en place, comme à la Pitié-Salpétrière, à Paris, ou à l’hôpital Nord de Marseille

      Une forme d’impuissance

      Le 24 mai, Virginie a dû être hospitalisée pour de très fortes douleurs aux jambes. Le verdict est tombé deux jours plus tard : « syndrome de type fibromyalgie associé à un syndrome antiphospholipidique post-Covid-19 sans thrombose ». Elle n’a pas de traitement spécifique car la fibromyalgie reste mal connue, mais s’est vue prescrire un antalgique pour atténuer la douleur. « Je suis soulagée de savoir pourquoi j’avais ces coups de poignard dans les jambes » , murmure la jeune quadragénaire, dont la sérologie s’est révélée positive.

      Face à des symptômes si polymorphes, les médecins avouent une forme d’impuissance, tâtonnant avec les traitements. Certains patients ont accès à des corticoïdes ou à des antihistaminiques, d’autres ressortent de la consultation uniquement avec du paracétamol et des vitamines. « Certains médecins ont la main leste sur les psychotropes : ils prescrivent des anxiolytiques avec un fort pouvoir addictif ou des somnifères, y compris à des personnes dans des états de fragilité terrible » , s’alarme @lapsyrévoltée.

      L’incertitude génère, sinon du stress post-traumatique, au minimum des épisodes de déprime et de la souffrance personnelle. Quand il aura retrouvé un peu d’énergie, Arnaud Fillion a prévu de se faire accompagner : « Aujourd’hui, on est un peu en mode survie, on priorise » , dit ce cycliste accompli. Surtout, devant une maladie dont ils peinent à voir la fin, beaucoup s’inquiètent des éventuelles séquelles à terme. « Est-ce que ça attaque le système immunitaire ? Est-ce que c’est lui qui se retourne contre-moi ? , s’interroge Nicolas. Mon inquiétude porte surtout sur les symptômes neurologiques. Mais j’ai conscience qu’à l’heure actuelle, je n’aurai pas de réponse. » C’est, pour tous, la seule certitude du moment.

    • Covid-19 : la médecine déroutée par les symptômes des convalescents de longue durée
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/30/covid-19-la-medecine-deroutee-par-les-symptomes-des-convalescents-de-longue-

      Après une infection sévère ou non par le nouveau coronavirus, certains patients restent très fatigués et essoufflés. Des troubles persistants encore mal connus, que les médecins sont en train d’explorer.

      Des symptômes légers voire inexistants, mais aussi des formes graves entraînant le décès ou un long séjour en réanimation… En quelques mois, les (multiples) signes cliniques de l’infection au SARS-CoV-2 ont été identifiés. Mais, au-delà des symptômes aigus, médecins et patients découvrent toute une palette de troubles survenant plus à distance, chez des patients hospitalisés ou non. A quoi correspondent-ils, combien de malades touchent-ils et quelle prise en charge proposer ?

      « On est encore dans l’inconnu. Les syndromes post-infectieux, c’est classique. Mais, avec ce nouveau virus, la littérature scientifique est quasi inexistante. Il faut structurer des recherches pour mieux comprendre », estime Yazdan Yazdanpanah, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat (AP-HP) et coordinateur de REACTing, un consortium de l’Inserm qui coordonne la recherche française pendant les épidémies.

      Pour l’heure, les initiatives se multiplient. « Toutes les sociétés savantes mettent sur pied des études Covid dans leur discipline. On va aussi développer des études d’observation en population générale », prévoit le Pr Yazdanpanah. Lancée dès fin janvier pour mieux cerner les formes nécessitant une hospitalisation, la cohorte French Covid-19 recense désormais 3 500 patients. Le suivi, prévu pour six mois, sera sans doute allongé. REACTing réfléchit aussi à créer une cohorte de patients non hospitalisés.

      Parallèlement, de nombreux hôpitaux organisent un suivi systématique de leurs patients Covid, et des consultations post-Covid se créent, qui croulent déjà sous les demandes.

      Dormir plus de quinze heures par jour

      Dans les formes traînantes ou à rechute, les patients se plaignent surtout de fatigue, de difficultés respiratoires, de tachycardie (augmentation du rythme cardiaque). « Attention au terme “rechute”, il s’agit d’une rechute des symptômes, mais très peu de ces patients ont encore une #PCR positive » , c’est-à-dire une charge virale, souligne d’emblée Pierre Tattevin, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes.

      Quoique non exceptionnels après une infection virale, comme la grippe ou la mononucléose infectieuse, ces tableaux déroutent toutefois médecins et malades. « La fatigue peut être extrême au point de dormir plus de quinze heures par jour. Il y a aussi la sensation de membres “lourds à porter”, des difficultés de concentration qui contraignent parfois à arrêter un travail qui venait d’être repris, des fourmillements de tout le corps, des céphalées… , énumère la professeure Dominique Salmon, infectiologue à l’Hôtel-Dieu (AP-HP), à Paris. Certains sont pris pour des hypocondriaques par leurs médecins ou les services d’urgence contactés tant leurs symptômes sont variés ! » , insiste-t-elle.

      « Même dans les formes peu graves, la dyspnée [gêne respiratoire] persiste très longtemps. Nos soignants malades ont aussi été surpris par l’intensité des symptômes et leur durée » , renchérit Lucile Sesé, pneumologue à l’hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis).

      La persistance d’une anosmie (perte de l’odorat) est également fréquente : 10 % à 20 % des patients concernés ne récupèrent que partiellement ou pas du tout après un mois, fait savoir le docteur Alain Corré, médecin ORL à l’Hôpital Fondation Rothschild (Paris). Une agueusie (perte du goût) est souvent associée. Avec la professeure Salmon et l’hôpital Lariboisière, il vient de lancer un essai clinique, CovidORL, auprès de 120 volontaires. Objectif : étudier l’évolution de leur anosmie avec ou sans corticoïde inhalé.

      Des troubles gênants six semaines après

      Si leur fréquence reste à évaluer, fatigue et autres symptômes persistants seraient loin d’être rares, comme le montrent les estimations de l’équipe de Rennes, qui a eu l’idée de suivre les malades de Covid non gardés à l’hôpital avec une application destinée habituellement à la surveillance de la chirurgie ambulatoire. Interrogés six semaines après l’infection, 10 % à 15 % des 400 patients de cette base ont toujours des troubles gênants. « C’est une proportion très inattendue après une infection virale respiratoire. Mais, après bilan clinique et, pour certains, avec des examens complémentaires, nous n’avons pas trouvé de cause évidente à ces symptômes, ni de profil particulier chez ces malades », mentionne Pierre Tattevin. Les signes respiratoires sont améliorés dans beaucoup de cas par des bronchodilatateurs (traitement de l’asthme), et semblent s’amender avec le temps, poursuit-il.

      A l’hôpital Saint-Joseph, à Paris, le constat est proche : « Certains patients ont une toux persistante avec une sensation de brûlure, mais un examen, une fonction respiratoire, une imagerie et un bilan sanguin normaux, explique le docteur Sergio Salmeron, chef du service de pneumologie. Cela évoque une inflammation des bronches dont on ne sait si elle est due au virus ou à une hyperactivité bronchique » , appelant à la prudence : « 25 % à 30 % de la population française ont des allergies respiratoires, et c’est la période pollinique. »

      Une anxiété amplificatrice

      La pneumologue Lucile Sesé et ses collègues se disent également vigilants à d’autres causes d’essoufflement : embolie pulmonaire, problème cardiaque ou encore syndrome d’hyperventilation (une respiration inadaptée engendrée par l’anxiété), qu’ils ont commencé à observer chez des patients sans formes très graves. De fait, chez ces derniers, comme ceux passés en réanimation, il peut y avoir une intrication avec des troubles psychologiques allant jusqu’à un état de stress post-traumatique. « Des malades se sont vus mourir, seuls, loin de leurs proches » , nuance Charles-Hugo Marquette, pneumologue au CHU de Nice. « L’anxiété peut aussi être amplifiée par les nombreux témoignages sur les réseaux sociaux, à l’instar de la maladie de Lyme », ajoute l’infectiologue Eric Caumes (Pitié-Salpêtrière). Tous les cliniciens insistent sur la prise en charge de ce volet.

      Quant aux tachycardies, elles s’expliquent, selon Claire Mounier-Vehier (cardiologue à l’Institut Cœur-Poumon au CHU de Lille), par la persistance d’un état inflammatoire qui induit une hyperactivité du système nerveux sympathique. « On observe aussi des tableaux de tachycardie avec fatigabilité et chutes de tension artérielle chez des personnes habituellement en surpoids et hypertendues, et qui ont perdu beaucoup de kilos en réanimation lors de la phase aiguë de Covid, poursuit la cardiologue. Pour ces patients, dont la morphologie s’est modifiée, il est important de revoir l’ordonnance, d’adapter la dose d’antihypertenseurs. »

      Ces symptômes pourraient-ils s’installer dans la durée ? « On va probablement voir arriver des syndromes de fatigue chronique ou de douleurs chroniques post-Covid, comme c’est le cas après d’autres infections virales, notamment à EBV [virus d’Epstein-Barr], qui est un modèle de fatigue persistante post-virale , prédit l’interniste Jean-Benoît Arlet, de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP). Reste à savoir dans quelle proportion, et si ces syndromes surviendront sur des terrains particuliers. »

      La crainte de séquelles sur les poumons

      « Il n’y a rien d’étonnant pour l’instant. On est très près de la pathologie aiguë, estime, de son côté, le professeur émérite d’infectiologie au CHU de Grenoble, Jean-Paul Stahl. Rappelons-le, on ne court pas le marathon après une pathologie respiratoire sévère, et même dans la majorité des cas, y compris sans gravité, des symptômes, notamment la fatigue, persistent après une infection virale, c’est connu. »

      Se pose également la question de la longue récupération des patients en sortie de réanimation. « Certains ont perdu beaucoup de poids, de musculature, notamment au niveau thoracique, sont épuisés et ont du mal à reprendre le dessus » , décrit la professeure Salmon, en soulignant le besoin d’une réhabilitation progressive.

      Il y a aussi les lésions pulmonaires et la crainte de séquelles sous forme de fibrose. « Nous avons, à ce jour, revu une trentaine de patients après un séjour en réanimation avec des scanners très anormaux. La très grande majorité va beaucoup mieux un mois après, avec des améliorations spectaculaires, un seul présente des images de fibrose étendue » , rassure Jean-Marc Naccache, spécialiste de la fibrose pulmonaire à l’Hôpital Saint-Joseph. Dans la région rennaise, moins touchée que d’autres en France par l’épidémie, une cinquantaine de patients (dont 25 transférés d’Ile-de-France) ont été pris en charge en réadaptation après un séjour en réanimation pour Covid. « Nos médecins réadaptateurs sont agréablement surpris par la récupération assez rapide au niveau moteur et respiratoire, mais on ne sait pas encore si elle sera complète » , indique Pierre Tattevin.
      Les médecins vont aussi rechercher des séquelles sur d’autres organes : cerveau, cœur, reins…

      Effets à retardement sur les enfants

      Reste aussi la question de savoir si des désordres immunitaires post-Covid (bien identifiés en phase aiguë sous forme d’ « orage cytokinique » ) pourraient se manifester plus tard. Depuis le 1er mars, 176 cas de formes atypiques de syndrome de Kawasaki (maladie inflammatoire de type vascularite) ont été recensés en France chez les enfants et adolescents. « Plus qu’un symptôme persistant, il s’agit d’une manifestation aiguë hyperinflammatoire survenant en décalage de quatre à cinq semaines de l’infection, et transitoire » , précise Alexandre Belot, rhumato-pédiatre à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon, qui anime le comité de pilotage du registre national. La plupart de ces jeunes patients répondent bien au traitement et ne devraient pas garder de séquelles.

      Dans les mois et années à venir, verra-t-on apparaître d’autres maladies inflammatoires ou auto-immunes déclenchées par le SARS-CoV-2 ? Face à un virus totalement inconnu il y a encore six mois et qui ne cesse de créer la surprise, les médecins restent modestes et prudents dans leurs prévisions. L’intérêt mondial pour cette maladie et le regroupement des cas sur quelques semaines créent cependant un effet loupe, qui laisse espérer que ces malades ne tomberont pas dans l’oubli.

  • Coronavirus : avec les équipes mobiles chargées de casser les chaînes de contagion jusqu’au sein des familles
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/23/coronavirus-avec-les-equipes-mobiles-chargees-de-casser-les-chaines-de-conta


    RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »

    REPORTAGE « Le Monde » a suivi une équipe de la Pitié-Salpêtriêre qui intervient au domicile de personnes potentiellement contaminantes pour les tester et leur proposer des solutions d’isolement.

    Lorsque Mme L. a vu débarquer dans son salon Hélène, Camille et Jean-François dans leurs « pyjamas bleus » d’hôpital, surblouses, gants et masques sur le visage, elle ne s’est pas vraiment détendue. Hors de question que sa petite famille (quatre enfants) se fasse tester au Covid-19. Et surtout pas elle.

    « Je déteste l’hôpital, les prises de sang… Alors qu’on me fasse un prélèvement dans la narine, ce qu’il y a de plus délicat, quelle angoisse ! » Déjà, elle n’avait « pas dormi de la nuit » après avoir appris de son mari qu’il avait vu récemment son oncle et sa tante, et que tous les deux étaient contaminés. « Notre fils aîné s’est mis à pleurer et a crié : “Papa, si tu as ramené ça à la maison... !” » Pour en avoir le cœur net, le père a appelé le centre « Covisan » de la Pitié-Salpêtrière, dans le 13e arrondissement à Paris.

    Covisan, c’est le dispositif qu’expérimente l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à partir de quatre sites pilotes. Lancé mercredi 15 avril à la Pitié-Salpêtrière, il est désormais également testé à Bichat (18e) et Louis-Mourier à Colombes (Hauts-de-Seine), et depuis le 22 avril à Avicenne à Bobigny. Robert-Debré (19e) et l’Hôtel-Dieu (4e) doivent le rejoindre en fin de semaine.

    Si les résultats sont jugés probants, il sera étendu à l’ensemble de l’Ile-de-France et a vocation à essaimer partout dans le pays. Il préfigure une nouvelle stratégie face à la pandémie. Les mesures de distanciation sociale et de confinement ont atteint leur limite pour endiguer la progression de l’épidémie. Il s’agit désormais de casser les chaînes de transmission en identifiant et en isolant les personnes potentiellement contaminantes – et dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation – jusqu’au sein des familles. Une façon de préparer le déconfinement du 11 mai en évitant une deuxième flambée.

    Hélène, Camille et Jean-François ont « mis la musique des Experts » les premiers jours où ils ont pris la Zoé électrique pour partir en mission. Ils forment le rouage essentiel du dispositif : les équipes mobiles qui interviennent à domicile.

    Résultats communiqués en vingt-quatre heures

    A la Pitié-Salpêtrière, trois équipes constituées de trios enchaînent les visites de 10 heures à 20 heures. Tous sont bénévoles. Camille, cadre dans l’industrie pharmaceutique, s’est inscrite à la réserve sanitaire. Jean-François, « en télétravail très amenuisé dans l’informatique » , a fait ses classes de secouriste à la Croix-Rouge. Hélène est interne en gynécologie. Elle a reçu une formation express pour pratiquer le dépistage du Covid-19 avec un écouvillon. Le lendemain, c’était son baptême du feu chez Mme L. « Finalement, ça s’est très bien passé, on a pu prélever toute la famille. J’ai juste eu du mal à aller jusqu’au fond des fosses nasales de l’un des plus jeunes car elles n’étaient pas encore complètement formées. » Les résultats seront communiqués dans vingt-quatre heures.

    « Surtout, vous n’oublierez pas de m’appeler, ça me déstressera ! » , lance la mère de famille. Après trois quarts d’heure de discussion, elle a retrouvé le sourire et même donné son feu vert pour se faire dépister. « Ce n’était pas si terrible » , concède-t-elle.

    Mme L. a également accepté de porter un masque désormais ( « Ça m’oppresse, mais s’il faut le faire, je le ferai » ) pour aller faire les courses. Après chaque visite, l’équipe laisse deux « kits » par foyer comprenant gel hydroalcoolique et quatorze masques chirurgicaux. De quoi « tenir » théoriquement pendant une semaine. « Doit-on rester en quarantaine en attendant les résultats ? » , s’inquiète cette assistante d’éducation au chômage partiel. « Non, il vous suffit de limiter les sorties et de respecter les gestes barrières », rassure Jean-François.

    Le trio a pris le temps de bien montrer comment se laver les mains, porter un masque, désinfecter les poignées de portes et les interrupteurs, insister sur l’importance d’aérer l’appartement ou de laver le linge à 60 °C, et tant pis pour les économies d’énergie. A la fin de l’entretien, le fils aîné glisse tout de même qu’il tousse un peu le soir, dans son lit, depuis quelques jours. Rien d’inquiétant pour l’équipe. Aucun autre symptôme n’a été associé. « A priori, il n’y a pas de personne à risque qui nécessite un isolement » , juge Camille, qui, le dimanche précédent, était intervenue chez l’oncle et la tante malades.

    « Cinq personnes dans un studio sans fenêtre »

    Par précaution, et sans présumer des résultats des tests, l’équipe explique les possibilités qui s’offrent à la famille : s’isoler à domicile (ce que permet dans leur cas le nombre suffisant de pièces) ou à l’hôtel. Le groupe Accor a mis à disposition trois établissements aux portes de Paris et se dit prêt à en ouvrir 300 dans toute la France. « Si par malheur mon mari est positif, je préfère qu’il aille à l’hôtel car le petit dernier est toujours collé à son père et ce sera la crise de nerfs si on doit l’empêcher d’aller le voir dans sa chambre » , prévient Mme L.

    Depuis le début de l’expérimentation, très peu de personnes ont fait le choix de l’hôtel. Un ressortissant cambodgien vivant avec ses parents de 73 ans a accepté d’être exfiltré. « Il se plaignait de courbatures et était inquiet pour ses parents qui ne respectaient pas les gestes barrières » , explique Lila, une autre bénévole. Selon le protocole retenu, il devra rester sept jours dans sa chambre, dont deux sans présenter de symptômes, avant de pouvoir retourner chez lui. Au gré de leurs visites, les équipes découvrent des situations qui nécessiteraient un isolement en dehors du domicile familial mais ils se heurtent aux réalités sociales.

    « On a eu le cas d’une famille de cinq personnes vivant dans un studio sans fenêtre , raconte Carole qui fait équipe avec Lila. Un des membres a été hospitalisé et tout le monde se repasse le virus. On a proposé d’isoler la maman mais on nous a opposé un grand “non : qui va faire à manger ?” ! On ne peut pas les forcer, c’est du volontariat. »

    L’équipe doit adapter sa stratégie. Elle considère que le foyer est « condamné » et essaie désormais de « protéger l’extérieur » . Un des fils a été testé positif mais continue à travailler « plus ou moins légalement » . Le médecin traitant de la famille a été contacté pour qu’il tente de le convaincre de cesser.

    « Un problème de transmission hallucinant »

    La médecine de ville est un maillon essentiel à la réussite et à la généralisation de l’expérience. Les généralistes seront précieux pour assurer le suivi des malades après le passage des équipes mobiles. Pour l’heure, certains commencent à adresser leurs patients au centre Covisan. D’autres arrivent par les urgences ou après avoir appelé le SAMU.

    Aurore Sousa, elle, a été identifiée à partir d’un patient passé par la Pitié-Salpêtrière. Elle est venue en voisine. Elle est gardienne d’un immeuble dans le 13e arrondissement. « J’ai reçu un appel hier me demandant de me présenter car j’aurais travaillé avec quelqu’un qui a le coronavirus » , dit Mme Sousa, 53 ans, « pas inquiète » et « en forme » . L’équipe qui n’est pas en visite l’installe dans la « salle d’entretien ».

    « De la toux ? Non.

    – De la fièvre ? Non.

    – Pas de diarrhées ? Non.

    – Pas de perte d’odorat ? Je n’en ai jamais trop eu. Mais si quelqu’un sent mauvais ça me dérange. »

    Mme Sousa est ce que les professionnels du Covid-19 appellent une personne « contact ». Elle a été en relation avec un propriétaire malade. La gardienne lui monte le courrier et les courses mais reste toujours sur le palier, assure-t-elle. Elle est arrivée avec un masque, qu’elle porte à l’envers et qui ne lui protège pas le nez. On lui montre comment l’ajuster correctement avant de lui suggérer un dépistage, qu’elle accepte ( « Ça me rassurera même si je pense que je n’ai rien » ). Pas la peine, en revanche, de lui proposer un hôtel pour un éventuel isolement, Mme Sousa habite avec son mari un pavillon en banlieue de 230 m2 qu’elle désinfecte « à fond à la Javel » . Elle repartira quand même avec son kit de gel hydroalcoolique.

    Parfois, les équipes Covisan sont aussi confrontées à des problématiques qui les dépassent. Ils ont identifié deux clusters dans des foyers sociaux ou de travailleurs. « Il y a un problème de transmission hallucinant avec des cas positifs qui cohabitent dans une chambre avec des migrants. On n’a pas la force d’intervention » , expliquent les bénévoles. Le relais a été passé à l’Agence régionale de santé et aux organisations humanitaires.

    « On a trois mois de retard »

    « Idéalement, il faudrait avoir 500 équipes déployées juste sur Paris pour parvenir à casser la chaîne des transmissions et étouffer le virus » , estime Jean-Sébastien Molitor. Veste kaki, jean et barbe de baroudeur, il détonne dans le centre Covisan, installé à l’entrée de la Salpêtrière. Avec l’ONG Solidarités international, M. Molitor est intervenu en Afrique sur le front Ebola et en Haïti contre le choléra. Il met aujourd’hui son expérience au service de Covisan.

    Depuis le début de l’expérimentation, une centaine de personnes sont suivies sur l’ensemble des sites pilotes dont une très grande majorité par les équipes de la Salpêtrière.

    « On a trois mois de retard , déplorent Hélène et Camille. Si on avait déployé cette stratégie dès le début de l’épidémie, comme l’ont fait certains pays, on aurait payé un tribut beaucoup moins lourd. Mais on manquait de masques, de gels et de tests. Et aujourd’hui, encore, on ne peut laisser que deux kits par foyer. »

    #Covisan #dépistage #medecine_de_ville #hôpital_hors_les_murs #isolement

    • La réponse ne doit pas être centrée sur l’hôpital : Coronavirus : « Pour déconfiner sans provoquer une deuxième vague, une approche centrée sur le patient » , Renaud Piarroux, Bruno Riou, Profs de médecine
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/27/coronavirus-pour-deconfiner-sans-provoquer-une-deuxieme-vague-une-approche-c

      Les professeurs Renaud Piarroux et Bruno Riou décrivent, dans une tribune au « Monde », la stratégie qu’ils prônent pour une sortie maîtrisée du confinement : détection, analyse, et proposition de solutions individuelles, sans contraindre les patients.

      Tribune. Le confinement a permis de ralentir la propagation du virus et ainsi d’éviter que les services de réanimation ne se trouvent débordés. Pour permettre d’aborder la période du déconfinement sans courir le risque d’une deuxième vague de l’épidémie, nous proposons une approche centrée sur le patient pour enrayer la propagation du virus dans son entourage. Cette approche, dont la mise en œuvre a débuté, implique des médecins généralistes, des services d’urgence, mais aussi des équipes mobiles, des pharmaciens, des services d’aide à la personne, des travailleurs sociaux, des collectivités locales, des volontaires d’ONG et de la Croix-Rouge et des structures hôtelières pour isoler les patients.

      La stratégie que nous proposons ne s’oppose pas aux mesures générales déjà prises (mesures barrières, distanciation sociale, confinement généralisé), mais elle les potentialise, permettant à terme de lever progressivement le confinement tout en limitant la propagation du virus. Elle est basée sur trois piliers essentiels : détecter, analyser, répondre.

      Il s’agit d’abord de détecter les patients, mais aussi les porteurs sains, puisqu’ils contribuent à la propagation du virus. La généralisation des tests diagnostiques au niveau de l’ensemble de la population n’est pas réaliste : même si tous les Français pouvaient être dépistés, cela prendrait trop de temps et ne nous donnerait qu’une image transitoire de la situation, une personne négative un jour pouvant être positive le lendemain. En revanche, la trajectoire de soins des patients peut guider cette stratégie de dépistage : il y a de fortes chances que le sujet symptomatique interagisse avec le système de soins, appelant le 15, se rendant à une pharmacie, à un cabinet médical ou dans un service d’urgence.

      Cartographier la transmission

      Une fois le diagnostic effectué, il est possible d’aborder avec le patient les mesures à prendre pour protéger son entourage. Les acteurs du système de soins deviennent alors des sentinelles, permettant d’accéder à un premier maillon des chaînes de transmission. L’important est ensuite d’emporter l’adhésion du patient et d’enclencher avec lui l’intervention d’équipes d’investigation et de réponse, permettant la recherche active de cas. Les sujets contacts des patients positifs, y compris ceux qui sont asymptomatiques, sont avertis de la possibilité d’être porteurs et diffuseurs de virus ou de le devenir rapidement. Ils doivent être testés. Avec eux, on peut envisager les mesures pour éviter toute propagation.

      Des équipes travaillent à des applications informatiques qui, grâce aux données de géo-localisation des téléphones, pourraient faciliter la recherche des sujets contacts lors d’une consultation médicale. Cela constituerait une sorte de complément à un interrogatoire médical classique. Un autre type d’application pourrait servir à prévenir un utilisateur lorsqu’il a été mis en présence d’une personne infectée. L’alerte donnée par l’application aurait alors pour but d’inciter les personnes à se faire détecter. Les limites de cette approche ne doivent pas être ignorées : l’utilisation de l’application étant basée sur le volontariat, si une personne omet de se déclarer positive, il ne sera pas possible de l’identifier, sans parler de tous ceux qui ne possèdent pas de téléphone portable. Comme cette application d’alerte est prévue pour être utilisée de manière anonyme et en l’absence de géolocalisation, elle ne sera pas utilisable à des fins de surveillance épidémiologique.

      Les éléments de la trajectoire de soins des patients pourraient être mis à profit pour cartographier dans le détail l’intensité de la transmission sur notre territoire. Identifier un quartier, une rue, un immeuble, où le nombre de cas est anormalement élevé (« hotspots ») permettrait de lancer une investigation ciblée et de déterminer les mesures appropriées. Les adresses et la connaissance des déplacements des personnes sont à la base de l’épidémiologie. Aucune intervention ciblée ne peut être envisagée en leur absence.

      Prise en compte du contexte

      L’interrogatoire des patients, le traçage de leurs contacts, l’établissement de cartes précises et quotidiennes de la détection des cas, l’identification des lieux fréquentés et les investigations de terrain sont autant d’outils qui peuvent permettre d’identifier les zones où l’épidémie persiste et de suivre les chaînes de transmission. Ces analyses doivent se faire au niveau local et général, car les solutions sont parfois locales, parfois plus générales. Elles nécessitent de l’expérience et des échanges entre les différents niveaux, des bases de données et des scripts informatiques pour en tirer les informations essentielles, modéliser l’évolution épidémique, anticiper les résultats attendus des interventions.

      Là encore, des solutions informatiques plus complexes, avec ou sans intelligence artificielle, ont été proposées. Il ne faut pas les écarter si elles rendent des services mais les outils informatiques ne peuvent remplacer le travail d’épidémiologistes qui engrangent les données, échangent avec le terrain, et s’y rendent lorsque c’est nécessaire.

      La surveillance épidémiologique n’a de sens que si elle est suivie d’actions. Il y a autant de modalités de réponse que de situations : on n’intervient pas de la même manière dans un hôpital, un établissement pour personnes âgées, un foyer d’immigrés, sur un bateau ou au domicile d’un patient. Même dans ce dernier cas, la réponse doit être adaptée au contexte. Selon le quartier, la composante sociale sera particulièrement importante, nécessitant l’intervention de travailleurs sociaux, de l’hospitalisation à domicile, d’associations de quartier, d’acteurs humanitaires, de services municipaux, de leaders communautaires. Dans d’autres cas, il s’agira surtout d’aider la famille à organiser son confinement, et un relogement dans un hôtel doit pouvoir être proposé. Il s’agit de proposer et en aucun cas de contraindre, d’emporter l’adhésion du patient et de sa famille autour d’un objectif simple : les protéger et leur éviter de tomber malades, d’être hospitalisés.

      Des équipes multidisciplinaires et mobiles

      Les équipes mobiles que nous mettons en place à l’AP-HP s’inscrivent dans cette stratégie. Elles sont là pour établir un plan de confinement avec les familles qui le souhaitent, effectuer des prélèvements pour détecter la présence de cas secondaires au sein du foyer. Elles sont composées au minimum d’un binôme associant une personne possédant une compétence dans le domaine social et une autre dans celui des soins (infirmier, médecin, pharmacien biologiste, interne, externe). Il ne s’agit pas de la seule modalité de réponse, des visites pouvant aussi être organisées par des travailleurs sociaux, des organisations humanitaires. L’activation de la réponse ne doit pas être centrée sur l’hôpital. Les médecins de ville, le SAMU, les services des mairies, des départements, des régions et de l’Etat, la Croix-Rouge sont partie prenante, enclenchant une réponse, l’accompagnant ou assurant des services supports pour la rendre effective (aide pour faire les courses, solutions d’hébergement).

      Ces équipes mobiles font le lien entre le système de soins et le cadre de vie du patient et s’inscrivent dans la relation thérapeutique. Elles sont une source inestimable de renseignements sur le contexte de la transmission du virus. Il s’agit d’aider le patient à protéger ses proches, un objectif qu’il peut volontiers comprendre. Cette relation de confiance doit pouvoir s’opérer, y compris pour des patients en situation irrégulière, ou pour d’autres, amenés, par nécessité, à enfreindre les règles du confinement. Il s’agit d’expliquer, de faciliter, d’aider, de convaincre, jamais de contraindre. Sinon, bon nombre de patients nous échapperont.

      Lutter contre la transmission du Covid-19 est un sujet complexe qui implique la mise en œuvre d’approches multiples et complémentaires. Il est important que tous les acteurs impliqués puissent se retrouver autour d’une table – ou, confinement oblige, autour d’une conférence téléphonique – afin d’échanger sur leurs pratiques, de partager des informations, de se répartir le travail, bref, de se coordonner. Une stratégie commune, pour atteindre un objectif partagé, un système d’information opérationnel et une coordination : il n’y a là rien de nouveau, mais c’est d’autant plus nécessaire que la crise est grave et que la solution est complexe.

      À rapprocher d’un texte plus ambitieux : Une nouvelle définition politique du soin (U.S.A) car explicitement #médecine_sociale ≠ pontes APHP
      https://seenthis.net/messages/848403

      #patient #relation_thérapeutique #trajectoire_de_soins #épidémiologie_de_terrain #multidisciplinarité

    • Covisans, Coronavirus : « Il faudra suffisamment d’équipes mobiles opérationnelles », pour empêcher un rebond de l’épidémie, Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, propos recueillis par Paul Benkimoun et Chloé Hecketsweiler, 2 mai 2020
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/02/coronavirus-avec-covisan-nous-formons-des-centaines-d-equipes-mobiles-pour-l

      Pour le professeur Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, promoteur du dispositif, le traçage et l’isolement des malades devraient faire ralentir la circulation du virus.

      Epidémiologiste de terrain et chef du service de parasitologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, le professeur Renaud Piarroux est le promoteur de Covisan, un réseau d’équipes mobiles à Paris et en Ile-de-France destiné à aider les personnes atteintes par le Covid-19 à se confiner. Il estime qu’une fois développé, ce dispositif permettrait de faire face à une reprise de l’épidémie.

      Comment anticipez-vous l’évolution de l’épidémie de SARS-CoV-2 dans les semaines qui viennent et en particulier à partir de la sortie progressive du confinement ?

      L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) travaille sur une modélisation des admissions à venir de patients atteints d’un Covid-19 dans les services de réanimation de nos hôpitaux. Elle est basée sur la version la plus récente du modèle de Simon Cauchemez de l’Institut Pasteur. Cette modélisation envisage l’évolution ultérieure de ces admissions jusqu’à la fin juin selon différentes hypothèses sur la circulation du virus.

      De plus de 2 500 au début avril, le nombre de patients hospitalisés en réanimation en Ile-de-France se situerait le 21 mai autour de 559, dont 256 dans des hôpitaux de l’AP-HP. Il s’agit d’un « point bas », établi dix jours après le début du déconfinement soit l’intervalle moyen entre la contamination et l’admission en réanimation.

      En partant de l’hypothèse d’un nombre de reproduction [le nombre moyen de contaminations à partir d’un même individu infecté] de 1,2, cette courbe descendante se poursuivrait, avant de s’infléchir légèrement à la hausse pour atteindre 497 patients en réanimations en Ile-de-France au 30 juin. Ce chiffre s’élèverait à 1 139 avec un nombre de reproduction à 1,5, sachant qu’il atteignait 3,5 au début de l’épidémie.

      A mon avis, l’évolution pourrait même être encore meilleure, avec un taux de reproduction autour de 1, si nous parvenons à généraliser le dispositif Covisan [d’accompagnement des patients pour les aider à se confiner], que nous testons actuellement dans différentes zones de l’Ile-de-France.

      Avez-vous travaillé sur des scénarios plus pessimistes ?

      Les modèles incluent toujours des hypothèses d’une absence de mesures ou d’un retour à la situation qui préexistait au moment de l’instauration du confinement. On peut cependant écarter cette éventualité, qui prendrait la forme d’un rebond de l’épidémie en juin avec un retour à un niveau presque aussi élevé que celui du début avril.

      Il n’y a aucune raison pour que l’épidémie se développe de la même manière qu’en mars. Les comportements de la population ont évolué par rapport à cette époque où beaucoup de gens ne percevaient pas bien le danger que le Covid-19 représentait.

      Comment vous préparez-vous face à l’éventualité d’une seconde vague de l’épidémie ?

      Nous devons nous mettre dans des conditions nous permettant de sentir venir une éventuelle nouvelle vague. Si nous parvenons à maintenir un nombre de reproduction ne dépassant pas 1,5, la montée du nombre des hospitalisations et des admissions en réanimation sera lente. Le plus probable est que le mois de mai et le début juin soient un peu plus calmes pour les services hospitaliers, en particulier en réanimation.

      Après cela, l’épidémie reprendra-t-elle ? Cela dépendra de ce que nous ferons pour l’éviter. En pratique, cela signifie détecter les cas possibles d’infection, tester et isoler les sujets infectés et retracer leurs contacts qu’il faudra aussi tester et isoler s’ils sont positifs.

      C’est le travail des équipes mobiles – terme que je préfère à celui, plus militaire, de « brigades » –, qui doivent joindre ces personnes avant qu’elles ne transmettent le virus.
      L’objectif d’un déconfinement progressif est de rester avec un nombre de reproduction inférieur à 1. Qu’est-ce que cela implique ?

      Il faudra suffisamment d’équipes mobiles opérationnelles. Tous les jours, je présente le dispositif Covisan à un amphi d’une centaine de volontaires qui viennent se former pour intégrer ces équipes. Ce sont des étudiants en médecine et en soins infirmiers, mais aussi des stewards et des hôtesses de l’air, des membres d’associations…

      Nous formons des centaines d’équipes mobiles pour l’Ile-de-France, mais la formation en quelques jours aux tâches qu’ils auront à accomplir ne suffit pas. Ils doivent être encadrés par des personnes plus chevronnées, et équipés, véhiculés, soutenus. Le défi est d’être opérationnel en quelques jours.

      Quelle est actuellement la force de frappe de ces équipes mobiles ?

      Nous avons déjà formé plus de 500 personnes. Une trentaine nous a rejoints à l’hôpital de la Pitié ; d’autres ont été dispatchés sur une dizaine d’autres sites hospitaliers de l’AP-HP. Je souhaite que le dispositif s’étende au plus vite. Ce travail se développe aussi en ville à Aubervilliers, Pantin et Bondy, ainsi que dans plusieurs arrondissements de Paris avec l’implication forte des médecins généralistes et des services municipaux.

      Les patients inscrits sur le site de télésuivi Covidom seront aussi contactés. Nous espérons disposer d’un maillage assez serré d’ici au milieu de la semaine prochaine, afin de rater de moins en moins de patients atteints du Covid-19.

      Quel est le principal enjeu à vos yeux ?

      C’est de former des équipes qui sachent parler aux patients et à leurs proches, capables de gagner la confiance de personnes parfois traumatisées par l’épidémie, ou en situation de grande précarité ou sans papiers, et avec elles de voir comment protéger et dépister leurs proches, leur entourage.
      Il s’agit tout autant d’aider les patients et leur famille que de casser les chaînes de transmission. L’un ne doit pas aller sans l’autre.

      Où les personnes que rencontrent les équipes mobiles seront-elles testées ?

      Elles pourront être testées n’importe où, y compris à l’occasion de visites à domicile, où le prélèvement peut être effectué. Les analyses seront ensuite réalisées soit sur une plate-forme à l’hôpital Broussais, soit dans d’autres centres.

      Nous n’attendons pas les résultats pour isoler les personnes pour lesquelles il existe une suspicion de Covid-19. Elles ont consulté un médecin qui a posé un diagnostic, les a orientées vers le Covisan, évalué s’il y a lieu d’hospitaliser le malade ce qui, dans la très grande majorité des cas n’apparaît pas nécessaire.

      A chaque fois que possible, le médecin de ville doit être dans la boucle. C’est plus simple là où les médecins se sont organisés comme dans les communes et arrondissements parisiens que j’ai cités précédemment.

      Que nous apprennent les statistiques de décès sur la surmortalité liée au Covid-19 ?

      En nous servant des données de l’Insee, nous établissons des graphiques sur la mortalité en population générale toutes les semaines. Nous sommes toujours dans une période de surmortalité, mais cela va mieux.
      Depuis le 1er mars, plus de 24 000 décès liés au Covid-19 ont été à déplorer dans les hôpitaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), mais il ne semble pas y avoir eu beaucoup de décès au domicile, à la différence par exemple de ce qui s’est produit à New York.

      En dehors des décès liés au Covid-19, il y a probablement des morts supplémentaires par rapport à 2019 et 2018, avec plus de décès dus à des infarctus ou des AVC [accidents vasculaires cérébraux], mais aussi moins dans les accidents de la route.

      Finalement, comment voyez-vous les mois à venir ?

      Nous connaîtrons deux moments critiques : juin-juillet, pour les effets du déconfinement, et octobre-novembre, période de réémergence des épidémies de virus respiratoires, avec notamment la grippe saisonnière. Nous devons anticiper afin de proposer une réponse pour éviter que la situation ne dérape.

      Les épidémiologistes sont pour une fois d’accord entre eux : la catastrophe envisagée n’a pas eu lieu grâce au confinement. Pour l’instant, il faut en profiter pour récupérer et permettre à notre système de soins de reconstituer ses forces.

      Edit
      Comment vont fonctionner les « brigades sanitaires » anti-coronavirus ? 3 Mai 2020
      https://www.zinfos974.com/Comment-vont-fonctionner-les-brigades-sanitaires-anti-coronavirus_a154023

      #épidémiologie_de_terrain #équipes_mobiles #médecins_généralistes #patients #détecter #tester #isoler #Covidom