Le Conseil des ministre italiens a adopté vendredi un décret-loi prévoyant de convertir les centres les centres d’accueil pour demandeurs d’asile en Albanie en centres de rapatriement pour les migrants en situation irrégulière. L’opposition dénonce un projet de « propagande » qui a coûté des « centaines de millions d’euros ».
C’est une décision qui doit permettre de « remettre en activité immédiatement » les centres d’accueil pour demandeurs d’asile que Rome a construit à grands frais en Albanie. Vendredi 28 mars, le Conseil des ministres a adopté un décret-loi permettant de recycler les structures en centres de rapatriement pour migrants en situation irrégulière.
Un projet de reconversion qui témoigne de l’inutilité de ces centres alors que la justice italienne a refusé à plusieurs reprises de valider la détention en Albanie de migrants interceptés en mer, exigeant même leur rapatriement sur le territoire italien.
La Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni défend, depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022, un projet de d’externalisation du traitement de l’immigration dans un pays tiers, présenté comme un « modèle » pour toute l’Europe.
Pour cela, elle avait signé, en novembre 2023, un accord avec son homologue albanais Edi Rama, afin d’ouvrir deux centres gérés par l’Italie en Albanie, dans les localités de Gjadër et Shëngjin.
Fulvio Vassallo Paleologo, avocat spécialiste des questions d’immigration, met en garde contre la légalité de cette nouvelle approche et prévoit une nouvelle « avalanche de recours en justice ». Pour lui, ce projet « relève essentiellement de la propagande » et « a une portée hautement symbolique pour le gouvernement, qui ne veut pas donner à voir l’échec du modèle Albanie ».
Blocages juridiques
Ces centres étaient devenus opérationnels en octobre, mais les juges italiens ont exigé le renvoi dans la péninsule des quelques migrants qui y avaient été transférés.
Le gouvernement avait pourtant établi une liste de pays dits « sûrs » afin que les demandes d’asile de personnes originaires de ces pays puissent y être traitées de façon accélérée.
Mais les juges ont invoqué une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) selon laquelle les pays de l’UE ne peuvent décréter « sûr » l’ensemble d’un pays alors même que certaines régions de ce même pays ne le sont pas.
Le gouvernement avait réagi en adoptant une loi réduisant la liste des « pays sûrs » à 19 (au lieu de 22), assurant que toutes les zones de ces pays étaient sûres. Le débat est désormais remonté devant la CJUE, qui se prononcera au plus tôt en mai ou juin.
Cette situation à l’arrêt est devenue un casse-tête politique pour Giorgia Meloni. L’ancien Premier ministre et sénateur centriste Matteo Renzi, qui s’est rendu dans les centres albanais mercredi, s’est dit « choqué » à l’issue de sa visite. « Cela fait mal au cœur de voir le gâchis de centaines de millions d’euros littéralement jetés par la fenêtre par le gouvernement italien », a-t-il affirmé sur X.
« Ces centres sont vides, coûtent beaucoup d’argent et ne servent à rien », confirme Me Guido Savio, avocat spécialiste du droit de l’immigration, interrogé par l’AFP. La « logique » du gouvernement, avec sa décision de vendredi, c’est, « faisons voir que ces centres, en fin de compte, on les fait fonctionner d’une manière ou d’une autre », explique-t-il.
Projet européen d’externalisation
En outre, cela permettrait au gouvernement d’anticiper le projet de règlement en discussion au niveau européen qui devrait entrer en vigueur en 2027 et qui prévoit une externalisation des centres pour migrants dans des pays tiers.
Pour Giorgia Meloni, « l’avantage serait de dire : ’Vous voyez, l’Europe nous suit, nous sommes les chefs de file et l’Europe fait après nous les choses que nous avons faites en premier’ », estime Me Savio.
De son côté, le gouvernement s’est employé à vendre sa mini-réforme annoncée vendredi à l’opinion publique : le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi estime ainsi que grâce à leur nouveau rôle, les centres albanais permettront de « renvoyer chez eux des individus qui sinon finissent par rendre nos villes moins sûres ».