Pour une #sécurité_sociale de la #mort
Si des aides de la Sécu existent pour les #obsèques, une #prise_en_charge totale des défunts et des endeuillés reste à définir pour des #funérailles remboursées, estime un collectif rassemblant des personnalités civiles et des professionnels du deuil.
Aujourd’hui, la naissance est prise en charge par la Sécurité sociale, tandis que la mort nous coûte très cher, plus de 4 000 euros en moyenne pour une #crémation ou une #inhumation.
Dans un moment de forte vulnérabilité, le deuil, nous devons faire des choix contraints et captifs, au sein d’un véritable #marché_de_la_mort. Depuis 1993, il revient en effet à la famille de se charger du choix de l’#opérateur_funéraire. Lors de la perte d’un proche, qui ose regarder à la dépense ? Comment assumer de vouloir faire des économies sur les derniers rites accompagnant la personne disparue ? Les familles ont besoin de quiétude et de sécurité dans ce moment délicat.
De leur côté, les #agents_funéraires méritent également plus de respect pour leur métier essentiel. Anecdote révélatrice : il n’y eut pas d’applaudissements pour les travailleurs funéraires lors du Covid-19. Parmi les problématiques du secteur, l’une des plus importantes concerne la formation funéraire, insuffisante et inégale, sans filière publique clairement identifiée et soutenue. Au lieu de cela, reste une profession parasitée par l’impératif de la vente, la concurrence agressive, les inégalités territoriales, et très exposée aux accidents et aux troubles psychosociaux.
Payer autrement
Le régime général de la Sécurité sociale est probablement l’une des plus brillantes inventions de l’humanité. Envié, attaqué et pourtant indispensable, le système de protection sociale tel qu’il fut construit en 1946 nous montre la voie. Gestion par les administrés eux-mêmes et universalité en étaient les principes fondateurs. D’ailleurs, des aides de la Sécu existent déjà pour les obsèques, mais comme aucune information sérieuse n’est diffusée, il est probable que vous appreniez à la lecture de ces lignes l’existence de dispositifs comme le capital décès de la Caisse primaire d’assurance maladie, ou l’allocation en cas de décès d’enfant de la Caisse d’allocations familiales.
Mettons maintenant une sécurité sociale de la mort à l’ordre du jour. Redéfinissons la dimension collective de la prise en charge des défunts et des endeuillés. Il s’agit bien de payer, mais de payer autrement. Non pas avec notre salaire net, dans un moment de vulnérabilité, mais par une prévoyance commune tout au long de notre vie au sein de la Sécurité sociale, comme pour les soins. Cette cotisation soulagerait la situation financière des familles les plus précaires, et assurerait une sérénité pour tout le monde.
A la manière du secteur du soin, devenons copropriétaires de ce qui deviendra une nouvelle institution funéraire. Elle aura pour objectif d’assurer à chaque famille les prestations nécessaires pour une cérémonie digne : fourniture d’un cercueil adapté, présence de porteurs, frais de crémation, d’inhumation, ou tout autre mode de sépulture, quelles que soient les spécificités du terrain : décidons ensemble des modalités et des infrastructures appropriées pour accompagner les décès.
Tant à construire pour se réapproprier nos obsèques
Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est que les entreprises funéraires dont les prestations seront remboursées soient conventionnées selon des critères décidés aussi par les personnes endeuillées elles-mêmes. Nouveaux rituels, salaire des agents, écologie, qualité d’écoute des familles ; il y a tant à faire, il y a tant à construire pour se réapproprier nos obsèques.
Nous n’acceptons plus que certains territoires soient des déserts funéraires sans équipements adéquats, comme la Guyane, la Lozère, ou le Lot, qui n’ont pas de crématoriums.
Nous n’acceptons plus qu’en plus d’un deuil presque insurmontable, une famille soit poussée à l’emprunt pour enterrer un proche. Nous n’acceptons plus ni l’humiliation que représentent les slogans inappropriés du funéraire discount, ni les primes managériales poussant des agents fatigués à travailler dans la précipitation.
Nous n’acceptons plus que la mort et ses travailleurs comptent parmi les jouets des fonds de pension, gérés par des financiers sur les marchés, et que ces derniers aient le pouvoir sur nos morts.
Nous proposons une société qui ne relègue plus ses morts et celles et ceux qui s’en occupent au second plan. Ne détournons plus le regard.
Signataires : le Collectif pourune sécurité sociale de la mort, les coopératives funéraires de Strasbourg, Nancy, Tulle, Caen, Lyon, Valence, la CGT funéraire, Enora Cuvilliez directrice d’agence funéraire et d’AbCrémation, fabrication de cercueil en carton, Bernard Friotéconomiste et sociologue du travail, professeur émérite à Paris-Nanterre, Richard Monvoisindidacticien des sciences à l’université Grenoble-Alpes, Juliette Cuisinier-Raynal autrice de l’Embaumeuse et ancienne thanatopractrice, Martin Julier-Costes docteur en sociologie, chercheur associé à l’université Grenoble-Alpes, Nicolas Framontjournaliste et écrivain, Denis Robertjournaliste et écrivain, Jacques Cherblancprofesseur titulaire et directeur de l’unité d’enseignement en études religieuses, en éthique et en philosophie de l’université du Québec, Rony Brauman médecin, ancien de Médecin sans frontières, Juliette Cazes chercheuse indépendante en thanatologie et autrice, Sara Piazzapsychologue clinicienne en service de réanimation et en équipe mobile de soins palliatifs, docteure en recherches en psychanalyse et psychopathologie, Jean-Michel Nivet responsable Charente de la Fédération française de crémation et de l’association pour le droit à mourir dans la dignité, Lisa Carayon maîtresse de conférence en droit à la Sorbonne Paris Nord, Marie-Frédérique Bacquéprofesseure de psychopathologie à l’université de Strasbourg, directrice du Centre international des études sur la mort, Danielle Simonnetdéputée L’Après, Hadrien Clouetdéputé LFI, Christophe Bexdéputé LFI, Ian Brossatsénateur PCF.
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