• L’Union Européenne, organisation criminelle de masse.

    Bilan :

    La Méditerranée est devenue le plus grand cimetière d’exilés au monde, puisque c’est là qu’est survenue la moitié des 48 000 décès de migrants enregistrés sur la planète depuis 2014

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/09/en-mediterranee-la-politique-criminelle-de-l-union-europeenne-se-deploie-dan

    #crime_de_masse #union_européenne #migrants #Méditerranée #chasse_aux_pauvres #cimetière

  • Israeli troops fired into group of Palestinian civilians in Nablus - Washington Post
    https://www.washingtonpost.com/investigations/interactive/2023/palestine-shooting-nablus-videos

    Israeli security forces in an armored vehicle fired repeatedly into a group of civilians sheltering between a mosque and a clinic after a Feb. 22 raid in the occupied West Bank city of Nablus, killing two people, including a teenager, and wounding three others, according to witnesses and a visual reconstruction of the event by The Washington Post.

    #crimes #criminels #impunité #vitrine_de_la_jungle #sionisme #civils #victimes_civiles

  • Is Israel on the Precipice of Genocide? - Political Violence at a Glance
    https://politicalviolenceataglance.org/2023/03/06/is-israel-on-the-precipice-of-genocide

    This current situation is alarming. Israel’s control over the territories has already produced a long list of alleged #crimes against humanity and war crimes, but the current atmosphere has upped the ante and could be the progenitor of crimes against humanity and even genocide. The Genocide Convention defines genocide as the “intent to destroy, in whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as such.” Over the last thirty years genocide research has exploded, led in part by the contemporary genocides in Bosnia, Somalia, Darfur, as well as the past genocides against the European Jews and Armenians.

    Genocide is impossible to predict: there is no agreement on how the combination of preconditions, contingent paths, triggers, and entrepreneurs produce a form of violence once unimaginable. But research on genocide over the past several decades has provided insight into the preconditions, which provide a reasonable starting point.

    Preconditions are not predictors. If we use them to predict genocides, we will overpredict. But a look at the UN’s report on atrocity crimes, which lists risk factors for genocide and “lesser” forms of organized violence, is illuminating. It lists eight common and six specific risk factors.

    #sionisme

  • Pendant ce temps-là, les puissances occidentales mettent en ordre de bataille les esprits et transforment à vitesse accélérée leurs économies en «  économies de guerre  »

    Contre la guerre en Ukraine et sa généralisation
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2023/02/25/contre-la-guerre-en-ukraine-et-sa-generalisation_521781.html

    Poutine, qui nie jusqu’à l’existence d’une nation ukrainienne, aura, par son sanglant mépris des peuples, contribué à ce que s’affirme le sentiment d’appartenir à l’Ukraine, alors qu’il peinait à prendre corps malgré les efforts du pouvoir et des nationalistes.

    L’échec relatif de Poutine résulte, entend-on souvent, de la mobilisation d’un peuple dressé pour défendre sa patrie, rien de tel ne motivant les soldats russes. Certes. Mais ce n’est qu’une partie de la réalité. Si l’Ukraine a tenu bon, malgré une industrie et une armée a priori moins fortes que celles du Kremlin, elle le doit avant tout à la trentaine de membres de l’OTAN, dont les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, qui l’ont armée, financée et soutenue de bien des façons. Et ils ne cessent de surenchérir en ce domaine, tel Biden encore le 20 février à Kiev.

    Quand les pays de l’OTAN livrent à l’Ukraine des armements de plus en plus sophistiqués, de plus en plus efficaces, ils poursuivent un objectif immédiat proclamé  : éviter la défaite de l’Ukraine et faire durer la guerre afin d’affaiblir la Russie, et si possible la mettre à genoux.

    Cela pour montrer au monde entier ce qu’il en coûte de ne pas s’incliner devant l’ordre impérialiste. Les propos de Biden à Varsovie  : «  L’Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie  », son refus affiché de toute négociation avec Poutine, le fait que les dirigeants occidentaux ont tous adopté la même posture et le même langage ces derniers temps, tout cela va dans le même sens.

    Le conflit en cours n’est pas la principale raison d’une escalade que l’Occident mène tambour battant. Il fait aussi office de toile de fond pour une mise en ordre de bataille des esprits, ne serait-ce que par la banalisation d’une guerre qui s’installe pour durer, dans une Europe qui n’en avait plus connu depuis 1945, exception faite des bombardements de la Serbie par l’OTAN, il y a un quart de siècle.

    Une mise sur le pied de guerre qui vaut aussi pour les économies de chaque pays, dans un monde capitaliste qui s’enfonce dans la crise sans que ses dirigeants y voient d’issue. Certes, les dirigeants du monde capitaliste n’ont pas encore choisi la fuite en avant vers une conflagration généralisée, comme celle qui conduisit à la Première et à la Deuxième Guerre mondiale, mais rien ne garantit que le conflit ukrainien ne risque pas, à tout moment, de précipiter l’humanité dans une nouvelle guerre mondiale.

    Le conflit en Ukraine sert déjà de terrain d’entraînement aux États impérialistes pour préparer l’éventualité d’un affrontement dit de haute intensité, que les états-majors militaires et politiques envisagent explicitement. Il sert aussi aux chefs de file de l’impérialisme à renforcer des blocs d’États alliés, avec leurs réseaux de bases sur le pourtour de la Russie et de la Chine.

    sommant les autres États de se rallier à ces alliances militaires et d’adopter des trains de sanctions contre la Russie, même quand cela va à l’encontre de leurs intérêts et de ceux, sonnants et trébuchants, de leurs capitalistes. On le constate pour l’arrêt des importations de gaz et de pétrole russes, l’interdiction de commercer avec la Russie, d’y maintenir des activités industrielles, ce qui pénalise des pays européens, dont l’Allemagne et la France, mais profite aux États-Unis.

    Si un fait nouveau, capital pour l’avenir de l’humanité, s’est fait jour au feu de cette guerre, c’est l’évolution rapide de la situation mondiale dans le sens de sa #militarisation.

    Poutine a répondu de façon monstrueuse à la pression continue de l’impérialisme en Europe de l’Est en lançant ses missiles et ses tanks sur l’Ukraine le 24 février 2022. Mais c’est l’impérialisme qui s’est préparé depuis longtemps à aller à la confrontation.

    ... à plonger tôt ou tard l’Ukraine dans la guerre, donc à faire de ses habitants les otages d’une rivalité qui les dépasse, car elle oppose le camp mené par les États-Unis à la Russie, avec son dictateur, ses bureaucrates et ses oligarques pillards. D’un côté ou de l’autre, il n’y a nulle place pour le droit des peuples à décider de leur destinée, même si on veut nous le faire croire.

    L’ex-chancelière Angela Merkel n’en croit rien. Elle le dit dans une interview où elle revient sur la crise qui s’ouvrit en février 2014, quand le président ukrainien d’alors, contesté par la rue et surtout lâché par des secteurs de la bureaucratie et de l’oligarchie, dut s’enfuir. Le pouvoir issu du #Maïdan s’alignant sur les États-Unis, Poutine récupéra alors la #Crimée et poussa le Donbass à faire sécession. Les accords de Minsk, que Merkel parrainait avec Hollande et auxquels avaient souscrit Moscou et Kiev, devaient régler pacifiquement le différend, prétendait-elle à l’époque. Elle avoue désormais qu’il s’agissait d’un leurre. «  Poutine, explique-t-elle, aurait [alors] pu facilement gagner. Et je doute fortement que l’OTAN aurait eu la capacité d’aider l’Ukraine comme elle le fait aujourd’hui. […] Il était évident pour nous tous que le conflit allait être gelé, que le problème n’était pas réglé, mais cela a justement donné un temps précieux à l’Ukraine.  » Et à l’OTAN pour préparer l’affrontement avec Moscou.

    Le conflit couvait depuis l’effondrement de l’#URSS en 1991. Dès ce moment-là, États-Unis et Union européenne furent à la manœuvre pour aspirer l’Europe de l’Est dans l’orbite de l’OTAN. Des conseillers de la Maison-Blanche expliquaient qu’il fallait détacher l’Ukraine de la Russie, pour que celle-ci n’ait plus les moyens de redevenir une grande puissance.

    Or, après les années Eltsine (1991-1999), d’effondrement économique, d’éclatement de l’État et de vassalisation humiliante du pays par l’Occident, Poutine et la bureaucratie russe voulaient restaurer la #Grande_Russie.

    Une première tentative de l’Occident pour aspirer l’Ukraine eut lieu en 2004 sous l’égide du tandem ­Iouchtchenko­-­Timochenko, tombeur du pro-russe Ianoukovitch. Elle tourna court, la population, dégoûtée, finissant par rappeler Ianoukovitch. Elle allait le chasser à nouveau en 2014. Cette fois fut la bonne pour le camp occidental et signifiait la guerre  : dans le #Donbass, que l’armée de Kiev et des troupes d’extrême droite disputaient aux séparatistes, elle fit 18 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. Huit ans plus tard, tout le pays bascula dans l’horreur.

    Les dirigeants américains et européens savaient que Moscou ne pouvait accepter une Ukraine devenue la base avancée de l’OTAN. Ils savaient quels risques mortels leur politique impliquait pour les Ukrainiens, et pour la jeunesse russe que Poutine enverrait tuer et se faire tuer. Cette guerre, l’OTAN l’avait rendue inéluctable depuis 2014, en armant, entraînant, conseillant l’#armée_ukrainienne et les troupes des nationalistes fascisants.

    Les dirigeants occidentaux n’en avaient cure, car faire la guerre avec la peau des peuples est une constante de la politique des puissances coloniales, puis impérialistes. On le vérifie encore une fois dans le sang et la boue des tranchées en #Ukraine, dans les ruines des HLM de #Kharkiv, #Kherson ou #Donetsk que les missiles des uns ou des autres ont fait s’effondrer sur leurs habitants. N’en déplaise aux médias d’ici qui ressassent la fable d’un conflit soudain opposant le petit David ukrainien isolé et désarmé qu’agresserait sans raison le grand méchant Goliath russe.

    À l’occasion du premier l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine, on a eu droit au rouleau compresseur d’une #propagande sans fard dans les #médias. Il y aurait le camp du Mal (la Russie, l’Iran et surtout la Chine), face au camp du Bien, celui des puissances qui, dominant la planète, y garantissent la pérennité du système d’exploitation capitaliste au nom de la démocratie ou de la sauvegarde de pays comme l’Ukraine, dès lors qu’ils leur font allégeance.

    Cette propagande massive vise à s’assurer que l’opinion publique adhère sans réserve à ce qu’on lui présente comme la défense d’un peuple agressé, en fait, à la guerre que mènent les grandes puissances par Ukrainiens interposés. Car, au-delà de ce qu’il adviendra de la Russie et du régime de Poutine – une des préoccupations contradictoires des États impérialistes, qui disent vouloir la victoire de Kiev tout en craignant qu’une défaite de Poutine déstabilise de façon incontrôlable la Russie et son «  étranger proche  » – ces mêmes États visent un objectif au moins aussi important pour eux. Ils veulent enchaîner à leur char de guerre leur propre population, dans le cadre ukrainien, tout en ayant en vue des conflits plus larges à venir.

    En fait, le conflit ukrainien a tout du prologue d’un affrontement plus ou moins généralisé, dont politiques, généraux et commentateurs désignent déjà la cible principale  : la Chine. Ainsi, Les Échos du 15 février a mis à sa une un article qui titrait  : «  Pour l’Amérique, la Chine redevient l’ennemi numéro un  », après que «  la guerre en Ukraine [avait un temps détourné son attention] de la confrontation  » avec la Chine.

    Déjà, les steppes, les villes et le ciel d’Ukraine servent autant aux états-majors et industriels occidentaux à affronter la #Russie, par soldats ukrainiens interposés, qu’à tester sur le vif leurs #blindés, pièces d’#artillerie, #systèmes_de_commandement, de communication, d’interception, de renseignement, et à en tirer les leçons voulues. Ils y voient aussi une aubaine pour se débarrasser de #munitions et d’engins plus ou moins anciens que les combats vont consommer . Conséquence favorable pour eux, cela justifie l’escalade des livraisons d’armes et, de ce fait, l’explosion des #budgets_militaires afin de doper les #industries_de_guerre.

    Cette conjoncture permet à des États d’engranger des commandes, parfois énormes, de pays dépendants de protecteurs plus puissants et des leaders des marchés de l’#armement.

    Ainsi, Varsovie a envisagé de donner à Kiev des vieux Mig-29 de conception soviétique pour les remplacer par des F-16 américains, et promis de lui livrer d’anciens chars Leopard, qu’elle remplacera par de nouveaux modèles. Évidemment, cela ne fait l’affaire ni de Dassault ni du char Leclerc français qui peine à trouver preneur. C’est que, même alliés au sein de l’OTAN, voire soucieux d’afficher leur unité, comme Biden l’a souligné lors de la promesse que lui et Scholtz ont voulue simultanée de livrer des tanks à Kiev, les États impérialistes restent rivaux sur ce terrain, comme sur d’autres. Les États-Unis se réservent la part du lion, avec des commandes d’armement qui ont doublé en 2022, à la mesure de leur puissance industrielle, de leur suprématie militaire… et des guerres à venir.

    Ces commandes d’armes pour l’Ukraine, qui s’ajoutent à celles que l’on dit destinées à remettre à niveau chaque armée occidentale, servent autant à tenir la dragée haute à #Poutine qu’à transformer à vitesse accélérée les #économies occidentales en «  #économies_de_guerre  », selon les termes même du programme que se sont fixé les ministres de la Défense des pays de l’#OTAN, lors de leur sommet des 14-15 février à Bruxelles. Depuis des mois, les dirigeants politiques occidentaux et plus encore les chefs de leurs armées discutent publiquement et concrètement d’une guerre généralisée qu’ils savent s’approcher. Ainsi, à Brest, l’#amiral_Vandier, chef d’état-major de la Marine, a lancé à la nouvelle promotion d’élèves-­officiers  : «  Vous entrez dans une Marine qui va probablement connaître le feu à la mer.  » Certains avancent même une date pour cela, tel le général Minihan, chef des opérations aériennes aux #États-Unis  : «  J’espère me tromper, mais mon intuition me dit que nous nous affronterons en 2025  » avec la #Chine.

    Ukraine  : un effroyable bilan humain, social et économique

    En attendant, la guerre en Ukraine a déjà tué ou blessé 180 000 militaires russes, à peine moins de soldats ukrainiens, et tué plus de 30 000 civils, estime le chef de l’armée norvégienne, membre de l’OTAN. 7,5 millions d’Ukrainiens ont trouvé refuge en Pologne, Slovaquie, Autriche, etc., et en Russie. Parmi eux se trouvent une écrasante majorité de femmes et d’enfants, car les hommes de 18 à 60 ans, mobilisables, ont l’interdiction de quitter le territoire. Il y a aussi plusieurs millions de déplacés dans le pays même.

    De nombreuses villes, grandes ou petites, ont été bombardées, parfois rasées, les infrastructures énergétiques partout frappées, ce qui a plongé la population dans l’obscurité et le froid. Le montant des destructions de routes, ponts, voies ferrées, ports, aéroports, entreprises, écoles, hôpitaux, logements… atteignait 326 milliards de dollars, selon ce qu’estimait le Premier ministre en septembre dernier. Ce montant, déjà colossal, n’a pu que croître depuis, ne serait-ce que parce qu’il s’accompagne d’énormes détournements qu’ont effectués et que vont effectuer ministres, généraux, bureaucrates et oligarques ukrainiens.

    Zelensky a reconnu la corruption de l’appareil d’État jusqu’au sommet quand il a limogé une partie de son gouvernement, dont les ministres de la Défense et de la Reconstruction, et plusieurs très hauts dirigeants. Cela ne change rien à la nature d’un État qui, source principale des nantis comme en Russie, est l’un des plus corrompus au monde  : plus que l’État russe, dit-on, ce qui n’est pas rien. En fait, Zelensky n’avait pas le choix  : une commission américaine de haut niveau avait débarqué à Kiev pour vérifier ce que devenait l’aide colossale fournie par l’oncle d’Amérique. Après tout, même si l’État américain est richissime, il a aussi ses bonnes œuvres (industriels de l’armement, financiers, capitalistes de haut vol) et ne veut pas qu’une trop grosse part des profits de guerre file dans poches des bureaucrates, oligarques et maffieux ukrainiens.

    Et puis, au moment même où l’Occident annonçait fournir des tanks à l’État ukrainien, il ne s’agissait pas que le régime apparaisse pour ce qu’il est  : celui de bandits prospérant sur le dos de la population. Cela s’adressait moins à l’opinion occidentale, qui ne connaît de la situation que ce qu’en disent les médias, qu’à la population ukrainienne.

    Victime des bombardements et exactions de l’armée russe, elle se rend compte qu’elle est aussi la victime des parasites de la haute bureaucratie, des ministres véreux ou des généraux voleurs. Et l’union sacrée n’a pas fait disparaître les passe-droits qui permettent aux nantis de profiter en paix de leur fortune à l’étranger, tandis que leurs sbires de la police raflent les hommes, valides ou pas, pour le front. Les résistances que cela provoque ici ou là n’ont rien pour étonner dans un tel contexte, d’autant que, si l’armée a d’abord pu compter sur des volontaires, ceux qu’elle mobilise maintenant n’en font, par définition, pas partie.

    Tout à leurs commentaires dithyrambiques sur un régime censé incarner la démocratie et l’unité d’un peuple derrière ses dirigeants, les médias français préfèrent tirer un voile pudique sur des faits qui pourraient gâcher leur tableau mensonger.

    [...] Le régime de la bureaucratie russe et de ses oligarques milliardaires, lui-même bien mal en point socialement et économiquement, corrompu, policier et antiouvrier, ne peut représenter aucun avenir pour la population ukrainienne, même russophone.

    Quant au régime qu’incarne Zelensky, ce chargé de pouvoir des grandes puissances et de leurs trusts qui lorgnent sur les richesses agricoles et minières de l’Ukraine ainsi que sur sa main-d’œuvre qualifiée, afin de l’exploiter avec des salaires misérables , ce qui a commencé dès 2014, le conflit lui a sans doute sauvé la mise, au moins dans un premier temps. Comme dans toute guerre, la population s’est retrouvée bon gré mal gré derrière un pouvoir qui se faisait fort de la défendre. Mais gageons que de larges pans des classes populaires n’ont pas oublié pour autant ce qu’avait fini par leur inspirer cet acteur devenu président, qui avait joué au «  serviteur du peuple  » pour mieux préserver les intérêts des nantis.

    S’affrontant sur le terrain par peuples interposés, les dirigeants occidentaux, représentants d’une bourgeoisie impérialiste qui domine le monde, les dirigeants russes, représentants des parasites qui exploitent les travailleurs de Russie, les dirigeants ukrainiens, représentants de leurs oligarques autant que des trusts occidentaux, sont tous des ennemis des classes populaires, de la classe ouvrière.

    Et les travailleurs, où qu’ils se trouvent, quelle que soit leur nationalité, leur langue ou leur origine, n’ont aucune solidarité à avoir, sous quelque prétexte que ce soit, avec «  l’ennemi principal qui est toujours dans notre propre pays  », comme disait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht en 1916, en pleine Première Guerre mondiale.

    Partout, la marche à une économie de guerre

    Le 6 février, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU [...] : «   Le monde se dirige les yeux grand ouverts [vers] une guerre plus large .  »

    On vient d’en avoir la confirmation au sommet des ministres de la Défense des membres de l’OTAN. Il leur a été demandé, selon Les Échos, «  de passer en #économie_de_guerre  », de relancer et activer la #production_d’armements, et d’abord d’#obus, de #chars et de pièces d’artillerie, pour faire face à «  une #guerre_d’usure  » en Ukraine. Et de préciser que si, il y a dix ans, les États-Unis demandaient à leurs alliés de monter leurs #dépenses_militaires à 2 % de leur produit intérieur brut, ce chiffre est désormais considéré comme un plancher que beaucoup ont dépassé. La conférence sur la sécurité en Europe qui a suivi, à Munich, a réuni la plupart des dirigeants européens et mondiaux pour aller dans le même sens.

    C’est ce qu’ils font en cherchant à persuader leur population de l’inéluctabilité de la guerre  ; en lui désignant comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine  ; en déployant une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers  ; en mettant l’accent sur la préparation de la #jeunesse à servir «  sa  » nation, à la défendre, sans jamais dire qu’il s’agira de la transformer en #chair_à_canon pour les intérêts des classes possédantes. Le gouvernement français s’en charge avec son #Service_national_universel, qui vise à apprendre à des jeunes à marcher au pas, avec des reportages télévisés plus ou moins suscités sur le service à bord de navires de guerre, sur des régions sinistrées (Saint-Étienne) où la reprise de la production d’armes ferait reculer le chômage. Le nouveau ministre allemand de la Défense se situe sur le même terrain, lui qui veut rétablir le service militaire et faire de la Bundeswehr la première armée du continent grâce aux 100 milliards de hausse de son #budget.

    En juin dernier, Macron avait annoncé la couleur avec son plan Économie de guerre doté par l’État de 413 milliards sur sept ans. Il fallait «  aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges, pour pouvoir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos #armées, pour nos alliés ou pour celles [comme en Ukraine] que nous voulons aider  ». Et, s’adressant aux dirigeants de l’organisme qui regroupe les 4 000 entreprises du secteur militaire, il leur avait promis des décisions et, surtout, des #investissements. Pour les #profits, la guerre est belle…

    Bien au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial, qui va s’aggravant sans que quiconque dans les milieux dirigeants de la bourgeoisie en Europe et en Amérique sache comment y faire face.

    Comme à chaque fois que le monde se trouve confronté à une telle situation, la bourgeoisie et ses États en appellent à l’industrie d’armement pour relancer l’économie. Car, grâce au budget militaire des États, elle échappe à la chute de la demande qui affecte les secteurs frappés par la baisse du pouvoir d’achat des couches populaires et, en dopant le reste de l’économie par des commandes de machines, de logiciels, de matériaux, de matières premières, etc., la bourgeoisie peut espérer que cela l’aidera à maintenir le taux de profit général.

    [...] même quand certains prétendent chercher une solution de paix à une guerre que leur politique a suscitée, la logique de leur politique d’armement continu de l’un des deux camps sur le terrain, celle de la militarisation de l’économie de nombreux pays sur fond d’une crise générale dont l’évolution leur échappe, tout cela fait que, de la guerre en Ukraine à un conflit plus large, la distance pourrait être bien plus courte qu’on ne le croit.

    Contrairement à ce qu’affirme Guterres, ce n’est pas toute l’humanité qui avance vers l’abîme les yeux grands ouverts. Les dirigeants politiques de la bourgeoisie ne peuvent pas ne pas voir ce qu’ils trament, eux, et dans quels intérêts, ceux de la bourgeoisie. Cela, ils le discernent en tout cas bien mieux que les masses du monde entier, auxquelles on masque la réalité, ses enjeux et son évolution qui s’accélère.

    Oui, en Ukraine, en Russie, comme partout ailleurs, le niveau de la conscience et de l’organisation de la classe ouvrière est très en retard sur cette course à la guerre dans laquelle la bourgeoisie engage l’humanité. Et plus encore au regard de ce qu’il faudrait pour l’enrayer, la transformer en guerre de classe pour l’émancipation des travailleurs du monde entier.

    C’est ce que firent les bolcheviks en Russie en 1917, en pleine guerre mondiale. C’est sur cette voie qu’il faut que s’engagent, en communistes révolutionnaires et internationalistes, en militants de la seule classe porteuse d’avenir, le prolétariat, toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde avant qu’il ne précipite à nouveau l’humanité dans la barbarie. Alors, pour paraphraser ce que Lénine disait de la révolution d’Octobre  : «  Après des millénaires d’esclavage, les esclaves dont les maîtres veulent la guerre leur [répondront]  : Votre guerre pour le butin, nous en ferons la guerre de tous les esclaves contre tous les maîtres.  »

    #guerre_en_ukraine #capitalisme #crise

    • Royaume-Uni : hausse significative du budget militaire

      A l’occasion de la mise à jour de sa doctrine de politique étrangère, le Royaume-Uni a annoncé son intention de porter à terme son #budget_défense à 2,5 % du PIB.

      Face aux « nouvelles menaces », le #Royaume-Uni va investir cinq milliards de livres supplémentaires dans sa politique de défense. Cette rallonge va porter ce budget à 2,25 % du PIB à horizon 2025, un redressement jamais vu depuis la guerre froide.
      Cette enveloppe doit permettre de « reconstituer et de renforcer les stocks de #munitions, de moderniser l’entreprise nucléaire britannique et de financer la prochaine phase du programme de #sous-marins_Aukus », a souligné Downing Street dans un communiqué, le jour même de la signature à San Diego du contrat entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. A terme, l’objectif est de revenir à des dépenses militaires équivalentes à 2,5 % du PIB, bien au-dessus de l’engagement pris au niveau de l’#Otan (2 % du PIB).

      Ces annonces interviennent au moment où le Royaume-Uni met à jour sa doctrine de politique étrangère dans un document de 63 pages qui fait la synthèse des principaux risques pour la sécurité du pays. La dernière mouture, publiée il y a trois ans, exposait les ambitions de la « Global Britain » de Boris Johnson au lendemain du Brexit. La #Russie y était identifiée comme la principale menace pour la sécurité. La #Chine était qualifiée de « défi systémique » et le document annonçait un « pivot » du Royaume-Uni vers l’axe Indo-Pacifique.
      Les tendances observées sont toujours les mêmes, mais « elles se sont accélérées ces deux dernières années », observe cette nouvelle revue. « Nous sommes maintenant dans une période de risques renforcés et de volatilité qui va probablement durer au-delà des années 2030 », note le rapport.

      (Les Échos)

      #militarisation #impérialisme

    • Les importations d’armes en Europe en forte hausse

      Les #achats_d'armement ont quasiment doublé l’an dernier sur le sol européen

      Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe s’arme massivement. C’est ce que confirme le dernier rapport de l’#Institut_international_de_recherche_sur_la_paix_de_Stockholm (Sipri), publié lundi. Hors Ukraine, les #importations_d'armements sur le Vieux Continent se sont envolées de 35 % en 2022. En intégrant les livraisons massives d’#armes à l’Ukraine, elles affichent une hausse de 93 %.

      […] Sur la période 2018-2022, privilégiée par le #Sipri pour identifier les tendances de fond, les importations d’armes européennes affichent ainsi une hausse de 47 % par rapport aux cinq années précédentes, alors qu’au niveau mondial, les transferts internationaux d’armes ont diminué de 5,1 % sur cette période. Un contraste majeur qui témoigne de la volonté des Européens d’« importer plus d’armes, plus rapidement », explique Pieter ​Wezeman, coauteur du rapport.
      Dans cette optique, outre les industriels locaux, les Européens comptent sur les #Etats-Unis. Sur la période 2018-2022, ces derniers ont représenté 56 % des #importations_d'armes de la région. Le premier importateur en #Europe a été le Royaume-Uni, suivi de l’#Ukraine et de la Norvège.
      […]

      En France, #Emmanuel_Macron a proposé une augmentation de 100 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2024-2030 par rapport à la période 2019-2025. Le Premier ministre britannique, #Rishi_Sunak, vient pour sa part d’annoncer que le #Royaume-Uni allait investir 5 milliards de livres (5,6 milliards d’euros) supplémentaires dans la défense, dans un contexte de « nouvelles menaces venues de #Russie et de #Chine ». Plus symbolique encore, l’Allemagne du chancelier #Olaf_Scholz a annoncé, en mai 2022, le lancement d’un fonds spécial de 100 milliards pour moderniser son armée et rompre avec des décennies de sous-investissement.

      (Les Échos)

      #militarisation

    • La France s’apprête à relocaliser sur son sol une vingtaine de productions industrielles militaires , révèle mardi franceinfo. Ces relocalisations sont une déclinaison de « l’économie de guerre » réclamée par l’Élysée.

      Le mois dernier, on a appris que la France s’apprêtait à relocaliser la production de #poudre pour ses obus d’artillerie (de 155mm). Selon nos informations, en tout, il y aura une vingtaine de relocalisations stratégiques en France.

      Dans le détail, la France va donc de nouveaux produire sur son territoire des #coques de bateaux produites jusqu’à présent dans les pays de l’Est, des explosifs pour gros calibres produits en Suède, Italie ou encore Allemagne, mais, surtout, des pièces jugées « critiques » pour certains moteurs d’hélicoptères. On parle ici précisément des disques des turbines haute-pression des bi-moteurs RTM322. Jusqu’à présent, ces pièces étaient élaborées aux Etats-Unis puis forgées en Angleterre. Bientôt, l’élaboration et la forge seront faites en France dans l’usine #Aubert_et_Duval située dans le Puy-de-Dôme. […]

      (France Info)

      #militarisation #relocalisation #industrie_de_la_défense

    • Emmanuel Chiva est à la tête (de l’emploi) de la direction générale de l’armement (DGA). Son sale boulot : mettre en œuvre l’« économie de guerre » voulue par Macron.

      Un type qui pratique au quotidien "l’argent magique" et un "pognon de dingue" (public) au service des capitalistes de l’armement. Le principe : un vol à grande échelle des fruits du travail de millions de travailleurs pour produire en masse du matériel de destruction massive.

      Pour nous en faire accepter les conséquences (les futures baisses du pouvoir d’achat, les hôpitaux fermés, les écoles surchargées, les enseignants en sous-effectif, les transports dégradés, un budget de l’État écrasé par la dette, etc.), Le Monde lui tend ses colonnes : « Nous sommes entrés dans l’économie de guerre »
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/15/emmanuel-chiva-dga-nous-sommes-entres-dans-l-economie-de-guerre_6165595_3210

    • La marche vers un économie de guerre
      https://lutte-ouvriere.be/la-marche-vers-un-economie-de-guerre

      [...] Les USA augmentent fortement leur budget militaire, l’Allemagne débloque 100 milliards pour l’armée, la France annonce plus de 400 milliards de budget pour les prochaines années et en Belgique, 14 milliards de dépenses guerrières supplémentaires sont prévues d’ici 2030.

      Pour faire accepter l’envolée des dépenses militaires, alors que partout les besoins des populations sont criants, les dirigeants des pays capitalistes cherchent à persuader de l’inéluctabilité de la guerre. Ils désignent comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine, et déploient une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers.

      Les gouvernements mettent aussi l’accent sur la préparation de la jeunesse qu’ils comptent utiliser comme chair à canon. L’Etat belge s’en est chargé en ouvrant cette année, dans 13 écoles de la fédération Wallonie Bruxelles, une option « métiers de la Défense et de la sécurité » dans laquelle des jeunes sont préparés à devenir agent de sécurité, policier ou militaire, à partir de la quatrième secondaire technique !

      Au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial qui ne fait que s’aggraver.

    • Vers un doublement du budget militaire / Le Japon tourne la page du pacifisme
      https://www.monde-diplomatique.fr/2023/03/POUILLE/65605

      Ce samedi 27 novembre 2021, le premier ministre japonais Kishida Fumio effectue une visite matinale des troupes de défense terrestre sur la base d’Asaka, au nord de Tokyo. Après un petit tour en char d’assaut, il prononce un discours de rupture : « Désormais, je vais envisager toutes les options, y compris celles de posséder des capacités d’attaque de bases ennemies, de continuer le renforcement de la puissance militaire japonaise. » Selon le chef du gouvernement, « la situation sécuritaire autour du Japon change à une vitesse sans précédent. Des choses qui ne se produisaient que dans des romans de science-fiction sont devenues notre réalité ». Un an plus tard, M. Kishida annonce le doublement des dépenses de #défense et débloque l’équivalent de 315 milliards de dollars sur cinq ans. Le #Japon va ainsi disposer du troisième budget militaire du monde derrière ceux des États-Unis et de la Chine. Il représentera 2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui correspond à l’engagement pris en 2014 par les vingt-huit membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (#OTAN)… dont il ne fait pourtant pas partie.

      Ces décisions — qui s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle « stratégie de sécurité nationale » dévoilée en août 2022 — changent profondément les missions des forces d’autodéfense, le nom officiel de l’#armée_nippone. Elles ne s’en tiendront plus, en effet, à défendre le pays mais disposeront des moyens de contre-attaquer. Et même de détruire des bases militaires adverses.

      Cette #militarisation et cette imbrication renforcée avec les États-Unis sonnent, pour la presse chinoise, comme dune dangereuse alerte. Certes, les rapports sino-japonais s’étaient déjà dégradés quand Tokyo avait acheté, le 11 septembre 2012, trois des îles Senkaku/Diaoyu à leur propriétaire privé et que, dans la foulée, Pékin avait multiplié les incursions dans la zone (8). Les visites régulières d’Abe au sanctuaire Yasukuni, qui honore la mémoire des criminels de guerre durant la seconde guerre mondiale, n’avaient rien arrangé.

      Mais le climat s’était plutôt apaisé dans la dernière période. « J’étais parvenu à un consensus important [avec Abe] sur la construction de relations sino-japonaises répondant aux exigences de la nouvelle ère (9) », a même témoigné le président chinois après l’assassinat de l’ex-premier ministre, en juillet 2022. Depuis l’annonce de la nouvelle stratégie de défense, le ton a changé.

      [...] en tournant le dos brutalement à sa politique pacifiste, le Japon se place en première ligne face à Pékin et éloigne tout espoir d’autonomie vis-à-vis des États-Unis. Cette impossible entrée dans l’après-guerre froide cohabite pourtant avec un dynamisme régional haletant où, de Hanoï à Colombo, ce pays vieillissant a construit les leviers de sa future croissance. Il y est en concurrence directe avec la Chine, très présente. Déjà, la plupart des pays asiatiques refusent de choisir entre Pékin et Washington, qui leur promet la sécurité. Et avec Tokyo ?

      (Le Monde diplomatique, mars 2023)

      #budget_militaire

    • Le géant de l’armement Rheinmetall surfe sur la remilitarisation de l’Europe (Les Échos)

      L’entrée au DAX, lundi, du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe consacre le retour en force des combats conventionnels terrestres. Après une année 2022 record, Rheinmetall s’attend à faire mieux encore en 2023.

      Ce lundi, Armin Papperger, le patron de Rheinmetall, se fera un plaisir de sonner la cloche de la Bourse de Francfort pour marquer l’entrée de son groupe dans le Dax après une année record. Son cours a doublé et sa valorisation avoisine 10,5 milliards d’euros. « Le changement d’ère et la guerre en Europe ont ouvert une nouvelle page pour #Rheinmetall », a-t-il déclaré jeudi, lors de la présentation des résultats du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe.

      Le retour des combats conventionnels terrestres a dopé le résultat net de ce dernier : il a bondi de 61 %, à 469 millions d’euros pour un chiffre d’affaires record de 6,4 milliards d’euros, en hausse de 13,25 %. Le résultat opérationnel (Ebit hors effets exceptionnels) a, lui, progressé de 27 %, à 754 millions d’euros. Et ce n’est qu’un début : « Je m’attends à ce que l’année 2023 soit de loin la meilleure année de l’histoire de l’entreprise en termes de commandes », a annoncé Armin Papperger.

      Carnet de commandes record

      Il a plusieurs fois loué devant la presse l’efficacité du nouveau ministre de la Défense Boris Pistorius, qui devrait, selon lui, permettre de débloquer enfin les 100 milliards du fonds de modernisation de l’armée allemande. Sur cette enveloppe, le patron de Rheinmetall estime pouvoir capter 38 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 20 milliards répartis à parts équivalentes entre les chars et la numérisation des forces terrestres, et 8 milliards pour les munitions. A ces montants s’ajoute la hausse prévisible du budget de la défense allemande : Boris Pistorius a réclamé 10 milliards de plus par an et il faudrait même 10 milliards supplémentaires pour atteindre les 2 % du PIB. Un objectif pour tous les membres de l’Otan qui devrait rapidement devenir un prérequis minimum. Le réarmement généralisé des pays de l’Alliance atlantique ne peut donc que profiter à Rheinmetall. Il vient en outre d’élargir sa palette en s’invitant dans la fabrication du fuselage central du F-35 américain qui devrait lui rapporter plusieurs milliards d’euros. Le groupe, qui affichait déjà l’an dernier un carnet de commandes record de 24 milliards d’euros, estime avoir les capacités pour faire bien davantage.

      600.000 obus

      En Ukraine, Rheinmetall assure ainsi pouvoir livrer un peu moins de la moitié des besoins de la production d’artillerie. Avec l’achat du fabricant espagnol Expal Systems, qui devrait être bouclé dans l’année, la capacité annuelle du groupe passe à environ 450.000 obus, voire 600.000 d’ici à deux ans.

      Rheinmetall est en train d’agrandir une usine en Hongrie et souhaite en ouvrir une de poudre en Saxe avec la participation financière de Berlin. Selon Armin Papperger, l’intégration verticale de l’entreprise, qui produit elle-même ses composants, la met par ailleurs à l’abri d’un chantage éventuel de la Chine sur les matières premières. Quant à la main-d’oeuvre, elle ne manquerait pas : le groupe se dit « inondé de candidatures », il a recruté 3.000 personnes l’an dernier et compte en faire autant cette année. Toutes les planètes sont donc alignées aux yeux de Rheinmetall pour pousser les feux. Le groupe vise un chiffre d’affaires de 7,4 à 7,6 milliards d’euros en 2023, ce qui représenterait une nouvelle hausse de 15,5 % à 18,7 %. Sa marge opérationnelle devrait passer de 11,8 % à 12 % environ.

      #militarisation #militarisme #capitalisme #troisième_guerre_mondiale

    • La guerre en Ukraine accélère la militarisation

      La guerre en Ukraine accélère la militarisation de l’Europe. Tragédie pour les populations ukrainienne et russe qui ont déjà payé cette guerre de 30 000 morts, elle est une aubaine pour les militaires et les marchands d’armes. Première guerre dite «  de haute intensité  » en Europe depuis 1945, sur un front de plus de 1 000 kilomètres, elle permet aux militaires de tester leurs matériels, de valider ou adapter leurs doctrines d’utilisation. Elle offre un marché inespéré pour les marchands d’armes appelés à fournir munitions et missiles, drones ou chars détruits en grande quantité. Elle accélère la hausse des budgets militaires de tous les États.

      Une militarisation engagée avant la guerre en Ukraine

      La hausse des dépenses militaires dans le monde était engagée avant l’invasion russe de l’Ukraine. Selon le dernier rapport du Sipri, l’Institut international pour la paix de Stockholm, publié le 25 avril, les dépenses militaires dans le monde ont dépassé en 2021, pour la première fois, la barre des 2 000 milliards de dollars, avec 2 113 milliards de dollars, soit 2,2 % du PIB mondial. C’est la septième année consécutive de hausse des dépenses militaires dans le monde selon ce rapport, qui précise  : «  Malgré les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, les dépenses militaires mondiales ont atteint des niveaux records.  »

      Si la Russie, présentée comme le seul agresseur et va-t-en-guerre, a augmenté son budget militaire en 2021, qui atteint 66 milliards de dollars et 4 % de son PIB, elle n’arrive qu’en cinquième position dans le classement des puissances les plus dépensières, derrière les États-Unis, la Chine, l’Inde et la Grande-Bretagne.

      En Grande-Bretagne, avec 68,3 milliards de dollars, les dépenses militaires sont en hausse de 11,1 %. Après le Brexit, Boris Johnson a multiplié les investissements, en particulier dans la marine. Peu avant sa démission, il affirmait vouloir restaurer l’impérialisme britannique en tant que «  première puissance navale en Europe  » et marquait à la culotte les autres puissances impérialistes du continent. Il a été l’un des premiers dirigeants européens à se rendre à Kiev pour afficher son soutien à Zelensky. Toute une brochette de politiciens britanniques milite pour que les dépenses militaires augmentent plus vite encore dans les années à venir. Ainsi, Nile Gardiner, ancien collaborateur de Thatcher, affirmait en mars au Daily Express : «  Les dépenses de défense devraient doubler, de deux à quatre pour cent [du PIB] dans les années à venir si la Grande-Bretagne veut sérieusement redevenir une puissance mondiale.  »

      Johnson a renforcé par divers canaux sa coopération militaire avec les États-Unis. Ces liens étroits entre les impérialismes britannique et américain ont été illustrés par l’alliance #Aukus (acronyme anglais pour Australie, Royaume-Uni et États-Unis) contre la Chine. Cette alliance s’est concrétisée par la commande australienne de huit sous-marins à propulsion nucléaire, pour la somme de 128 milliards de dollars. Déjà en hausse de 4 % en 2021 par rapport à 2020, les dépenses militaires de l’Australie sont donc appelées à augmenter. C’est aussi la politique occidentale agressive vis-à-vis de la Chine, et les pressions américaines, qui ont poussé le Japon à dépenser 7 milliards de dollars de plus en 2021 pour ses armées, la plus forte hausse depuis 1972.

      Selon le rapport du #Sipri, dès 2021, donc avant la guerre en Ukraine, huit pays européens membres de l’#Otan avaient porté leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB, ce que réclament depuis longtemps les États-Unis à leurs alliés. Avec 56,6 milliards de dollars (51 milliards d’euros) dépensés en 2021, la France est passée de la huitième à la ­sixième place des États pour leurs dépenses en armement. La loi de programmation militaire 2019-2025 avait déjà prévu un budget de 295 milliards d’euros sur six ans, pour arriver à plus de 2,5 % du PIB en 2025.

      La guerre en Ukraine a donc éclaté dans ce contexte d’augmentation générale des dépenses d’armement, qu’elle ne peut qu’accélérer et renforcer.

      Les leçons de la guerre en Ukraine

      Pour les états-majors et les experts, la #guerre_en_Ukraine n’est pas une tragédie mais d’abord un formidable terrain d’expérimentation des matériels de guerre et des conditions de leur mise en œuvre. Chaque épisode – offensive contrariée des armées russes au début de la #guerre, retrait du nord de l’#Ukraine puis offensive dans le #Donbass, destruction méthodique des villes – et les diverses façons d’utiliser l’artillerie, les drones, l’aviation, les moyens de communication et de renseignement sont étudiés pour en tirer le maximum de leçons. Depuis six mois, des milliers d’experts et d’ingénieurs chez #Thales, #Dassault, #Nexter, MBDA (ex-Matra), #Naval_Group ou chez leurs concurrents américains #Lockheed_Martin, #Boeing ou #Northrop_Grumman, étudient en détail comment cette guerre met en lumière «  la #numérisation du champ de bataille, les besoins de munitions guidées, le rôle crucial du secteur spatial, le recours accru aux drones, robotisation, cybersécurité, etc.  » (Les Échos du 13 juin 2022). Ces experts ont confronté leurs points de vue et leurs solutions technologiques à l’occasion de l’immense salon de l’#armement et de la sécurité qui a réuni, début juin à Satory en région parisienne, 1 500 #marchands_d’armes venus du monde entier. Un record historique, paraît-il  !

      Les leçons de la guerre en Ukraine ne sont pas seulement technologiques. Comme l’écrivait le journal Les Échos du 1er avril 2022, «  la guerre entre grands États est de retour en Europe. » Cette guerre n’a plus rien à voir avec «  les “petites guerres” comme celles de Bosnie ou du Kosovo, ni les opérations extérieures contre des groupes terroristes (Al Qaida, Daech) ou des États effondrés (Libye, 2011)  ». Pour les militaires, cette guerre n’est plus «  une guerre échantillonnaire mais une guerre de masse  », tant du point de vue du nombre de soldats tués ou blessés au combat que du nombre de munitions tirées et du matériel détruit.

      Entre février et juin, selon les estimations réalisées malgré la censure et les mensonges de chaque camp, cette guerre aurait fait 30 000 morts russes et ukrainiens, plusieurs centaines par jour. L’Ukraine rappelle que la guerre est une boucherie, que les combats exigent sans cesse leur chair à canon, avec des soldats qui pourrissent et meurent dans des tranchées, brûlent dans des chars ou sont tués ou estropiés par des obus et des missiles. Leur guerre «  de haute intensité  », c’est avant tout des morts, parmi les militaires comme les civils. Préparer les esprits à accepter de «  mourir pour nos valeurs démocratiques  », autre déclinaison du «  mourir pour la patrie  », est l’un des objectifs de la #propagande des gouvernements occidentaux qui mettent en scène la guerre en Ukraine.

      Côté matériel, les armées russes ont perdu plusieurs centaines de chars. Les États-Unis et leurs alliés ont livré plusieurs dizaines de milliers de missiles sol-sol ou sol-air de type Javelin ou Stinger, à 75 000 dollars pièce. Une semaine après le début de l’invasion russe, le colonel en retraite Michel Goya, auteur d’ouvrages sur les guerres contemporaines, écrivait  : «  L’#armée_de_terre française n’aurait plus aucun équipement majeur au bout de quarante jours  » (véhicules de combat, pièces d’artillerie…). La conclusion de tous ces gens-là est évidente, unanime  : il faut «  des forces plus nombreuses, plus lourdement équipées [qui] exigeront des budgets de défense accrus  » (Les Échos, 1er avril 2022). Augmenter les budgets militaires, drainer toujours plus d’argent public vers l’industrie militaire ou sécuritaire, c’est à quoi s’emploient les ministres et les parlementaires, de tous les partis, depuis des années.

      Des complexes militaro-industriels concurrents

      La guerre en Ukraine, avec l’augmentation spectaculaire des #budgets_militaires qu’elle accélère, est une aubaine pour les marchands d’armes. Mais elle intensifie en même temps la guerre que se livrent ces industriels. L’annonce par le chancelier allemand, fin février, d’un emprunt de 100 milliards d’euros pour remettre à niveau la #Bundeswehr, autrement dit pour réarmer l’Allemagne, a déclenché des polémiques dans l’#Union_européenne. Le journal Les Échos du 30 mai constatait avec dépit  : «  L’#armée_allemande a annoncé une liste de courses longue comme le bras, qui bénéficiera essentiellement aux industries américaines  : achat de #F-35 à Lockheed Martin, d’hélicoptères #Chinook à Boeing, d’avions P8 à Boeing, de boucliers antimissiles à Israël, etc.  » Au grand dam des militaristes tricolores ou europhiles, le complexe militaro-industriel américain profitera bien davantage des commandes allemandes que les divers marchands de mort européens.

      Il en est ainsi depuis la naissance de l’Union européenne  : il n’y a pas une «  #défense_européenne  » commune car il n’y a pas un #impérialisme européen unique, avec un appareil d’État unique défendant les intérêts fondamentaux d’une #grande_bourgeoisie européenne. Il y a des impérialismes européens concurrents, représentant des capitalistes nationaux, aux intérêts économiques complexes, parfois communs, souvent opposés. L’#impérialisme_britannique est plus atlantiste que les autres puissances européennes et très tourné vers son vaste ex-­empire colonial. L’#impérialisme_français a développé ses armées et sa marine pour assurer sa mainmise sur son pré carré ex-colonial, en particulier en Afrique. L’impérialisme allemand, qui s’est retranché pendant des décennies derrière la contrition à l’égard des années hitlériennes pour limiter ses dépenses militaires, en se plaçant sous l’égide de l’Otan et des #États-Unis, a pu consacrer les sommes économisées à son développement économique en Europe centrale et orientale. Les interventions militaires ou diplomatiques n’étant que la continuation des tractations et des rivalités commerciales et économiques, il n’a jamais pu y avoir de défense européenne commune.

      Les rivalités permanentes entre Dassault, Airbus, #BAE, #Safran ont empêché la construction d’un avion de combat européen. La prépondérance des États-Unis dans l’Otan et leur rôle majeur en Europe de l’Est et dans la guerre en Ukraine renforcent encore les chances du #secteur_militaro-industriel américain d’emporter les futurs marchés. Ces industriels américains vendent 54 % du matériel militaire dans le monde et réalisent 29 % des exportations. L’aubaine constituée par les futures dépenses va aiguiser les appétits et les rivalités.

      Bien sûr, les diverses instances européennes s’agitent pour essayer de ne pas céder tout le terrain aux Américains. Ainsi, le commissaire européen au Commerce et ex-ministre français de l’Économie, Thierry Breton, vient de débloquer 6 milliards d’euros pour accélérer le lancement de 250 satellites de communication de basse orbite, indispensables pour disposer d’un réseau de communication et de renseignement européen. Jusqu’à présent, les diverses armées européennes sont dépendantes des États-Unis pour leurs renseignements militaires, y compris sur le sol européen.

      À ce jour, chaque pays européen envoie en Ukraine ses propres armes, plus ou moins compatibles entre elles, selon son propre calendrier et sa volonté politique. Les champs de bataille du Donbass servent de terrain de démonstration pour les canons automoteurs français Caesar, dont les journaux télévisés vantent régulièrement les mérites, et les #chars allemands Gepard, anciens, ou Leopard, plus récents. La seule intervention commune de l’Union européenne a été le déblocage d’une enveloppe de financement des livraisons d’armes à l’Ukraine, d’un montant de 5,6 milliards sur six ans, dans laquelle chaque État membre peut puiser. C’est une façon de faciliter l’envoi d’armes en Ukraine aux pays de l’UE les moins riches. Avec l’hypocrisie commune aux fauteurs de guerre, les dirigeants de l’UE ont appelé cette enveloppe «  la facilité européenne pour la paix  »  !

      Vers une économie de guerre  ?

      Pour passer d’une «  guerre échantillonnaire  » à une «  guerre de masse  », la production d’armes doit changer d’échelle. Pour ne parler que d’eux, les fameux canons Caesar de 155 millimètres sont produits en nombre réduit, une grosse dizaine par an, dans les usines #Nexter de Bourges, pour la somme de 5 millions d’euros l’unité. Pour en livrer une douzaine à l’Ukraine, le gouvernement a dû les prélever sur la dotation de l’armée française, qui n’en a plus que 64 en service. Juste avant le début de la guerre en Ukraine, Hervé Grandjean, le porte-parole des armées, rappelait les objectifs de l’armée française pour 2025  : «  200 chars Leclerc, dont 80 rénovés, 135 #blindés_Jaguar, 3 300 #blindés_légers, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque dont 67 Tigre, 115 #hélicoptères de manœuvre, 109 #canons de 155 et 20 drones tactiques notamment  ». En comparaison, et même si les chars des différentes armées n’ont ni les mêmes caractéristiques ni la même valeur, en trois mois de guerre en Ukraine, plus de 600 chars russes ont été détruits ou mis hors service.

      La guerre en Ukraine devrait donc permettre aux militaires d’obtenir davantage de coûteux joujoux. Ils ont reçu le soutien inconditionnel du président de la Cour des comptes, l’ex-socialiste Pierre Moscovici, pour qui «  l’aptitude des armées à conduire dans la durée un combat de haute intensité n’est pas encore restaurée  ». Et dans son discours du 14 juillet, Macron a confirmé une rallonge de 3 milliards d’euros par an pour le budget de l’armée. Mais pour rééquiper en masse les armées européennes, il faut que les capacités de production suivent. Le 13 juin, Le Monde titrait  : «  Le ministère de la Défense réfléchit à réquisitionner du matériel du secteur civil pour refaire ses stocks d’armes  », et précisait  : «  L’État pourrait demander à une PME de mécanique de précision qui ne travaille pas pour le secteur de la défense de se mettre à disposition d’un industriel de l’armement pour accélérer ses cadences.  » Et comme toujours, l’État s’apprête à prendre en charge lui-même «  les capacités de production de certaines PME de la défense, en payant par exemple des machines-outils  ». Les capitalistes n’étant jamais si bien servis que par eux-mêmes, le chef de l’UIMM, le syndicat des patrons de la métallurgie, est désormais #Éric_Trappier, le PDG de Dassault.

      Produire plus massivement du matériel militaire coûtera des dizaines, et même des centaines, de milliards d’euros par an. Il ne suffira pas de réduire encore plus les budgets de la santé ou de l’école. Les sommes engagées seront d’un tout autre niveau. Pour y faire face, les États devront s’endetter à une échelle supérieure. Les gouvernements européens n’ont peut-être pas encore explicitement décidé un tel tournant vers la production en masse de ce matériel militaire, mais les plus lucides de leurs intellectuels s’y préparent. L’économiste et banquier Patrick Artus envisageait dans Les Échos du 8 avril le passage à une telle «  #économie_de_guerre  ». Pour lui, cela aurait trois conséquences  : une hausse des #dépenses_publiques financées par le déficit du budget de l’État avec le soutien des #banques_centrales  ; une forte inflation à cause de la forte demande en énergie et en métaux parce que les #dépenses_militaires et d’infrastructures augmentent  ; enfin la rupture des interdépendances entre les économies des différents pays à cause des ruptures dans les voies d’approvisionnement.

      Avant même que les économies européennes ne soient devenues «  des économies de guerre  », les dépenses publiques au service des capitalistes ne cessent d’augmenter, l’inflation revient en force, aggravée par la spéculation sur les pénuries ou les difficultés d’approvisionnement de telle ou telle matière première. L’#économie_capitaliste est dans une impasse. Elle est incapable de surmonter les contradictions qui la tenaillent, et se heurte une fois de plus aux limites du marché solvable et à la concurrence entre capitalistes, qui engendrent les rivalités entre les puissances impérialistes  ; à la destruction des ressources  ; et à son incapacité génétique d’en planifier l’utilisation rationnelle au service de l’humanité. La course au militarisme est inexorable, car elle est la seule réponse à cette impasse qui soit envisageable par la grande bourgeoisie. Cela ne dépend absolument pas de la couleur politique de ceux qui dirigent les gouvernements. Le militarisme est inscrit dans les gènes du capitalisme.

      Le #militarisme, une fuite en avant inexorable

      Il y a plus d’un siècle, #Rosa_Luxemburg notait que le militarisme avait accompagné toutes les phases d’accumulation du #capitalisme  : «  Il est pour le capital un moyen privilégié de réaliser la plus-value.  » Dans toutes les périodes de crise, quand la rivalité entre groupes de capitalistes pour s’approprier marchés et matières premières se tend, quand le marché solvable se rétrécit, le militarisme a toujours représenté un «  champ d’accumulation  » idéal pour les capitalistes. C’est un marché régulier, quasi illimité et protégé  : «  L’#industrie_des_armements est douée d’une capacité d’expansion illimitée, […] d’une régularité presque automatique, d’une croissance rythmique  » (L’accumulation du capital, 1913). Pour la société dans son ensemble, le militarisme est un immense gâchis de force de travail et de ressources, et une fuite en avant vers la guerre généralisée.

      Pour les travailleurs, le militarisme est d’abord un vol à grande échelle des fruits de leur travail. La production en masse de matériel de destruction massive, ce sont des impôts de plus en plus écrasants pour les classes populaires qui vont réduire leur pouvoir d’achat, ce sont des hôpitaux fermés, des écoles surchargées, des enseignants en sous-effectif, des transports dégradés, c’est un budget de l’État écrasé par la charge de la dette. Pour la #jeunesse, le militarisme, c’est le retour au service militaire, volontaire ou forcé, c’est l’embrigadement derrière le nationalisme, l’utilisation de la guerre en Ukraine pour redonner «  le sens du tragique et de l’histoire  », selon la formule du chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard.

      L’évolution ultime du militarisme, c’est la #guerre_généralisée avec la #mobilisation_générale de millions de combattants, la militarisation de la production, la #destruction méthodique de pays entiers, de villes, d’infrastructures, de forces productives immenses, de vies humaines innombrables. La guerre en Ukraine, après celles en Irak, en Syrie, au Yémen et ailleurs, donne un petit aperçu de cette barbarie. La seule voie pour éviter une barbarie plus grande encore, qui frapperait l’ensemble des pays de la planète, c’est d’arracher aux capitalistes la direction de la société.

      Un an avant l’éclatement de la Première Guerre mondiale, #Rosa_Luxemburg concluait son chapitre sur le militarisme par la phrase  : «  À un certain degré de développement, la contradiction [du capitalisme] ne peut être résolue que par l’application des principes du socialisme, c’est-à-dire par une forme économique qui est par définition une forme mondiale, un système harmonieux en lui-même, fondé non sur l’accumulation mais sur la satisfaction des besoins de l’humanité travailleuse et donc sur l’épanouissement de toutes les forces productives de la terre.  » Ni Rosa Luxemburg, ni #Lénine, ni aucun des dirigeants de la Deuxième Internationale restés marxistes, c’est-à-dire communistes, révolutionnaires et internationalistes, n’ont pu empêcher l’éclatement de la guerre mondiale et la transformation de l’Europe en un gigantesque champ de bataille sanglant. Mais cette guerre a engendré la plus grande vague révolutionnaire de l’histoire au cours de laquelle les soldats, ouvriers et paysans insurgés ont mis un terme à la guerre et menacé sérieusement la domination du capital sur la société. L’issue est de ce côté-là.

    • France. Militaires et industriels doutent d’être suffisamment gavés

      Les « promesses déjà annoncées : une hausse de 5 milliards d’euros pour combler le retard dans les drones, un bond de 60 % des budgets des trois agences de renseignement, une relance des commandes dans la défense sol-air , la reconstitution des stocks de munitions. Il a aussi promis plus de navires et de satellites pour l’Outre-Mer, des avancées dans la cyberdéfense, le spatial, la surveillance des fonds marins, le doublement du budget des forces spéciales, et enfin une progression de 40 % des budgets pour la maintenance des équipements, afin d’en accroître les taux de disponibilité.

      Ajouter à cette liste un doublement de la réserve, une participation potentiellement accrue au service national universel, la promesse de dégager 10 milliards pour l’innovation... « Toutes les lignes budgétaires vont augmenter, sauf la provision pour les opérations extérieures », a déclaré le ministre. Selon lui, les dépenses pour aider l’armée ukrainienne ne seront pas imputées sur le budget des armées. Ce dont beaucoup de militaires doutent. Un partage des frais entre ministères est plus probable.

      (Les Échos)

    • Pour eux, la guerre n’est pas une tragédie, mais une aubaine.

      Entre 2018 et 2022, la France a vu sa part dans les ventes mondiales d’armes passer de 7 à 11 %.

      Actuellement 3e sur le marché de l’armement, elle se rapproche de la 2e place. Un record qui contribue à la surenchère guerrière, en Ukraine et ailleurs, et qui alimente les profits des marchands d’armes.

    • La nouvelle #loi_de_programmation_militaire a été présentée en Conseil des ministres ce mardi 4 avril. Un budget de la défense en hausse de 40 % par rapport à la #LPM 2019-2025. Un montant historique

      D’autant que la LPM 2024-2030 n’inclura pas le montant de l’aide militaire à l’#Ukraine

      La politique de l’actuel président de la République contraste avec celle de ses prédécesseurs. Comme beaucoup de ses voisins, la France a vu ses dépenses de défense diminuer depuis la fin de la #guerre_froide

      Réarmement spectaculaire de la #Pologne par le biais de la Corée du Sud

      « Ce pays est en première ligne et sera potentiellement une grande puissance militaire en 2030 », a affirmé Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique lors de son audition au Sénat. Le 30 janvier dernier, le Premier ministre polonais a ainsi annoncé que le budget de la défense atteindrait 4 % du PIB en 2023.

      #militarisation #budget_de_la_défense

    • On ne prépare une guerre qu’à la condition de pouvoir la gagner. Et en l’état, les occidentaux commencent tout juste à comprendre que ce qu’ils pensaient assuré (première frappe nucléaire et bouclier ABM) de la part des américains, n’est finalement pas du tout si assuré que cela et que même, ma foi, la guerre est peut-être déjà perdue.

    • En l’état, ce n’est pas la guerre. Mais, oui, ils s’y préparent.

      Et cette nouvelle guerre mondiale ne sera pas déclenchée nécessairement quand ils seront certains de « pouvoir la gagner ».

    • L’Union européenne et ses obus : un petit pas de plus vers une économie de guerre
      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/05/10/lunion-europeenne-et-ses-obus-un-petit-pas-de-plus-vers-une-

      Mercredi 3 mai, le commissaire européen Thierry Breton a présenté son plan pour produire un million de munitions lourdes par an. Les industries d’armement européennes ne sont plus adaptées au rythme de production nécessaire pour des guerres de « haute intensité », ou même simplement telle que celle en Ukraine.

      Alors que l’armée ukrainienne tire 5 000 obus d’artillerie par jour de combat, la production annuelle du fabricant français Nexter ne permettrait de tenir ce rythme... que huit jours. Thierry Breton a annoncé une enveloppe de 500 millions d’euros pour stimuler dans ce sens les industriels de l’Union européenne. Elle fait partie d’un plan de deux milliards d’euros annoncé fin mars pour fournir des obus à l’armée de Kiev, sous prétexte « d’aider » l’Ukraine. Il s’agit d’abord de puiser dans les stocks nationaux, puis de passer des commandes, et enfin de remplir les caisses des industriels pour qu’ils produisent plus vite.

      Les sommes déployées par l’UE sont très marginales par rapport aux dépenses faites par chaque puissance impérialiste pour financer son propre armement et enrichir ses capitalistes de l’armement. Ainsi, la programmation militaire française a augmenté de 100 milliards d’euros, tandis que le gouvernement allemand promet, lui, 100 milliards pour moderniser son armée.

      L’annonce européenne vise sans doute surtout à afficher à l’échelle du continent, donc aux yeux d’un demi-milliard d’Européens, que l’on va vers une économie de guerre et qu’il faut s’y adapter dès maintenant. Dans ce qu’a déclaré Thierry Breton, il y a aussi l’idée de s’attaquer à tous les goulots d’étranglement qui bloquent cette marche vers une économie de guerre. Il prévoit des dérogations aux règles européennes, déjà peu contraignantes, sur le temps de travail, c’est-à-dire de donner carte blanche aux patrons pour allonger la journée de travail dans les usines concernées. Le flot d’argent public dépensé en armement, que ce soit au niveau des États ou de l’Union européenne, sera pris sur la population d’une façon ou une autre. Chaque milliard en plus pour les obus signifiera un hôpital en moins demain.

  • #Révolution #URSS #FascismeRouge #domination #dictature #totalitarisme #bolchevisme #Lénine #Trotsky #Staline #Cronstadt #persécution #répression #crime

    #anarchisme #conseillisme #émancipation #Voline #EmmaGoldman #SimoneWeil #CorneliusCastoriadis #OttoRühle #HannahArendt...

    ★ LES RÉVOLUTIONNAIRES CONTRE LE FASCISME ROUGE... - Socialisme libertaire

    On ne saurait accuser tous les révolutionnaires d’avoir trempé dans les crimes de Lénine, Staline et leurs continuateurs : tout au long du XXe siècle, des minorités existèrent au sein du mouvement ouvrier, qui non seulement dénoncèrent l’imposture du « socialisme réellement existant », mais tentèrent d’en tirer des leçons pour la critique sociale et l’émancipation des classes dominées (...)

    ▶️ Lire le texte complet…

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/11/les-revolutionnaires-contre-le-fascisme-rouge.html

  • Le président tunisien prône des « #mesures_urgentes » contre l’immigration subsaharienne

    Lors d’une réunion, mardi, du Conseil de sécurité nationale, le président tunisien, #Kaïs_Saïed, a tenu un discours très dur au sujet de « #hordes des #migrants_clandestins » en provenance d’Afrique subsaharienne, dont la présence est selon lui source de « #violence, de #crimes et d’#actes_inacceptables », insistant sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration.

    Il a en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

    Il a appelé les autorités à agir « à tous les niveaux, diplomatiques sécuritaires et militaires » pour faire face à cette immigration et à « une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières ». « Ceux qui sont à l’origine de ce phénomène font de la traite d’êtres humains tout en prétendant défendre les droits humains », a-t-il encore dit, selon le communiqué de la présidence.

    « Discours haineux »

    Cette charge de Kaïs Saïed contre les migrants subsahariens survient quelques jours après qu’une vingtaine d’ONG tunisiennes ont dénoncé jeudi la montée d’un « #discours_haineux » et du racisme à leur égard. Selon ces organisations « l’État tunisien fait la sourde oreille sur la montée du discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias ». Ce discours « est même porté par certains partis politiques, qui mènent des actions de propagande sur le terrain, facilitées par les autorités régionales », ont-elles ajouté.

    Dénonçant « les violations des droits humains » dont sont victimes les migrants, les ONG ont appelé les autorités tunisiennes « à lutter contre les discours de #haine, la #discrimination et le #racisme envers eux et à intervenir en cas d’urgence pour garantir la dignité et les droits des migrants ».

    La Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 kilomètres de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, en grande partie des Africains subsahariens, vers l’Italie.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/47002/le-president-tunisien-prone-des-mesures-urgentes-contre-limmigration-s
    #Tunisie #migrations #migrants_sub-sahariens #anti-migrants #grand_remplacement #démographie

    ping @_kg_

    • Dans un contexte tendu, certains Tunisiens viennent en aide aux migrants subsahariens

      Après les propos du président Kaïs Saïed, les autorités ont averti : toute personne qui hébergerait des personnes étrangères sans carte de résidence ou déclaration au commissariat violerait la loi. L’avertissement vaut aussi pour les employeurs qui font appel à des travailleurs étrangers non déclarés. Ainsi, de nombreux migrants subsahariens en situation irrégulière se retrouvent expulsés et sans travail du jour au lendemain. Des Tunisiens tentent de les aider en organisant des collectes.

      Samia, dont le prénom a été changé pour préserver son anonymat, est en train de charger une voiture de vêtements et repas, résultats de collectes auprès de Tunisiens, solidaires avec les Subsahariens mis à la rue ces derniers jours.

      « Pour les personnes mises à la rue, malheureusement, il faut des repas prêts. Pour les personnes qui sont chez elles, de la viande des pâtes, du riz, des féculents… Des choses pour tenir, surtout qu’il fait un peu froid. Et puis, du lait pour les bébés, des couches et des lingettes, des produits d’hygiène intime… »

      Un geste de solidarité qui passe par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux, afin d’aider à la fois les migrants en attente d’un rapatriement chez eux et ceux qui restent cloîtrés sans pouvoir aller au travail.

      « La situation, elle, est très alarmante. Elle est très alarmante et elle peut dégénérer rapidement. Alors, j’entends et je comprends très bien que les gens sont contraints d’appliquer la loi. Mais c’est un peu court comme analyse. On peut donner un peu de temps aux personnes pour s’organiser. On peut leur donner une trêve parce qu’il fait froid, et on ne peut pas jeter des familles à la rue. Ça, c’est vraiment affligeant, parce qu’il y a des bébés en très bas âge qui sont à la rue avec les températures qu’il fait », poursuit Samia.

      Elle et son association aident une centaine de personnes, dont des migrants en sit-in depuis deux jours, devant l’organisation internationale pour les migrations.

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      L’analyse de l’historienne Sophie Bessis

      RFI : Comment le pays en est arrivé là ?

      Sophie Bessis : « La première chose, c’est, pour remonter loin dans l’histoire, il y a quand même une vieille tradition raciste anti-Noir en Tunisie qui n’a pas disparu, même si dans les années 1960 et 1970, le panafricanisme qui était à l’honneur avait un petit mis sous boisseau cette vieille tradition qui vient d’une tradition esclavagiste et du fait que les populations noires nationales ont toujours été marginalisées. La Tunisie est en crise actuellement. La recherche de bouc-émissaire est toujours un compagnon d’une population en crise. Nous avons en Tunisie un parti nationaliste, il faudrait se poser la question sur ce qu’il représente et pourquoi. Et la question la plus importante est pourquoi les plus hautes autorités de l’État ont repris cette rhétorique qui est d’un racisme absolument primaire. Ce sont les stéréotypes racistes les plus éculés que l’on retrouve dans toutes les extrêmes droites du monde. »

      À quel point l’externalisation de la sécurité des frontières européennes a-t-elle joué dans le discours des autorités ?

      Il y a une progression des droites européennes qui est tout à fait alarmante en ce qui concerne la question migratoire et il y a une influence réelle disons et les moyens de pression des pays européens sur des pays comme la Tunisie dont vous connaissez l’ampleur de la crise économique, monétaire, financière et sociale donc il n’est pas impossible du tout qu’une partie de cette chasse anti-migrants soient dues aussi à ces pressions anti-européennes. En revanche, là où il faut se poser une question, c’est pourquoi cette violence ? Parce que malheureusement, la politique anti-migrants est devenue quelque chose de banale dans le monde d’aujourd’hui, mais la violence à la fois de la parole publique et la violence des gens contre les Subsahariens oblige aujourd’hui à se poser des questions, sur l’État de la société tunisienne et de son appareil dirigeant.

      L’Union africaine a réagi, qualifiant les propos du président de « choquants » et appelant au calme, mais quel impact pourrait avoir ces déclarations sur la diplomatie tunisienne en Afrique ?

      Il y a une boussole qui a été perdue, il y a une boussole qui est cassée aujourd’hui en Tunisie et j’espère que les pairs africains de la Tunisie et en particulier les pays dont sont originaires une bonne partie des migrants Subsahariens, sera plus ferme à l’égard de la Tunisie.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230228-dans-un-contexte-tendu-certains-tunisiens-viennent-en-aide-aux-migrants

    • Étudiant congolais en Tunisie : « Je ne sors plus, je reste confiné chez moi »

      Marc* a 22 ans et vit en Tunisie depuis un an. Muni d’un visa étudiant, ce jeune homme congolais s’est installé à Tunis dans l’espoir de finaliser son cursus universitaire avant de rentrer dans son pays d’origine. Mais depuis le discours anti-migrants du président tunisien, Marc ne sort plus de chez lui de peur de se faire agresser ou embarquer par la police.

      Le 21 février, le président tunisien Kaïs Saïed n’a pas mâché ses mots à l’égard des quelque 21 000 Africains subsahariens vivant en Tunisie. Les accusant d’être source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », le chef de l’État a évoqué la mise en place de « mesures urgentes » pour lutter contre ces « clandestins ». Depuis, dans ce pays frappé par une grave crise économique, un vent de panique souffle parmi les personnes noires - tunisiennes comme immigrées, avec ou sans papiers. Ces derniers jours, les cas de personnes victimes d’attaques verbales et physiques, expulsées manu militari de leur appartement ou arrêtées arbitrairement dans la rue par les forces de l’ordre, se sont multipliées.

      Marc est, pour l’heure, épargné. Étudiant depuis un an à Tunis, installé dans un quartier résidentiel de la capitale et muni d’un titre de séjour étudiant, Marc n’est pas un « clandestin ». Pourtant, son statut ne le protège pas des agressions.
      « Je suis à l’abri chez moi, mais jusqu’à quand ? »

      "Je ne sors plus de chez moi. Je reste confiné. Ces derniers jours, je ne vais plus en cours. J’ai trop peur. Dans la rue, on entend souvent les mêmes phrases : ’Rentrez chez vous ! Rentrez chez vous !’. Comment voulez-vous que j’arrive à l’arrêt de bus ou au métro [au tramway, ndlr] pour aller étudier ? J’ai peur de me faire agresser verbalement ou physiquement sur le trajet.

      J’ai entendu parler de camarades expulsés de chez eux, juste à cause de leur couleur de peau. Certains étaient en règle, d’autres non. Ce n’est pas un papier administratif, mon statut d’étudiant, qui va me protéger. Moi, pour l’instant, on ne me jette pas dehors. Je vis en colocation avec trois autres étudiants congolais. Je suis à l’abri, mais jusqu’à quand ?

      Des dizaines de Subsahariens, dont des familles avec enfants, campent actuellement devant les ambassades de leur pays. Certains y ont trouvé refuge après avoir été chassés de chez eux. Selon les chiffres cités par les ONG, plus 20 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne vivent en Tunisie, soit moins de 0,2% de la population totale.

      Il y a eu des attaques à l’arme blanche aussi. Un de mes amis a reçu un coup de couteau alors qu’il sortait d’une épicerie.

      Le discours du président a eu un retentissement terrible. Il y a toujours eu du racisme en Tunisie. Il y a toujours eu des arrestations, il y a toujours eu des contrôles dans la rue de manière arbitraire, mais c’était moins violent. Par exemple, moi, avant, les autorités pouvaient m’arrêter dans la rue, des agents contrôlaient mon identité sur place et ils me laissaient repartir cinq minutes après.
      « On ne prend plus les transports en commun, on prend des taxis »

      Désormais, on arrête les gens et on les embarque directement au poste de police, on peut les mettre en cellule plusieurs jours sans raison. Pour la première fois, il y a quelques jours, des agents m’ont arrêté dans la rue, ils n’ont pas voulu me laisser aller en cours, alors que je leur montrais mes papiers en règle. Ils m’ont embarqué au poste. J’ai eu tellement peur. Ils ont vérifié mon passeport, ma carte d’étudiant et ils m’ont laissé repartir. J’ai eu de la chance.

      Pour d’autres Noirs, ça se passe moins bien. Ils peuvent rester 3, 4, 5 jours au poste.

      Pour vous dire la vérité, pour aller travailler ou aller étudier, les ressortissants noirs ne marchent plus sur les trottoirs, ne prennent plus les transports en commun. Ils prennent des taxis.

      Cette situation a poussé des centaines de personnes à vouloir rentrer dans leurs pays. L’ambassade de Côte d’Ivoire a lancé une campagne de recensement de ses ressortissants souhaitant rentrer au pays. L’ambassade du Mali propose également à ses ressortissants de s’inscrire pour un « retour volontaire ». L’ambassade du Cameroun a, elle aussi, indiqué, dans un communiqué, que ses ressortissants pouvaient se « rapprocher de la chancellerie pour tout besoin d’information ou procédure dans le cadre d’un retour volontaire ». Marc souhaite, lui aussi, rentrer dans son pays.

      J’ai tellement peur que j’ai contacté les agents de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) pour qu’ils m’aident à rentrer chez moi [via le programme de ’retours volontaires’, ndlr], mais pour l’instant personne ne m’a répondu. Je ne comprends pas… En cette période difficile, on devrait avoir le soutien des instances internationales. Mais on n’a rien. C’est le silence radio."

      Si certains migrants ont réussi à rentrer chez eux via leurs ambassades ces dernières heures, des dizaines d’autres errent entre les bureaux du Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) et ceux de l’OIM, à Tunis. Beaucoup sont de Sierra Leone, de Guinée Conakry, du Cameroun, du Tchad ou du Soudan, des pays parfois sans ambassade dans la capitale tunisienne. Arrivés illégalement, ils se sont retrouvés, après les propos de Kaïs Saïed, soudainement à la rue et privés des emplois informels grâce auxquels ils survivaient.

      *Le prénom a été changé

      https://www.infomigrants.net/fr/post/47231/etudiant-congolais-en-tunisie--je-ne-sors-plus-je-reste-confine-chez-m

    • Racisme en Tunisie. « Le président a éveillé un monstre »

      Depuis quelques jours, la Tunisie est le théâtre d’une furieuse poussée de racisme contre les populations subsahariennes, déclenchée notamment par les récentes déclarations du président Kaïs Saïed. Du sud du pays à la capitale, Tunis, la crainte d’une escalade est grande.

      « Regarde ce qu’ils nous font, c’est terrible ! Comme si on n’était pas vraiment des hommes. » Sur l’écran du smartphone que me tend l’homme qui s’indigne ainsi, Adewale, deux hommes à la peau noire recroquevillés sur un canapé sont menacés par des assaillants encapuchonnés, armés de ce qui ressemble à des couteaux. Les victimes roulent des yeux terrifiés et psalmodient des suppliques. En réponse, leurs agresseurs hurlent, miment des coups. Puis la vidéo TikTok s’arrête et laisse place à une autre : elle montre des hommes et des femmes qui marchent dans la rue en criant des slogans, la mine hostile. « Ça ce sont des gens qui manifestaient contre la présence des Subsahariens dans le pays. Je ne comprends pas pourquoi ils nous détestent tant. »

      Adewale parle d’une voix lasse. Il l’a dit plusieurs fois pendant l’entretien : il n’en peut plus. De sa situation bloquée. De sa vie fracturée. De l’atmosphère viciée de ces derniers jours. Ce jeune Nigérian né à Benin City a beau avoir tout juste 30 ans, il a déjà derrière lui tout un passé de drames. Plus tôt, il m’avait raconté les larmes aux yeux comment sa femme est morte lors d’une tentative de fuir la Libye et de rejoindre l’Europe en bateau. Diminuée par les mauvais traitements endurés en Libye, malade, elle est décédée après un jour de traversée. « C’était le 27 mai 2017, je ne l’oublierai jamais », répète-t-il. Il explique avoir dû faire croire qu’elle s’était assoupie sur ses genoux pour éviter que son corps ne soit jeté à la mer par les autres voyageurs.

      Lui a été récupéré deux jours plus tard par un navire de gardes-côtes tunisiens alors qu’il dérivait au large de Sfax avec ses compagnons d’infortune. Depuis, il survit dans ce pays, obsédé par la perte de sa compagne dont il visite et fleurit régulièrement la tombe. Impossible pour lui de rentrer au Nigeria : la famille de sa compagne décédée le tient pour responsable et lui aurait signifié son arrêt de mort.

      À plusieurs reprises, Adewale me montre des photos personnelles pour mieux illustrer son propos. Défilent des portraits de sa défunte femme souriante, barrés d’un grand « RIP » coloré, suivis de clichés de sa tombe en béton ornée de fleurs. Puis ce sont des images où on le voit travailler sur un chantier de Zarzis, la ville où il réside désormais. Adewale me prend à témoin : c’est un bon travailleur, un ouvrier du bâtiment acharné, levé à l’aube, qui accepte de bosser au noir pour un salaire de misère. Depuis six ans qu’il réside en Tunisie, il n’a pas démérité. Comme tous ses camarades, ajoute-t-il. Alors aujourd’hui il tombe des nues : « Il y a peu de temps, j’ai été agressé dans la rue, à côté de chez moi. Un homme m’a donné un coup de poing dans l’estomac en me disant de rentrer dans mon pays. Tu imagines ? Dans ces cas-là, il ne faut surtout pas répondre sinon tout le monde se rue sur toi. C’est pour ça que je n’ai pas réagi. Mais je ne comprends pas cette haine. »

      Une version arabe du « #grand_remplacement »

      Zarzis n’est pourtant pas l’épicentre des violences racistes qui se déchaînent en Tunisie depuis plusieurs jours. Située dans le sud-est de la Tunisie, à moins de 100 kilomètres de la frontière libyenne, cette ville côtière d’environ 70 000 habitants est réputée plutôt « ouverte », avec une communauté de pêcheurs qui se sont parfois distingués par leur aide apportée aux embarcations de personnes exilées en détresse. Elle abrite aussi depuis peu un cimetière verdoyant nommé « Jardin d’Afrique », ou « Paradis d’Afrique », inauguré en 2021, qui se veut le symbole du respect accordé aux dépouilles des personnes décédées en mer.

      Mais à Zarzis comme ailleurs en Tunisie, la situation est tendue. Le déclencheur ? Un discours du président Kaïs Saïed le mardi 21 février 2023 lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, qui a déchaîné ou réveillé chez certains une forme de racisme latent. Entre deux saillies sur les « violences, [...] crimes et actes inacceptables » prétendument commis par les « hordes » de personnes exilées clandestines, celui qui, depuis juillet 2021, s’est arrogé tous les pouvoirs, a déclaré que la migration correspondait à une « entreprise criminelle [...] visant à changer la composition démographique de la Tunisie ». L’objectif du complot ? En faire un pays « africain seulement » afin de dénaturer son fond identitaire « arabo-musulman ». Une traduction en arabe de la théorie du « grand remplacement » prônée en France par Renaud Camus, Éric Zemmour et leurs émules. Rodant déjà sur les réseaux sociaux, et portées par le Parti nationaliste tunisien, un mouvement relativement confidentiel jusqu’à ce début d’année, ces thèses ont soudain jailli au grand jour, entraînant une vague de violences qui s’est ressentie jusqu’à Zarzis.

      Adewale raconte ainsi qu’il se fait régulièrement insulter, qu’il ne peut plus se rendre au travail, et que plusieurs de ses amis subsahariens ont été mis à la porte de chez eux par leurs bailleurs pour la seule raison qu’ils étaient noirs. Il ajoute que lui a de chance : le sien est venu toquer à sa porte pour lui dire de le prévenir s’il avait des problèmes. Il n’empêche : il se terre chez lui. Et de dégainer encore une fois son smartphone pour me montrer une énième vidéo TikTok, ce réseau social devenu avec Facebook le vecteur principal du racisme – mais aussi la première source d’information des exilés. « Ça c’était à Sfax hier, explique Adewale, des jeunes ont attaqué un immeuble où vivaient des Subsahariens, et tout le monde a été mis dehors. » Sur l’écran, des hommes, des femmes et des enfants sont assis sur le trottoir avec leurs affaires, l’air désemparé. « Il y a des gens terribles ici », ajoute Adewale.

      « Une forme de psychose qui s’installe »

      Rencontrés à Zarzis, Samuel et Jalil vivent eux aussi dans la peur depuis le discours du 21 février. Ils ne sont pas d’origine subsaharienne, mais ils craignent que les temps à venir soient dramatiques pour les personnes exilées vivant en ville : « On conseille aux migrants qu’on suit de ne pas sortir, ou alors seulement au petit matin, pour aller faire les courses, parce qu’on ne sait pas comment ça peut tourner », explique Jalil. Il ne cache pas craindre une criminalisation de leur activité : « Les policiers savent qu’on assiste les personnes en transit ici. Dans le climat politique actuel, il y a forcément une forme de psychose qui s’installe. »

      L’entretien avec ces deux militants locaux a été fixé par WhatsApp, après vérification de ma situation : est-ce que les autorités savent que je suis journaliste ? Non ? J’en suis bien sûr ? Rendez-vous est finalement donné dans une sorte de villa touristique baroque, à quelques kilomètres du centre-ville. « C’est un peu notre cachette », dit Jalil, souriant de ce terme incongru. Tous deux expliquent en s’excusant que la situation politique les force à prendre des précautions dont ils préféreraient se passer. Âgés d’une quarantaine d’années, Samuel et Jalil s’emploient depuis des années à assister les nombreuses personnes exilées qui atterrissent dans la ville. Ils ont constaté que, bien avant l’envolée raciste du président, les personnes subsahariennes se voyaient déjà appliquer un traitement différencié : « On les accompagne s’ils doivent aller à l’hôpital, car sinon on ne les prend pas en charge. Et quand ils se font agresser, ce n’est même pas la peine pour eux de se rendre à la police, car elle n’enregistrera pas leur plainte. »

      C’est par le biais de ces deux militants que je rencontre leurs amis Yacine et Nathan. Le premier vient du Mali, le second de Côte d’Ivoire. Tous les deux sont passés par la Libye, qu’ils décrivent comme un enfer, entre sévices physiques et travail forcé. Interrogés sur la période passée là-bas, ils éclatent d’un rire nerveux. « C’est notre manière d’évacuer ces moments, explique Yacine. Personne ne peut comprendre l’horreur de ce pays pour un Noir s’il ne l’a pas vécu. »

      Quand ils ont finalement réussi à prendre la mer, après de longs mois d’errance et de labeur, ils ont été récupérés par un navire des gardes-côtes tunisiens, qui les a déposés à Zarzis. Ils ont ensuite été convoyés à Médenine puis à Djerba, où ils ont travaillé dans le bâtiment. De retour à Zarzis, ils ne pensent qu’à une chose : prendre la mer pour l’Europe. Et tant pis si pour cela ils doivent tenter la traversée sur un « iron boat », ces bateaux de métal conçus à la va-vite et qui ont sur certains rivages remplacé les navires en bois ou en résine – une évolution des conditions de navigation qui a provoqué de nombreux drames, ces embarcations de fortune prenant l’eau à la moindre vague.
      Des centaines de morts dans l’indifférence

      Plus de 580 personnes sont mortes en 2022 après avoir pris la mer depuis la Tunisie, dans l’indifférence de la communauté internationale. Pour Yacine et Nathan, qui ont déjà tenté la traversée depuis la Tunisie trois fois – pour se voir à chaque fois ramenés à quai par les gendarmes tunisiens des mers –, il existerait cependant des moyens concrets pour assurer une traversée plus sûre : « Il suffit de bien s’organiser, d’utiliser des applications pour connaître la météo dans les trois jours qui arrivent, et de regarder la hauteur des vagues. Après, tu te confies à Dieu. » Davantage que les éléments, ils craignent les hommes : « Le vrai problème, ce sont les gardes-côtes, qui se montrent violents et dangereux, au point de parfois faire couler les bateaux ».

      À Zarzis, une ville endeuillée par le terrible naufrage du 21 septembre 2022 au cours duquel 18 Tunisiens se sont noyés dans des circonstances troubles semblant impliquer les gardes-côtes, la question ne laisse pas la population insensible. De nombreuses manifestations ont eu lieu, notamment pour exiger des enquêtes sur les circonstances du drame. Début septembre a également été organisée une « commémorAction » réunissant Tunisiens et familles de disparus venus de divers pays africains. Mais dans le contexte actuel, la critique des politiques migratoires se retourne parfois contre les migrants, explique Jalil : « Certains disent que les jeunes Tunisiens sont morts à cause des Subsahariens, parce que le comportement violent des gardes-côtes serait dû à la volonté d’endiguer avant tout le départ des personnes noires. »

      Après plusieurs années passées en Tunisie, Yacine et Nathan assurent que le racisme était déjà sensible avant le discours du président. Refoulements à l’hôpital, loyers plus chers, charges d’électricité gonflées et travail sous-payé les poussent à considérer qu’eux et leurs camarades seraient en fait de pures aubaines pour ce pays. Pas dupes, ils font mine de s’étonner d’un traitement différencié avec des étrangers plus clairs de peau : « On s’est rendu compte que certains étrangers n’étaient pas concernés par les insultes et les mauvais traitements, notamment les Syriens, les Bangladais ou les Marocains. Peut-être que c’est la couleur de peau qui fait la différence ? Il faut dire qu’on est plus visuels ! »

      « Ici, c’est chez nous »

      Si l’ironie est de mise, la gravité aussi. Car les deux amis s’accordent à dire que le discours de Kaïs Saïed a jeté de l’huile sur le feu. Selon Nathan, « jouer sur la haine peut être très efficace, il suffit de voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux ». Il s’inquiète logiquement du ralliement d’une partie de la population à cette croisade numérique. S’il a l’habitude de craindre la police, ne pas pouvoir marcher dans la rue ou se rendre à la boutique pour faire ses courses lui semble bien plus grave. Quant aux débordements, ils sont déjà là, s’indigne Yacine :

      Depuis le discours du président, on entend des insultes tout le temps. On te dit : « Ici, c’est chez nous. » Ça peut aussi passer par des petits gestes, quelqu’un à l’arrière d’un taxi qui s’étale de tout son long et ne te laisse qu’un bout de banquette, sans que tu puisses rien dire. Et parfois c’est grave : il y a quelques mois, un jeune Guinéen a été lapidé pour avoir changé une chaîne de télé dans un café. Des jeunes Tunisiens l’ont attendu à l’extérieur. Il a perdu un œil. J’ai peur que ce genre d’événements se reproduise bien plus souvent.

      Aux environs de Zarzis et dans la ville même, la plupart des personnes subsahariennes sont clandestines, n’ont aucune intention de rester en Tunisie et ont les yeux rivés sur la mer – à l’image d’Adewale, de Yacine et de Nathan. Pour beaucoup de celles et ceux passés par la Libye, ils n’ont de toute façon plus de papiers d’identité, les divers exploiteurs de misère croisés dans ce pays les leur ont confisqués. Mais les 21 000 ressortissants de pays subsahariens qui vivent en Tunisie sont tous plus ou moins logés à la même enseigne, qu’ils soient « légaux » ou « illégaux ».

      À Sfax, deuxième ville du pays secouée par plusieurs nuits de violences racistes dont le bilan est encore incertain, la tension imprègne les rues. Interrogés sur les derniers événements, certains Tunisiens déplorent les violences qu’ils attribuent à des jeunes écervelés agissant en bandes. « Ce sont des crétins qui se montent la tête sur Internet », estime un vieil homme rencontré à la terrasse d’un café. Mais d’autres assument un discours dont il ressort qu’il n’y a pas de fumée sans feu et que les victimes l’ont sans doute un peu cherché.

      Quant aux principaux concernés qui osent sortir de chez eux, certains ne croient plus vraiment au dialogue. À l’extérieur de la casbah de Sfax, en bordure de la large avenue des Martyrs, quelques exilés ont dressé les étals d’un petit marché africain – épices, fruits et légumes du pays. Interrogé, un jeune homme aux yeux tristes confie avoir « très peur des jours qui arrivent ». Il me renvoie vers un trio de femmes, apparemment chargées des communications. Tout en remballant leurs sacs de provisions, elles assurent ne pas vouloir témoigner : « On ne veut plus parler, on a trop parlé ! Et ça ne change rien ! C’est de pire en pire ! »

      « Les Noirs n’ont plus de valeur ici ! »

      Devant l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis, par contre, les langues se délient. Cela fait quelques jours que le lieu excentré en banlieue est un point de rassemblement pour les Ivoiriens désemparés. Certaines familles dorment même sous des tentes, dressées sur un terre-plein à proximité du bâtiment, après qu’elles ont été expulsées de leur habitation. Tous ici affirment être arrivés par avion en Tunisie, donc par la voie légale. Leur désenchantement est immense.

      Parmi la grosse cinquantaine de présents, certains sont venus tenter de faire avancer leur situation administrative – qu’il s’agisse de rester dans le pays ou de le quitter. Beaucoup s’indignent de la question des « pénalités » que le gouvernement tunisien entend faire payer aux personnes désirant rentrer chez elles – et qui, selon la durée du séjour, peuvent atteindre de fortes sommes. Les autorités marchent sur la tête, s’accordent-ils : elles veulent qu’ils partent mais font tout pour que ce ne soit pas possible…

      Au-delà des épineuses questions administratives, les discours tenus ici sont unanimes : le racisme a explosé dans des proportions effrayantes. Prendre les transports en commun revient ainsi à s’exposer à de forts risques d’agression. Les témoignages s’enchaînent. « Moi je suis terrée chez moi depuis bientôt une semaine. C’est la première fois que je sors », dit l’une. « Des jeunes ont cassé ma porte en pleine nuit pour m’expulser de chez moi », s’émeut un autre, qui montre les contusions sur son visage et sur son cou en expliquant avoir été frappé. « J’étais dans le métro avec mes deux enfants quand des jeunes nous ont crié : “Rentrez chez vous, les singes !” », déplore une mère de famille, le petit dernier agrippé à son dos.

      Alors que plusieurs d’entre eux évoquent les rafles policières menées jusqu’à la sortie des crèches et la situation des personnes maintenues en prison, l’un d’eux sort un smartphone pour montrer les images passablement floues d’un homme noir insulté et frappé par ce qui ressemble à des policiers – « ils le torturent ». Puis c’est une autre où des Tunisiens crient « on n’est pas des Africains ! ». Enfin, une dernière qui déclenche des cris outrés quand l’orateur déclare : « Les Noirs n’ont plus de valeur ici ! »
      « Le feu vert à tous les débordements racistes »

      Face à ce déferlement de haine en ligne, les réactions sont contrastées. Un homme me déclare que le jour où il rentrera au pays il s’en prendra aux riches Tunisiens installés en Côte d’Ivoire – œil pour œil. Mais d’autres insistent pour imputer la responsabilité des violences à une minorité haineuse. « Beaucoup de Tunisiens m’ont aidé depuis que je suis arrivé », tient à témoigner Ismaël, jeune étudiant en informatique. Il parle d’une voix posée, évoque en souriant les délires administratifs qu’il a rencontrés jusqu’ici pour tenter de régulariser sa situation. Comme d’autres, il tempère, tente d’entrevoir une porte de sortie pour continuer à vivre dans ce pays qu’il dit aimer. Puis il se ravise : « En fait, je ne sais plus trop quoi penser. Le président a éveillé un monstre, et les derniers jours ont fait trop mal. »

      Une certitude : en pleine dérive autoritaire, le régime de Kaïs Saïed a libéré un fléau qui laissera des traces. « Il a donné le feu vert à tous les débordements racistes, qu’ils soient l’œuvre de la population ou des forces armées », explique un opposant tunisien, vétéran du renversement de Zine El-Abidine Ben Ali, en 2011, qui parle de « fascisme » pour désigner le pouvoir en place. « C’est un basculement très dangereux, contre lequel il va falloir lutter de toutes nos forces. »

      Inquiets, quelques centaines de manifestants se sont donné rendez-vous le 25 février pour dénoncer les discours et les violences racistes dans les rues de Tunis. Une initiative qui ne pèse pour l’instant pas lourd face à l’alliance de la parole présidentielle et des emballements racistes sur les réseaux sociaux.

      https://afriquexxi.info/Racisme-en-Tunisie-Le-president-a-eveille-un-monstre

    • Tunisie : des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne rapatriés vers le #Mali et la #Côte_d’Ivoire

      Le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, a affirmé, le 21 février, que la présence dans le pays de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes ».

      Des migrants subsahariens en attente de prendre un vol de rapatriement vers leur pays d’origine, au consul du Mali à Tunis, le 4 mars 2023. FETHI BELAID / AFP

      Quelque 300 Maliens et Ivoiriens ont quitté la Tunisie, samedi 4 mars, à bord de deux avions rapatriant des ressortissants d’Afrique subsaharienne cherchant à fuir des agressions et des manifestations d’hostilité après une violente charge du président, Kaïs Saïed, contre les migrants en situation irrégulière.

      Le 21 février, M. Saïed a affirmé que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays.

      Samedi, « on a fait embarquer 133 personnes » parmi lesquelles « 25 femmes et 9 enfants ainsi que 25 étudiants » dans l’avion qui a quitté la Tunisie vers 11 heures, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un diplomate malien. Deux heures plus tard, un autre appareil devant rapatrier 145 Ivoiriens a décollé de Tunis, selon l’ambassadeur ivoirien en Tunisie, Ibrahim Sy Savané.

      Discours « raciste et haineux »

      Le discours présidentiel, condamné par des ONG comme « raciste et haineux », a provoqué un tollé en Tunisie, où les personnes d’Afrique subsaharienne font état depuis d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipitées par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriées.

      Devant l’ambassade du Mali, surchargés de valises et ballots, tous ont dit fuir un climat lourd de menaces. « Les Tunisiens ne nous aiment pas, donc on est obligés de partir, mais les Tunisiens qui sont chez nous doivent partir aussi », a dit à l’AFP Bagresou Sego, avant de grimper dans un bus affrété par l’ambassade pour l’aéroport.

      Arrivé il y a quatre ans, Abdrahmen Dombia a interrompu ses études de mastère en pleine année universitaire : « La situation est critique ici, je rentre parce que je ne suis pas en sécurité. » Baril, un « migrant légal », s’est dit inquiet pour ceux qui restent. « On demande au président, Kaïs Saïed, avec beaucoup de respect de penser à nos frères et de bien les traiter », explique-t-il.
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      Selon le gouvernement ivoirien, 1 300 ressortissants ont été recensés en Tunisie pour un retour volontaire. Il s’agit d’une part importante de la communauté ivoirienne, qui, avec environ 7 000 personnes, est la plus importante d’Afrique subsaharienne en Tunisie, à la faveur d’une exemption de visa à l’arrivée.

      Quelque trente étudiants ivoiriens, en situation régulière, font partie des rapatriés. « Ils ne se sentent pas à l’aise, certains ont été victimes d’actes racistes, certains sont en fin d’études, d’autres les ont interrompues », a précisé à l’AFP par téléphone depuis l’aéroport Michael Elie Bio Vamet, président de l’Association des étudiants ivoiriens en Tunisie. « Il y a des agressions presque tous les jours, des menaces, ou bien ils sont mis dehors par leurs bailleurs, ou agressés physiquement », a-t-il ajouté.

      « Déferlement de haine »

      Pour la plupart issus de familles aisées, des dizaines d’étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des universités ou des centres de formation en Tunisie. Apeurés, beaucoup sont déjà repartis par leurs propres moyens, selon leurs représentants.

      L’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT) a documenté l’agression, le 26 février, de « quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire » et d’« une étudiante gabonaise devant son domicile ». Dès le lendemain du discours de M. Saïed, l’AESAT avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens « de rester chez eux » et de ne plus « aller en cours ». Cette directive a été prolongée au moins jusqu’au 6 mars.

      Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi ont témoigné auprès de l’AFP d’un « déferlement de haine » après le discours de M. Saïed.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Tunisie, le tournant répressif du régime de Kaïs Saïed

      Bon nombre des 21 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement. Des dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention. D’autres ont témoigné auprès d’ONG de l’existence de « milices »qui les pourchassent et les détroussent.

      Cette situation a provoqué l’afflux de centaines de personnes à leurs ambassades pour être rapatriées. D’autres, encore plus vulnérables car issues de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l’Office international pour les migrations (OIM), où elles dorment dans des conditions insalubres.

      Selon l’ambassadeur ivoirien, la Tunisie a promis de renoncer à réclamer aux personnes en situation irrégulière des pénalités (80 dinars, soit 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient 1 000 euros

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/03/04/des-centaines-de-ressortissants-d-afrique-subsaharienne-rapatries-de-tunisie
      #renvois #expulsions #rapatriement #retour_au_pays

    • La Tunisie rongée par les démons du racisme

      L’éruption d’hostilité aux Africains subsahariens encouragée par le président Kaïs Saïed s’ajoute à la régression autocratique et entache encore un peu plus l’image de la Tunisie à l’étranger.

      Il est bien loin, le temps où la Tunisie inspirait hors de ses frontières respect et admiration. Chaque semaine qui passe entache un peu plus l’image de ce pays qui brilla jadis d’une flamme singulière dans le monde arabo-musulman. Que reste-t-il du prestige que lui conférait son statut d’avant-garde en matière de libertés publiques, de pluralisme politique, de droits de femmes et de respect des minorités ? Le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs à la faveur d’un coup de force en juillet 2021, lui impose désormais un tournant répressif, conservateur et xénophobe des plus préoccupants. La Tunisie en devient méconnaissable.

      Dans cette affaire, tout est lié : le retour à l’autocratie va de pair avec la crispation identitaire, les deux se nourrissant d’un prétendu « complot » contre l’Etat et la patrie. L’une des illustrations les plus déprimantes de cette régression est la récente vague de racisme anti-Noirs qui secoue le pays. Dans la foulée de la déclaration du 21 février du président Saïed, qui a fustigé des « hordes de migrants clandestins » associées à ses yeux à un « plan criminel » visant à « modifier la composition démographique » du pays en rupture avec son « appartenance arabo-islamique », l’hostilité se déchaîne contre les étudiants et les immigrés issus de l’Afrique subsaharienne.

      Ces derniers sont chaque jour victimes d’agressions physiques et verbales à Tunis et dans d’autres centres urbains. Le discours conspirationniste du chef de l’Etat, aux accents de type « grand remplacement », a libéré un racisme enfoui au tréfonds de la société tunisienne, héritage de l’esclavage en Afrique du Nord, aux séquelles psychologiques durables.
      L’embarras prévaut

      L’éruption de cette xénophobie cautionnée au plus haut niveau de l’Etat a obscurci la perception de la Tunisie à l’étranger. M. Saïed a beau avoir tenté de nuancer ses propos en précisant qu’il visait les immigrants en situation irrégulière, le mal est fait. Ses brigades de fidèles, dont certains sont affiliés à un Parti nationaliste tunisien aux discours et aux méthodes dignes de l’extrême droite européenne, traquent les Subsahariens. Les Tunisiens les plus progressistes avouent leur « honte » et tentent d’organiser dans l’adversité un front « antifasciste ». La consternation règne aussi dans de nombreuses capitales du continent. L’Union africaine a « condamné » les « déclarations choquantes » du président Saïed.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Le régime de Kaïs Saïed en Tunisie n’a pas changé de nature, mais de degré de répression »

      Dans les capitales européennes, c’est plutôt l’embarras qui prévaut. Si les chancelleries ne manquent pas d’exprimer occasionnellement leur « préoccupation » face au recul de l’Etat de droit en Tunisie, elles n’ont pas réagi à la charge présidentielle contre les migrants subsahariens. Et pour cause : M. Saïed répond plutôt positivement aux appels de l’Europe – au premier chef de l’Italie – à mieux verrouiller ses frontières maritimes afin d’endiguer les traversées de la Méditerranée.

      Le cadenassage de « l’Europe forteresse », qui contribue à fixer en Afrique du Nord des candidats à l’exil européen, n’est pas étranger aux tensions migratoires dont cette région est le théâtre. Cherche-t-on à ménager M. Saïed afin d’éviter qu’il « lève le pied » sur la surveillance de son littoral ? Si telle était l’arrière-pensée, elle ajouterait le cynisme à un dossier déjà suffisamment dramatique.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/04/la-tunisie-rongee-par-les-demons-du-racisme_6164127_3232.html

    • En Tunisie, le douloureux retour au pays des exilées subsahariennes

      Elles ont tout quitté pour venir en Tunisie, trouver un travail et subvenir aux besoins de leur famille dans leur pays. Souvent exploitées ou livrées à elles-mêmes durant leur parcours de vie en Tunisie, des femmes migrantes subsahariennes racontent comment elles ont quitté ou vont quitter le pays, après les propos du président Kaïs Saïed sur son intention de contrer le phénomène migratoire, source de violences et de crimes selon ses mots. Témoignages.

      À l’entrée de l’aéroport de Tunis Carthage, ce samedi 4 mars, l’aube commence à pointer et Mireille fait les cent pas. Emmitouflée dans une écharpe rouge pour se réchauffer, elle se confie : « J’ai vraiment hâte que tout ça se finisse. » Ivoirienne, elle attend, fébrile, avec une centaine d’autres de ses compatriotes en file indienne, valises à la main, le premier vol de rapatriement vers Abidjan, une opération lancée par l’ambassade peu après les propos polémiques de Kaïs Saïed du 21 février sur les migrants subsahariens.

      Dimanche soir, la Présidence de la République et celle du gouvernement tunisien ont tenté d’apaiser le ton tout en disant s’étonner de la « campagne liée au prétendu racisme en Tunisie » et rejette ces accusations. Mais elles ajoutent mettre en place des mesures pour les résidents subsahariens en Tunisie, notamment avec l’octroi de cartes de séjour d’un an pour les étudiants. Le gouvernement a également annoncé faciliter les départs volontaires pour ceux qui le souhaitent et un numéro vert pour signaler les violations de leurs droits.

      Après ses déclarations, qualifiées de « racistes » par de nombreuses associations, beaucoup de migrants ont été expulsés de chez eux par leur propriétaire, et ont perdu leur travail. Les agressions dans la rue se sont multipliées et les chancelleries de plusieurs pays ont décidé d’affréter des avions pour permettre des rapatriements à leurs ressortissants. Près de 2 000 Ivoiriens candidats au départ ont déjà été recensés en moins d’une semaine par l’ambassade et, chaque jour, la liste s’allonge. La Guinée a rapatrié une cinquantaine de ressortissants. Le Mali, 154.

      Depuis 2020, une étude de l’Observatoire national pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour les questions de santé sexuelle et reproductive (UNFPA), note une « recrudescence » de la présence des femmes migrantes dans les centres d’accueil de femmes victimes de violences. « Les violences faites aux femmes migrantes sont difficilement condamnées et prises en charge par l’État en raison du statut irrégulier des femmes, de leur accès limité aux services en raison de la peur d’être dénoncées ou encore d’être expulsées du pays », peut-on lire dans le rapport.

      Aujourd’hui, le retour précipité au pays, le risque d’une expulsion brutale de leur logement ou d’une agression sont devenus une préoccupation quotidienne de la grande majorité des femmes subsahariennes en Tunisie, déjà souvent exposées à des violences et à la vulnérabilité économique. Mediapart a donné la parole à trois d’entre elles.
      Quatre ans en Tunisie et un traumatisme

      Mireille a été particulièrement choquée par ses derniers jours passés dans le pays. Cette coiffeuse de formation qui avait laissé, quatre ans plus tôt, ses trois enfants en Côte d’Ivoire pour tenter de soutenir financièrement sa famille, n’a vécu que des désillusions. « Dès que je suis arrivée, mes contacts sur place m’ont mise dans le circuit de femmes de ménage. Je gagnais 450 dinars par mois (135 euros) et je travaillais 12 heures par jour, j’ai eu sans arrêt des problèmes de santé à cause des produits nettoyants qu’on nous faisait utiliser et je ne sens plus mon dos », raconte-t-elle.

      Très vite, elle regrette d’être venue mais se rend compte que les pénalités pour avoir excédé sa durée de séjour dans le pays sont lourdes, 80 dinars par mois, à payer à la police des frontières. Ces pénalités sont plafonnées à 3 000 dinars (900 euros) depuis 2017. « Alors, comme d’autres, je me suis retrouvée coincée et j’ai continué de travailler pour tenter d’économiser et de payer mon retour », dit-elle.

      Dans une étude publiée en 2020 par l’ONG Terre d’asile en Tunisie sur le parcours des femmes migrantes, la précarité et la vulnérabilité de femmes comme Mireille étaient déjà dénoncées. L’une des conclusions de l’étude invitait l’État tunisien à « travailler au développement de conditions d’accueil pour les femmes migrantes qui leur permettraient de s’autonomiser, notamment au moyen de l’accès à un travail décent et à un séjour régulier, et d’accéder véritablement à leurs droits », peut-on lire dans la conclusion de l’étude basée sur les témoignages d’une vingtaine de femmes. « Cette autonomisation leur permettra d’être moins vulnérables aux violences, aux arnaques et à la précarité, tout en leur donnant toutes les chances de s’intégrer au sein de la société tunisienne. »

      Pour Mireille, l’intégration a fini en traumatisme. Deux jours après le communiqué de la présidence sur les Subsahariens, sa maison a été mise à sac par deux jeunes Tunisiens dans la nuit du 23 février. « J’étais en train de cuisiner et j’ai entendu des coups à la fenêtre, avec des hommes qui criaient des mots en arabe, au début je n’ai pas compris », raconte-t-elle. Puis elle entend en français : « Les Africains, sortez, on veut plus de vous. »

      Elle prend peur et appelle son employeur, une femme tunisienne avec qui elle s’entend bien. « Elle a tenté de m’aider, raconte-t-elle. Elle voulait que je m’échappe sur la route principale pour passer la nuit chez elle, mais les agresseurs étaient devant ma porte. Il n’y avait aucune échappatoire et mes voisins au-dessus m’ont crié qu’ils étaient armés. »

      La police, alertée aussi par les Subsahariens vivant au-dessus de chez Mireille, arrive sur les lieux mais près d’une heure plus tard. Les deux jeunes ont pu rentrer et saccager toutes les affaires de Mireille, lui voler également une somme de 6 000 dinars (1 800 euros), l’argent qu’elle avait économisé pour rentrer chez elle et pour l’envoyer à sa famille.

      Les migrants en situation irrégulière ne peuvent pas ouvrir de compte en banque et transférer de l’argent à leur famille. L’envoi d’argent se fait surtout par des connaissances qui font des allers-retours, et certains migrants sont obligés d’emmagasiner de l’argent en espèces chez eux, faute de mieux.

      Juste avant que les agresseurs enfoncent la porte, Mireille est hissée par ses voisins à l’aide d’un drap au premier étage de la résidence, en passant par une fenêtre de la cour intérieure qui ne donne pas sur la rue. Jointe au téléphone un jour après son arrivée à Abidjan, elle se rappelle avec émotion ce moment. « Je n’arrête pas de penser jusqu’à maintenant à ce qu’ils m’auraient fait s’ils m’avaient trouvée sur place », témoigne-t-elle d’une voix tremblante.

      Aujourd’hui, elle attend de pouvoir revoir ses enfants dans un centre à Abidjan où ont été dispatchés les premiers rapatriés. « Je ne les ai pas vus depuis quatre ans, le plus important pour moi, c’est de les retrouver, ensuite je réfléchirai à l’après », dit-elle. Elle est partie avec seulement quelques affaires achetées juste avant le départ grâce à des dons.
      L’attente d’un retour, après avoir tout perdu

      Les vidéos de l’incident ont fait le tour des réseaux sociaux et ont alerté sur la recrudescence des agressions envers les Noirs en Tunisie après les propos de Kaïs Saïed, poussant de nombreux migrants à se cloîtrer chez eux ou à tenter de partir au plus vite.

      Devant l’ambassade de Côte d’Ivoire le vendredi 3 mars, Fortune, 33 ans, attend encore d’être convoquée pour faire partie des prochains vols de rapatriement mais un document lui manque, l’extrait de naissance de son enfant, né en Tunisie en 2019. « Lors de sa naissance, je n’ai pas eu l’extrait de naissance, il fallait payer et je n’avais pas d’argent, et ensuite j’avais passé le délai donc j’ai déposé une demande à l’OIM [l’Organisation internationale pour les migrations qui dépend des Nations unies – ndlr] et jusqu’à présent je n’ai pas le document. »

      Elle ne peut pas laisser son fils sur place mais elle se préparait au départ bien avant les propos de Kaïs Saïed. « Dès mon départ vers la Tunisie en 2018, des amies m’avaient avertie du racisme et des mauvais traitements que subissent les Noirs, mais je voulais quand même essayer pour gagner un peu d’argent et financer mes études au pays », dit-elle.

      Elle explique avoir eu de bons employeurs en Tunisie mais, pour elle, les propos de Kaïs Saïed, sont inacceptables. « Il y a différentes manières de dire qu’il faut mieux gérer les flux migratoires irréguliers, je peux comprendre que ça gêne vu que nous sommes tous sans statut légal ici, mais là, dans ses déclarations, j’avais l’impression d’avoir été traité comme un animal », commente-t-elle.

      À ses côtés Naomi, 33 ans, ronge son frein, déprimée. Elle avait investi toutes les économies de son salaire de coiffeuse en Tunisie pour ouvrir son propre salon. Près de 7 000 dinars (2 100 euros) dépensés dans du matériel et une location. « Je comptais sur l’été et les mariages pour gagner de l’argent et l’envoyer au pays », dit-elle. Comme Fortune, elle a tout perdu, la propriétaire lui a demandé de fermer boutique et elle attend devant l’ambassade pour s’enregistrer et partir au plus vite.
      L’impossible régularisation

      Ces deux femmes ont reçu des délais très courts de leurs propriétaires pour quitter leur logement, car les autorités ont annoncé une application stricte de la loi. Un Tunisien ne peut pas louer à un étranger sans lui demander sa carte de résidence ou bien le déclarer dans un commissariat. Une situation d’urgence à laquelle s’ajoute la peur d’être agressée.

      « Là, dès que l’on sort de chez nous, on regarde derrière nous de peur qu’un gosse nous jette des pierres. Cela m’était déjà arrivé avant les propos de Kaïs Saïed mais, désormais, c’est devenu une menace quotidienne », explique Évelyne, 30 ans, qui avait ouvert une crèche dans le quartier de l’Ariana au nord de Tunis pour permettre aux familles subsahariennes qui travaillent de laisser leurs enfants en journée. « Bien sûr que ce n’était pas déclaré, mais comment voulez-vous qu’on fasse ?, demande Évelyne. On dépense de l’argent dans des procédures pour avoir des papiers, et jamais nous n’arrivons à obtenir la carte de résidence. Tout se fait au noir parce que nous n’avons pas d’autre choix, et pendant des années personne n’y a trouvé à redire. »

      La loi tunisienne met sous conditions l’embauche d’un étranger avec la préférence nationale et très peu de migrants arrivent à se régulariser, à l’exception des étudiants.
      Rester et vivre dans la rue, le nouveau fardeau d’Aïcha

      Alors que ces femmes attendent un retour imminent vers leur pays, d’autres n’ont pas d’autre choix que de rester, dans des conditions parfois plus que précaires. Aïcha, 23 ans et originaire de la Sierra Leone, campe avec une centaine d’autres migrants devant le siège de l’OIM depuis une semaine, après avoir été expulsée de son logement.

      Son voyage pour venir en Tunisie en août 2022 par voie terrestre a pris presque trois mois. Durant son périple, elle dit avoir égaré son passeport. « Donc au final, je n’ai jamais pu travailler ici, ou alors des petits jobs ponctuels. En plus je ne parle qu’anglais donc la barrière de la langue était problématique », explique-t-elle. Elle dit attendre que la situation se calme pour voir comment rester dans le pays.

      « Au pire des cas, je rentrerai, mais vraiment j’aimerais bien rester ici, c’est difficile de repartir après avoir tout laissé dans son pays. J’étais étudiante mais je voulais tenter ma chance ailleurs et beaucoup d’amis m’ont dit qu’en Tunisie il y aurait du travail et des conditions de vie meilleures que chez nous », dit-elle. Son rêve est de suivre une formation pour devenir journaliste.

      « Au pays, on voulait que je me marie avec un homme plus âgé, moi je voulais vraiment avoir une carrière et un avenir », poursuit-elle. Mais en attendant, elle vit dans la rue avec d’autres migrants, cherchant des cafés aux alentours qui acceptent qu’elle utilise leurs toilettes. « Jamais je n’aurais imaginé me retrouver dans une telle situation, j’espère que l’OIM va nous trouver une solution ou au moins un abri. » La Tunisie n’a pas de loi régissant les demandeurs d’asile donc de nombreux migrants dans le cas d’Aïcha ne peuvent se tourner que vers les représentants des Nations unies pour demander un statut de réfugié ou demandeur d’asile.

      Depuis le début de la crise déclenchée par le communiqué de la présidence, les associations et organisations internationales disent être submergées par les appels et situations d’urgence. Une chaîne de solidarité organisée par des Tunisiens a été mise en place sur les réseaux sociaux et via le bouche-à-oreille pour apporter des denrées alimentaires à ces migrants et tenter de trouver des logements provisoires pour certains. Mais ce réseau reste discret de peur de tomber dans le viseur des autorités.

      Face à l’ampleur de la crise, les autorités tunisiennes ont indiqué ce week-end, exonérer des pénalités de séjour les migrants en situation irrégulière souhaitant rentrer dans leur pays « assistés par une instance diplomatique, une organisation internationale ou onusienne », un système qui existe déjà depuis 2018 mais avec une clause d’interdiction de retour sur le territoire tunisien.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/050323/en-tunisie-le-douloureux-retour-au-pays-des-exilees-subsahariennes

    • On the racist events in Tunisia – Background and Overview

      Current Situation

      “For several months, a racist campaign against Sub-Saharans in Tunisia has been growing. The president himself subscribed to these racist and conspiracy theories and pointed the finger at the Sub-Saharans, accusing them of being ‚hordes‘ and that sub-Saharan immigration is a ‚criminal enterprise‘ whose goal would be to ‚change the demographic composition of Tunisia‘.“ In the press statement published on the 21 February 2023 following a National Security Council meeting, president Kais Saied resurrected many racist and xenophobic tropes used by other fascist movements. He „ordered security forces to take ‚urgent measures‘. … Many „of the estimated 21,000 sub-Saharan African people in Tunisia – most of whom are undocumented – lost their jobs and housing overnight.“ The Association of African Students and Interns in Tunisia highlights that there is an „ongoing systemic campaign of control and arrests targeting [Black immigration], independently from their status, who are not carrying their residency card with them.“ „In the first three weeks of February, at least 1,540 people were detained, mostly in Tunis and provinces near the Algerian border“.

      The situation has become increasingly violent in the last weeks. In addition to the government forces targeting Black people, „violent attacks perpetrated by citizens, who taunt their victims with racial slurs“ are taking place. Attacked people report about fleeing „pogroming mobs consisting of, they said, 20+ Tunisian young men. ‚We were absolutely running for our lives,‘ said Latisha, who screamed at their son to run faster.“ There are accounts about „[a]rmed mobs“ and rape ‚by these mobs’“. On social media torture videos circulate. „In the suburbs of Tunis, a group of Sub-Saharan Africans have been attacked by young Tunisians who have broken down their doors and set fire to their building. Houses were ransacked.“

      „Everyone who falls under the socially constructed category of ‘African’ – those with or without jobs, those with university classes to attend – are too scared to leave their homes because the racist violence has spread to every street in Tunisia.“ A law from 1968 that criminalizes assistance to „illegal residence“ in Tunisia, is now being applied. Patricia Gnahoré explains „that the evictions started around February 9, when alarmist messages began circulating on social networks: landlords would be facing fines and prison sentences if they housed undocumented Sub-Saharans“. While some people are being supported by friends and activists who try to organize support, many have no choice but to sleep outside, with more than 100 people camping at the International Organization for Migration and in front of different embassies.

      „Guinea [and Mali] and Cote d’Ivoire are repatriating their citizens from Tunisia.“ „However, many people living irregularly in Tunisia have accumulated large sums of outstanding fees over the years, too much for them to pay. While Tunisian authorities are themselves pushing migrants to leave, they still insist on cashing in on those who desperately want to.“

      The African Union highlights that they are in „deep shock and concern at the form and substance of the statement targeting fellow Africans, notwithstanding their legal status in the country.“ The events of the last days strongly impacted Tunisia’s image in the African continent and within the African Union. Furthermore, an AU pan-African conference scheduled for mid-March in Tunis has been postponed. Former Senegalese Prime Minister Aminata Touré even called for Tunisia’s AU membership to be suspended and for the country to be excluded from the Africa Cup.
      Solidarity

      Multiple protests have been taking place in Tunisia with demonstrators denouncing the racist and fascist violence. Already on February 25th „over 1,000 people marched through downtown Tunis to protest what they called Saied’s fascist overtures.“ „Henda Chennaoui, one of the principal figures in the country’s new Front Antifasciste … [highlights that this] ‚the first time in the history of the republic that the president used fascist and racist speech to discriminate against the most vulnerable and the marginalised.’“ Protests in front of Tunisian embassies are being organized around the world, such as in Paris, Berlin as well as Canada.

      In the Front antifasciste – Tunisie activists and associations gather to organize support for Black people in the country. „Tunisian and foreign volunteers brought donations of food, water and blankets, along with some tents to help those displaced. … [However,] associations collecting donations [for migrants] are receiving threats.“
      Political Level

      President Saied is distracting from the political and economic situation in the country. He was elected in Fall 2019 and his governing style has become increasingly authoritarian. „Over the last two weeks, a spate of high-profile arrests has rocked Tunisia, as over a dozen political figures, trade unionists and members of the media have been taken into custody on security or graft charges. Some have been dragged from their homes without warrants; others, put on trial before military courts, despite being civilians. Many are being held in what their lawyers say are inhumane conditions, crammed in cells with scores of prisoners and without beds.“ A terrorism law allows the authorities to hold people „for a maximum of 15 days without charge or consultation with a lawyer“.

      In addition, „Saied has neutered parliament and pushed through a new constitution that gives him near-unlimited control and makes it almost impossible to impeach him.“ This was preceded and enabled by a very volatile situation in the country, as „there was increasing fragmentation within the executive branch, among state institutions, within and between political parties, within civil society, and even between regions of the country.“ The political and economic instability in the country, resulted in wide-spread support of his presidency, which has increasingly shifted to repressive centralization of power.

      The statement and development are connecting to a growing populist discourse. „Saied’s crackdown on undocumented sub-Saharan immigrants has taken place in the context of the rise of the hitherto unknown Parti Nationaliste Tunisien, which has been pushing a racist agenda relentlessly since early February. The party has flooded social media with conspiracy theories and dubiously edited videos that have encouraged Tunisians to report on undocumented neighbours before they can ‚colonise‘ the country – the same conspiratorial language adopted by Saied.“
      Economic Level

      Tunisia „is struggling under crippling inflation and debt worth around 80 percent of its gross domestic product (GDP)“. In addition, there is a shortage of basic foods such as rice, which is putting a lot of pressure on the population. ‘Les Africains’ are used as a scapegoat for the lack of products such as rice. „The rice-crisis is not the first time that populations racialized as ‘African’ are blamed for a social and economic disaster in Tunisia, which in reality is a direct consequence of the state’s abandonment of marginalized communities and the pressures of global capitalism.“ However, since the racist tropes are connecting to a familiar discourse, the „crackdown on immigrants and Saied’s political opponents has … won him favour among many in his working-class political base, who have been at the sharp end of a dire economic crisis.“

      The current events seem to have triggered international responses since Italy now supports Tunisia as it „is seeking to obtain a loan from the IMF due to a severe economic crisis.“ This is being explicitly connected to Europe’s border interests (see section on Externalization & Immigration).

      Ultimately these actions are enhancing the dependencies to Europe and weaken pan-African ties. „Kaïs Saied’s economic incompetence – as well as the refusal of North African governments to prioritize regional and inner-African trade which would allow evading dictates from the Global North and its proxies such as the IMF more effectively – are now once more fueling dynamics that in fact counter pan-African cooperation.“ In fact, the „president’s comments could also have direct consequences for Tunisian companies, which have increasingly expanded into other African countries in recent years. Guinean media report that several wholesalers have suspended imports of Tunisian products. Senegalese and Ivoirian importers want to join the boycott.“

      In addition, according to Human Rights Watch „at least 40 students have been detained so far“. This will have a detrimental impact on the education market, since „[f]or Tunisian private universities, students from other African countries are an essential part of their business model.“

      These factors might have contributed to ​​​​​​the statement posted by the government on Facebook on March 5th, attempting to backpedal the racist campaign and highlighting their „astonishment“ about the violence in the last weeks. Apart from now emphasising „Tunisia’s African identity“ and the significance of the anti-discrimination law from 2018, it announces plans to enhance the legal security of African migrants in Tunisia. Whether and how the statement will be implemented remains to be seen, „It appears likely that Tunisia is now also facing a considerable radicalization of its migration policies. […] Saied’s future migration policies, however, are likely to go beyond the ongoing wave of arrests, and in a worst-case scenario, will go even far beyond.“
      Externalization & Immigration

      „While the European Union’s violent securitization apparatus is indeed responsible for the oppression and murder of sub-Saharan migrants (and Tunisians) in Tunisia, the Tunisian state also contributes to their oppression and murder.“ Many people try to travel to Europe via and from Tunisia. „Its proximity to the EU’s external border has made Tunisia a major hub for migrants. Italy’s coasts are only around 150 kilometers (90 miles) away. Tunisia relaxed visa requirements in 2015, allowing many sub-Saharan and North Africans migrants to move to the country and work. … Authorities frequently turned a blind eye to workers without permits who were saving for a journey to Europe.“ This renders Black migrants very vulnerable to exploitation as well as policy changes.

      Already prior to the current escalation Black people experienced discrimination; Shreya Parikh highlighted in August 2022 that „Sub-Saharan women and men who depend on the labour market have spoken to me of persistent exploitation and racialised violence (both verbal and physical) at workplace.“ This is enhanced and enabled by the uncertain legal situation. „In the case of Tunisia, an im/migration non-policy is deliberately maintained by institutional actors at different levels (border police, internal affairs ministry, private legal agencies promising paper-work) because, among others, it is a lucrative site for corruption.“ This affects mostly Black people. „Most sub-Saharan migrants (like Western European migrants) enter Tunisia as legal migrants because of 3-month visa-free policies; but the Tunisian state forces all migrants to become illegal by its refusal to deliver legal documentation. This means that Tunisia also has European migrants living ‘illegally.’ But in the social and political construction of the ‘illegal migrant,’ white bodies never fit. It is the Black and dark-skinned bodies that are assumed to be illegal and criminal, as is clear from arrests of sub-Saharan migrants who carry residence permits, as well as absence of arrests of European ‘illegal’ migrants.“

      The current developments have to be understood in the context of the externalization of the European border. The Tunisian Forum for Social and Economic Rights (FTDES) highlights that the „European border outsourcing policies have contributed for years to transform Tunisia into a key player in the surveillance of Mediterranean migration routes, including the interception of migrant boats outside territorial waters and their transfer to Tunisia. Discriminatory and restrictive policies in Algeria also contribute to pushing migrants to flee to Tunisia. These policies deepen the human tragedy of migrants in a Tunisia in political and socio-economic crisis.“ Sofian Philip Naceur analyses that „[a]s Saieds government continues to play along as the watchdog for the European border regime, though not without ostentatiously displaying its self-interest in migration control, the Italian government is suddenly soliciting financial support for Tunisia’s deeply troubled public coffers from the EU and the International Monetary Fund (IMF). Interesting timing.“

      So far, the President’s statement has only provoked supportive reactions from European politicians. The French far-right politician, Eric Zemmour, who is one of the most prominent supporters of the conspiracy theory of the „Great Replacement“, supported the statement on Twitter. And the Italian foreign minister Antonio Tajani expressed in a phone call with his Tunisian counterpart that „the Italian government is at the forefront of supporting Tunisia in its border control activities, in the fight against human trafficking, as well as in the creation of legal channels to Italy for Tunisian workers and in the creation of training opportunities as an alternative to migration“ without mentioning the current violence at all. Furthermore, Italy is sending 100 more pick-ups worth more than 3.6 million Euro to reinforce the Tunisian Ministry of the Interior in the fight against ‚irregular‘ immigration.

      Or how Le Monde summarizes: „[The chancelleries] have not reacted to the presidential charge against sub-Saharan migrants. And for good reason: Mr. Said is responding rather positively to calls from Europe – primarily Italy – to better lock its maritime borders in order to stem the flow of migrants across the Mediterranean.“

      https://migration-control.info/on-the-racist-events-in-tunisia-background-overview

      via @_kg_

    • Aggressioni razziste e arresti: così la Tunisia diventa un “hotspot informale” dell’Europa

      I discorsi d’odio del presidente tunisino Saied contro presunte “orde di subsahariani irregolari” che minaccerebbero l’identità “arabo-musulmana” del Paese hanno fatto esplodere la tensione accumulata negli ultimi mesi, tra inflazione e penuria di generi di prima necessità. La “Fortezza Europa”, intanto, gongola. Il reportage

      Ogni mattina a Nadège vengono dati dieci dinari per la spesa. Esce di casa, si incammina fino all’alimentari più vicino e compra il necessario per la famiglia per cui lavora. È l’unico momento in cui le è consentito uscire. Altrimenti, Nadège vive e lavora 24 ore su 24, sette giorni su sette, tra le mura della casa di due persone anziane in un quartiere benestante di Tunisi. La sua paga mensile come domestica è di settecento dinari (225 euro), che diventeranno ottocento (240 euro) se “lavorerà bene”.

      Nadège, assicura, è qui per questo: “Sono venuta in Tunisia per metter da parte qualche soldo da mandare ai miei figli, in Costa d’Avorio”, racconta. Suo cugino, però, lavora nei campi di pomodori in Calabria. Le ha consigliato di partire per l’Italia e cercare lavoro lì. “Il cambio euro-franco Cfa è più conveniente di quello dinaro tunisino-franco Cfa. Guadagnando qualche soldo in Europa posso far vivere degnamente i miei due figli, metter da parte qualcosa e poi tornare da loro una volta che ci saremo sistemati”, spiega la trentenne ivoriana. Tre anni fa, Nadège vendeva sigarette lungo la sterrata che dal suo villaggio portava a Abidjan, ma con i lavori del governo per asfaltare la strada, il suo gabbiotto è stato abbattuto e mai più ricostruito. E lei è rimasta senza nulla.

      Nel 2022 anche Nadège ha tentato di imbarcarsi per Lampedusa da una spiaggia del Sud tunisino. A metà strada, però, la guardia costiera ha intercettato la sua barca e l’ha riportata a riva, nel porto di Sfax. Ha perso tutti i soldi che aveva messo da parte e si è ritrovata punto a capo, in Tunisia, a cercar di nuovo lavoro.

      Come nel caso di buona parte dei cittadini subsahariani presenti nel Paese, molti dei quali -a differenza di Nadège- hanno rinunciato all’idea di imbarcarsi, nessuno le ha mai proposto un contratto. Una volta scaduti i tre mesi di visto, il limite massimo per rimanere in Tunisia, tanti di loro rimangono in situazione di irregolarità accumulando una multa per la permanenza oltre i limiti del visto che aumenta di mese in mese. Dopo anni a lavorare, spesso con paghe misere e giornaliere, molti subsahariani rimangono intrappolati nelle maglie della burocrazia tunisina e, pur volendo tentare di regolarizzarsi e ottenere un permesso di soggiorno per rimanere nel Paese, non ci riescono perché non sono in grado di pagare la multa per lo sforamento del visto, che raggiunge un massimo di 3.000 dinari, mille euro. Ecco come i subsahariani finiscono in una sorta di limbo, bloccati in Tunisia, senza poter raggiungere l’Europa, senza poter tornare indietro. Si ritrovano così a costituire la manodopera in nero di aziende tunisine o estere presenti nel Paese, o di famiglie benestanti, che sfruttano la loro posizione precaria di irregolari per sottopagarli.

      Da metà febbraio di quest’anno Nadège ha dovuto rinunciare anche alla spesa quotidiana per paura di uscire dal cortile di casa. Lei, senza documenti, è oggetto di una campagna d’odio che si diffonde a macchia d’olio in Tunisia. È il 21 febbraio quando, dopo giorni di arresti di esponenti dell’opposizione alle politiche di Kais Saied, un comunicato della presidenza tunisina fa il punto sulla “lotta all’immigrazione irregolare nel Paese”, tema che è stato al centro della visita in Tunisia dei ministeri degli Esteri Antonio Tajani e dell’Interno Matteo Piantedosi di fine gennaio.

      Secondo quel comunicato, la Tunisia sarebbe invasa da “orde di subsahariani irregolari” che minaccerebbero “demograficamente” il Paese e la sua identità “arabo-musulmana”. È stata la miccia che ha fatto esplodere la tensione accumulata negli ultimi mesi, tra inflazione galoppante, impoverimento generale della popolazione e penurie continue di generi di prima necessità. A diffondere queste teorie xenofobe da fine 2022 è il cosiddetto Partito nazionalista tunisino, un gruppo di nicchia riconosciuto nel 2018, che ha intensificato la propria campagna sui social network prendendosela con le persone nere presenti in Tunisia. Non solo potenziali persone migranti in situazione di irregolarità che vorrebbero tentare di imbarcarsi verso l’Italia (come dichiarato dalle autorità), ma anche richiedenti asilo e rifugiati, studenti e lavoratori residenti nel Paese, accusati di “rubare il lavoro”, riprendendo gli slogan classici delle destre europee, spesso usati contro i tunisini stessi.

      Da allora in Tunisia si sono moltiplicate non solo le aggressioni razziste, ma anche gli arresti di cittadini subsahariani senza alcun criterio. Secondo un comunicato della Lega tunisina dei diritti umani, per esempio, otto studenti subsahariani regolarmente residenti nel Paese e iscritti nelle università tunisine sarebbero trattenuti senza alcun motivo nel centro di El-Wuardia, un centro gestito dalle autorità tunisine, non regolamentato, dove è complicato monitorare chi entra e chi esce. L’Associazione degli stagisti ivoriani e l’Aesat, la principale organizzazione degli studenti subsahariani in Tunisia, hanno consigliato alle proprie comunità di non uscire.

      Almeno cinquecento subsahariani si troverebbero invece nella prigione di Bouchoucha (Tunisi), senza che si conoscano le accuse nei loro confronti. A seguito delle misure prese dalla presidenza, molti proprietari di alloggi affittati a cittadini subsahariani hanno chiesto loro di lasciare casa, così come diversi datori di lavoro li hanno licenziati da un giorno all’altro per timore di ritorsioni da parte della polizia nei loro confronti. Centinaia di persone si sono così ritrovate per strada, senza stipendio e senza assistenza, rischiando l’arresto arbitrario, esposti a violenze e aggressioni nelle grandi città.

      In centinaia stanno optando per il rimpatrio nel Paese d’origine chiedendo assistenza per il cosiddetto ritorno volontario, che spesso di volontario ha ben poco. “Torniamo indietro per paura”, è il ritornello che ripetono in molti. Le liste per le richieste dei ritorni volontari gestiti dall’Organizzazione internazionale per le migrazioni (Oim) erano già lunghe prima del 21 febbraio, tanto che decine di persone che si sono registrate mesi fa attendono in tende di fortuna costruite con sacchi di plastica lungo la via che porta alla sede dell’Oim, nel quartiere di Lac 1, dove hanno sede diverse organizzazioni internazionali.

      “Non ci è stato messo a disposizione un foyer per l’accoglienza”, si giustifica una fonte interna all’organizzazione puntando il dito contro le autorità tunisine. La tendopoli di Lac 1 era già stata smantellata dalle forze di polizia a giugno 2022 ma alle persone migranti non è stata data un’alternativa. Qualche settimana dopo, infatti, si è riformata poco lontano. Oggi si ingrandisce di giorno in giorno.

      È qui che da fine febbraio un gruppo di volontari si fa carico di fornire acqua e cibo alle duecento persone presenti, rimaste senza assistenza. L’Oim è l’unica alternativa per chi non dispone di documenti validi, chi si trova nell’impossibilità di pagare la multa di 3.000 dinari o chi non ha un’ambasciata in Tunisia a cui rivolgersi, come per esempio i cittadini della Sierra Leone, la cui rappresentanza è stata delegata all’ambasciata d’Egitto.

      Chi può, invece, ha tentato di chiedere aiuto alla propria ambasciata di riferimento, accampandosi di fronte all’entrata. Il primo marzo è atterrato in Tunisia il ministro degli Esteri della Guinea, che ha promesso ai propri cittadini di stanziare fondi per voli di rimpatrio. Il primo aereo a decollare è stato quello della Costa d’Avorio, partito sabato 4 marzo alle 7 del mattino dall’aeroporto di Tunisi con a bordo 145 persone.

      Era giugno 2018 quando la Commissione europea proponeva ad alcuni Paesi africani, tra cui la Tunisia, l’istituzione di piattaforme regionali di sbarco dove smistare, fuori dai confini europei, le richieste di asilo. La risposta all’epoca fu “No, non abbiamo né le capacità né i mezzi”, per citare l’ambasciatore tunisino a Bruxelles Tahar Chérif. Cinque anni più tardi, l’Ue sembra esser riuscita nella propria missione di trasformare la Tunisia in un informale hotspot europeo.

      https://altreconomia.it/aggressioni-razziste-e-arresti-cosi-la-tunisia-diventa-un-hotspot-infor

    • As the disturbing scenes in Tunisia show, anti-migrant sentiments have gone global

      President Saied is scapegoating his country’s small black migrant population to distract from political failings. Does this sound familiar?

      A little more than 10 years ago, calls for freedom and human rights in Tunisia triggered the Arab spring. Today, black migrants in the country are being attacked, spat at and evicted from their homes. The country’s racism crisis is so severe that hundreds of black migrants have been repatriated.

      It all happened quickly, triggered by a speech by the Tunisian president, Kais Saied, at the end of February. He urged security forces to take urgent measures against migrants from sub-Saharan Africa, who he claimed were moving to the country and creating an “unnatural” situation as part of a criminal plan designed to “change the demographic makeup” and turn Tunisia into “just another African country that doesn’t belong to the Arab and Islamic nations any more”. “Hordes of irregular migrants from sub-Saharan Africa” had come to Tunisia, he added, “with all the violence, crime and unacceptable practices that entails”.

      For scale, the black migrant population in Tunisia is about 21,000 out of a population of 12 million, and yet a sudden fixation with their presence has taken over. A general hysteria has unleashed a pogrom on a tiny migrant population whose members have little impact on the country’s economics or politics – reports from human rights organisations tell of night-time raids and daylight stabbings. Hundreds of migrants, now homeless, are encamped, cowering, outside the International Organization for Migration’s offices in Tunis as provocation against them continues to swirl.

      Josephus Thomas, a political refugee from Sierra Leone, spoke to me from the camp, where he is sheltering with his wife and child after they were evicted from their home and his life savings were stolen. They sleep in the cold rain, wash in a nearby park’s public toilet and sleep around a bonfire with one eye open in anticipation of night-time ambushes by Tunisian youths. So far, they have been attacked twice. “There are three pregnant women here, and one who miscarried as she was running for her life.” Due to the poor sanitation, “all the ladies are having infections”, he says. “Even those who have a UNHCR card”, who are formally recognised as legitimate refugees, are not receiving the help they are entitled to. “The system is not working.”

      Behind this manufactured crisis is economic failure and political dereliction. “The president of the country is basically crafting state policy based on conspiracy theories sloshing around dark corners of the internet basement,” Monica Marks, , a professor of Middle East studies and an expert on Tunisia, tells me. The gist of his speech was essentially the “great replacement” theory, but with a local twist. In this version of the myth, Europeans are using black people from sub-Saharan Africa to make Tunisia a black-inhabited settler colony.

      Confecting an immigration crisis is useful, not only as a distraction from Saied’s failures, but as a political strategy to hijack state and media institutions, and direct them away from meaningful political opposition or scrutiny.

      The speed with which the hysteria spread shows that these attitudes had been near the surface all along. Racism towards black Arabs and black sub-Saharan Africans is entrenched in the Arab world – a legacy of slavery and a fetishised Arab ethnic supremacy. In Arab north Africa, racism towards black people is complicated even further by a paranoia of proximity – being situated on the African continent means there is an extreme sensitivity to being considered African at all, or God forbid, black. In popular culture, racist tropes against other black Arabs or Africans are widespread, portraying them as thick, vulgar and unable to speak Arabic without a heavy accent.

      The movement of refugees from and through the global south has further inflamed bigotries and pushed governments, democratic or otherwise, towards extinguishing these people’s human rights. Local histories and international policies create a perfect storm in which it becomes acceptable to attack a migrant in their home because of “legitimate concerns” about economic insecurity and cultural dilution.

      Globally, there is a grim procession of countries that have made scapegoating disempowered outsiders a central plank of government policy. But there is a new and ruthless cruelty to it in the UK and Europe. The European Union tells the British prime minister, Rishi Sunak, that his small boat plans violate international law, but the EU has for years followed an inhumane migrant securitisation policy that captures and detains migrants heading to its shores in brutal prisons run by militias for profit. Among them are a “hellhole” in Libya and heavily funded joint ventures with the human rights-abusing dictatorship in Sudan.

      Only last week, in the middle of this storm, the Italian prime minister, Giorgia Meloni, had a warm call with her Tunisian counterpart, Najla Bouden Romdhane, on, among other topics, “the migration emergency and possible solutions, following an integrated approach”. This sort of bloodless talk of enforcement at all costs, Marks says, “speaks to the ease with which political elites, state officials, can render fascism part of the everyday political present”.

      So where do you turn if you are fleeing war, genocide and sexual violence? If you want to exercise a human right, agreed upon in principle more than 70 years ago, “to seek and enjoy in other countries asylum from persecution”? The answer is anywhere, because no hypothetical deterrent is more terrifying than an unsafe present.

      You will embark on an inhuman odyssey that might end with a midnight raid on your home in Tunis, a drowning in the Channel, or, if you’re lucky, a stay in Sunak and Macron’s newly agreed super-detention centres. People in jeopardy will move. That is certain. All that we guarantee through cynical deterrent policies is that we will make their already fraught journey even more dangerous.

      https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/mar/13/tunisia-anti-migrant-sentiments-president-saied

    • Immigrés subsahariens, boucs émissaires pour faire oublier l’hémorragie maghrébine

      Les autorités tunisiennes mènent depuis début juillet une campagne contre les immigrés subsahariens accusés d’« envahir » le pays, allant jusqu’à les déporter en plein désert, à la frontière libyenne. Une politique répressive partagée par les pays voisins qui sert surtout à dissimuler l’émigration maghrébine massive et tout aussi « irrégulière », et à justifier le soutien des Européens.

      La #chasse_à_l’homme à laquelle font face les immigrés subsahariens en Tunisie, stigmatisés depuis le mois de février par le discours officiel, a une nouvelle fois mis en lumière le flux migratoire subsaharien vers ce pays du Maghreb, en plus d’ouvrir les vannes d’un discours raciste décomplexé. Une ville en particulier est devenue l’objet de tous les regards : Sfax, la capitale économique (270 km au sud de Tunis).

      Le président tunisien Kaïs Saïed s’est publiquement interrogé sur le « choix » fait par les immigrés subsahariens de se concentrer à Sfax, laissant flotter comme à son habitude l’impression d’un complot ourdi. En réalité et avant même de devenir une zone de départ vers l’Europe en raison de la proximité de celle-ci, l’explication se trouve dans le relatif dynamisme économique de la ville et le caractère de son tissu industriel constitué de petites entreprises familiales pour une part informelles, qui ont trouvé, dès le début de la décennie 2000, une opportunité de rentabilité dans l’emploi d’immigrés subsahariens moins chers, plus flexibles et employables occasionnellement. Au milieu de la décennie, la présence de ces travailleurs, devenue très visible, a bénéficié de la tolérance d’un État pourtant policier, mais surtout soucieux de la pérennité d’un secteur exportateur dont il a fait une de ses vitrines.
      L’arbre qui ne cache pas la forêt

      Or, focaliser sur la présence d’immigrés subsahariens pousse à occulter une autre réalité, dont l’évolution est autrement significative. Le paysage migratoire et social tunisien a connu une évolution radicale, et le nombre de Tunisiens ayant quitté illégalement le pays a explosé, les plaçant en tête des contingents vers l’Europe, aux côtés des Syriens et des Afghans comme l’attestent les dernières #statistiques. Proportionnellement à sa population, la Tunisie deviendrait ainsi, et de loin, le premier pays pourvoyeur de migrants « irréguliers », ce qui donne la mesure de la crise dans laquelle le pays est plongé. En effet, sur les deux principales routes migratoires, celle des Balkans et celle de Méditerranée centrale qui totalisent près de 80 % des flux avec près de 250 000 migrants irréguliers sur un total de 320 000, les Tunisiens se placent parmi les nationalités en tête. Avec les Syriens, les Afghans et les Turcs sur la première route et en seconde position après les Égyptiens et avant les Bengalais et les Syriens sur la deuxième.

      La situation n’est pas nouvelle. Durant les années 2000 — 2004 durant lesquelles les traversées « irrégulières » se sont multipliées, les Marocains à eux seuls étaient onze fois plus nombreux que tous les autres migrants africains réunis. Les Algériens, dix fois moins nombreux que leurs voisins, arrivaient en deuxième position. Lorsque la surveillance des côtes espagnoles s’est renforcée, les migrations « irrégulières » se sont rabattues vers le sud de l’Italie, mais cette répartition s’est maintenue. Ainsi en 2006 et en 2008, les deux années de pics de débarquement en Sicile, l’essentiel des migrants (près de 80 %) est constitué de Maghrébins (les Marocains à eux seuls représentant 40 %), suivis de Proche-Orientaux, alors que la part des subsahariens reste minime.

      La chose est encore plus vraie aujourd’hui. À l’échelle des trois pays du Maghreb, la migration « irrégulière » des nationaux dépasse de loin celle des Subsahariens, qui est pourtant mise en avant et surévaluée par les régimes, pour occulter celle de leurs citoyens et ce qu’elle dit de l’échec de leur politique. Ainsi, les Subsahariens, qui ne figurent au premier plan d’aucune des routes partant du Maghreb, que ce soit au départ de la Tunisie et de la Libye ou sur la route de Méditerranée occidentale (départ depuis l’Algérie et le Maroc), où l’essentiel des migrants est originaire de ces deux pays et de la Syrie. C’est seulement sur la route dite d’Afrique de l’Ouest (qui inclut des départs depuis la façade atlantique de la Mauritanie et du Sahara occidental) que les migrants subsahariens constituent d’importants effectifs, même s’ils restent moins nombreux que les Marocains.
      Négocier une rente géopolitique

      L’année 2022 est celle qui a connu la plus forte augmentation de migrants irréguliers vers l’Europe depuis 2016. Mais c’est aussi celle qui a vu les Tunisiens se placer dorénavant parmi les nationalités en tête de ce mouvement migratoire, alors même que la population tunisienne est bien moins importante que celle des autres nationalités, syrienne ou afghane, avec lesquelles elle partage ce sinistre record.

      Ce n’est donc pas un effet du hasard si le président tunisien s’est attaqué aux immigrés subsahariens au moment où son pays traverse une crise politique et économique qui amène les Tunisiens à quitter leur pays dans des proportions inédites. Il s’agit de dissimuler ainsi l’ampleur du désastre.

      De plus, en se présentant comme victimes, les dirigeants maghrébins font de la présence des immigrés subsahariens un moyen de pression pour négocier une rente géopolitique de protection de l’Europe et pour se prémunir contre les critiques.

      Reproduisant ce qu’avait fait vingt ans plus tôt le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi avec l’Italie pour négocier sa réintégration dans la communauté internationale, le Maroc en a fait un outil de sa guerre diplomatique contre l’Espagne, encourageant les départs vers la péninsule jusqu’à ce que Madrid finisse par s’aligner sur ses thèses concernant le Sahara occidental. Le raidissement ultranationaliste que connait le Maghreb, entre xénophobie d’État visant les migrants et surenchère populiste de défiance à l’égard de l’Europe, veut faire de la question migratoire un nouveau symbole de souverainisme, avec les Subsahariens comme victimes expiatoires.
      Déni de réalité

      Quand il leur faut justifier la répression de ces immigrés, les régimes maghrébins parlent de « flots », de « hordes » et d’« invasion ». Ils insistent complaisamment sur la mendicité, particulièrement celle des enfants. Une image qui parle à bon nombre de Maghrébins, car c’est la plus fréquemment visible, et cette mendicité, parfois harcelante, peut susciter de l’irritation et nourrir le discours raciste.

      Cette image-épouvantail cache la réalité d’une importante immigration de travail qui, en jouant sur les complémentarités, a su trouver des ancrages dans les économies locales, et permettre une sorte d’« intégration marginale » dans leurs structures. Plusieurs décennies avant que n’apparaisse l’immigration « irrégulière » vers l’Europe, elle était déjà présente et importante au Sahara et au Maghreb.

      Depuis les années 1970, l’immigration subsaharienne fournit l’écrasante majorité de la main-d’œuvre, tous secteurs confondus, dans les régions sahariennes maghrébines, peu peuplées alors, mais devenues cependant essentielles en raison de leurs richesses minières (pétrole, fer, phosphate, or, uranium) et de leur profondeur stratégique. Ces régions ont connu de ce fait un développement et une urbanisation exceptionnels impulsés par des États soucieux de quadriller des territoires devenus stratégiques et souvent objets de litiges. Cette émigration s’est étendue à tout le Sahel à mesure du développement et du désenclavement de ces régions sahariennes où ont fini par émerger d’importants pôles urbains et de développement, construits essentiellement par des Subsahariens. Ceux-ci y résident et, quand ils n’y sont pas majoritaires, forment de très fortes minorités qui font de ces villes sahariennes de véritables « tours de Babel » africaines.

      À partir de cette matrice saharienne, cette immigration s’est diffusée graduellement au nord, tout en demeurant prépondérante au Sahara, jusqu’aux villes littorales où elle s’est intégrée à tous les secteurs sans exception : des services à l’agriculture et à la domesticité, en passant par le bâtiment. Ce secteur est en effet en pleine expansion et connait une tension globale en main-d’œuvre qualifiée, en plus des pénuries ponctuelles ou locales au gré de la fluctuation des chantiers. Ses plus petites entreprises notamment ont recours aux Subsahariens, nombreux à avoir les qualifications requises. Même chose pour l’agriculture dont l’activité est pour une part saisonnière alors que les campagnes se vident, dans un Maghreb de plus en plus urbanisé.

      On retrouve dorénavant ces populations dans d’autres secteurs importants comme le tourisme au Maroc et en Tunisie où après les chantiers de construction touristiques, elles sont recrutées dans les travaux ponctuels d’entretien ou de service, ou pour effectuer des tâches pénibles et invisibles comme la plonge. Elles sont également présentes dans d’autres activités caractérisées par l’informel, la flexibilité et la précarité comme la domesticité et certaines activités artisanales ou de service.
      Ambivalence et duplicité

      Mais c’est par la duplicité que les pouvoirs maghrébins font face à cette migration de travail tolérée, voire sollicitée, mais jamais reconnue et maintenue dans un état de précarité favorisant sa réversibilité. C’est sur les hauteurs prisées d’Alger qu’on la retrouve. C’est là qu’elle construit les villas des nouveaux arrivants de la nomenklatura, mais c’est là aussi qu’on la rafle. C’est dans les familles maghrébines aisées qu’est employée la domestique noire africaine, choisie pour sa francophonie, marqueur culturel des élites dirigeantes. On la retrouve dans le bassin algéro-tunisien du bas Sahara là où se cultivent les précieuses dattes Deglet Nour, exportées par les puissants groupes agrolimentaires. Dans le cœur battant du tourisme marocain à Marrakech et ses arrière-pays et dans les périmètres irrigués marocains destinés à l’exportation. À Nouadhibou, cœur et capitale de l’économie mauritanienne où elle constitue un tiers de la population. Et au Sahara, obsession territoriale de tous les régimes maghrébins, dans ces pôles d’urbanisation et de développement conçus par chacun des pays maghrébins comme des postes avancés de leur nationalisme, mais qui, paradoxalement, doivent leur viabilité à une forte présence subsaharienne. En Libye, dont l’économie rentière dépend totalement de l’immigration, où les Subsahariens ont toujours été explicitement sollicités, mais pourtant en permanence stigmatisés et régulièrement refoulés.

      Enfin, parmi les milliers d’étudiants subsahariens captés par un marché de l’enseignement supérieur qui en a fait sa cible, notamment au Maroc et en Tunisie et qui, maitrisant mieux le français ou l’anglais, deviennent des recrues pour les services informatiques, la communication, la comptabilité du secteur privé national ou des multinationales et les centres d’appel.
      Un enjeu national

      Entre la reconnaissance de leur utilité et le refus d’admettre une installation durable de ces populations, les autorités maghrébines alternent des phases de tolérance et de répression, ou de maintien dans les espaces de marge, en l’occurrence au Sahara.

      La négation de la réalité de l’immigration subsaharienne par les pays maghrébins ne s’explique pas seulement par le refus de donner des droits juridiques et sociaux auxquels obligerait une reconnaissance, ni par les considérations économiques, d’autant que la vie économique et sociale reste régie par l’informel au Maghreb. Cette négation se légitime aussi du besoin de faire face à une volonté de l’Europe d’amener les pays du Maghreb à assumer, à sa place, les fonctions policières et humanitaires d’accueil et de régulation d’une part d’exilés dont ils ne sont pas toujours destinataires. Mais le véritable motif consiste à éviter de poser la question de la présence de ces migrants sur le terrain du droit. C’est encore plus vrai pour les réfugiés et les demandeurs d’asile. Reconnaître des droits aux réfugiés, mais surtout reconnaitre leur présence au nom des droits humains pose en soi la question de ces droits, souvent non reconnus dans le cadre national. Tous les pays maghrébins ont signé la convention de Genève et accueilli des antennes locales du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR), mais aucun d’entre eux n’a voulu reconnaître en tant que tels des immigrés subsahariens qui ont pourtant obtenu le statut de réfugié auprès de ces antennes.

      En 2013, entre la pression d’une société civile galvanisée par le Mouvement du 20 février et le désir du Palais de projeter une influence en Afrique pour obtenir des soutiens à sa position sur le Sahara occidental, le Maroc avait promulgué une loi qui a permis temporairement de régulariser quelques dizaines de milliers de migrants. Elle devait aboutir à la promulgation d’un statut national du droit d’asile qui n’a finalement pas vu le jour. Un tel statut, fondé sur le principe de la protection contre la persécution de la liberté d’opinion, protègerait également les citoyens maghrébins eux-mêmes. Or, c’est l’absence d’un tel statut qui a permis à la Tunisie de livrer à l’Algérie l’opposant Slimane Bouhafs, malgré sa qualité de réfugié reconnue par l’antenne locale du HCR. C’est cette même lacune qui menace son compatriote, Zaki Hannache, de connaître le même sort.

      https://orientxxi.info/magazine/immigres-subsahariens-boucs-emissaires-pour-faire-oublier-l-hemorragie,6

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    • Tunisie : Pas un lieu sûr pour les migrants et réfugiés africains noirs

      Des forces de sécurité maltraitent des migrants ; l’Union européenne devrait suspendre son soutien au contrôle des migrations

      - La police, l’armée et la garde nationale tunisiennes, y compris les garde-côtes, ont commis de graves abus à l’encontre de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile africains noirs.
      - Pour les Africains noirs, la Tunisie n’est ni un lieu sûr pour le débarquement de ressortissants de pays tiers interceptés ou sauvés en mer, ni un « pays tiers sûr » pour les transferts de demandeurs d’asile.
      - La Tunisie devrait mener des réformes de façon à respecter les droits humains et mettre fin à la discrimination raciale. L’Union européenne devrait suspendre le financement des forces de sécurité destiné au contrôle des migrations, et fixer des critères de référence en matière de droits humains auxquels conditionner son soutien futur.

      La police, l’armée et la garde nationale tunisiennes, y compris les garde-côtes, ont commis de graves abus à l’encontre de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile africains noirs, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Parmi les abus documentés figurent des passages à tabac, le recours à une force excessive, certains cas de torture, des arrestations et détentions arbitraires, des expulsions collectives, des actions dangereuses en mer, des évictions forcées, ainsi que des vols d’argent et d’effets personnels.

      Pourtant, le 16 juillet, l’Union européenne (UE) a annoncé la signature d’un protocole d’accord avec la Tunisie, portant sur un nouveau « partenariat stratégique » et un financement allant jusqu’à un milliard d’euros, dont 105 millions d’euros sont destinés à « la gestion des frontières, [...] des opérations de recherche et sauvetage, […] la lutte contre le trafic de migrants et [...] la politique de retour ». Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a souligné que le partenariat porterait notamment sur « le renforcement des efforts visant à mettre un terme à la migration clandestine ». Le protocole d’accord, qui doit être formellement approuvé par les États membres de l’UE, ne prévoit aucune garantie sérieuse que les autorités tunisiennes empêcheront les violations des droits des migrants et des demandeurs d’asile, et que le soutien financier ou matériel de l’UE ne parviendra pas à des entités responsables de violations des droits humains.

      « Les autorités tunisiennes ont maltraité des étrangers africains noirs, alimenté des attitudes racistes et xénophobes, et renvoyé de force des personnes fuyant par bateau qui risquent de subir de graves préjudices en Tunisie », a déclaré Lauren Seibert, chercheuse au sein de la division Droits des réfugiés et migrants de Human Rights Watch. « En finançant les forces de sécurité qui commettent des abus lors de contrôles migratoires, l’UE partage la responsabilité de la souffrance des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Tunisie ».

      Au total, entre 2015 et 2022, l’UE a consacré à la Tunisie entre 93 et 178 millions d’euros pour des objectifs liés aux migrations, dont une partie a renforcé et équipé les forces de sécurité afin de prévenir les migrations irrégulières et d’arrêter les bateaux à destination de l’Europe. L’UE devrait suspendre le financement des forces de sécurité tunisiennes destiné au contrôle des migrations et soumettre tout nouveau soutien à des critères clairs en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les États membres de l’UE devraient suspendre leur soutien à la gestion des migrations et des frontières dans le cadre du protocole d’accord récemment signé avec la Tunisie, jusqu’à ce qu’une évaluation approfondie de son impact sur les droits humains soit réalisée.

      Outre les abus attestés des forces de sécurité, les autorités tunisiennes n’ont pas assuré de manière adéquate une protection, une justice ou un soutien aux nombreuses victimes d’évictions forcées et d’attaques racistes, et ont même parfois bloqué ces efforts. C’est pourquoi, pour les Africains noirs, la Tunisie n’est ni un lieu sûr pour le débarquement de ressortissants de pays tiers interceptées ou sauvées en mer, ni un « pays tiers sûr » pour les transferts de demandeurs d’asile.

      Depuis mars, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques et en personne avec 24 personnes — 22 hommes, ainsi qu’une femme et une fille — qui vivaient en Tunisie, dont 19 migrant·e·s, quatre demandeur·euse·s d’asile et un réfugié, originaires du Sénégal, du Mali, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, de la Sierra Leone, du Cameroun et du Soudan. Dix-neuf personnes étaient entrées en Tunisie entre 2017 et 2022 : douze de manière irrégulière et sept de manière régulière. Pour cinq personnes interrogées, la date et le mode d’entrée n’étaient pas connus. Certaines des personnes interrogées ne sont pas nommées pour des raisons de sécurité ou à leur demande.

      Human Rights Watch a également mené des entretiens avec quatre représentants de groupes de la société civile en Tunisie — le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), Avocats sans frontières (ASF), EuroMed Rights et Alarm Phone, un réseau de lignes téléphoniques d’urgence —, ainsi qu’un volontaire qui a aidé des réfugiés à Tunis ; Elizia Volkmann, journaliste basée à Tunis ; et Monica Marks, professeure d’université et spécialiste de la Tunisie. Tous les sept avaient interrogé ou aidé des dizaines de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés en Tunisie, et étaient informés des cas d’abus commis par la police ou les garde-côtes ou les avaient documentés.

      Parmi les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés interrogés, neuf étaient rentrés dans leur pays à bord de vols de rapatriement d’urgence en mars, tandis que huit étaient restés à Tunis, la capitale tunisienne, ou à Sfax, une ville portuaire située au sud-est de Tunis. Sept d’entre eux faisaient partie des quelque 1 200 Africains noirs expulsés ou transférés de force par les forces de sécurité tunisiennes aux frontières terrestres avec la Libye et l’Algérie au début du mois de juillet.

      Au total, 22 personnes interrogées ont été victimes de violations de leurs droits humains commises par les autorités tunisiennes.

      Bien que les violations documentées aient eu lieu entre 2019 et 2023, elles se sont majoritairement produites après que le président Kais Saied, en février 2023, a ordonné aux forces de sécurité de réprimer la migration irrégulière, associant les migrants africains sans papiers à la criminalité et à un « complot » visant à modifier la structure démographique de la Tunisie. Le discours du président, qualifié de raciste par les experts des Nations Unies, a été suivi d’un déferlement de discours de haine, de discrimination et d’agressions.

      Quinze personnes interrogées ont déclaré avoir subi des violences de la part de la police, de l’armée ou de la garde nationale y compris des garde-côtes. Parmi ces personnes figurent un réfugié et un demandeur d’asile qui ont été battus et ont reçu des décharges électriques lors de leur détention par la police à Tunis. Cinq personnes ont déclaré que les autorités avaient confisqué leur argent ou leurs effets personnels et ne les leur avaient jamais rendus.

      Les sept personnes interrogées expulsées vers les zones frontalières en juillet ont déclaré que l’armée et la garde nationale les avaient laissées dans le désert avec des quantités insuffisantes de nourriture et d’eau. Si certaines ont été réinstallées en Tunisie une semaine plus tard par les autorités tunisiennes, d’autres avaient encore besoin d’aide ou étaient portés disparus.

      Au moins neuf personnes interrogées ont été arrêtées et détenues arbitrairement par la police à Tunis, Ariana et Sfax, apparemment au faciès, en raison de leur couleur de peau. Ces personnes ont déclaré que les policiers n’avaient pas vérifié leurs papiers avant de les arrêter et que, dans la plupart des cas, ils n’avaient pas procédé à une évaluation individuelle de leur statut légal et ne leur avaient pas permis de contester leur arrestation.

      Un Malien de 31 ans interrogé avait une carte de séjour valide lorsque la police l’a arrêté arbitrairement à la mi-2022 à Ariana. « Ils ne m’ont pas demandé si j’avais des documents ou non », a-t-il déclaré. « Mon ami a été arrêté avec moi [...], [c’est] un militaire guinéen venu en Tunisie pour se faire soigner. Il avait un passeport avec un cachet d’entrée [valide] ».

      Cinq personnes ont décrit des abus commis pendant ou après des interceptions et des sauvetages en mer près de Sfax, apparemment par la garde nationale maritime, également appelée garde côtière. Il s’agit notamment de passages à tabac, de vols, de l’abandon d’un bateau à la dérive sans moteur, du renversement d’un bateau, d’insultes et de crachats à l’encontre des survivants.

      Trois représentants de groupes de la société civile interrogés ont également décrit les pratiques de plus en plus problématiques des garde-côtes depuis 2022, notamment des passages à tabac, l’utilisation dangereuse de gaz lacrymogènes, des tirs en l’air, le fait de prendre ou d’endommager les moteurs des bateaux et de laisser les gens bloqués en mer, la création de vagues qui font chavirer les bateaux, des retards dans les sauvetages, et des vols d’argent et de téléphones.

      Human Rights Watch a écrit aux ministères tunisiens des Affaires étrangères et de l’Intérieur le 28 juin pour leur faire part des résultats de ses recherches et leur poser des questions, mais n’a reçu aucune réponse.

      Outre les abus des forces de sécurité, au moins 12 hommes interrogés ont déclaré avoir été victimes d’abus de la part de civils tunisiens : parmi eux, dix ont été agressés ou victimes de vols, et cinq ont été victimes d’évictions forcées par des propriétaires civils. Hormis deux de ces incidents, tous se sont produits après le discours de février du président Saeid.

      Dans les mois qui ont suivi ce discours, et dans le contexte de la détérioration de la situation économique de la Tunisie, de l’aggravation de la répression et de la violence xénophobe, et de l’augmentation des départs de bateaux et des décès en mer, plus d’une dizaine de responsables européens se sont rendues en Tunisie pour discuter d’économie, de sécurité et de migration avec des responsables politiques tunisiens. Le ministre de l’Intérieur allemand a évoqué l’importance des « droits humains des réfugiés » et la « création de voies d’immigration légales », mais peu d’autres ont mentionné publiquement les préoccupations en matière de droits humains. Le ministre de l’Intérieur français a déclaré que la France offrirait à la Tunisie 25,8 millions d’euros pour l’aider à « contenir le flux irrégulier de migrants ».

      Des millions d’euros de financements de l’UE et de financements bilatéraux — notamment de la part de l’Italie — ont déjà permis de soutenir, d’équiper et de former les garde-côtes tunisiens, les « forces de sécurité intérieure » et les « institutions de gestion des frontières terrestres ».

      L’« externalisation » des frontières, qui consiste à empêcher les arrivées irrégulières en confiant les contrôles migratoires à des pays tiers, est devenue un élément central de la réponse de l’UE aux migrations mixtes et a donné lieu à des violations flagrantes des droits humains. De plus, le soutien aux forces de sécurité qui commettent des abus ne fait qu’exacerber les violations des droits humains qui sont à l’origine des migrations.

      « L’UE et le gouvernement tunisien devraient réorienter fondamentalement leur manière d’aborder les défis migratoires », a déclaré Lauren Seibert. « Le contrôle des frontières ne justifie aucunement que les droits soient bafoués et les responsabilités en matière de protection internationale ignorées ».

      Contexte des migrations et de la situation des réfugiés en Tunisie

      La Tunisie est un pays d’origine, de destination et de transit pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Au premier semestre 2023, elle a dépassé la Libye comme point de départ des bateaux accostant en Italie. Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les 69 599 personnes arrivées en Italie entre le 1er janvier et le 9 juillet par la mer Méditerranée, 37 720 étaient parties de Tunisie, 28 558 de Libye, et les autres de Turquie et d’Algérie.

      Les pays d’origine les plus courants pour les personnes arrivant en Italie étaient, par ordre décroissant, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, la Guinée, le Pakistan, le Bangladesh, la Tunisie, la Syrie, le Burkina Faso, le Cameroun et le Mali. Le Cameroun, le Burkina Faso, le Mali et la Guinée ont été confrontés ces dernières années à des violations généralisées des droits humains liées à des conflits, à des coups d’État ou à des mesures de répression gouvernementales.

      Selon une estimation officielle datant de 2021, 21 000 étrangers originaires de pays africains non maghrébins se trouvent en Tunisie, dont la population est de 12 millions d’habitants. Depuis janvier, le pays a accueilli 9 000 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés. La Tunisie est un État partie aux Conventions des Nations Unies et de l’Afrique relatives au statut des réfugiés, et sa Constitution prévoit le droit à l’asile politique. Cependant, elle ne dispose pas d’une loi ou d’un système national d’asile. C’est le HCR qui effectue l’enregistrement des réfugiés et détermine leur statut.

      Bien que les normes internationales en matière de droits humains découragent la criminalisation de la migration irrégulière, les lois tunisiennes datant de 1968 et de 2004 criminalisent l’entrée, le séjour et la sortie irréguliers d’étrangers, ainsi que l’organisation ou l’aide à l’entrée ou à la sortie irrégulières, sanctionnées par des peines d’emprisonnement et des amendes. La Tunisie n’a pas de base légale explicite pour la détention administrative des immigrants, mais de nombreuses organisations ont documenté des cas de détention arbitraire de migrants africains. Pour plusieurs nationalités africaines, la Tunisie autorise les séjours de 90 jours sans visa avec tampon d’entrée, mais l’obtention d’une carte de séjour peut se révéler difficile.

      Selon le FTDES (un forum non gouvernemental), entre janvier et mai 2023, les autorités tunisiennes ont arrêté plus de 3 500 migrants pour « séjour irrégulier » et intercepté plus de 23 000 personnes tentant de quitter la Tunisie de manière irrégulière. Romdhane Ben Amor, porte-parole du FTDES, a déclaré à Human Rights Watch que la plupart des arrestations de migrants enregistrées ont eu lieu aux abords de la frontière algérienne, mais qu’après le discours du président, des centaines d’entre elles ont également eu lieu à Tunis, à Sfax et dans d’autres villes.

      Expulsions collectives aux frontières avec la Libye et l’Algérie

      Entre le 2 et le 5 juillet 2023, la police, la garde nationale et l’armée tunisiennes ont mené des raids à Sfax et dans ses environs, arrêtant arbitrairement des centaines d’étrangers africains noirs de nombreuses nationalités, en situation régulière ou irrégulière. La garde nationale et l’armée ont expulsé ou transféré de force, sans aucun respect des procédures légales, jusqu’à 1 200 personnes, réparties en plusieurs groupes, vers les frontières libyenne et algérienne.

      Selon cinq personnes interrogées qui ont été expulsées, les autorités ont conduit environ 600 à 700 personnes vers le sud jusqu’à la frontière libyenne, non loin de la ville de Ben Guerdane. Elles en ont conduit des centaines d’autres vers l’ouest, à divers endroits le long de la frontière algérienne, dans les gouvernorats de Tozeur, Gafsa et Kasserine, selon deux personnes expulsées, des représentants des Nations Unies, le FTDES et le réseau Alarm Phone.

      Parmi les centaines de personnes expulsées vers une zone éloignée et militarisée située à la frontière entre la Tunisie et la Libye, se trouvaient au moins 29 enfants et trois femmes enceintes. Au moins six d’entre elles étaient des demandeurs d’asile enregistrés auprès du HCR. Les personnes interrogées ont déclaré avoir été battues et agressées par des membres de la garde nationale ou des militaires pendant leur expulsion ; une jeune fille de 16 ans, notamment, a affirmé avoir été agressée sexuellement. Ces personnes ont ajouté que les agents de sécurité avaient jeté leur nourriture, détruit leurs téléphones et les avaient laissées dans une zone d’où, repoussées par les forces de sécurité des deux pays, elles ne pouvaient ni entrer en Libye ni retourner en Tunisie. Elles ont fourni les positions GPS des endroits où elles se trouvaient du 2 au 4 juillet, ainsi que des vidéos et des photos des personnes expulsées, de leurs blessures, des téléphones brisés, des passeports, des cartes consulaires et des cartes de demandeur d’asile.

      Le 7 juillet, Human Rights Watch a interrogé deux personnes qui avaient été expulsées ou transférées de force vers ou près de la frontière algérienne les 4 et 5 juillet. Elles se trouvaient dans deux groupes différents totalisant 15 personnes dont sept femmes — y compris deux femmes enceintes — et un enfant. Selon leurs dires, elles ont été transportées depuis Sfax dans des bus, forcées de marcher dans le désert sans nourriture ni eau suffisantes, et repoussées par les forces de sécurité algériennes et tunisiennes. Une demandeuse d’asile guinéenne a communiqué la position GPS de son groupe, dans le gouvernorat de Gafsa, tandis qu’un Ivoirien a partagé la position du sien, dans le gouvernorat de Kasserine. Ils ont également fourni des vidéos de leurs groupes marchant dans le désert.

      Dans une déclaration du 8 juillet, le président Saied a qualifié les accusations d’abus commis par les forces de sécurité à l’encontre des migrants de « mensonges » et de « fausses informations ». Le week-end du 8 juillet, les équipes du Croissant-Rouge tunisien ont fourni de la nourriture, de l’eau et une aide médicale à quelques migrants qui se trouvaient aux frontières de l’Algérie et de la Libye, ou à proximité. Il s’agit du seul groupe d’aide humanitaire que les autorités tunisiennes ont autorisé à pénétrer dans la zone frontalière avec la Libye.

      Le 10 juillet, les autorités tunisiennes ont finalement transféré plus de 600 personnes de la frontière libyenne vers des abris de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et d’autres installations à Ben Guerdane, Medenine et Tataouine, selon des représentants des Nations Unies et un Ivoirien qui se trouvait parmi les personnes emmenées à Medenine, qui a fourni sa localisation. Cependant, le 11 juillet, Human Rights Watch s’est entretenu avec deux migrants affirmant qu’ils faisaient partie d’un groupe de plus de cent personnes expulsées toujours bloquées à la frontière libyenne. Ils ont fourni des vidéos et leur localisation.
      Des migrant·e·s aux deux frontières ont déclaré à Human Rights Watch et à d’autres que plusieurs avaient péri ou avaient été tués à la suite d’une expulsion, bien que Human Rights Watch n’ait pas pu confirmer leurs récits de manière indépendante. Le 11 juillet, l’Agence France-Presse a indiqué que les corps de deux migrants avaient été retrouvés dans le désert près de la frontière entre la Tunisie et l’Algérie. Al Jazeera, qui s’est rendu à plusieurs reprises dans la zone frontalière entre la Tunisie et la Libye, a publié des images du 11 juillet montrant deux groupes de migrant·e·s africain·e·s toujours bloqué·e·s — plus de 150 personnes au total — et le corps d’un migrant décédé.

      La Tunisie est un État partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ; à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui interdit les expulsions collectives ; ainsi qu’aux Conventions des Nations Unies et de l’Afrique relatives au statut des réfugiés, à la Convention contre la torture et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui interdisent les retours forcés ou les expulsions vers des pays où les personnes risquent d’être torturées, de voir leur vie ou leur liberté menacées, ou de subir d’autres préjudices graves.

      Abus commis par la police

      Outre les personnes expulsées, onze personnes interrogées ont été victimes d’abus de la part de la police à Tunis, à Sfax, à Ariana et dans une ville proche de la frontière algérienne ; parmi celles-ci, au moins huit ont subi des violences. Deux ont déclaré que la police les avait expulsées de force de leur logement. Sept ont fait état d’insultes racistes de la part de la police et l’une d’entre elles a été menacée de mort.

      Sidy Mbaye, un Sénégalais de 25 ans rapatrié en mars, était entré en Tunisie de manière irrégulière en 2021 et travaillait comme vendeur ambulant. Il a décrit les abus commis par la police à Tunis :

      [Le 25 février], je suis allé en ville pour vendre des téléphones, des T-shirts et des tissus au marché [...]. Trois policiers se sont approchés de moi et m’ont demandé ma nationalité. Ils ont dit : « Tu as entendu ce que le président a dit ? Tu dois partir [...] ». Ils ne m’ont demandé aucun document. Ils ont pris toute ma marchandise [...]. J’ai [résisté] [...] ils m’ont durement battu, me donnant des coups de poing et me frappant avec des matraques. Du sang coulait de mon nez [...].

      Ils m’ont emmené au poste de police, m’ont mis dans une cellule et ont continué à me frapper et à m’insulter [...]. Ils ont dit quelque chose sur le fait que j’étais noir [...]. Ils ne m’ont toujours pas demandé de documents. J’y ai passé une journée. Je refusais de partir parce que je voulais récupérer mes affaires, mais j’ai fini par partir. Ils m’ont menacé et m’ont dit : « Si tu reviens et que tu vends encore ces choses, on va te tuer. Quittez le pays immédiatement ». [...] Là où je vivais avec cinq autres Sénégalais, le propriétaire était un policier [...] En revenant, nous avons trouvé nos affaires dehors.

      Papi Sakho, un Sénégalais de 29 ans qui est venu à Tunis de manière irrégulière pour travailler, a été victime de violences et d’une éviction forcée par la police avant d’être rapatrié, en mars :

      Fin février [...], cinq officiers de police sont venus [...]. Nous étions quatre en train de travailler au garage-lavage, moi, deux Gambiens et un Ivoirien. [...] Ils ne nous ont pas demandé nos papiers [...]. Ils nous criaient dessus, nous insultaient [...] Ils m’ont battu durement avec des matraques [...]. L’Ivoirien était blessé et saignait [...] ils ont fermé notre garage [...]. Et c’est nous qui lavions habituellement leurs voitures de police !

      La police nous a alors conduits à notre logement et a averti le propriétaire que nous n’avions plus le droit d’y rester. [...]. Ils ont pris nos bagages et les ont mis dehors [...]. Mon passeport est resté à l’intérieur. La police a pris mes deux téléphones [...]. Les autres m’ont dit que la police avait pris une partie de leur argent.

      Moussa Baldé, mécanicien sénégalais de 30 ans, a déclaré être arrivé en Tunisie en 2021 avec un visa de travail. Il s’est rendu à Tunis en février 2023 pour acheter des pièces détachées. « Un policier a arrêté mon taxi, m’a fait descendre et m’a poussé. Il m’a dit : “Tu es noir, tu n’as pas le droit d’être ici [...]”. Il ne m’a pas demandé mes papiers, il m’a juste indexé à cause de la couleur de ma peau. [Au poste de police,] deux policiers m’ont donné des coups de poing et m’ont frappé. Ils ne m’ont donné à manger qu’une seule fois pendant les deux jours [de détention], et j’ai dormi par terre ». La police ne lui a posé aucune question sur son statut juridique. « Ils m’ont dit : “Nous allons te libérer, mais tu dois quitter le pays” ».

      Abdoulaye Ba, 27 ans, également originaire du Sénégal, vivait à Tunis depuis 2022. En février 2023, la police est venue sur le chantier où il travaillait et a arrêté au moins dix travailleurs, certains avec papiers et certains sans papiers, originaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale :

      Il y avait des Tunisiens et des Marocains, mais ils n’ont arrêté que des personnes à la peau noire. Ils nous ont demandé de quel pays nous venions mais n’ont pas demandé nos papiers [...]. Nous avons résisté à l’arrestation et une partie de la ville est sortie [...] et nous jetait des pierres [...]. La police nous a frappés avec des matraques [...] Ils nous ont emmenés dans un poste de police à Tunis et nous ont détenus pendant cinq heures, sans demander à voir nos papiers [...]. Ils nous ont ensuite relâchés et nous ont demandé de quitter la Tunisie. [...] La police a également volé mon iPhone 12, et d’autres ont dit que la police avait pris leur argent.

      Un Malien de 24 ans sans papiers a déclaré qu’avant son rapatriement en mars, il travaillait dans un restaurant à Tunis. En février, la police l’a arrêté alors qu’il rentrait du travail avec un autre Malien, mais n’a procédé à aucune vérification légale. Il a raconté :

      Ils ne m’ont pas demandé mes papiers [...]. S’ils voient un Noir, ils le prennent et l’emmènent dans leur voiture. Pendant l’arrestation, des Tunisiens regardaient et criaient : « Vous, les Noirs, vous devez partir… ». La police a pris l’argent [de mon ami] [...], environ 600 dinars [...]. Ils nous ont gardés pendant quatre jours [au poste de police]. [...] Nous dormions par terre [...]. Ils ne nous donnaient que du pain et de l’eau deux fois par jour. [...] [...] Nous avons trouvé une centaine d’Africains [détenus] là-bas [...]. Ils nous considéraient comme si nous n’étions pas des humains.

      Un Camerounais de 24 ans vivant à Sfax sans papiers a déclaré qu’à plusieurs reprises, début 2023, la police avait fait des descentes dans la maison qu’il partageait avec plusieurs migrants et avait pris leurs téléphones et leur argent.

      Les abus commis par la police ne datent pas seulement de 2023. Un Malien de 31 ans a déclaré qu’en décembre 2021, un groupe de 6 à 8 policiers l’avait trouvé endormi dans une gare et l’avait agressé avant de l’arrêter pour entrée irrégulière, dans une ville proche de la frontière algérienne : « Ils m’ont frappé à plusieurs reprises avec leurs matraques, jusqu’à ce que je tombe, puis ils m’ont donné des coups de pied ».

      Un Malien de 32 ans, rapatrié en mars, a déclaré que la police de Sfax lui avait pris deux de ses téléphones à la mi-2022, en plus de l’argent que transportait son ami. « Les policiers, s’ils voient une personne noire avec un petit sac, ils fouillent le sac. Lorsqu’ils trouvent de l’argent [ou des objets de valeur], ils le prennent », a-t-il témoigné.

      Répression policière contre des réfugiés participant à des manifestations

      Après le discours du président Saeid un grand nombre de réfugiés, de demandeurs d’asile et d’autres personnes devenues sans abri à la suite d’évictions ou craignant pour leur sécurité ont campé devant les bureaux du HCR et de l’OIM au Lac 1, à Tunis. Parmi les personnes qui se trouvaient devant le HCR, certaines ont barricadé la zone et ont commencé à protester. Le 11 avril, après l’entrée de force de plusieurs personnes dans une partie des locaux du HCR, la police est arrivée pour disperser le camp. La police a fait usage de gaz lacrymogènes et de la force, et certaines personnes ont jeté des pierres sur des voitures ou la police.

      « En réaction, la police a fait un usage disproportionné de la violence [...], en particulier compte tenu du fait que des personnes vulnérables se trouvaient là, ainsi que des familles et des jeunes enfants », a déclaré Elizia Volkmann, une journaliste qui s’est rendue sur les lieux plus tard dans la journée. Human Rights Watch a écouté un entretien enregistré par Elizia Volkmann le 11 avril avec un témoin des événements, qui a déclaré avoir vu la police gifler une Soudanaise avant que la situation ne dégénère, et que la police avait battu les gens avec des bâtons et tiré « de nombreux coups de gaz lacrymogène ».

      Un demandeur d’asile soudanais, qui campait devant le bureau du HCR depuis novembre 2022, a déclaré à Human Rights Watch que lui et d’autres avaient barricadé la zone pour se protéger, et que le 10 avril, ils étaient entrés dans les locaux du HCR « pour boire de l’eau et utiliser les toilettes ». Selon ses dires, le 11 avril, « C’est la police qui a commencé les violences. Ils [...] sont venus et ont tiré des gaz [lacrymogènes] sur nous. Et c’était la première fois que les policiers nous jetaient des pierres — j’ai vu deux d’entre eux le faire ». Il a raconté avoir ensuite vu des personnes jeter à leur tour des pierres sur la police. Il a précisé qu’après avoir fui la zone, lui et d’autres ont été battus et arrêtés dans la rue par la police.

      La police a d’abord placé 80 à 100 personnes — dont des femmes et des enfants — en garde à vue au poste de police de Lac 1 et détruit le camp. Plus tard dans la journée, ils ont libéré le demandeur d’asile soudanais, entre autres, mais selon un représentant d’Avocats sans frontières (ASF), ils ont transféré 31 hommes à la prison de Mornaguia au titre de divers chefs d’accusation, notamment pour désobéissance et agression. ASF a fourni une assistance juridique aux accusés, qui ont été libérés fin avril, les charges ayant été abandonnées pour la moitié du groupe et l’autre moitié étant en attente d’une audience en septembre, a déclaré le représentant d’ASF.

      Un demandeur d’asile sierra-léonais, qui campait devant l’OIM et le HCR depuis son expulsion de son appartement en février, figurait parmi les personnes arrêtées. Human Rights Watch a examiné un document officiel confirmant sa libération de la prison de Mornaguia fin avril. Lors de la répression du camp le 11 avril, il a déclaré avoir « vu un [demandeur d’asile] libérien se faire battre par la police [...] il y avait tellement de sang ». Il affirme ne pas avoir participé à des actes de violence, mais a enregistré des vidéos et passé des appels téléphoniques. Il a raconté que la police l’avait attrapé, arrêté et torturé en détention :

      Dans le véhicule de police, un [agent] a commencé à m’étrangler pour me forcer à ouvrir mon téléphone. [...] Ils m’ont emmené au poste de police de Lac 1. Ils ont séparé trois d’entre nous, moi, un [demandeur d’asile] sierra-léonais et le Libérien [blessé] [...].

      [Ils] nous ont placé dans une pièce non ouverte au public, où ils nous ont torturés. Deux [agents en uniforme] ont utilisé [...] un bâton en bois [...] pour nous frapper à la tête, aux chevilles, là où se trouvent les os [...]. Deux [autres agents en uniforme] nous ont transmis des chocs électriques avec des appareils comme des tasers [...]. Un [homme en civil] [...] m’a dit en anglais : « Vous [...]dites que la Tunisie n’est pas sûre [...]. Vous êtes des putains d’immigrés et de réfugiés, vous voulez gâcher notre image » [...] ». Les autres policiers nous ont insultés en arabe [...]. Ils nous ont torturés [...] pendant environ 45 minutes.

      Un réfugié soudanais a également déclaré à Human Rights Watch avoir été battu et avoir reçu des chocs électriques au poste de police de Lac 1, avant d’être transféré à la prison de Mornaguia.

      Un Tunisois qui a aidé plusieurs hommes à obtenir une aide médicale après leur libération de la prison de Mornaguia en mai, a déclaré que deux réfugiés, un Érythréen et un Centrafricain, avaient fait état de l’usage d’armes électriques, telles que des tasers, par la police à leur encontre lors de leur arrestation. Selon ses dires, deux réfugiés érythréens lui avaient également raconté qu’au poste de Lac 1, « la police les [avait] battus [...] hors du champ de la caméra ».

      Le demandeur d’asile soudanais qui a été détenu puis relâché le même jour a déclaré avoir vu plusieurs détenus africains emmenés dans une autre pièce du commissariat et les avoir entendus pleurer de douleur ; plus tard, certains lui ont dit que la police avait utilisé des appareils pour leur administrer des chocs électriques. Les violences policières l’ont convaincu de quitter la Tunisie : « Je demande à des personnes que je connais de m’aider à traverser la mer, à m’éloigner de ce pays ».

      Abus des garde-côtes et interceptions en mer

      Sur les six personnes interrogées par Human Rights Watch qui avaient tenté une ou plusieurs traversées en bateau vers l’Europe, cinq avaient subi des retours forcés de leurs bateaux. De telles mesures de rétention ou de retour forcé des personnes, appelées « pullbacks » en anglais – des actions des autorités visant à empêcher les gens de quitter un pays en dehors des points de passage officiels de la frontière, y compris les retours forcés de bateaux en partance – peuvent constituer une atteinte au droit des personnes à demander l’asile et à quitter tout pays, qu’il s’agisse du leur ou d’un autre, et les piéger dans des situations abusives.

      Cinq personnes interrogées ont également décrit des abus commis par les autorités tunisiennes près de Sfax entre 2019 et 2023, pendant ou après des interceptions en mer (quatre personnes) ou des sauvetages (une personne).

      Salif Keita, un Malien de 28 ans rapatrié en mars, a déclaré avoir tenté une traversée en bateau depuis Sfax en 2019. « Les garde-côtes nationaux ont pris notre moteur et nous ont laissés bloqués en mer », a-t-il relaté. « Nous avons dû casser des morceaux de bois du bateau [...] pour revenir en pagayant ».

      Un Ivoirien de Sfax a tenté un voyage en mer en janvier 2022. Il a déclaré que les garde-côtes avaient intercepté le bateau et avaient frappé les passagers à coups de bâton. Pendant qu’il était en mer, il a également vu un bateau de migrants, qui transportait également des enfants, renversé par des vagues que provoquait un bateau des garde-côtes.

      Un Malien de 32 ans avait également tenté un voyage en mer. Il était entré régulièrement en Tunisie, mais son tampon d’entrée avait expiré. Ne pouvant obtenir de carte de séjour, il a embarqué en décembre 2021 près de Sfax, sur un bateau qui transportait une cinquantaine d’Africains de l’Ouest et du Centre. Les autorités les ont interceptés dans les 15 minutes qui ont suivi leur départ. Il a raconté : « Ils ont pris l’argent ou les téléphones des gens [...]. Ceux qui n’avaient ni l’un ni l’autre, ils ont frappés et insultés. J’ai même vu un [agent] frapper une des femmes [...]. Ils ont pris mon téléphone ».

      Un Camerounais de 24 ans a déclaré qu’en avril 2023, après le retournement de leur bateau près de Sfax, lui et d’autres personnes avaient été secourus par des garde-côtes qui, une fois à terre, s’étaient mis à les insulter, à leur cracher de dessus et à les battre avant de les relâcher.

      Moussa Kamara, un Malien de 28 ans vivant à Sfax, était entré en Tunisie en mai 2022. En décembre 2022, il a embarqué près de Sfax avec environ 25 Africain·e·s de l’Ouest. « Au bout de 30 minutes à peine, les garde-côtes sont arrivés [en positionnant leur bateau à côté du nôtre] et ont dit “Stop !”. Nous ne nous sommes pas arrêtés, alors l’un des gardes a commencé à nous frapper avec un bâton [...]. Ils ont frappé trois hommes, dont moi… Un de mes amis a été blessé ». Les autorités les ont emmenés à Sfax puis les ont relâchés.

      Après cette expérience, Kamara est resté en Tunisie, mais le discours du président Saied et ses conséquences l’ont fait changer d’avis : « J’ai décidé d’essayer encore [un voyage en mer]. Le président nous a dit de quitter le pays. Si je ne pars pas, je ne trouverai pas une maison ou un travail ».

      « Le président a créé un climat d’horreur pour les migrants en Tunisie, si bien que beaucoup se précipitent pour partir », a expliqué Ben Amor, du Forum tunisien, FTDES. « Ces derniers mois, les garde-côtes ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes pour obliger [les bateaux] à s’arrêter [...]. Ils se sont visés sur les migrants qui essaient de les filmer [...] ; ils confisquent les téléphones après chaque opération ».

      Une bénévole d’Alarm Phone à Tunis a déclaré que son équipe avait recueilli des témoignages similaires : « Depuis 2022, il y a des comportements récurrents des garde-côtes tunisiens en attaquant des bateaux[...] ; ils utilisent des bâtons pour frapper les gens, dans certains cas, des gaz lacrymogènes, [...] ils tirent en l’air ou en direction du moteur [...] et parfois [...] ils laissent les gens bloqués [en mer dans des bateaux hors d’usage] ». De nombreuses pratiques de ce type ont été citées dans une déclaration de décembre de plus de 50 groupes en Tunisie, et à nouveau en avril.

      Soutien au contrôle des migrations de l’Union européenne

      Entre 2015 et 2021, l’Union européenne a alloué 93,5 millions d’euros à la Tunisie sur son « Fonds d’affectation spéciale d’urgence pour l’Afrique » (EUTF), qui vise à lutter contre la migration irrégulière, les déplacements et l’instabilité. Ce montant comprend 37,6 millions d’euros destinés à la « gestion des frontières » et à la lutte contre le « trafic de migrants et la traite des êtres humains ». Un document de l’UE de février 2022 indiquait que le financement de la lutte contre le trafic et la traite de migrants « [prévoyait] l’équipement et la formation des agents des forces de sécurité intérieure, ainsi que de la douane tunisienne ».

      Ce document indiquait également que l’UE « désignerait » jusqu’à 85 millions d’euros en tant que somme à allouer à des projets liés à la migration en Tunisie en 2021 et 2022. Il ne précisait pas ce qui avait déjà été dépensé ; cependant, selon un document de l’UE de février 2021, « un programme de soutien très important, financé par l’UE et bénéficiant aux garde-côtes tunisiens, [était] en cours de mise en œuvre ». Sur les 85 millions d’euros, 55 millions auraient pu être alloués au soutien du contrôle des migrations en Tunisie, selon la répartition fournie dans le document de 2022, à savoir : 25 millions d’euros pour la gestion des frontières, y compris le soutien aux garde-côtes ; 6-10 millions d’euros pour le « gouvernance » des migrations et la protection ; 20-25 millions d’euros pour la migration légale et la mobilité du travail ; 12-20 millions d’euro pour la lutte contre le trafic et la traite de migrants ; et 5 millions d’euros pour des retours.

      Le document de 2022 détaille également le soutien bilatéral important apporté à la Tunisie par l’Italie, l’Espagne, la France, l’Allemagne et d’autres États membres de l’UE. En plus de son « fonds pour la coopération migratoire (environ 10 millions d’euros) », l’Italie a fourni des équipements (véhicules, bateaux, etc.) « pour une valeur totale de 138 millions d’euros depuis 2011 », ainsi qu’une « assistance technique liée au contrôle des frontières (2017-2018) [...] pour un total de 12 millions d’euros », qui comprenait un soutien à la police et à la garde nationale tunisiennes. L’Allemagne a également fourni des bateaux et des véhicules, et l’Espagne du matériel informatique.

      Le Programme plurinational 2021 - 2027 sur les migrations pour le voisinage méridional de l’UE, qui englobe la Tunisie, comporte des éléments positifs tels que le soutien à l’élaboration de politiques d’asile, des voies légales de migration et le dialogue avec la société civile, mais il met toujours l’accent sur le soutien aux « mesures répressives » et aux « autorités frontalières et garde-côtes » pour le contrôle des frontières. De plus, les indicateurs de projet sont problématiques, puisqu’ils confondent interceptions et sauvetages en mer (« nombre de migrants interceptés/secourus grâce à des opérations de recherche et de sauvetage en mer » et « sur terre »).

      Les responsables politiques européens ont proposé à plusieurs reprises divers partenariats migratoires à la Tunisie visant notamment à mettre en place des centres de traitement délocalisés et à conclure des accords avec des « pays tiers sûrs », ainsi que des accords susceptibles de permettre le retour des ressortissants de pays tiers ayant transité par la Tunisie.

      Le droit international reconnaît la possibilité de désigner un pays tiers sûr, ce qui permet aux pays d’accueil de transférer des demandeurs d’asile vers un pays de transit ou vers un autre pays qui est en mesure d’examiner équitablement leurs demandes de statut de réfugié et de les protéger de façon adéquate. Les lignes directrices du HCR énumèrent les conditions de ces transferts, y compris le respect des normes du droit des réfugiés et des droits humains et « la protection contre les menaces à leur sécurité physique ou à leur liberté ». La directive sur les procédures d’asile de l’UE exige que les États non-membres de l’UE remplissent des critères spécifiques pour être désignés comme « sûrs », notamment « l’absence de risque de préjudice grave ».

      Compte tenu des abus documentés commis par les forces de sécurité et des attaques xénophobes contre les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés en Tunisie, ainsi que de l’absence d’une loi nationale sur l’asile, il semble que la Tunisie ne réponde pas aux critères de l’UE définissant un pays tiers sûr. Les Africains noirs, en particulier, ne devraient pas être renvoyés ou transférés de force en Tunisie.

      Recommandations

      - Le Parlement européen, dans ses négociations avec le Conseil de l’UE sur le Pacte européen sur la migration et l’asile, devrait chercher à limiter l’utilisation discrétionnaire du concept de « pays tiers sûr » par les différents États membres de l’UE. Les institutions européennes et les États membres devraient convenir de critères clairs pour désigner un pays comme « pays tiers sûr » aux fins du retour ou du transfert de ressortissants de pays tiers, afin de garantir que les États membres de l’UE n’érodent pas les critères de protection dans leur application du concept, et déterminer publiquement si la Tunisie répond à ces critères, en tenant compte des agressions et des abus dont les Africains noirs sont continuellement la cible dans ce pays.
      - L’UE et les États membres concernés devraient suspendre le financement et les autres formes de soutien aux forces de sécurité tunisiennes destinées au contrôle des frontières et de l’immigration, et conditionner toute aide future à des critères vérifiables en matière de droits humains.
      – Le gouvernement tunisien devrait enquêter sur tous les abus signalés à l’encontre des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés commis par les autorités ou les civils ; veiller à ce que les responsables rendent des comptes, notamment par le biais d’actions en justice appropriées ; et mettre en œuvre des réformes et des systèmes de surveillance au sein de la police, de la garde nationale (y compris les garde-côtes) et de l’armée afin de garantir le respect des droits humains, de mettre fin à la discrimination raciale ou à la violence, et de s’abstenir d’attiser la haine raciale ou la discrimination à l’encontre des Africains noirs.

      https://www.hrw.org/fr/news/2023/07/19/tunisie-pas-un-lieu-sur-pour-les-migrants-et-refugies-africains-noirs

      #rapport #HRW #human_rights_watch

    • Von Angst getrieben

      Rassistische Ausschreitungen gegen Schwarze Menschen zwingen immer mehr auf die lebensgefährliche Reise über das Mittelmeer.

      Die Bedingungen, unter denen Schwarze Menschen in Tunesien leben, sind prekär. Insbesondere wenn sie in das Land migriert sind und dort illegalisiert leben, also ohne offiziellen Aufenthaltsstatus und damit meist ohne Zugang zu sozialen Dienstleistungen. Der zunehmend rassistische Diskurs im Land, lässt ihre Situation noch unsicherer werden. Im Herbst 2022 hatte die Nationalistische Partei Tunesiens ihre rassistischen Äußerungen in sozialen Medien massiv verstärkt. Auf ihrer Website spricht sie von „einer Millionen Migranten“ die sich im Land befänden und auf europäisches Geheiß hin vorhätten, das Land zu übernehmen. Die Partei und ihre Hetze spielten bis kürzlich in der politischen Landschaft Tunesiens keine große Rolle. Laut Angaben ihres Vorsitzenden Sofien Ben Sghaïer hat die 2018 gegründete Partei derzeit nur drei Mitglieder. Relevant wurde ihr politisches Denken erst, als es vom tunesischen Präsidenten Kaïs Saïed aufgegriffen und zur Regierungslinie erklärt wurde.

      Ein Verständnis dafür, wie dies geschehen konnte, ist möglich, wenn man die politisch-ökonomische Lage betrachtet, die sich seit Juli 2021 stark verändert hatte: Präsident Kaïs Saïed löste damals die Regierung und die Versammlung der Volksvertreter*innen per Staatsstreich auf. Die sozioökonomische Lage ist in Tunesien extrem angespannt. Der Staat steht angesichts gescheiterter Verhandlungen mit dem IWF vor dem Bankrott, die Inflation liegt bei 10 Prozent, die Arbeitslosigkeit bei 15 Prozent und die Jugendarbeitslosigkeit noch weit höher. In diesem Klima finden rassistische Thesen wie die der Nationalistischen Partei Tunesiens Anklang.

      Als der Anti-Schwarze Rassismus in Tunesien dann in Form einer Pressemitteilung von Präsident Saïed am 21. Februar 2023 aufgegriffen wurde – so sprach er von einem „Plan“, der aufgesetzt worden sei, um die „demographische Zusammensetzung Tunesiens zu verändern“ und rief zu „dringenden Maßnahmen“ auf, „um dieses Phänomen zu stoppen“ – eskalierte die Situation. In den Tagen nach der Erklärung griffen vor allem Gruppen marginalisierter junger Männer in verschiedenen Städten gezielt Schwarze Menschen an. Einige wurden schwer verletzt, als ihre Wohnungen oder Häuser angezündet wurden. Eine bis heute unbekannte Zahl von Menschen ist in diesen Tagen verschwunden. Schwarze Menschen verloren von heute auf morgen ihre Arbeit und wurden von ihren Vermieter*innen vor die Tür gesetzt. Viele verließen ihre Wohnungen über Tage nicht mehr, aus Angst, ebenfalls Opfer der Angriffe zu werden. Auch gültige Aufenthaltspapiere schützten Schwarze Menschen nicht vor der Gewalt, zahlreiche Menschen wurden unabhängig von ihrem Aufenthaltsstatus verhaftet, die Angst vor Polizeikontrollen und willkürlichen Festnahmen besteht bis heute.

      Aya Koffi* aus Côte d’Ivoire („Elfenbeinküste“), die seit mehreren Jahren in Tunesien lebt, hat die Angriffe in der Hauptstadt Tunis miterlebt: „Sie griffen die Häuser an, sie griffen die Familien an, sie griffen die Kindertagesstätten an, dort wo die Kinder der Schwarzen waren. Es gab Leute, die mit Babys im Gefängnis landeten, Kinder, die im Gefängnis landeten. Es gab Frauen, die vergewaltigt wurden. Die Tunesier haben die Häuser und Wohnungen der Schwarzen in Brand gesetzt. Jeder versteckte sich. Ich habe mich zwei Wochen lang zu Hause eingesperrt und keinen Fuß vor die Tür gesetzt, weil ich so viel Angst hatte.“
      Schiffsunglücke, Leichen am Strand und anonyme Grabsteine

      Aus Angst um ihr Leben und weil ihnen infolge der rassistischen Übergriffe jede Lebensgrundlage entzogen wurde, haben sich seit Februar 2023 viele illegalisierte und nach Tunesien migrierte Personen aus subsaharischen Ländern für eine Überquerung des Mittelmeers entschieden. Die italienische Insel Lampedusa ist von Teilen der tunesischen Küste nur 150 Kilometer entfernt. Vor allem aus der Hafenstadt Sfax haben die Abfahrten stark zugenommen – und mit ihnen die Todeszahlen. Seit Kaïs Saïed Erklärung sind mehrere Hundert Menschen nach einer Abfahrt von Tunesien im Mittelmeer ertrunken, viele weitere werden vermisst. Immer wieder werden Leichen aus dem Wasser geborgen oder an den Stränden angespült.

      Laut Faouzi Masmoudi, Sprecher des Gerichts in Sfax, hat das Universitätskrankenhaus der Stadt keine Kapazitäten mehr: Allein am 25 April wurden fast 200 Leichen in das Krankenhaus gebracht. Nur wenige Tote können identifiziert werden. Einige von ihnen sind auf dem christlichen Friedhof in Sfax begraben. Die meisten jedoch bleiben anonym: manche bekommen einen Grabstein, auf dem nur das Datum des Leichenfundes steht.

      Aya hat ein solches Schiffsunglück überlebt, ihr Mann kam dabei ums Leben. Eine Mitarbeiterin der Internationalen Organisation für Migration (IOM) bestätigte, dass der Körper ihres Mannes geborgen wurde. Doch trotz Nachfragen bei der IOM und der Botschaft der Côte d’Ivoire und trotz Protesten vor der Leichenhalle konnte Aya den Körper ihres Mannes nicht mehr sehen. Bis heute ist nicht klar, was mit ihm passiert ist. Kein Einzelfall. Aya erzählt von ihrer Nachbarsfamilie in Tunis: „Viele sind aus Angst, nicht mehr in Tunesien bleiben zu können, auf das Meer hinausgefahren. Ganze Familien sind bei Schiffbrüchen ums Leben gekommen. Die Tür meiner Nachbarin, mit der ich alle Freuden geteilt, mit der ich zusammen gegessen habe, bleibt verschlossen. Sie, ihr Mann und ihr Baby werden vermisst. Wir wissen, dass sie mit dem Boot aufgebrochen sind.“

      Infolge der rassistischen Ausschreitungen haben viele Menschen Wohnung und Einkommen verloren. Rund 250 Menschen, hauptsächlich aus subsaharischen Herkunftsländern, hatten deshalb ein Lager vor dem Gebäude des UN-Flüchtlingskommissariats UNHCR in der Hauptstadt Tunis aufgeschlagen. Sie nennen sich „Refugees in Tunisia“ und fordern bis heute ihre Evakuierung in ein sicheres Land. Am 11. April wurde das Protestcamp vor dem UNHCR-Gebäude gewaltvoll durch die tunesische Polizei geräumt und bis zu 150 Menschen festgenommen. Die Räumung wurde nach Angaben des tunesischen Innenministeriums durch das UNHCR-Büro selbst veranlasst. Dabei wurden mehrere Menschen, darunter auch Kinder, durch den Einsatz von Tränengas verletzt. 30 Personen wurden der „öffentlichen Unruhe“ beschuldigt und für mehrere Wochen inhaftiert. Die Festgenommenen berichteten von Schlägen und Folter mit Elektroschocks. Die meisten der Protestierenden harren seit der Räumung des UNHCR-Camps nun vor dem Gebäude der IOM aus, wo sie ohne Zugang zu Wasser und Sanitäranlagen weiterhin für ihre Evakuierung kämpfen.
      Europas Verantwortung

      Am 25. Juli 2022, ein Jahr nach dem Staatsstreich Präsident Kaïs Saïeds, wurde zwar eine neue Verfassung per Referendum bestätigt. Laut Expertise eines tunesischen Juristen mit Spezialisierung auf Menschenrechte, der aus Sicherheitsgründen anonym bleiben will, ähnelt die neue Konstitution im Bereich der kollektiven und individuellen Freiheiten formell der vorherigen, doch in der Praxis werden diese Rechte aktuell stark eingeschränkt: „Der Beweis dafür sind Oppositionelle und Journalist*innen, die derzeit im Gefängnis sitzen, und Menschenrechtsverletzungen im Zusammenhang mit sehr vulnerablen Personen, insbesondere Menschen die nach Tunesien migriert sind. Zusammenfassend kann man also sagen, dass es eine Beschränkung der Menschenrechte gibt.“

      Eine zentrale Rolle für die rassistische Eskalation spielen aber auch die EU und ihre Mitgliedstaaten. Als wichtigste Handelspartnerin beeinflusst die EU die Regierungen der Maghreb-Länder erheblich und nimmt besonders Einfluss auf die Gestaltung ihrer Migrationspolitiken. Bereits seit den 1990er Jahren liegt der Fokus auf Tunesien und seit 2011 übt die EU zunehmend Druck aus, um das Land noch stärker in das EU-Grenzregime zu integrieren und Migrationsbewegungen durch und aus Tunesien langfristig zu beenden. Im Rahmen immer wieder neu aufgelegter Programme wurden seitdem 3 Milliarden Euro gezahlt. Schwerpunkte sind unter anderem der Aufbau „engerer Beziehungen zwischen den beiden Ufern des Mittelmeers und die Steuerung von Migration und Mobilität“. Von 2014 bis 2020 wurden zum Beispiel 94 Millionen ausschließlich für migrationsbezogene Aktivitäten gezahlt, unter anderem für Tunesiens Grenzschutzsystem. Der aktuelle „EU Action Plan“ für das zentrale Mittelmeer aus dem Jahr 2022 nennt als drittes Ziel die „Stärkung der Kapazitäten Tunesiens, Ägyptens und Libyens insbesondere zur Entwicklung gemeinsamer gezielter Maßnahmen zur Verhinderung der irregulären Ausreise, zur Unterstützung eines wirksameren Grenz- und Migrationsmanagements und zur Stärkung der Such- und Rettungskapazitäten unter uneingeschränkter Achtung der Grundrechte und internationalen Verpflichtungen“.

      Von einer „Achtung der Grundrechte“ ist in der Realität wenig zu sehen. Stattdessen unterstützt die EU ein immer autoritäreres Regime, für das die Leben von Menschen, die über das Meer wollen, nichts zählen. Immer wieder sterben Menschen infolge sogenannter „Rettungsaktionen“. Bei diesen fährt die tunesische Küstenwache aus, um Boote zu „retten“, rammt diese jedoch oft, wodurch Menschen ins Meer fallen und ertrinken. Zudem gibt es vermehrt Berichte, denen zufolge Motoren von der Küstenwache konfisziert werden, die Boote mit den Menschen aber weitere Tage auf dem Wasser treiben gelassen werden, wodurch die Todeszahlen steigen. Zugleich sind rassistische Diskurse in Tunesien immer auch von Europa beeinflusst. Es wird wahrgenommen, wie Salvini, Meloni, Le Pen und auch Zemmour sprechen. „It was not Saïed who introduced anti-Black racism to Tunisia“, schreibt Haythem Guesmi, ein tunesischer Wissenschaftler und Schriftsteller in einem Artikel für Al Jazeera. Nicht nur das europäische Grenzregime wird externalisiert, sondern auch der rassistische Diskurs.

      https://www.medico.de/blog/von-angst-getrieben-19095

      #peur

  • #histoire #Auschwitz #déportation #extermination #génocide #Shoah #nazisme #antisémitisme #barbarie #crimedemasse > #antifascisme !

    🛑 Une plongée dans l’horreur et la barbarie : terrifiant...

    🛑 Un jour à Auschwitz...

    🛑 « L’arrivée à Auschwitz, en mai 1944, de dizaines de milliers de Juifs hongrois promis à l’extermination. Un récit implacable, qui confronte le témoignage d’une rescapée aux photos prises par un soldat SS. En mai 1944, le processus génocidaire nazi est à son apogée, avec la déportation et l’extermination à Auschwitz-Birkenau de quelque 424 000 Juifs hongrois. Un ensemble d’images témoigne de ce crime de masse : les clichés pris par Bernhard Walter, soldat SS chargé de photographier les déportés à leur arrivée dans le camp, que les nazis n’ont ensuite pas eu le temps de détruire (...) »

    >> Documentaire (89mn) disponible sur ARTE du 27/01/2023 au 26/04/2023 :

    ▶️ https://www.arte.tv/fr/videos/098533-000-A/un-jour-a-auschwitz

    https://api-cdn.arte.tv/img/v2/image/Navq5iri6hmmG8PcfaAqj6/1920x1080?type=TEXT&watermark=true

  • portrait détaillé du : #Yevgeny_Prigozhin: the hotdog seller who rose to the top of Putin’s war machine | Russia | The Guardian
    https://www.theguardian.com/world/2023/jan/24/yevgeny-prigozhin-the-hotdog-seller-who-rose-to-the-top-of-putin-war-ma
    https://i.guim.co.uk/img/media/9504377ca7d9d2fd38c4ca9c5be5499cad495f0d/809_74_2194_1317/master/2194.jpg?width=1200&height=630&quality=85&auto=format&fit=crop&overlay-ali

    After nearly a decade in prison, the #Wagner_group founder’s ascent was extraordinary. But where does the ceiling of his ambition lie? Some of those who knew him describe his path to power

  • Will predictive systems profile you as a criminal ?
    https://seenthis.net/messages/988967

    #merci @cabou qui nous a communiqué l’URL d’un test de #predictive_policing.
    https://www.fairtrials.org/predictive-policing

    Le test serait un excercice assez amusant si la question de fond n’était pas tellement inquiétante. Je l’ai appliqué sur un habitant typique de Berlin à l’époque du mur (1961 - 1989). Pour ce personnage typique la réponse à presque toutes les questions est « JA ». Ne riez pas. C’est grave. D’abord parce que mon exemple montre à quel point la validité des résultats dépend du contexte.

    Il est toutefois bien plus intéressant de découvrir à travers ce test à quel point nous sommes tous impliqués dans les méfaits du système capitaliste. Nous avons du mal à accepter notre part de responsabilité pour les excès et crimes dont se rendent coupables en première ligne nos patrons et dirigeants politiques.

    Première question. A l’attaque !

    Question 1/10 Have you ever skipped school or did you go to more than one school when you were younger?

    Mais bien sûr, avec les longues marches pendant la fuite des Allemands et la nécessité de s’abriter pendant les combats de la dernière phase de la guerre on ne pouvait pas ne pas rater des jours d’école ou d’en changer.
    JA

    Question 2/10 Have you or your family received any welfare or benefits, for any reason (e.g for unemployment, housing, childcare)?

    Évidemmant les riches s’étant tous barrés en Bavière, la vaste majorié des Berlinois et surtout des Berlinoises restés sur place étaient pauvres comme les réfugiés de l’Est et recevaient de l’aide alimentaire. Peu de gens disposaient de moyens suffisants pour se procurer du pain au prix d’or (littéralement) sur le marché noir.
    Alors JA

    Question 3/10 Are you from a single parent family (were you raised by a single parent)?

    Tous les hommes en age d’avoir des enfants étaient partis à la guerre et ont passé du temps comme prisonniers de guerre. Toute la génération née entre 1925 et 1940 a été élevée a un moment donné par des mères seules.
    JA

    Question 4/10 Do you consider yourself to be from a minoritised ethnic or otherwise racialised background?

    Les gens ne le savaient pas ou cachaient leurs origines polonaises, juives, slaves etc. Donc, s’ils répondaient « NON » on ne pouvait pas savoir s’ils mentaient. Mais s’ils ont survécu c’est que leurs parents étaient en possession d’un certificat d’aryanité (https://fr.wikipedia.org/wiki/Certificat_d%27aryanit%C3%A9)
    Alors guand même NEIN

    Question 5/10 Do you have a parent or grandparent who was born in another country?

    Avec les guerres et changements de frontières depuis la deuxième moitié du dix neuvième siècle il y a de fortes chances qu’une réponse informée par un Berlinois ou une Berlinoise et sincère soit
    JA

    Question 6/10 Do you have a low or ‘bad’ credit score (for example, have you ever paid a bill late, or taken out a loan and missed any payments)?

    A l’époque pas encore de paiement échelonné et la réforme monétaire de 1948 avait permis à tout le monde de redémarrer. Pourtant la misère touchait tout le monde alors il était normal de ne pas payer immédiatement sa consommation au bar ou d’emprunter de l’argent pour payer un loyer.
    JA

    Question 7/10 Do you live in a neighbourhood or area that has a high crime rate?

    Euh, Berlin c’était la capitale du crime. D’abord il y a eu l’extermination des fous, des communistes et des juifs, chacun participait à la guerre d’extermination des peuples slaves, puis tout le monde volait pour survivre À la pénurie d’après guerre...
    JA

    Question 8/10 Have you ever been a victim of crime or have you witnessed a crime?

    Choisissez un crime au hasard. La réponse sera toujours OUI.
    JA

    Question 9/10 Do you know anyone who has been in contact with the police (for example, that can include speaking to them on the street, an ID check, a stop and search, being questioned or an arrest)?

    Quelle police ? Schutzpolizei, kasernierte Volkspolizei, Geheimpolizei ? MP (military police étatsunienne), gendarmerie francaise, Royal Military Police ... ils étaient tous là et la police allemande gérait les cartes d’identité et passports des Berlinois. On était de bons copains avec tous.
    JA

    Question 10/10 Have you ever had contact with the police (for example, speaking to them on the street, an ID check, a stop and search, or an arrest)?

    Bien sûr. Tout le temps. Partout.
    JA

    Le résultat n’est pas étonnant mais il me choque gand même.

    High Risk

    You have been assessed as HIGH risk of committing criminal behaviour.

    You will be subject to constant monitoring by law enforcement and the police will regularly come to your home. If crimes happen in your area, you will be a primary suspect because you are ‘high risk’, and you will be arrested and questioned. Your risk score may be shared with your school, employer, and health, immigration and child protection authorities. You may be excluded from school, fired or have your children removed. This will maintain your risk level, and it’s unlikely that you will ever be removed from their database. Prosecutors will seek immediate pre-trial detention and the harshest punishment for any alleged offences, however minor, including prison sentences.

    Voici la preuve qu’il faut se préparer à des actes criminels de la part des Allemands contre les pays slaves et surtout contre la Russie. Ce résultat vous étonne ? Pas moi ;-).

    Je les connais depuis toujours ces anticommunistes et russophobes qu’on matait difficilement déjà entre 1941 et 1991. Après avoir fait semblant d’avoir abandonné leur soif de sang slave pendant 24 ans ils osent aujourd’hui ressortir de leurs trous et brandir le drapeau de la civilisation occidentale triomphant sur les slaves incultes.

    C’est une très vielle histoire.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_Teutonique

    Pourtant, il se peut que nos contemporains soient des hommes et des femmes davantage paisibles. La majorité des Berlinoises et Berlinois d’aujourd’hui n’est pas née à Berlin et n’y a pas vécu pendant les époques du nazisme, de l’occupation militaire et de guerre. On connaît mal ces nouveaux arrivants et il n’est pas impossible que les Souabes, Bavarois et les originaires des autres régions allemandes soient des gens très gentilles et intelligents qui ne voudraient surtout pas que notre pays se mêle des conflits entres peuples plus enclins aux armes comme moyen de régler leurs affaires.

    Il faut rester optimiste. On a le droit de rêver, pas vrai ?

    #Allemagne #crime #russophobie

  • Interview : ‘Nightcrawler’ Director Dan Gilroy Talks Jake Gyllenhaal, Robert Elswit & Sociopaths
    https://www.indiewire.com/2014/10/interview-nightcrawler-director-dan-gilroy-talks-jake-gyllenhaal-robert-e

    29.10.2014 by James Rocchi

    Interview: ‘Nightcrawler’ Director Dan Gilroy Talks Jake Gyllenhaal, Robert Elswit & Sociopaths

    Writer and director Dan Gilroy speaks in a manner in which ideas, facts and concepts come tumbling out, his train of thought speeding fast but never in danger of going off the track. The credited screenwriter on films like “The Bourne Legacy,” the long-forgotten “Freejack,” the family-friendly heroics of “Real Steel” and the grim fairy tale “The Fall,” Gilroy makes his directorial debut with “Nightcrawler.” Starring Jake Gyllenhaal, the film depicts the rise and fall of Lou Bloom, a self-motivated striver who bootstraps into a freelance job filming the car crashes and crime scenes of L.A. at night for the local news channels that thrive on blood and bad news (our review).

    Gilroy spoke with The Playlist about what cinematographer Robert Elswit (“There Will Be Blood,” “Boogie Nights”) brought to the film, the economic realities behind the Lou Bloom character, Jake Gyllenhaal’s performance and the film’s depiction of the dark dream of L.A. that still feels real and fresh.
    Popular on IndieWire

    I’m not from here, but I live here— and I’m so used to cliché Hollywood landmarks— and I love how much this film is about the open-all-night, strip-mall, come-in-through-the-loading-dock L.A. Is telling the story of Los Angeles as a real town part of making this film?
    Yeah, in the sense of not going for landmarks that you typically see; we studiously avoided those. I find Los Angeles to be a place of great physical beauty, in which you have the oceans and the mountains and there’s a vertical sense and a desert light that you can see forever.

    When I sat down with Robert Elswit, who lives in Venice, we talked about shooting Los Angeles in a way that traditionally you don’t see, which is that most films look at L.A. in a desaturated way, going beyond the specific locations you were talking about: Desaturated, and they focus on cement and the highways and the concrete —downtown is prominent.

    We studiously avoided shooting downtown; it’s the easiest place to shoot, they will give you a permit there in a second, but we didn’t want to shoot there because everyone shoots down there. Just like we didn’t want to shoot at Hollywood and Vine, just like we didn’t want to shoot the big landmarks.

    We wanted to show the functional side of the city, the strip-malls and the sprawl and the size of it —it just seems to go on forever, but hopefully we also wanted to catch some sort of physical beauty, that at night there is this clarity of light and you can see long distances. So we used great depth of field in the shots rather than soft focus, and we tried to get wide angles as much as possible. Sometimes we were down to 14mm lenses to really make it wide angle, because in an equation sense, the character of Lou is like a nocturnal animal that comes down out of the hills at night to feed. Jake would call him a coyote. That’s sort of the symbolic animal; that’s why he lost all the weight because coyotes are always hungry.

    So Robert Elswit and I were always looking at it as almost like an animal documentary. The landscape that the animal moves through is physically beautiful, even though that might not be the term that you would use to describe our film. I found it beautiful, in the sense that you can see far and the neon lights sort of popped out, and the yellow sodium vapor lights really gave it an interesting sort of glow, so we’re trying to make it look beautiful.

    When Michael Mann was shooting ”Collateral,” they asked him “Why digital?” And his answer was “Because digital picks up 80 different colors in what film reads as ‘black.’” Was that part of the decision to go with video at night?
    The real reason why people are going with digital is that it’s extraordinarily mobile and it’s cheaper and it has a great image, and you just can’t beat it at night. It’s puling in variations of colors, it’s pulling in lights from 40 miles away —a candle would be seen.

    Robert Elswit used the Alexa digital to shoot at night, but we shot our daytime scenes on [35mm] film. And that was a choice that Robert wanted … because he is an extraordinary proponent of film, and when you listen to Robert speak, you realize the level of technology that film has achieved, and the quality of image [that film provides] is a far superior image ultimately under the right circumstances than digital. It’s just not used as much anymore for practical reasons.

    What I love about Lou is that he feels like if you shoved the Great Gatsby under a rock and just fed him self-help books and other forms of bullshit for 50 years, and then saw what crawled out. Where did that whole “achiever” element of Lou’s personality come from?
    I had heard about the nightcrawling world, and I’m very aware that there are tens of millions of young people around the world who are facing bleak employment prospects. Italy has 45% unemployment under 30 —it’s insane. So [I was exploring] idea of a desperate younger person looking for work

    I stared to think about the character, and that he didn’t have to be classically heroic. He could be an anti-hero. I stared to think of the anti-hero; I think you have to be careful and aware that you don’t want it to be a reductive study of psycho-babble. You are looking for something more. You want the audience to connect in a way that goes beyond a just sort of a pathological study. The idea of a character who had an implied back story of abuse and abandonments; I pictured him alone as a child, and all he had was his computer and he was going on his computer a lot surfing —this is the back story. And in his desperate loneliness and probably raging insanity, the precepts of capitalism became a religion to him. If you only had [one] direction to climb, which is up, then to have a goal would give sanity. I imagine he started to scour the internet for self-help maxims and aphorisms, and Forbes 500 corporate-HR manual speak. I believe he’s an uber-capitalist, and capitalism is a religion, it’s a religion that gives him sanity and which ultimately drives him insane and pushes him over the edge. Its’ a mindless pursuit of a goal that can never be achieved. That ultimately leaves only a hunger, which goes back to the coyote —this perpetual hunger that can never be satiated.

    The whole Zen thing of that wanting is to suffer, which capitalism never seems to get, because all capitalism is wanting.
    It’s the perpetual spirit of poverty. I don’t know another system other than capitalism, maybe some mixed socialism thing. I wouldn’t want to hazard what the better system was, but I think we’re entering into this period of hyper free-market [capitalism] that’s becoming very much like the jungle, in which it is acceptable that the weak perish at the hands of the strong, and that’s the way it’s supposed to be. And I feel like the world as I see it —and this is a personal film on a lot of levels— has been reduced to transactions, and that Lou thrives in that world because that’s the only thing that has any relevance to him. And we approach it as a success story of a guy who is looking for work at the beginning and is the owner of a successful business at the end, and the reason I approach it that way is because I didn’t want at the end for the audience at to go, “oh, the problem is this psychopath!” I wanted the audience to go “maybe the problem is the world that created and rewards this character.” Maybe it’s a larger question.

    I keep thinking of “Broadcast News.” There’s that quick line of “you can get fired for that!” and Hurt replies “I got promoted for that!” Everything that Lou does which he knows is wrong, he gets promoted for and gets more success from.
    That context has to do with human manipulation, and manipulation in the news now is rewarded to some degree. Edward R. Murrow is doing pirouettes in his grave right now at the concept that now journalism is now not only manipulating but being driven by that [kind of manipulation].

    The phrase that I love that news people keep coming back to in the film to talk about the kind of stories they want to highlight is “urban crime creeping to the suburbs.” It’s so sanitized, it just suggests geographic creep, but that’s not what it is at all.
    No. On a specific level, it’s bullshit jargon hiding something truly terrifying. It’s perpetuating the myth and the horror that minorities are dangerous. And if you live in a suburban area regardless of your race, you are in danger from these desperate unwashed people who are going to creep over your hedge and somehow harm you and steal your car. That’s the true tragedy of this narrative that’s being presented by the news, when people then go to sleep and wake up in the morning and get in their car, and they encounter “a minority,”or someone who would fall into the category of that narrative of the “urban person.” You don’t approach them in an open, friendly and harmonious way. You look at them as instantly threatening and dangerous.

    And I don’t want to tie it into current top-level stories, but what happened in Ferguson and what’s happening in other cities, where a black person standing alone is perceived and treated as dangerous, and in New York City they are frisked in such outlandish statistical numbers: I feel that there’s a pervasive, fearful narrative that’s being projected on all of us to create negative consequence.

    When capitalism becomes dog eat dog, the problem is a) who wants to be a dog? And b) who wants to eat one?
    Right, you’re going to be one or the other. And Lou is someone who has made peace with it and understands it and has no emotional attachment to thwart him or to slow him down. I find much of my energy in a day is worrying about people I love or myself. I wake up at 3 o’clock in the morning and find myself worrying about myself and friends and stuff and people I’ve encountered. Lou is unencumbered by that, and it gives him great ability to focus in and hunt.

    I know actors often do this, for their character, “I wrote 8 pages of backstory.” Do you write backstory, or do you just let it happen?
    I wrote no back-story for Lou.

    There’s a scene where he’s interviewing Rick for the position, and Rick says “yeah, I’m homeless,” and out of nowhere Lou asks “do you trick?” and he’s very insistent about it. It just filled my mind up with possibilities for Lou …
    When I wrote that moment, because I had no back story, I was definitely trying to imply that Lou had tricked, and that tricking to him had no emotional weight whatsoever. It was something he had done to survive, and he doesn’t live in the world that we live in, in the sense that we put moral judgments on things or we’re burdened by the acts we do. Lou’s like an animal —you do what you need to do to survive, and then you just move on. That was supposed to be in there, and hopefully open up the door that you could look at and say “oh, that’s something they’re revealing about the character.”

    The film uses the language of cinema to get you on Lou’s side; early on, you see him have an altercation with a stranger … and then Lou walks away bearing his victory trophy, with us never seeing the stranger again.
    We wanted the audience to have empathy for the character —and yet we start the movie in a way that he’s doing an act of violence. And that was a little nerve-wracking. I knew it was important to show that side of the character right up front, to not hide that: to put the meat on the table and say “this is somebody who’s dangerous.” But it became a challenge to try and win them back, so in the salvage yard scene, the next scene, he’s so earnestly looking for work, and he’s so polite and so respectful and he so wants a job that I felt those two things opened up a gulf in the audience. The audience is going “oh, at first he’s a criminal … wait a minute, he’s also a young man looking for work, and he seems earnestly responsible …”

    So [we wanted] to keep the audience on their toes about the character. Jake and I never wanted to supply answers for the character; I always imagined the character has a big question mark on his forehead that only gets bigger as the film goes along, so that at the end, you’re even more baffled: what makes him tick? “What Makes Sammy Run?” That’s a great title, and that really sums up that element where in some ways we’re crossing over to this territory: what makes this person tick? And I believe what makes him tick is that —and he feels that it’s okay by the cues and signals he’s received from society— he’s stripped away all emotional connections and looks at the world as a business transaction. And that the bottom line is the only thing that’s important, and if you pursue that, you will be rewarded and loved.

    …And if you were wrong about the bottom line being the only thing that’s important, you wouldn’t be being rewarded.
    I believe —and when I was writing this film, I firmly believed— that if you came back in 10 years, Lou would be running a multi-million dollar, multi-national corporation. Lou would do better in comparison between himself and a corporate head who broke the company apart and put 40,000 people out of work and then went off to build an 8,000-foot square home and wound up on the cover of BusinessWeek Magazine…

    …For increasing shareholder value.
    These attributes are celebrated, and I believe Lou is a small fish compared to other people. And I believe Lou is will do well and thrive when the movie ends.

    It’s the reverse of a canary in a coal mine: The better he does, the worse trouble we’re in.
    Absolutely. I believe it’s only the stupid sociopaths that are caught, and I believe most sociopaths are insanely brilliant in deciphering what human cues need to be manipulated, and the sociopaths know people like lions know gazelles; they know every weakness, they know every smell, they know every element that can be manipulated … and Lou understands people and knows how to do that.

    How tricky was it when you have to shoot Lou shooting news footage?
    It wasn’t difficult in the actual shooting of it, but it became difficult, because usually when we’re shooting over Lou’s shoulder, we’re shooting at the little viewfinder on the camera, and that’s the one time we went soft-focus. We wanted people to focus on that viewfinder, we wanted people to lean in and go “what is that image? What am I looking at?” And that became difficult in post, because sometimes the image that we were shooting didn’t translate practically, and we had to do CGI sometimes, so putting the images in the little viewfinders became an issue.

    But the choreography, the sightlines of the whole Chinese restaurant sequence, and the fact you have to do stunts and effects at a 60-foot remove … that had to be a very tough night.
    It was a very tough night, because we had to practice that in rehearsal, where we had to understand what you could see and what you couldn’t see from our point of view of over Lou’s shoulder, because you’re not in it. You’re spending a lot of money and big stunts are going off, we’re breaking glass, and you’re definitely wondering. We practiced it, though; we measured it out and recreated everything on a soundstage. Robert (Elswit) exactly replicated all the cameras, and he would look and we would shoot and he would say “yes, I can see the gun” —when the guy pulls the gun out from under the table— Robert would say, “yes, from 75 feet away and with this lens, I can see the gun, so we’ll go with that. And we’ll go with this lens for the cops coming in.” We had to plan all that out; that was hard.

    Is this more specifically a movie about media everywhere, or could it only happen in L.A.? Could you have done an East Coast version?
    No … they have nightcrawlers in other urban markets, but they’re not as predominant and prevalent; they’re mostly found in L.A. for a couple reasons. One, at 10 o’clock at night, the local TV news stations let their union crews go, because they get double-time, so there’s a void. Secondly, Los Angeles has enough crime to sustain a good healthy stringer-slash-nightcrawling market, and some of the smaller markets don’t have that. And third, there’s a very large population here of people who watch TV. All those things intersect; you can find some nightcrawlers in other cities, but not to the extent we have them here.

    Really brief question: What are the best movies about media no one knows about?
    Well, there’s one I love which is not dissimilar in terms of tone: “Ace in the Hole” with Kirk Douglas. And I think it says a lot about what people will do to get a story and how you can manipulate a story. Obviously, “Network” —which is probably one of the great films of all time. “Broadcast News” is another one about journalism that I love. “To Die For,” with Nicole Kidman, is great —her desire to be a part of news, how she uses news to further her career and how it can drive you insane. I love that movie.

    Is it a not-great thing that we’re living in an age where people learn how to be human from electronic media? Is that perhaps not to our overall benefit?
    It’s not to our overall benefit, because the internet is a wonderful purveyor and supplier of reams of information, but it rarely gives you any indication of how to use that information or certainly how to interact with people socially. There are websites that do that, but people who are on a search for information don’t often stop at the door and say “how do I use this information?” It’s scary! Information is a powerful tool, and if you don’t get the instruction manual that came with it, it can have negative consequences. And it does, in Lou’s case.

    “Nightcrawler” opens Oct. 31.

    #cinéma #capitalisme #USA #Los_Angeles #crime #télévisin #news

  • « Le #Canada accorde un #dédommagement historique aux peuples autochtones ».

    Excuses, repentir et dédommagements tardifs, mais l’occasion de rappeler le rôle criminel joué par les Églises dans la mise aux pas des peuples.

    Pendant près de cent ans, 150.000 enfants autochtones ont été retirés de leurs familles, envoyés dans une centaine de pensionnats majoritairement catholiques, et coupés de leur langue et de leur culture. Parmi eux, plusieurs milliers sont morts sous l’effet de maladies, d’#abus_sexuels, et de #malnutrition.

    (Les Échos)

    #peuples_autochtones #génicide_culturel #crime #pensionnat #église_catholique #maladie #maltraitance #amérindiens #Commission_de_vérité_et_réconciliation_du_Canada (#CVR) #Premier_ministre #Justin_Trudeau

  • Pegasus, Israël et un massacre d’étudiants mexicains
    Jean-Pierre Filiu - 22 janvier 2023
    https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/01/22/pegasus-israel-et-un-massacre-d-etudiants-mexicains_6158842_6116995.html

    L’exposition « Top Secret », que consacre la Cinémathèque française aux films d’espionnage jusqu’au 21 mai, se conclut par une présentation où la réalité dépasse à bien des égards la fiction. Il s’agit de trois vidéos réalisées par le groupe de recherche Forensic Architecture, avec le soutien de l’ONG Amnesty International et de la plate-forme Citizen Lab, sur l’utilisation du logiciel espion Pegasus, entre autres à l’encontre des journalistes et des défenseurs des droits humains.

    Une de ces vidéos traite du cas du Mexique, et plus précisément de la « disparition » de quarante-trois étudiants, dans le sud-ouest du pays, en septembre 2014. Il est en effet avéré que l’ancien juge Tomas Zeron, dont le rôle avait déjà été essentiel dans l’acquisition de Pegasus par les autorités mexicaines, a tout fait pour saboter l’enquête sur ce crime de masse, le logiciel ciblant les familles et les défenseurs des victimes pour mieux les espionner. Malgré un mandat d’arrêt international, M. Zeron a pu trouver refuge en Israël, dont le gouvernement refuse de l’extrader vers le Mexique.
    Cibler les victimes plutôt que les coupables

    Le Monde a été associé à quinze autres rédactions dans le cadre du « Projet Pegasus », une vaste enquête sur l’utilisation de ce logiciel mis au point et commercialisé par la société israélienne NSO. Il en ressort que « le Mexique a été le premier pays du monde à acheter le logiciel Pegasus », dès 2011, devenant « une sorte de laboratoire pour cette technologie d’espionnage ».

    Les deux premiers clients officiels de NSO au Mexique ont été deux agences de renseignement, opérant hors de tout contrôle judiciaire. Mais l’acquisition de Pegasus par le bureau du procureur général de la République, Jesus Murillo Karam, banalise l’utilisation de ce logiciel, avec quelque 15 000 personnes espionnées de 2014 à 2017. L’homme-clé dans cette judiciarisation de Pegasus est M. Zeron, nommé en 2013 par M. Murillo Karam à la tête de la toute nouvelle Agence d’investigation criminelle (AIC).

    #Pegasus #IsraelMexique

    • En septembre 2014, quarante-trois étudiants de l’école normale d’#Ayotzinapa, partis en autobus manifester à Mexico, « disparaissent » après avoir été attaqués par la police locale. M. Zeron est chargé, au nom de l’AIC, de faire toute la lumière sur ce drame qui suscite une immense émotion au Mexique. Il affirme que des policiers véreux auraient livré les étudiants à une bande de narcotrafiquants qui, les prenant pour des membres d’un cartel rival, les auraient massacrés, avant d’incinérer leur dépouille dans une décharge municipale. Telle est la version officielle de ce carnage, que M. Zeron répète sous le nom de « vérité historique ».

      Tous ceux qui osent la contester se retrouvent visés par le logiciel Pegasus, qu’il s’agisse de proches des victimes, de journalistes d’investigation ou de militants associatifs. Cet espionnage s’étend aux experts internationaux dont la contre-enquête, mandatée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, est accablante pour les autorités mexicaines. M. Zeron, explicitement mis en cause, quitte l’AIC pour être rattaché au cabinet du président Peña Nieto, ce qui lui assure l’impunité.

      Une demande d’asile politique en Israël

      En décembre 2018, Andres Manuel Lopez Obrador, qui avait lui-même été espionné par le biais de Pegasus, devient président de la République. M. Zeron, dont les protections haut placées disparaissent avec cette alternance politique, ne tarde pas à fuir son pays vers le Canada, puis Israël. En juin 2020, Interpol émet, à la demande du Mexique, un mandat d’arrêt international contre M. Zeron, accusé de dissimulation de preuves, de modification de lieu du crime, de torture et de disparition forcée.

      Peu après, la découverte des restes de l’une des victimes porte le coup de grâce à la « vérité historique » du magistrat déchu. En août 2022, c’est son ancien supérieur, M. Murillo Karam, qui est poursuivi pour « disparitions forcées, torture et obstruction à la justice ». Se précise la piste d’un crime d’Etat, avec collusion entre militaires et narcotrafiquants. M. Zeron, toute honte bue, dépose une demande d’asile politique en Israël.

      Le site israélien Calcalist affirme que M. Zeron réside dans un quartier huppé de Tel-Aviv, avec le soutien d’un homme d’affaires en vue dans le secteur de la cybersécurité et de la géolocalisation. Le Mexique a multiplié depuis deux ans ses démarches pour qu’Israël lui livre M. Zeron, même en l’absence d’un traité d’extradition entre les deux pays.

      Selon le New York Times, Israël refuse de donner suite aux demandes mexicaines afin de sanctionner le soutien de Mexico à une commission d’enquête de l’ONU sur les violences dans les territoires palestiniens occupés. Le blocage est tel que des émissaires mexicains se rendent à Tel-Aviv et tentent en vain de négocier avec M. Zeron lui-même son retour au pays. Cette situation provoque l’indignation des familles des victimes d’Ayotzinapa, qui accusent « Israël de protéger Tomas Zeron, malgré ses violations des droits humains et sa torture de détenus ».

      Il y a trois semaines, le Mexique a encore voté à l’ONU en faveur d’une saisine de la Cour internationale de justice sur l’occupation israélienne des territoires palestiniens. M. Zeron a sans doute toutes les raisons de se croire intouchable dans son exil doré à Tel-Aviv.

      https://justpaste.it/5j7gh

      #disparitions_forcée #Mexique #crime_d’Etat #Israël

  • U.S. Warms to Helping Ukraine Target Crimea
    https://www.nytimes.com/2023/01/18/us/politics/ukraine-crimea-military.html

    The new thinking on Crimea — annexed illegally by Russia in 2014 — shows how far Biden administration officials have come from the start of the war, when they were wary of even acknowledging publicly that the United States was providing Stinger antiaircraft missiles for Ukrainian troops.

    But over the course of the conflict, the United States and its NATO allies have been steadily loosening the handcuffs they put on themselves, moving from providing Javelins and Stingers to advanced missile systems, Patriot air defense systems, armored fighting vehicles and even some Western tanks to give #Ukraine the capacity to strike against Russia’s onslaught.

    Now, the Biden administration is considering what would be one of its boldest moves yet, helping Ukraine to attack the peninsula that President Vladimir V. Putin views as an integral part of his quest to restore past Russian glory.

    [...] Still, despite the additional weaponry, the Biden administration does not think that Ukraine can take #Crimea militarily — and indeed, there are still worries that such a move could drive Mr. Putin to retaliate with an escalatory response. But, officials said, their assessment now is that Russia needs to believe that Crimea is at risk, in part to strengthen Ukraine’s position in any future negotiations.

    [...] “It feels to me like increasingly, the administration is recognizing that the threat of Russian escalation is perhaps not what they thought it was earlier,” General Hodges said.

    While Ukrainian strikes inside Russia proper still bring escalatory concerns from U.S. officials, Moscow’s reaction to periodic Ukrainian special operations or covert attacks in Crimea, including against Russian air bases, command posts and ships in the Black Sea fleet, has been tempered.

    “There is more clarity on their tolerance for damage and attacks,” said Dara Massicot, a senior policy researcher at the RAND Corporation. “Crimea has already been hit many times without a massive escalation from the Kremlin.”

    Still, Mr. Putin and the Russian public view Crimea as part of Russia, so strikes there could solidify Russian support for the war.

    [...] Ms. Massicot said none of Ukraine’s handful of attacks on Crimea so far have threatened Russia’s ability to maintain its claim on the peninsula. “So they may not be an accurate test of Russia’s resolve on this point,” she said.

  • Plaqué au sol, tasé à 10 reprises : la police tue le cousin d’une fondatrice de Black Lives Matter
    https://www.revolutionpermanente.fr/Plaque-au-sol-tase-a-10-reprises-la-police-tue-le-cousin-d-une-

    Keenan Anderson, cousin de la co-créatrice de Black Live Matter et militant antiraciste, a été tué par la police de Los Angeles ce 13 janvier. Un nouveau meurtre policier qui vient rappeler le racisme et la violence qui structurent cette institution.

    #police #crimes_policiers #acab #blm #black_lives_matter #racisme

  • La République populaire de Crimée (1917-1918)

    En 1794, Hryhoriy Potemkin écrivait : « Retirez les Tatars de Belbek, Kacha, Sudak, Uskut, de la vieilleCrimée, et généralement des régions montagneuses ; parmi les Tatars qui vivent dans les steppes, personne ne doit être laissé en arrière ; et si l’un des Maures souhaite partir, il doit être immédiatement ajouté à la liste appropriée et recevoir l’ordre de partir dans les 24 heures. » Cette note explique beaucoup de choses. C’est ainsi que le grand déplacement de la population tatare a commencé. Selon des sources turques, sur les 1,5 million de Tatars qui vivaient en Crimée au 18e siècle, il en restait 250 000 au début du 20e siècle. Les Tatars de Crimée ont beaucoup souffert de l’impérialisme russe, mais en 1917, le mouvement national tatar a eu une chance de se libérer.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/01/07/la-republique-populaire-de-crimee-1917-1918

    #histoire #crimée #tatar

  • B’Tselem בצלם بتسيلم sur Twitter

    Fast-tracked war crime: Today the Israeli District Coordination and Liaison Office (DCO) notified the Palestinian DCO that in the coming days, about 1,000 Palestinians from Masafer Yatta whose land was designated “Firing Zone 918” will receive notices to evict their homes." / Twitter
    https://twitter.com/btselem/status/1609935453553315840

    Forcible transfer of protected persons in occupied territory is a war crime. Therefore, the Israeli ‘offer’ of an alternative is meaningless. It is a violent threat that leaves the residents with no choice.

    #crimes #sionisme

  • #Chine : le drame ouïghour

    La politique que mène la Chine au Xinjiang à l’égard de la population ouïghoure peut être considérée comme un #génocide : plus d’un million de personnes internées arbitrairement, travail forcé, tortures, stérilisations forcées, « rééducation » culturelle des enfants comme des adultes…
    Quel est le veritable objectif du parti communiste chinois ?

     
    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/64324

    #Ouïghours #Xinjiang #camps_d'internement #torture #stérilisation_forcée #camps_de_concentration #persécution #crimes_contre_l'humanité #silence #matières_premières #assimilation #islam #islamophobie #internement #gaz #coton #charbon #route_de_la_soie #pétrole #Xi_Jinping #séparatisme #extrémisme #terrorisme #Kunming #peur #état_policier #répression #rééducation #Radio_Free_Asia #disparition #emprisonnement_de_masse #images_satellites #droits_humains #zone_de_non-droit #propagande #torture_psychique #lavage_de_cerveau #faim #Xinjiang_papers #surveillance #surveillance_de_masse #biométrie #vidéo-surveillance #politique_de_prévention #surveillance_d'Etat #identité #nationalisme #minorités #destruction #génocide_culturel #Ilham_Tohti #manuels_d'école #langue #patriotisme #contrôle_démographique #contrôle_de_la_natalité #politique_de_l'enfant_unique #travail_forcé #multinationales #déplacements_forcés #économie #colonisation #Turkestan_oriental #autonomie #Mao_Zedong #révolution_culturelle #assimilation_forcée #Chen_Quanguo #cour_pénale_internationale (#CPI) #sanctions

    #film #film_documentaire #documentaire

  • Emission de #radio du avec des membres du réseau « Entraide, Vérité et Justice » |
    https://laparoleerrantedemain.org/index.php/2022/12/05/emission-de-radio-avec-des-membres-du-reseau-entraide-verite-

    Les 12, 13 et 14 décembre 2022, aura lieu le procès [en cour d’assises !] du policier accusé d’avoir mutilé Laurent Théron lors d’une manifestation du mouvement contre « la Loi-Travail ». Pour soutenir Laurent et les autres victimes de la #police, un procès populaire de la police, de la #justice et de l’#Etat sera également organisé avant les audiences au tribunal, le 11 décembre de 14h à 18h.

    A cette occasion, une émission de radio a été réalisé le 27/10/2022 avec des membres du réseau d’Entraide, Vérité et justice, Christian, Fatou, Mélanie et Isaac, au studio son de la #Parole_errante. L’entretien revient sur l’histoire des mobilisations contre les crimes racistes et sécuritaires, l’importance d’articuler combats judiciaires et luttes sociales et de faire exister le récit de celles et ceux qui font face aux #violences_d’Etat.

    Bonne écoute et venons nombreux le 11 décembre à la Parole errante, puis les 12, 13 et 14 décembre au procès du policier-tireur pour soutenir Laurent et toutes celles et ceux qui font face à la violence d’Etat.

    #Laurent_Théron #maintien_de_l'ordre #crimes_racistes_et_sécuritaires #violences_d'État